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Full text of "Annales médico-psychologiques"

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AlALES  lli)iCO-PSYCUOLOGl|Ji]ES. 

JOURNAL 

DE 

L’ALIENATION  MENTALE 

ET  DE 

LA  MEDECINE  LEGALE  DES  ALIENES. 


AWNALES 

MEDICO-PSYCHOLOGIQUES 

JOlIlinL  DESTINE  K  EECUEILLIR  TODS  LES  DOCUUENTS 
RELATIFS  ^ 

L’ALIENATION  MENTALE 

AUX  NEVROSES 

ET  A  LA  mEDECINE  LEGALE  DES  ALIENES 


BAILLARGER 

CERISE 


l’ecole-de-medecine 


1867 


JOCtaf  _V3  j  ; 

L’iVLIENATIO^-UftNfALE 


LA  MEIDEGINE  LEGALE  DES  ALIENAS. 


PATttOLOGlE. 


LES 

CRETINS  ET  LES  GAGOTS 

DES  PYRENEES 

Par  le  doc  (ear  AUZOKJlf, 

Direcleui'-rnddeciti  oii  chef  do  IWile  puhlic  d’olidnds  de  Pau, 
membre  corrbspondant  de  la  Socidtd  iflddiceipsycholo^que. 


Daivs  un  pr6c6deiit  tribut  de  eollaboraiioti  aas  Abtefes  me- 
’dico-psychologiques  (jauvier  1883)-,  nous  avons  exatilittiS  I’gtat 
iUtelleciuel  des  pemnts,  oii  simpleS  d’esprit.  Cbblinuaut  a  tieS" 
ceiidve  l’6chelle  psyGhitpie,  iWus  aVoils,  depuis  Ibfs,  recublUf 
les  eigtiieim  d’ane  6tude  sur  les  cr^tiifiS  et  les  cagoU  dea  Pyr6=- 
n6es,  et  de  leap  Gompafaisob  avec  les  dfishfirilgs  du  tnSme 
gefti'e  que  ftous  avibiis  bbsee^gs  dans  d’auttbs  pggions  de  la 
Fl’aftcGi 

CiUiiitiencoils  pai'  gtabUf  iju’d  n’y  a  pbitt't,  feiitpe  les  Grgtliis  et 
les  cagots,  I’aiialogie  qu’ont  supposee  quelques  auteurs,  bt  ebtPe 
ANNAh.  MED.-PSYCH.  4“  scric,  t.  IX.  Jamvier  1867.  1.  1 


LES  CRfiTINS 


EES  CAGOTS 


autres  M.  Ozanam  et  M.  Fabre  de  Meironnes.  Sur  la  foi  de 
ces  auteurs,  nous  avions  d’abord  era  nous-mfiine  a  la  presque 
synonymie  de  ces  deux  mots,  mais  robservatiou  sur  les  lieux 
nous  a  proinptement  disabuse  a  cet  egard,  et  nous  a  d6montre 
dans  quelle  grave  erreur  nous  fitions  tombfi. 

Les  erdtins  et  les  cagots  se  trouvent  dans  diverses  localitds, 
au  sein  des  Pyrdndes,  mais  des  diffdrences  fondamentales  exis¬ 
tent,  au  physique  et  au  moral,  entre  ces  deux  categories  d’in- 
fortunes.  Le  erdtin  est  une  race  ddgenerde  qui  a  subi  uii  arret 
de  ddveloppement  dans  ses  facultds  intellectuelles  et  dans  sa 
conformation  extdrieure.  II  est  susceptible  d’amdlioration  phy¬ 
sique  et  morale,  et  exceptionnellement ,  meme  de  gudrison. 
Le  cagot,  au  contraire,  jouit  d’une  conformation  presque  nor- 
male ;  il  est  issu  d’une  race  raaudite,  honnie  par  les  populations 
au  milieu  desquelles  elle  s’est  perpdtude  sans  s’y  meler.  II  a 
conserve,  ii  travers  les  gdndrations  et  les  sidcles,  les  stigmates 
propres  ii  son  origine.  Ce  n’est  pas  un  malade,  et  il  n’a  pas  de 
gudrison  a  attendre ;  cependant  la  situation  anormale  dont  il  a 
hdrite,  attend,  dejour  enjour,  sa  modification  du  perfection- 
nemeut  des  moeurs  publiques  dans  les  contrdes  qu’il  habile. 

La  constitution  gdologique  du  sol  ayant  sa  part  d’influence 
dans  la  production  des  deformations  corptfrelles,  des  alterations 
somatiques,  il  est  utile  de  dire  quelques  mots  de  la  composition 
des  roches  et  des  terrains  pyrdndens. 

Nous  avons  eu  rdeemment  la  rare  bonne  fortune  de  voir  nos 
observations gdologiques  acqudrir  plus  de  precision,  par  suite 
de  . la  presence  de  la  Socidtd  gdologique  de  France,  qui,  en 
octobre  1866,  est  venue  explorer  les  Pyi-endes.  Prdsidde  par 
•  M.  Leyinerie,  professeur  k  la  Facultd  des  sciences  de  Toulouse, 
la  Commission  d6sign6e  par  cette  Socidtd  savante  a  tenu  ses 
assises  dans  plusieurs  villes  de  nos  ddpartements  de  la  frontiere 
franco-espagnole,  et  notamment  k  Bayonne,  Orthez  et  Pau. 
Void  le  rdsumd  succinct  de  nos  dtudes  sur  la  gdologie  des 
Pyrdndes, 


DES  PYRfiNeES. 


Gomme  dans  presque  toiites  les  montagnes  du  globe,  le  ter¬ 
rain  primitif  on  granitique  se  rencontre  partout  et  constitue 
d’immenses  zones,  suivant  les  ondulations  des  soulfevements 
firaptife,  qui  out  amene  la  formation  des  Pyr^nfies.  La  plupart 
de  celles-ci  son t  form^es  de  couches  stratififies,  d6pos6es  & 
diverses  6poques,  inais  il  est  certains  pics  presque  exclusive- 
ment  composes  de  masses  6ruptives  (granits,  porphyres, 
ophites), que  I’on  trouve  a  la  surface  du  sol.  Le  pic  du  Midi  de 
Pau,  en  particulier,  est  entiferement  form6  de  porpliyre  vert. 
Les  ophites  jouent  un  grand  role  dans  la  composition  de  la 
plupart  de  nos  pics  les  plus  61ev6s;  et  surtout  dans  la  formation 
des  sources  thermales,  des  bitumes  et  des  sels  gemmes,  exploi¬ 
t's  sur  tant  de  points  divers  de  cette  region. 

Ces  ophites,  ou  roches  trapp6ennes,  ont  soulevS  les  terrains 
cr^tac^s  et  nummulitiqiies;  elles  ont  fait  irruption  avant  le 
depot  des  terrains  tertiaires  moyens,  dont  les  couches  horizon- 
tales  enveloppent  la  base  des  Pyr6n§es.  Les  formations  tertiaires 
s’arretent  generalement  au  pied  des  montagnes,  sans  entrer, 
comme  la  craie ,  dans  la  composition  d’une  partie  de  leur 
masse.  Les  Pyr6n(5es  ont  pris  leur  relief  actuel  apres  la  p6riode 
du  depot  des  terrains  cr6taces,  dont  les  couches  redressfies 
s’elevent  sur  leurs  flancs  ou  atteignent  meme  jusqu’au  voisinage 
deleurs  cretes,  et  avant  la  pdi'iode  du  d6p6t  des  couches  ter¬ 
tiaires  de  divers  ages  qui  s’4tendent  ii  leur  pied.  Get  ensemble 
magnifique  de  pics  et  de  gibbosit4s  de  toutes  formes,  qui 
s’4levent,  h  la  Maladelta,  jusqu’a  3482  metres,  et  au  Vigne- 
male,  jusqu’k  3398  metres,  a  4t4  form4  entre  la  pfiriode,  ter- 
tiaire  et  la  p4riode  cr4tac4e  infSrieure. 

Dans  les  Pyr6n4es  centrales,  on  remarque  principalement  le 
terrain  de  transition  (terrain  dominant  dans  toute  la  chaine),  el 
quelques  terrains  Iriasiques  intercalds.  Le  terrain  de  transition 
(silurien  et  devonien)  est  composfe  de  schistes  argileux,  de  cal- 
caires,  de  brSches  calcaires,  de  quartz,  de  grawackes  com¬ 
munes  ou  schisteuses.  Ges  terrains  de  transition  forment  des 


LES  CRfiTlNS  ET  LES  CAGOTS 


band®  qui  fe’appuient  Bur  les  terrains  priinitifsi  recoiivraat  le 
granite  le  ealcaire  primilif  on  le  sehiste  mioaedi  fce  terrain 
Sfenondaitb*  plus  rare  que  le  prdc6dent  vers  le  centre  de  la 
fehalnej  offre  irois  fPl-maiionB :  celles  du  gres  rouge*  du  ealcaire 
jurassique  et  du  ealcaire  alpin.  11  recouvre  indisiinctement  le 
terrain  primitif  ou  celiii  de  transition. 

Daiis  les  vallSes  du  centre  dotnine  le  calcairej  et  parfois  le 
ealcaire  magndsien,  supelpos6  a  I’etage  du  trias  habituelletnent 
designe  sdus  le  notb  de  marnes  irisees.  Ces  marnes  argileuseS 
oil  argilo-sehisteuses  Bont  impermfeables  et  se  confondentj  dans 
les  bas-fonds  et  la  plaine*  avec  de  vastes  gisements  du  poudingiie 
a  eiemenls  caleaii-es  de  Paiassou^  qui  cOnstitue  la  demiero 
assise  de  celte  chaine.  G’est  sous  ce  poddingue  qiie  la  SoeiCtO 
geologique  d  reconnu  rexistence  des  nuramulitesj  dfepuis  Pau 
Jusque  dans  I’Aude  et  les  Pyrdn&es-Orieniales. 

Ises  terrains  secortdaires  sont  surtout  apparents  a  I’eSt  et  h 
i’ouest  de  ia  ehaine  pyrendenne.  NdanmoinS,  on  constate  silr 
le  pie  du  midi  de  Bigoire,  qui  est  au  centre*  et  sur  le  pic  de 
<Jar  (Haute-Garonne)*  I’existence  de  quelques  zones  de  terrain 
lurasSique.  Dans  le  Roussillon*  et  aussi  dans  la  partie  occideii'- 
tale  deS  Basses-P.yrdndes,  se  trouVent  d’iminenses  bones  de  grCs 
■rouge.  G’est  an  voisinage  des  grds  rouges  que  sO  rencontrOnt 
habiluellement  les  terrains  liouillers.  Mais*  sous  ce  rapport,  les 
recherehes  feifes  dans  les  Pyr6ndes  franfaisOs  n’ont  jusqu’ici 
conduit  qu’a  des  deceptions.  Ise  horn  basque  de  &arcjon^y  (val- 
IderOuge)  designe  tout  d’afaord  les  grdsrOuges  a  1’ attention  du 
gdologue.  L’esploration*  au  point  de  vue  scifetttifiqiie  et  indus- 
triel  de  cette  partie  de  nos  montagnes,  a  fait  reconnaitre  que 
les  gisertients  houiliers  n’y  existent  qu’a  I’dtat  de  trds-fare 
exception?  encore  sont-ils  tres-paiivres  en  'conibiistible*  La 
houille*  exploitde  sur  le  versant  espagnol*  est  rai’B  aussi  et 
d'assez  mediocre  qualitO. 

A  la  Rbune*  prfes  de  Sare*  le  gres  rouge  apparaft  aii-desSus 
de  scliistes  ferdatres  (devoniens^*  et  forme  la  masse  de  la  mon- 


DBS  PYR£n£ES. 


tague.  Au  and  de  ee  massif,  existe  une  zone  marginale  de 
kaolin  (lerre  &  porcelaine)  et  de  ealcaires  cristallins. 

Ainsi  que  I'a  fort  bien  remarqu6  M,  le  docteur  Morel,  la  terre 
de  predilection  du  cretinisrae  est  celle  ofi  domine  le  calcaire 
magnesien,  et  on  Targile  forme  dans  le  sous-soi  une  coucbe 
impermeable,  qui  entretient  dans  ratmospbere  ambiante  une 
cause  permanente  d’bumidiie.  Les  eaux,  compieiemem  depoui'r^ 
jues  d’iode,  sont  generalemenl  froides,  dures,  crues,  et  cuisent 
inal  les  Idgumes.  M.  Boussingault  leur  reprocbe,  en  outre,  un 
etat  de  d6soxygenalion  qui  favorise,  cbez  ceux  qui  en  usenf,  la 
formation  du  goitre  et  le  lymphatisme. 

On  peut  done  dire  avec  certitude  que  la  oonslitutiou  miiiAT 
ralogique  du  spl,  dans  les  valldes  form6es  de  calcaire  magnesien 
avec  aouS’Sol  marneux,  predispose  k  cette  intoxication  du  sya? 
Ibrne  nerveux  dont  parle  I’eminent  medecin  de  SainUfop, 
yoila  pourquoi  le  goitre,  si  frequent  parmi  les  populations 
pyreneennes,  varie  en  intensite  selon  les  regions  ou  on  bob? 
serve.  La  ou  les  elements  geplogiques  et  climateriques  qui  en 
favorisent  la  propagation  sont  moins  abondants,  on  yoit  dimir 
nner  proportionnellemeut  I’endemie  strumeuae.  Plus  rare  dans 
les  valiees  du  Roussillon,  elle  le  deviant  moips  k  mesure  qu’en 
s’avance  vers  I’ouest,  dans  les  valiees  de  I’Anege,  dji  §alat,  du 
Gastillonnet,  de  Lucbon,  de  I’Arhmiste,  W,ais  I’bypertropUie 
lliyroidienne  acquierl  son  maximum  d'inlensite  et  de  fre? 
quence  dans  les  valiees  d’Aure,  de  Campan,  de  Lavedan,  d’Qs- 
sau,  et  diminue  dans  les  valiees  plus  occidentales  d’Aspe,  de 
Baretons,  de  la  Navarre  et  do  pays  basque,  dans  les  arrondisT 
sements  de  Mauieon  ef  de  Bayonne.  Les  valiees  du  yersant  nord 
de  la  cbaine  ne  sont  pas  seules  atleiptes  par  raffectign  strur 
mouse.  Le  versant  meridional  ou  espagnol  lui  fournit  aussi  un 
large  tribut,  car  le  goitre  est  endemiqpe  dans  les  valiees  de 
B.astan,  d’Aran,  d’Andorre,  dans  la  Gerdagpe  espagnole,  dabs 
la  baute  Navarre  et  le  baut  Aragon. 

En  somme,  le  goitre  et  le  cretinisme,  qui  marche  l.rop  sou- 


LES  cretins  ET  LES  CAGOTS 


vent  ^  sa  suite,  se  plaisent  surtout  dans  les  terrains  ai'gilo-cal- 
caires  et  les  marnes  iris6es,  mais  ne  sevissent  point,  ou  sevissent 
peu,  dans  les  terrains  a  gres  rouges,  appel^s  rougiers  dans 
quelques  parlies  de  la  France. 

Cette  double  endfimie,  triste  apanage  de  cerlaines  vallees, 
ii’etend  pas  ses  ravages  dans  les  plaines  qui  leur  succ&dent; 
elle  6pargne  aussi  les  populations  robustes  qui  resident  sur  la 
montagne.  Le  cr6tinisnie  est  inconnu  h  800  metres  d’el6vation 
au-dessus  du  niveau  de  la  iner,  et  aussi  ii  une  altitude  inferieure 
a  300  metres. 

Passant  maintenant  a  un  autre  ordre  de  fails,  nous  signale- 
rons,  avec  notre  collfegue  et  ami  le  docteur  Gerard  Marchant, 
I’extrgnie  vari6t6  des  populations  qui  habitent  les  diverses  par- 
lies  de  la  chaine.  Les  idiomes  varient  a  I’infini,  et  quelquefois 
de  canton  a  canton  limitrophe  on  ne  se  comprend  plus.  Tandis 
que  dans  le  Roussillon  on  parle  Catalan,  dans  I’Arifige)  la  vallfie 
de  la  Garonne  et  les  Hautes-Pyrdn6es  les  patois  gascon  et  lan- 
guedocien  dominent,  pour  faire  place  dans  le  Lavedan  et  la 
vallfie  d’Ossau  Si  I’idiome  b6arnais,  empreint  de  tournures  et  de 
locutions  espagnoles.  Wais,  des  qu’on  entre  dans  I’arrondisse- 
ment  de  MaulAon,  ce  n’est  plus  seulement  un  nouvel  idiome 
que  Ton  entend,  c’est  une  langue  mbre,  et  qui  n’a  de  rapport 
avec  aucune  langue  connue.  L’habitant  de  Pau  est  aussi  im- 
puissant  h  coraprendre  le  basque,  s’il  n’en  a  fait  une  6tude 
longue  et  approfondie,  que  le  serait  un  paysan  auvergnat  a 
interpreter  le  chinois.  Cette  variete  de  langage  n’indique-t-elle 
pas  dejii  des  origines  diverses?  etle  docteur  G.  Marchant  n’est- 
il  pas  dans  le  vrai,  lorsqu’il  enonce  comme  il  suit  le  resume  de 
ses  observations  sur  les  mnntagnards  des  Pyrenees  ? 

0  1“  L’homme  est  d’autant  plus  petit,  moins  fort  et  plus  irid- 
gulierement  conformd,  qu’il  habite  une  valiee  plus  inferieure  et 
plus  profonde,  et  que,  dans  cette  valiee,  il  se  rapproche  plus 
du  centre  ou  bas-fond. 

»  2°  A  une  hauteur  egale,  il  est  plus  grand  et  plus  fort. 


DES  PYRfilN£ES. 


lorsqu’il  vit  sur  des  coleaux  ou  des  pentes  que  lorsqu’il  habile 
des  vall6es. 

))  3"  Sa  taille  est  beaucoup  plus  pelite  et  sa  conformation  plus 
irr^gulifere,  si,  dans  cette  vallee,  il  occupe  Tangle  rentrant 
form^  par  la  saillie  d’une  moniagne. 

»  h°  Plus  les  pentes  ou  les  vall6es  sont  sup6rieures,  plus  les 
populations  qui  y  habitent  pr^sentent  des  apparences  de  force, 
de  sant6  et  d’harmonie  dans  leur  conformation  physique. 

»  5“  A  mesure  que  les  vall6es  s’§largissent,  que  les  mon- 
tagnes  qui  les  bornent  s’61oignenl  ou  s’abaissent,  on  observe 
chez  leurs  habitants  une  taille  plus  61evee  et  une  constitution 
plus  robuste. 

»  6“  Le  type  physique  de  la  population  pyr6n6enue  est  d’au- 
tant  plus  parfait,  que  cette  population  s’61oigue  du  centre  de  la 
chaine  et  qu’elle  se  rapproche  de  la  mer. 

»  1°  Ce  type  est  plus  beau  a  Textrdmit6  occidentale  de  la 
chaine  qu’a  son  extr^mite  orientale.  » 

Les  propositions  ainsi  formul^es  par  Thonorable  directeur-m6- 
decin  de  Tasile  de  Toulouse  nous  paraissent  incontestables  pour 
tout  physiologiste  qui  aura  soigneusementobserveles  populations 
de  ces  contrees.  Un  homme  dont  les  opinions  ont  une  grande 
autorit6  pour  tout  ce  qui  se  rapporte  h  Tethnologie  et  a  la  lopo- 
graphie  des  Pyr6n6es,  Tauteur  des  meilleurs  Merits  sur  ce  pays, 
a  T6tude  duqnel  il  consacra  plusieurs  ann6es  de  sa  vie,  Bamond, 
avail,  des  la  fin  du  siecle  dernier,  conslat6  la  multiplicity  des 
races  qui  peuplent  les  Pyr6nyes  francaises.  Quoique  irois  quarts 
de  siecle  se  soient  ycoulfis  depuis  les  premieres  publications  de 
cet  yminent  observateur,  ses  opinions  n’ont  pas  vieilli,  et  nous 
sommes  amen6  a  proclamer  la  sinc6rity  et  la  justesse  de  ses 
appryciations,  principalement  au  sujet  du  perfectionnement 
physique  des  montagnards,  ii  mesure  que  Ton  s’yioigne  des 
Pyrynyes  centrales,  od  la  profoudeur  des  valiyes,  la  composition 
gyologique  des  terrains,  la  quality  des  eaux,  les  conditions 
bygiyniques  de  Texistence,  Thumidiiy  du  climal,  le  dyfaut  de 


LES  CRETINS  ET  LES  CAGOTS 


croisement  des  races,  etc. ,  nuisent  au  ddveloppement  de  I'indi- 
vidu,  et  favorisenten  permanence  ia  production  du  goitre  et  du 
crfitinisrae. 


Des  cretins.  Le  goitre  et  le  or^tinistne  sopt  deu.<i  affections 
distinctes,  mats  ayant  cependant  entre  elles  certaines  conuexit^s. 
Elies  sont  end6miques  dans  les  inemes  contr6es,  et  semblent 
avoir  quelques  causes  d'origine  communes.  Le  cr^tlnisme 
n'existe  chez  le  goitreux  que  comme  une  exception  relative- 
ment  rare,  tandis  que  le  goitre  existe  le  plus  souvent  chez  le 
cr6lin,  dans  les  Pyr6n6es,  ii  I’^tat  de  complication  patliologique. 
L’6tude  de  la  d6g6n6resoence  cr6tiiieuso  dans  les  Pyr6n6es, 
nous  a  6td  facilit^e  par  un  s^jour  remontant  c16j>t  a  sept  annees 
au  pied  de  ces  montagnes,  par  de  noinbreuses  excursions  au 
sein  des  vall6es  ou  elle  sdvit,  enfin  par  de  frequents  rapports 
verbaux  ou  epistolaires  avec  nos  honorables  confreres  de  ce 
beau  pays. 

Nous  comprenons  sous  la  denomination  generalcmeni  admise 
de  cretins,  tous  les  individus  atteints,  k  divers  degres,  d'arrSt 
de,  developpement  physique  et  moral,  que  M.  Baillarger  a  desi- 
gn6s,  comme  6tant  atteints  d’idiotie  endemique.  Ce  savant 
maitre  reserve  plus  specialement  le  nom  de  cretips  pour  eeux 
de  ces  d6sh6rites  qui  preseptent  le  caractkre  infantile.  Ceux-ci 
conservent  iudefiniment  les  caracteres  propres  k  I’enfance,  tels 
que  :  Dentition  retardee  ou  incomplete,  puberte  tardive  ou 
supprinaee,  formes  du  corps  molies  et  peu  accusers,  inclinations 
el  gouts  puerils,  voix  greie,  pouls  frequent,  pusillanimite 
instinolive,  systeme  pileux  absent,  etc.,  etc.  Cette  forme  du 
creiiaisme  esl,  en  effet,  la  plus  trancheo;  mais  elle  nc  constitue 
qu’une  assez  faible  proportion  du  contingent  de  cachcctiques 
habituellement  regarde  comme  appartenant  au  lugme  ordre  de 


PES  pifBENfiES,  9 

Parnii  ceqx-ci  existent  differents  degr6s  palhologiques  per^ 
mettant  do  les  classer,  comine  I’ont  fait  la  plupart  des  auteurs, 
en  cretineux,  sei«i-ci'6tin?  et  crdtins  conjplets.-  Ces  trots  denoT 
mjnations  correspondent  ^  dcs  dials  parfailement  caractdrisds 
par  I’arrdt  plus  on  mains  prononcd  du  ddveioppement  physique 
et  de  I’expansiou  intellectuelle  des  sujels.  Considdrant,  avec 
M.  Bailiarger,  I’dtat  infantile  eomme  rexpression  la  mieux  des- 
sinde  du  crdtinisme,  nous  n’admetlona  parmi  les  crdlins  conir- 
plets  que  ceux  qui  se  rapprochent  de  cet  dlat,  ou  qui,  pqssddant 
certains  atlributs  exldrieurs  de  la  viriljid,  n’en  ont  que  le  sem- 
blaut,  ceux  enfin  chez  lesquels  tout  est  a  I’dtat  rudimentaire,  et 
dont  les  manifestatious  sont  purement  instinclives. 

plus  avancds  dans  rdchelle  psychique,  les  crdtineux  arriveut 
it  possdder  quelques  faciles  notions,  et  qnelquefois  it  se  rendre 
utiles  a  leur  entourage.  G’est  entre  ces  deux  degrds.  extremes 
du  crdtinisme  que  I'on  rencontre  les  semi-crdlins ,  dent  les 
facultds  embryonnaires  sont  susceplibles  d’une  certaine  culture, 
Pour  ceux-ci,  arriver  a  I’dtat  de  cretineux  est  ddja  un  progrds 
accompli. 

Le  fait  pathologique  dominant  dans  ccrtaines  valides  pro-- 
fondes  situdes  au  sein  de  presque  toutos  les  raontagnes  du 
globe,  est  nne  ddidrioratiou  physique  eoincidant  souvent  avec 
un  arrdt  de  ddveloppement  ou  une  Idsion  des  centres  nerveux. 
La  ou  la  Idsion  morale  ne  va  point  jusqu’au  crdtinisine,  elle  pent 
parfois  se  traduire  par  des  dtats  ndvropathiques  divers,  parmi 
lesquels  nous  indiquerons,  par  exemple,  la  ndvropathie  dpidd’ 
mique  si  singulidre  qui,  a  diverses  reprises,  a  sdvi  dans  une 
vallde  des  Alpes.  Le  monde  mddical  s’est  dmu  nagudre  de  I’dpi' 
ddmie  ddmonopatbique  de  Slorzines  ( Haute- Savoie ) ,  dout 
M,  rinspeclenr  gdndral  Constans,  et,  apres  lui,  le  docteur 
ILuhn,  out  donnd  de  si  intdressantes  descriplious.  Assurement, 
les  ndvropathisds  de  Morzines  dilTerent  essentiellemcnt  de  leurs 
proches  voisins,  les  erdtins  de,  la  Maurienue,  du  Valaisj  des 
Alpes-Mariiimes,  des  AliJes-Rhdtiques,  mais  |a  consanguinitd 


10  LES  CRfiTINS  ET  LES  CAGOTS 

des  manages  entrelient  parmi  eux  un  6tat  psychique  facheux 
qui  a  peut-Stre  dans  sa  cause  primordiale  plus  d’un  rapport 
avec  I’fitat  mental  des  cagots  dont  nous  parlerous  bienlOt,  et 
produit  1 ’intoxication  nerveuse  pr6mentionn6e. 

Nous  avons  dit  que  le  goitre  et  le  cr6(inisme  coincident  sou- 
vent,  et  sont  endfemiques  dans  les  mOmes  contrees.  On  ne  pent 
nier  qu’ils  se  d^veloppent  sous  I’influence  des  memes  causes. 
Dans  les  Alpes-Rh^tiques,  il  est  telle  vall6e  (Fontanella),  ou  sur 
1300  habitants  on  rencontre  100  goltreux,  parmi  lesquels 
30  cr6tins  et  6  sourds-muets.  A  Moringo,  dans  la  province  de 
Bergame,  sur  600  habitants,  se  trouve  I’enorme  proportion  de 
60  cretins  ou  cretineux,  et  de  21  sourds-muets.  Nous  ne  con- 
naissons  pas,  en  France,  do  region  aussi  frappfie  par  la  d(5g6ne- 
rescence  qni  nous  occupe.  Dans  les  vall6es  d’ Auvergne,  dans 
les  gorges  du  Cantal,  le  goitre  abonde,  mais  les  cretins  y  sont 
assezrares;  plus  commons  au  pied  des  Vosges,  et  notamment 
dans  certains  points  de  la  vall6e  de  la  Meurthe,  ils  le  sont  bien 
davantage  dans  quelques  vallees  des  Alpes  et  des  Pyr6n6es. 
C’est  surtout  au  centre  de  cette  derniere  chaine  que  nous  les 
avons  observes.  La  seule  vallAe  de  Campan  en  compte  de  50 
a  60.  Les  villages  de  Gerde,  d’Asl6,  de  Beaudeant,  de  Campan, 
de  la  Seube,  participent,  a  diveijs  degres,  a  cette  tristealTection. 
A  Bagnferes  mOme,  M.  le  docteur  Costallat  nous  a  montr6  plu- 
sieurs  cretins  bien  complets  au  faubourg  dit  du  Pont-de-Pierre. 
Nous  en  avons  rencontre  quelques-uns  a  Tarbes,  et  I’on  en  voit 
jusqu’au  village  d’Ugnoas,  dans  la  vall6e  de  I’Adour,  a  10  kilo¬ 
metres  en  aval  de  Tarbes.  La  vall6e  de  I’Adour  sup6rieur  serait 
done  le  quartier  principal  du  cretinisme  pyreneen.  Les  vallfies 
voisines,  soil  a  Test,  soil  h  I’ouest,  et  notamment  les  communes 
d’Arreau,  Sarrancolin,  dans  la  valine  d’Aure,  celles  de  Pierre- 
fitte,  Soulom,  Villenave,  dans  la  vall6e  d’Argeies,  renferment 
aussi  un  nombre  beaucoup  trop  grand  de  ces  infortunes.  Cepen- 
dant,  k  mesure  qu’ou  s’Aloigne  du  centre,  dans  chacune  des 
deux  directions,  ce  nombre  proportionnel  s’amoindrit.  Dans 


DES  PYRENEES. 


11 


13' populeuse  vallfie  cl’Ossau,  M.  le  docteur  O.  de  Bataille  (de 
Laruns)  aflirme  qu’il  n’existe  actuellement  que  6  crdtins  ou 
crfitineux,  bien  que  les  goitreux  y  soient  fort  communs.  Dans 
les  autres  vallEes  des  Basses  -  PyrSndes,  ils  sent  encore  plus 
rares,  et  dans  le  pays  basque,  qui  renferme  un  certain  nombre 
de  cagots ,  le  crdtinisme  est  tres-exceptionnel.  Bagnferes-de- 
Luchon,  Saint-B6at  et  les  valldes  de  I’Arifige  ont  des  crdiins 
parmi  leurs  habitants.  Les  docteurs  Marcliant  et  Barri6  les  ont 
observes,  longtemps  avant  uous,  vers  les  sources  de  la  Garonne; 
dans  I’Ariege,  notre  honorable  collegue  le  docteiir  Busquet, 
dlrecteur-iuEdecin  de  I’asile  de  Saint- Lizier,  coufirme  nos 
observations,  en  ddclarant  que  les  crdtins,  assez  iiombreux  dans 
la  vallde  de  Bellongue,  canton  de  Castillon,  le  sent  ddja  bien 
moins  dans  la  vallde  d’Oust,  situEe  it  Test  de  ceile  de  Bellongue. 
II  ajoute  avec  raison  que,  rares  dans  les  vallees  les  plus  infd- 
rieures,  . ils  sent  plus  rares  encore  dans  les  vallees  elevdes,  et, 
au  contraire,  plus  coinmuns  dans  les  valldes  intermddiaires. 

Mais  de  mdme  que  vers  I’ouest,  a  mesure  que  I’on  s’avance 
vers  Test,  on  voit  la  ddgdndrescence  cretineuse  se  rardQer  et 
disparaitre. 

M.  le  .  docteur -Lunier,  inspecteur  gendral,  du  service  des 
alidnds  de  France,  qui  a  explore  les  Pyrenees  en  1865,  a  bien 
voulu  nous  coramuniquer  I’extrait  suivant  des  notes  qu’il  a  re- 
cueilliesdans  I’Arlege  el  la  Hanle-Garonne  : 

«  Diminution  considerable  dn  nombre  des  goitreux  et  surtout 
»  des  cretins,  attribude  par  les  gens  sdrieux  du  pays  aux  meil- 
11  leures  conditions  d’habitation,  de  vdture  et  surtout  de  nourri- 
»  ture;  ouverture  de  routes,  etc.  Cela  m’a  surtout  paru  sen- 
»  sible  a  Montauban,  prds  de  Luchon,  ou  le  curd  n’a  pu  me 
1)  montrer  que  deux  crdlins  de  vingt  h  vingt‘cinq  ans,  et  dans 
1)  le  Castillonnet,  notamment  a  Argein  et  it  Andressein,  oCi  j’ai 
1)  examind  sdpardment  tous  les  cretins  qui  m’ont  dtd  prdsentds 
I)  par  les  autoritds  locales.  Je  n’ai  rencontrd  presque  partout 
1)  que  de  vieux  crdtins  :  ou  n’en  fait  plus,  dirais-je  volontiers; 


\1  LES  CRliTiM  if  LgS  CAGOTS 

n  et  eepen^ant  i  Andressein  et  i  Argeiii  principglement,  les 
>)  conditigua  de,  regime,  do  veture  et  d’hahitaUon  laissent 
«  beaucQup  a  dAairer.  Les  enfaiits,  presque  sans  exception, 
»  marchent  jainbes  et  pieds  nus  dans  la  bone,  et  sont  d’one 

inalproprel^  insigne.  Argein  eat  pins  mallrait^.  qn’Andres- 
»  sein.  Lea  babitations  y  sout  humides  et  inalsaines ;  les  geqs 
»  y  CQuchent  pele-mfile,  pour  ainsi  dire,  avee  lea  bestiaux  etles 
'>  pores.  »  II  eat  facile  de  voir,  par  ce  tableau  fidele  des  habi-' 
I  udes  du  pays,  combien  les  conditions,  hygiAniquea  laisscjit  encore 
^  ddsirer  dans  certaines  localit^s.  II  en  ressort  aussi  la  demons-' 
tration  de  I’importance  du  regime  et  de  I'hygiene,  pour  ame-, 
ner  graduelleinent  la  disparilion  de  reiid6mie  struipeuse  et  ci'A^ 
tineuse,  et  nous  sorames  heureux  de  voir  lea  observations  du 
savant  inspecteur  genfiral  concorder  aussi  complAtement  avec 
les  notres, 

INotre  attention  s’Atant  port6e  sur  I’existence  du  goitre  chez 
Ics  aniinaux  domesliques,  signal(ie  par  M.  Baillarger,  nous 
avons  pu  constater  deux  fois  rhypertropbie  tbyroidienne  dans 
nos  vallees,  et  ebaque  fois  chez  le  mulet,  jamais  chez  le  chien. 
En  revanche,  nous  avons  vu  fort  peu  de  cretins  exempts  de 
goitre.  Quant  aux  nuances  qui  pourraienl  diffArencier  ces 
cachecliques  dans  les  PyrAuAes  d’avec  eeux  qui  se  trouvent 
dans  les  autres  contrAes,  elles  nous  paraissent  assez  diihciles  a 
saisir.  La  dAgAnArescence  devant  Atre  apprAciAe  dans  son  en¬ 
semble  et  dans  ses  dAtails,  I’Atude  de  ces  derniers  nous  semble 
indiquer  plusd’analogies  que  de  dissemblances  parmi  les  crAtins 
de  loute  origine.  Nous  noterons  cependant  cette  observation  de 
Ferrus,  que  gAuAralement  le  crAtipismeestmoins  hideux,  moins 
epracinA,  rpoioB  viyace  dans!  les  PyrAnAes  que  dans  les  Alpes. 
Nous  consiaterops,  avee  M.  Baillarger,  la  coexislence  des  fiAvres 
inlermittentes  et  paludAennes  h  I’Alat  eudAmique,  sur  les  points 
infeciAs  par  le  crAiinisme,  et  la  tendance  an  gonflement  des 
gland.es  naAsentAriques  et  des  viscAres  parenchymateux  chez 
les  hahjianif  de  ces  vallAes.  Les  signes  paihoJogiques  propres 


bus  PX«£i!<6ts^ 


13 

aiix  ct’^tins  tie  pf4sentant  pas  de  varite  pat'iicUlifei'es,  dails  ttos 
r(Bgiens,  Ce  qtie  nous  aliens  eii  dire  poUfrait  auSsl  bleu  s’appli- 
quer  S  celts  quO  hOus  aVolis  Observes  ailleurSi 

D'apCOs  Foderd,  le  hoift  de  Cfetin  derive  de  celili  de  chritien-, 
parce  que  ces  innocents pauVCes  d’esprit  danS  le  Sells  de 
I’^vangilB,  Ollt  eii  pcrspeclive  le  foyaunae  CBlesie.  Datis  cer¬ 
tains  pays,  oil  leS  regards  COinme  deS  predestines,  Bt  Ton  coft* 
sidSle  Cottitiie  UllS  faveuf  dU  ciel  d’eii  posseder  nil.  II  semblS 
qu’ils  portent  bonheur  a  la  fatnille,  qui  parfois  les  vensre 
ceinme  des  saints,  ei  leur  reserve  la  meilleure  part  ei  la  meil‘ 
leurs  place  an  foyer  dottissiique.  Nous  nous  batons  de  dire 
qu’uhe  pareilie  GoilditiOll  faite  aUX  cretills  Sst,  du  IVWins  datts 
les  Pyrenees,  niie  exception  tres-rai'e.  on  les  conserve  dans  les 
families;  il  est  vrai,  parce  qtl’ils  solit  ordinalremellt  inolfeiisifS, 
et  que  leUtS  printipaUx  defaUts  SB  borUent  ti  la  lubricite  et  a  M 
gloutonnerie,  couire  lesqUels  la  societe  pent  assez  faciiement  se 
garantir.  Mais  oil  IBS  Utilise  IB  plus  qu’on  pent  au  profit  dU 
menage,  et  irop  souvent  eii  les  faisani  mendier.  On  les  logo 
dans  quelqUe  recoin  de  rbabilation,  et  Ton  he  Se  preoccUpe 
■gUere  d'ameliorer  lehr  condition  physique  Ou  morale,  hi  de  leS 
soumettre  a  un  traitement. 

La  plupart  d’entre  eux  sont  petits,  Bt  inesureht  tuoins  de 
i*“,30.  Il  en  est  d’autres,  au  contraire,  dont  la  taille  est  greie 
et  eiancee,  mais  c’est  rexceptioii.  on  remarque  presque  ton^ 
jours  dne  cettaine  'exageratiOn,  soil  ett  petit,  SOit  Bh  grand, 
dans  leurs  formes  physiques,  notamiuent  dans  le  volume  de  la 
tete.  Nous  avons  vu  parfois  le  diatnetre  antero-^posterieur  de 
celle-ci  coiisiderablemeiit  allonge,  comme  etire  aux  depens  du 
diamBtre  b^parietal,  qui  Se  trOUVe  reduit  aux  piUS^troites  prO^^ 
porii'OilS,  Ordinairement  leur  front  eSt  Stroit,  ftiyant  }  lent  nez 
court,  epate;  la  bouche  large  et  ponrvue  d’une  dentition  irre= 
guliere  et  rtianvaise ;  le  bas  de  la  figure  plus  large  que  le  haul  ; 
le  regard  morne  et  sans  vivaclte;  le  con  court,  gros  et  presque 
toujovirs  goltreux ;  le  iborax  aplati  Bt  mal  conformed  rabdomen 


LES  CRfiriNS  ET  EES  CAGOTS 


U 

voluniilieux ;  les  articulations  noueuses ;  les  os  longs,  parfois 
grgles  et  d6vi§s;  la  peau  blafafde  ou  bislree;  le  systelne  mus- 
culaire  Basque  et  sans  dnergie.  Ce  n’est  pas  sans  quelque  appa- 
rence  de  raison  qu’on  a  dit  que  leur  physionomie- avail  de  la 
ressemblance  avec  celle  des  batraciens. 

On  trouve,  dans  les  Pyrendes  comme  ailleurs,  beaucoup  plus 
de  crdtiueux  ou  de  demi-crdtins  que  de  crdtins  coraplets.  Chez 
ces  derniers,  I’appareil  de  la  gendralion  est  peu  ddveloppd,  et  le 
systenie  pileux  presque  k  I’dtat  rudimentaire.  Aussi  la  lubricitd 
esl-elle  surtout  I’apanage  ■  des  crdiineux  ou  des  setni-crdlins, 
tandis  que  les  cretins  n’dprouvent  point  d’impulsions  erotiques. 
Ils  ne  sont  pas  susceplibles  d’attachement ;  leurs  rapports 
sociaux  sont  pi utot  bases  sur  I’habitude  et  I’inslinct,  que  sur 
des  sentiments  affectifs  ou  de  faraille.  Le  sentiment  moral 
n’existe  pas  chez  eux,  et  quant  a  la  sensation  physique,  elle 
est  tenement  dmoussee,  qu’ils  sont  presque  inaccessibles  soil  a 
la  douleur,  soil  au  plaisir.  Nous  avons  soumis  k  Taction  d’ap- 
pareils  eleclro-magndtiques  puissants  des  crdtineux  en  traite- 
ment  dans  les  asiles  de  Pau  et  de  Mardville,  et  c’est  a  peine 
s’ils  ressentent  les  secousses  les  plus  dnergiques.  Nous  en  avons 
vu  qui  ne  sentaient  point  Tavulsion  de  leurs  dents,  ni  les  inci¬ 
sions  pratiquees  sur  leur  peau. 

Les  organes  des  sens  fonciionnent  tres-imparfaiteraent  chez 
les  crdtins;  ils  mangentavec  voracitdsans  apprdcierles  aliments 
qu’ils  absorbent,' et,  quand  la  faim  les  presse;  ils  entrent  dans 
des  coleres  toujonrs  cairaees  par  Tassouvissement  de  leur  appd- 
tit.  Leur  parole  est  une  espece  de  grognement  ou  de  son  rauque, 
quelquefois  intelligible  en  parlie  pour  les  personnes  de  leur 
entourage,  habitudes  k  inlerprdter  leurs  manifestations. 

La  raretd  relative,  dans  les  Pyrdndes,  des  crdtins  complets, 
de  ceux  qui  prdsenient  k  Tobservation  le  dernier  degre  de  la 
ddgradation,  de  ceux  qui  ne  gouvernent  ni  leurs  excrdtions  ni 
leurs  sdcrdtions,  qui  menent,  en  un  mot,  une  vie  purement 
vdgdtative,  fait  regretter  i’abandon  ou  on  les  laisse  gdndraleinent. 


DES  PYRENEES.  15 

lls  sont  ici,  de  la  part  des  philanthropes,  I’objet  d’une  pitid 
sterile.  Si  les  Alpes  onl  eu  leur  docteur  Guggenbiilh,  les  Pyr6- 
n6es  attendeiit  encore  le  leur....  Cependant  les  succes  thSra- 
peutiques  enfantes  en  Suisse  par  le  genie  de  ce  bienfaiteur  de 
rhuinanit^,  laissent  entrevoir  ceux  qu’il  serait  permis  d’esperer 
dans  nos  regions,  on  le  cretinisme  est  moins  enracine,  moins 
Atrfeux  (Ferrus).  Aux  scepliques  (s’il  en  est  encore)  qui  per- 
sisteraient  h  soutenir  r6trange  paradoxe  qu’il  n’y  a  pas  de  trai- 
tement  rationnel  h  opposer  a  I’alifination  mentale,  nou.s  con- 
seillerions  uue  visile  a  I’Abendberg  pour  y  voir  I’applicalion 
quotidienne,  d  des  cretins,  de  trailements  assez  rationnels  pour 
guerir,  et  pour  gu6rir  la  lesion  mentale  rdputde  la  plus  incu¬ 
rable  ! 

Le  traitement  applique  ii  I’Abendberg  par  le  gen6reux  phi¬ 
lanthrope  dont  I’art  medical  deplore  aujourd’hui  la  perte,  est 
varie  et  multiple  conime  les  indications  pathologiques. .  Aux 
scrofuleux,  le  fer,  I’iode,  les  preparations  aromatiques,  le 
noyer,  etc. ;  aux  rachitiques,  I’huile  de  foie  de  morue,  I’iodure 
de  fer,  I’iodure  de  potassium,  le  phosphate  de  chaux  quand-il  y 
a  des  rainollissements  osseux;  pour  tous,  une  alimentation 
reguliere,  tonique  et  substantielle  :  telles  sont  h  I’Abendberg 
les  prescriptions  les  plus  usuelles.  L’hydrotherapie,  r61ectricit6, 
la  gymnastique,  fournissent  au  m6decin  un  concours  aussi 
precieux  qu’6nergique.  Le  travail  des  champs,  I’exercice  au 
grand  air  et  au  soleil,  a  une  altitude  de  1200  mfelres  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer,  dans  un  site  dfelicieux  et  salubre,  sont 
aussi  de  puissants  auxiliaires.  Enfm  le  traitement  moral,  le 
traitement  p6dagogique,  sont  appliqufo  avec  une  patience,  un 
zele  et  une  perseverance  qui,  de  plusieurs  sujets  arrives  lit  dans 
la  plus  d6plorable  situation,  ont  fait  des  gtres  utiles,  transformfis 
au  physique  et  amends  Si  poss6der  un  certain  degr6  d’intelli- 
gence.  Les  ingSnieux  precedes  mis  en  oeuvre  Si  I’Abendberg  ont 
produit  chez  des  cretins  les  resultats  curatifs  les  plus  surpre- 
nants.  On  en  a  vu  non-seulement  apprendre  un  mdtier,  mais 


16  LES  CRfitlilS  ET  EES  CAGOTS 

deveilirh  leur  tout’  iilslituteurs  de  leurs  compagnons.  Les  ten- 
tatives  du  docteut  Guggetibuhl  sont  la  cotls6quertce  du  principe 
suivant : 

Le  cretin  est  un  kn  cofniplet  dont  le  d4veloppemeilt  phy¬ 
sique  et  moral  a  414  entrav4  par  des  Causes  multiples.  II  est 
possible  de  remCdier  a  qUelques^Uhes  de  ces  causes  et,  par  cou^ 
s4qUent,  d’ameiiorer  goUveiU  les  cr4tins,  de  les  gu4rir  quelque- 
fois.  L’idiOt,  au  contrSire,' est  UU  kre  incomplet  chez  lequel 
une  ou  plusieurs  parties  du  cerveau  sont  h  r4tat  rudimentaire 
ou  manquent  absolument.  On  ne  pent  perfectioimer  chez  lui 
Ce  qui  n’existe  pas,  II  est  done  vou4  h  I’incurabilitC. 

DCs  SUceCs  souvent  irtOU'is  ont  couronnd  les  essais  faits  ii 
i’Abendberg  :  ils  ont  d4montr4  la  justesse  du  diagnostic  diff4- 
renliel  qui  pr4c4de,  et  des  deductions  qui  ert  dCcOUlent.  Le 
fait  important  de  la  curabilit4  dU  cretinisme  nous  semble 
aujoufd’hni  irr4fragablemeht  4tabli  et  acqUis  a  la  science.  Mais 
Combien  de  ces  malheui'eux  sont-ils  admis  an  b4n4fiGe  du  ti-ai- 
le'ment  special  qui  peut  seul  leur  rendre  une  place  clans  la 
societe?  Si  GUggenbalh  a  eu  des  imitateurs  en  Hollande,  en 
Allemagne,  en  Angleterre,  et  merne  en  Italie,  dans  la  vall4e 
d’Aoste,  il  n*en  a  paS  ehcOre  eu  en  France.  Les  charges  onC- 
reuSes  iittposees  a  I’ Assistance  publique  par  I’entretieii  des  fous 
dangereux  ont  fait  jusqu’ici  ecarter  Tadmission  des  cretins  dans 
les  asiles  d’alienes.  G’est  exceptionnellement  que  quelqUes-uns 
y  sont  parfols  enVoy6s,  parce  qu’ils  compl'oiuettent  I’ordre 
public. 

Une  Soleunelle  exception  a  4t4  faiie  eii  1860,  au  lendemain 
de  rannexion  de  la  Savoie  au  territoire  fralifais,  S.  M.  I’Empe- 
reur,  visitant  cette  contree,  rendit  un  decret,  date  de  Xhonon, 
le  31  aoflt  1860,  en  Vertu  duquel  cent  places  ont  dO  eti  e  rCser- 
veesa  1‘asile  de  BassenS,  pres  de  Chambery,  pour  les  cretins  les 
plus  Infirmes  des  depai'iemenls  savoisiens.  Cette  niesure  a  ete, 
pour  ces  populations  alpestres,  un  bienfait  d’auiani  plus  grand 
■que  le  goitre  et  le  Cretinisme  y  sont  endemiques  dans  Une  pro- 


-DES  PYRfiNEES. 


17 


portion  yraiment  effrayante.  D’aprfes  la  Gazette  de  Savoie,  le 
nombre  des  goitreux  atteindrait  12  000  pour  une  population 
d’environ  600  000  habitants.  En  admettant  que  le  sixifeme 
seulement  de  ces  goitreux  serait  entachfi  de  cr6tinisme,  on 
trouverait  le  chiffre  de  2000  cretins  dans  cette  seule  partie  des 
Alpes.  Cette  proportion  n’a  rien  d’exag6r6,  si  Ton  se  reporte 
aux  statistiques  faites  dans  les  autres  contrfies  alpines,  et  qui 
out  donnfi  dans  le  Valais  uii  chilTre  supfirieur  &  3000  cretins, 
dans  le  Pi6mont  et  la  Lombardie  a  plus  de  7000. 

Nous  n’avons  pu  nous  livrer  dans  les  Pjr6n6es  ii  une  enquSte 
ni  a  une  statistique  rigoureuses  sur  le  goitre  el  le  crAtinisme 
indigenes.  Nous  n’avions  a  cet  effet  ni  quality  ni  mission ;  mais 
comnie  le  sujet  nous  a  paru  inlfiressant,  nous  avons,  tantot  sur 
les  lieux  nieines,  tantot  par  voie  de  correspondance  avec  un 
grand  nombre  de  nos  confreres  les  in^decins  exer^ant  dans  ces 
contr^es,  recueilli  des  documents  qui  nous  paraissent  ne  pas 
trop  devoir  s’6carter  de  la  veritA. 

La  chaine  des  Pyrenees  s’Atend  sur  cinq  dSpartements  francais 
dont  la  population  r6unie  va  a  prfesde  1 600  000  habitants.  Mais, 
sur  les  dix-huil  arrondissements  qui  composent  ces  dSparte- 
ments,  il  n’en  est  que  onze  qui  appartiennent  a  divers  degr6s  au 
sol  inontagneux.  Voici  dans  quelle  proportion  pent  etre  6valuee 
la  population  habitant  les  montagnes  dans  ces  arrondissements  : 

Trois  arrondissements  s’6teiident  en  entier  sur  la  chaine  des 
Pyrenees,  sur  ses  contre-forts,  etles  vallees  qui  en  proviennent : 
Bagnferes,  Argeles  et  Maul6on.  Ils  ont  une  population  rAunie 
d’environ . .  200  000  habitants. 

Les  deux  arrondissements  de  Prades 
(Pyr6n6es-Oriemales)  et  d’Oloron  (Basses- 
Pyr(5n6es)  peuvent  etre  considerfe  comme 
ayant  les  trois  quarts  de  leur  population 
composes  d’individus  habitant  la  monlagne 

A  reporter.  ....  200  000  liabitants. 

ANWXL.  M*n.-PSVCH.  s4rie,  t.  IX.  Janvier  d 867.  2.  2 


18 


r.ES  CRfiTlNS  RT  LES  CAGOTS 


Report . 

ou  BBS  d6pendances ;  leur  population  to- 
tale  6tant  de  120  000  Smes,  nous  insCri“ 

vons  corarao  Pyrigh6ens . . 

I,es  ciualre  afroodissetneuts  de  G6ret 
(Pyt-6n§es-OHentales),  de  Foix  et  de  Saint- 
GifonB  (AH%e),de  SaiOt-GaudeUS  (Haiite- 
Oarontie),  a’6tehdent  raoiti6  SUE  la  plainfe, 
moitie  sur  la  tndiitapne.  La  population 
montagnarde,  prise  a  part,  est  d^environ.  . 

Enliu,  nous  nd  dortsiddrdronS  cOmrne 
population  itiOUtagliarde  cJu’Mrt  ^UCirt  dd 
celle  qui  habitd  I’arrOndissement  de 

BayOtine,  ci . 20  000 

6t  m  vingtierhe  dds  indigddes  [ 

de  I’arrOndiSSenlent  dd  PdU,  SOit  6  000 ) 

Les  Pyrdndes  francaises  soUt  dOUc  ha- 

bitdes  par  environ . : . .  095  Ooo  awes, 

on  500  000  habitants,  eli  chiffres  rolids. 

Si  l*on  adnaettait  pOur  ids  Pyrenees  ieS  proportions  relatives 
indiquees  pOur  les  A'pdS  fraOdaiSeS  par  la  Gatette  de  Savoie, 
nous  devrlons  y  trouver  lOOOO  goitreux  et  i6oo  cretins. 

Or,  d’apres  les  renseigoements  que  nous  avons  pris  nous-meme 
en  nous  transportant,  a  plusieurs  repriSesj  dans  les  vallees  les 
plus  irtlpOriantds  dd  la  chaidd  des  Pyrenees  j  d’aprds  les  dOCu- 
ttieiifs  qiie  nous  avons  pu  recuelllir,  soit  aupres  d’un  grand 
nombre  de  raddecins  nos  confreres,  soit  auprfes  des  habitants 
notables  et  eclairds,  soit  dnlln  dans  leS  diverses  publications 
ethnographiques  et  statiStlqUdS  dd  Ce  pays.  Id  iiOttibhe  ddS  StrU  - 
meux  ne  va  pas  an  delS  dd  3000  daflS  touteS  Ids  Pyrenees  fran¬ 
caises,  et  celui  des  cretiHs  ou  crdtineux  ne  depassd  guere  le 
chiffre  de  000,  si  meftid  il  I’attdirlt. 

On  voit  qu’en  admettant  les  chiffres  ci-dessus  on  ne  Irouve- 
rait  pas  dans  lea  PyrOndes  un  tiers  du  nombre  relatif  des  goi- 


200  000  habitants. 

90  000  — 

175  000  — 

30  OOO  -- 


DES  PYRfiNfiES. 


19 


treux  qu’on  rencontre  dans  les  Alpes  de  Savoie,  et  que  le 
crfitinisme  n’y  s6vit  pas  dans  la  proportion  d’un  quart  autant  que 
dans  cetie  derniere  contrde. 

Nous  pouvons  done  hardiment  ajouter  a  I’assertion  de  Ferrus, 
savoir :  «  que  le  cr6tinisme  est  dans  les  PyrSn6es  moins  hideux 
et  moins  vivace  que  dans  les  A'.pes  « ,  qu’il  y  s6vit  aussi  dans  des 
proportions  beaucoup  moindres  (1  cretin  a  peine  sur  1250  ha¬ 
bitants,  au  lieu  de  1  sur  300). 

Et  cependant  nous  trouvons  encore  bien  considerable  le  con¬ 
tingent  assign^  aux  Pyr6n6es  parrai  les  etres  affligfe  de  cette 
d6g6u6rescence  !  Quoi  qu’il  en  soil,  il  nous  parait  certain  :  1“  que 
leur  arret  de  developpement  physique  et  moral  6tant  g6n6rale- 
ment  moins  prononce,  moins  intense  qu’ailleurs,  ils  doivent 
gtre  plus  accessibles  aux  moyens  th6rapeutiques;  2°  que  puis- 
qu’ils  sor.t  relativeraent  beaucoup  moins  nombreux  qu’au  sein 
des  autres  principales  montagnes  d’Europe,  il  serait  plus  facile 
de  les  secourir  et  de  leur  assurer  le  b6n6fice  d’un  traitement 
special. 

fimus  du  triste  sort  de  ces  infortun6s,  et  s’associant  a  I’in- 
t6r6t  que  S.  M.  I’Empereur  leur  avait  t6moign6  eu  Savoie, 
LL.  Exc.  MM.  les  ministres  de  I’intfirieur,  et  de  I’agriculture, 
du  commerce  et  des  travaux  publics,  instituerent  en  1861  une 
haute  commission  chargfie  d’6tudler  les  causes  du  erfitinisme  et 
les  moyens  d’y  rem4dier.  Presidee  par  M.  Rayer,  cette  com¬ 
mission  se  composait,  en  outre,  de  MM.  Baillarger,  Constans, 
Tardieu,  Morel,  Parchappe,  Antelme  et  Melier.  MM.  Antelme, 
Parchappe  et  Melier  etant  dec6d&,  ont  6t6  remplac6s  par 
MM.  Lunier  et  Rousselin.  Les  noms  des  medecitis  a  qui  cette 
enquOte  est  confine  sont  une  garantie  des  r&ultats  que  peuvent 
en  attendee  les  infortunds,  objet  de  cette  6tude.  Nul  doute  qu’A 
la  suite  du  rapport  qui  interviendra  il  ne  soit  pris  des  mesures 
admlnistratives  de  nature  h  remfidier  au  cr6tinisrae,  et  li  en 
restreindre  la  propagation. 

Loin  de  nous  la  prSteniion  de  vouloir  intluencer  en  rien  I’opi- 


‘iO  LES  CRfiTINS  ET  LES  CAGOTS 

nioii  tie  savants  bien  plus  comp6lenls  que  nous;  mais  s’il  est 
permis  S  chacun  d’apporler  sa  pierre  a  redifice,  nos  voeux  appel- 
leraient  I’application  de  quelques  mesures  aux  cr6lins  des  Pyre¬ 
nees.  Parmi  ces  mesures,  nous  proposerions  les  suivantes  : 
1°  Mise  en  traitement  de  tous  les  cretins  curahles  ou  suscepti- 
bles  d’ainSlioration ;  2°  admission  dans  les  asiles  de  tous  ceux 
qui  v^getent  tristeraent  dans  leurs  families,  et  qui  sont  exposes 
a  y  p6rir  pr6matur§ment  de  mis^re  etde  mara.snie;  3“  transplan¬ 
tation  sur  des  lieux  61ev6s,  aer^s,  exposes  au  soleil,  des  cretins 
ou  crfitineux  qui  resident,  an  fond  des  vallees,  dans  des  lieux 
insalubres;  4“  construction  sur  les  terrains  communaux  bien 
exposes,  d’liabilations  modestes,  niais  remplissant  les  meilleures 
conditions  hygi6niques,  pour  y  placer  les  cretins  et  leurs  families, 
sans  trop  les  Eloigner  de  leurs  propri6t6s,  ou  de  leur  domicile 
primilif. 

II  va  sans  dire  que  ces  constructions,  faites  d’abord  a  titre 
d’essai,  seraient  multiplifies  et  g6n6ralis6es  selon  les  succfes  obte- 
nus,  et  surtout  selon  les  ressources  que  les  communes  ou  les 
administrations  auraient  a  y  consacrer. 

De  pareilJes  reformes  enlraineraient  des  d^penses ,  c’est 
incontestable ;  mais  ces  d6penses  pourraient  eire  att£nu6es  d’a¬ 
bord  par  la  contribution  des  families,  des  communes  et  de  I’^tat, 
et  ensuite  par  le  produit  du  travail  des  individus  assistfis.  Nous 
comprendrions  beaucoup  plus  ais6ment  la  creation  de  cottages, 
de  villages  destines  aux  cretins,  que  celle  de  villages  de  fous  fu- 
rieux.  Les  secours  donnes  aux  families  pour  les  aider  ii  ameliorer 
le  regime  de  ces  infortunes  seraient  autrement  cfficaces  que  ceux 
qu’on  leur  allouerait  pour  garder  leurs  maniaques  et  pour  gar¬ 
rotter  cenx-ci  plus  etroitement.  Ce  que  Ton  a  appel6  le  regime 
familial  serait  bien  plus  applicable  aux  cretins  qn’aux  v6ri- 
tables  insensfis,  qu’aux  alifines  dangereux. 

Lorsqu’il  y  aurait  des  chances  de  curability,  nous  voudrions 
voir  r6unir  les  cretins  curables  dans  un  asile  en  assez  grand  nom- 
bre  pour  pouvoir  y  instituer  au  complet  le  traitement  p6dago- 


DES  PYRfiNfiES. 


21 


gique  usit6  ii  I’Abendberg,  afm  qu’il  fut  appliqu6  concurrem- 
raent  avec  le  traitement  physique  et  moral  dont  nous  avons  plus 
haul  donn6  un  apercu  sommaire.  Ce  traitement  tend  a  resoudre 
le  difficile  problferae  de  la  suppression  des  causes  qui  ont  arret6 
le  developpement  des  sujets.  Fortifier  le  corps,  faire  I’dtlucation 
des  organes,  tel  est  le  but  auquel  on  parvient  ^  I’aide  d’agents 
energiques,  qui  frappent  les  sens  et  r6veillent  leur  fonclionne- 
ment ,  a  I’aide  surtout  de  proc6d6s  pMagogiques  ingdnieux, 
appliques  avec  une  perseverance  que  rien  ne  doit  lasser  ni  dd- 
courager.  La  gymnastique,  le  travail  exterieur,  le  chant  et  la 
musique,  sont  des  elements  precieux  de  ce  traitement,  dans 
lequel  Thydrotherapie  et  le  courant  eiectro-magnetique  jouent 
aussi  un  role  important. 

Cependant  le  traitement  curatif  ne  saurail  suffire  aux  indica¬ 
tions  que  presente  I’enddmie  dont  il  s’agit.  La  propliylaxie  est  ici 
la  condition  la  plus  indispensable  d’un  succes  durable,  et  pour 
qu’un  prochain  avenir  puisse  amener  une  notable  modification, 
le  medecin  a  besoin  de  I’appni  administratif.  Aprds  avoir  pro¬ 
cure  a  ces  degendres  de  meilleures  conditions  de  rdgiine,  d’ha- 
bitation,  d’insolation,  de  sdjour,  I’autorite  devrait  organiser  des 
secours  pour  les  femmes  en  couches ;  imposer  le  ddplacement  des 
nourrissons  suspects  de  participer  a  I’affection  strumeuse,  leur 
assurer  au  loin  de  bonnes  et  saines  nourrices,  comme  cela  se 
fait  pour  les  enfants  abandonnds;  intervenir  officieusement  par 
ses  agents  pour  moraliser  ces  populations,  pour  empficher,  au- 
tant  que  possible,  les  mariages  consanguiiis,  qui  exaltent  dans  la 
progdniture  les  ddfauts  des  ascendants,  el  empirent  sans  cesse 
les  causes 'de  ddgendrescence. 

Un  bant  fonctionnaire  demandait  un  jour  a  des  habitants  de 
ces  villages  sans  industrie  et  presque  sans  agriculture  :  «  A  quoi 
vous  occupez-vous  lorsque  pendant  de  longs  mois  d’hiver  la 
neige  vous  cerne  dans  vos  demeures  ?  —  Nous  engendrons, 
monsieur,  »  lui  fut-il  rdpondu.  Belle  occupation,  en  effet,  pour 
beaucoup  de  ces  pauvres  gens  qui  ne  sont  aptes  ii  produire  que 


22  LES  CRfiTINS  ET  LES  CAGOTS 

des  avorlons  ou  des  nionstres !  ! !  La  loi  ne  peut  pas  les  con- 
damner  au  c61ibat,  c’est  Evident,  mais  la  bienfaisance  publique 
ne  peut-elle  pas  supplier,  en  partie  du  moins,  au  silence  oblig6 
de  la  loi,  en  rendant  aussi  races  que  possible  les  unions  chez  les 
cr6tineux  ou  les  semi-cretins?  Pour  cela  elle  n’a  qu’a  s’exercer 
envers  eux,  car  leur  admission  dans  les  asiles  remplirait  la 
triple  indication  d’assurer  leur  bien-gtre,  de  les  regenfirer,  et 
de  les  empficher  de  procreer  des  Stres  leur  ressemblant. 

L’ouverture  de  routes  nouvelles,  I’exgcution  de  dgfrichements 
sur  les  coteaux  inculles  et  bien  exposes,  de  travaux  publics  au 
sein  des  vallges  infectfies  par  le  crgtinisme,  auraieul  Timraense 
avantage  d’y  faire  circuler  un  courant  civilisateur,  et  d’accroitre 
le  bien-Stre  des  populations  par  I’gldvation  des  salaires,  et  par 
rimportalion  de  denrdos  prdcieuses  pour  leur  nourriture.  Sans 
cesser  d’admetire  I’absence  d’iode  dans  I'eau  potable  comme 
une  des  causes  multiples  du  goitre,  nous  avoirs  la  conviction  que 
la  plupart  des  goitreux  se  trouveraient  encore  mieux  d’une  ration 
quotidienne  de  vin  et  de  viande,  que  de  I’absorption  d’une  pre¬ 
paration  iodde.  La  substitution  d’un  air  pur  a  Pair  miasmatique 
de  leur  sejour  primitif  aurait  enfin  une  efficacite  incontestable. 
M.  Morel  a  cite  des  cas  de  guerison  de  goitres  obtenus  par  le 
seul  cliangement  de  residence. 

La  combinaison  des  diverses  mcsures  medicales  et  adrainislra- 
tives  tpie  nous  venons  d’enuraerer  rgaliserait  un  grand  progres 
vers  la  disparition  de  cette  endemie,  qui  desole  une  partie  de  la 
population  pyrdneenne. 

II  suffirait  d’un  rayon  de  la  munificence  imperiale  pour  appli- 
quer  aux  Pyrenees  ce  que  le  decret  du  31  aout  1860  a  realise 
dans  les  Alpes  de  Savoie.  Nous  allons  bieutot  terminer,  dans  le 
vaste  enclos  de  la  ferme  Saint-Luc,  pres  de  Pau,  [a  construction 
d’un  magnifique  asile,  entrepris  sous  les  auspices  deM.  G.  d’Au- 
ribeau,  prefetdes  Basses-Pyrenees,  dontl’administration  fdconde 
et  sympathique  a  dote  le  pays  des  plus  utiles  institutions.  Get 
asile  est  susceptible  d’agrandisseinents  presque  indefinis,  sans 


23 


DES  PYBfi&lEsS. 

nuij-e  ^  la  r^gularit^  clu  plao.  Rien  ne  ^erail  done  plus  facile  que 
d’y  batir,  epraraq  a  Tgaile  de  Rasseus,  des  quartiers  apfieiaux 
pour  les  ci’dtina  de  nog  moiitagnes.  Co  serait  rendre  uu  immense 
service  i  ces  infortuo^s,  doni  la  lougdvitd  est  toujours  propor- 
tionuelle  aux  solus  dent  ils  soul  Tobjet,  el  a  I’amelioration  mate- 
riellg  do  ieur  sort,  Tandis  que  livres  a  eux-m6mes  ils  s’dtei- 
giient  daps  I’Ugo  adulte,  en  proie  k  la  misere,  au  rachitisipe 
el  aux  scrofules,  on  les  voit  arriver  jusqu’k  la  vieillesse  lors- 
quo  leurs  condilions  d’existence  sont  satisfaisantes.  Nous 
avons  eu  k  trailer  k  I’asile  de  Mardville  (Meurthe),  en  1859, 
UP  cretin  kgd  de  soixaute-quatre  aus,  qui  y  skjournait  depuis 
quarapte-huit  aus.  Cn  autre  erktin  qui  y  comptait  un  derail 
sikde  de  sejour  6iait  arrivd  k  I’age  de  soixante  ans  saiis  nueune 
ipfiruiilik  appfkciable. 

rioos  peosons,  par  ce  qui  prdedde,  avoir  sulBsamment  appel6 
raltenlion  sur  une  classe  de  malbeureux  bleu  digue  d'intdrdt,  et 
pour  laquelle  rien  encore  u’a  6t6  fait.  Notre  travail  n’aurait  pas 
et^  stdrile,  si  nous  avions  pu  ddmontrer  que  le  lual  signal^  n'est 
pas  irremediable,  et  si  uous  dtions  parvenu  k  detourner  a  leiir 
profit  quelques  parcelles  de  la  phiianlhropie  publique  ou 
privee. 


II 

Des  cagots.  —  Vers  la  fin  du  iv"  sifecle  et  le  commence¬ 
ment  du  v%  les  Goths  envahirent  les  provinces  du  midi  de 
la  Gaule  et  du  nord  de  riberie,  Ils  refoulaient  et  chassaient 
devant  eux  les  Cantabres  et  les  Celtiberiens  des  provinces  bas¬ 
ques.  Ils  parvinrent  a  s’etabUr  sur  les  deux  versants  des  Pyrd- 
rendes,  en  Espagne  jnsqu’k  I’Ebrq,  en  France  jusqu’en  Poitou 
et  en  Bretagne.  Vaincus  k  leur  tour,  les  Golbs  se  dispersdrent, 
mats  laissfcrent  sur  divers  points  un  certain  uombre  de  families 
appartenanl  k  leur  nationalitd.  La  batailledeVouilld,  prdsdePOh 


24 


LKS  CRETINS  EX  EES  CAGOTS 


tiers,  remporteepar  Clovis  sur  Alaric  roi  des  Visigoths,  aneantil 
cette  nation,  et  en  dispersa  a  jamais  les  d4bris,  astreints  depuis 
lors  a  subir  la  loi  du  vainqueur.  C’est  priocipalement  an  sein  des 
inontagues  qu’ils  se  sont  perpetuus,  par  des  manages  fr6quem- 
menl  consanguins,  qui  out,  a  la  longue,  amene  un  certain  appau- 
vrissement  de  la  race,  mais  sans  lui  faire  perdre  nSanmoins  son 
type  priraitif,  si  different  du  type  des  premiers  occupants  du 
pays.  Nous  avons  ddjS  indiqufi,  d’accord  avec  Ramond  et  le  doc- 
teur  G.  Marchant,  la  diversite  incontestable  des  races  qui,  en 
ce  moment  encore,  habitent  les  Pyr6n6es.  Quand  meme  I’his- 
toire  ne  serait  pas  lii  pour  nous  rappeler  I’occupation  successive 
de  ces  contries  par  les  Eu.skariens  ou  Basques,  par  les  Celtibd- 
riens,  les  Cantabres,  puis  tour  a  lour  par  les  envahisseurs,  tels 
que  les  Romains,  les  Goths  et  Visigoths,  les  Waures  et  Sarra- 
sins,  enfin  par  les  Vascons,  nous  irouverions  des  tAmoignages 
irr6cusables  de  cette  diversit6  d’origine,  d’abord  dans  les  nom- 
breux  langages  ou  idiomes  encore  en  vigueur  dans  cbaque  frac¬ 
tion  de  cette  contr6e,  et  ensuite  dans  le  type  physique  et  la 
conformation  exterieure  de  I’individu.  Ce  type  reproduit  ii  peu 
pres  fidelement,  pour  I’observateur  exerc6,  la  source  d’ou  il 
eraane. 

La  fusion  qui  s’est  gAneralement  oper6e  dans  les  autres  con- 
trees,  et  surtout  dans  les  pays  de  plaine,  enlre  la  race  conque- 
rante  et  la  race  conquise,  ne  s’est  produite  ici  qu’avec  d’ex- 
trSmes  restrictions,  et  lorsqu’il  n’existait  aucune  anlipathie 
instinctive.  C’est  pourquoi  le  Bearnais  de  nos  jours  conserve  des 
vestiges  de  la  belle  race  maure,  et  le  Basque  lui-m6me,  sans 
renoncer  h  sa  langue  escaldunac,  6tanl  largement  entr6  dans  le 
couranl  des  relations  avec  la  pairie  commune,  a  pu  r(5g6n6rer 
dans  des  alliances  extArieures  sa  constitution  primitlvement 
belle  et  robuste.  MalgrA  ces  croiseraents  de  plus  en  plus  nom- 
breux,  le  Basque  et  le  B6arnais  forment  deux  types  bien  distincts, 
aussi  distincts  que  le  sont  entre  eux  les  habitants  du  Roussillon 
et  ceux  de  la  Bigorre,  que  le  sont  les  habitants  de  la  Cerdagne  et 


1)ES  PYRENfiES.  25 

ceux  de  la  valine  de  la  Garonne.  Le  caractfere  moral  de  ces  divers 
peoples  contraste  autant  que  leur  conformation  physique,  autanl 
que  leur  langage.  N6annioins  il  n’existe  parmi  eux  aucune  anti- 
pathie  de  race,  et  s’il  regne  dans  les  hameaux  des  valines  recu- 
lees,  ou  la  civilisation  n'a  encore  qu’incompl6teraent  p6n6tr6, 
des  aniinosites  locales,  celles-ci  ne  sont  niinstinctives,  hi  insur- 
niontables.  Basees  ordinairement  sur  I’opposilion  des  intfirgls,  la 
conciliation  devient  possible  dfes  que  ceux-ci  ne  sont  plus  en  jeu. 
Mais  il  est  uhe  catfigorie  d’individus  dont  le  nombre  va  sans 
cesse  s’amoiudrissant,  qui  depuis  des  slides  est  demeurfie  un 
objet  de  reprobation  et  de  mepris  pour  les  populations  ainbian- 
tes.  Dans  son  histoire  des  races  maudites  de  la  France  et  de 
I’Espagne,  M.  Francisque  Michel  a  deceit  I’abjection  de  ces 
malheureux  descendants  des  Goths,  qui  sont  encore  comme  des 
corps  etrangers  partout  ils  vivent.  Cdnnus  sous  le  nom  de  Cagots, 
mot  derive  de  Can  Goth,  chien  de  Goth,  ou  d’Agots,  el  chez  les 
Basques  d’Agotac,  ces  infortunes  vivent  isoies  entre  eux,  dedai- 
gnes  et  repousses  partout.  Issus  de  chreiiens  ariens  et  schisma- 
tiques,  ils  n’etaient  autrefois  admis  dans  les  eglises  que  par  uhe 
porte  batarde  ouverle  expres  pour  eux;  ils  avaient  dans  I’eglise 
leur  benitier  special,  leur  place  a  part ;  au  cimetiere  meme,  un 
fosse  separait  leurs  sepultures.  Bieii  que  depuis  la  revolution  de 
1789,  ces  rigueurs  aient  du  disparaitre,  les  cagots  n’en  demeu- 
rent  pas  moins  une  raced6primee  qui  n’a  aucun  sentiment  de  sa 
dignite  personnelle.  Ils  acceptent  encore  ^obligation  de  s6parer 
par  un  cours  d’eau  leur  habitation  de  celle  des  autres  homines, 
et  de  rendre  a  ceux-ci  les  services  les  plus  humiliants.  Ils  ne  se 
meient  ni  h  leurs  joies  ni  a  leurs  douleurs,  et  ils  ne  reagissent 
pas  centre  I’accusation  injuste  forraulee  centre  eux  d’etre  mal- 
sains,  infects  et  repoussants.  Il  est  presque  inoui  qu’ils  aient 
contracte  mariage  en  dehors  de  leur  caste.  Don  Martin  de  Bis- 
caye  ecrivait  jadis :  «  Des  centaines  d’aniiAes  se  sont  pass6es  sans 
qu’ou  ait  vu  hoinme  ni  femme,  si  miserable,  et  de  peusers  si  bas, 
qu’il  se  soil  uni  a  eux,  soil  16gitimement;  soil  aulrement.  o 


26  LES  ClSfiTJlNS  ET  LES  CAGOTS 

Cetle  trjgtei  popHlstion  cl6croit  peu  ji  (jeu,  et  fjnixE  dou^e 
pflr  glre,  absprWe,  ipalgr4  !©  pr6y0ntioiis  qpi  la  liennent  a  l’4cai'l.- 
p’un  c6t6, 1’egalU^  des  droits  et  Ip  eJiQC  c}e  la  civLljaatjon  I’arra- 
cheront  forcement  a  soti  abjection ;  d’aotre  part,  I’esc^dant  des 
d^c^a  sur  les  naissanpes  qui  opt  lien  parini  eipp  produira  infail- 
liblenaent  qn  effel  d’^ljipipation  gradnelle  seqiblable  h  celui 
qui  se  prodnjt  parmi  les  indiens  dans  les  r^publiques  am^ri- 
cainea, 

p  est  triste  de  penser  qn’an  ?nx“  sifeclp  il  y  a  encore  en  France 
des  parias  de  ropiniou,  pnbliqne,  von^s  de  naissance  I  rignomi- 
nie  et  h  I’opprobre.  Rien  n’est  plus  vraj  cependant-  Plus  com- 
inuns  en  Fspagne  qu’ep  France,  aux  environs  de  Jaca,  dans  la 
haute  I^avarre,  et  dans  le  Guipu?coa,  ils,  sont  dissfirnin^S  chez 
lions  dans  les  valines  do  pays  basqoe,  do  Bdarn,  dw  bavedan,  du 
comt^  de  Contmiages,  de  la  Gascogne,  etc,  Qn  en  rencontre 
ineme,  assure-t-on,  en  Saintonge  pt  en  Bretagne.  Rs  sont  natu- 
relleroent  mdGants,  sjurtout  iQrsqn’ila  se  savent  robjet  de  la 
curiositd  d’un  observateur,  Dans,  on  travail  pnblM  an  commen- 
cetnept  de  Idbb  a  Bagneres,  M.  F,  Cordier  a  dicpit  avee  un 
remarquable  talent  les  cagots  qn’il  a  observes  de,  pres  dans  la 
vaJl6e  d’A?nn,  et  It  Chuliitua  d’^nhm^e,  aux  environs,  de  Sainu 
jean-pied-de-Port,  Ils  pr&entent  le  type  anivant !  Taille  ordi¬ 
naire,,  quelqufifois  apsez  gtande ;  tpint  bJanc  et  colord  vers  les 
pomraettes;  traits  dAPPOt  sensibleinent  de  raspeetgdndraldes 
peuplades  environnantes  j  yeux  blens  et  ardents  j  obeveox  blonds, 
ayant  parfois  I’aspect  de  la  fllassej  profjl  disgcaeieux,  lace  large; 
front  bpmb4,  accusd  vers  les  angles,  et.  fortetnent  saillant  sur  la 
racine  dn  ne,Zi  nez  prodmiftent  et  ^panouissant  en  avant  ses 
deux  ailes  larges  et  pla.tea  i  Idvre  snpdriflure  droUe  et  verticale; 
bonche  coupde  en  llgne  droite ;  absence  complete  de  distinction, 
mats  nnlie  difformitd  cependant,  Qnelques  jennes  filles  posse- 
dent  meme  nne  espdce  de  beantd  relative,  et  oni  pu  inspirer 
dgg  passions,  Voici  un  rdclt  presque  Idgendaire  qne  racontait  a 
M.  F.  Coidier  WA  vieillard  d.’Ayzaci  pres  d’Acgelda:  «  i]n  jeune 


DBS  PYB£iy(^ES.  27 

homme  aitnail  qiie  jeune  fille  qui  le  payait  de  retour,  EUe  etait 
belle,  elle  avait  do  la  vertu  5  il  la  priait  sans  cesse  de  cojasentir 
I’^pouser.  La  jepne  fille  s’y  refusaU  diaant  :  «  Ab  !  si  vous 
saviez.. ..  vousne  ine  feriez  plus  aucune  inslance,  »  Enfin  il  la 
pressa  taut  qu’un  jpur  eUe  lui  dit :  «  Yoioi  une  pomui.e,  divisous- 
la  en  deua ;  prenez-en  uue  inoiti6  et  gardez-la  apus  vptre  aisselle 
dmaiit  la  nuit-  Je  feral  de  ra6tT)e  popr  I’aglre  njpilifi :  Je  vous 
portcrai  la  niicniie  detnain,  et  vous  rnp  porterez  I9,  vOfre,  »  Le 
jour  suivant,  le  jeuiie  garopn  porta  sa  demi-poinine  quj  6tait  par- 
faitement  saine.  La  jeune  fille  lui  montra  trisiement  la.  moitie 
qu’elle  avait  prise  et  retepup  sous  spn  bras,;,  pile  Atait euti&re- 
mentxoiTorapqe...,  la  pauvre  enfant  etpit  cagpte. I  ii 

Dfisireux  d’6tudier  de  pres  des  types  tie  cettfl  race,  nogs 
avons  ^t6  &  cet  6gard  favorisfi  par  les  cirepiistaitees.  Plqsieurs 
excursions  mfidicales  rdceinraent  faitps  4ans  la  eontr^e  bas* 
quaise  nous  ont  amplemept  permis  de  satisfaire  c,e  veeu,  On 
nous  a  montr^  a  Saint-Jean-Pi.ed-de-Port,  un  quartier  spAeial 
quiportele  noin  i' Agotetchiac  [quartier  (ies.  Cqgpts).  C’est  un 
faubourg  de  sept  ou  huit  naaisqus,  hors  des  reuiparts,  de  Saiut- 
Jean,  entiferement  habitfi  par  eu?.  Un  haqieau  de  cinq  o»  six 
maisons,  noinrafi  Tailhqpe,  dans  la  radtne  conomune,  leur  est 
anssi  exclusivement  r6sefv:6,  A  Anhauze,  la  partie  du  village 
qu’ils  occupent  a  repu  la  denomination  de  Ckjubitm,  les  autres 
habitants  ayant  tenu  ^  eonseryer  pour  leurs  demeures  un  nom 
different. 

Non  loin  de  Saioi-Jean-le-Vieux,  existe  un  autre  centre  de 
cagots  assez  noinbreux  nooujiA  Ainchicharburu.  A  Saint-Elienne 
de  Baigorry,  on  montre  eneoi  e  la  pOJ’te  d’C'glise  par  laquelkils 
pfindtraient  autrefois  dans  le  temple.  Mais  c’eat  dans  le  Labour, 
portion  basque  de  I’arrondissement  de  Bayonne,  que  ces  des¬ 
cendants,  des  Goths  se  sont  le,  plus  rdpandus.  Sur  lous  cea  points, 
ils  sont  demeures  I’objet  d’une  repulsion  instinctive,  et  de  soup- 
eons  anssi  etranges  que  peu  raisonn6s.  L’un  deux,  ayant  acquis 
une  belle  aisance,  recherchait  nagufire  en  mariage  la  fille  d’un 


28  LES  CRETINS  ET  LES  GACOTS 

paysan.  Celui-ci  ne  consentit  &  la  lui  doiiiier  que  moyennanl  le 
payement  d’uiie  somme  de  dix  raille  francs.  An  lieu  de  recevoir 
unedot,  le  cagot  dut  la  payer.  Quand,  en  185A,  le  cholera  vint 
affliger  ces  belles  contrfies,  les  cagots  furent  aussitdt  accuses 
de  I’y  avoir  attir6  ou  introdnit!  La  gr61e,  Toidium,  les  epizoo¬ 
tics,  lesfleaux  atmospheriques,  leur  soiU  ordinairement  impu¬ 
tes.  II  y  a  done  &  la  fusion  de  cette  race  avec  la  race  indigene, 
des  obstacles  qui,  fntiles  au  fond,  et  bas6s  sur  de  faux  pr6- 
jugfe,  n’entravent  pas  moins  ses  progres  |d’une  inani^re  tr^s- 
s6rieuse. 

Nous  avons  eu  plusieurs  types  de  cagots  sous  les  yeux,  et  Tim- 
pression  qui  est  r&ult6e  pour  nous  de  leur  exainen  a  6te  un 
profond  6ionneinent  de  I’ostracisme  moral  dont  ils  sont  frappes. 
Leur  conformation  physique  a  bien  un  cachet  special,  et  peut-etre 
quelque  chose  dtetrange  etde  disparate  avec  le  milieu  ambiant, 
mais  rien  ne  ddnote  en  eux  une  lesion  morale  ou  un  arret  de 
developpement  Iter^ditaires.  Les  dimensions  du  crane  sont 
normales ;  Tangle  facial  est  ouvert,  et  Tintelligence  ne  parait 
nullement  absente  chez  ces  organisations  ddprimees  par  d’anti- 
ques  pr6juges.  La  forme  defectueuse  de  Toreille  est  peut-Stre  le 
ph6nomene  le  plus  constant  chez  les  cagots.  Le  bord  ant6rieur 
du  lobule  est  habituellement  adherent  a  la  joue ;  Touverture  du 
conduit  auditif  externe  est  largement  b^ante  et  disgracieuse  de 
forme;  le  pavilion  est  dvase,  parfojs  irr^gulier ;  Th61ix  mal  con- 
form6. 

Quant  a  Timpiitalion  d’exhaler  une  mauvaise  odeur,  d’avoir 
le  sang  corrompu,  nous  la  regardons  comme  mal  fond6e  et 
comme  une  injure  pureraent  gratuite.  Que  les  cagots  con- 
servent  le  cachet  de  leur  origine,  qu’ils  reproduisent  encore 
la  physionomie  de  leurs  ancSlres,  cela  parait  certain ;  mais 
les  tares  qui  en  ont  fait  un  people  maudit,  i  peine  soulenables 
aux  6poques  d’ignorance  et  de  superstition,  ne  sauraient  au- 
jourd’hui  fitre  sfirieusement  all6gu6es  pour  excuser  une  antipa¬ 
thic  initee,  si  en  dehors  de  nos  moeurs  et  de  notre  civilisation 


DES  PYR£n£ES. 


29 


actuelles.  A  quiconque  persisterait  a  considerer  les  cagots 
comme  des  fitres  iuf6rieurs,  soit  au  moral,  soil  au  physique, 
on  serait  en  droit  de  demander  pour  ces  d6sh6rit6s  sociaux 
tout  au  moins  le  b6n6fice  accordfi  aux  idiots  et  aux  cretins, 
d’etre  eleves  a  la  dignite  de  malades,  et  d’etre  dSs  lors  consi- 
dfir^s  et  traites  comme  tels. 

Ou  le  cagot  est  normalement  organise,  et  a  droit  d’entrer  le 
front  haut  dans  la  famille  francalse,  —  ou  bien,  prive  de  cer- 
taines  facult6s,  rictime  de  certains  maux,  il  a  droit  non-seule- 
ment  a  la  commiseration  de  ses  semblables,  mais  encore  k  leur 
assistance.  —  Citoyen,  il  pent  revendiquer  I’egaliie  des  droits, 
sa  place  au  soleil  et  dans  les  assembiees;  —  malade,  on  iui  de- 
vrait  des  egards,  des  soiris,  et  I’entreprise  de  sa  guerison  !  — 
A  n6tre  avis,  le  cagot  n’est  point  un  malade,  ses  tares  corpo- 
relles  n’ont  guere  exist6  que  dans  I’imaginalion  de  populations 
peu  edairees  et  superstitieuses ;  sa  rehabilitation  morale  est  le 
remede  le  plus  certain,  le  plus  infaillible,  pour  le  mal  purement 
moral  dont  il  est  atteint.  Ce  n’est  ni  par  un  article  de  loi,  ni 
par  un  arret6  de  I’autorite,  qu’on  pourra  rendre  au  cagot  le 
plein  exercice  de  ses  facuUes  et  sa  place  dans  h  societe.  La 
sympathie  ne  pent  etre  inscrile  comme  une  obligation  dans 
la  constitution  d’un  pays.  Mais  elle  resulte  nece.ssairement  du 
progres  des  moeurs  publiques.  C’est  en  edairant  les  masses, 
en  faisant  peneirer  jusqu’a  la  plus  extreme  frontiere  les  bien- 
faiis  de  notre  civilisation,  que  nous  parviendrons  k  triompher 
partout  des  prejuges,  de  I’erreur,  de  la  superstition,  et  k  en 
ellacer  les  derniers  vestiges. 

Et  pour  qu’on  ne  croie  pas  k  une  illusion  de  notre  part  au 
sujet  des  progres  fails  par  les  cagots  actuellement  survivauts 
dans  I’opinion  des  populations  qui  les  entourent,  nous  rappelle- 
rons,  en  terminant,  les  humiliantes  exceptions  dont  jadis  leurs 
pareils  6taient  I’objet,  exceptions  qui  n’existent  plus  qu’k  I’^tat 
de  p6nible  souvenir, 

L’ancien  For  de  B6arn  exigeait  sept  tfimoins  cagots  pour  va- 


30  LES  CRfitiNS  Et  LES  CAGOTS 

loir  un  seal  t6moignage.  Soumis  a  toules  les  corv6es,  les  cagots 
n’aVaient  pas  le  droit  dc  porter  les  artnes,  ui  de  choisir  leur  pro¬ 
fession.  Celles  de  tisserand,  savetier,  tonnelier,  bflcheron,  ou 
charlpentier,  leur  dtaieiu  presqueexclusivemenl  r6scrv6es.  Eiifin 
ils  etaieilt  astreints  coitirae  marque  distinctive,  h  porter  sur  leiirs 
habits  une  patte  d’oie  ou  de  canard.  Chose  sihguliOre  !  La  legis¬ 
lation  toierait,  consacrait  meine  josqu*ii  On  certain  point,  ce^ 
avilissemfeilt,  inlligd  a  uhe  race  d’hommes  dont  le  seul  tort  6tait 
leur  origitte. 

A  I’dpoque  actuelle,  un  injuste  dddain,  une  rdpulsioii  inexpli¬ 
cable,  sont  les  seuls  vestiges  qui  restcnt  dans  le  milieu  environnant, 
de  rahcienne  antipathie  de  race  envers  les  cagots.  Ces  sentiments 
irraliolinels  s’effacent  peu  a  peu,  et  font  place  a  des  pensdes  plus 
hutilaines.  Que  leurs  eiifants  frdquenteni  les  dcoles  et  partici- 
jjellt  a  rinstruCtioU  si  libdralement  dispensde  a  leurs  conci- 
Ibyehs,  c’est  la  le  plus  stir  mbyen  pour  la  gfindration  nouvelle  de 
se  relever  de  sa  ddchdance.  S’lls  recouVrent  eux  -melnes  le  sen¬ 
timent  de  leur  dignite,  un  avenir  prochain  fera  Indvitablement 
oUblier  jusqu'au  nom  ignomioieux  qui  temoigne  de  leur  ilotisme, 
et  il  n*y  aura  bientot  plus,  dans  auCun  repli  du  sol  francais, 
dans  les  valldBS  les  plus  reculdes  de  nos  Pyrdndes,  de  parias 
d’autune  espdce. 

L’existence  d’une  race  placee  si  en  dehors  du  courant  social 
a  de  quoi  dtonner,  et  surprendra  en  elfet  ceux  qui  ont  peine  a 
s’expliquer  le  prdjuge  qui  continue  a  peser  en  Aindrique  sur  la 
race  ndgre,  fflalgr6  les  institutions  les  plus  libdrales,  malgrd  les 
iddes  les  plus  progressives.  C’est  la  un  phdnomene  qui  prouve 
jusqu’a  qhel  point  la  difference  d’origine  et  de  langage  nult  a 
rassimilalloll  des  races,  tnalgre  I'unite  de  la  legislation.  Les 
cagots  sont  une  ahomalie  sur  le  sol  francais,  au  ineine  titre  que 
les  Bohemiens  ou  Gitanos,  qUe  l*on  rencontre  parfois  aussi  dans 
fes  memes  regions.  Brotegees  par  une  langue  a  part  ignorde  du 
plus  grand  nombre,  ces  races  exceptionnelleS  ont  pu  ainsi  dchap- 
per  an  frotletnent  qui  unifie  et  nivelle  les  peoples,  mais  le  flot 


DES  PYRfiNlfiES. 


31 


civilisaleur  penetrant  aujourd’hui  partout,  Boh4miens,  Gitanos 
el  cagols  viendront  fdrCg'meht  se  filsionner  lour  a  tour  avec  les 
populations  environnantes.  Ge  sera  111  un  des  bienfaits  et  en 
mSme  temps  une  des  consequences  inevitables  des  progres  in- 
cessantsde  la  civili^ailoti  hlodel*)!^ 


Medecine  legale. 


RAPPORT  MfiDICO-L^GAL 


I’lTAT  MENTAL  DE  EICTORINE  CROISIER,  F”  lEGRAND 

1NCULP13E 

D’INCENDIE  YOLONTAIRE  DANS  UNE  MAISON  HABITfiE, 

PAR  LES  DOCTEUnS  . 

HKiVRT  UOIVIWKT  £T  llUl.^nU 

Medecins  en  chef  de  I’asile  public  d'alicnds  dc  Marnville. 


Nous  soussignes,  docleurs  Henry,_Boniiet  et  Jules  Bulard, 
mfidecins  en  chef  de  I’asile  public  d’alifines  de  Mar6ville,  requis 
par  commission  rogatoire  de  M.  le  prociireur  imp4rial  de  Mire- 
court,  ii  cette  fin  d’examiner  l’6tat  mental  de  la  nomm4e 
Victorine  Croisier,  femme  Legrand,  inculpee  d’incendie  volon- 
taire  dans  une  maison  habitee,  avons  pr4t4,  au  palais  de  jus¬ 
tice  de  Nancy,  enlre  les  mains  de  M.  le  juge  d’instruction,  le 
serment  voulu  par  la  loi,  avons  proc4d4  h  I’examen  prolong6 
de  la  denomm4e,  pris  connaissance  des  pieces  de  la  proce¬ 
dure,  et  redige  en  notre  ame  et  conscience  le  rapport  suivant. 

Comine  d’habitude,  nous  avons  expertise  separ4ment,  et 
nous  n’avons  pris  connaissance  du  dossier  de  rinculp4e  qu’a- 
pres  avoir  pendant  longtemps  examine  cette  derniere. 

FAIT. 

Le  31  juillet  18fi5,  le  feu  prenait,  dans  la  nuit,  a  la  maison 
du  sieur  Bertaud,  au  lieu  dit  la  Maison  du  Bois,  ecart  d’Essei- 


tlAPPOftT  MfeDlCO-tteAt  stfR  t'fetAf  MENtAL,  ETC.  SS 
gney,  canton  de  Charmes  (Vosges) ;  la  inaisbn  ftlt  rfiduite  eii 
cendres  et  la  pertefut  bvalube  li  30  000  francs.  Aucuns  indices 
ne  mirent  sur  la  trace  de  la  cause  de  I’incendie. 

Le  31  jnillet  1866,  dans  lanuit.lefeu  prenait,  an  m6tnelieu, 
a  la  maison  des  fipoux  Legrand,  maison  qui  fnt  tolalement 
dfitrnite. 

Depuis  pres  d’un  mois,  le  sieur  Legrand  n’habitait  plus  sa 
maison.  D’apres  les  demandes  de  sa  femme,  qui  prbtendait  ue 
plus  pouvoir  s’y  plaire,  il  avait  consent!  ii  louer  un  logement  a 
Charmes.  Cette  complaisance  n’ayant  amenS  aucun  changement 
dans  les  idbes  de  sa  femme,  il  se  disposait  h  rentrer  sous  peu 
dans  sa  maison,  lorsqu’il  se  prit  de  querelle  avec  la  femme 
Legrand,  le  30  juillet  1866,  et  cette  dernibre  dit  qu’elle  ne 
rentrerait  pas  et  qu’elle  mettrait  le  feu.  Cette  femme  ayant 
dficouchb,  son  mari  I’accusa  d’etre  I’auteur  du  crime  commis 
dans  la  nuit  du  31  juillet.  On  rechercha  la  femme  Legrand  qui 
avoua  avoir  misle  feu  a  la  maison  du  bois  au  moyend’allu^ 
mettes  chimiques ;  elle  avoua  bgaleraent  que  c’^lait  elle  qui, 
I’annee  precbdente,  avait  incendie  la  maison  du  sieur  Bertaud ; 
mais  pour  ce  derril|'  fait  qui  n’avait  rien  donnb  de  proban  t 
pour  pouvoir  jusfmer  une  information,  les  aveux,  reticencesi 
denegations,  laissent  le  litige  exister  sur  la  valeur  reelle  de  I’aveu 
exprime  lors  de  I’arrestation.  Les  antecedents  de  la  femme  Le¬ 
grand,  ses  allures,  ses  reponses,...  ontparu  aux  juges  informa- 
teurs  de  nature  suffisante  pour  commander  I’expertise  par  des 
spbcialistes  de  I’etat  mental  de  la  personne. 

G’est  done  de  cela  que  nous  sommes  appeies  ^  connailre.  ' 

COMM^MOBATIPS; 

Nous  ne  pouvons  que  nous  considerer  comme  trfes-heureuX 
d’avoirdes  renseignements  aussi  nets  et  aussi  positifs  que  ceux 
qui  nous  sont  fournis  par  I’instruction. 

M.  le  maire  de  Bettigney  declare  que,  lorsque  la  femine 
annal.  MfiD.-PSVCH.  S"  sfipie,  t.  IX.  Janvier  1867.  3.  3 


34  RAPPORT  MfiDlCO-lfiGAL 

Legrand  habitait  la  commuae,  elle  donnait  des  signes  d’alie- 

nation. 

M.  lejugedepaix  deDompaire  signaleque  la  femme  Legrand 
qui  servait,  il  y  a  buit  ans,  en  qualite  de  doinestique  cbez  la 
veuve  Grobiot,  de  Dompaire,  n’a  pu  rester  en  condition  et  a 
donn6beaucoupd’ennuis  ii  aa  maitresse ;  celle-ci  trouvaitqu’elle 
n’avait  pas  une  tSte  ordinaire,  qu’elle  avail  quelque  cbose  de 
bizarre  dans  la  manifere  d’agir. 

Les  renseignements  donnas  par  les  maitres  cbez  lesquels  I’in- 
culpde  a  servi,  et  par  I’autoritd  communale,  s’accordent  a  lui 
attribuer  des  habitudes  d’ordre  et  de  travail,  mais  en  revanche 
peu  d’intelligence. 

Plusieurs  personnes  tdmoignent  que,  dans  les  premiers  mois 
de  I’annfie  1865,  la  femme  Legrand  se  trouvait  dans  un  tot 
assez  avancd  de  grossesse  qui  disparut  subitement.  Elle  en  donna 
plus  tard  une  explication  en  attribuant  ce  fait  a  une  perte  assez 
considdrable  qu’elle  dprouva.  11  ne  se  trouva  point  de  griefs 
assez  plausibles  pour  pouvoir  informer  sur  ce  point. 

Avant  I’incendie  de  la  maison  Sertaud,  plusieurs  difScuItds 
s’fitaient  dlevdesentre  ce  dernier  et  les  dpoux  Legrand,  diflicul- 
t6s  que  le  juge  de  paix  avail  eu  beaucoup  de  peine  4  aplanir. 
Lors  de  I’incendie,  ce  magistral  soup^onna  fortement  les  dpoux 
Legrand;  il  pensa  devoir  leur  faire  une  visile  domiciliaire  et  les 
interroger.  Rien  dans  les  reponses  et  les  allures  de  la  femme 
Legrand  ne  put  le  meltre  a  mfime  de  justifier  ses  soupgons ; 
n§anmoins,  il  resta  moralement  convaincu  que  cette  femme  ne 
devait  pas  gtre  dtrangere  au  crime,  et  il  recommanda  an  com- 
missaire  de  police  de  ne  la  point  perdre  de  vue. 

Dans  lecourant  de  I’ann^e  1866,  la  femme  Legrand,  rapporte 
I’instituteur,  est  venue  plusieurs  fois  trouver  le  maire  de  la 
commune  d’Esseigney,  en  se  plaignant  de  son  mari  et,  chaque 
fois,  le  maire  la  renvoyait  en  disaut  qu’elle  dtait  folle. 

D’aprfesun  tdmoin,  la  femme  Chevreux,  I’inculp^e  luiparais- 
sait  avoir  I’air  frappd  depuis  qttelque  temps ;  elle  rddait  dans  les 


SUR  r.’f;TAT  MENTAL  DE  VICTORINE  CROISIER.  35 
rues  ensuivant  les  murs  et  marchaiit  d’un  air^ganS;  ses  fafons 
etaient  extraordinaires  k  ce  point  qu’un  jardinier  du  voisinage 
disait,  en  parlant  de  la  femme  Legrand,  qu’elle  devait  6tre  en 
<5lat  d’lvresse ;  cependant  elle  ne  buvait  pas. 

La  femme  Legrand  a  entretenu,  pendant  pres  de  deux  ans, 
des  relationsintimes  avec  un  nomm6  Duval,  espfece  de  vagabond, 
auque)  les  6poux  Legrand  avaient  priraitivement  dounfi  par 
piti6  rhospitalit6. 

Ce  Duval  avail  fmi  par  acqufirir  sur  I’esprit  de  la  femme  et 
du  mari  la  plus  grande  influence ;  il  s’6tait  totalement  intronis6 
dans  le  manage  et  rien  ne  se  faisait  qu’on  ne  le  consultSt.  N^an- 
moins  la  femme  Legrand  le  forca  plus  tard  a  se  retirer,  mais  ii 
la  suite  de  circonstances  spdciales  trfis-importantes  au  procfeset 
sur  lesquelles  nous  reviendrous. 

Quinze  jours  environ  avant  la  perpetration  de  I’incendie  de  sa 
maison,  la  femme  Legrand  etait  aI16etrouver  le  mairede  la  ville 
de  Charmes,  el  elle  I’entretenait  avec  tine  certaine  exaltation  de 
crimes  qu’elle  aurait  commis,  mais  sans  pouvoir  les  preciser.  Le 
30  juillet,  veille  de  I’incendie,  ce  magistral  la  rencontrait  aux 
abords  du  chemin  de  fer,  et  il  fut  vivement  impressionn6  en 
face  du  profond  deiabrement  physique  de  I’inculpfee  ainsi  qu’en 
face  de  ses  conditions  intellectuelles ;  ses  paroles  se  prficipitaient 
avec  la  plus  grande  animation;  elle  en  vint  k  dire  qu’il  fallait 
qu’elle  finisse  sur  la  guillotine,  qu’elle  avail  commis  bien  des 
crimes,  qu’elle  (5tait  frappfie  d’un  sort,  qu’il  6tait  impossible 
qu’elle  retoumat  avec  son  mari;que,  lorsqu’elle  voulait  prd- 
parer  le  repasj  ce  .n’fitait  point  la  viande  qui  cuisait  dans  la 
marmite,  mais  autre  chose. 

Depuis  trois  jours,  elle  n’avait  point  couch6  chez  elle ;  elle 
allait  et  venait  sans  direction  et  pfenait,  la  nuic  un  abri  oh 
ellepouvait, 

Le  sieur  Vosgien  qqi,  lors  de  I’incendie,  a  arrSlg  h  femme 
Legrand  au  moment  oh  elle  se  sauvait  k  trklfers  champs,  dlt 
qu’elle  avail  I’alr  defait  et  dgard,  tenant  des  propos  incohd- 


RA.PPORT  MfeDICO-LfiGAL 


rents,  et  il  la  consid6rait  comme  une  folle,  opinion  corobor^e 
par  celie  du  mar£chal  des  logis  de  gendarmerie  qui  a  procM^  a 
I’arrestation. 

Le  docteur  Perrin  tfimoigne  que,  trois  semaines  environ 
avant  i’iucendie  de  sa  roaison,  la  femme  Legrand  est  venue  le 
tronver  et  qu’elie  £tait  dans  un  ^tat  d'exaltation;  ledocteur 
Perrin  afiSrrae  que,  dans  cette  entrevue,  les  paroles  et  I’atti- 
tude  de  I’inculpee  etaient  celles  d’une  personne  v6ritablement 
atteinte  d’ali6nalion  mentale. 

Chacun,  dil  M.  le  juge  de  paix  de  Charmes,  dans  une  letire 
adress6e  kM.  le  juge  d’instruction,  s’accorde  k  dire  que  I’incul- 
p6e  6tait  veritablement  6gar6e.  — Ce  magistrat  declare  que  M.  le 
maire  d’Esseigiiey  pourrail  bien  en  avoir  trouvd  la  cause  en  de¬ 
clarant  dans  un  style  naif  mais  expressif : « Dans  ma  pensee,  I’elat 
»  dans  lequel  j’ai  vn  la  femme  Legrand,  provient  d’une  sorte 
»  de  chaleur qui  lul  avait  ete  communiqu6eparle  nomm6Duval 
>)  qui,  pendant  un  certain  temps,  a  eu  des  relations  avec  elle. » 
—  Ce  maire  dit  que,  le  30  juillet  1866,  I’inculpee  serait  venue 
la  r6veiller  vers  quatre  heures  du  matin ;  elle  tenait  des  propos 
incoherents  et  tout  k  fait  contradictoires,  se  plaignant  de  son 
mari  et  de  ses  enfants,  puis  r^petant  immediatement  que  les  uns 
et  les  autres  Etaient  tres-bons  pour  elle ;  elle  ajoutait  avec  beau- 
coiip  d’insistance  qu’on  lui  avait  jet6  un  sort. 

Le  premier  inlerrogatoire  de  I’incnlpfie  semble  donner  des 
r^ponses  assez  nettes,  mais  I’obsersalion  attentive  y  fait  recon- 
Jiaitre  quelqne  chose  de  machinal  et  d’irreflechi  dont  nous 
donnerons  I’explication,  puis  on  y  trouve  k  certains  endroits 
I’erreur  de  perception  et  de  jugcment  qui  s’unil  avec  la  disso¬ 
ciation  de  I'id^e  et  I’indiff^rence  d’elle-mSme  et  de  sa  situation; 
en  outre,  I’aveu  fait  d^faut, 

Le  deuxikme  interrogatoire  subi  devant  M.  le  juge  d’instruc¬ 
tion  de  Mirecourt,  paraitrait  encore  appartenir  k  une  personne 
raisonnable...«^ourquoi^  lui  demande-t-on,  n’avez-vous  pas  dit 
» la  v6l’it6  dans  votre  premier  interrogatoire? »  et  elle  r6pond  : 


SUR  L’IITAT  MENTAL  DE  VICTORINE  CROISIEB.  37 
«Je  n’en  sais  rien;  quand  vous  m’avez  interrogfie,  jeu’^tais 
»  pas  comme  je  suis  aujourd’hui;  il  y  a  des  moments  oCi  j’ai  la 
»  tSte  perdue.  Vous  m’auriez  interrogfie  hier  dans  la  matinee, 
» j’aurais  pent-6tre  fait  de  m6me;  c’est  seulement  depuis  hier 
»  que  je  vais  beaucoup  mieux.  »  Est-ce  qu’il  vous  arrive  sou- 
vent  d’avoir  de  semblables  absences  7  Elle  r§pond : »  Je  suis 
»  bien  quand  je  suis  tranquille  ou  avec  des  personnes  qui  ne 
»  me  menent  pas  durement ;  la  moindre  conlrarifilfi  me  fait 
»  perdre  la  t6te,  je  ne  sais  plus  ce  qife  je  fais,  je  briserais  tout, 
»  je  me  dechirerais  moi-mfime. » 

Le  troisibme  interrogatoire  dfivoile  qu’elle  a  mis  le  feu  la 
maison  du  boisparce  qu’elle  ne  voulait  plus  y  retourner.  Tantbt 
elle  dit  avoir  mis  le  feu  I’ann^e  prec6dente  a  la  ferme  du  sleur 
Berfaud,  puis  aussi  vite  elle  ne  se  rappelle  plus  I’avoir  dit ; 
d’autres  fois,  elle  cite  les  noms  des  trois  individus  qui  seraient 
les  coupables;  puis,  elle  n’en  sait  plus  rien.  D’autres  fois,  c’est 
un  nouveau  personnage  qui  est  I’incendiaire.  Elle  pretend  avoir 
commis  beaucoup  de  crimes  qu’elie  ne  connait  pas  cependant. 
—  «Si  Ton  volt  quelque  chose,  dit-elle,  je  vois  beauconp ;  apres 
» la  mort  de  mon  mari,  il  n’y  aura  plus  de  viu  i  boire,  et  voilk 
»  une  ch^re  mort.  »  Elle  prMt  I’avenir,  mais  elle  ignore  si  c’est 
le  diablO  ou  le  bon  Dieu  qui  lui  a  donnfi  ce  pouvoir ;  c’est 
elle  qui  a  cr6e  le  soleil,  etc.  Tout  cela  frappe  Svidemment 
M.  le  juge  d’instruction  qui  lui  demande  si  elle  ne  reconnait 
pas  avoir  lesidfies  troublfies;  mais  elle  r6pond  ne  pas  avoir  du 
tout  la  t6te  d6rang6e.  Elle  dit  encore  avoir  beaucoup  d’enfants, 
des  morts,  des  vivants,  etc. 

OBSERVATION  DIRECTE. 

La  femme  Legrand  est  amende  li  Maryville,  lb  20  aout  1806, 
sous  I’escorte  de  la  gendarmerie.  On  la  place  dans  un  quartier 
special  Ob  elle  est  recpramandbe  &  I’observation. 


RAPPORT  MfiDICO-L^GAL 


Quand  nous  la  voyons  pour  la  premiere  fois,  nous  remar- 
quons  du  d^faut  de  sola  dans  son  accoutrement.  Sa  demarche, 
ses  gestes,  sa  physionomle,  toute  son  habitude  extSrieure, 
enfin,  tendraieni  it  faire  supposer  qu’elle  a  pen  conscience 
d’elle-mSme  et  dc  sa  situation.  Elle  est  tranquille,  mais  inerte 
devant  ce  qui  se  passe  autour  d’elle. 

23  aout  1866.  ~  D.  —  Comment  vous  appelez-vous? 

R.  —  Julie  Colin. 

D.  —  Comment  se  nomme  votre  inari  ? 

R.  —  Petit. 

D.  — Pourquoi  ne  dites-vous  pas  votre  vrai  nom  ;  vous  vous 
appelez  Legrand  ? 

R.  —  Oui,  monsieur. 

D.  —  Gombien  y  a-t-il  de  temps  que  vous  §tes  mariee  ? 

R.  —  Deux  ans. 

Z>,  —  Combien  avez-vons  d’enfants  1 

R.  —  Quatre. 

J),  —  Quel  age  a  le  plus  ag6  ? 

R.  —  Seize  ans. 

D.  —  Que  faut-il  croire  dans  ce  que  vous  rfipondez  ?  Vous 
ne  pouvez  avoir  un  fils  de  seize  ans  puisque,  dites-vous,  vous 
n’6tes  marifie  que  depuis  deux.  —  Pas  de  reponse. 

D.  —  Combien  avez-vons  d’enfants  ?  Pas  de  reponse  ;  atti¬ 
tude  automatique,  physionomie  nulle;  I’observation  la  plus 
rigoureuse  ne  permet  pas  de  d6couvrir  l’£q)parition  d’une  sen¬ 
sation. 

D,  —  Combien  d’enfants  avez-vous  ? 

i?.  —  Ils  sont  morts. 

D.  —  Comment  se  nomment  ceux  qui  vivent  encore  ? 

R.  —  L’un  Julieu,  I’auiPe  Charles  ist  1%  troisieme  Jean. 

D.  —  N’avez-vous  pas  de  Giles  ? 

R> — J’ai  deux  enfantsi,  dont  deux  Giles. 

j),  —  On  vous  accuse  d’avoir  mis  le  feu  a  votre  maison  ? 


39 


SUU  L’fiTAT  MENTAL  DE  VICTORINE  CROISIER. 

R.  —  J’ai  mis  le  feu  ^  ma  maison,  mais  je  n’ai  brul6  ni  le 
cliable,  ni  le  bon  Dieu. 

D.  —  Pourquoi  ? 

R.  —  G’6lait  pour  faire  du  mal. 

Z).  —  A  quiJ  —  Pas  de  r6ponse. 

J).  —  Vous  ne  vouliez  pas  que  votre  mari  alllt  travailler 
dans  votre  maison  ?, 

R.  — Non,  parce  qu’on  avait  mis  le  feu  a  celle  d’&  c6t6. 

D.  —  Ce  n’6tait  pas  une  raison  pour  brfller  la  votre.  Votre 
marl  y  allait-il  travailler  tout  de  m4me  ? 

R.  —  II  ne 'm’ficoutait  pas  :  il  disait  que  j’etals  folle;  alors 
il  me  battait. 

D.  —  Pourquoi  votre  mari  vous  en  voulait-il  1 
R.  —Vl  6tait  jaloux  de  moi. 

D.  —  Vous  connaissiez  quelqu’un  ? 

R.  —  J’ai  connu  un  bomme  pendant  deux  aus. 

D.  —  Depuis  combien  de  temps  I’avez-vous  quitl^  ? 

R.  — '  11  n’y  a  pas  longtemps. 

D.  —  Que  faisait-il  chez  vous  ? 

R,  —  11  £tait  compagnou  du  devoir. 

D.  —  Compagnou  charpentier  ? 

R,  —  Non,  il  faisait  le  bien  et  le  mal;  il  dtait  tout. 

D.  —  Pourquoi  votre  mari  vous  en  voulait-il  2 
R,  —  Depuis  que  j’ai  yu  une  flamme  de  feu  descendre  du 
toit  sur  les  meubles. 

J).  —  Votre  mari  i’a-t-il  vue  2 
R.  —  OuL 

D,  —  Qui  vous  a  donniS  I’idSe  de  mettre  le  feu  k  votre 
maison  2 

R,  —  G’est  parce  qu’on  a  reavers6  cede  d’ii  c6t6  de  nous. 

D.  —  Qu’6tait-ce  que  celle-ik  ? 

R.  —  11  y  avait  des  piquets,  des  mauvaises  cboses  alentour ; 
je  ne  voulais  pas  que  mon  mari  y  allat  travailler. 

D,  —  Pourquoi  avez-vous  mis  le  feu  a  votre  maison  2 


40  ,  RAPPORT  MfiUlCO-LfiGAL 

.  B.  —  Elle  avail  un  sort;  je  ne  voulais  pas  que  mon  niari  el 
les  enfants  y  retournent. 

D.  —  Vous  vous  etes  sauv6e  apres  ? 

B.  —  Non,  j’ai  regarde  brfller. 

D.  —  feles-vous  contente  d’dlre  sortie  de  prison  et  d’dlre 
venue  ici  ? 

R.  —  Oui,  mais  la  soeur  ne  me  plait  pas. 

D.  —  Pourquoi  ? 

B.  —  Parce  qu’elie  me  fait  du  bien. 

D.  —  C’est  diole,  cela ;  vous  files  folle,  alors? 

/f. -I— Comme  cela, 

D.  —  Voire  mari  vous  reprocbait-il  quelquefois  les  fames 
que  vous  avez  eommises  avec  rhonime  qui  fitait  chez  vous? 

B.  —  Oui ;  quelquefois  il  fitait  furieux  «l  me  battait. 

D.  —  Regrettez-vous  votre  conduite  ?  —  Pas  de  rfiponse. 

D.  —  Est-ce  que  vous  ne  travailliez  pas  ? 

B.  — Non. 

D.  —  Vous  fitiez  inquiete  ? 

B.  —  Oui. 

D.  —  C’est  it  cause  de  cela  que  votre  mari  voiis  enfermait? 

7f.  — Oui. 

D.  —  Vous  avez  passfi  par  les  fenfitres  ? 

B.  —  Par  les  portes,  par  les  fenfitres. 

On  ne  constate  aucune  fimotion  pendant  le  temps  qu’ont 
durfi  ces  questions,  dont  nous  apprficierons  la  valeur  compa¬ 
rative  avec  les  rfiponses;  rien  ne  se  dfivoile  qu’une  attitude 
morne  n’ayant  quoi  que  ce  soil  de  factice.  La  journfie  se  passe 
dans  une  inerlie  complfite ;  elle  ne  cherche  k  communiquer 
avec  personne,  rfipond  plus  ou  moins  bien  quand  on  lui  parle, 
est  nonchalante  dans  toule  sou  allure  et  nullement  soucleuse 
de  ce  qui  I’environne. 

Nous  ne  rapporterons  pas  ici  tons  les  nombreux  interroga- 
toires  que  nous  lui  avons  fait  subir  et  qui  conduisent  aux 
mfimes  conclusions  ;  mais  ses  difffirenis  modes  i’fitre  et  les 


SUR  L’fiTAT.  MENTAL  DE  VICXORINE  CROISIER.  41 
exacerbations  d’agitaiion  r^mittente  qui  se  manifesient  soiit 
a  noler  d’une  fa^on  spiciale. 

25  aout.  —  D&ordre  complet;  pas  la  moindre  coherence 
dans  les  paroles;  va  et  vient  avec  agitation  en  proKrant  des 
menaces  qui  ne  reposent  sur  rien  et  des  mots  qui  n’ont  aucune 
suite.  Le  matin  elle  voulait  casser  les  carreaux  avec  la  cruchc 
4  I’eau  et  excitait  ses  compagnes  4  tout  briser.  On  arrive  dififi- 
cilemenl  a  la  calmer ;  on  ne  pent,  quoi  qu’on  fasse,  diriger  son 
attention.  Les  id^es  Pratiques  devienuent  sailiantes  chez  elle  ; 
elle  parle  souvent  d’homraes,  qu’elle  aime  les  hommes,  etc. 

28  aout.  —  Plus  de  calme,  mais  relatif.  Elle  nous  dit  que, 
si  elle  a  mis  le  feu  h  sa  maison,  c’est  qu’elle  6tait  ensorcelSe  et 
qu’elle  ne  voulait  pas  que  son  mari  et  ses  enfants  y  retour- 
nassent  de  peur  qu’il  ne  leur  arrive  du  mal.  On  essaye  de 
diriger  ses  aptitudes  vers  une  occupation;  on  ne  peul  y  par- 
venir. 

Elle  revolt  de  son  mari  une  lettre  qui  denote  de  la  part  de 
ce  dernier  une  ^intelligence  des  plus  born^es.  Particularit6 
assez  curieuse  4  retenir,  c’est  que  les  conceptions  dfilirantes  de 
sa  femme  ont  exerc6  leur  contagion  sur  lui;  il  a  fini  par.etre 
convaincu  des  sortileges  dont  elle  I’a  eniretenu. 

29  aout.  —  Calme  relatif ;  on  ne  pent  I’occuper.  L’attention 
chez  elle  est  difiicile  ;  lenteur  extreme  dans  la  formation  des 
pens6es  dont  I’erreur  est  manifeste. 

D.  —  Il  faudrait  travailler. 

R,  —  Je  ne  sais  pas  travailler ;  il  n’y  a  qu’un  seul  ouvrage 
que  je  devrais  faire. 

D.  —  Quoi  I 

R.  —  Voir  mes  enfants  et  mon  mari. 

D.  —  Il  ne  fallait  pas  mettre  le  feu. 

R.  —  Je  ne  I’ai  pas  fait  pour  du  mal ;  je  n’ai  rien  brfll6 ;  il 
n’y  avail  personne  dedans. 

D.  —  Pourquoi  avez-vous  hrul6  celtp  maison  ? 

/f,  —  Il  y  avail  quelque  chose  autour.  i 


RAPPORT  m£DICO-L£GAL 


D.  —  Quoi  ? 

R.  —  Mon  mari  et  mes  enfants  y  aliaient  malgrfi  inoi  et 
malgrfi  ce  que  je  disais. 

D.  —  Qu’y  avai(-il  dans  votre  maison  ? 

R.  —  II  y  avail  un  sort. 

D.  —  Depuis  quand  ? 

R.  —  Je  n’en  sais  rien. 

D,  —  Votre  mari  y  allait-il  toujours  ? 

R.  —  Oui. 

B.  —  Ponrquoi  ne  vouliez-vons  plus  qu"il  y  aille  ? 

R.  —  Pour  erapScher  les  maledictions  de  lomber  sur  mon 
mari  et  mes  enfants. 

Z>,  —  Y  a-t-il  longtemps  que  vous  avez  I’idde  qu’on  vonlait 
vous  faire  du  mal  1 

R.  — Trois  mois,  je  crois. 

D.  —  Comment  se  fait-il  que  I’idfie  vous  soil  venue  lout 
d’un  coup  qu’on  voulait  vous  faire  du  mal  2 

R.  —  €e  n’est  pas  tout  d’un  coup  :  c’esten  voyant  mon 
mad  y  ailer.  On  avail  renversd  la  maison  ^  c6t6,  et  j’ai  cm  que 
c’dtait  pour  faire  du  maL 

B.  —  Pourquoi  a-t-on  renvers6  la  maison  d’a  cote  2 

R.  —  C’est  un  sort  pour  faire  du  mal  a  mon  mari, 

B.  —  II  faut  travailler. 

—  Je  ne  veux  pas :  j’ai  penr  de  faire  le  bien. 

B.  —  Vous  aiinez  beaucoup  lesbommes? 

R.  • —  Oui,  Je  les  aime,  et  je  ferai  tout  pour  les  aimer  comme 
les  enfants. 

B.  —  Quel  age  avez-vous  2 

R.  —  Trente-cinq  ans. 

B.  —  Quel  est  I’age  de  vos  enfants? 

R.  —  L’un  a  sept  ans  et  le  plus  jeuae  trois  ans. 

B.  —  Vous  nous  avez  dit,  il  y  a  quelques  Jours,  que  vous 
en  aviez  un  de  cinquante-lrois  ans  2 

R.  —  C’est  mon  marl 


SUR  L’fiTAT  MENTAL  DE  VICTORINE  CROISIER.  43 

D.  —  Votre  inari  ne  pent  etre  votre  enfant;  du  reste,  il  n’a 
pas  cet  age-lk  ? 

R.  —  JSfon,  c’est  Duval. 

D..  —  C’6tait  votre  amant;  le  regreltez-vous  ? 

R.  —  Oui,  un  pen.  , 

De  cette  conversation,  il  r4sulte  que,  bien  longtemps  avant 
le  crime,  la  femme  Legrancl  4tait  obsed4e  par  des  convictions 
d61irautes  de  persecutions  et  probablement  aussi  par  des  hallu¬ 
cinations  de  m6me  nature.  Il  en  resulle  encore  qu’on  pent  con- 
stater  I’erreur  ou  I’absence  de  perception,  le  defaut  de  memoire, 
la  nulliie  d’appreciation  et  I’erotisme. 

31  aout.  —  Le  calme  relalifse  continue,  c’est-k-dire  qu’on 
ne  remarque  pas  la  turbulence  desordonnfie  des  jours  prece¬ 
dents  ;  mais  on  constate  I’incoordination  des  actes,  le  peu  de 
conscience  d’elle-mfime,  le  ddsordre  de  I’babitude  exterieure ; 
on  he  peut  diriger  son  activitk,  meme  sur  les  choses  les  plus 
eiementdres. 

D.  —  Comment  vous  trouvez-vous  2 

R.  —  (Prenant  la  main  de  I’un  de  nousj  ;  J’ai  mie  faveur 
a  vous  demander  :  je  voudrais  vous  embrasser. 

D.  —  Est-ce  que  c’est  Duval  qui  a  jetd  le  sort  sur  la 
maison  ? 

,  R.  —  Probablement. 

2).  —  Duval  etait  bien  votre  amant  ? 

R,  —  Non.....  ;  mon  marl  est  catholique  et  moi  Je  suis 
juive. 

J),  —  Mais  vous  files  parfaitement  catholique  2 

2?.  —  On  dit  que  oui. 

D.  —  Ce  n’est  done  pas  Duval  que  vous  aimiez  ? 

R. — Non,  c’fitait  Mathieu. 

2i.  —  Vous  aimez  done  tous  les  hommes  .2 

R.  —  Quelquefois. 

D.  —  Que  fait  Duval  ? 

R.  —  Il  fait  beaucoup  de  choses. 


hll  RAPPORT  MfiWCO-LEGAL 

D.  Vous  avez  dit  que  vous  aviez  mis  le  feu? 

R.  —  Oui,  je  I’ai  avou6,  j’ai  dit  que  cela  suffisait. 

D.  —  Vous  croyiez  qu’on  voulait  vous  faire  du  mal  ? 

R.  —  Oui ;  i  moi,  k  mon  mari,  k  mes  enfants. 

D.  —  Qui  done  vous  voulait  du  mal  ? 

R.  —  Nos  voisins  nous  eii  voulaient  et  disaient  qu’ils  vou- 
laient  me  faire  sScher. 

D.  —  Vous  auriez  mis  le  feu  dans  votre  maison  parce  que 
vous  ne  vouliez  pas  tester  dedans  ? 

R.  —  Je  n’ai  pas  voulu  rester  dans  la  maison  parce  que 
j’avais  vu  des  flammes  descendre,  ct  depuis,  mes  enfants  sont 
devenus  comme  enrages  :  ils  sechaient,  d6p6rissaient ;  e’est 
k  cause  de  cela  que  j’ai  mis  le  feu. 

D,  —  Est-ce  que  la  cause  en  est  k  vos  voisins  ? 

R,  —  Les  voisins  out  fait  des  sortileges  dans  la  maison  de 
Bertaud  ;  le  feu  y  a  pris  et  est  venu  sur  notre  maison. 

D.  —  Le  feu  a  mis  le  temps  pour  venir,  puisquiil  y  a  eu 
un  intervalle  d’une  ann^e  enlre  les  deux  incendies. 

A  —  Cela  ne  fait  rien. 

D.  —  Pourquoi  voulez-vous  m’embrasser  ? 

R.  —  Parce  que  vous  me  plaisez  :  je  ne  vous  ferai  pas  de 
mal. 

Get  interrogatoire  demontre  encore  de  la  facon  la  plus  nette 
la  faussele  des  sensations,  le  dfifaut  ou  le  rendement  errond 
des  souvenirs,  i’impossibilit6  d’etablir  pertinerament  de  rapport 
entre  les  id6es,  la  perversion  morale  et  I’^rotisme. 

2  septembre.  —  Grande  agitation;  impossibility  de  lui  tenir 
un  raisonnement  quelconque.  La  physionomie  devient  vul- 
tueuse  aux  plus  simples  paroles  qu’on  lui  adresse.  Elle  est  tres- 
difficile  k  maintenir,  est  subitement  irritable  et  offre  des  pro¬ 
pulsions  qu’il  faut  surveiller  attentiveraent.  Cette  agitation 
dure  quelques  jours  sans  r6mittence,  puis  un  calme  apparent 
survient,  pendant  lequel,  toutefois,  on  ne  peut  oblenir  de  sa 
part  aucune  id^e  cohyrente. 


SDB  L’feTAT  MfiNTAt  ftb  VlCTOhlNt:  CROISiF.n. 

6  septembre.  —  On  la  fait  peu  aisfiinenl  tenir  en  placo. 
Elle  veut  voir  son  inari  et  ses  enfants.  Elle  ne  s’inqui^te  pas 
aulrement  de  ceux-ci. 

Elle  s’apei-foit,  dit-elle,  que  les  malades  qui  sont  autour 
d’elle  d6p§risseut  par  I'etfet  des  sortileges. 

Extreme  agitation  pendant  quelque  temps ;  fort  malaisee  h 
maintenir.  Les  conversations  qu’on  tente  d’avoir  avec  ejle  ne 
demontrent  de  plus  en  plus  que  la  perversion  mentale  dont  la 
chronicite  est  evidente. 

19  septembre.  — Elle  est  calme  depuls  bier.  .4ujourd'hfli, 
elle  pleure,  se  desole,  regrette  ce  qu’elle  a  fait,  va  et  vient  sans 
but  precis,  veut  s’en  aller,  veut  qu’on  reste  pres  d’eile,  etc.; 
la  dissociation  des  pensees  et  des  acies  necessite  une  surveillance 
rigoureuse. 

20  septembre.  —  Grand  desordrc ;  casse  les  carreaux,  se 
jette  sur  la  .soeur  et  les  infirmiferes  sans  qu’on  lui  disc  rien  ;  le 
motif  reel  de  cette  agitation  repose  sur  cette  conviction  deiirante 
qu’on  I’erapeche  de  voir  son  mari  et  ses  enfants  auxquels  on 
veut  faire  du  riial.  Elle  a  trouble,  toute  la  nuit,  les  malades 
dudortoir;  on  se  voit  force  de  la  mettre  dans  une  chambre 
separee. 

26  septembre.  —  Cherche  &  briser  ce  qu’elle  trouve  et  it  se 
jeter  sur  les  personnes.  On  lui  met  la  camisole.  Lorsqu’on  lui 
demande  pourquoi  elle  agit  ainsi,  elle  repond  qu’on  n’est  pas 
dans  le  cas  de  sentir  ce  qu’une  mhre  sent  pour  ses  enfants; 
qu’il  est  temps  de  repeupler  la  terre,  sans  quoi  nous  sommes 
tous  perdus ;  qu’il  y  a  des  personnes  qui  prient  et  ne  devraient 
pas  le  faire;  qu’on  lui  en  veut,  etc.,  etc. 

On  la  voit  pendant  un  mois  presque  constamment  agitee,  et 
le  desordre  de  ses  paroles,  de  sa  tenue  et  de  ses  actes  se  rap- 
porte  toujours  aux  conceptions  d^lirantes  principales.  Elle  a 
constamment  des  tendances  incoercibles  a  briser  et  Ton  ne  peut 
les  erapecher  qu’en  usant  vis-k-vis  d'elle  de  moyens  contentifs. 
lOoctobre.  —  Elle  a  6t6  fortement  excit6e  et  s’est  violem- 


RAPPORT  M£DIC0-L£GAL 


ment  jetee  sur  une  soeur  sous  I’influence  d’une  hallucination 
de  I’onie.  Elle  entend  ses  enfanls  qui  I’appellent  a  son  secours. 
lls  orient  et  pleurent;  elle  dit  qu’on  les  a  tu§s;  c’estce  qui  la 
pousse  a  r6agir  centre  les  soeurs  qu’elle  accuse  de  martyriser 
ses  enfants.  On  constate  la  mSme  continuation  de  manifestations 
6rotiques  que  nous  avons  relat6es  prdc6demment. 

21  octobre.  — A  toujours  des  impulsions  insolites  sous  I’efTet 
des  hallucinations  de  Toui'e  qui  Tobs^dent.  Depuis  deux  jours, 
on  lui  a  mis  la  camisole ;  elle  croit  les  inflrmiferes  et  les  soeurs 
coupables  de  ,s6vices  envers  son  mari  j  elle  s’est  jetfie  sur  une 
iuDrraibre  et  a  failli  I’etrahgler  5  elle  a  brdl6  une  soeur  en  lui 
jetant  des  legumes  tres*chauds  sur  la  main.  —  Tout  raisonne- 
ment  s’^puise  devant  le  dfisordre  invincible  de  I’intelligence  et 
du  moral.  Bon  gr6,  mal  gr4,  il  faut  avoir  recours  aux  moyens 
de  rigueur. 

23  octobre.  Elle  est  calme,  on  a  pu  la  faire  travailler  h 
coudre.  Elle  est  tout  aussi  troubl6e  du  reste  5  mais  elle  est 
moins  inquibte,  parce  que,  dit-elle,  elle  vient  de  recevoir  des 
nouvelles  de  ses  enfanls  par  le  procnreur  impfirial  de  Wirecourt. 
II  est  facile  de  voir  qu’il  faudrait  peu  de  chose  pour  I’exciter. 
Son  langage  est  animfi,  incoherent;  elle  ne  reste  pas  en  place, 
est  toujours  poursuivie  par  des  idees  de  persecution,  de  ten¬ 
dances  erotiques;  ainsi,  elle  dit  qu’il  ne  finira  que  par  fester 
que  des  filles  sur  la  terre,  etc. 

Jusqu’au  10  novembre,  moment  ou  nous  commen^ons  ce 
rapport,  toutes  les  conversations  que  nous  avons  avec  elle 
temoignent  de  la  diffusion  ou  de  I’absence  de  pensees,  de  la 
perversion  instinctive,  de  convictions,  de  persecutions  et  d’hal- 
lucinations  remittentes.  Un  instant  I’agitation  et  ses  determina¬ 
tions  funestes  sont  d’une  nature  telle  que  nous  sommes  obliges 
de  lui  faire  quitter  le  quarlier  special  ou  elle  residait  jusqU’h  ce 
jour  pour  la  faire  passer  dans  celui  des  agitees  ofi  elle  est  encore ; 
elle  ne  sent  pas  le  mauvais  de  sa  conduite  et  n’eprouve  autunc 


suR  l’£ta.t  mental  de  victorine  croisier.  hi 
emotion  de  la  transformation  de  milieu  que  nous  lui  avons  fait 
subir, 

L’entendement  et  le  moral  sont  trop  obtures  pour  ne  pas 
dchapperaux  efforts  de  redressement  qu’on  exerce  sur  eux. 

DISCUSSION. 


Nous  sommes  a  une  6poque  ou  toutes  les  professions  lib6rales 
se  tiennent  iniimement  par  certains  points  et  linissent  par  de- 
venir  solidaires.  Si  la  medecine,  sous  le  titre  de  m6decine Ifigale, 
peut  souvent  preter  a  la  justice  un  utile  concours,  la  justice 
vient  aussi  de  son  c6t6,  par  les  renseignemcnts  qu’elle  fournit, 
l  endre  des  services  li  la  m§decine. 

Le  cas  pr(5sent  est  un  exemple,  En  effet,  la  rigueur  de 
I’enqugte,  les  details  minutieux  dans  lesquels  elle  a  pu  entrer, 
sans  oubli  de  choses  futiles  en  apparence,  nous  ont  permis 
d’dlablir  I’etiologie  de  la  compromission  mentale  de  la  femme 
Legrand,  c’est-ii-dirc  les  conditions  de  causality  qui  ont  eld  le 
primum  movens  de  son  ddlire.  Nous  avons  pu  suivre  les 
phases  successives  de  la  maladie  jusqu’au  moment  pu  elle 
s’est  gendralisee  et  a  passd,  comme  expression  finale,  a  I’dtat 
chronique. 

Nous  voyons  que  Victorine  Croisier,  avant  d’dtre  devenue 
femme  Legrand,  dtait  peu  intelligente.  Ce  n’etait  pas  une  de 
ces  imbeciles  qui  ne  peuvent  s’elever  aux  notions  dldmentaires 
ou  a  la  inddiocritd  des  devoirs  gdneraux ;  mais  elle  possddait  de 
la  simplesse  d’esprit ;  elle  dlait,  pour  employer  le  langage 
vulgaire,  bornee.  Appartenant  a  une  pauvre  famille,  ne  se  trou- 
vant  point  dans  les  conditions  satisfaisantcs  pour  que  I’dducalion 
Vienne  corriger  le  vice  primordial  et  dveiller  des  aptitudes 
intellectuelles  en  moralisant  a  la  fois  les  instincts  et  les  actes, 
elle  s’est  trouvde  aux  prises  de  bonne  heure  avec  sa  propre 
initiative  qui  dtait  Irds-faible,  et  a  dtd  peu  capable  de  se  main- 
tenir  dans  le  milieu  social  par  sa  simple  direction  personnelle 


RAPPORT  MfiWCO-LtGAL 


avec  toule  la  pertinence  d&irable.  Nfianmoins,  elle  §tait  hotl- 
ngte  et  a  pu  apprendre  diverses  choses ;  elle  a  pu  se  presenter 
en  condition  chez  plusieurs  maitres;  maisia,  elle  n’est  restee 
qu’k  la  condition  de  bienveillance  et  de  longanimitd,  etelle  s’est 
fait  remarquer  par  des  inaptitudes  et  bizarreries  diverses  qui 
ont  dfl  forcer  les  personnes  chez  lesqnelles  elle  se  trouvait  a  se 
priver  de  ses  services. 

Plus  tard,  elle  s’est  mariee.  Comment  ?  Dans  quelles  condi¬ 
tions?  Nous  I’ignorons;  mais^  en  tout  cas,  ces  conditions  dtaient 
trisles,  puisque  le  mariage  la  mettait  doublement  en  face  des 
ndcessitds  de  la  vie  et  quo  ses  forces  intellectuelles  n’avaient  pas 
le  ressort  ndcessaire  pour  y  rfisister  avantageusement.  —  D’un 
autre  cotd,  le  mari,  que  nous  ne  connaissons  cependant  pas  per- 
sonnellement,  doit  etre  un  borame  bornd,  car,  depuis  I’interne- 
ment  de  la  femme  Legrand  par  ordre  de  I’autorite  judiciaire, 
nous  avons  recu  unc  leltre  qu’il  lui  adressait,  lettre  que  nous 
ajoutons  au  dossier  qui  nous  a  did  confid,  et  qui  prouve  avec 
netteld  non-seulement  la  faiblesse  d’entenderaect  de  cet  homme, 
mais  aussi  le  contagium  qui  a  rejailli  sur  lui  de  la  folie  de  sa 
femme. 

La  femme  Legrand  a  entretenu  pendant  un  certain  temps 
des  relations  intimes  avec  un  nommd  Duval,  espdce  de  vagabond 
auquel  les  dpoux  Legrand  avail  donnd  I’hospitalitd,  qui  avail 
fini  par  exercer  une  pression  incoercible  sur  leurs  pauvres 
intelligences  et  dont  I’influence  extrdme  dans  le  mdnage  nous 
paratt  irrdfutable.  —  Avant  I’inlronisalion  de  cet  homme  dans 
le  domicile  conjugal,  la  femme  Legrand  dtait  laborieuse,  dpouse 
tranquille  et  bonne  mere  ;  elle  vivait  misdrablement  et  sa  con¬ 
stitution  a  dfl  souvent  soulfrir,  surtout  k  la  suite  de  parturi¬ 
tions  ;  mais  enfin  la  conduite  et  I’honndtetd  n’dtaient  pas  alia- 
quables. 

Nous  ne  dirons  rien  de  Duval  qui  escompte  I’hospitalitd 
qu’on  lui  donne  avec  I’lionneur  de  la  maitresse  du  logis ;  nous 
ne  dirons  rien  de  ce  capharUaUm  ofl  la  moralitd  est  prise  a 


SUE  L’fiTAT  MENTAL  DE  •  VICTORINE  CROISIER.  49 
rebours,  oiitoute  convenance  disparait,  ou  les  plus  m6diocres 
senlimenls  du  devoir  soiit.  une  lettre  morte,  ou  la  presence  de 
tous  jeunes  enfants  n’arrete  pas  la  d6bauche,  ou  Ton  se  de- 
mande  avec  tristesse  ce  que  deviendront  ces  pauvres  petils  etres 
qui,  dfes  leur  teudre  §ge,  se  sont  trouv6s  eii  face  d’une  pro¬ 
miscuity  des  plus  ryvoltantes.  Que  dire  du  mari,  non  pour 
I’excuser,  mais  pour  att6nuer,  si  cela  est  possible,  le  honteux 
de  sa  conduite? 

La  faible  intelligence,  I’absence  d’^ducation,  la  inisere  et  ses 
consequences  doivent  faire  jeter  sur  lui  le  voile  de  la  commise¬ 
ration.  . 

Toujours  est-il  que  cette  vie  bybride  a  laquelle  le  travail 
n’apportait  pas  le  contingent  de  subsistance  necessaire  ne  pou- 
vait  que  deteriorer  davantage  Torganisme  deja  appauvri  de  la 
femme  Legrand. ,  Or,  rappauvrissement  du  sang  (anemie  gene- 
rale)  n’est  pas  indifferent  par  suite  de  Taction  reciproque  de 
Teiement  arteriel  et  de  Teiement  nerveux  sur  la  production  des 
troubles  pathologiques  du  systeme  nerveux  central  et  peripbe- 
rique ;  Talienation  mentale  ne  fait  que  corrobprer  la  lesion.  Si 
Ton  joint  a  cela  la  furenr  uterine  avec  ses  actions  reflexes  nous 
aurons  toule  Texplicalion  des  phenomfenes  morbides  de  Tenten- 
dement  et  du  moral  cbez  la  femme  Legrand.  —  M.  le  inaire 
d’Esseignez  ne  s’6tait  pas,  dans  son  simple  bon  sens,  trompe 
sur  I’origine  de  Tetat  de  folie  de  la  femme  Legrand,  quand  il 
disait  que  cet  etat  provenait  d’une  sorte  de  chaleur  qui  lui  avait 
6te  communiquee  par  Duval.  II  avail  bien  soupconne  la  conse¬ 
quence  formelle  de  Texcitation  genitale,  la  nymphomanie,  qui 
avait,  en  devenant  compiementaire  de  Tappauvrissement  du 
sang,  suscite  par  son  action  sur  le  systeme  viscero-gangliqn- 
naire  un  retentissement  ultime  sur  le  cerveau.  Le  resultat  s'est 
caracterise  par  un  deiire  emotif  primordial,  qui  s’est  ensuite 
traduit  en  deiire  general,  a  suivi  regulierement  toutes  ses 
periodes,  a  about!  a  ia  chronicit6  et,  fmalsment,  au  dernier 
terme  morbide,  la  demence,  c’est-a-dire  la  destruction  des 

AKXAt,.  MED.-PSYCH.  4'-’s6rie,  t.  IX.  .lanYier  1867.  A.  A 


HAPPORT  MfiDlCO-lfiGAL 


facult^s  intellectuelles  et  morales  qui  formera  iiotre  conclusion 
vis-a-vis  de  I’fitat  mental  de  I’inculp^e. 

L’organisme  de  la  femme  Legrand  ne  pouvait  done  lulter 
avantageusement  contre  ies  d^testables  conditions  d’habiiation, 
d’alimentalion,  etc.,  et  contre  les  effets  de  I’^rotisrae.  L’influeiice 
morale  de  Duval  n’avait  pas6t6  non  plus  sans  exercer  une  grave 
alteinte  sur  on  cerveau  affaibli.  —  II  fallait  une  limite,  et  ce 
qui  doit  spficialement  nous  frapper,  e’est  que  le  d61ire  s’est 
r6v416  d’une  facon  tangible  a  la  suite  d’une  sc6ne  nocturne  avec 
Duval  et  son  marl.  Le  matin,  elle  intima  &  Duval  I’ordre  de 
sortir,  et  elle  lui  ordonnait  en  mfime  temps  de  retirer  le  sort 
qu’il  avait  jet6  sur  son  mari  et  ses  enfants,  Mais  le  depart  de 
Duval  n’arrete  pas  chez  la  femme  Legrand  la  fureur  uterine,  et 
I’information  peut  presque  pas  a  pas  la  suivre  dans  ses  obsessions 
qu'elle  ne  cherche  en  rien  a  c61er  vis-li-vis  de  cet  homme.  Le 
delire  avec  les  extravagances  d’actes  ne  fait  que  s’accroitre  des 
refus  de  ce  dernier. 

Nous  ne  devons  point  oublier  un  fait  iinportant.  —  II  ne 
nous  appartient  pas  de  dire  si,  &  un  temps  donn6  et  quaud 
Duval  6tait  encore  au  domicile  des  6poux  Legrand,  la  femme 
Legrand  s’est  fait  avorter  ou  a  eu  simplement  une  faussc 
couche;  mais  si  cet  6v6nement  a  eu  lieu,  il  a  du  exercer  une 
grande  influence  sur  I’^tat  mental;  les  troubles  de  I'ut^rus  avec 
les  perversions  menstruelles  ont  du  contribuer  a  I’altfiration  des 
facultfis.  Depuis  ce  moment,  toute  application  disparut  chez 
rinculpee ;  mais  le  d4lire  ne  s’est  toutefois  r6v416  d’une  maniere 
appreciable  et  tres-distincte  que  par  la  manifestation  des  malfi- 
iices  jetes  sur  elle,  par  les  craintes  chimeriques,  I’anxiete,  et  ies 
inquietudes  inb6rentes  a  ce  mode  de  folie.  C’esl  sous  I’erapire 
de  cet  etat  morbide  qu’elle  parvient  d’abord  a  faire  abandonner 
sa  maison  par  son  mari  et  par  y  mettre  le  feu  pour  qu’il 
n’y  revienne  pas  et  ne  subisse  point  ainsi  que  ses  enfanis  les 
effets  des  sortileges. 

Elle  suit  en  cola  la  logique  ordinaire  des  alienes  etle  fait  n’a 


SUB  L’fiTAT  MENTAL  DE  VICTORINE  CROISIER.  51 
point  lieu  de  nous  surprendre.  Elle  ne  cherche  point  nier  le 
crime  qu’elle  a  commis,  bien  au  conlraire;  el;  en  celS,  elle  ne 
s’ficarle  nullement  du  raisonnement  qui  se  fait  chez  les  alienees 
de  sa  categoric.  Elle  est  satisfaite,  car  elle  a  agi  eonformewent 
a  sa  conviction  deiirante  qui  lui  ordbnne  telle  chose  pour  pro¬ 
tegee  les  siens. 

La  veille  de  I’incendie,  I’extenuation  et  les  divagations  de 
I’inculpee  ont  peniblementimpressionne  M,  le  mairede  Charraes ; 
il  est  reste  convaincu  de  la  folie,  et  il  ne  pouvait  en  etre  autre- 
ment. 

Y  a-t-ii  une  relation  a  etablir  entre  I’incendie  de  la  maison 
Bertaud  le  31  juillet  1866  et  I’incendie  de  la  maison  Legrand 
le  h  juillet  1866?  Nous  ne  saurious  voir  entre  ces  deux  dales 
qu’une  coincidence.  Tantdt  la  femme  Legrand  dit  que  I’incendie 
est  de  son  fait;  d’autres  fois  elle  nie;  dans  I’etat  intellectuel  oil 
elle  se  trouve  aujourd’hui,  il  n’est  pas  permis  d’inKrer  une 
opinion  d’aprSs  ses  paroles. 

Si  nous  venons  k  examiner  la  femme  Legrand  dans  ses  inter- 
rogatoires  devant  M.  le  juge  d’inslrucllon,  nous  nous  trouvons 
presque  continuellement  en  face  du  delire  claireraent  accuse.  11 
est  arrive  cependant  que  des  rOponses  ont  ete  assez  nettes  et 
precises ;  mais,  en  reliant  le  tout,  on  voit  un  decousu  et  une 
irreflexion  notoire  de  pensees.  C’est  le  propre  de  certains  alie- 
nes,  et  principalement  dans  I’etat  chroUique,  de  repondre  iram6- 
diatement  ce  qui  leur  vient  a  I’esprit,  que  cela  Concorde  ou 
non  avec  ce  qu’on  leur  demande,  et  sans  davantage  se  preoc- 
Guper  de  ce  qu’ils  disenl;  il  arrive  m6me  aussi  qu’ils'semblent 
repondre  normalement  aux  questions  qu’on  leur  pose,  qnahd 
ce  ne  sent,  au  contraire,  que  ces  questions  qui  ont  machinale- 
ment  suscite  une  reponsc  dont  la  veraclte  pourrait  en  ifflposer 
pour  le  libre  fonctionnement  de  la  pensee  ;  on  n’a  fait,  sans  le 
savoir,  que  developper  chez  eux  une  idee  qui  n’est  que  la  con  ' 
tinualion  de  celle  de  I’interlocuteur. 

Jl  resulte  de  Fexamen  direct  dont  nous  avOns  plus  haul  con- 


52 


RAPPORT  MfiblCO-LfiGAL 


sign4  les  details,  que  la  femme  Legrand  ne  jouit  pas  du  libre 
exercice  de  ses  facultfis. 

Nous  nous  rfisumerons  ^onc  et  nous  dirons  que  1  :  femme 
Legrand,  d’une  intelligence  native  peu  d6velopp6e,  entour6e  de 
gens,  son  mari  entre  autres,  dans  les  mdraes  conditions,  a  vu 
son  enlendement  et  son  moral  se  troubler  &  la  suite  d’un  con- 
cours  de  circonstances  et  de  causes  particuliferes.  Les  vexations 
de  ses  voisins,  de  fr6quentes  comparutions  devant  le  juge  de 
paix,  le  libertinage  auquel  elle  s’est  livr^e,  le  g6n6sisme  qui  I’a 
suivi,  la  mis6reet  ses  fatales  consequences  sur  I’organisme,  etc., 
sont  autant  de  raisons  qui  ont  fait  defaillir  compl6teinent  cette 
machine  deja  bien  faible.  II  s’est  alors  traduit  un  d61ire  d6pressif 
(hypemaniaque),  avec  idfies  de  persecution,  de  sortileges,  d’in- 
fluences  occultes,  avec  hallucinations  de  la  vue,  de  I’ouie  anssi, 
puis  tendances  a  reagir  contre  les  inlluences  malfaisantes.  Elle  a 
incendie,  mais  elle  aurait  egaleraent  pu  se  livrer  a  tout  autre 
acte  dangereux. 

Actuellement,  elle  a  la  conversation  futile,  incoherente  et 
toutesles  allures  des  dements;  aujourd’hui  elle  demande  a  s’en 
aller,  puis  elle  s’ennuic  et  vent  rester;  le  lendemain  elle  e.st 
gaie  et  se  trouve  satisfalte. 

Aujourd’hui  elle  travaille  un  peu  des  ouvrages  qui  ne  neces- 
sitent  pas  d’efforts  intellectuels,  et  demain  elle  se  montrera  sans 
motif  desordonnee  et  incoercible.  Quelquefois  on  croirait  entre- 
voir  le  sentiment  affectif  normal  envers  ses  enfants ;  ce  n’est 
cependant  que  la  conviction  delirante  du  sortilege  s’exercant  sur 
eux  qui  ainfene  un  souvenir  passager;  elle  est  insouciante  d’elle- 
m6me  et  de  ce  qui  se  passe  autour  d’elle. 

La  femme  Legrand  est  done  en  ddmence,  mais  on  peut  dire 
qu’il  n’y  a  pas  bien  longtemps.  La  m6moire  existe  encore  pour 
certaines  choses,  mais  surtout  pour  les  choses  anciennes  ;  elle 
oublie  plutot  les  fails  recents.  La  persistance  des  hallucinations 
de  rouie,  de  I’excitation  intercurrente  quelquefois  trfes-grande, 
des  propulsions  brutales  instantandes,  se  r6unissent  pour  indi- 


SUR  L’fiTAT  MENTAL  DE  VIOTOlUNE  CROISIER.  53 
quer  que  l’6tat  de  demence  n’est  pas  de  date  ancieiine  et  que 
le  delire  depressif  chronique  ne  remonte  pas  a  une  6poque 
61oign6e. 

L’inculp6e  est  Irfes-dangereuse  pour  la  s6curil6  publique  el  la 
surete  des  personnes. 


CONCLUSIONS. 

1“  La  femme  Legrand  6tait  alienee  avant  I’epoque  du  crime. 

2°  Lors  de  I’incendie,  elle  a  agi  sous  I’empire  d’uue  influence 
irresistible  consecutive  a  des  convictions  deiiraules  et  &  des 
hallucinations. 

3“  Elle  ne  doit  pas  Sire  cousider6e  comme  possedant  son  libre 
arbitre ;  mais  elle  est  dangereuse,  et  elle  a  besoin  de  I’inter- 
nement  dans  un  asile. 

Maryville,  18  novembre  186G. 

Les  medecins  experts  : 

’■  HENRY  BONNET.  JULES  BULARD. 

La  justice  a  adopte  les  conclusions  de  ce  rapport. 


SOCIETES  SAIAMS, 


Soel^t^  mddlco-pgtyoliolo^iqiiic. 


Stance  du  30  juillet  1866.  —  Prdsidence  de  M.  Fi;ux  VoisiN. 

Lecture  et  adoption  dii  procfes-verbal  de  la  precddente  sdance. 

M.  Campagne,  d’Avignon,  et  M.  Morel,  de  Rouen,  correspon- 
dants  de  la  Socidtd,  assistent  a  la  sdance. 

M.  A.  Linas  fait  hommage  S  la  Socidtd  du  numdro  du  20  jiiil- 
let  1866  de  la  Gazette  hebdomadaire  de  medecine  et  de  chirurgie, 
Ce  journal  contient  la  deuxieme  partie  d’une  dtude  bibliograpliique 
sur  les  publications  rdcentes  relatives  d  I’alidnation  mentale,  a  la 
Idgislation,  aux  divers  modes  d’assistance  et  a  la  mddecine  Idgale 
des  alidnds.  (Remeiclments  a  M.  Linas.) 

Correspondance  : 

M.  le  doctew  Durand,  auteur  des  Essais  de  physiologie  philoso- 
phique,  dcrit  pour  demander  le  titre  de  raembre  rdsidant.  (Com- 
missaires  :  MM.  Peisse,  Delasiauve  et  Achille  Foyille.) 

La  Socidtd  revolt : 

VExtrait  de  la  cUnique  de  I'eiablissement  hy  dr  other  apique  de 
Longchamps,  d  Bordeaux ;  Coup  d’ceil  gdndral  sur  la  nature,  les 
causes  et  le  iraitement  du  rbumatisme,  et,  en  pariiculier,  de 
I’emploi  de  I’bydrothdrapie  dans  cette  affection,  par  le  docieur 
Paul  Delmas.  —  Paris,  1866. 

Le  numdro  de  juillet  du  Journal  de  midecine  mentale,  par 
M.  Delasiauve. 


Discussion  sur  la  folie  raisonn'ante. 

M.  Delasiauve.  Pulsque  personne  ne  rdclame  la  parole,  je  de- 
manderai  a  la  Socidtd  la  permission  de  lui  signaler  un  fait  qu’un 
lien  dtroit  rattache  a  la  question  pendante.  Idenlique,  au  fond,  avec 
la  plupart  de  ceux  qui  ont  dtd  produits,  il  appelle  I’atlention  par  la 
singularitd  des  symptOraes  et  de  la  marche.  Le  snjet  a  pleinement 
conscience  de  son  dtat,  car  c’est  lui-mdme  qui,  dans  une  lettre,  sur 
laquelle  j’ai  dtd  consultd,  il  y  a  quelques  heures  seulement,  expose, 
ddcrit  et  apprdcie  les  plidnorndnes. 

C’est  un  jeune  homme  de  vingt-quatre  ans,  dtudiant  en  droit. 


mOBEL.  —  FOLIli  RAISONNANTE.  55 

L’affeclion,  oecasionn^e  par  de  violentes  secousses  tnofales,  date  du 
commencement  de  1804.  Elle  consiste,  au  fond,  dan.s  une  sorte 
dMtourdissement  et  d’h^bfitude,  qui  cesse  et  revient,  Ji  pen  de  jours 
d’intervalle.  Au  milieu  de  cetie  obtusion,  en  general  dans  la  mati¬ 
nee,  surgissent  des  images  insigniiiantes  qui  se  fixent  plus  on  moins 
longiemps  dans  son  esprit,  puis  s’evanouissent.  G’etait,  dans  le 
principe,  un  individu  barbu,  un  soldat,  etc.  Une  fois  uu  pan  de 
mur  lui  apparut  avec  plusieurs  fenfitres  ouvertes,  sauf  une  seule. 
Ses  proportions  etaient  naturelles  et  la  vision,  mediocrement  nette, 
dura  environ  une  demi-heure.  Pendant  plus  de  quinze  jours,  il  eut 
sous  les  yeux  I’image  d’un  ouvrier  feiblantier,  h  visage  noirci.  Elle 
s’edipsa  tout  4  coup.  Celle  qui  domine,  invariablement,  depuis  deux 
ans,  represente  un  gros  homme  &  blouse  rouge,  une  espbce  de 
boucher  dont  la  figure  change.  Un  moment  affaiblle,  elle  a  bientfit 
repris  son  intensite  habituelle. 

Sans  agrement  pour  le  malade,  ces  sensations  lui  devlennent 
importunes  coinme  un  tableau  monotone  qu’on  tiendrait  suspendu 
devant  lui.  Jamais  elles  ne  se  mSlent  4  ses  songes.  Tantfit  tr6s- 
distlnctes,  elles  sent  d’autres  fois  vagues,  et  peuvent  rnfime  ne  lui 
repi-esenter  qu’une  couleur  rouge  confuse.  II  en  eprouve,  du  reste, 
une  anxiete  bien  naturelie.  Sa  physionomie  est  sombre,  inquifele,  et 
il  se  demande,  avec  effroi,  .si  cette  affection  etrange,  dont  il  garde 
le  secret,  ceribrale  ou  sensotielle,  n’est  pas  le  prelude  du  naufrage 
complet  de  I’intelligence.  A  un  moment  donnd,  elle  pourrait,  en 
elfet,  se  modifiant,  exercer  sur  ses  determinations  une  fScheuse 
influence  et  provoquer,  malgre  la  conservation  du  raisonnement, 
des  actes  non  legitimement  imputables. 

M.  Morel.  La  dissidence  qui  existe  entre  mes  opinions  et  celles 
de  M.  Delasiauve  porte  principalement  sur  la  responsabilite  des 
actes  civils,  chez  les  individus  alienes  ou  suspects  de  folie. 

Si  vous  croyez,  dit  M.  Delasiauve,  qu’il  y  ait  des  actes  d’alienes 
qui  peuvent  6tre  valides  au  point  de  Vue  civil,  par  la  raison  que 
I’individu  etait  assez  maltre  de  lui-m6me  au  moment  de  la  perpe¬ 
tration  de  I’acte,  pourquoi  ne  pas  admeltre  qu’en  malifere  crimi- 
nelle,  il  y  ait  des  alienes  assez  lucldes,  assez  maitres  d’eux-memes, 
pour  savoir  que  Paction  qu’ils  commettent  est  raauvaise,  et  que  ces 
alienes doivent,  consequemment,  en  porter  la  responsabilite? 

Les  objections  de  M.  Delasiauve  m’etaient  parliculiferement  adres- 
sees,  Si  propos  du  testament  du  nomme  Daire,  du  Havre,  testament 
sur  la  validite  duquel  je  me  suis  trouve  §tre  d’un  avis  contraire  4 
celui  de  mon  honorable  coliegue,  M.  le  docteur  Legrand  du  Saulle. 

Yoici  quels  etaient  les  motifs  qui  m’ont  fait  admettre  la  validite 


56  ■  SOClfiT^  MfiDICO-PSYCHOLOGlQUE. 

du  testament ;  Daire  appartenait  a  une  vari^t^  d’hypochondriaques 
amends  fatalement  au  ddlire  des  persecutions,  tnais  capables  de 
remplir  certaines  fonctions,  quoique  I’opinion  publique  se  trompe 
rarement  sur  le  caractfere  excentrique  de  ces  sortes  d’individiis. 

Le  testament  de  Uaire  avail  eid  invalidd  par  le  tribunal  du  Havre, 
par  la  raison  que  I’acte  testamentaire  avail  did  prdcddd  et  suivi  de 
suicide. 

J’ai  dll  faire  ressorlir  ce  fait  principal  que  si  Daire  avail  fait  une 
tentative  de  suicide  avant  de  se  rendre  chez  le  nolairc,  et  que  si  le 
suicide  s’dtait  accompli  en  rdalitd  quelques  jours  aprds  la  confec¬ 
tion  du  testament,  Daire  n’en  diait  pas  moins  compos  mentis  lors- 
qu’il  s’est  rendu  chez  le  notaire  et  qu’il  a  annonciS  i  ce  dernier 
vouloir  faire  un  testament  en  faveur  des  dpoux  Lejeune,  qii’il  avait 
invites  a  venir  demeurer  chez  lui.  La  validitd  d’un  testament,  dans 
les  cas  de  ce  genre,  est  en  rapport  avec  I’esprit  de  la  loi,  qui  en- 
toure  le  testateur  de  loutes  les  garanties  possiblesj  et  qui  vcui  que 
sa  volontd  soil  respectde  alors  qu’il  n’est  ni  contraiiit  ni  forcd. 
N’esl-ce.  pas  la  le  cas  d’appliquer  a  ces  sortes  d’actes  I’axiome  de 
D’Aguesseati :  Un  fou  peui  coinmettre  des  actes  de  sagesse;  un  sage 
ne  saurait  oommetlre  des  actes  de  folie.  Ne  voyons-nous  pas,  dans 
nos  asiles,  des  alidnds  faire  incessamment  des  actes  de  sagesse?  Ne 
les  admettons-nous  pas  a  donner  leur  consentement  au  mariage  de 
leurs  enfants,  apr6s  attestation  faite  par  nous,  devant  notaire,  qu’ils 
ont  la  conscience  de  ce  qu’ils  font?  Pourquoi  ne  seraient-ils  pas 
admis,  dans  les  memes  circonstances,  a  dicier  leurs  derniferes 
volonlds? 

Et  si  les  actes  des  suicidds  devaient  dtre  invalidds,  par  cela  seul 
que  la  mort  volonlaire  a  prdcddd  la  confection  du  testament,  com- 
bien  d’annulalions  de  ce  genre  les  tribunaux  n’auraient-ils  pas  a 
enregistrer?  Les  recherches  de  M.  Brierre  de  Boismont  nous  ap- 
prennent,  en  effet,  que  le  noinbre  des  suicides  qui  laissent  des 
dcrits  parfaitement  bien  coordonnds,  est  tres-considerable. 

Xous  ceux  qui  se  sont  occupds  de  ce  sujet  doivent  bien  ndmeltre 
qu’il  y  a  une  grande  diffdrence  enlrc  la  rcsponsabilitd  que  comporle 
un  acte  de  la  vie  purement  civil,  et  un  acle  dit  criminel.  Lorsque 
nous  avons  a  nous  prpnoncer  sur  la  responsabilild  comparde  de 
ces  sortes  d’actes,  nous  n’avons  pas  a  nous  prdoccuper,  je  I’ai  ddja 
dit  dans  une  autre  discussion,  si  I’individu  inculpd  est  un  mono¬ 
mane  ou  un  pseudo-monomane.  La  justice  criminelle  n’a  que  faire 
de  nos  classifications,  qui  ne  peuvent  dissiper  ses  doutes  ou  en- 
traver  ses  arrets.  Elle  ne  nous  demande  que  d’dtablir  une  chose,  a 
savoir,  si,  au  moment  de  la  perpdtration  de  I’acle,  I’individu  jouis- 


mOREL.  —  FOLIE  RAISONNANTE.  57 

sail  de  sa  raison  oa  s’il  n’a  pas  contraint  ou  forc^  par  une 
volontfi  majeure. 

On  conQoit  facilement  que  I’expertise  est  bien  diff^renle  lorsqu’il 
s’agit  d’un  acte  criminel  ou  bien  d’lm  acte  de  la  vie  civile. 

Dans  le  dernier  cas,  une  volontd  exprimSe,  ne  fdt-ce  qu’in  extre¬ 
mis,  pent  encore  avoir  sa  valeur,  alors  mgnie  'que  I’individu  aurail 
eu  antdrienrement  des  ddfaiilances  d’esprit.  II  n’en  est  pas  de 
m6me  d’un  acte  criminel  qui  a  sa  signification  propre  se  rattachant 
a  Tcxistence  d’nne  maladie  d’uh  ordre  ddtermind,  maladie  dont  les 
caractferes  principaux  peuvent  fitre  mis  en  relief  de  telle  faqon  qu’il 
ne  resie  aucun  doute  dans  I’e.sprit  des  magistrals  siir  I'insanitd 
d’esprit  des  inculpds,  an  moment  de  la  perpetration  de  leurs 
acies. 

J’admets  volontiers,  avec  M.  Delasiauve,  que  pour  ce  qui  regarde 
les  actes  de  la  vie  civile,  nous  soyons  amends  a  seconder  I’individu, 
en  d’aulres  termes,  5  admettre  la  resporisabilite  parlielle. 

Cependant,  je  crois  que  le  mdme  priiicipe  appliqud  aux  actes 
crlminels,  conslituerait  an  grand  danger  pour  les  alidnds. 

M.  Delasiauve  ne  le  croit  pas-.  Un  individu,  selon  lui,  pent  com- 
niettre  des  actes  criminels  en  rapport  avec  sa  disposition  maladive 
ou  instinctive  prddominante,  et  cependant  commeitre  des  actes  qui, 
n’etant  plus  commandes  par  le  mfime  dtat  maladif,  peuvent  6tre 
jusliciables  des  tribunaux. 

Mais  je  ferai  observer  a  mon  honorable  contradicteur  que  nous 
avons  tous  connu  des  alidnds  homicides,  incendiaires,  suicides,  etc., 
et  qu’il  est  difficile  d’admettre  qu’un  alidnd,  domind  par  une  situa¬ 
tion  maladive  ddterminde,  puisse,  de  sang-froid  et  avec  les  mobiles 
qui  excitent  les  vdritables  criminels,  corametlre  un  acte  d’lme  autre 

Encore  une  fois,  dans  les  cas  de  ce  genre,  il  faut  entrer  dans 
rintimitd  des  faits  considdrds  au  point  de  vue  pathologique  et  patho- 
gdnique. 

3’ai  citd  I’exemple  de  certains  ddliranls  par  persdcution  qui, 
ayant  besoin  de  se  faire  un  piddestai,  sont  indiffdremment  homi¬ 
cides,  incendiaires,  selon  les  occasions  qui  s’oifrent  ii  eux,  tdmoin 
ce  Franqois  Lemattre  dont  j’ai  rapportd  I’histoire,  qui  dtait  hallu- 
cind  et  persnadd  que  son  heau-pdre  le  ddshonorait.  II  a  d’abord 
dtd  poursuivi  de  I’idde  de  le  tuer.  Puis  il  a  vonlu  se  suicider.  Plus 
lard,  il  s’est  livrd  5  I’alcoolisme,  puis  il  est  alld  d  Paris  pour  de- 
niander  justices  I’Empereur  et  se  prdsenter  comme  le  sauveurdela 
France.  Il  fut  renfermd  S  Mazas;  aprds  en  dire  sorti,  il  a  cherchd 
une  occasion  de  paraiire  aux  assises,  afin  que  la  France  entiere 


58  SOCifiTfi  MfimCO-PSYCHOLOGIQUE. 

pilt  savoir  a,  quel  point  il  itait  meconnu....  II  commit  un  incen- 
die  et  alia  se  livrer  lui-m6me  i  la  justice.  Or,  je  le  demande,  dans 
les  cas  de  ce  genre,  comment  scinder  les  actes  des  aliSn^s?  Tous 
ces  actes,  si  varies  dans  leur  nature,  ne  sont-ils  pas  le  produit  de  la 
rafime  maladie  7  L’lndividu  ne.  forme-t-il  pas  un  tout  indivisible  7 
Et  alors  comment  Ini  appliquer  la  tb^orie  de  la  responsabilit^  par- 
tielie  7 

D’ailleurs,  n’a-t-on  pas  vu  des  malades  6lre  soumis  pendant  un 
temps  d^tcrmind  k  une  seule  impulsion  malfaisante,  et  puis,  ult£- 
rieurement,  sous  I’influence  de  la  gdndralisalion  du  mal,  commettre 
des  actes  de  nature  dilTiirente.  J’ai  connu  un  ^pilepiique  qui,  pen¬ 
dant  longues  ann^p,  aprfes  cbacune  de  ses  atiaques,  dtait  pouss6  it 
riiomicide  et  au  suicide.  Pendant  les  intervalles,  cet  individu  admi- 
nistrait  parfaitement  ses  fabriques.  Plus  lard  son  intelligence 
s’abaissa.  Des  symptdmes  de  ramollissement  se  muntr&rent.  11 
devint  voleur,  trompait  sur  la  valeur  des  marcbandises,  cachait  des 
objets  qu’il  ne  retrouvait  plus,  accusait  ses  domesliques,  etc.  On  le 
voit  done,  les  actes  malfaisants  peuvent  se  g^niraliser  dans  cer¬ 
tains  cas,  se  succ^der  dans  d’autres. 

J’ai  insists,  dans  les  prol4gom6nes  de  ma  Midecine  legale,  sur  la 
nature  des  actes  dans  leur  rapport  fatal  avec  la  nature  de  la 
maladie,  raais  je  n’ai  pas  voulu  en  infCrer  que,  dans  une  expertise 
m^dicale,  on  devait  scinder  ces  actes,  donner  les  uns  comme  le 
produit  de  la  maladie,  les  autres  comme  le  resultat  de  la  passion 
rdildcbie. 

Dans  une  expertise  trfes-diffleile  que  j’ai  faite  conjointement  avec 
MM.  les  docteurs  Dum^nil  et  Vingtrinier,  il  s’agissait  d’un  jeune 
homme  qui  avail  fait  pour  une  trentaine  de  mille  francs  de  faux 
billets.  Comment  excuser  un  pareil  acte?  S’il  y  a  des  abends  qui 
volent  (les  paralyses  g^ndraux,  les  hystdriques,  les  dpileptiques),  il 
est  plus  difficile  d’admeitre  qu’ils  se  livrent  5  I’escroquerie.  Rien  de 
plus  pr^mddit^,  de  plus  rfiildchi  qu’un  pareil  acte ;  aussi  n’eflmes- 
nous  pas  I’idfie  d’excuser  I’acte  de  I’inculpd,  Mais  nous  pr6scntames 
cet  individu  sous  son  veritable  ebtd  maladif.  C’dtait  un  hdrSditaire, 
bizarre,  excentrique,  instinctif,  n’ayant  jamais  pu  achever  ses 
fitudes,  reefilant  dans  une  tete,  bien  faite  en  apparence,  un  cerveau 
defectuedx.  Il  n’avait  pu  terminer  ses  Etudes.  11  atait  inepte.  L’ar- 
gent  qu’il  se  procurait  dtait  employ^,  en  faible  partie,  k  satisfaire 
ses  passions  Crotiques.  Il  en  consacrait  la  majeure  partie  a  I’acbat 
de  jouets  d’enfants  ou  de  cboses  inutiles,  etc.  Cette  situation  fut 
prise  en  consideration.  L’individu  fut  interdit  et  envoyd  k  Quatre- 
mares,  oil  il  donna  la  preuve  qu’il  existait  cbez  lui  un  ddlire  des 


DEL&Sl&irWE.  —  FOLIE  ttAlSONNANTE.  59 

grandeurs.  II  sortitde  I’asile  tr6s-am41ior^  et  fut  envoyd  en  Afrique, 
od  il  recommenQa  ses  escroqueries.  Le  rapport  que  nous  avions  fait 
une  premidre  fois  fut  remis  aux  mains  du  procureur  impdrial. 
JNotre  individu  dchappa  une  seconde  fois  d  une  peine  infamante.  II 
fut  envoyd  chez  les  frferes  Labitte,*d  Clermont.  II  en  est  sorti  et, 
comme  preuve  qu’il  ne  faut  pas  ddsespdrer  de  ces  series' d’etat,  je 
dirai  que,  depuis  deux  ans,  il  va  parfaitement  bien,  qu’il  exisle 
chez  lui  une  transformation  colnpldte  et  qu’il  remplit  un  emplol 
dans  une  administration  publique,  sans  que  ses  chefs  aienl  jamais 
eu  h  se  plaindre  de  lui. 

M.  Brierre  de  Boismont,  apri's  quelqueS  mots  relatifs  a  ropihion 
des  magistrals  en  maiidre  de  testatnenis,  cite  un  fait  h  I’occasion 
duquel  il  n’a  pas  voulu  donner  d’avis,  parce  que  ie  raalade,  un 
paralysd  gdndral,  lui  paraissait  avoir  testd,  dans  un  inlervalle  iucide, 
en  faveur  de  sa  femme.  Il  fait  ensuite  observer  que  Ie  tribunal  avail 
modifid  son  arrdt  dans  un  cas  de  testament  libeltd  par  Un  alidnd 
alteint  du  ddlire  de  persdeulion. 

M.  Moreau  (de  Tours).  Votre  malade  avail  conscience  de  sa 
maladie ;  il  demandait,  il  est  vrai,  aide  et  protection  it  des  gens  qu’il 
ne  connaissait  pas.  Mais  qu’un  homme,  disposd  &  la  congestion 
edrdbraie,  idgue  son  bien  d  des  personnes  bienvelllantes  pour  lui 
plutOt  qu’Ji  des  hdritiers  du  sang,  cet  homme  n’est  pas  un  fou,  il 
agit  dans  la  pldnitude  de  sa  raison  et  de  son  droit.  11  n’y  a  rlen  de 
different  dans  le  cas  de  voire  malade. 

M.  Delasiauve.  Dans  une  brfeve  remarque,  j’avais  dit,  a  la  suite 
du  savant  discours  prononed  par  M.  Morel  dans  une  prdeddente 
sdance,  qu’il  avail  donnd  un  ddmenti  formel  aux  conclusions  dta- 
biies  par  lui  dans  une  rdeente  affaire  de  testament.  Les  explications 
que  vous  venez  d’eniendre  jusiiflent,  i  son  insu,  leS  critiques  qu’il 
repousse.  En  vain,  cilant  la  jurisprudence  mdditale  et  judiclaire, 
s’efforce-t-il  d’dtablir  une  ddmarcaiion  enlre  les  actes  civils  et  les 
perpdtralions  ddlictueuses,  la  science  n’admet  point  ces  transactions. 
Les  deux  ordres  de  fails  sont  soumis  a  iin  mSme  principe,  apprd- 
cids  d’aprds  les  mdmes  bases  et,  si  la  proportion  des  crimes  inno- 
centds  I’emporte  considdrablement  stir  celle  des  testaments  inva- 
lidds,  cela  ne  ddpend  point  des  perspectives  opposdes  oil  se  placdnt 
les  experts  et  les  magistrals,  mais  des  aspects  variables  des  causes 
elles-mdmes. 

Qui  dit  folie  raisonnante  $u()pose  un  cas  ou  le  ddlire  est  tetle- 
ment  circonscrit  et  voild  que  les  personnes  non  familiarisdes  avec 
les  dtudes  menlales  le  rdvoquent  en  doute.  En  presque  toutes  leurs 
actions,  les  malades  pourraient  agir  sainement.  Or,  pour  qu’un 


60  SOClETfi  MfiDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

homme,  jusque-14  sensi5,  commette  un  crime,  il  faut  bien  qu’il  ait 
(516  (igai'd  par  une  aberration  morbide.  Qualre-vingt-dix-neuf  fois 
sur  cent,  il  y  a  done  lieu  de  I’exondrer  de  la  responsabilit^.  Ayant 
agi  sciemment,  ii  ne  songerait  gufere  k  s’abriter  sous  I’dgide  d'e  la 
maladie.  Il  aurait,  corame  les  prdvenus  ordinaires,  recours  ii  des 
ddnegations,  k  des  alibi,  ii  des  ruses  pour  se  d^fendre. 

En  fait  de  contrat  on  de  testament,  au  contraire,  circonstances 
quotidiennes,  vulgaires,  on  congoit  que  la  resolution  ddpende  d’une 
deliberation  motivee,  qu’elle  rdponde  a  une  intention  plausible  et 
que,  d6s  lors,  il  y  ait  lieu  d’exarainer  si,  malgre  des  aberrations 
partielles  etrangferes,  les  conditions  de  I’acte  litigieux  indiquent  une 
volonte  suffisante.  C’est  cette  voie  qu’on  a  toujours  suivie,  M.  Morel 
le  dit  fort  bien,  et  ce  n’esi  pas  la-dessus  que  je  le  blame,  lant  s’en 
faut,  puisque,  precisement,  j’ai  loud  sa  consultation,  au  nom  des 
principes  que,  dfes  1853,  dans  mon  Memoire  sur  la  monomania 
j’avais  poses,  auxquels  je  le  croyais  rallie,  car  il  les  avait  meconnus 
alors  avec  la  plupart  des  orateurs,  qui  depuis...  ont  perdu  de  leur 
foi  a  la  doctrine  de  Virresponsabilite  qnand  mama, 

Mon  grief  n’alteint  que  son  inconsequence.  Il  s’en  defend  :  a-t-il 
raison?  Je  ne  veux  pas,  actuellement,  discuter  s’il  a  imagine  ou 
non  une  methode  qui  lui  soit  exclusive  et  que  nous  ne  suivions 
pas  de  toute  eterniie.  Ce  que  je  constate,  c’est  qu’en  plaidant 
comme  il  I’a  fait  dans  sa  consultation,  comme  il  vient  de  ie  faire 
encore,  la  preponderance  des  fails,  il  s’est  place  en  dehors  des 
donnees  de  sa  theorie,  du  moins  telle  que  je  I’avais  jusqu’ici  com¬ 
prise  et  que  la  prpfessent  M.  Falret  p6re  et  M.  Falret  fils. 

Ne  tergi versons  pas.  Pourquoi  s’evertuerait-il  a  meilre  en  saillie 
I’heredite,  le  temperament,  les  phases  cl  le  caraciare  morbides,  si 
ce  n’est,  moyennani  cette  filiation,  pour  convaincre  les  juges  de  la 
realite  de  la  folie  et  y  ratlacher  les  actes  a  apprecier  ?  Ceci  accom¬ 
pli,  en  vertu  de  la  solidarite  des  facultes  ou,  ce  qui  est  tout  un,  de 
I’uniie  morbide,  il  n’y  a  point  d’acte  soumis  au  jugement  des  tri- 
bunaux  qui  ne  soit  entache  virluellement  de  folie.  M.  J.  Falret  I’a 
formellement  declare  :  sans  cette  rfegle  absolue,  I’edifice  de  notre 
code  s’ecroulerait  devant  la  magistrature.  Le  salut  ne  serait  qu’au 
prix  de  ce  criterlum  simple,  commode,  irrefragable  qui  dispense 
de  s’enfoncer  dans  le  dedale  de  la  responsabilite  pariielle. 

Nul  ne  dira  que,  dans  le  cas  de  M.  Morel,  le  lestateiir  n’etait  pas 
sous  le  coup  de  I’insanite.  Heredite,  caractfere  debile,  manifeslaiions 
hypochondriaques ,  hallucinations,  sefenes  nocturnes  et  diurnes, 
craintes  bizarres,  tentative  de  suicide  suivie,  5  quelques  jours  de 
distance,  d’un  suicide  effeciif :  certes,  on  ne  saurait  voir  reunies 


61 


DECASIAUVE.  —  FOLIE  RAISONNANTE. 
autaiu  de  circonslances  probantes,  et  M.  J.  Falret,  ou  je  m’abuse, 
n’en  aurall  pas  dcmandd  davantage.  II  n’est  pas  le  seul.  M.  Morel 
I’avoue,  c’cst  ainsi  qu’ont  raisonn^  ct  I’expeit  adverse,  M .  Legrand 
dll  Saulle,  et  le  ministfere  public,  et  les  juges  du  tribunal  du  Havre. 
Verrait-on  dans  les  intervalles  lucides  une  planche  de  salut?  La 
science  a  comprls  par  111  tout  autre  chose;  elle  n’a  jamais  confondu, 
avec  une  gu^rison  parfaite  ou  meme  une  inlermittence  rdelle,  ces 
Huctuations  capricieuses  du  d^lire  partiel  qui,  variant  au  gr6  des 
impressions  nerveuses,  seralent  d’ailleurs  insaisissables ;  dvidem- 
ment,  le  mal  resle  en  puissance. 

La  source  de  I’illusion  de  M.  Morel  est  aisde  ii  ddcouvrir ;  ndgli- 
geant  les  symptOmes  individuels  pour  certaines  physlonomies  gdnd- 
rales  subordonndes  4  des  dtats  ndvropathiques  plus  ou  moins  indd- 
iinis,  il  a  cru  rencontrer,  dans  des  exemples  a  sa  portde,  la 
consdcration  de  diffdrences  fondamentales.  Mais  ces  exemples  ne 
constituent  point  i’universalitd.  En  dehors  de  I’hdrdditd,  de  I’alcoo- 
lisme,  des  transformations  hystdriques,  dpileptiques,  etc.,  il  y  a  une 
foule  de  cas  oi  I’investigation  dtiologique  se  troiive  en  ddfaut,  ou, 
d'ailleurs,  mddicaiement  utile  au  diagnostic,  au  pronostic  et  au  trai- 
tement,‘elle  ne  fournit,  pour  dclairer  rhorizon  mddico-idgal,  que 
des  prdsomptions,  qui  ne  dispensent  point  d’dtudier  I’acte  en  rapport 
immddiat  avec  la  situation  psychique  ct,  pour  cela,  de  montrer 
comment  il  a  pu  dmaner  des  conceptions  ddlirantes.  A  moins 
d’intervertir  les  rdles,  c’est  4  ce  dernier  point  qu’il  faut  d’abord 
s’attacher  pour,  au  besoin,  4  supposer  que  le  trouble  ait  une  origine 
ancienne,  relier  au  passd,  en  surabondance  de  preuve,  les  phd- 
nomfenes  actuels.  Quoique  importants  tous  deux  4  considdrer,  la 
forme  vient  ainsi  avant  ie  fonds  en  mddecine  Idgale. 

M.  Morel  rdpfete  que  la  classification  psychologique  est  impuis- 
sante  4  contribuer  au  progrds.  Il  oublie  que,  d’apres  la  ddfinition 
commune,  la  folic  a  dtd  rangde  parmi  les  ndvroses,  c’est-4-dire 
parmi  les  Idsions  purement  fonctionnelles.  Pour  mettre  quelqiie 
ordre  dans  son  dtude,  il  a  done  fallu  en  discerner  les  varidtds,  en 
d’autres  termes,  donner  la  psychologie  pour  base  4  la  nomencla¬ 
ture.  Malntenant,  la  ddnomination  mdme  n’implique  pas,  bien  au 
contraire,  que  les  vdsanies  soient  exemptes  de  modifications  matd- 
rielles.  Elle  ne  posait  que  des  points  d’interrogation,  invitant  aux 
recherches.  L’observation,  avec  le  temps,  a  dclaird  d’importantes 
distinctions.  Se  sont-elles  opdrdes  excliisivement  par  I’examen 
analytique  des  sujets  el  I'inspection  cadavdrique  ?  Bayle,  MM.  De- 
laye  et  Calmeil  eurent  le  sentiment  de  la  paralysie  gdndrale  avant 
de  la  rapporter,  le  premier  4  une  mdningite  chronique,  le  second 


62  SOCifiTf;  MfiMCO-PSYCHOtOGIOtlE. 

a  une  m^ningite  encSphalile,  le  troisifeme  k  un  changemenl  inlime 
de  la  couche  p^riph^rique  du  cepveau.  Gfeorget  avail  d^crilla  stu¬ 
pidity,  lorsque  M.  Eloc-Oymazy  la  fit  dgpendre  d’un  cedftme  cyrd- 
bral,  qui  n’en  est  pas  Tunique  cause.  En  traqant  son  paralifele  si 
iiigynieiix  entre  la  lypymanie  et  la  milancoUe  avec  stupeur, 
M.  Baillarger  eut  moins  ygard  &  la  diversity  des  conditions  analo- 
miques  qu’i  I’ytal  parliculier  des  virtualiiys  mentales. 

Et  puisque,  doulant  des  classifications  psychologiques,  M.  Morel 
semble  faire  allusion  h  celle  que  nous  avons  imaginye^.qti’il  nous 
autorise  a  dire  en  quoi  nous  pensons  qu’elie  n’a  pas  yty  sans  rysul- 
tais  syrieux.  Elle  n’esl  point  ydose  toute  faite  de  notre  cerveau. 
C’est  en  idyalisant  et  comparant  plus  de  soixante  types  que  nous 
avons  yty  frappy  d’une  distinction  fondamentale  fycondde  par 
I’expyrience,  et  qui  brille  encore  a  nos  yeux  comme  un  trait  de 
lumiere.  Le  raisonnement,  d’une  part,  de  i’autre,  les  mobiles,  telle 
devint  la  pierre  angulaire  de  la  double  psychologic  normale  et 
roorbide.  Dans  I’ordre  du  fonclionnemenl  sylloglstique,  le  dyiire, 
nycessairemenl  gynyral,  se  diversifie  en  :  excitation  maniaque, 
raanie,  dyraence,  paralysie  gynyrale  et  stupiditys,  variable?  a  I’in- 
fini  de  cause  et  de  degi-y.  Dans  I’ordre  opposy,  ce  raisonnement 
ytant  conservy,  on  compte  deux  genres  caractyrisys,  suivant  qu’il 
y  a  conviction  enracinye,  fixity,  systimatisation,  ou  fascination 
plus  ou  moins  mobile  et  dilTuse. 

II  y  a,  certes,  des  traits  d’union  entre  ces  deux  grandes  catygo- 
ries.  Le  contraste  est  formel  dans  les  nuances  accusyes.  Quant  a  la 
prycision,  nous  ne  connalssons  aucun  cas  qui  ne  s’y  vieUne  ranger 
a  sa  place  naturelle.  Qui  nierait  la  radicale  diffyrence  des  dyiires 
gyndraux,  ou  la  liaison  des  iddes  est  impossible  ou  obscure,  et  le 
dyiire  partiel  dilTus,  respectant  cet  enchainement  et  consistant 
seulement  dans  le  jeu  fortuit  et  bizarre  des  Impressions,  des  iddes, 
des  sentiments  qui  se  croisent,  que  souvent  la  i-yilexion  dissipe,  et 
dont  a  conscience  le  malade,  qui  parfois  rdsiste  aux  entrainements ? 

Toutes  les  agitations  dtaient  confondues.  En  distinguant  celle  de 
la  manle,  purement  incohyrenle,  de  celles  du  delirium  tremens,  des 
formes  graves  consycutives  a  rdpilepsle,  a  I’hystyrle,  a  la  fiCvre 
typholde  et,  en  gyndral,  des  stupiditys  dlverses,  agitalion  qui 
repose  sur  des  impressions  et  des  sensations  fausses  surgissant 
d’une  obtusion  plus  ou  moins  profonde,  nous  avons  pu  dissiper  le 
chaos  des  nomenclatures,  pi-yseuter  des  tableaux  symptomaliques 
qui  permeltent  de  se  faire  une  juste  idde  de  I’Ctat  nerveux  auquel 
ils  correspondent  et  d’en  assigner  la  valeur  thyrapeutique  et  lygale. 
On  se  figurait  que  la  lypymanie  tenait  a  I’aciivity  forlement  con- 


DELAISIil|]\G.  —  FOWE  KAlSOHlJJANTE.  63 

centi  me  d’une  idde  tristeou  d’un  sentiment  ddprimaDt.  Les  difficul- 
tds  que  suscilait  cette  classe  si  importante  et  si  nombreuse  de  prd- 
tendues  folies  monomaniaques  se  sent  dvanouies,  dfes  que  nous 
lui  fimes  prendre  rang  parmi  les  folies  giindrales.  Car  il  est  sen¬ 
sible  qu’au  lieu  d’une  oppression  morale,  on  a  affaire  a  une  oppres¬ 
sion  physique,  que  de  soi-disanthallucinesne  sont  que  des  stupides 
au  degrd  le  moins  prononed  de  riidbdlude  1 

Quant  a  la  monomanie,  sur  laquelle  pesalt  une  obscuritd  pro- 
fonde,  comme  elle  est  devenue  comprdhensible  par  celte  separation 
des  lypdmanies  d’abord,  puis  par  la  rdvdlation  des  formes  dif¬ 
fuses  ou  pseudomaniaques!  Gelles-ci,  entrant  pour  les  9/10®*  dans 
le  ddlire  parliel,  comment  de  ce  dernier  se  faire  une  exacte  idde? 
Non-seulemcnt  ii  n'esi  plus  possible  de  confondre  la  rdverie  mobile, 
a  demi  consciente,  fuyant  par  une  distraction,  de  la  pseudomanie 
avec  la  conviction  profonde,  tenace,  grotesque,  de  la  monomanie 
ou  folje  sysldmalisde.  Non-seulement  on  les  connait  a  fond  Tune  et 
I’autre,  mais  leur  paralldle  abonde  en  traits  caraetdristiques  et 
conduit  a  une  ddmarcation  pathogdnique,  les  conceptions  systdma- 
tisdes  reprdsentant  tin  dtat  moral,  ia  pseudomanie  un  dtat  physique, 
soit  une  excitation  nerveuse,  soit  une  hypdrdmie  congestionnelle, 
irritative  ou  passive. 

Sans  le  flambeau  de  la  thdorie,  on  efft  pu  observer  ces  fails,  on 
ne  les  eflt  ni  apprdcids  ni  classds.  Le  trailement  profile  de  celte 
connaissance.  On  sail  que,  la  ou  Ton  se  contentait  de  I’expectation 
et  de  i’isolement,  il  y  a  lieu  de  faire  iiilervenir  une  mddicatiou 
pharmaceutique  active.  Juridiquement,  les  consdquences  sont  iii- 
calculables,  n'y  ayant  gudre  de  solutions  embarrassanies  demeu- 
rant  dans  I'ombre.  Kn  vain  la  raison  ia  plus  parfaite  dciaterait  aux 
ddbats  criminels.  Le  juge  sentira  que  la  n’est  point  une  preuve  ab- 
solue.  Car  le  propre  des  pseudomonomanes  dquivoques  est  d’dtre 
sousiraiis,  par  la  diversion  d’un  interrogatoiie  ou  d’une  audience 
solennelle,  a  des  ravissements  fomentes  par  la  solitude  et  dont  on 
est  lird,  comme  du  sommcil,  par  une  sorte  de  rdveil  en  sursaut. 

M.  Morel  peut  contester  ces  rdsultats.  Tout  est  contestable, 
mdme  les  innovations  les  plus  positives.  Nous  ne  reculerions  point, 
a  ce  sujet,  devant  une  controverse.  Sans  nier,  d’ailleurs,  le  mdrite 
des  vues  de  notre  colldgue,  et,  en  un  certain  sens,  leur  opportu- 
nitd,  peul-dtre  tend-il  a  confondre  ce  qui  doit  6tre  divisd,  el  mdeon- 
nalt-il  un  pen  les  travaux  de  ses  devanciers.  Il  a  parld  du  ddlire 
dpileplique.  l.e  premier,  nous  le  croyons,  nous  en  avons  ddcrit  et 
justifid  les  degrds  et  les  nuances.  Dans  deux  mdmolres,  datant  de 
1850,  nous  avons  de  mdme  dtabli  symptomatiquement  le  diagnos- 


64  SOClfiTfi  mEdico-psvchologique. 

tic  diffdrentiel  de  la  folie  alcoolique  d’une  maniJre  telle  que  des 
ph^nomfenes  on  remonte  4  la  source,  en  I’absence  de  tous  rensei- 
gneraents.  Nous  ne  sommes  done  pas  dans  les  nuages  autant  que 
le  suppose  noire  collJgue.  II  nous  semble  mfime  que,  grace  au 
crlterium  de  notre  doctrine,  nous  I’avons  quelque  peu  dlsiancd  dans 
I’oeuvre  de  la  nomenclature,  etc.  En  ce  qui  conceine  les  ai4menls 
ndvropathiques  sur  lesquels  il  se'fonde,  il  n’en  citerait  aucun  essen¬ 
tial  dont  nous  n’ayons  tenu  comple.  M.  Morel  nous  jiige  en  bloc. 
C’est  un  moyen  chanceiix  de  glisser  a  cdld  de  la  varild.  Nous  vou- 
drions  qu’il  suivit  pied  a  pied  nos  principes  et  leiirs  ddveloppe- 
ments,  salisfait  dans  les  deux  cas,  soit  qu’il  se  convertisse  a  nos 
vues  on  qu’il  nous  convainque  d’erreur,  s’ll  en  doit  rdsuller  des 
lumiferes  pour  la  science  et  la  pratique. 

On  nous  fait  un  dpouvantail  de  la  magistrature.  Dans  des  entre- 
liens  avec  des  juges,  j’avoue  que  je  les  ai  toujours  trouvds  acces- 
siblcs  a  la  simplicitd  de  mes  explications.  Papavoine  avait  agi  sous 
I’inlluence  d’instigations  pseudo-monomaniaques.  J’ai  pu  leur  faire 
comprendre  pourquoi,  a  I’abri  de  ses  obsessions,  il  avait  apparu 
lucide  aux  debats  et  dans  ses  interrogatoires.  Je  n’ai  pas  6t6  nioins 
heureux  dans  deux  causes  personnelles.  Un  vieillard  du  Midi 
avait  fait  un  testament  que,  sur  I’avis  de  deux  commissions  coin- 
pfitentes,  les  tribunaux  avaient  cassd  pour  cause  de  ddmence 
dpilepiique.  On  avait  conclu,  d’aprSs  la  manifere  habituelle,  sur  In 
tableau  chargd  des  pbdnomfenes  morbides.  Bien  n’indiquait  que 
I’acten’eflt  pas  dtd  accompli  en  dehors  de  I’influence  des  acefes;  il 
dtait  raisonnablement  motive,  _mon  avis  fut  pour  le  maintien.  Les 
arrets  precedents  furent  reformes.  Pareil  cas  se  presenta  dans  une 
ville  du  Nord  el,  sur  noire  attestation,  les  dispositions  testamen- 
taires,  contesiees  et  invalidees,  eurent  leur  efiet  legal.  Il  s’agissait 
d’une  dame  qui,  apres  une  succession  de  paroxysmes  d’alienatioii 
mentale,  avait  fini  par  succomber  dans  un  asile  d’alienes.  Par 
son  evidence,  lout  dogme  vraiment  scientifique  s’impose  de  soi- 
m6me  1 

Un  mot  encore  avant  de  finir.  M.  Morel  a  fait  une  objection  inci- 
denle  qui  n’est  que  specieuse.  Suivant  lui,  un  aliend  atieint  de  folie 
partielle  ne  pourrait  commettre  d’actes  reprehensibles  que  sous  I’in- 
fluence  directe  de  son  deiire.  La  remarque  est  fondee  4  certains 
egards.  Une  forte  preoccupation  est  une  occasion  de  diversion  sus¬ 
ceptible  d’agir  dans  le  sens  qu’il  iudique. ,  Moi-meme,  dfes  1853, 
dans  mon  mentpire  sur  la  monomanie,  et  depuis,  dans  d’autres 
ecrits,  j'ai  signaie  ce  fait  que  I’experience  confirme.  J’en  ai  indnit 
que  le  danger  d’abus  dans  I’invocation  de  la  monomanie  4  I’appui 


M.  »E  UOISMOlM'r.  —  FOLIE  HAISONNANTE.  63 
tl'uiie  defense  s’eii  trouvait  diniinuf.  Mais  de  ce  que  celte  induence 
est  possible,  s’ensuit-ii  qu’elle  soil  constanle  et  lie  souffre  point 
d’exceptions  ?  Certes,  non,  et  les  ddveloppements  ofi  je  sais  entre 
cl  propos  des  pseudomonomanies  fournit  d’irr^fragables  preuves  du 
coniraire. 

M.  Moreau  (de  Tours).  Les  indlvidus  de  ce  genre  sont  trfes- 
communs;  ce  sont  des  natures  bSlardes,  des  liommes  dangereiix, 
des  plaies  de  famillc ;  ce  ne  sont  pas  des  fous,  ce  sont  des  pseudo¬ 
monomanes,  comme  les  a  appelds  M,  Delasiauve,  ou,  si  vous  voiw 
lez,  des  racbiliques  de  I’intelligence. 

M.  Brierre  de  Boismont.  Dans  la  communication  qui  vienl  de 
nous  etre  faite  par  M,  Morel,  il  a  dit  qu'il  n’avait  pas  d'exeinples 
d’alidnds  qui  eussent  fait  des  faux,  et  qu’il  priait  ses  coiifrferes  de 
lui  faire  connaltre  ceux  qu’ils  auraient  recueillis.  C’est  pour  rd- 
pondre  a  la  demande  de  notre  collfegue  que  je  vais  rapporter  les 
deux  fails  suivants  ;  II  y  a  environ  trenle  ans,  j’avais  eld  place 
prfes  de  la  femme  d’un  officier  gdndral,  qui  avait  une  monoiiianie 
iriste,  avec  tendance  au  suicide.  Plusieurs  fois,  elle  avail  manifesid 
I’intention  d’aiienier  a  ses  jours,  et  avait  mdme  fait  des  tenlatives. 
Objet  d’une  surveillance  de  tous  les  instants,  elle  comprit  qu’elle  ne 
poiirrait  rdussir  par  les  moyens  qui  dlaient  a  sa  disposition.  Cette 
dame,  qui  dtait  reside  chez  elle,  se  promenait  de  temps  en  temps 
avec  une  de  ses  surveillantes.  Saisissant  un  moment  favorable,  elle 
entre  chez  un  pharmacien  et  lui  prdsente  une  ordonnance  signde 
de  mon  nom,  pour  se  faire  ddlivrer  30  grammes  de  laudanum.  Sa 
ruse  fut  ddcouverle  et  la  malade  ramende  chez  elle.  Elle  succomba 
plus  tard  a  un  refus  obstind  d’aliments,  la  famille  ayant  ddfendu 
loutes  les  mesures  coercitives. 

Le  second  fait  concerne  une  jeune  lille  qui  avail  ddja  dtd  trailde 
pour  une  excitation  maniaque.  Elle  avait  uii  numdro  d’une  de  ces 
loleries  qu’on  trouve  alHchdes  partout.  Sous  une  influence  qu’il  a 
eld  impossible  de  connaitre,  elle  se  prdseiita  au  bureau  dans  le 
ressort  duquel  se  trouvait  cette  loterie.  D6s  le  premier  coup  d’ceil, 
on  s’apei-Qut  que  le  numdro  avait  dtd  alldrd.  Sommde  de  s’cxpli- 
quer,  elle  lergiversa,  se  mit  a  pleurer,  et  on  allait  la  conduire 
devant  le  commissaire,  lorsque  quelques  paroles  qu’elle  prononqa 
jelerent  des  doutes  dans  les  esprits.  Sa  famille,  mandde,  accourul; 
elle  raconta  que  cette  jeune  fille  avail  ddja  eu  un  acces  de  folie,  fit 
voir  que  la  falsification  dtait  grossidre,  et  annonqa  qu’il  dtait  pro¬ 
bable  qu’elle  allait  avoir  un  nouvel  accds.  Peu  de  jours  aprds,  on 
la  conduisait,  pour  une  nouvelle  excitation  maniaque,  dans  un  dt 
nos  dlablissements.  Sa  poursuite  fut  abandonnde, 

ANNAL.  MftD.-PSYCii.  4'  serie,  t.  IX.  Janvier  18S7,  5.  5 


66  SOClf;T£  MliDICO-PS^CHOLOGIQUE. 

M.  Fottmt  clemande  &  M.  Morel  la  nature  cles  liansformalions 
qui  se  soiit  op^rSes  chez  sa  malade. 

M.  Morel,  Ses  souvenirs  d’^ducation  sont  reyenus  a  rapplica- 
ion ;  I’iStat  physique,  amdliord,  a  exercd  sur  le  moral  une  heureuse 
influence. 

M.  Delasiauve.  L’ainendemeut  dont  vient  de  parier  M.  Morel 
s’observe  chez  les  natures  inferieiires.  M.  Fourpet  voudrait  savoir 
sous  quelle  influence  il  s’opfere.  II  y  a,  dans  Thomme,  des  forces 
dislmcles.  qu’ii  diifaut  d’uu  disceinement  et  d’un  sens  moral  ddve- 
loppds,  I’dducalion  et  I’habitude  peuvent,  en  une  certaine  mesure, 
fdconder  et  rigulariser.  Quelle  u’est  pas,  chez  les  animaux,  la 
puissance  d’une  intelligeiite  discipline?  L’Agc  aussi  modifie  les 
penchants.  Mpins  uu  individu  est  susceptible  de  se  diriger  lui- 
m6rae,  plus  il  importc  de  creer  en  lui  des  coiilre-poids  qui  fassent 
Insiinctivement  equilibre  aux  tendances  malfaisanlc.s.  Ni  la  famille 
ni  les  maltres  ne  le  comprennent  assez. 

Il  entre  dans  nos  asiles  des  sujets  qui,  d’incpercibles,  deviennent 
doux  et  appliques.  On  les  rudoyait,  nos  proc^dds  bienveillants  les 
attirent.  Atlaques  par  toutes  les  surfaces,  ils  prennent  godt  ou 
au  travail,  ou  h  I’dtude,  ou  aux  exercices,  souvent  ii  toutes  ces 
choses  rdunies,  et  il  suflit,  popr  qu’ils  ne  ddvient  plus,  de  les  main- 
tenir  dans  Tornifere  acquise.  ^’imitation  les  seduit,  les  subjugue,  et, 
s’ils  sont  incapables  de  pdnetrer  I’esseiice  du  bien,  ils  se  laissent 
gouverner  par  des  maximes  que  matdrialise  pour  eux  rexpdrience 
pratique.  Il  n’est  done  pas  etonnant  que  le  fils  de  famille  sur  lequel 
M.  Morel  ful  appele  a  emettre  son  avis,  n’ait  pas,  aprfes  les  dpreuves 
subies,  renouveld  ses  ddplorables  ecaris.  L’impression  d’un  doulou¬ 
reux  proefes,  deux  ans  de  siijour  5  Clermont  doubles  d’line  occu¬ 
pation  reg'ulibre  et  de  sages  instructions,  out  ajoute  au  poids  du 
bon  plateau  le  compldnient  ndeessaire  pour  neutraliser  les  piopen- 
sions  dangereuscs.  Qu’on  rencontre  une  fonction  qui  tlatte,  e’en 
est  assez  pouv  prevenir  des  incitations  qui  peuvent  n’dtre  que 
mddiocreinont  impericuses. 

Nous  I’avons  dejit  ddmontre  bien  des  fois,  e’est  un  art  ddlicat 
que  la  pudriculture.  Tel  enfant  rdsiste  dans  des  conditions  excel- 
lentes  en  apparence,  qui  s’assouplit  sans  effort  dans  un  milieu 
approprid. 

Dans  le  Journal  de  midecine  mentale  (t.  iV,  p.  283),  non.^ 
avqns  mentionud  une  institution  ou  s’accomplissent  frdqueinmeni 
de  pareils  miracles,  celle  dd  notre  bon  ami  Ar.sdne  Mennier,  it 
Evreux.  Tout  rdeemment  nous  en  constations  un  nouvel  et  sail- 
lant  example.  L’difeve  avait  quatorze  ans,  on  ne  savait  plus  h  quel 


M.  l.E«BA1WD  DU  SAV1.LE.  —  RAPPORT.  67 
pensioiinat  se  vouer,  A  quelle  infliction  reconrir.  Quatre  mois  s’dlaient 
6coulds  dans  I’^tablissement  de  I’habile  professeur,  la  metamor¬ 
phose  etait  complete.  Les  punitions,  li,  sont  des  Stres  de  raison. 
N’est  pas  educateur  qul  veut.  II  y  faut  la  vocation  et  de  IV-tude. 

La  Socidte  decide  qu’elle  prendra,  selon  I’usage,  des  vacanees  en 
aodt  et  septembre ;  la  sdance  de  rentree  aura  lieu  le  dernier  iundi 
d’octobre,  et  deux  seances  suppiementaires  auront  lieu,  I’une  en 
novembre  et  I’autre  en  decembre. 

La  seance  est  levde  J  six  heures. 


seance  du  29  octobre  1866.  —  Presidence  de  M.  F£ux  Voislx. 

Lecture  et  adoption  du  proces-verbal  de  ia  sdance  precedente. 

Correspondance. 

La  Socieie  reqoit  les  ouvrages  suivants  ; 

Etudes  sur  le  curare,  par  MM.  Auguste  Voisln  et  Henry  Liou 
ville.  Paris,  1866. 

Du  dilire  imotif,  ndvrose  du  systSme  nerveux  gangllonnaire  vis¬ 
ceral,  par  M.  le  docteur  Morel  (de  Rouen).  Paris,  1866. 

Le  numero  d’octobre  1866  du  Journal  de  midecine  mentale, 
par  M.  Delasiauve. 

Le  Bulletin  de  la  Sociite  medioale  d’ emulation  ,de  Paris.  Nou- 
velle  serie,  t.  I,  premier  fascicule  n"  U;  Paris,  1866. 

Le  Journal  de  la  section  de  midecine  de  la  Sociiti  academique 
du  dipartement  de  la  Loire-lnferieure,  XLII®  volume,  223“  et  22A* 
livraisons;  Nantes,  1866. 

Le  Bulletin  midical  de  I'Aisne,  1866 ;  2“  trimestre,  11“  2. 

Le  Compte  rendu  de  V Association  midicale  de  la  Sarthe ;  2“  an- 
nee;  le  Mans,  1866. 

Verslag  over  den  Staat  der  Gestichten  voor  Kranhzinnigen  in  de 
Jaren  1860,  1861,  1862  en  1863,  aan  den  Minister  van  binnen- 
landsche  zaken  ingediend  door  de  inpecteurs  dier  gestichten,  C.-J. 
Feith,  G.-E,  Voorltelm.  Schneevoogh,  S-  Gravenhage.  Amsterdam, 
1865. 

M.  Legrand  du  Saulle,  tresorier,  lit  un  rapport  sur  la  situation 
financifere  de  la  Societe.  Ce  compte  rendu  admlnistratif  se  termine 
par  les  considerations  suivantes  : 

«  II  m’a  sembie  que  nos  fonds  pouvaient  ne  pas  rester  impro^ 


68  SOClfiXE  MEDJCO-PSYCHOtOGIQUE. 

duclifs  pour  laSoci^t^,  ctj’aidlg  les  confier  au  bureau  des  clSpols 
voloiUaires  de  la  caisse  des  depdts  et  consignations,  LS,  nos  capi- 
taux  ont  did  encaissfis  etl’on  nous  en  sert  rinlerSt  moyennant  deux 
pour  cent.  Seulemenl,  I’inidrSt  est  simple  et  ne  peut  pas  se  com¬ 
poser. 

»  Eo  faisanl  le  calcul  des  inidrets  qui  vonl  nous  6tre  dus,  j’arrive 
a  un  benefice  de  205  francs. 

»  Commc  je  suis  le  seul  artisan  de  celte  recede  imprevue,  veuillez 
me  permetlre  de  vous  faire  one  proposition  relativement  a  I’emploi 
de  la  somme.  Vous  le  savez  maintenant,  nos  finances  sont  prosperes. 
Or,  vous  pouvez,  5  la  rigueur,  disposer  des  205  francs  quej’ai 
dconomistis  en  dehors  du  budget  de  la  Socidtd. 

»  Si  vous  vouliez  m’en  croire,  la  SocidlS  m6dico-psychologique 
ferait  une  bonne  action  en  versant  cette  somme  5  la  caisse  de 
secours  des  m6decins  alifinistes  de  France.  Notre  association  de 
pidVoyance  fonctionne  et  grandit  chaque  jour  :  encouragez-la  par 
ce  don  inatlendu,  et  je  connais  des  veuves  et  des  enfants  qui  vous 
crieront  mem.'...  » 

Cette  proposition  est  adoptee  a  I’unanimile. 

Election  d'un  memhre  titulaire.  —  M.  Motet ;  Vous  avez  charge 
(me  commission  compos^e  de  MM.  Tr^lat,  Auguste  Voisin  et  Motet, 
de  vous  presenter  un  rapport  sur  la  candidature  de  M.  le  docteur 
Berthier  an  titre  de  membre  r^sidant  de  la  Socidte  mddico-psycho- 
logique.  Depuis  plusieurs  anndes  ddjii  M.  le  docteur  Berthier,  sur  les 
conclusions  adopties  par  vous,  d’un  rapport  de  notre  honorable  col- 
Ifegue  M.  Legrand  du  Saulle,  faisait  partie  de  noire  Socidtd  comme 
membre  correspondant.  Les  nouvelles  fonclions  auxqiiclles  M.  Ber¬ 
thier  a  eld  derniferement  appeld  I’ayant  rapprochd  de  nous,  notre 
coufrfere  demande  5  dchanger  son  titre  de  correspondant  conlre  ce- 
lui  de  membre  rdsidant.  Nous  avons  pensd  qu’il  n’y  avait  pas  lieu 
de  vous  prdsenter  de  nouveau  i'analyse  des  travaux  de  M.  le  doc¬ 
teur  Berthier,  vous  les  connaissez  tous  ;  il  nous  a  paru  plus  simple 
de  vous  rappeler  les  conclusions  favorables  de  notre  premier  rappor¬ 
teur  ;  la  Commission  a  done  rhonneur  de  vous  remettre  la  demande 
de  M.  le  docteur  Bertliier  ;  elle  vous  prie  d’accepter  sa  candidature 
el  de  meilre  aux  voix  .sa  nomination. 

On  passe  au  scrutin,  el  M.  Berthier  ayant  rdunisl’unanimitd  des 
suffrages,  est proclamd  membre  titulaire  de  la  Socidt^  mddico-psycho- 
logique. 

Discussion  sur  la  folk  raisonnante. 

M.  Jules Falret,  Jen’ai  pas  I’inienlionde faire  unlong  discours.  Je 
veux  seulement  rdpondre  brifevement  a  quelques-unes  des  attaques 


SI.  J.  FAIiRET.  —  FOIIE  RAISONNANTE.  69 

qiii  0iU(5t^  dirigdes  coiilre  moi  par  !H.  Delasiauve.  II  ne  me  les  a 
pas  dpargndes.  Rdpondre  a  tomes,  serait  chose  impossible  en  une 
seule  stance,  tant  elles  sont  nombreuses.  Je  dois  me  borner  aux 
principales.  Les  dissidences  sont  profondes,  en  effet,  entre  M.  Dela- 
siauve  et  moi.  Elles  portent  sur  les  principes;  dans  la  question  qui 
nous  occupe,  nous  sommesen  quelque  sorte  placds  aux  deux  pdles 
opposes.  Je  n’examinerai  done  aujourd’hui  que  les  trois  points  fon- 
damentaux  de  son  dernier  diseours,  savoir  :  1“  La  solidarity  ou  I’iso- 
leraent  possible  des  facultds  huraaines,  it  lYtat  normal  et  a  I’dtat 
maladif ;  2°  I’existence  ou  la  non-existence  de  la  folie  raisonnante 
comme  forme  distincle  de  maladie  mentale  ;  3°  la  doctrine  de  I’ir- 
responsability  absolue  ou  de  la  responsabilitd  partielle  appliqude  aux 
nliynds  atteints  de  la  folie  raisonnante. 

I.  Solidarite  des  facultes.  —  J’ai  proclame  la  simultandity  d’ac- 
tion  des  facultes  instinctives,  morales  et  intellectuelles,  &  I’ytat 
pliysiologique  el  ii  I’dlat  pathologique.  M.  Delasiauve  I’admet  dans 
le  dyiire  gynyral,  niais  il  la  nie  dans  le  ddlire  partiel,  et  II  me  repro- 
che  de  m’ytre  borny,  en  posant  ce  principe,  &  une  pure  assertion, 
sans  en  avoir  tenty  la  ddmonstration.  A  celte  accusation  je  rdpondrai 
que  cette  question  a  dtd  bien  souvent  traitye  dans  les  ouvrages  des 
psycbologues  et  des  rnddecins  aliynistes  de  tons  les  pays ;  que  beau- 
coup  de  grands  esprits,  parmi  les  philosophes  et  parmi  les  mdde- 
cins,  ont  dyfendula  doctrine  ii  laquelle  jemesuis  rattachy;  que  les 
arguments  produits  pourou  centre  sont  en  quelque  sorte  dpuisys  et 
ne  pourraient  6tre  que  rypytys;  que,  du  reste,  celte  question  a  dyji 
yty  discutye  plusieurs  fois  dans  le  sein  de  notre  Sociyty  et  que,  vii 
son  importance,  elle  myrileralt  d’etre  examinee  sypardment  et  non 
d’une  fagon  incidente,  d  I’occasion  de  la  folie  raisonnante.  La  doc¬ 
trine  de  la  solidarity  d’action  de  tomes  les  facultes  de  Fame,  ou  de 
leur  fragmentation  possible,  chez  I’liomme  normal  et  chez  I’homme 
malade,  cst  la  base  de  la  psycbologie  et  de  la  medecine  mentale,  et 
chacunde  nous  appartient  necessaireraent  a  I’une  ou  a  I’autre  de 
ces  deux  dcoles.  Les  uns  croient  que  les  facultes,  admises  par  les 
psycbologues  pour  I’etude  de  Fame  humaine,  repry.sentent  ryelle- 
ment  des  forces  dislinctes,  agissant  separement  a  I’dlat  normal  et 
pouvant  etre  lesdes  isoiement  par  la  maladie  ;ils  vont  merae,  comme 
les  plirenologues,  jusqu’a  les  localiser  dans  des  points  determines 
du  cerveau ;  les  autres,  au  contraire,  ne  voient  dans  ces  distinctions 
abstraites  que  des  moyens  de  faciliter  Fetude  des  fails  complexes  de 
Fordre  intellecluel  et  moral,  et  ne  les  envisagent  que  comme  des 
aspects  divers  d’un  mfime  principe  indivisible  dans  son  unite.  Les 
partisans  de  cette  seconde  doctrine  peuvent  bien  sans  dome  ad- 


70  SOCifiTfi  MfiDICO-PSYCHOtOGIQUE. 

mettre  des  pi’^dominances  varides  dans  le  ddveloppemeiU  relatif  de 
ces  divers  dlSijients  d’une  force  unique  chez  les  dilTdrenls  homnies 
et  des  prddominances  de  Idsion  de  chacune  d’elles  chez  les  alidnds, 
mais  ils  croient  que  I’aclion  de  Tune  de  ces  forces  entr:dne  loujours 
plus  ou  moins  les  autres  dans  le  mouvement  gdneral  de  la  pensde, 
et  que  leurs  lesions  sonl  constamment  complexes  h  l  eiat  pailiolo- 
glque^  Ces  deux  doctrines  sont  lellement  dilfdrentes  dans  leurs  prin- 
clpes  et  dans  leurs  applications,  que  les  partisans  de  chacune  d’elles 
ne  peuvent  se  rencontrer  dans  les  consequences  ddduire  de  ces 
principes  sur  le  terrain  de  la  pratique.  Mais  ce  n’cst  pas  ici  le  lieu 
d'insister  sur  cette  question.  Elle  exigerait  un  examcn  spdeial,  et 
nous  avons  dd  naturellement  nous  borner  k  dnoncer  le  principe  au- 
quel  nous  nous  rattachions,  sans  en  enlreprendre  i  nouveau  la 
demonstration.  Ceci  m’amene  naturellement  au  sepond  grief  de 
M.^Delasiaiive  centre  moi,  e’est-i-dire  a  I’application  de  la  psycho- 
logie  normalc  a  retude  des  maladies  mentales. 

M.  Delasiauve  me  reproche  d’avoir  manifestd  du  dedain  pour  la 
psychologic,  sans  laquellei  dit-il,  la  connaissance  scientifique  des 
maladies  mentales  n’est  pas  possible.  Mais  il  y  a  evidemment,  dans 
ce  reproche  ainsi  formuie,  un  malentendu  qu’il  importe  d’edaircir. 
Je  n’ai  pas  dit  que,  dans  la  medecine  mfehtale,  on  dflt  negliger 
retude  des  phenomfenes  psychlques  pour  concentrer  exclusivement 
son  attention  sur  les  phenomfenes  physiques.  Les  plus  ardents  de- 
fenseurs  de  I’ecole  somatique  n’ont  jamais  soutenu  une  pareille  exa- 
geration.  Les  phenomfenes  intellectuels  et  moraux  sont  evidemment 
les  veritables  symptdmes  des  maladies  mentales.  Aucun  medecln  ne 
peut  les  negliger,  ni  les  passer  sous  silence :  ils  seront  toujours, 
quoi  qu’oii  fasse,  I’objet  principal  de  I’observation  des  alienistes. 
Mais  autre-  chose  est  d’etudler  cliniquement  et  medicalement  ces 
faits  psychiques,  tels  qu’ils  se  presentent  chez  les  alienes,  ou  de  cher- 
cher  &  les  connaltt-e  et  ft  les  interpreter,  en  se  servant  des  precedes 
tisites  par  les  psychologues  pour  I’analyse  de  rhomme  normal,  que 
I’on  se  borne  St  importer  pureinent  et  simplement  dans  la  paiho- 
logle  mentale.  De  tout  temps  les  ecoles  philosophiques  regnantes 
ont  exefee  uhe  influence  preponderante  sur  les  doctrines  medicales. 
A  la  fin  dti  dernier  siede,  les  idees  de  Locke,  de  Condillac  et  de  I’ecole 
settsUallste,  oht  feagi  puiSsaihmeht  surPinel  et  sur  ses  successeurs. 
Plus  tai'd,  d’auttes  ecoles  oiit  itiflue  i  leur  tour  sur  les  medecins 
speciallstes  eh  France  et  k  I’^trShger.  Mais  toujours  on  a  voulu  ap- 
pliqilcf  k  I’eiUde  des  maladies  mentales  les  methodes  et  les  pre¬ 
cedes  adoptes  pat-  les  philosophes  pour  I’aHalyse  de  Thomme 
ndriftal.  Of,  e’est  cette  application  parliculiere  des  precedes  de  la 


Itt.  J.  FAl^RfeT.  —  FOLIE  RAISONNANTE. 


71 


psychologie  A  la  coiinaissance  fit  aii  classemeiit  ties  maladies  men- 
tales  que  j’al  combatlue,  et  lion  rAtiide  difecte  et  cUiiiqiie  des  plidno- 
mfcnes  psychiques  chez  les  alidnds,  qiii  sera  toujours  la  base  principale 
de  la  palhologie  raentale. 

Sans  doute  M.  DelasiaiiVe,  dans  le  discoitrs  auqilel  je  rdponds, 
comiiie  dans  ses  prdcddenls  travaux,  a  eii  le  soih  de  proclamer  qu’il 
ne  regardait  pas  non  plus  les  factilli's  inlellectuelles  et  morales,  ad- 
mises  par  les  philosophes,  comme  des  forces  absolument  disliucles, 
el  que,  laissant  de  cOtd  ces  abstractions,  11  se  contenlait  d’dtudier  les 
rdsnllals  du  travail  de  cos  facultds,  c’esl-A-dire  ce  qu’il  appelle  le 
fonctionneraent  mental,  on  bien  encore  la  thdorie  des  mobiles. 
Selon  Itii,  les  factillds  en  action  produisent  des  sensations,  des  iddes, 
des  impulsions,  des  sentiments  qui  surgissent  el  s’enirechoqueni 
dans  la  mie  hurnaine,  A  I’dtat  physiologique  et  palhologiqne,  et  qui 
sont  les  vdrllaljles  mobiles  de  nos  actions.  Or  ces  mobiles  veUant  a 
changer  dans  I’diat  patliologique  eUlrainent  I’homme  malade  dans 
des  directions  dilfdrentes  de  cedes  de  I’homme  sain  d’esprit,  quol- 
que  les  facullds,  on  les  forces  qui  leur  donnertt  naissance,  soieht  tou¬ 
jours  les  mdmes  et  conservent  dans  la  maladie  comme  dahs  la  sanld 
leurs  caractfcres  propres.  Mais  tout  en  alirlbuant  les  perversions 
pathologiques  obsel'vdes  chez  les  alidnds  A  la  modification  des  mo  - 
biles  des  actions  humaines  (c’est-A-dlre  aux  cbangenlenls  survenus 
dans  les  sensations,  les  iddes,  les  impulsions  et  ies  sentiments),  plu- 
t6t  qil’A  ralleralioU  des  forces  on  faciiltds  primitives  de  I’Ame  hu- 
maine,  M.  Delasiauve  croit  ndaninoins  A  I’existence  distincte  de  ces 
forces,  A  leur  insolidaritd  A  rdtat  normal  et  A  leurs  IdsiOns  isolees 
A  I’dtat  maladif  ;  il  en  dtudie  les  alterations  sdpardes  comme  causes, 
symptOmes  et  moyens  de  classement  des  maladies  mentales,  et  il 
fail  sans  cesse  des  applications  de  la  psychologic  normale  A  la  pa- 
thologie  mentale.  Or,  c’est  sur  ce  point  special  que  je  me  Irouve 
en  desaccord  complet  avec  lui. 

II.  La  folk  raisonnante  est-elle  tine  forme  distincte  de  maladie 
mMaU  ?  —  J’aiTive  A  la  seconde  question,  c’est-A-dire  A  la  question 
cliniqtic.  Sur  ce  point  encore  il  y  a  dissidence  profonde  entre 
M.  Delasiauve  et  moi.  J’ai'cherche  A  pronver  que  la  folie  raisonnante 
n’existalt  pas,  comme  forme  ou  varidte  distincte  de  maladie  men¬ 
tale,  et  qu’elle  n’eiall  qu’une  reunion  arbitraire  et  artificielle  de  fails 
disparates.  M.  Delasiauve,  au  contraire,  chefche  A  etablir  que  si  le 
mot  de  folie  raisonnante  est  mauvais  (et  siirtout  celui  de  monomanie 
raisonnante  d’Esquirol,  parce  que  le  delire  n’est  pas  monomaniaque 
mais  dilTus),  la  chose  doitfitre  conservee,  en  changeant  seulement  le 
nom  etenlui  substituant  celnl  de  pseudo-rnonoraanie  que  M.  Dela- 


72  SOCltTfi  MfiD  [CO-PSYCHOLOG  IQU£. 

siauve  s’efforce  de  cai'act^nser  d’une  mani&re  spi^ciale.  Pour  ^tablir 
cliniqucment  I’existenee  de  cette  forme  nouvelle  de  maladie  meii- 
tale,  M.  Delasiauve  semble  s’filre  inspire  de  I’dtude  des  d^lires  Jigs 
aux  maladies aigues,  ou  desdglires  loxiques.  De  mgmequeM.  Moreau 
(de  Tours),  dans  ses  etudes  si  inlgressantessiir  le  haschisch,  s’estre- 
prdsente  le  moi  hiimain  comme  assistant,  en  spectateur  passif,  ii 
un  ddfilg  de  conceptions  dglirantes,  d’inipulsions,  d’illusions  e 
d’hallucinations,  se  suceddant  et  se  remplaQanl  sur  la  sefene  Intel, 
lectuelle,  de  mfime  M.  Delasiauve  semble  avoir  voulii  appliquer 
cetle  m6me  theorie  ii  loute  une  catdgorie  d’alidnds  atteints  de  dd- 
lire  partiel,  qu’il  a  dislingiids,  par  ce  caraclfere  gdndral,  des  antres 
monomancs  tels  qu’Esquirol  les  avait  conqus.  Pour  M.  Delasiauve, 
en  elTet,  ce  qui  caraetdrise  essenliellement  la  pseudo-monomaniei 
e’est  la  persistance  de  la  conscience  intime,  au  milieu  d’une  rdverie 
ou  d’une  fascination  morbide.  Le  moi  humain  reste  intact  derridre 
cette  fantasmagorie,  que  la  maladie  dvoque  devaiit  lui  el  d  laquelle 
ii  ne  participe  que  par  moments  et  d’une  manifere  indirecte.  Les 
dmotions,  les  impulsions,  les  sentiments  involontaires,  les  concep¬ 
tions  ddlirantes,  les  illusions  et  les  hallucinations  se  produisent  I’une 
aprds  I’autre  sous  I’induence  de  la  maladie  :  L’alidnd,  d  la  fois  ac- 
tcur  et  tdmoin  dans  ce  drame  improvisd  par  son  ddlire,  est  plus  ou 
moins  entralnd  lui-mdme,  selon  les  moments,  dans  le  mouvement 
gdndral  de  sa  pensde,  ou  assiste  plus  ou  moins  indiffdrent  a  ce  ta¬ 
bleau  mouvant  qui  se  ddroule  devanl  lui  dans  cette  reverie  morbide  ; 
mais  aussitOt  que  cette  fascination  a  cessd  de  se  produire,  il  reprend 
rapldement  toute  sa  liberld  morale  et  toute  sa  luciditd  intellectuelle 
pour  apprdcier  sainement  cette  fantasmagorie  qui  n’avait,  du  reste, 
jamais  pu  parvenir  a  lui  faire  compldtement  illusion  sur  sa  rdalitd. 
—  Pour  M.  Delasiauve,  il  existe  done  deux  catdgories  distinctes 
d’alidnds  atteints  de  ddlire  partiel,  les  monomanes  qui  raisonnent 
juste  en  partant  d’un  point  de  ddpart  faux,  comme  Esquirol  les  a 
ddcrits,  et  les  pseudo-monomanes,  chez  lesquels  le  ddlire  est  diffus, 
multiple,  mobile,  et  participe  des  caractferes  de  la  rdverie  morbide 
plutbt  que  de  ceux  du  ddlire  systdmatisd.  M.  Delasiauve  a  fait  ainsi 
pour  la  monomanie  d’Esquirol  ce  que  M.  Baillarger  avait  ddja  voulu 
faire  pour  la  mdlancolie  :  il  a  constatd  I’existence  d’un  trouble  gd¬ 
ndral,  ou  d’une  confusion  gdndraie  des  idecs,  dans  Pune  des  catego¬ 
ries  des  ddlires  partiels  expansifs,  ou  des  monomanies  d’Esquirol, 
comme  M.  Baillarger  a  vu  une  depression  gdndraie  des  facultds  dans 
toute  une  section  des  mdlancoliques  qu’il  a  fait  passer  par  cela  mdme 
dans  la  classe  des  ddlires  gdndraux.  Ges  deux  modifications  pro- 
ondesapporldes  parallelement  a  la  classification  d’Esquirol  par  deux 


M.  J.  FAIiRET.  ~  KOLIE  RAISONNANTE. 


alitfnisies  6minenis,  qui  en  conservenl  n^aninoins  les  principes  fon- 
damenlaiix,  nous  paraissent  iin  premier  pas  fail  dans  la  voie  dii  ren- 
versenient  coraplet  de  celte  classification,  et  concourent  a  la  destruc¬ 
tion  tic  la  barri^re  artificielle  qui  sdpare  encore  aujourd’hui  les  dd- 
lires  partiels  des  d^lires  gdneraux.  Mais,  lais'sant  de  cdtd  cetle  ques¬ 
tion  gdndrale,  revenons  i  la  question  spdciale  qui  nous  occupe.  Com¬ 
ment  celte  description  de  la  pseudo-raonomanie,  sur  les  ddlails  de 
laquelle  M.  Delasiauve  a  beaucoup  insisld  dans  son  dernier  discours, 
peut-elle  s’adapter  h  I’idde  que  cbacun  de  nous  se  fait,  depuis  Pinel 
et  Esquirol,  de  la  folie  ou  de  la  manic  raisonnante  ? 

Quel  rapport  M.  Delasiauve  peut-il  ddcouvrir  entre  ces  deux  or- 
dres  de  fails  ?  Sur  quels  caracieres  communs  peut-il  s’appuyer  pour 
prouver  que  sa description  de  la  pseudo-monomanie  correspond,  h 
pen  de  differences  prfes,  a  la  folie  raisonnante  telle  qii’elle  est  gdn^- 
ralement  ddcrite?  C’est  ce  que,  pour  noire  part,  nous  n’avons  pas 
pu  comprendre. 

Nous  voyons  Men  la  conscience  de  son  dtat,  et  renvahissementin- 
volontaire  de  I’esprit  malade  par  des  conceptions  delirantes  varides 
et  par  des  impulsions  instinctives  multiples,  dans  quclques-unes 
des  varidids  de  la  folie  raisonnante,  par  exemple  dans  celles  que 
nous  avons  ddcrites  sous  les  noms provisoires  d’hypochondrie  morale 
et  de  folie  avec  prddominance  de  la  crainte  du  contact  des  objets 
extdrieurs;  mais  il  nous  est  impossible  de  retrouver  ces  caractferes 
fondaraeniaux  dans  les  varidtds  qui  reprdsentent  plus  spdcialement 
le  type  habituef  de  la  folie  raisonnante,  c’est-ii-dire  dans  celles  oft 
Ton  constate  I’altdration  profonde  des  sentiments  et  des  instincts, 
avec  ddsordre  extrfime  des  actes  et  avec  conservation  apparente  de 
I’intelligence. 

Dans  ces  cas,  qui  seuls  mdriteraient  de  constituer  la  folie  raison¬ 
nante  si  I’on  admettait  la  rdalitd  de  cette  forme  de  maladie  mentale, 
nous  ne  poiivons  ddcouvtir  les  caraetferes  priqcipaux  assignds  par 
M.  Delasiauve  ft  la  pseudo-monomanie.  Loin  d’avoir  la  conscience 
de  leur  dtat  inaladif,  ces  alidnds  ont  au  contraire  la  conviction  pro¬ 
fonde  de  I’intdgritd  de  leur  raison.  De  plus,  les  perversions  des  senti¬ 
ments  etdes  instincts,  ainsi  que  les  actes  ddsordonnds  qui  en  rdsul- 
tent,  loin  d'dtre  fugaces  et  mobiles,  loin  de  paraitre  et  de  disparaitre 
alternativement  sur  la  sefene  intellectuelle,  peuvent  Men  sans  doute 
varier  de  degrd  selon  les  moments,  mais  coftservent  au  fond  chez 
ces  nialades  une  fixitd  et  une  persistance  qui  leur  donnent  toutes 
les  apparences  d’uti  cartictftre  normal  et  qui  ddcouragent  tous  les 
efforts  de  la  thfirapeutique  morale.  Sans  doute,  ft  celte  objection, 
IVI.  Delasiauve  pourrait  rdpondre,  conime  il  I’a  ddjft  fait,  que  j’a 


1h  soclfiTf:  )Hf;Dlco-PSY(!aot,d<iiQuE. 

moi-m6nie  cosnmis  une  confusion  analogue,  en  d^crivant,  dans  inon 
dprnior  disconrs,  comme  fnisant  partie  de  la  folie  ralsonnante,  cinq 
varidtds  de  maladies  itieniales  qnl  ne  devniicnt  pas  Idgitimenicnt 
Itii  apparienlf,  el  en  laissant  dans  I’ofnbre  celles  qnl  en  repriisenlent 
pi'PcisPinent  le  type  le  plus  hahiiuel.  Mais  J’ai  en  le  soin  ddjii  d’aller 
au-devani  de  cetie  objection.  J’ai  dit,  en  cffet,  que  je  n’avais  ac¬ 
compli  que  la  moilld  de  ma  tacbe ;  apr6s  les  cinq  varidtds  que 
J’ai  chercbP  5  caracldriser ,  j’ai  .Signaiii  quatre  aulres  catdgories 
qiii  devraieni  encore  qtre  Ptudlies,  pour  completer  i’enaemblc  des 
fails  de  divers  ordres  que  i’on  rJunit  arbitraircment  aujourd’hui 
sous  le  horn  vague  et  trop  comprdbensif  de  folie  raisonnanie. 

Je  doia  done  niaintenant  dire  qiielques  mots  de  ces  qnatre  cab!- 
goCies  de  fails. 

i“  Jemeniioilnerai  d’abord  certains  ddlires  de  per.sdculion,  encore 
mal  sysidmaiisiis,  ou en  voie  d’dvolution, que  les  malades  pnrvicnneni  a 
dissimuler.  donl  le  dPveloppemenl  est  tout  intdrienr  eiquinesema- 
nifeslent  au  dehors  que  par  rexci’nlricitddesactes,  les  alldraiionsdes 
senlimcnts  et  les  d^sot-dres  de  la  conduile.  Ces  abends,  qui  appar- 
llennent  en  r^aliifi  an  dt'lire  parliel  avec  predominance  d’idecs  de 
persdeutloh,  sfe  font  le  Centre  de  tout  ce  qui  les  entoure  ;  ilssc  ren- 
ferment  dabs  Ictir  orgiieil  el  se  croient  TUbjet  de  raticntion  et  de 
I’animadversion  gdndrale ;  ils  interprfeteHt  centre  eux-mdmes  tons  les 
falls  les  pins  insignifiabis  qui  se  passent  autOUf  d'eux,  et  s’imaginent 
dtre  victirnes  de  la  malvcillance,  de  la  baine  ou  de  la  pei  seciition  de 
lOiiS  cdux  avec  lesquels  ils  vivent;  mais  ce  syslfcme  de  persdeution, 
n’ayartt  pas  enCorC  revdtu  dans  leur  esprit  une  forme  bicn  ddtermi- 
nde,  .se  maintient,  pendant  des  anndes,  h  tin  degrd  de  vague  apprd- 
hension,  et  reste  enlicrement  renfermd  dans  leur  for  inldrieur.  Ce 
travail  trds-lent  de  systdmalisatiort  se  fait  5  I’dtat  latent  et  ne  se  for- 
mtile  pasdansdes  sdHes  d’iddesnettementaccentude.s.  Le  maladcn’en 
fait  part  it  personne,'  concentre  tout  en  lui-mdme  et  n’en  laisse  que 
rarement  debapper  au  dehors  de  faibles  lindaments,  Ndanmoins,  ses 
sentiments,  ses  penchants,  sa  Conduiie  tout  enildre,  se  ressen- 
teili,  de  la  manifere  la  pins  dvidente,  de  ce  travail  Intdricur  per.sis- 
tant  de  leur  esprit  nialad'c;  ils  fiilcnt  le  mohde,  qui  les  heuric  et  les 
blesse  de  mille  nianiferes ;  tls  abandonneni  letits  parenis  et  leurs 
melileurs  amis ;  leurs  sentiments  affectuenx  s’dtdignent  el  se  trans- 
forment  en  sentiments  de  haine  et  de  rdpulsion ;  ils  se  rdfugienl 
dans  la  .solitude,  renferment  tout  en  cux-mdmes  et  ne  sortent  par 
moments  de  cet  i.solement  el  de  cette  concentration  habituels  que 
pour  se  livrer  a  quelques  actes  ddsordonnds,  bizarfes,  violents  on 
nuisibles,  qui  donnenl  a  la  foisla  preuve  et  la  mesure  du  trouble  qui 


M.  J.  FALttEt.  —  FOtlE  RAISONNANTE.  75 
exlsle  datis  leUi‘  inlelligence  et  dahs  leiirS  sentiments.  Eh  bien,  ces 
mnlades,  tjiie  I’on  rehcontre  plnlOt  dans  la  pratique  civile  qiic  dans 
les  asiles  d’alidmis,  et  dont  iVJat mental  est  souvent  trfcs-difficile  a  dia- 
gnosliqiler,  sent  freqtiemment  pris  pour  dcs  alidnes  atlcints  de  folic 
raisonnante,  parce  qtie  leur  maladie  se  manifesie  plulOt  par  les  al¬ 
terations  das  sentiments  et  des  penchants  et  par  la  hizarrerie  des 
actes  que  par  le  trouble  Intellectuel  qu’ils  parvicnnent  a  disstmiiler 
aux  observateurs  mdme  les  plus  exereds. 

2°  Une  seconde  catdgorle  de  fails,  qui  frdquemment  aussi  est  dd- 
crite  sous  le  nom  de  folie  raisonnante,  est  colic  que  Ton  pent  ap- 
peler  Yexaltation  maniaque.  Nous  en  avons  ddjii  indiqud  les  prin- 
clpatix  dai'actferes  dans  notre  prdeddent  discours,  en  parlant  de  la 
pdrlode  d’exaltalion  de  la|folie  circulalre.  Le  plus  .souvent,  en  ell'et. 
les  abends  atteints  d’exaltation  maniaque,  dont  tonles  les  facullds 
sont  surexcltdesA  la  fois  d  un  trds-haut  degrd,  dont  les  iddes,  les 
senlimeilta  et  les  penchants  .sont  comme  en  dbullition,  et  dont  les 
mouvemenls  et  les  actes  multiplies  et  incessanls  sont  en  rapport 
avec  la  fermentation  gdndrale  de  leur  nature  nilcllectuelle  et  morale, 
ces  abends,  dis-je,  dprouvent,  aprfes  cette  pdriode  d’exaltation  plus 
ntt  moins  intense,  et  plus  on  moins  prolongde,  une  pdriode  de 
depression  tres-caracidrisde  et  habituellement  plus  longue  que 
la  precddenle.  Aussi,  lorsqu’on  observe  chez  im  abend  un  dtat 
d’cxaltation  ntaniaque,  se  manifestant  plut6t  par  la  surexcitation 
de  totites  les  facultds  que  par  leur  ddsordre,  on  doit  toujours 
cbercber  s’il  n’a  pas  existd  auparavantcbez  lui  une  pdriode  d’affais- 
seinfeHt  dgalement  irfes-tranchde,  ou  bien  I'on  pent  prddire  son 
apparition  dans  un  temps  plus  ou  moins  rapproche.  Car  e’est  la 
le  fait  le  plus  habiluel.  Ndanmoins,  pour  rester  dans  la  vdritd  de 
I'observatlon  clinique,  on  doit  ajOuter  que  cet  dial  mental  parlicu- 
lier,  consl.stant  plutdt  dans  la  surexcitation  gdndrale  de  toutes  les 
facitltds  que  dans  leur  ddsordre,  pent  aussi,  dans  quelques  cas  rares, 
exister  sent  pendant  de  longues  anndes,  sans  etre  un  stade  prodro- 
itlique  de  la  manle  franchd  ou  sans  alterner  d’une  manidre  rdgu- 
lifefe  avec  la  ddpression  mdlancobque.  Or  cel  dial  d’exaltalion 
rnaniaque  simple,  qui  se  prolonge  qnelquefois  pendant  loute  la  vi  e 
de  ces  malbeureux  alidnds,  conslitue  un  des  types  lea  mieux  accu- 
sds  de  ce  qu’on  estconvenu  d’appeler  la  manie  raisonnante. 

3"  Aprds  CCS  deux  varidtds,  nous  devons  encore  insislcr  sur  une 
troisifeme  qui,  plus  que  toutes  les  autres,  mdriterail  le  nom  de  folie 
raisonnante,  si  ce  mot  devait  dire  conservd  dans  la  science;  nous 
voulons  parler  de  ces  alidnds  raisonnants  que  M.  le  docleur  Morel, 
a  fait  figurcr  daps  rune  de  ses  subdivisions  de  la  folir  heridUain, 


76  SOCI£t£  MfiDlCO-PSYCHOLOGIQUE. 

Ces  inclividus  laal  nds,  au  pliysique  comma  au  moral,  degeneres 
comme  il  les  appellc,  sont  predisposes  dfis  leur  naissance  i  la  folie, 
et  passent  pour  aiiisi  dire  toute  leur  existence  dans  un  etat  per¬ 
manent  de  folie  raisonnante  a  divers  degres.  Si  I’on  remonte 
dans  riiisloire  de  leurs  ascendants,  on  y  decouvre  de  nombreux 
examples  d’aUdnation  menlale  el  de  maladies  nerveuses  :  L’hdre- 
dite  morbide  est  en  quelque  sorte  accumulde  dans  ia  famille  de  ces 
alienes,  qui  rdsument  en  eux  la  plupart  des  caractferes  maladiCs  de 
leur  race.  D6s  leur  enfance,  ils  ont  ordinairement  manifesto  des 
facultds  intellectuelles  tr6s-in(5galement  ddveloppiies,  faibles  dans 
leur  ensemble  et  remarquables  seulement  par  certaines  aptitudes 
spdciales;  ils  ont  montrd,  par  exemple,  des  dispositions  exception- 
nelles  pour  le  dessin,  le  calciil,  la  musique,  la  sculpture  ou  la  md- 
canique,  des  mdmoires  excepiionnelles  pour  les  dales  ou  les  dvdne- 
menls  historiques,  et  h  cdtd  de  ces  facultds  isoldment  ddveloppdes, 
qui  les  ont  fait  passer  pour  de  pelits  prodiges,  ils  ont  ollert  la  plu¬ 
part  du  temps  d’dnormes  lacunes  dans  leur  intelligence  et  une  fai- 
blesse  vraiment  radicale  des  autres  facultds.  Au  moral,  on  a  constald 
Chez  eux  les  mfimes  contrastes  et  les  mdmes  singularitds.  A  cdld 
de  facultds  affectives  normalement  ddveloppdes,  ils  ont  prdsentd  des 
instincts  pervers,  des  sentiments  ddpravds,  des  penchants  violents 
et  incoercibles ;  ils  .se  sont  livrds  &  des  actes  tout  it  fait  dtranges, 
ddnotant  une  mauvaise  nature  ou  une  absence  complfete  de  sens 
moral.  L’dducation  commune  dans  les  pensions  oules  colldges  a  dtd 
pour  eux  impossible ;  ils  se  sont  fait  renvoyer  de  toutes  les  institu¬ 
tions  oft  leurs  parents  les  avaient  placds,  et  la  vie  de  famille  elle- 
mdme  est  deveniie  imur  eux  intoldrable,  a  cause  de  leurs  mauvais 
penchants  et  de  leur  absence  complfete  de  sentiments  alfectueux. 

Quelquefois  mSme  ils  ont  dtd  plus  loin.  Leurs  actes  ddpravds  et 
coupables  les  ont  fait  punir  par  les  tribunaux  dds  leur  jeune  age  : 
ils  ont  dtd  envoyds  dans  les  maisons  de  ddtention  ou  de  correction, 
et  dans  les  prisons.  Arrivds  i  rage  de  la  puberld,  ils  se  sont  fait 
remarquer,  entre  tons  leurs  camarades,  par  la  singularitd  de  leur 
caractfere  et  I’dlrangetd  de  leur  conduite;  ils  n'ont  pu  rien  faire 
comme  les  autres  hommes  de  leur  age,  adoptant  une  profession 
avec  ardeur  pour  la  ddlaisser  bientdt  sans  motif,  passant  rapide- 
ment  par  les  sentiments  et  les  ddterminations  les  plus  opposds,  se 
livrant  a  tons  les  excfes  avec  une  sorte  de  frdndsie,  el  dlonhant  en- 
suite  leurs  parents  et  leurs  amis  par  la  solennitd  de  leur  conver¬ 
sion  ou  par  I’dclat  de  leur  repentir;  entreprenant  les  travaux  les 
plus  diffdrents  et  les  quittant  ensuite  pour  se  livrer  a  d’autres  oc¬ 
cupations.  Susceptibles,  irritables,  fantasques,  prenant  tout  avec 


M.  J.  VALUE'!'.  —  FOLlli  HAISONNANXI-.  77 
passion,  passant  rapidemeni  de  I’cnthousiasme  au  d^couragement, 
ils  ont  attird  I’attenlion  de  tons  ceux  avec  lesquels  ils  ont  v6cu  pa|> 
rexcentricil6  de  leur  conduite  et  par  les  conlrastes  inexplicables  do 
leur  caraclfere.  Les  uns  se  sont  engages  comme  soldats,  se  sont 
fait  condamner  pour  indiscipline  ou  pour  insultes  envers  leurs 
supdrieurs,  et  ont  ensuile  ddserte  la  profession  militaire  pour  se 
lancer  dans  d’autres  directions,  d’autres,  aprfes  avoir  dlonnd  par 
leurs  ddbauches  et  les  ddsordres  de  leurs  conduite,  sont  enlrds 
dans  des  niaisons  religieuses,  dans  des  couvents,  sc  sont  souniis  aux 
exigences  les  plus  sdvdres  de  ces  inslitutions  el  les  ont  ensuile  aban- 
donndes  avec  dclat  pour  retourner  A  leurs  anciennes  habiludes. 
Tout,  en  un  mot,  a  dtd  irrdgulier,  dtrange  et  ddsordonud  dans  le 
genre  de  vie  de  ces  6tres  incomplets  et  mal  nds,  prddisposds  hdrd- 
ditaircment  a  la  folie  raisonnante,  lorsque  enfin  on  a  commencd 
a  s’apercevoir  de  leur  dtat  maladif,  surtout  caractdrisd  par  la  per¬ 
version  des  instincts,  des  sentiments  et  des  penchants  et  par  Ic 
ddsordre  des  actes,  mais  dont  I’intelligence  prdsenie  aussi  de  nom- 
breuses  lacunes,  qui,pour  n’fitre  pas  aussi  saillanles,  n’en  sont  pas 
moins  reelles.  Mais  alors  aussi  surviennent  de  nouvelles  pdripdties 
dans  leur  existence  mouveraentde.  Ils  mettent  le  ddsordre,  Tanar- 
chie  etla  guerre  partout  oil  ils  se  trouvent.  En  rdvolte  ouvertc  avec 
leurs  families  et  avec  la  socidtd  tout  entifere,  ils  soulfevent  partout 
la  repulsion  et  la  haine,  et  ils  rdagissent  eux-m6mes  par  des  actes 
violents  conlre  les  sentiments  qu’iis  ont  fait  naltre  autour  d’eux. 
PleinS  d’insubordination,  ils  dcliappent  J  leurs  families  ou  a  leurs 
supdiieurs,  pour  mener  une  vie  vagabonde,  irrdgullfere,  qui  souvent 
les  conduit  devant  la  justice  lorsqu’elle  ne  les  amdne  pas  dans  les 
asiles  d’alidnes.  Sont-ils  maries,  la  vie  de  mdnage  devient  un  veri¬ 
table  enfer  pour  ceux  qui  se  trouvent  malheureusement  associds 
a  eux,  et  &  la  suite  de  querelles  intestines,  de  luttes  cachdes  et 
d’horribles  souffrances  morales,  bienheureux  sont  ceux  qui  par- 
viennent  i  obtenir  la  separation  ou  la  sequestration  Idgale  de 
pareils  dtres,  dont  la  nature  morale,  incomplfete  et  depravde,  est 
absolument  incompatible  avec  la  vie  commune  ou  avec  la  vie  so_ 
dale.  Sont-ils  enfin  sdqueslrds  dans  les  asiles,  ils  deviennent  alors  le 
lldau  de  ces  dtabllssements  et  y  suscilent  les  luttes  et  les  ddsordres 
les  plus  multiplies.  Paraissant  raisonnables,  malgre  la  profonde  al¬ 
teration  de  leur  nature  iiitellectuelle  et  morale,  ils  parviennent  a 
convaincre  de  leur  raison  quelques  membres  de  leur  famille  et  cer¬ 
tains  employes  des  asiles  oil  ils  sont  renfermes.  Ils  dcrivent  des  let- 
ires,  des  reclamations  aux  auloritds,  et  souvent,  aprfes  bien  des 
discussions  et  malgrd  I’avis  contraire  du  mddecin  de  I’dtablissement, 


7  8  SOCIfiTfi  MEDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

ils  sont  remis  en  libertd  par  la  justice,  et  recommencent  bientdt  le 
(jpenie  genre  de  vie  vagabonde  et  irreguliere,  qiii  les  fait  passer  suc- 
cessivement,  et  souvent  iiii  grand  nombre  de  fois,  suit  devant  les 
Iribunaux,  soil  dans  les  asiles  d’alifin^s. 

11  n’est  pas  de  m^decin  sp^cialiste  qiii  n’ait  rencontre  dans  sa 
pratique  des  alitintfs  de  ce  genre  et  qui  n’ait  eu  i  subir  les  fu- 
nesles  consequences  qu’enlralne  toujours  J  sa  suite  un  pareil  etat 
mental.  Eli  bieii,  certainement,  si  la  folie  raisonnante  devait  etrc 
admise  com  me  espfece  naturelle  de  maladie  mentale,  ce  sont  dvi- 
demraent  les  malades  de  cette  catdgorie  qui  seuls  devraient  la  con- 
stituer  bl’etatde  forme  disiincte  et  spdciale.  Mais,  pour  notre  part, 
nous  pensons,  comme  M.  le  docteur  Morel,  qu’ils  doivent  fitre  rat- 
taclids  a  d’autres  categories  plus  generales,  sans  admettre  pouriant, 
avec  cet  auteur  distingue,  la  determination  de  la  folie  hereditaire,  qui 
nous  semble  beaucoup  trop  vaste  et  trop  comprehensive.  Quoi  qu’il 
en  soit,  on  nous  accordera  facilement  que  le  tableau  rapide  quo 
nous  venons  de  tracer  de  cette  varidte  si  remarquable  d’aHends 
raisonnanis  est  bien  loin  de  ressembler  a  celui  que  M.  Delasiauve 
nous  a  donne  de  la  pseudo^monomanie,  et  que  par  consequent  ces 
deux  descriptions  ne  peuvent  s’appliquer  a  deux  etals  identiqucs. 

U"  Enfin  (pour  terminer  cettesimpleenumeration  des etatsde  trou¬ 
ble  mental  rdunis  par  divers  auteurs  sous  le  nora  tres-vague  de 
folie  raisonnante),  nous  devons  encore  mentionner  les  aliends  ddsi- 
gnds  gendralement  sous  lenom  de  maniaques  instinctifs,  raaiades 
chez  lesquels  des  penchants  pervers,  des  tendances  mauvaises  ou 
des  instincts  violents  se  developpent  periodiquement  sur  uu  fond 
de  debilite  intellectuelle  native,  avec  une  alteration  permanente 
du  caractfere  et  sans  trouble  tres-manifeste  des  facultes  intellcc- 
tuelles.  Ce  qui  caractiirise  surtout- cette  variete  d’alienes  dits  raison¬ 
nanis,  c’est  la  periodiciie  des  impulsions  au  meurtre,  au  vol,  a  I’in- 
ceiidie,  des  tendances  erotiques  ou  des  dispositions  a  boire,  qui  sur- 
gissent,  avec  plus  ou  moins  d’in  esistibilitd,  au  milieu  d’un  trouble 
mental  a  forme  laisonnante.  Dans  lous  les  auteurs  qui  ont  traite 
de  la  folie  raisonnante  et  en  particuller  dans  I’ouvrage  de  Pri¬ 
chard,  on  trouve  des'exemples  de  ce  genre,  citfo  paie-mfile  au 
milieu  d’autres  observations  appartenant  aux  diverses  categories 
dont  nous  avons  parld  precederament,  et  ces  etats  sp^ciaux  merite- 
raient  surtout  d’etre  dtudies  et  distingues  avec  soiii,  au  point  de  vue 
mediCo-iegal.  Or,  on  m’accordera  facilement  que  c’est  la  encore  un 
type  d’atienes  raisonnants  qui  ne  ressemble  gubre  a  celui  que 
M.  Delasiauve  nous  a  dbcrii  sous  le  nom  de  pseudo-monomanes. 
De  cette  esquisse  rapide  de  quelques  varietbs  de  la  folie  raisonnante; 


M.  J.  VALRG'r.  —  FOLIE  HAISONNANTE.  79 

ajout^es  i  celles  que  j’ai  signalfies  prSc^demment,  jc.  me  bornerai 
a  conclure  que  ces  dilKreats  types  sent  lota  de  i-essembler,  suit  les 
lilts  aux  aiures,  soil  au  tableau  que  M.  Delasiauve  nous  a  tracd  de 
la  pseudo-monomanie.  II  nous  serable  done  que  cel  Eminent  collfegue, 
cn  changeant  la  denomination  de  cet  atat,  ct  en  faisant  un  nouvel 
essai  de  ddlimitalion  des  fails  rdunis  sous  le  noin  de  folie  raison- 
nante,  n'a  pas  reussi  a  etablir  I’existence  de  celle  forme  disllncte  et 
spiiciale  de  maladie  raonlale,  comme  mdritant  une  place  a  part  dans 
le  cadre  nosologique ;  et  selon  nous,  la  pseudo-monomanie  de  M.  De- 
lasiauve,  comme  la  folie  raisomiante  des  autres  auteurs,  ne  constitue 
qu’une  rduiiion  arbitraire  de  faits  disparates. 

III.  Irresponsabilite  absolue  et  responsabilite  partielle.  Sur 
ce  point  encore  j’ai  le  regret  de  me  trouver  en  disaccord  avec 
i\I.  Delasiauve.  II  pense  que  les  pseudo-monomanes,  ou  en  d’autres 
lermes  lea  alienes  raisonnants,  peuvent  etjre  considdrds  comme  res- 
ponsables  de  certains  acies  civils  ou  crirainels  accomplis  par  eux  en 
dehors  de.la  fascination  morbide.  Cette  consequence  medico-iegale 
i  dsnlte  natiirellement  pour  M.  Delasiauve  de  la  faqon  dont  il  a  com- 
pris  Petal  mental  des  pseudo-monomanes.  Ainsi  que  nous  le  disions 
precedemment,  il  se  representc  Petal  de  ces  malades  comme  essen- 
liellemenl  mobile  selon  les  instants  oft  on  les  observe.  Il  admet  que 
le  moi  bumain,  ou  la  personnalite  humaine,  peuvent  resler  intacts, 
meme  au  milieu  de'la  lermentation  d’iddes  et  de  sentiments  que  la 
maladie  produit  dans  leur  interieur.  Chez  le  pseudo-monomane,  dit- 
ii,  les  idees  bizarres,  les  sentiments  alt^rds,  les  impulsions  involon- 
laires,  les  illusions  et  les  hallucinations,  en  un  mot  les  mobiles 
delirants,  se  remplaceut  et  se  sucebdent  avec  line  extreme  rapiditd 
dans  la  t6te  malade,  et  poussent  souvent  Palidnd  &  des  actes  ddsor- 
ilonuiis,  dangereux  ou  nuisibles,  snivant  la  nature  de  Pidde  ou  du 
sentiment  qui  surgissent  involontairement  sous  Pinfluenee  de  la 
maladie;  mais  ces  dclosions  de  phdnorafenes  raorbides  sont  extrfime- 
tnent  variables  selon  les  moments  oil  Pon  observe  ces  malades. 
Tantdt  le  moi  bumain,  assistant  en  speclatenr  passif  ii  celte  fantas- 
magorie  intellectuelle,  est  plus  ou  moins  emit  ou  entraind  par  elle, 
el  cesse  alors  depouvoir  se  dirigerlui-mfime;  lantdt,  au  contraire,  il 
est  simple  tdmoin  attentif  mais  inddpendaiit  de  cette  succession  ra- 
pide  d’iddes  et  de  sentiments,  el  il  conserve  alors  toute  la  libertd  de 
son  jugement  et  de  ses  ddterminaiions,  au  milieu  de  cette  tempfiio 
inldrieure  qui  ne  larde  pas  ii  se  dissiper  au  soufllc  de  sa  raison. 
Eh  bien,  dii  M.  Delasiauve,  lorsque  les  actes  accomplis  paries  pseudo- 
fflonomanes  sont  le  produit  des  mobiles  ddlirants,  ou  de  la  fasci¬ 
nation  morbide,  ils  doivent  6tre  attribuds  5  I’dtat  maladif;  el  I’indi- 


80  SOCIKTfi  MfiDlCO-PSrCHOLOGiQUli. 

vidu  doil  fiti-e  consid<;r6  commc  irresponsable ;  mais  s’ils  sent  au 
contraire  ^Irangers  a  la  sph6re  du  dfilire,  s’ils  se  sont  pi'oduits  eii 
dehors  de  son  influence,  le  moi  humain,  ayant  conserve  toule  sa 
liberld  d’apprteialion  et  de  volont4,  doit  etre  regard^  comme  res- 
ponsable  des  actes  qui,  loin  d’etre  le  rdsullat  des  mobiles  deiirants, 
ont  ete  accomplis  en  parfaite  connaissaiice  de  cause.  Voili  comment 
la  Iheorie  de  la  responsabilite  partielle  chez  les  alienes  raisonnants 
est  pour  M.  Delasiauve  la  consequence  naturelle  de  la  mani6re  dont 
il  a  conqu  la  pseudo-monomanie. 

Pour  notre  part  (nous  I’avons  deji  dit  plusieurs  fois  au  sein  de 
celte  Societe),  nous  ne  pouvons  comprendre  de  pareilles  distinctions 
et  nous  ne  pouvons  admettre  ce  mode  d’interpretalion  des  faits  ob¬ 
serves  chez  les  alienes,  raisonnants  ou  aiitres.  Cette  doctrine  nous 
paralt  non-seulemeiit  fausse  dans  son  principe,  mais  exlremcment 
dangereuse  dans  ses  applications.  Elle  suppose  une  fragmentation 
des  facultes  humaines,  une  scission  de  la  personnalite  qui  est  con- 
traire  it  robservation,  aussi  bien  chez  I’horame  normal  que  chez 
I’homme  malade,  et  elle  a  I’inconvenient  grave  d’abandonner,  dans 
la  pratique,  I’appreciation  de  chaque  cas  particulier  k  I’arbitraire 
et  au  caprice  du  jugement  individuel  de  chaque  medecin-expert. 
Qui  pourrait  se  flatter,  en  ellet,  chez  un  aliene  accuse  d’uri  crime 
ou  ayant  signe  un  acte  civil,  de  doser  avec  exactitude  le  degre 
d’entrainement  que  le  moi  humain  a  eii  a  subir,  a  un  moment 
donne,  et  le  degre  de  resistance  qu’il  a  pu  y  opposer?  Or  e’est  sur 
une  appreciation  aussi  delicate  que  M.  Delasiauve  et  les  autres  par¬ 
tisans  de  la  responsabilite  partielle  des  alienes  raisonnants,  veulent 
faire  reposer  le  crilerium  medico-legal  qui  doit  servir  a  decider  de. 
la  vie,  de  la  fortune  et  de  I’honneur  de  ccs  malheureux  malades  et 
de  leurs  families  !  Nous  n’avons  pas  &  insister  davantage  ici  sur  ce 
sujet,  que  nous  avons  deja  traite  plusieurs  fois  devant  la  Societe, 
non-seulement  it  I’occasion  des  fous  raisonnants  mais  a  propos  de 
tons  les  alienes  en  general;  mais  nous  sommes  oblige  d’avouer  que 
rargumentation,  du  reste  si  habile  de  M.  Delasiauve,  relativement 
ct  la  situation  mentale  des  pseudo-monomanes,  n’a  pas  pu  encore 
ebranler  nos  convictions  a  cet  egard.  Nous  ne  pouvons  nous  decider 
itabandonner  le  criterium  generaleinent  admis  qui  sert  de  base  a 
notre  legislation  actuelle,  et  qui  pent  se  resumer  ainsi :  Tout  aliene, 
quel  qu’il  soit,  doit  6tre  regarde  comme  absolument  irresponsable 
legalement  de  tons  les  actes  clvils  ou  criminels  accomplis  par  lui 
pendant  la  duree  de  son  etat  maladif.  Ge  criterium  absolu  nous  pa¬ 
ralt  encore  le  seul  qui  donne  a  la  medecine  legale  des  alienes  une 
base  vraiment  scientifique  et  qui  puisse  placer  le  medecin-expert 


M.  J.  VALUE'!'.  —  FOLIE  UAISONNANTE.  81 

Sill'  nil  tei'i’ain  solide  et  in6braiilable.  Je  desire  seuleraenl  aujour- 
d’lnii  dire  quelques  mots  de  trois  ci  icon  stances  dans  lesquelles  la 
doctrine  de  I’irresponsabilitg  absolue  des  alidn^s  pent  presenter 
cerlaines  difficult^s  d’application,  on  subir  en  pratique  quelques 
adoucisseineuts,  tout  en  conservant  en  principe  loiite  sa  rigueiir. 
Je  veux  parler  des  actes  civils  compares  aux  acles  criminels,  des 
pdriodes  de  rdinissions,  intervalles  lucides  et  intermittences,  enfm, 
des  fitals  de  trouble  menial  dtrangcrs  i  la  folie  proprement  dite. 

1"  Actes  civils.  —  Sous  le  rapport  des  actes  civils  signSs  par  les 
alieniSs  raisonnants,  on  concevrait  qu’il  pflt  exister  plus  de  doutes, 
dans  I’esprit  de  quelques  mddecins,  pour  I’application  de  la  doc¬ 
trine  de  I’irresponsabilM  de  tons  les  abends  sans  exception,  que 
pour  les  actes  criminels  accomplis  par  ces  mfimes  malades.  On  com- 
prend,  en  effel,  plus  facilement  qu’iin  malade  atleint  de  dfilire  par- 
liel  puisse  etre  regards  comme  capable  de  signer  une  procmation, 
de  donner  son  consentement  au  manage  de  ses  enfants,  on  mfime 
de  rddiger  un  testament  poiivant  6tre  reconnu  valable,  qu’on  ne  le 
congoit  punissablc  pour  iin  acte  r^puld  criminel.  Sous  ce  rapport, 
les  magistrats  et  les  mddecins  sont  m^me,  en  gdndral,  places  it  deux 
points  de  vue  diametralement  opposes ;  les  premiers,  dansleurs  de¬ 
cisions,  semblent  surtout  avoir  souci  de  la  fortune  et  des  interfils 
inatfiriels  des  alifinfis  et  de  leurs  families ;  les  autres,  au  conlraire,  sont 
plulfit  prfiocciipfis  de  leur  vie  et  de  leur  honneur,  en  cherchant  a  les 
preserver  d’une  coudamnation  imnifiritee.  Plusieurs  auteurs  out,  en 
effet,  eiabll  line  distinction  enlre  les  questions  civiies  et  les  ques¬ 
tions  crlminellcs,  an  point  de  vue  de  la  responsabilitfi  legale  des 
malades  aiTectfis  de  deiire  parliel.  J’ai  nioi-mfime  soutenu  celte 
opinion,  pour  quelques  cas  trfis- fares,  dans  mon  premier  discours 
sur  la  responsabilitfi  des  alifines.  Mais  je  reconnais  volontiers  main- 
tenant  que,  proclamer  ces  exceptions,  pour  la  capacilfi  civile  de  cer¬ 
tains  alifinfis,  c’est  tomber  dans  une  contradiction  avec  le  principe 
gfinfiral  de  rirresponsabilitfi  absolue  :  or,  ce  principe  ne  peut  avoir 
de  valeur  qu’a  la  condition  d’fitre  admis  sans  restrictions  aucunes, 
cl  concfider  aux  advcrsaires  une  difffirencc  entve  la  capacilfi  civile  des 
alifinfis  et  leur  responsabilitfi  criminelle,  ce  serait  enlrer  dans  ia  voie 
des  inlerprfitations  individuelles  qui  est  celle  des  magistrats  et  ofi  les 
mfidecins  ne  doivent  pas  s’engager.  Je  conclus  done  que  les  fous  rai¬ 
sonnants,  ainsi  que  les  autres  alifinfis,doiveiil  fitreregardfis  comme  aussi 
incapabics  de  signer  un  acte  civil  valable  qu’irresponsables  pour  un 
acteditcriminel.  Pour  ces  alifinfis,  comme  pour  tous  les  autres,  lemfi- 
decin-expert  doitse  bornera  constaterl’existencede  I'alifinatlon  men. 
tale,  au  momentde  I’exficution  de  I’acle,  et  de  cede  simple  constatation 

ANXAI,.  MliD. -PSYCH.  A''  sfific,  t.  IX.  .lativiei'  1867.  6.  6 


82  SOCIfiTf;  MfiDICO-PSYCHOLOGlOUE. 

(licoulent  ndcessairemeiit,  riiresponsabilil^  poui-  I’aele  criminel  et 
I’iticapacii^  absolue  pour  I’acfe  civil;  Au  lieu  d’gtudiei-,  corame  les 
magisirais,  I’actecivii  en  !ui-ni6ihe,  le  lesiaitteni,par  exemple,  dans 
son  texte,  dans  sa  rdda'clion,  dans  ses  diverses  claiis'eS',  etde  leva- 
lider  ou  de  i’invalid'er  d’aprfes  les  diVdrses  'circbhsianceS  qui  resdl- 
tent  de  celte  etude  direcle  de  I’acie  lui-menie,  c’est  Sur  I’individu 
malade  seul  que  doit  port'er  I’investigatiOh  dii  tnddecin  expert  fct 
c’est  sur  cet  exanieh  qu’il  doit  faire  reposer  Ses  conclusions.  Je  Sais 
bien  que  cette  'doctrine  gdne'rale  est  contraire  a  la  jurisprudence 
actuelie  et  i  la  irtahiere  habituelle  de  prOcedcr  de  nbs  tribunaux ; 
niais  elle  me  SettilUe  la  SeUle  en  rapport  aver,  I’esprit  general  de 
notre  legislation-j  qui  prOclame  que  lout  acie  civil  Ou  criminel  doit 
6tre  cousidere  COmnVe  sans  vaieUi-,  5’il  a  'dte  a'ccotopli  par  uii  ihdi- 
vidu  qui  h’etait  pas  sain  d’esprll  au  mouieht  de  sa  perpeiraiion.  II 
n’y  a,  selOh  mOi,  que  deu.'c  'dir'constauceS  qui  pdisseht  periM'etlre, 
dans  certains  cas  particUiie'rs,  One  inriaclion  a  cette  lol  genenalc,  et 
ce  sont  cedes  qdi  me  reslent  maintenant  -J  examiner. 

2“  Riinisstons-,  i’nfe’rvalM  iiicide's  et  mte'rmilteh'cks.  —  La  fttlie 
raisonnaUte  presentc  s'OUveni  dans  Sa  marche  de  grandes  ihegalites 
et  des  suspension's  plUs  on  inoins  compleieS  de  I’etat  maladif.  On 
pent  done  admettre  que,  dans  ces  ihlervalleS,  I’aliene  puisse  'dtre 
regarde  comme  responsable  de  ses  acies,  oii  considere  comm'e  en 
etat  de  faire  tin  testaihent  ou  d’autreS  actes  'civils  susceptibles  d’eire 
valides  par  les  tribilHaUx.  'G’est  une  cli'dse  en  effet  bien  differehte 
qUe  de  vooldir  scind'er  la  responsabilire  humainc  d’un  indivi'du 
dans  un  metae  moment  ou  i  divei-seS  epoques  de  sa  maladie.  Ceux 
qui  ont  observe  beaucoup  d’aHeUes  ne  pettVent  pas  nier  qu’il  eSiste 
chez  eux  de  grandes  Variations  dans  le  degfe  de  leur  affection  selon 
ic's  instants  oil  On  les  Observe.  Oe  phis,  il  esl,  connu  de  tons,  qu'oi- 
qiie  la  realite  dii  fail  ait  die  niec  par  quelques  aufeursj  qU’il  eidSfe 
quelquefois  clYez  leS  alienOS  de  veritabiesintervalics  lucides  de  trSS- 
courte  dttrefe,  pend'ani  lesquels  ils  peuv'eht  recouvrer  momenVane- 
ment  tOuie  leur  liberfe  morale  ;  enlin,  on  constate  bien  phis  frd- 
quemmeni  encore  des  suspensions  plus  prolongOes  de  la  maladie; 
pendant  d'eS  semalneS,  des  inois  oO  des  annOes,  dans  leS  for'mbs  des 
affections  mentales  connoes  sous  les  nohis  de  folies  peiio'diques  oit 
iniermiUenteS.  Or,  'de  imiine  q'u’on  es't  bien  force  de  re'con'nallrc 
qu’un  allene  gtieri,  Ou  reven'u  il  la  raison,  doit  jouir  de  nouveau  do 
tons  ses  droils  CiVilS  et  rec'uper'er  toute  la  responsabllite  de  ses  actes, 
le  meme  principe  est  evidemment  applicable  aux  inlermilfences 
nien  caracterisees,  qui  ne  sont  en  rOalite  qu’un  dtat  de  gueri'son 
lempbrair'e.  PaV  une  extension  toute  naturelle  de  ce  principe,  oh  doii 


M.  J.  FAIRET.  —  FOtlE  RAISONSANTE.  83 

iiccorder  le  infeme  privilege  ou  le  laeme  Mpdfice  aui  a'cles  des 
ali^nfis  accomplis  daisies  inter valleSlucidefe,  qui  nt  Sont  aussi  qu’imfe 
inteimittencc  de  plus  courle  durte.  EiiiHn,  on  petit  mgnie  I’dlehdre 
aux  pdriodes  de  rdmittencB  extrgtoement  prdnoncde,  qiti  sottt  carac- 
tdris(5es  par  iih  retour  i  peu  ptfes  complet  a  la  raison  et  pendahi 
lesqnelles  oil  pent  encore  adihettre  que  I’all^hd  a  rbcoiivrd  uiiC 
lucidild  d’csprit  et  une  libertd  de  choix  et  de  decision  suDisantes 
pour  qu’il  soit  possible  de  le  regarder  coinine  responsable  de  sfes 
actes  et  capable  de  rddiger  lin  testament,  du  tout  autre  acte  civil, 
que  les  tribiinatix  pourrottt  legaiement  valider, 

Dans  ces  eirconstances  seillemeht  et  dahS  ces  limites  bieit  ddter- 
ininecs,  la  iheoiic  de  la  tesponsabilita  des  dlidhes,  raisonn'Ahls  oil 
autres,  petit,  seloit  nous,  etr'e  admise  par  leS  medeCins,  sans  devenir 
infideles  a  la  doCtritl'e  gCndraie  qli'e  noiiS  aVOns  etablie.  G’est  li  une 
responsabilite  variable  chCz  uii  m6ttie  aliens  dans  des  moments  dif- 
ferents,  selon  les  periodes  de  son  affection,  et  non  dans  le  mfime 
instant,  suivant  la  diversite  dCs  actes  auxquels  elie  s’applique.  Ce 
sont  evidemment  detlx  doctrines  essentiellement  disllhctes,  qui  tte 
peuvent  etre  coiifondues  eh  auCun'e  fagOh,  et  c’est  en  ceia  pCincipa- 
lement  que  notre  opinion  differC  profohdement  de  Celle  qui  a  etd 
soutenue  par  M.  DelasiaUve. 

3°  Etats  de  trouble  mental  Grangers  d  la  folie  propremefit  dite. 
—  Un  dernier  point  hotis  reste  enfln  A  toucher  rapidement  pour 
terminer  notre  rSponse  &  M.  Delasiahve,  et  ce  point  est  le  plus  dS- 
licat  de  tons.  Nous  vonlons  pailer  des  Stats  de  trouble  mental  ^ni 
peuvent  devenir  I’Objet  d'nne  expertise  mediCo-lSgale  au  point  de 
vue  de  la  responSabilitS,  et  qui  pourtalil  he  Centrem  pas  seientl- 
fiquement  dans  le  cadie  de  la  folie  propfement  dite.  Ici  les  hesita¬ 
tions  et  les  perplexitSs  du  medecih  l^giste  peuvent  devenir  trfes- 
grandes,  et  11  n’est  plus  possible  alors  de  poser  un  principe  absolu, 
comme  pour  les  fails  d’alienation  mentale  caracterisee.  Souveiit,  par 
exeniple,  les  medecihs  specialistes  soiit  cOhsUlies  par  leS  tribunaux 
pour  juger  de  l’etat\nental  de  certaines  femmes,  ayaht  cohimis  un 
deiit  ou  un  crime  sous  Pinfluence  de  troubles  de  la  menstruation, 
pendant  la  grossesse,  OU  0  la  suite  de  I’accouchement,  sans  etre 
pourtant  dans  un  etat  veritable  de  folie ;  frequemmcnt  aloi's  on  a  vu 
ces  medecihs,  s’appuyant  sur  I’observation  des  phenomfeiies  patho- 
logiques  varies  constates  cbez  des  personnes  plaCees  dans  Ces  Con¬ 
ditions  excepttOnhelles,  conclure  Chez  elles  b  I’abseUce  dfe  la  res¬ 
ponsabilite  morale. 

Dans  d’aulres  eirconstances,  il  s’agil  de  malades  hysteriquCs  oU 
epileptignes,  qm  ne  peuvent  nullemeht  etre  regai'des  Comme  alienes 


8^1  SOGIKTi:  MfiDlCO-PSYCHOLOGIQUE. 

et  qui  pourlant  commettent  des  actes  paraissant  6tre  sous  la  ddpeii- 
dance  de  leur  maladie  nerveuse  et  pouvant,  partant,  motiver  I’in- 
duigcnce,  ou  mfime  Texondration  compldle.  D’autres  fois,  on  csl 
consulid  pour  des  individus  adonnds  &  des  habitudes  d’ivresse  sous 
des  influences  pathologiques,  sans  6tre  rdellement  atleinls  d’alcoo- 
lisme  aigu  ou  chronique,  el  pour  lesquels  les  mddecins  peuvent  dga- 
lement  rdclamer  le  bdndfice  des  circonstances  attdnuantes,  sans 
cependant  les  faire  passer  pour  des  alidnds. 

XI  en  est  de  radme  de  beaucoup  de  faibles  d’esprit,  d’individus 
raal  nds  ou  incorapldtement  ddveloppds,  qui,  sans  pouvoir  dtre  clas- 
sds  parmi  les  imbdciles  ou  les  idiots,  ont  ndanmoins  une  nature  inlel- 
lectuelle  et  morale  si  incomplete,  qu’il  n’est  paspossible  a  uu  mddeciii 
iulerrogd  par  les  magistrals,  it  Toccasion  d’un  crime  ou  d’un  ddlil 
commis  par  eux,  de  les  considdrer  comrae  jouissanl  de  I’inldgrild 
de  leurs  facultds  et  de  leur  libertd  morale.  Eniin,  dans  un  certain 
nombre  d’alleclions  cdrdbrales  autres  que  la  folie,  telles  que  les  lu- 
meurs  du  cerveau  donnant  lieu  h  I’affaiblissement  intellectuel,  et  cer¬ 
tains  cas  chroniques  de  ramollissenient  ou  d’hemorrbagies  cdrdbrales 
anciennes,  u’ayant  pas  rdellement  cntraJnd  la  perle  de  la  raison  et 
du  libre  arbilre,  il  est  egalement  possible  pour  le  mddecin-experl 
d’hdsiter  avant  de  se  pronoiicer  sur  la  validitd  d’un  testament  rd- 
digd  dans  ces  conditions,  ou  sur  la  culpabilitd  d’un  acte  incrimind. 
Or,  dans  toutes  ces  circonstances,  qui  n’appartiennent  pas  au  do- 
niaiue  de  I’alidnatiou  mentale  pleiuement  conlirmde,  de  mdme  que 
dans  les  cas  si  frdquents  de  simple  prddisposition  a  la  folie,  et  dans 
les  pdriodes  prodromiques  ou  de  ddveloppement  des  maladies  men- 
tales,  nous  comprenons  parfaitement  que  le  mddecin  Idgiste  doivc 
abandonner  le  principe  rigoureuxde  rirresponsabilltdabsolue,quine 
s’applique  qu’aux  fails  de  folie  bien  caractdrisds,  pour  faire  appel  a 
I’appreciation  individuelle  de  chaque  cas  particulier.  C’est  alors  que 
la  doctrine  de  la  responsabillld  parlielle,  telle  que  la  comprend 
M.  Delasiauve,  el  sa  tbdorie  de  la  pseudo-monomanie  (dans  laquelle 
il  a  fail  rentrer  plusieurs  de  ces  dtats  mixles  qui  ijevraient,  selon  nous, 
dtre  exclus  de  son  cadre),  peuvent  rendre  de  vdriiables  services  au 
mddecin  Idgiste.  Mais,  tout  en  reconnaissant  que  les  limiles  scienti- 
tiques  qui  sdparent  ces  dtats  de  trouble  mental  de  la  folie  propre- 
ment  dile  ne  sont  pas  rigoureusement  traedes,  nous  persistons  k 
penser  que  la  tbdorie  de  la  responsabilitd  parlielle  doit  dtre  repous- 
sde  absolument,  ausSi  bien  pour  les  c-iverses  varidtds  de  la  folic 
raisonnantc  que  pour  toutes  les  autres  formes  bien  ddtennindes  des 
maladies  men  tales. 

M.  Alfred  Maury.  Si  j’ai  bien  compris,  vous  ii’admetlcz  pas 


M.  LECiKAIVD  DU  SAUUUE.  —  FOLIE  KAISONNANTE.  85 
qu’on  puisse  validei-  uii  tesiament  trts-bien  fait,  si  I’auteur  est  uu 
alidnii.  Ce  que  vous  avez  dit  en  terminant  cst  ii  I’encontre  de  cette 
assertion.  Je  ne  vois  pas  pourquoi  on  ne  validerait  pas  un  testa¬ 
ment,  parce  que  le  testateur  ne  jouissait  pas  de  toute  sa  raison ;  les 
hdriliers  pourraient  toujours  s’appuyer  sur  cette  thfese  pour  faire 
annuler  certaines  dispositions  testamentaires.  le  crois  que  ce  prin- 
cipe  ne  peut  etre  applique  aux  testaments  fails  dans  un  intervalle 
lucide,  si  I’acte  indique  que  I’individu  i’a  fait  avec  luddite,  et  non 
pas  seulement  pendant  un  intervalle  lucide.  La  magistrature  n’ad- 
mettra  pas  que  I’acte  puisse  fitre  invalid^,  si  le  testament  offre  la 
pi  euve  d’une  clartd,  d’une  lucidity  complfetes. 

M.  Brierre  de  Boismont.  11  y  a  des  actes  anldrieurs  bien  con- 
nus ;  le  testament  de  I’abbd  d’Orl^ans,  plusieurs  aulres  exemples 
encore. 

M.  Alfred  Maunj.  Dans  ce  cas-lJi  on  a  retrouvfi,  dans  le  tes¬ 
tament,  I’indice  de  la  conception  ddlirante.  Le  testateur  Ifegue  sa 
fortune  pour  fonder  un  hdpital,  une  ficole,  au  lieu  de  la  Idguer 
aux  lidritiers  uaturels ;  dans  la  doctrine  de  M.  Falret,  les  hdri- 
liers  demanderaient  la  nuliitg  du  testament,  s’il  a  exists  un  dfilire 
anldrieur,  si,  dans  le  testament,  se  trouve  un  indice  d’alifination. 

A  mes  ye'nx,  si  le  testament  pr^sente  des  dispositions  de  I’ordre 
de  celles  qu’un  individu  dans  sa  lucidity  d’esprit  devait  formuler, 
il  y  a  lieu  de  valider  ce  testament. 

iW.  Lunier.  Un  ali6n6,  lors  m6me  qu’il  n’a  pas  d’intervallcs 
lucides,  peut  faire.  un  tesiament  qui,  au  point  de  vue  de  la  lucidity, 
ne  laisse  rien  4  desirer.  Dans  ce  cas,  le  testament  doit  6tre  annuld, 
parce  que  le  testateur  n’avait  point  son  libre  arbitre.  Reste  seule¬ 
ment  a  ddmontrer  qu’il  dtait  bien  en  etat  d’alidnation,  et  non  pas 
dans  un  intervalle  lucide,  au  moment  od  il  a  testd.  Mais  si  la 
preuve  est  faile,  le  testament  ne  doit  pas  dtre  validd,  lors  mfime 
qu’il  parallrail  fait  avec  luciditd.  Nous  voyons  tous  les  jours,  dans 
les  asiles,  des  alidnes  chroniques  desquels  on  ne  peut  dire  qu’ils 
ont  des  intervalles  lucides,  faire  des  actes  raisonnables,  dcrire  et 
1  ediger  des  leltres  sensdes,  et  cela  surloul  lorsqu’ils  sont  diriges  ou 
seulement  dominds  par  quelqu’un. 

M.  Legrand  du  Saulle.  En  gdndral,  la  sagesse  qui  a  prdsidd  a  la 
rddaction  d’un  acie  testamentairc  ne  donne  la  mesure  de  I’intdgritd 
des  faculids  de  I’esprit  qu’autant  qn’il  a  bien  notoirement  existd 
pendant  la  maladie  des  intervalles  lucides  irrdfutables,  et  que  la 
preuve  peut  en  dtre  aisdment  fournle.  Autrement,  le  discernement 
fortuit  qu’alteste  le  testament  peut  rdsulter  de  ces  saillies  passa- 
gdres  d’ui  jugement  sain,  comme  on  en  rencontre  frdquemraent 


86  SOCIfiTf:  MM)lCO-p8YeHOJt,0&iQUE. 

dans  les  maladies  aigiies  de  Idnlelligeuce,  sans  pour  cela  quo  la 
raison  soil  recnpdrde.  Je  n’irai  pas  alors  jusqu’a  dire,  comme  notre 
honorable  Golleguo  M-  Lunier,  quo  «  I’acte  ne  doit  pas  etre  validd  » , 
mais  je  pretends  qiie  cel  apte  demeure  discutable  el  qii’il  ne  ddtruil 
pas  I’accusation  de  folie.  Selon  moi,  la  Cour  do  Paris  a  sanciionnd 
une  frreur,  en  considdrant  la  seule  sagesse  de  I’acle  lestamentaire 
ooinme  se  Fapportant  ndcessairement  ^  nn  ipteryalle  Incide. 

M.  Alfred  Maury.  Si  I’individu  est  dans  one  maison  d’aliends,  le 
testament  ne  peut  etre  validd.  Mais  nous  sommes  en  presence  d’une 
personne  qui  a  fail  un  testament;  les  hdritiers  disent :  c’dtait  nn 
fou  et  le  prouveni.  Si  le  testament  est  compieiement  lucide  dans 
toules  ses  parties,  on  doit  appliquer  ici  le  principe  rappele  par 
M.  Jules  Falret  et  ddclaref  I’aliend  capable,  si  I’acte  a  etd  fait  dans 
un  intervalle  lucide. 

M.  Luniei\  Vous  parlfez  d’individus  en  lihertd  :  il  est  sonvent 
difficile  alors  de  ddmontrer  I'existence  de  Palidnation;  mais  dans 
les  asiles,  c’est  chose  facile.  On  peut,  je  le  rdpfete,  6tre  sons  I'in- 
flueuce  d’idees  ddliranies  et  faire  un  acie  lucide. 

M.  Pouzin.  Les  Iribunaux,  en  gdndral,  tiennent  compte  des  mo¬ 
ments  lucides;  c’est  ce  qui  a  eu  iieu  dans  un  fait  dont  je  vais  vous 
parler.  Un  aii6n6  dtait,  depuis  sept  ana,  dans  une  maison  de  sant^ ; 
il  avail  frdquemment  des  moments  lucides ;  on  lit  venir  un  nolaire 
avec  deux  magistrals.  Ceux-ci  trouvferent  le  malade  parfaitement 
lucide.  On  fit  softir  le  malade  de  la  maison  de  santd  pendant  vingl- 
quatre  ou  quarante-huit  henres,  parce  qu’il  y  avail  un  parent  intd- 
ressd  k  ce  que  ce  testament  ne  fiit  pas  fait,  et  le  testament  aitaqud 
plus  tard  fut  validd  par  les  tribunaux.  G'est  lit  un  fait  appreciable 
que  la  iuciditd  d’un  aiidnd  au  moment  oft  il  fait  un  testamenl. 

M.  Alfred  Maury.  La  thdorie  gdndrale  de  M.  Jules  Falret  ipe 
paralt  irop  absolue,  et  le  fait  de  M.  Pouzin  vient  i  I’appui  de  uion 
assertion. 

M,  Lunier.  Il  n’est  pas  de  directeur  d’asile  qui  n’ait  consenti  a 
ce  qu’un  nolaire  fasse  en  sa  prdsence  signer,  par  tin  alidnd,  des  actes 
de  minime  importance,  et  cela  pour  dviier  des  fiais. 

M.  A.  Foville.  L’assenliment  au  manage  des  enfants,  acte  grave 
s’il  en  fut,  est  tous  les  jours  donnd  par  dps  alidnds  dans  les  maisons 
de  santd. 

M.  Pouzin.  Il  est  une  forme  de  testament,  le  testament  mystique, 
c’est  celui  qui  est  dcrit  par  une  tierce  personne  et  signd  par  le  les- 
tateur,  en  prdsence  de  deux  nolaires  ou  de  six  tdmoins,  qui  est  par- 
faitement  valide ;  il  est  facile  aux  alidnds  de  recourir  a  cette  forme. 

M.  Delnsiauve.  M.  Jules  Falret  a  atlaqud  le  discours  que  j’aj 


M.  DE  VQISMQnjl’.  -r  EOLIE  KAISQMAINTE.  87 
pronoucd ;  jp  veiu  (iie  boriiei'  a  dire  aujQuvd'iuU  qu’il  n’a  pas  com- 
pl^leipent  saisi  le  fond  de  wa  dQctrine. 

Qirard  de  CaiUeum.  An  mot  luddite  employe  par  M.  Maury, 
il  faiit  subsliliier  le  mot  reason ;  or,  la  raison  est  ce  qui  e&t  conforme 
aux  habitudes  et  aux  id^es  anldrieures  dn  paalade.  i’ariicle  39  de 
la  IpI  dn  30  jpin  1838  sqr  les  alidpO^  d.it  :  «  hes  acles  fails  par  une 
pcrsqni'e  plaeOe  dans  pn  Otablissemenl  d’aliiinds  pendant  je  temps 
qn’filic  y  aura  (iid  releque,  sans  que  so,it  ipterdiclioo  ait  (!t(5  pro- 
nonefie  ni  provoqu^e,  poAlVI’om  OH'e  aliaquds  pour  caqse  de  d6- 
mence,  eoqfqrmOmepl  ||  Tartiele  t3Pf(  du  Code  civil,  I,  U,  » 

M.  Legrand  du  Saulle.  «  Si  le  fou,  disait  la  loi  romalne,  a  re- 
cqqvre  la  raison,  on  a’ij  a  fail  qn  testament  dana  nn  inlervalle 
liicide,  le  testameni  est  rdputd  valable;  4  pins  forte  raison,  si  le 
testament  a  did  fait  avant  la  fplie.  » 

La  loi  francaise,  jugeant  peut-filre  q’pe  lout  serait  donleux  et 
arbitraire  si  I’on  arrivail  4  admetlrp  rintervalle  lucide,  n’a  point 
aulorisd  cet  etai  interirpldiaire,  el  elle,  s'est  inlcniionneUement  abste- 
nne-  Ces  arrets  des  pariements  ne  fopt  aucupe  distinction  4  ce  sujet, 
et  I’ariicle  901  du  Code  Napoldon  se  cpnlenie  seulemenl  de  dire  : 
«  Ppnr  faire  nn  testament,  il  faut  6tre  sain  d’esprit  «. 

On  s’est  trfes-souvent  demaiidd  si  nn  on  plnsieuis  acefes  prdalables 
de  folie  ponvaient  laisser,  dans  les  intervalles  luqides,  assez  de 
clairvoyance  pour  qqe  le  jndicieux,  accqmpliss.ement  de  Pacte  de 
dernierc  vplpiUd  pflt  s’pifectuer  sans  entrave.  Eb  bien,  cela  ne  me 
paralt  pas  doiitenx,  et  il  n’est  ceriainement  pas  nn  seul  medecin 
d’alidnds  qui  n’en  ait  fait  I’expdrience  en  I'aisant  ecrire  les  malades, 
on  en  recevant  d’eux,  pendant  ces  moments  de  trOve,  des  dispo¬ 
sitions  (estamentaires  irrdprochablement  prises.  Nos  lois  resient 
niqeltes  stir  ce  point ;  mais  ies  magistrats  chargds  de  leur  inter- 
prdiation  n’en  valident  pas  moins  les  actes  civiis  contraetds  on 
consentis  pendant  les  iniercurrerices  de  calme  et  de  raison  indnbi- 
lables,  et  ayant  en  ime  dnree  suijisante  pour  qnc  leur  consiataiion 
reelie  fOt  a  I’abrj  de  tout  SQnpQOq. 

En  parcourant  les  recueils  de  la  jurisprudence,  on  veil  sans  de 
grands  elfcirts  que  la  loi  dtab|it  tonjonrs  une  presomption  en  faveur  de 
la  libertd  morale  de  celui  qui  a  disposd  de  sa. fortune :  c'esi  aux  hdritiers 
a  ddmonlrer  qu’an  mqnient  on  il  a  at'rOlti  sa  succession,  le  lestateur 
ii’etait  pas  sain  d’esprit.  Deux  cas  peuvent,  du  reste,  se  prdsenter  ; 
oil  le  testament  renferme  des  clauses  raisonnables,  et  celui  qui 
I'attaque  doit  prpuyer  la  folie;  on  racte  coniient  des  bizarreries,  ti 
e'est  aux  Idgalaires  qu’il  incombe  d'diablir  la  sagesse. 

M.  Brierre  de  Boismont.  L’unild,  la  solidaritd  des  facnltds  intet- 


88  socnirft  MtUlCO-PSYCHOLOGIQUE. 

lectuelles,  ne  sont  pas  choses  d^montrtes  pour  tout  le  monde ;  les 
plus  cdifebres  m^decins,  dans  une  discussion  qui  vient  d’avoir  lieu 
en  Amiirique  sur  la  folie  morale,  sont  divis^s  sur  cette  question; 
le  plus  grand  noinbre  s'est  prononcfi  pour  la  solidarity,  mais  la 
question  n’est  pas  tranchye. 

M.  Lunier.  La  loi  dit  que,  pour  faire  tin  leslament,  il  faut  6lre 
sain  d’esprlt;  I’exainen  d’un  testament,  en  lui-meme  lucide,  pent 
bien  fournir  une  pi-ysomption  en  faveur  de  la  lucidity  du  tesialeur  ; 
mais  cette  prysompiion  ne  sera  pas  sulTisante,  si  Ton  parvient  a  dy- 
montrer  qu’au  moment  oii  il  a  testy,  il  a  donny  des  signes  d’insa- 
nity  d’esprit. 

M.  F.  Voisin.  Surlout  si  le  testateur  a  lyguy  sa  fortune  en  dehors 
de  ses  habitudes  et  de  ses  idyes  ordinaires. 

M.  Delasiauve.  La  question  ayty  posye  surtout  pour  lesindi^idus 
qui  jouissent  de  la  vie  iibre. 

M.  Lunier.  La  question  est  la  mSme,  que  I’aliyny  soil  on  non  dans 
nn  asile  ;  prenons  la  paralysie  gynyrale,  par  example  :  certains  actes, 
m6mc  dans  la  troisibme  pyriode,  sont  parfois  lucides.  Ces  actes  n’en 
sont-ils  pas  moins  frappys  d’invalidity? 

M.  Delasiauve.  Tout  aliyniste  tend  a  penser  qu’un  paralysy  gy- 
nyral,  alors  mfime  qu’il  a  I’apparence  de  la  raison,  doit  fitre  consi- 
dyry  comme  ayant  Tesprit  invalide. 

M.  Brierre  de  Boismont.  J’ai  yty  consulty  i  I’occasion  d’un  testa¬ 
ment  fait  par  un  malade  de  I’asile  de  Pi-yfargier.  Bien  ydairy  sur  la 
conduite  de  la  femme  vis-i-vis  de  son  mari,  j’ai  refusy  de  me  char¬ 
ger  de  cette  affaire,  qui  a  yty  dyiinitivement,  et  sur  les  sentiments 
que  celui-ci  avail  conservys,  jugye  en  faveur  de  la  femme. 

M.  Legrand  du  Saulle.  M.  Jules  Falret  fait  toujours  une  confusion 
enlre  valider  les  actes  civils  et  dydarer  la  responsability proportion- 
nelle  des  aliynys  en  matiftre  criminellc ;  je  voudrais  que  M.  Jules 
Falret  s’expliquat  sur  cette  contradiction  flagrante. 

M.  Jules  Falret.  En  toute  chose,  j’ai  assimiiy  les  questions  civiles 
aux  questions  criminelles;  c’est  pour  les  ypileptiques  settlement 
que  j’ai  fait  uiie  distinction. 

M.  Delasiauve  pense  que  les  ypileptiques,  mfime  non  aliynys, 
sont  irresponsables. 

M.  Legrand  du  Saulle.  En  ylargissant  ainsi  le  champ  des  excuses, 
il  n’y  aurait  bientOt  plus  de  limites  it  I’indulgence  bumainel... 

M.  Lunier.  L’ypilepsie  et  la  folie  sont  deux  maladies  connexes, 
si  je  puis  m’exprimer  ainsi :  I’une  vient  souveni  compliquer  I’autre, 
mais  parfois  aussi  I’ypileptique  ne  devient  point  aliyny. 

La  syance  est  levye  i  six  heures. 


M.  DE  BOISMONT.  —  RAPPOBT. 


SAance  du  '12  iiovembre  '1866.  —  PrAsidonce  de  Jl,  Ffci.ix  Voisin. 

lie  pi’oce.s- verba)  est  lu  et  adoptd. 

Correspondance  : 

M.  Des  Etangs  dcrit  pour  demander  le  litre  de  membre  liono- 
raire.  Le  president,  aprfes  avoir  coiisulte  ia  Soeidld,  proclame  mem¬ 
bre  honoraire  de  la  Socidtd  mfidico-psychologique  M .  De.s  Llang.s, 
qiii  remplit  les  conditions  exigdes  par  ie  rfeglement. 

La  SociSld  reQoit  les  otivrages  suivanls  : 

Du  Sommeil  et  des  Mats  analogues  nonsidMes  surtout  au  point 
de  vue  de  I’action  du  moral  sur  le  physique,  par  le  docteiif 
A.  A.  Lidbeault.  Paris,  1866.  (Remerciments  it  i’auleur.) 

De  la  fonction  du  langage  articule,  avec  une  observation  d’aplia- 
sie,  par  le  docleur  W.  T.  Gairdner,  profes.seur  de  mddecine  Cli¬ 
nique  it  I’Universitd  de  Glascow,  travail  traduit  et  prdcddd  d’lin 
prdanibiile,  parle  docteur  Jules  Falret.  Paris,  1866. 

Le  Bidletin  medical  du  Dauphine,  4®  annde.  Grenoble,  1866. 

Le  Compte  rendu  des  travaux  de  la  Societe  medicale  de  l’ Aube, 
pendant  i’annde  1865-1866,  bulletin  n“  2. 

M.  le  docleur  Broc,  mddecin  en  chef  de  I’asile  de  Bailleul  (Nord) 
et  M.  le  docteur  Kraft  Ebing,  mddecin  assistant  de  I’asile  des  alidnds 
d’lllenau,  auteur  de  plusieurs  memoires  sur  la  folie  transitoire,  la 
paralysie  gendrale  au  point  de  vue  mddico-ldgal  et  de  plusieurs  au- 
ires  Iravaux  sur  la  mddecine  Idgale,  assislent  a  la  sdance. 

MM.  Jules  Falret  et  Legrand  du  Saulle  sont  invitds  5  se  rendre 
aupresde  M.  Delasiauve,  assez  sdrieusement  indisposd,  et  it  ltd  ex¬ 
primer  les  sympathies  de  la  Socidtd. 

M.  Brierre  de  Boismont  donne  lecture  d’un  mdmoire  de  M.  Mitter- 
maier,  professeur  de  droit  h  I’universitd  de  Heidelberg,  membre 
assoeid  dtranger  de  la  Socidtd,  ayant  pour  litre  ;  Nouvelles  re- 
cherches  et  experiences  psycholoyiques  sur  les  meilleurs  moyens 
d'itablir  la  responsabilite  des  alUnis  dans  les  delits  et.les  crimes 
qui  lew  sont  imputes.  L’auteur  commence  par  faire  connaltre  les 
(|uinze  propositions,  adoptees  en  1865  par  ie  comitd  des  mddecins 
alidnistes  aliemands,  composd  de  MM.  Fleming,  Roller,  Solbrig, 
.lessen  et  Laehr,  ayant  trait  au  sujet  qii’il  discute ;  puis  il  ies  examine 
successivemenl  suivani  qu’ellesont  rapport  aux  experts,  aux  exper¬ 
tises  et  ?i  la  responsabilitd.  Chaciine  de  ces  irois  sections  porie 
I’empreinte  de  la  rectitude  de  jugement,  du  sens  pratique,  et  de  la 


90  SOClfiT^;  MfiDICO-PSYGHQLOGIQUE. 

largeur  rlc  vues  qui  ciiractei'iseni  le  jmisconsulle  lu  plus  emiiienl  tie 
rAIlemagne.  T1  est  glorieux  pour  la  m^decine  mentale,  lorsqu’un 
magistral  fraiiqais  ties  plus  liaut  places  proclame  I’inanitS  de  tons 
nos  travaux  cn  cetie  rnalifere,  de  yolr  I’illpstre  piesirtent  de  I’assem- 
blde  badoise  et  du  parlemenl  de  Francfoi’t  ddmonlrer,  dans  ses  mi?- 
moires,  I’utilite  des  recherches  des  mddecins  alidnistes. 

Dans  tin  prochain  travail,  M.  Miuermaier  demontrera  que  I’irres- 
ponsabllite  pent  subsisler  :  1°  lorsqne  I’alidne  calcule  les  consd- 
quences  de  ses  actes,  distingue  le  juste  de  I’injuste,  se  repent  de  sa 
conduite ;  2“  quand  mfime  on  ne  saisit  pas  le  rapport  de  ses  actes 
avec  ses  iddes,  ses  dispositions,  ses  instincts  morbides,  ou  qu’on  ne 
trouve  pas  d’iddes  fixes. 

M.  Brierre  de  Boismont  a  fait  traduire  ce  indmoire  el  y  a  joint 
quelqiies  rdllexions. 

Discussion  sur  la  folie  raisonnante, 

M;  Berthier,  En  parcourant  les  auteurs,  on  est  surpris  du  silence 
qui  n’a  cessd  de  rdgner  sur  la  folie  raisonnante,  des  temps  les  plus 
reculds  au  commencement  de  notre  dre. 

Touies  les  autres  vdsanies  se  trouvent  elTectiveraent  plus  ou 
moins  bien  meniionndcs.  b’antiquitd  a  laissd  d’excellentes  descrip¬ 
tions  de  la  fureiir,  de  rhypochondrie,  de  I’ennui.  Certains  passages 
de  la  collection  hippocratique  {Traits  du  regime,  dans  les  maladies 
aiguMs)  prouvent  que  le.  gere  de  la  midecine  a  connu  le  delirium 
tremens  et  la  stupiditd  temporaire.  Ardide  distingue  les  folies  tides 
du  cerveau  de  cedes  ndes  des  viscdres,  dites  depuis  sympathiques 
{De  cur.  morbor.  diut.,  lib.  II,  cap.  v  et  vi).  II  signale  la  paralysie 
consdcutive  it  la  mdlancolie  (cap.  v),  que  devait  reconnaitre  Kernel, 
I'l  d  laqtielle  Sennert  consacra  presque  un  paragraphe  {Opera  omnia, 
IGZtl,  t.  II,  pages  20fi  el  205).  Le,  premier,  Thdmison,  prononce  le 
mot  de  nymphomanie  (Semelaignc,  Etudes  hisioriques,  in  Journal 
de  midecine  mentale,  mai  1866,  page  17/i);  et  Ctelius  Aurelianus 
fait  de  1‘bydrophobie  uno  socle  de  ddlire  loxique  {(Xuvres,  ddilion 
de  1722,  page  22fi),  idde  qu’on  retronve  dans  L.  Bivifere,  Stahl, 
Bellini',  Th.  Willis,  etc.,  etc.  Les  modernes  ne  manquent  pas  de 
documents.  A  I’arliole  Tumulentia,  Fdlix  Platey  {Praxeos  medicw 
opus,  de  mentis  alienationib. ,  cap.  iii)  ddcrit  les  ddlires  alcoo- 
liques  :  gai,  tristo,  torpide  ;  en  quoi  il  fut  imitd  par  Sennert  {Opera 
omnia,  16A1,  tome  11,  page  119);  el,  dans  ses  Opera,  il  cite  des 
monomanies  dbrieuses  au.\quelles  il  prescrit  les  narcoliques.  C’est 
ce  que  Sauvages  {Nosologie  methodique,  tome  If,  classe  vin, 


M.  nEHTHIEIt.  —  EQLIE  KAISOMNANTE.  91 

chap,  xvn)  vauge  sous  le  tine  (le  faraphrosynie  des  ivrognes, 
(Equivalent  de  vinolentia,  dont  sesert  Seneque.  La  folie  altei'unnte, 
circqlaii’e,  a  double  facrne,  est  clairemenl  ^nouc^e  dans  la  premiere 
page  de  la  bniliferae  leftre  ai\atomioo-cl}ixux(jicale  de  Morgagni ; 
aprfes  li'rtidfiric  HolTmaim  {Opera  omnia,  17Zi8,  chap.  Yin,  obser¬ 
vation  in,  epicrisis  et  table)  et  Ch.  "VVillis  (Opera  omnia,  premlfsres 
llgnes  do  chapitre  De  manid)  qui  I’avait  lu  dans  AriEtde.  Sops  le  nom 
de  melanooUa  attonita,  Bellini  d^Reint  la  stupeur  ntdiancolique 
telle  qu’op  la  YOit  de  nos  jours  {Opera  pmnia,  1732,  L,  page  380) ; 
el  Th.  Willis  lul  consacre  un  chapitre  coraplet,  la  dislingnant  de  la 
slultitia  ou  inibildlliie  {Opera  amnia,  1681,  tome  11,  chap.  xiii). 
Une  observation  do  Stoll  sup  la  phrln^sie  billeuse  prouve  qu’on 
connaissait  fort  bien  de  son  temps  I’aciion  de  I’estomac  sur  le  cer- 
veau  {Medecine  pratique,  chap.  Xi.  J’allais  oublier  les  ndvroses 
dialhlsiques,  sur  lesquelles  depuis  pr^S  do  djx  ans  j’appelle  I’at- 
tention  !  A  peine  la  vlrole  dlait-eUe  parue  en  Europe,  que  Parar 
celse,  contemporain  de  Franeois  P",  indiquait  la  paralysle  syphili- 
lique  {De  rporbo  gallioo),  en  attendant  que  Bell  edt  apporld  des 
exeraples  de  manle  el  d’tipilepsie  do  ce  mode  sp^ciilque  {Traiti  des 
maladies  venerienpes).  Les  coincidences  ou  les  rapports  du  rhu- 
mailsme  ayec  I’enclphalite  el  je  dOlive  chronique  ne  peuvent  6lre 
mieiixconstatls  que  par  certains  alihlas  deBoerhaaveet  deMusgrave 
(Y,  pour  le  preipier  les  Aphorismes  annotiis  par  Stoll ;  pour  le  second, 
Dearthritide  anapiald).  Ondecouvrir,  depuis  Sauvages,  uue  peiiir 
tUfe  pins  cxacte  de  la  gbntte  meiancolique  dont  sut  profiler  Bar- 
ificz  {No^plog,  method,,  classe  yii,  chap.  Quant  aux  meia- 
sia.ses  dartreuses  snr  I’axe  cdr’^bro-spinal,  nos  recueils  on  sont  rem- 
p|is ;  op  ep  repcoptre,  cEi  et  lit,  dans  one  fqule  d’ouvrages  mldicanx; 
Use?  particulierepient :  Y>epsseps  {OEupres,  tome  II,  1715,  Mont¬ 
pellier),  Sennert  {Pratique  med.,  part,  HI,  sect,  ii,  chap.  XLiv)  ; 
Bofdep  {Maladies  chroniques,  CLIV),  Louyer-Willermay  {Vapeurs, 
tonie  II),  etc.,  etc, 

iVipsi,  it  part  la  folie  raisonnante,  tons  les  genres  de  folie  ou  de 
delife  ve.sanique  out  ltd  ddsigpds  par  nos  deyanciers. 

C’est,  je  crojs,  dans  le  Traite  medicQ-philosophique  de  Ph.  Pi- 
nel  (1809,  page  93)  que  Pop  pppiipence  it  entendre  le  lerme  folie 
raisopnapte,  dont  il  offre  un  tableau  vraj,  qiipique  par  irop  laco- 
nique.  Encore  pet,  illnstre  inaltfe  la  rpgarde-t-il  comine  un  des 
nombreux  derives  de  la  nianie ;  errepr  dans  laquulle  Irempe  Du- 
buisson,  up  de  ses  diaciples  {Des  vesanies.,  1816.  —  Manie  sans 
delire).  Ne  serait-ce  pas,  toplefois,  Apdre  Malhey  qui  a  en  I’ini- 
tiative  de  separer  celte  folie,  pour  lul  une  palhonianie,  dont  ii 


92  SOCIfiTli  MfiDICO-PSYCHOtOGIQUE. 

semble  faire  pomiant  ime  manie  instinciive  (Maladies  de  I’esprit, 
d  816,  page  1^6;  ? 

A.  panir  d’Esquirol,  du  resie,  le  doute  n’esl  plus  permis.  De  1838 
date  la  vole  ouverte  aux  nouvelles  investigations  sur  la  matiire; 
el  qiii  fut  suivie,  fray^e,  aplanie  par  Pritchard  dix  ans  plus  tard. 

Pourquoi  cet  oubli  exceptionnel  ? 

Les  m^decins,  nos  ancfiires,  ne  furent  ni  plus  mauvais  observa- 
teurs  ni  moins  laborieux  que  nous.  Leurs  clients  ne  devaient  pas 
presenter  des  symptdmes  dilTerenls  des  nbtres.  A  quoi  done  allri- 
biier  romission? 

A  la  rareie  de  I’ordre  inoibide  et  a  sa  nature. 

Les  affections  nerveuses  ne  se  soni  vulgarisdes  que  vers  la  fin  du 
xvit”  sibcle ;  avec  le  reiachement  des  moeurs,  I’abaissement  des  ca- 
ractferes,  la  negligence  des  cxercices  corporels.  Or,  comme  toute 
folie  a  pour  support  organique  une  nevrose,  et  que  la  folle  iiommee 
raisonnante,  est  Ic  premier  anneau  de  celte  chalne  qui,  par  I’inter- 
inediaire  des  nerfs,  relie  I’insanite  du  corps  a  celle  de  I’esprit,  il  etait 
difficile,  jadis,  de  saisir  une  vesanie  rare  et  subtile,  paraissant  plutOt 
du  ressort  de  la  morale  que  de  celui  de  la  medecine. 

Les  seuls  alienes  dangereux  ou  turbulenis  avaient  ete  remar¬ 
ques.  Etceux-ci  ne  serencontrentgubreque  dans  les  espbees  tran- 
chees,  palpables,  bvidentes.  II  ne  serait  venu  a  I’idbe  de  personne 
de  consulter  un  homme  de  Part  pour  des  excenlricites  ou  de  la 
bizarrerie.  On  les  eitt  considerbes  comme  justiciables  du  tribunal 
ou  de  I’Eglise.  Pour  que  la  folie  raisonnante  tombatdans  le  domaine 
du  praticien,  il  fallait  que  le  public  v.lt  dans  cette  aberration  une 
maladie  rbelle.  Le  pouvait-il,  lui  qui  avail  dejb  taut  de  peine  a 
voir  un  malade  dans  le  furieux  ou  le  monomane  ?  Ce  n’est  qu’b 
force  d’etudes,  d’analyse  et  de  temps,  que  la  science  parvint  a  db- 
coiivrir  un  blbment  morbide  mbeonnu,  obtenir  pour  lui  une  place 
dans  le  cadre  nosologique,  en  dbpit  des  prbjugbs,  de  I’ignorance 
des  masses  et  de  la  defiance  des  magistrals.  Alors,  non-seulement 
nous  sommes  arrivbs  ii  dbmbler  la  folie  raisonnante  de  ses  congb- 
nbres,  mais  encore  nous  avons  fini  par  con.stater  son  alliance  pos¬ 
sible  avec  toutes  les  autres,  ainsi  que  Pont  exprimb  les  docteurs 
March,  Grie.singer,  Brierre  de  Boismont,  Morel,  Delasiauve. 

Iln  point  acquis  aux  dbbats,  e.st  qu’il  exisle  une  vbsanie  constitube 
psychiquement  par  des  modifleations  insolites  des  goffis,  de  la  sen- 
sibilitb,  des  habitudes,  du  jugement,  des  penchants,  des  instincts, 
de  la  volonle,  —  sans  dblire  verbal,  —  capable  de  s’associer  an 
dblire  gbnbral,  au  dblire  partiel,  au  dblire  diffiis,  an  dblire  de  la 


SI.  BEltfUlEK.  —  FOLIE  RAISONNANTE.  93 

demence.  C’gtait,  depuis  longteraps,  mon  opinion  ;  fit  je  siiis  heu- 
reux  de  la  voir  sanctionner  par  de  telles  auiorit^s. 

Les  savantes  discussions  qni  se  sont  produites  rScemment  aii  win 
de  cette  SocWtd,  Pont  du  moins  fait  ressortir. 

Mais  cette  conclusion  me  semble  doctrinalement  incomplete,  et 
je  demande  la  permission  de  developper  ma  pensde  pour  combler 
une  lacune. 

Qu’est-ce  que  la  folie  raisonnante,  par  rapport  aux  aulrcs  folies , 
et  a  la  genfese  morbide  ? 

Un  degrd  inKrieur,  un  dtat  rudimentaire,  dont  la  caractdristique 
cst  une  surexcitalion. 

Que  voyons-nous,  en  ellet,  dans  ses  nombreuses  victimes?  Un 
besoin  ddvorant  d’activitd,  qui  les  pousse  par  accfes  a  agir  ou-a 
parler  mal,  sans  se  ddpartir  absolument  des  dehors  de  la  raison 
ni  de  la  faculld  syllogislique,  comme  I’a  parfaitement  indiqud  un  de 
nos  savants  et  zdlds  collfegues,  ie  docteur  Delasiauve.  II  faut  qu’ils 
agissent,  fflt  ce  au  prejudice  de  leurs  intdr6ts  ou  de  ceux  des  autres  ; 
il  faut  qu’ils  parlent,  fdt-ce  mgme  pour  ddfendre  de  lourdes  absur- 
dilds,  Un  pouvoir  fatal  leur  commande,  dirige  leurs  pas,  meut  leurs 
langues.  Et  comme  cette  stimulation  factice  leur  fouette  I’entende- 
inent,  les  facultds  mentales  s’aiguisent  de  fagon  a  donner  aux  iddes 
et  aux  propos  un  tour  seduisant,  des  couleurs  trompeuses.  On  est 
parfois  dtonnd  de  leur  dialectique,  de  leur  verve,  de  leur  babilele, 
de  leur  rdpartie.  Commettant  des  extravagances,  ii  leur  insu,  ils 
trouvent  le  moyen  de  les  expliquer,  d’en  iendre  un  compte  juste 
en  apparence,  appelant  a  leur  service  mensonges,  ruses,  raedisances, 
calomnies,  etc.,  travestissant  cette  maxime  si  profonde  de  Bossuet : 
«  Le  vrai  homme  sera  celui  qui  pent  rendre  bonne  raison  de  sa  con- 
duilei)  {Connaissance  de  Dieu  et  de  soi-meme) .  Jugez-les  d’apres 
leurs  rdponses,  vous  les  ddclarerez  tris-sages  ;  recourez  aux  infor¬ 
mations,  vous  les  jugerez  insenses.  Le  criterium  git  dans  le  point 
dejonclion  entrela  cause  et  I’elfet,  rexplicationetlefait.  Isolement, 
leurs  acles  seraient  sensds,  relids  et  rdunis,  ces  actes  sont  ceux  d’uu 
fou. 

Cel  ensemble  moibide  conslitue,  comme  on  le  voit,  un  oidre  de 
phenom&nes  moraux  et  intellecluels,  qui  ne  ressemble  ni  a  I’dtat  ma- 
niaque,  ni  a  I’dtat  mdlancolique,  ni  a  I’idee  fixe  ddiirante,  ni  mdme 
au  ddlire  impulsif  pur,  avec  lequel  certains  auteurs,  et  bien  a  tort, 
le  confondent. 

Get  ordre  est  rudimentaire,  disons  plus,  irrdductible.  Je  ddfie 
qu’on  en  trouvc  un  nussi  simple,  c’esl-a-dire  qui  sc  rapprocbe  plus 
de  roriginalite  compatible  avec  la  .saute.  II  confine  tellement  aux 


9U  SOCifiTE  MfiDICO-PSYCtl0t.©&ttJtE. 

anomalies  passioanelles,  qu’on  I’a  assimilti  et  qile  loiigteilips  encore 

on  Tassimilei'a  k  celles-ci. 

J’ajoiile  ;  il  est  radical.  Toute  v^sanie  IB  poSsfede.  Elle  en  esl  la 
consequence.  Vous  n’imaginerez  jamai.s  line  vBsanie  qlii  ne  Tall  eu 
pour  proilroine,  ou  pBriode  premonltoire,  ou  prBlude  pathologique, 
on  phase  d’incubalioiu 

Eh  bleu ,  sous  le  concoms  d’une  somine  de  conditions  Impossibles 
a  prBciseri  variables  pour  chacunj  numte  vBsahie  se  fixe,  demehre 
ce  qtrelle  est,  —  ou  elle  engendre,soit  un  delire  circonscrit,  sbit  ilti 
delire  general,  sans  jamais  s’Bclipser  ehliferemelil.  On  la  volt  former 
des  remissions,  des  intermissions,  ces  diU'ejentes  espbces  qu’elle 
colore  de  sa  teinte^  de  manifere  k  douner  le  change  aux  regaids 
novices  ou  distraiis.  G’esi  aiiisi  que  «  cetlB  nlaiadie  double  parfois 
I)  le  deiire  des  persecutions,  des  gl'andeurBj  de  religion,  d’extase, 
»  hystBrique,  liypochondriaqile,  paralytique,  Bpileptiqile » ,  persisle 
meme,  quaiid  le  restea  disparu,  coinme  pour  impriuier  la  marque 
indelBbile  do  passe. 

La  folie,  irtal  dBiioinmee  raisoimanie,  est  aux  autres  folies  ce 
qu’est  I’enfance  a  I’age  liidr. 

L’enfaiice  a  le  ferment  de  tons  leS  vices.  L’Bducation  IBs  combat 
ou  les  modilie;  mais  les  circdnstances  les  dBveloppent,  les  mettent 
en  relief.  Les  inclinations  sont  d’abord  vaguesj  indBcises:  Peu  k  peu, 
sous  I’influence  de  conditions  multiples,  le  mar(S’il  n’est  compriroB) 
prend  le  dessus,  se  dessine,  s’ihcarne;  tel  est  menteni'j  Voleur,  11- 
beriin,  prodigue,  ambitieux,  jaloux,  vihdicalif,  tout  cela  a  la  lbis> 
pouvaiit  conserver  route  sa  vie,  —  outre  son  dBfaUt  principal, — 
I’odeur  de  I’une  de  ces  semences  vicieuses  BnumBrBes.  De  mBme 
Chez  TaliBuB  :  Tun  devient  en  prole  k  I’idBe  iixe,  un  aOlre  k  des  im¬ 
pulsions  fatales,  un  troisieme  ku  trouble  totalise  des  actes  et  des 
IdBes,  pouvantj  en  outrej  conserver  une  teinte  de  la  folie  primor- 
diale  dont  il  aura  BtB  aiteint : 

(Horace,  Satires,  livr.  I,  epitre  ii.) 

En  risume  :  il  est  un  ordre  pathologique,  compose  d’un  groiipB 
morbide,  qui  tanlPlrestelui-mBme,  contenant  engerine  tons  les  gen¬ 
res  d’aliBnktion  ;  —  Ikhtdt  dBgBiibre  en  folie  sysiBrtiatique,  en  folie 
instinctive,  en  folie  gBuBrale ;  —  tantdt  aussi  s’associB  tin  de  ces 
Ordres  de  dBlire. 

Je  proposerai  de  I’appeler  stcechimnanie,  ou  foUe  rudimentaife  ; 
parce  qu’il  estl’ordre  psycho-cBrBbral  le  plus  simple,  c’est-a-direfon- 


IM.  RERTHIEB.  —  FOLIE  RAISONMANTE.  95 

damental ;  parce  que,  4  I’exception  des  aiili'esj  il  existe  oil  a  toujours 
exisliS  Chez  I’alidne.  Le  mot  pseudo-monomanie  ou  dMire  partiel 
diffus,  r.rde  par  M.  Delasiauve,  ne  s’harmoniserait  pas  avec  ma  doc¬ 
trine,  qni  voii  dans  I’ordre  vdsanique  en  question;  un  dial  diffus;  U 
est  vrai,  mais  universalis^. 

II  est  consliluiS  — psychiquement ;  par  une  modification  maladive 
do  la  sensibility,  de  I’inieliigence  et  de  la'volonty ;  —  somatiqnenienl: 
par  des  perturbations  nerveuses,  pures  ou  congestives,  ordinaire- 
ment  periodiques,  et  ob  (je  I’ai  souvent  observy)  pi-ydomine  I’hypo- 
chondrie. 

11  .se  distingue  des  autres  vdsanies,  en  ce  qu’il  n’olire  pas  de  dy- 
lire  dans  les  propos,  en  ce  qu’il  n’opfere  pas  comme  perversion 
instinctive  seule  etidentique. 

Je  conclus,  en  disant  que  «  pour  analyser  un  malade  atteint  de 
»  cette  allection  il  faut,  avant  tout,  rechercher  les  ordres  de  dyiire 
»  qui  composeiit  son  yiat;  afin  de  savoir  si  elle  est  unique,  prd- 
II  einiuente,  ou  si  elle  n’est  que  sympiomatique,  combinye,  compli- 
II  caiive,  II—  selon  la  mythode  (lu’indique  Barthez  le  Ghanceliier 
dans  ses  Nouvmux  elements  de  la  science  de  I’homme. 

IN’agit  on  pas  de  inyine,  en  face  de  toute  maladie;  la  ftfevre  jiar 
excmple,  qni  pent  etre  essentielle  on  libe  4  une  lysiou  organique;  en 
face  de  I’hydrophubie,  le  plus  souvent  rabique;  mais  souvent  atissi 
ypigenytique  de  la  manie,  de  la  myiancolie,  du  dyiire  aigu  fybrile  ? 

La  patlrologie  mentale  n’entrera  dans  une  voie  foncibrement  fy- 
conde,  que  iorsqu’elle  sera  ytudiee  comme  une  branchede  la  paiho- 
logie  gynyrale  ;que,  iorsqu’au  lieu  de  voir  toujours  des  entitys  psycbo- 
logiques,  on  sera  d’accord  pour  dygager  neltement  les  yiyments  des 
symptdmes,  distinguer  les  dyiires  engendrys  par  un  trouble  du 
fonctionnement  de  ceux  produits  par  uue  altyration  du  raycanisme 
ou  de  I’agrygat,  pour  proclamer  enfin  ce  principe  :  I’homme  est  une 
duality  indivise  et  solidaire. 

Question  medico-legale  relative  a.  I’apaplexie. 

M.  Legrand  du  SaMle.  Puisqb'e  i’ateence  de  pMsieiirs  dy  bds 
coliygtfes  crye  5  la  Sdciyty  d'eS  loiSirs  inalted'duS,  je  dysireSbumetlre 
4  votVe  ekaibeb  uhe  'question  d’un  intyryt  prUtique  considyrable  'bt 
d’une  importance  mydico-iygale  vraimentsaisissante.  Je  serAlb  hWu- 
reux  de  fair'e  mon  profit  de  Vos  bous  avis. 

'/bici  ce  doiU  il  s’agit :  the  Veuve;  Sgye  db  soixeiue-hetif  Abs,  A  en 
une  attaque  d’apopiexie  il  y  a  trois  anS  ;  elite  test  restyte  lltefnlpl'y- 
gique,  inais,  relative ment,  trtes-'bieii  portante;  et 'elite  b’a  jAttiaispVy- 
senty  l  ien  d’auormal  du  cUtte  des  faculttes  de  I'intelligen'ce. 


96  SOCifiTli  MEDICO-PSYCHOLOGlQUli. 

Sui'le  coiiseil  de  son  notaiie,  et  afin  de  se  procurer  uii  peu  d’ai- 
sance  et  de  pouvoir  prendre  one  domeslique  &  son  service,  elle 
place  sa  trfes-modesle  fortune  <t  foods  perdu,  puis  elle  meurttoiU  a 
coup  d’hSmorrhagie  cdr6brale,  dans  I’espace  de  quatre  lieures,  seize 
jours  aprfes  la  signature  du  contrat  de  rente  viagere.  Le  contrat  est 
attaqud  paries  h^riliers  naturels,  et  Ton  demande  au  m^decin  trai- 
tant  si,  au  moment  de  la  passatioii  de  I’acte,  la  contractante  etait 
affeclde  de  la  maladie  it  laqiielle  elle  a  succombd  ?  En  proie  &  un 
certain  embarras,  le  mddeciu  m’dcrit  et  me  prie  de  lui  dire  ce  qti’il 
doit  repondre. 

Et  d’abord,  permettez-moi  de  vous  rappeler  que  Particle  1975 
du  Code  Napoldon  est  ainsiconcu  :  «  Est  tigalement  de  mil  ell'et  le 
contrat  de  rente  viagfere  cr^^e  sur  la  t6te  d’une  personne  attcinte 
de  la  maladie  dont  elle  csl  deciidtie  dans  les  vingt  jours  de  la  date 
du  contrat.  »  En  Mictant  cette  disposition,  le  l^gislateiir  a  evideni- 
ment  voulu  Eloigner  du  lit  d’un  moribond  de  coupables  tentatives 
despoliation.  Ce  qui  le  prouve  bien,  c’est  que  si  la  mort  est  occa- 
slonn^e  par  unecause  dilKrente  et  absolument  imprdvue,  par  un 
accident  par  exemple,  la  convention  reste  parfaitemeni  valide.  II 
en  est  de  mfime  danslc  casoii  la  mortsurvient  apres  les  vingt  jours. 
Particle  1975  etant  limitatif. 

En  face  du  problfeme  pbse.j’ai  dfl  entreprendre  lout  unsystemede 
reclierches,  afin  de  savoir  si  des  exemples  analogues  s’gtaient  ddjii 
presentes,  et,  le  cas  bchdant,  quelles  solutions  juridiques  ils  avaient 
recu.  Les  faits  suivants  sont  parvenus  a  ma  connaissance  : 

1“  Le  11  nivbse  an  VII,  unedame  E...  vend  a  B...  un  domaine, 
moyennant  100  000  francs.  La  moitie  de  cette  somme  est  payable 
en  une  rente  viagfere  de  6000  francs.  Six  mois  apris,  E...  d&bde  el 
ses  hdritiers  attaquent  le  contrat  comme  fraudiiletix  et  simule,  al- 
tendu  que  la  rentifere  btait  attcinte  d'une  maladie  mortelle,  Pliydro- 
pisie.  L’acqubreur  demonira  qu’i  I’bpoque  du  contrat,  il  s’agissait 
seulement  d’un  asthme,  affection  non  mortelle. 

La  Cour  de  Grenoble,  cbnsiddrant  que,  «  bien  qu’au  moment  de  la 
constitution  d’une  rente  viagfere,  celui  au  profit  et  sur  la  ifete  duquel 
elle  est  conslilufee  soil  alteint  d’une  maladie  mortelle,  la  constitu¬ 
tion  n’en  est  pas  moins  valable,  s’il  survil  plus  de  vingt  jours  »,  a 
confirm^. 

Ici,  vous  le  remarquerez,  il  y  a  eu  des  chances  encourues  de 
part  et  d’autre.  Or,  c’est  le  risque  et  Pincerlitude  de  I’dvfenenient 
qui  forment  Pessence  des  marclifes  alfeatoires.  Le  contrat  de  rente 
viagfere  est,  vous  le  savez,  le  type  le  mieux  accuse  tie  ces  sortes  de 
convenlion.s. 


M.  LEGRAND  ftu  SAUtir..  --  APOPLEXIE.  97 

2°  Le  20  normal  an  X,  une  damefi...  passe  un  contrat  de  rente 
viag^re.  Elle  ^tait  ators  atteinte  de  dysenterie.  Sept  jours  apr6s  elle 
nieuri.  L’enquOte  a  d^montrg  que  la  dame  fi...  £tait  dans  uu  dtat 
de  gravity  exlrSme  et  que  tout  le  monde  la  croyait  menac^e  d’une 
mort  prochaine,  ce  que  I’dvdnement  a  justifi^. 

La  Cour  de  Rennes  a  annuld  le  contrat. 

3“  Le  I'"'  ventOse  an  XIII,  une  demoiselle  B...,  malade  depuis 
longtemps,  c6de  divers  immeubles  au  sieur  M...,  moyennant  une 
rente  viagfere  de  2i0  francs.  La  demoiselle  B...  meurt  le  iendemain. 

La  Cour  de  Rouen  a  annuld  le  contrat. 

U°  Le  11.  mars  1809,  un  sieur  F...,  bdmipidgique  depuis  dix  ans, 
ct  qui,  dans  cet  intervalle,  avail  eu  plusieurs  petites  rdcidives  apo- 
plectiqiies,  passe  un  conirat  de  vente  de  sa  maison.  Deux  jours  aprfcs 
la  signature  de  I’acte  et  ^  la  suite  d’une  trfes-vive  altercation,  il 
meurt  d’apoplexie. 

La  Cour  de  Colmar  a  ordonnd  qu’il  serait  fait  un  rapport  de  md- 
decins  sur  la  question  de  savoir  si  le  vendeur  dlait  atteint,  au  mo¬ 
ment  du  contrat,  de  la  maladie  qui  a  mis  fin  &  ses  jours.  Une  dis¬ 
cussion  scientifique  s’est  engag4e  ;  des  m^decins  de  la  Facultd  de 
Strasbourg  ont  ddclard  que  les  attaques  anciennes  et  I’attaque  mor- 
telle  lie  formaient  qu’une  seule  et  indme  maladie,  tandis  que  Marc, 
Renaiildin,  Desgenettes,  Chaussier,  Baumes,  Vigaroux  et  Delpech 
ont  soutenu  avec  une  grande  dnergie  cette  opinion  que  la  pridispo- 
position  d  I’apoplexie  ne  constituait  pas  I’apoplexie,  et  que  I’on  ne 
pouvait  pas  appliquer.le  cas  de  nulUtdiune  affection  paroxystique, 
les  intermittences  rompant  la  continuitd. 

Je  me  hate  de  revenir  au  cas  parliculier  qui  m’a  did  soumis  el 
au  sujet  duquel  j’ai  I’honneur  de  consulter  la  Socidtd.  Cette  dame, 
agde  de  soixante-neuf  ans,  hdmipldgique  depuis  trois  ans,  dtait-elle 
atteinte,  au  moment  du  conirat,  de  ia  maladie  a  laquelle  elle  a  suc- 
combd  seize  jours  aprtsf  Jusqu’a  plus  ample  information,  je  suis 
portd  dcroire  que  diverses  attaques  d’apoplexie,  dprouvdes  par  le 
mdme  individu,  et  i  diverses  dpoques,  n’dtablissent  pas  la  conti- 
nuitd  d’une  mdme  maladie ;  que  chaque  attaque  d’apoplexie  est  in- 
ddpendanie,  Isolde  de  I’attaque  prdcddenle,  le  sujet  seul  dlant  le 
mdme,  les  causes  occasionnelles  seules  pouvant  dtre  identiques ; 
que  toute  attaque  est  une  maladie  nouvelle,  donnant  lieu  ddes  dds- 
ordres  nouveaux ;  que  la  persistance  de  I’lidmipldgie  ne  prouve  pas 
que  I’apoplexie  dure  encore  et  soil  chronique ;  que  la  loi  n’a  pas 
parld  des  rdcidives,  et  que  la  rdcidive  ne  sauralt,  a  mon  sens,  en- 
irainer  la  millild  d’un  conirat. 

Tel  est  I’dtat  de  la  question.  Je  n’ai  pas  encore  rdpondu,  et  je 
ANNAl,.  MfiD.-psYCH.  4“  sdrie,  t.  IX.  Janvier  1867.  7.  7 


98  S0C1£t£  MfeDlGO-PSYCHOLOGlQUE. 

m’en  applaudis,  puisque  la  possibililc  m’«st  offerle  de  faire  appel  a 

YDS  lumiferes. 

M.  Jules  Falret  peme  qu’il  ne  s’agit  la  que  d’une  imminence 
morbide,  d’lm  fait  possible,  mais  il  n’y  a  rien  qui  prouve  que  I’ac- 
cident  ddt  avoir  lieu  dans  les  vingt  jours, 

M.  Girard  de  Cailleux  :  Les  circonstances  et  les  condilions  dans 
lesquelles  vit  le  raalade  influent  n^cessairement  sur  Tissue  de  la  ma- 
ladie,  et  specialement  dans  un  cas  comme  celui  qui  nous  occupe,  la 
terminaison  peut  6tre  prochalne  ou  se  faire  attendre  longtemps, 
suivant  les  circonstances. 

M.  Brierre  de  Boismont :  Une  personne  ddjii  atteinte  d’li6mipie- 
gie  a  une  seeonde  attaque ;  cette  seconde  attaque  sera-t-elle  une 
consequence  de  la  premifere  ?  Eh  bien,  oui;  c’est  pour  inoi  la  merae 
m  aladie. 

M..4.  Foville  :  Cette  attaque  d’apoplexie  a-t-clle  eu  des  pro¬ 
dromes,  Themipiegie  s’est-elle  montree  du  mfime  cdte  ;  etait-ce  une 
hemorrhagic  ou  un  ramolllssement  ?  Ges  faits  doivent  6tre  pris  en  con¬ 
sideration  avant  de  forrauler  une  opinion  aussi  rigoureuse  que  celle 
de  M.  Brierre  de  Boismont.  Quant  a  celle  do  M.  Girard  de  Cailleux, 
je  suppose  une  personne  attaquee  d’anevrysraede  la  crosse  de  Taorte ; 
dans  les  meilleures  conditions  de  calme,  elle  arrive  an  vingt  et 
uniemejour;  dans  d’autres  conditions,  elle  aurait  succombe  le  dix- 
ueuvieme.  Je  ne  crois  pas  que  pour  une  hdmorrhagie  cdr6bi  aie  on 
puisse  admeitre  un  raisonnement  difl'drent.  Pour  mon  compte,  s’il 
n’y  a  pas  eu  de  prodromes,  si  la  mort  a  dtd  subite,  si  la  veille  de  la 
mort,  Tdtat  de  cette  personne  ne  difl'drait  pas  de  celui  qui  existait  au 
moment  ou  Tacte  a  dtd  fait,  je  serais  portd  a  admettre  une  autre 
maladie. 

M.  Girard  de  Cailleux  :  Dans  un  andvrysme,  la  terminaison  est 
toujours  fatale,  mais  aprfes  une  hdmorrhagie  cdrdbrale  cette  per¬ 
sonne  devait-elle  ndcessairement  succomber  a  une  nouvelle  atteinte  ? 
La  maladie  ne  pouvait-elle  rdiroceder  et  la  malade  ne  pouvait-elle 
succomber  a  une  autre  affection  ? 

M.  Legrand  du  Saulle  :  Si  cette  dame  dtait  morte  d’une  fluxion 
de  poitrine,  il  n’y  aurait  pas  lieu  a  discutcr,  mais  ici  le  tribunal 
pose  slmplement  cette  question ;  La  dame  X...,  au  moment  ducon- 
trat  de  rente  viagdre,  dtait-elle  atteinte  de  la  maladie  a  laquellc  elle 
a  succombe  tel  jour? 

M.  Rousselin  est  disposd  k  se  rallier  en  principe  a  Topinion  de 
M.  Brierre  de  Boismont,  mais  il  faudrait  que  les  conclusions  de  Tex- 
pert  fussent  appuydes  sur  des  recherches  d’anatomie  pathologiqne. 
Une  premidre  attaque  est  une  menace  perpdtuelle  d’apoplexie ;  ce- 


(99 


M.  MHORANP  »U  SAULI.B.  —  APOPJjKXlJt;. 
pendaiU  cles  apopleciiqaes  peavent  ardver  a  uii  age.UvaiKi^.  Mais  les 
appplexies  procfedent  souveut  par  mllanimaiion,  et  les  accideiiis 
uUdrieurs  poiivaicnt  dater  d’uae  dpoque  plus  ancicUue  que  le  jour 
de  la  passatioa  de  I’acte.  ,  ■  - 

M,  Felix  Voisin ;  Pendant  trpis  ans  cede  £eip!nc  s’est  bien  .por- 
lee;  elle  dtait  prddisppsee  a  ce  genre  de  wrt,  cela  est  vrai,  mais 
rien  ne  prpnve  qn’elle  dd/.  spcepinbej;  an . bput  de  quinze  .ibiq’s  plu-* 
Ibt  qu’au  bout  de  qninze  rapis  apres  la  signature  ded’acte.  :  ^ 

M.  A.  Foville  :  Je  demande  i  faire  une  nouvelle  hypfttbfese ;  stip* 
posous  une  pleur^sie  ancienne  ayapt  laissd  des  adliPrenpea  et  un 
aplaiissement  du  tborax.  La  personne  qui  ep  est  affeclPe  fait  un  acte 
et  ineurt  le  seiziPme  jour  aprfes  Payojr  s.igne.  Qa  pas  n’estTil  ;  pas 
assimilable  a  celui  que  nous  soumei  M.  Legraod  flu  Saulle?  Suppo- 
sons  encore  un  liomme  habitue  i  des  piieumonies  chaque,  annde 
comme  cela  arrive  i  certaines  personjues  agges,  if  en  .serait  encore 
de  mepi®-  El*  Eien,  un  coutrat  sigpe  par  une  de  ces  persOunes  poutv 
rait-i)  fitre  invalid^,  si  ellesuccombait  a  une  pleu.idsle  ou  i  uue  pneu-! 
monie ;  je  ne  le  pense  pas. 

M.  Brierre  de  Boismont :  A  quel  accident  deyra  sucGOinber  wie 
personne  allectde  d'lniraipldgie  ?  Les  probabllitds  les  plus  grandes 
sont  pour  une  nouvelle  congestion.  L’apoplexie  est  un  piSril  immi¬ 
nent  qu’on  doit  toujours  redouter. 

M.  Mesnet :  Pour  cbacun  de  nous,  tout  apoplectique  est  sous  I’.im- 
niinence  d  une  nouvelle  attaque,  et  la  seconde  attaque  est  par  conse¬ 
quent  solidaire  de  la  premiere.  ,  , 

M.  Legrand  du  Saulle  ;  Croyez-yous  que  la  loi  ait  pr^vu  le  peril 
imminent,  la  predisposition  a  une  maladie,  I’imminence  morbide  et 
la  solidarile  pathologique  dopt  on  vient  de  parler  1  En  aucune  fapon, 
et  par  la  raison  tpute  simple  que  I’pn  pe  meurt  pas  d’un  pdril  im¬ 
minent  ou  d’nne  imminence  morbide. 

Comme  condition  expresse  de  nullite.  Panicle  1975  stipule  que 
Pindiyidu  sur  la  t5te  duquel  la  rente  a  ete  crdde>  soit  ddcddd  dans 
les  vingt  jours  de  la  date  du  coptrat  d’une  maladie  qu’il  avaii  d 
I’epoque  ou  U  a  pontracte,  II  faut  done,  dans  Pespritdelaioi,  qu’ll 
y  ait  eu,  a  partir  du  jour  de  la  passatiop  de  Pacte  jusqu’ii  celui  du 
d^efes,  contiimite  de  la  maladie  qui  a  pccasiound  la  mori.  .Or,  Papo- 
plexie  exis,tait-cllc  le  jour  du  pontrat  ?  Non, 

M.  Bourdin  :  En  revanche,  Plidmiplggie  existait  biem 
M,  Legrand  du  Saulle':  L’appplexie  est  une  maladie  aigue,  et  la 
pcrsislance.de  I’hemipldgie  prouve  seulementqu’un  ddsordre  fonc- 
tioimel  existe.  L’hdmipldgie  nlest  qu’un  .efl'et  de  ,1a  maladie,  voiia 
tout.  Comme  le  disait  si  Men  M.  F.oyllle  ■lo.utii  Pheure,  les  adhd- 


■SOCIfiTf:  MfeWCO-PSYCHOLOGtQtlE. 

e  ;  ^^jVences  dp|  plfetre  t^moignenl-elles  de  la  pei'sisiance  de  I’^panche- 
pl^Yptique  1  Aprfes  une  pleurtsie,  les  adhdrences  de  la  plfevre 
i  /  i;^|tTOen|fun  kat  consicutif;  eh  bien  !  apifes  une  apoplexie,  la  per- 
^  sistanqp  ^  I’hemipl^gie  constitue  au  meme  litre  un  etat  eonseculif. 
iff  Falret ;  Si  la  malade  dont  vient  de  parler  M.  Legrand 

du-  Saulle  avail  iti  dpileptique,  et  si  elle  fdt  morte  d’une  attaque 
d’dpilepsie  on  h  la  suite  d’une  sdrie  d’attaques  d’^pilepsie,  est-ce 
que  le  conlrat  n’eiit  pas  6td  nul  ?  Cette  fois,  tout  ie  monde  sera 
bien  d’accord. 


1VI»  Legrand  du  Saulle  :  Qu’un  dpileptique  vienne  &  trouver  la 
mort  au  milieu  de  vives  eonvidslons,  dans  le  d41ai  de  vingt  jours, 
et  nous  aliens  tous  61re  d’accord  pour  faire  annuler  foreSment  le 
contrat  de  rente  viagfere?  mais,  pas  du  lout.  De  deux  choses  I’line : 
ou  le  malade  avail  eu,  i  une  dpoque  antdrieure  au  contrat,  des  acefes 
assez  frequents  et  assez  graves  pour  que  son  intelligence  ait  pu  en 
subir  de  notables  et  passagferes  alterations,  el  alors  il  y  a  lieu  de  se 
demander  et  de  rechercher  s’il  avail,  au  moment  de  la  signature  de 
I’acie,  une  capacite  suflisante  pour  contractor  ;  ou  bien,  le  malade 
n’a  jamais  eu  que  de  rares  et  legferes  atiaques,  qui  n’ont  en  aucune 
faqon  retenli  sur  sa  raison  et  sur  sa  volonie,  et  alors  11  ne  sera  pas 
possible  d’admettre  qu’il  y  a  eu  fraude,  captation,  absence  de  libre 
arbitre,  trouble  mental,  etc.,  etc.  Les  risques  encourus  rdpondronl 
parfaitement  au  caract&re  al^aioire  du  contrat. 

Comment  contestefait-on  d’ailleurs  la  validity  du  contrat  d’un 
^pilepiique,  dans  le  sens  de  I’anicle  1975  du  code  Napoldon  ?  L’in- 
tervalle  d’un  acefes  it  un  autre  ne  constitue  pas  I’dpilepsie,  mais  la 
disposition  it  I’tipilepsie ;  or,  I’imminence  morbide  n’est  pas  la  ma- 
ladie,  G’est  avec  intention  que  le  Idgislatenr  a  assign^  le  terme  si 
court  de  vingt  jours,  pour  la  vescision  du  marchS,  et  il  ne  viendra 
it  I’idee  de  personne  qu’il  edt  flx6  un  terme  aussi  limits,  s’il  avail 
formellement  voulu  designer  la  disposition  5  une  maladie. 

Celui  qui  place  son  bien  h  fonds  perdu  est  guid^  par  des  vues 
d’lnt^rfit.  Comme  le  taux  de  la  rente  qui  va  lui  fitreservie  est  d’au- 
lant  plus  dlevd  que  son  age  est  plus  avanc6  et  que  ses  chances  de 
mort  paraissent  plus  probables,  il  a  bien  soin  de  faire  valoir  loutes 
ses  inflrmitas,  et,  au  besoin,  de  sp^culer  sur  elles.  S’il  est  6pilep- 
lique,  il  a  tout  intdr6t  a  le  proclamer,  aiin  de  faire  augmenter  son 
revenu.  Une  compensation  est  done  dtablie.  Que  la  cupiditd  soil 
mauvaise  conselllfere  et  que  ses  calculs  soient  assez  frdquemment 
ddjouds,  je  vous  I’accorde,  mais  des  risques  ont  dtd  courus  de  part 
et  d’autre.  Comme  i’alea  est  le  caraetbre  distinclif  du  contrat  de 
rente  viagbre,  le  voeu  de  la  loi  est  satisfait. 


SfiANCE  DU  26  NOVEMBBE  1866.  101 

M.  Brochin :  La  question  a  deux  aspects.  Au  point  de  vue  patho- 
logique,  une  seconde  attaque  est  solidaire  de  ia  pvemifere.  On  peut 
prdvoir  une  seconde  attaque,  mais  &  quei  moment  ?  line  seconde 
attaque  est  au  contraire  une  maladie  nouveiie,  au  point  de  vue  pra- 
tique.C’est  une  rdcidive,  si  vqus  vouiez,  ce  n’est  pas  lamfiine  maiadie. 
En  pareille  matifere,  on  ne  peut  pas  poser  de  principes  absolus,  il 
taut  considdrer  cheque  fait ;  dans  ceiui  qui  nous  occupe,  ii  ne  s’agit 
pas  ii  mon  sens  d’une  mdme  maladie. 

La  sdance  est  ievde  it  six  heures  moins  un  quart. 


Seance  du  20  novembrc  1806.  —  Presidence  de  M.  FflUX  VoisiN. 

Lecture  ct  adoption  du  proces-verbai  de  la  prScddente  sdance. 

Correspondance ; 

Le  docteur  KralTt-Ebing,  mddecin  adjoint  de  I’asile  des  alidnds  a 
Illenau,  dcrit  pour  demander  le  litre  de  membre  associd  dtranger 
(Commissaires  :  MM.  Luys,  Motet  et  Jules  Falret). 

Le  docteur  Kraffi-Ebing  adresse  i  I’appui  de  sa  demande  les  OU' 
vrages  suivanls  : 

Die  Sinnesdelirien,  Erlangen,  1864 ; 

Die  Lehre  von  der  mania  transitoria.  Erlangen,  1852.  Beitrdge 
zur  erkennung  und  richtigen  forensischen  Beurtheilung  krank- 
liafter  GemUths  Zustande  fUrAerzte,  Richter  und  Vertheidiger,  Er¬ 
langen,  1866. 

M.  Legrand  du  Saulle  fait  hommage  4  ia  Socidtd  d’un  mdmoire 
imprimd'ayant  pour  tilre :  Etude  medico-legale  sur  la  paralysie 
generate  (folie  paralytique) ;  Paris,  1866. 

La  Socidtd  reqoit  le  Bulletin  medical  de  I’Aisne ;  Laon,  1866, 
troisifeme  trimestre,  numdro  3. 

M.  Lunier  propose  de  combiner  avec  le  congrds  international  de 
mddecine  une  rdunion  de  mddecins  alidnistes  de  tousles  pays ;  cette 
proposition,  appuyde  par  MM.  A.  Maury,  Moreau  (de  Tours)  et 
Fournet,  est  renvoyde  4  une  commission  composde  de  MM.  Morel, 
Lunier,  Foville,  Legrand  du  Saulle,  Moreau  (de  Tours),  Fournet  et 
Brlerre  de  Boismont. 

M.  Legrand  du  Saulle  :  Je  prie  la  Socidtd  de  vouloir  blen  me 
pennetlre  de  porter  4  sa  connaissance  plusieurs  choses  importantes ; 

1“  La  santd  de  notre  honorable  et  savant  collfegue,  M.  Delasiauve, 
devient  meilleurede  jour  en  jour,  et  nous  avons  tout  lieu  d’espdrer 


iM  SOCi^Tfi  UltbidO-PSYCHOLOGlOtJE: 

qu’ll  poUrra  SSsi^ftir  k  notre  pI'ocHaine  r^uhfon.  Si.  Dijlasiaiivc  a  eld 
tf6S-to'Mii5  des  Hlarqdcs  dc  sytiipalhie  que  ndlis  aVoris  etd  lui 
exprlrner  aU  nblii  de  la  Soci^td ; 

2°  En  I’absettCfe  de  M.  tJaillarger,  j’ai  i’honneui'  d’informer  la  So- 
ciele  que  VAssoeidtioti  Mutuelle  des  midecins  aliinisles  de  France 
vient  d’etre  eievee,  par  detret  imperial,  aii  rang  des  eiablissemeiiis 
d’Hlilitepilblique.  Eli  presence  dece  succ6s,  veuillez  me  permeltre 
d’insister  dc  nouveau  pour  qiie  la  Socieid  medico- psychologiqiiC 
lasse  avec  activite-lCs  demarches  hecessaires,  afin  d’oblenir  bieiilOt 
la  mCme  faveur.  M.  Cerise  a  ete  charge  de  la  redaction  d’un  mC- 
moire  ad  hoc  sur  t’originc  de  la  SociCte,  Timportance  de  ses  ira- 
vaux,  etc.,  etc.  Peut-Ctre  serait-il  bon  de  lui  rappeler  qu’il  y  a 
urgeiice,  el  que,  pour  beaticoup  de  motifs,  nous  serious  trfes-ddsi- 
reux  de  voir  notre  existence  scientifique  consacrde  par  un  ddcrct. 

36  ^Jinc!  veiivc  Aubahel  m’a  fait  parvenir  une  nouvelle  sommc  do 
iiuit  cents  francs,  destineeii  unprix  de  cette  valeur.  II  y  auraitiieu, 
par  consequent,  de  nommer  une  commission  de  trois  niembres, 
chargee  d’an-eier  la  question  it  mettre  an  cohcoitrs  et  de  fixer  toutes 
res  cohditiohs  du  ptogrammoi  (Commlssaires :  MM.  Ti-eiat,  Lunier 
et  Rousselin.) 

.  4°  J’al  ete  prie  de  Vous  notlfler  la  mort  d’un  de  nos  cOllfegues,  et 
c’est  avec  un  vif  regret  que  je  viens  m’acquitter  de  cette  mission  pe- 
iiibte.  M.  le  docteur  Schnepp,  Vice-consul  et  medCcin  sanitaire  a 
Djeddah,  est  receminetit  decede  a  page  de  quarante-deux  ans.  Co 
distingue  confrere-,  aprCs  avoir  ete  membre  tiiulaire  de  la  SOcietd, 
n’avait  pas  voulu  se  separer  de  tlous  tout  a  fait,  et,  au  moment  de 
son  depart,  il  nous  avait  demande  et  nous  lui  avions  cotifere  avec 
eiiipressement  le  diplOnie  de  membre  correspoUdant. 

Ii’ordre  du  jour  appelle  la  suite  de  la  discussion  stir  la  folie  rai- 
sonnante,  mais  MM.  Fournet  et  Treiat  etant  absents,  la  parole  eSt 
dortiiee  it  M.  Aohilk  Foville,  a  I’occasiou  de  la  question  medico- 
legale  soumise  a  I’examen  de  la  .Societe,  dans  la  seahCc  precedcnte. 


Question  medico-legale  relative  a  VapoplexiCi 

M.  Achille  FoVille.  —  A  la  lin  de  la  dertiifere  sdance,  M.  Lcgrand 
du  Saulle  a  demande  I’avis  dc  la  Socidte  sur  une  (|Ueslion  medico- 
legale  d’uii  graiiil  inieret,  et  qiii  pafalt  n’etrc  soumise.  que  pour  la 
secoiidd  fois  it  I’appreciaiiou  tnedicale.  Je  vous  dcmaiideral  it  revcnir 
eu  qiielques  inolssurbeqni  a  eiedit,  a  cette  occasion,  par  plusieurs 
des  Inembres  de  la  SocielS  et  par  nlbi-meme. . 


M.  ACH.  FOVILIiE.  —  APOPLEXlli.  103 

Noire  collfegue  6tait  consult^,  vous  vous  le  rappele?,  danaks  cir- 
constauces  suivantes : 

Une  dame  X...,  Agde  de  soixante-neuf  ans,  h^mipkgique  depuis 
trois  ans,  A  la  suite  d’une  premlfere  atiaque  d’apoplexie,  prend,  sur 
ie  conseil  de  son  notaire,  le  parti  de  placer  sa  petite  fortune  &  fonds 
perdu,  atin  d’augmenter  son  bien-6tre.  Au  moment  oii  elle  passe  le 
contrat,  elle  est  dans  un  dtat  de  santd  physique  analogue  h  celui  qui 
existe  chez  elle  depnis  trois  ans,  sans  aucun  sympidme  de  nature  & 
i'aire  pr^sager  quelque  accident  imminent;  ses  facultds  intellectuelies 
sont  parfaitement  intactes.  Les  choses  restent  dans  le  mSme  dtat  pen  - 
dant  deux  semaines ;  puis,  ie  seizi&me  jour  apr&s  celui  oh  le  contrat 
a  dtd  signd,  M®"  X...  est  prise  d’une  nouvelle  atiaque  d’apoplexie  et 
expire  en  quaire  heores.  Or,  I’article  1975  du  Code  civii  dit :  «  Ne 
»  produit  aucun  effet  tout  contrat  par  lequel  une  rente  viagire  a  dtd 
»  crdge  sur  la  tfite  d’une  personne  alteinie  de  la  maiadie  dont  elle 
»  est  ddcfid^e  dans  les  vingt  jours  de  la  date  du  contrat.  » 

H  s’agit  done,  pour  raaintenir  ou  infirmer  la  validitd  de  I’acte,  de 
savoirsi,  au  moment  ou  I’acteadtd  passd,  la  dameX.,.  ^iiait  ou 
n’fitait  pas  atteinte  de  la  maiadie  dont  elle  est  [dde^dde  seize  jours 
aprds.  La  question  de  Idgalitd  est  parfaitement  nette  et  ne  comporte 
aucune  obscuritd ;  mais  il  n’en  est  pas  de  mdme  de  la  question  de 
pathologic,  la  seule  qui  solt  en  discussion. 

Dans  la  discussion  qui  s’est  dlevde  dans  la  Socidtd,  5  la  suite  de  la 
communication  de  M.  Legrand  du  Saulle,  deux  rdponses  opposdes 
ont  did  proposdes  :  d’tm  cbtd,  M.  Brierre  de  Boismont  n’a  pas  hdsitd 
d  ddclarer  que  pour  lui  la  dame  X...,  au  moment  oh  I’acte  a  did 
passd,  dtait  ddjii  atteinte  de  la  maiadie  dont  elle  est  morte ;  I’opinion 
contraire  a  did  exprimde  par  M.  Brochin  et  par  moi. 

Aux  considdrations  qui  viennent  d’etre  rappeldes  par  le  proeds- 
verbal,  et  sur  lesquelles  j’ai  basd  il  y  a  quinze  jours  ma  manifere  de 
voir,  je  crois  pouvoir  ajouter,  aujourd’hui,  de  nouveaux  arguments 
qui  me  paraissent  ddcisifs.  Permettez-moi  de  les  exposer  bridvement 
a  la  Socidtd. 

L’autopsie  de  la  dame  X.  n’a  pas  dtd  pratiqude ;  il  n’y  a  done  a 
tenir  compte  d’aucune  donnde  anatomo-pathologique  pour  rdsoudre 
la  question.  Quelque  regrettable  que  soil  cette  laciine,  il  fauC  en 
prendre  noire  parti  et  nous  contenter  des  settles  notions  fournies 
par  la  nosologic.  D'apres  celle-ci,  et  en  faisant  la  part  aux  probabi- 
lilds  les  plus  Idgitimes,  nous  devons  penser  que  la  dame  X...  a  eu, 

.  il  y  a  trois  ans,  dans  un  des  lobes  edrdbraux,  une  hdmorrhagie  edrd- 
brale,  causde  par  une  rupture  vasculairc  et  suivie  de  I’abolition  des 
mouvements  dans  la  raojrid  opposde  du  corps ;  qu’au  lieu  oh  s’est 


•104  SOClf;'r£  MfiDlCO-PSYCHOLOGlQUE. 

produite  cette  h^morrhagie,  ii  s’est  form^,  avec  le  temps,  line  cica¬ 
trice,  ce  qui  a  consiilud  vine  gu^rison  relative,  celle  qiii  s’observe  en 
pareil  cas,  avec  persistance  d’une  diminution  plus  ou  moins  mar¬ 
quee  des  mouvements  du  c6te  primitivement  paralyse,  et  inlcgtin?, 
relative  aussi  sans  doute,  de  I’inlelligence.  Get  eiat  a  durd  plusieurs 
anndes ;  puis  est  survenue,  soil  dans  le  m^me  lieu,  soit  ailleurs,  dans 
rencSphale,  une,  nouvelle  rupture  vasculaire,  suivie  d’un  lipanche- 
ment  sanguin  qui,  cette  fois,  a  causd  des  d^sordres  tels  que  la  mort 
en  a  did  la  prompte  consdquence. 

Cela  dtant  donnd,  pour  conclure  a  la  nullitd  du  contrat,  on  dll  : 
«  Entre  les  deux  attaques,  blen  qu’il  n’y  etit  pas  d’diat  aigu,  nl  de 
»  nonvel  accident,  la  dame  X...  n’a  pas  cessd  d’etre  raalade,  car 
»  elle  est  restde  hdmipldgique,  et  elle  se  trouvait  sous  le  coup  d’une 
»  imminence  morbide  blen  ddlerminde,  avec  menace  de  nouvelles 
»  attaques ;  la  seconde  qui  s’est  produite  n’dtait  que  la  consdquence 
»  nalurellede  lapremidre,  une  nouvelle  manifestation  d’une  maladie 
»  qui  n’avait  jamais  cessd  d’exister,  Les  deux  attaques  et  I’lidmi- 
»  pldgie  persistante  intermddiaire  ne  sont  que  des  symptbmes  suc- 
»  cessifs  d’une  seule  et  mdme  affection  ;  done  la  dame  X...  etait,  an 
»  moment  oil  le  contrat  a  did  passd,  aiteinte  de  la  maladie  dont  elle 
»  estmorle  au  bout  de  seize  jours.  »  Telle  est,  si  je  ne  me  trompe 
Targumentation  de  M.  Brierre  de  Bolsmont. 

Sans  mdconnaltre,  loin  de  la,  les  rapports  qui  unissent  les  deux 
attaques,  je  ne  {tense  pas  que  ces  rapports  soient  prdcisdment  ceux 
qui  viennent  d’fitre  exprimds,  ni  qu’ils  aient  la  signification  quileur 
serait  attribude  d’aprds  cette  manifere  de  voir.  En  effet,  au  lieu  de 
les  considdrer  comme  lides  entre  elles  par  un  rapport  de  cause  h 
effet,  comme  foredment  enchalndes  I’une  i  I’autre,  au  lieu  de  dire 
que  la  seconde  est  la  consdquence  et  comme  la  suite  de  la  premidre, 
il  meparalt  plus  juste  de  les  envisager  comme  deuxcffels  diffdrents 
d’une  mdme  cause.  Ces  deux  effets  tiennent  sans  doute  it  un  prin- 
cipe  identique;  ils  ont  une  grande  analogic  dans  leurs  manifesta¬ 
tions,  mais  ils  n’en  sont  pas  moins  distincts  et  inddpendants  I’un  de 
I’autre.  En  les  considdrant  comme  une  maladie,  on  doit  reconnaltre 
que  la  premidre  a  cessd  lorsque  la  cicatrisation  du  foyer  a  did  com- 
pldte,  et  que  la  faiblesse  musculaire,  I’bdmipldgie  consdeutive  dtait 
une  infirmitd  persistante,  mais  non  pas  une  maladie  proprement 
dite. 

Qiiand  le  second  effet  s’est  produit  sous  forme  d’une  apoplexie 
rapldement  mortelle,  il  ddpendait  non  pas  de  la  premidre  attaque, 
mais  uniquement  de  la  cause  commune  qui  avalt  ddtermind  celle-ci, 
et  qui  n’avait  cessd  d’exister.  Or,  cette  cause  commune,  on  peut  le 


M.  ACH.  VOVlIil.E. - APOPLEXIE. 


105 


dire  presque  a  coup  siJr,  a  dd  elre  une  modification  dans  la  struc¬ 
ture  des  vaisseaux  de  rencSphale,et,  selontoute  probability,  une  dd- 
gdnyrescence  athdromateuse  des  arlbres.  Nous  pouvoiis  rndmc  rai- 
sonner  comme  si  cette  alteration  ytaitddmontrye;  car,  alors  mftme 
que  nous  serions  dans  I’erreur  en  ce  qui  regarde  le  genre  d’altdra- 
tion,  notre  raisonnement  s'appliqueraitaussi  bien  it  loute  autre  Idsion, 
cause  commune  des  deux  attaques,  et  si,  par  basard,  les  deux  atta- 
ques  avaient  did  dues  it  des  jysions  dilKrentes  (la  premiere,  par 
exemple,  a  une  hdmorrhagie,  et  la  deuxifeme  a  une  embolie),  notre 
opinion  n’en  serait  que  plus  dvidente. 

Cela  ctant  admis,  la  question  se  pose  dans  son  vdritable  jour  et  se 
rdduit  a  ceci  :  Peut-on  dire,  au  point  de  vue  mydico-ldgal  en  gd- 
ndral,  et  spdcialement  en  ayant  egard  ii  la  lettre  et  A  I’esprit  de  Par¬ 
ticle  1975  du  Code  civil,  que  la  ddgyndrescence  athdromaleuse  des 
parois  artdrielles  soit  une  maladie  ? 

Nous  ne  le  pensons  pas :  en  eilet,  cette  altdration  du  tissu  existe  i 
un  degrd  plus  ou  moins  avancd  chez  presque  tous  les  individus 
arrlvds  5  un  certain  age ;  il  est  bien  rare,  5  Pouverture  du  corps  d’un 
homme  de  soixanle  ans,  ou  plus,  de  ne  pas  trouver  les  artferes,  et 
en  particulier  celles  de  Pencdphale,  plus  ou  moins  athdromateuses; 
et  cependant  pourrait-on  dire  que  tous  les  hommes  agds  de  soixante 
ans  soient  attaints  d’une  maladie  ? 

fividemment  non;  chaque  age  comporle  un  certain  nombre  de 
conditions  anatomiques  qui  lui  sont  propres;  a  moins  de  considdrer 
la  vieillesse  elle-mdme  comme  une  maladie,  on  ne  saurait  donner 
ce  nom  a  une  modification  de  tissu  qui  en  est  le  rdsultat  nature], 
Pexpression  pour  ainsi  dire  norraale.  Au  point  de  vue  mdme  des 
contrats  de  rente  viagfere,  e’est  prdcisdment  sur  les  chances  de  mor¬ 
tality  qui  rdsultent  de  Page  et  des  altdrations  de  tissus  qui  en  sont 
I’expressiou  qu’est  liasde  la  fixation  de  Pintdrdt  k  payer  par  les 
acqudreurs. 

Sans  doute,  chez  la  dame  X...  cette  alldration  de  tissus  dtait  in- 
diqude  plus  manifestement  que  cela  n’efit  dtd  chez  une  personne  du 
mdme  age  qui  n’aurait  pas  ddjh  eu  une  attaque ;  mais,  en  pared  cas, 
ce  qui  constitue  le  danger,  ou,  si  Pon  prdftre,  Pimminence  morbide, 
ce  n'est  pas  la  sorte  de  publicity  donnde  a  Paltdration  des  parois 
vasculaires  par  une  attaque  prdalable ;  e’est  le  fait  mdme  de  Pexis- 
tence  de  cette  altdration,  qu’elle  soit  apprdciable  ou  non.  Or  cette 
Idsion  existait  depnis  longtemps  chez  la  dame  X... ;  elle  existait  ddja 
avant  la  premidre  attaque;  alors,  il  est  vrai,  elle  ne  s’dtait  pas  ma- 
nifestde  encore,  mais  elle  n'en  existait  pas  moins,  et  ddjd  elle  en- 
trainait  Pimminence  morbide  qui  en  dtait  le  rdsultat  immddiat.  Si 


106  SOCifiTE  MfiDlCO-PSYCHOLOeiQUE. 

cependant  le  contrat  avail  i!td  pass^  seize  jours  avant  ia  premifere 
atlaque,  el  si  celle-ci  avail  Hi  morleiie  en  quatre  heures,  aurail-on 
pu  direque  X...  6lait  ,alleinte,  loi’s  de  la  passaliou  dii  conlral, 
dc  la  maladie  doiil  elle  serail  morle  seize  jours  aprfes  ?  Sans  doule 
on  n’en  aurail  pas  eu  I’idde,  tool  en  saclianlque  laldsion  vasculaire 
devail  remonter  au  delii  de  ce  lerme. 

Aussi  n’lidsilerons-nous  pas  Ji  conelure  : 

Qu’au  moment  de  la  signature  de  I’acle,  la  dame  X...  ne  pouvail 
pas  etre  considdrde  comme  alteinte  d’une  maladie  propremeni  dite; 
qii’ellc  se  irouvait,  il  est  vrai,  sous  ie  coup  d’une  imminence  mor" 
bide  ddterminee,  due  a  I’all^ralion  atlidrouiateuse  des  parois  dc  scs 
artferes  cdrdbrales,  altdralion  signalSe  par  une  premifere  atlaque 
remontant  a  Irois  ans;  mais  quo  cetle  imminence  dtait  dans  une 
certaine  mesurc  commune  a  toutes  les  personnes  de  son  age,  les 
arl6res  dc  tons  les  vieillards  subissant  la  raame  modification  h  tin 
degrd  plus  ou  moins  marque;  qiie  d’aillenrs  cetle  imminence,  con- 
nue  comme  elle  I’diait,  avail  dft  entrer  dans  le  caJcul  des  probabi- 
lilds  sur  lesqueiles  le  conirat  avail  dtd  basd  ;  que  rien,  au  moment  de 
la  signature  de  ce  conirat,  ne  pouvait  donner  ia  certitude  que  de 
nouveaux  accidents  apoplecliques  dussent  se  produire,  ni  encore 
moins  en  faire  prevoir  I’dpoque  approximative,  et  qu’enlin  la  lesion 
des  vaisseaux,  cause  commune  des  deux  atiaques,  ne  saurail,  a  elle 
seule,  conslituer  une  maladie,  dans  le  sens  oft  ee  mot  est  pris  dans 
I’arlicle  1975  du  Code  civil. 

A  I’appui  de  cetle  manifere  de  voir,  permettez-moi  encore  une 
comparaison,  plus  cxacte  que  celles  de  pleurdsic  ou  de  pneumonie 
a  rdpdiition  que  j’avais  invoqudes  dans  la  dernifere  sdance. 

A  mesure  que  I’ftge  fait  des  progrfes,  le  tissu  osseux  se  rardiie, 
suriout  dans  les  cellules  du  tissu  spongieux  de  I’extrdmiid  des  os 
longs,  et  I’angle  de  i  dunion  du  col  et  du  corps  dli  fdmur  se  rapprache 
de  plus  en  plus  de  I’angle  droit;  de  ces  deux  conditions  anatomiques 
rdunies  resiille  la  grande  frequence  des  fractures  du  col  du  fdmur, 
dans  ia  vieillesse.  On  ne  peutpas  dire,  n^anmoins,  que  ces  altdra- 
lions  anatomiques  constituent  ii  elles  seules  une  maladie;  et  lors- 
qu’un  vieillard  se  fracture  la  cuisse,  il  ne  saurait  venir  4  I’idde  de 
personne  de  prdtendre  qu’il  dlait  atieint  de  cetle  maladie  depuis  que 
le  tissu  osseux  de  son  fdmur  avail  commened  4  se  rardfier,  etque  la 
fracture  qiii  vient  de  se  produire  chez  lui  n’est  que  le  symptdme  d’une 
affection  qiii  existait  ddj4.  llaisonner  ainsi  serai t  confondre  entidre- 
ment  une  maladie  avec  une  de  ses  causes  prddisposantes.  Si,  comme 
il  y  en  a  dc  frdquenis  exeraples,  un  vieillard,  aprds  s’dtre  rdtabli 
d’une  premidre  fracture  du  fdmiir,  etdtre  resld  infirme  colnme  eela 


M.  BEMOC.  ^  At>OPLEXIli.  107 

arrive  eu  pareil  cas,  a  le  malheur  de  se  casser  de  nouveau  la  ili6me 
oiiisSe  ou  celle  drt  c6td  oppose,  on  n'e  dira  paa  davantage  qu’il  n’a  eu 
(ju’itne  seule  et  nietne  maladie,  non  iinerrompue,  d’une  fracture  k 
I’autre  |  que  la  seconde  ti’a  dte  que  la  suite  et  la  consequence  de  la 
premiere,  et  qu’enfin,  qninze  jours  avant  I’accident  il  dtait  deja 
atleint  de  la  meme  maladie  que  lorsque  la  fracture  a  dte  produite. 

Eh  bien  1  dans  ces  deux  cas,  rarefaction  dii  tissu  osseux  du  femur 
et  degenerescence  atheromateuse  des  arieres  cerebrales  me  parais- 
sent  avoir  tine  signification  pathologique  ideiilique,  et  jouer  exacted 
ment  le  mfime  rOle  dans  la  production  de  la  fracture  et  de  I’apo- 
plexie.  Ni  I’line  nl  I’autre  ne  constituent  ime  maladie  proprement 
dite,  mais  seulement  des  modifications  de  tissu  pour  ainsl  dire  nor- 
males  a  un  certain  age,  et  favorisaut  la  production  de  certaines  ma¬ 
ladies.  Lcs  infirmites  persistant  a  la  suite  d’une  premifere  fracture 
ou  d’une  premiere  attaque  ne  sont  pas  davantage  tine  maladie  dont 
la  seconde  fracture  ou  la  seconde  attaque  ne  seraient  qu’un  nouveau 
symptorne.  Dans  les  deux  cas,  la  seconde  fracture  et  la  seconde 
apoplexie  sont  deux  alTections  nouvelles,  resultantj  il  est  vrai.d’nne 
alteration  de  tissu  prdexistanie,  qui  a  dejci  causd  des  accidents  antd- 
rieurs,  mais  ayant,  ndanmoins,  une  individualitd  niorbidedistincte, 
et  n’existani  ai’dtat  de  maladies  rdelles  qu’aii  moment  oil  la  deuxifeme 
rupture  osseuse  ou  vasculaire  s’est  produite. 

Aussl  persistons-nous  dans  notre  opinion  que  la  dame  X...  n’d- 
lait  paS  atteinte,  le  jour  oil  le  contrat  de  rente  viagfere  a  dtd  passd, 
de  la  maladie  dont  elle  est  raorte  seize  jours  aprfis,  et  que  par  con¬ 
sequent  ce  contrat  doit  recevoir  son  pleiu  effet. 

:  M.  Bourdin  :  Du  moment  que  les  symptOmes  de  la  premifere  ma¬ 
ladie  n’ont  pas  disparu,  si  de  nouveaux  accidents  se  prdsentent 
comme  dans  le  cas  qui  nous  est  soiimis,  je  dis  qu’on  a  affaire  ft  une 
seule  et  mdme  maladie.  Est-ce  qu’un  dpileptiqiie  n’est  pas  dpilep^ 
tique  du  premier  au  centifeme  aceds ;  s’il  vient  ii  mourir  d’un  acefes 
d’dpilepsie,  il  moiirra  d’une  dpilepsie  manifestde  et  cohfirmde  aU 
moment  de  la  premlfere  attaque.  Quand  un  individu  attaint  d’une 
attaque  d’apoplexie  revlent  a  la  vie  socialej  jamais  il  hfr  reprend 
compldtement  ses  facnltds  intellectuelles,  pas  plus  qu’il  ne  reprend 
ses  facultds  de  mouvement.  Dans  I’apprdciation  des  cas  de  ce  genre 
il  ne  faut  pas  partir  du  point  de  vue  des  idsions  anatomiques,  il  con- 
vient  de  se  borner  a  I’examen  des  symptOmeS. 

M.  Girard  de  Cailleux :  Il  est  essentiel  de  distihguer  si  la  conges¬ 
tion  cdrdbraie  n’est  qu’un  symptOme,  ou  si  clle  constitue  une  ma¬ 
ladie. 

M.  Belloc:  Un  asscz  grand  nombre  d’apoplectiques  restent  dix 


108  SOClUTfi  MfiWCO-PSYCHOtOGlQUE. 

ans  et  ragine  vingt  ans  sans  attaque  nonvelle,  et  reprennent  la  direc¬ 
tion  de  leur  famille  et  de  leurs  biens.  Au  bout  de  vingt  ans,  peut-on 
leur  denier  la  faculty  de  faire  un  acte?  D’un  autre  c6le,  je  ne  par- 
tage  pas  I’opinion  deThonorable  pr4opinant  quant  h  la  permanence 
de  la  maladie  elle-mfeme.  Quand  la  Idsion  cSr^brale  s’est  terminde 
par  une  cicatrice,  la  maladie  est  iinie.  Aprfcs  une  fracture  consolidde 
vous  pouvez  boiter,  je  suppose;  mais  si  vous  vous  cassez  la  jambc 
de  nouveau  en  vertu  d’une  certaine  dialhdse,  vous  aurez  une  nou- 
velle  fracture  et  non  pas  une  reproduction  de  la  premiiire. 

M.  Brierre  de  Boismont  :  II  s’agit  d’un  cas  simple  d’apoplexie 
sans  alidnation..  Nous  avons  une  femme  hdmipidgique,  la  maladie 
est  ii  toujours  en  puissance ;  c’est  une  maladie  tout  d’une  pifece 
qui  rdcidive  toujours  et  devient  fatale.  Tout  homme  frappd  d’apo¬ 
plexie  une  premidre  fois  doit  faire  trembler  ceux  qui  i’aiment  et 
ceux  qui  ont  des  intdrdts  avec  lui. 

M.  Lunier  :  Trfes-souvent,  dans  la  quinzaine  qui  prdcdde  une 
attaque  d’apoplexie,  le  malade  prdsente  quelques  plidnomfenes  avant- 
coureurs.  II  y  a  Id  une  raison  de  plus,  en  I’absence  de  renseigne- 
ments  prdcis,  pour  considdrer  comme  devant  dtre  invalidd  I’acie  fait 
pendant  cette  quinzaine. 

M.  Bousselin :  11  se  forme  dans  le  cerveau  des  apoplecliques  des 
noyaux  inflammatoires  qui  mettent  sou  vent  douze,  quinze  jours  et 
plus  d  parcourir  toutes  leurs  pdriodes ;  on  pourrail  attaquer  I’acte, 
comme  ayant  dtd  passd  d  une  dpoque  ou  la  maladie  existait  ddjd,  si 
I’autopsie  avait  rdvdld  quelque  chose  de  semblable. 

M.  t&grand  du  Saulle  :  A  diverses  dpoques  de  sa  vie,  le  meme 
individu  peut,  dprouver  plusieurs  attaques  d’apoplexie,  sans  qu’il  y 
ait  continuitd  de  la  mdme  maladie.  Par  un  travail  bien  connu  et  que 
rappelait  tout  d  Theure  M.  Achllle  Foville,  la  nature  remddie  aux 
troubles  fonctionnels  du  cerveau,  et  les  recherches  modernes  de  nos 
plus  savants  anatomistes  ont  pdremptoirement  dtabli  que  chaque 
attaque  d’apoplexie  dtait  inddpendante,  isolde,  une  maladie  par  elle- 
mdme  et  ddterminant  toujours  les  accidents  pathologiquesqui  lui  sont 
propres  :  dpanchement  cdrdbral,  Idsions  du  sentiment  et  du  mou- 
vement,  etc.,  etc.  L’individu  seul  estle  mdme,  les  causes  occasion- 
nelles  seules  sont  peut-dlre  identiques,  mais  une  nouvqlle  atteinte 
amfene  des  ddsordres  nouveaux  et  qui  ne  peuvent  pas  se  confondre 
avec  ceux  qui  ont  prdcddd.  Ne  trouve-t-on  pas  autant  de  kystes  qu’il 
y  a  eu  d’atlaques? 

Affection  essentiellemeni  aigue  et  quelquefois  foudroyante,  I’apo- 
plexie  ne  prdsente  ni  succession  ni  progression  lentes  dans  le  dd- 
veloppement  des  phdnomdnes  morbides  qui  la  signalent,  ni  conti- 


Mf.  Le^RAWD  »t]  SAtJttE.  —  Aj>Ot>LEXlE.  109 
nuation  ni  aggravation  des  syinptdmes  pendant  un  long  espace  de 
temps.  I.a  persistance  de  I’liSmlpldgie  ne  prouve  pas  qne  I’apoplexie 
dure  encore  et  soil  chronique ;  elle  est  un  effet  de  la  maladie  et  elle 
atteste  seulement  qu’un  ddsordre  foiictionnel  lui  a  surv^cu.  Les 
adhdrences  de  la  plfevre  tdmoignent-elles  de  la  persistance  de  I'dpaii- 
chement  pleurdtiqiie  ?  Elies  reprdsentent  un  dtat  consdcutif,  voila 
tout, 

Qn’un  individu  atteint  une  premifere  fois  d’apoplexie,  soil  plus  que 
tout  autre  prddisposd  H  I’apoplexie,  personne  ne  le  nie ;  mais  quel- 
que  forte  qu’elle  soil,  la  prddlsposition  a  une  maladie  n’est  pas  la 
maladie.  I, a  loi  n’a  pas  parld  des  rdcidives.  La  rdcidive  n’entralne 
done  pas  la  nullitd  d’un  contrat. 

La  rdponse  du  mddecin  devait  done  dire  et  a  did  celled  : 
«  Malgrd  une  trfes-forte  prddisposition  a  I’apoplexie,  I'attaque  mor- 
telle  n’existait  pas  tel  jour  chez  la  veuve  ***.  » 

La  question  posde  dtait  prdcise,  la  rdponse  devait  I’dtre  aussi.  On 
ne  meurt  pas  d’nne  trds-l'orte  prddisposition  a  une  maladie. 

M.  Lunier  :  Une  attaque  d’apoplexie  n’est  pas  une  maladie,  e’est 
un  Occident  dans  une  maladie.  Le  travail  prdparatoire  qui  a  amend 
la  terminaison  fatale  pouvait  dire  commened  depuis  quelques  se- 
malnes  quand  Vaocident  lui-mdme  estsurvenu. 

M.  Puuzin  :  Chez  les  hdmipldgiques  et  chez  tons  ceiix  qui  ont  eu 
des  accidents  edrdbraux,  la  prdoccupation  seiile  d’un  acte  de  cede 
nature  pent  devenir  la  cause  d’un  aceds.  Je  m’dtonne  qu’on  puisse 
soulever  une  controverse  ii  ce  sujet.  Une  grande  ddcision  ii  prendre 
est  pourbeaucoup  de  gens  la  cause  d’un  dtat  congestif  qui  peut  avoir 
les  consdquences  les  plus  fdcheuses. 

M.  Legrand  du  Saulle  :  II  s’agit  d’un  contrat  tres-honndtenient 
fait,  mftrement  rdfldchi,  et  non  d’une  mesurc  prdcipitde. 

M.  Brierre  de  Boismont  :  Sans  prdtendre  dtablir  de  rdgle  gdnd- 
rale,  je  maintiens  que  dans  Ic  cas  actuel  cette  femme  a  succombd 
dvidemment  aux  suites  de  sa  maladie  premidre. 

M.  Legrand  du  Saulle:  On  a  trop  gdndralisd  la  question  dans  cette 
discussion ;  il  ne  faut  pas  sortir  du  cas  particulicr.  Au  moment  du 
contrat,  la  dame  X...  dtait-elle  atteinte  de  la  maladie  ii  laquelle  elie 
a  succombd?  Eh  bien  non,  elle  n’dtait  pas  atteinte  de  I’attaque  mor- 
telle  qu’elle  a  subie  seize  jours  aprda. 

La  sdance  est  levde  S  six  heures. 


REVUE  ANTHROPOLOGIQUE. 


BuIlKlinN  et  M^Miiolres  de  la  Soci^tc  d'anlhropologic  de  1‘ariH, 

Par  M.  le  docteur  Achille  Foyille. 


La  Soci6ld  d’anthropologie  de  Paris,  fondle  en  1 859,  a  rapidemen  l 
acquis  uiie  importance  consid&able,  tant  par  le  nombre  et  le  savoir 
de  ses  membres  que  par  I’intdret  attache  ii  ses  publications. 

Celles-ci  se  composent  de  Bulletins  et  de  Memoires.  Les  pre¬ 
miers,  publids  par  cahiers  triraestriels,  donnent  les  procts-verbaux 
des  seances  et  forment  aujourd’hui  sept  volumes.  Les  Memoircs 
contiennent  les  Iravaux  originaux.  Ins  en  s6ance,  mais  irop  dtendus 
pour  etre  reproduits,  in  extenso,  dans  les  bulletins ;  ils  forment  j  us- 
qu’ici  deux  volumes. 

Ne  pouvaiit  analyser  tons  les  U'avaux  qui  font  I’objet  des  discus¬ 
sions  de  la  Socidte,  et  beaucoup  d’entre  eux  etant,  du  restc,  du 
domaine  de  I’Archdologie  et  de  la  Linguistique,  plus  que  de  celui  de 
la  medecine,  nous  nous  bornerons  a  donner  une  analyse  succincte,  de 
ceux  qui  se  rapportent  aux  questions  gdndrales  relatives  aiix  races 
bumaines,  aux  elfets  des  croisements  envisages  tant  dans  les  peo¬ 
ples  que  dans  les  castes  et  dans  les  families,  et  anx  causes  herddi- 
taires  ou  autres  de  ddpdrissement  et  de  perfectionnement  des  diverses 
formes  des  agglomerations  bumaines.  Ces  questions,  en  eflet,  outre 
rintdret  general  qu’elles  doivent  inspirer  5  lout  homme  instniit, 
.s’imposent  plus  particuliferement  a  I’etude  des  medecins  alicmistcs, 
qui,  par  la  specialite  mSme  de  leur  pratique,  se  trouvent  journelle- 
ment  en  presence  des  problfemes  embrassant  les  causes  de  degeneres- 
cence  des  races  et  des  individus,  les  lois  de  I’herediie  morbide,  les 
moyens  d’ameiioration  de  I’espfece,  etc. 

Bien  entendu,  noire  role  dans  ce  travail  sera  celui  d’un  simple 
rapporteur,  et  nous  n’aurons  que  bien  rarement  a  exprimer  une 
opinion  qui  nous  soil  propre  dans  des  questions  iraitees,  aprfcs  des 
etudes  personnelles  approfondies,  par  des  hommes  dont  pluiiieurs 
sont  arrivtis  aux  postes  les  plus  eminents  de  la  science  el  de  I’ensei- 
gnement. 


REVUE  ANTIinOPOLOGIQUE.  'lH 

SOMHAIRE.  —  Eflet  des  croisements  sur  la  developpenient  des  races 
bumaines.  —  Etbnologie  de  la  france;  ses  anoiens  habitants  el  ses 
habitants  actuels.  —  Les  races  pures  sont-elles  physiquement  el 
moralemont  superieures  ou  inferieures  aux  races  creisees  ?  —  Ddpe- 
rissement  des  populations  indigenes  dans  les  pays  envahis  par  les 
Europeens.  —  Du  dcgrc  variable  de  perfeotibilite  des  diflerentes  races 
humaines  ;  en  esl-il  quelques-unes  qui  soient  absolument  refrac- 
laires  a  la  civilisation  ?  —  Sterilitd  des  femnaes  indigenes ;  est-elle 
due  a  leurs  rapports  avec  les  Europdens  ?  —  Des  manages  consan- 
guins ;  les  inconvenients  qu’on  leur  attribue  sont-ils  reels,  et,  dans 
I’afflrmalive,  sont-ils  le  resultat  de  la  consanguinite  prise  en  elle- 
mfime,  ou  celui  de  riiercdite  morbide  ? 


Tonies  les  eludes  anthropologiques  sont  doraindes  par  tine  ques¬ 
tion  sur  laquelle,  malheureusement,  il  y  a  peu  d’espoir  de  parvenir 
jamais,  par  la  vole  scieulifique,  a  une  solution  incontestablement 
ddmonlrde  et  unanimement  admise  ;  celle  de  savoir  si  tous  les 
liommes  proviennont  d’une  mdme  origine,  ou  s’ils  descendent  de 
plusieurs  souebes  distincles. 

Geux  qui  adinellent  runitd  du  genre  humain,  ou  monogenistes, 
et  ceux  qui  croient  au  coiitraire  &  la  pluralild  des  origines,  ou  poly- 
gdnisles,  ii’oritpas  de  terrain  interraddiaire  sur  lequel  la  concilia¬ 
tion  puisse  sc  faire,  et  ces  deux  ihdorics  paiaisseiit  destindes  &  resler 
inddfiiiiinent  en  prdsence,  sans  que  ITine  des  deux  puisse,  jamais, 
ramcner  a  ellc  tomes  les  opinions  dissidentes. 

Mais,  quoi  qu’il  en  ait  dtd  de  Torigine  du  genre  bumain,  il  n’en 
est  pas  moins  incontestable,  pour  les  monogdnistes  aussi  bleu  que 
pour  les  polygdnistes,  que,  depuis  les  temps  hisloriques  les  plus 
reculds,  les  hommes  ont  constitud  des  races  plus  ou  moins  dissem- 
Dlables,  et  que  cerlaines  de  ces  races,  par  suite  des  migrations  et 
des  changements  survenus  i  la  surface  de  la  terre,  se  sont  trouvdes 
radlangdes  les  unes  aux  autres,  tandis  que  d’autres  restaient  prd- 
servdes  de  tout  contact  dtranger  et  par  consdqaent  sans  mdiange.  Il 
en  est  done  rdsulld  pour  les  races  humaines  deux  conditions  oppo- 
sdes,  celle  de  mdiange  et  celle  de  puretd  ;  et  Ton  a  dd  se  demander 
laquelle  des  deux  diait  prdfdrable. 

En  d’autres  termes,  les  mdlanges  de  race  i  race,  ou  croisements, 
.pour  employer  Texpression  consaerde,  sont-ils  favorables  ou  ddfa- 
vorables  au  ddveloppemenl  eti  la  conservation  des  races  nouvelles 
qui  en  proviennenl?  Cette  question  est  discutde  depuis  longtemps, 
et  des  auteurs  dgalement  graves,  dgalement  dclairds,  ont  dmis  d  cet 
dgard  des  opinions  diamdtralement  contraires. 


•il2  BtlVtJt:  tRANCAtSE  ET -flTRANGiifiE. 

D6s  les  pi  emiferes  stances  de  la  noiivelle  Soci4l6,  deux  de  ses  mem  - 
bres  les  plus  aiitorises,  M.  Broca,  son  secretaire  general,  et  M.  Pe- 
lier,  medecln  en  chef  des  Invalides,  ont  aborde  de  nouveau  cet 
imporlant  problfeme,  et  se  son!  ranges  dans  les  deux  camps  op¬ 
poses. 

M.  Broca,  cherchant  ses  moyens  de  solution  dans  I’eiude  de  la 
population  actuelle  de  la  France,  s’est  propose  de  demontrer  que 
cette  population  presente  presque  parloul  les  caractferes  d’une  race 
croisee;  sa  conclusion  naturelle  devait  fitre  que  le  croisement  des 
races  ne  porte  pas  toujours  alteinie  h  la  recondite,  ii  la  vigueur  et  a 
I’intelligence  des  peoples  issus  de  ce  croisement.  (Beeherches  sur 
I’ethnologie  de  la  France.  Memoires,  t.  I,  p.  1  a  59.) 

Donnons  uiie  rapide  analyse  de  ce  memoire.  L’auteur  etablit 
qu’au  temps  de  Cesar  deux  vieilles  races  gauloi.sesj  b  caractferes 
physiques  opposes,  souches  principales  de  la  nation  franqaise,  occu- 
paient  pt-esque  exclusivement  notre  territoire.  C’etaient  : 

1“  Les  Galls,  Gaels,  plus  connus  sous  le  nom  de  Celtes,  petits  de 
taille,  bruns  de  cheveux,  ayant  la  tfite  ronde,  le  front  large,  le 
nez  moyen,  le  visage  arrondi,  le  corps  velu  :  ils  occupaient  la  grande 
zone  comprise  entre  la  Garonne  et  la  Seine,  depuis  les  Aipes  jusqii’a 
Textremite  de  rArmorique. 

2“  Les  Kimris,  Cymris  ou  Cimbres,  appeies  par  Cesar  Beiges  ; 
ils  eiaient  grands  et  blonds,  avaient  la  tete  longue,  le  front 
haul  et  eiroit,  le  nez  long,  le  menton  saillant,  le  visage  allonge,  les 
polls  moins  developpes,etreraplissaient  I’espace  compris  entre  la 
Seine  et  le  Rhin. 

A  ces  deux  races  principales  s’en  ajoutaient  deux  autres,  d’une 
importance  numerique  tout  5  fait  secondaire :  la  race  Aquitaine, 
qui  aprits  avoir,  occupe,  jadis,  la  plus  grande  partie  de  la  Gaule, 
avail  ete  reieguee  par  les  Celtes  aux  pieds  des  Pyrenees,  ou  die  a 
forme  la  race  Basque;  et  la  race  Laline,  qui  avail  dejA  pris  posses¬ 
sion  du  littoral  deda  Mediterranee,  et  allail  .s’etendre  du  sud  au 
nord  sur  la  rive  gauche, du  Bhdne. 

A  ces  elements  deji  complexes  allaient  bienldt  s’ajouter,  par 
irruptions  successives,  de  nouveaux  venus  appartenant  aux  races 
germaniques :  les  Franks  dans  le  uord-est;  les  Burgondes  dans  le 
bassin  de  la  SaOne;  les  Wisigoths  dans  1’ Aquitaine,  et  enfin  les 
Normands  vers  I’emboucliure  de  la  Seine. 

Depuis  cette  dpoque,  les  migrations,  les  melanges  de  toutes  series 
ont  ete  tenement  multiplies,  que  les  caraclferes  des  races  primitives 
n’ont  pu  se  conserve!-  inlacts.  De  nos  jours  on  ne  pent  irouver. 


REVUE  ANTHROPOEOGIQUE.  11  S 

nulle  part  en  France,  des  populations  appartenant  exclusivement  A  la 
race  pure,  sauf  quelqiies  regions  trgs-circonscrites,  telles  que  le  pajis 
Basque  (Aquitains),  la  cOte  de  L€on  (Kimris),  et  I’ancien  district 
de  Cornouailles  (Celles).  M.  Broca  pense  n^anmoins  qu’au  milieu  de 
ces  melanges  de  races  et  de  cet  ^change  decaractlsres  eibnologiques, 
les  Celtes  et  les  Kimris  ont  toujours  coiiservd  une  predominance 
numerique  considerable,  el  imprime  amc  populations  de  nos  diverses 
provinces  un  cachet  assez  reconnaissable,  pour  qu’ll  soil  poskble 
d’assigner,  encore  aujourd’hui,  des  limites  assez  exactes  aux  regions 
occupees  par  les  descendants  de  chacune  de  ces  deux  races  princi- 
pales. 

Pour  arriver  &  la  demonstration  de  ce  fait,  I’auteur  devait  mon- 
trer  d’abord  qu’il  est  possible  de  distinguer  ces  descendants  les  uns 
des  autres,  A  I’aide  de  caracteres  taciles  ii  constater  et  A  apprecier; 
mais  malheureusement  la  plupart  des  caracteres  eibnologiques,  tels 
que  les  variations  notables  des  traits,  des  formes  cephaliques,  des 
yeux,  des  cheveux,  du  teint,  dchappent  ii  une  appreciation  rigou- 
reuse  et  <i  une  evaluation  numerique  dans  une  population  aussi 
meiangde  que  celle  de  la  France. 

II  est  pourtant  un  trait  qui  est  rigoureusement  appreciable,  et  qui 
se  prdte  ii  touies  les  exigences  de  la  statistique ;  c'est  celui  de  la  taille. 
En  rafime  temps  11  a  une  importance  distinctive  trfes-considerable, 
puisqiie  nous  avons  vu  que  le  Celtes  etaient  petits,  et  les  Kimris, 
au  contraire,  d’une  stature  eievee;  enfm  ce  caracifere  se  irouve  of- 
fioiellement  et  exactement  constate,  pour  tons  les  Frangais  du  sexe 
masculin  arrives  it  Page  de  vingi  ans,  dans  les  registres  de  la  con¬ 
scription,  Aussi  est-ce  caractfere  qui  a  servi  de  base  k  I’argumenta- 
tion  de  M.  Broca.  En  etudiant  attentivement  ces  registres  et  en 
comparant  le  nombre  proportionnel  de  consents  reformes,  dans 
chaque  departement,  pour  defaut  de  taille,  il  est  arrive  a  etablir 
que  I'inlluence  kimrique  predomine  encore  notablement  enlre  fa 
Seine  et  le  Bhin,  zone  dans  laquelle  les  hommes  grands  et  blonds 
sont  en  majorite,  tandis  qu’au  contraire  I’inlluence  celtique  reste 
preponddrante  au  sud  de  la  Loire  et  dans  les  departements  de  la 
Bretagne,  regions  ob  la  majorite  est  composee  d’hommes  bruns  et 
de  taille  moins  eievde.  Eniln,  dans  une  zone  intermediaire,  com¬ 
prise  enlre  la  Seine  et  la  Loire,  el  ddsignee  par  I’auteur  sous  le  nom 
de  Kimro-Celtique,  les  deux  grandes  races  des  Celtes  et  des  Kimris 
se  sont  necessaireinent  meides,  et  leur  double  empreinte  se  trouve 
encore  sur  les  populations,  plus  ou  moins  dvidente  suivant  les  loca- 
litds,  plus  ou  moins  attenude  par  I’inlluence  relativement  Idgfere  des 
Romains,  des  Burgondes  et  des  Normands. 

ANNAL.  MeD.-PSveir,  4'  serie,  t.  IX.  Janvier  18(57.  8.  8 


iiil  REVUE  FRAUgAlSE  ET  fiTRANGfeRE. 

‘ '  t>our  rendreces  rtsultats  plus  frappants,  I’auteur  a dressddes carles 
pittoresques,  dans  lesquelies  diff^rents  ddpartements  de  la  France 
sont  r^partis  en  quatre  sdrles  teintfes  de  nuances  plus  ou  moins 
foncdes,  suivant  que  les  conscrits  rdform^s  par  d^faut  de  taille  y  sont, 
relativement,  plus  ou  moins  nombreux.  Un  seul  coup  d’oeil,  jet6 
sur  cetid  carte,  permet  d’apprdcler  imm^diaternent  I’influence  des 
orlglnes  elhnologlques  et  eelle  des  croisemenls  sur  la  taille  actuelle 
des  Franqais. 

En  rapprbchani  ces  rSsultals  des  donn^es  fournies  par  des  re- 
cherches  historlques  approfondles  sur  les  envahissements  et  les 
migrations  dont  notre  sol  a  dt6  le  thdatre,  I’auteur  montre  que  les 
croisemenls  ont  eu  pour  ellet  d’augmenter  la  taille  raoyenne  des 
'Celtes  et  de  diminuer  celle  des  Kimris ;  que  les  ddpartemenis  oft  la 
taille  est  le  moins  diev^e  sont  ceux  oft  les  Celtes  ont  subi  le  moiiis 
de  croisemenls ;  que  la  taille  de  ceux-cl  a  grand!  en  proportion  de 
I’abondance  des  dements  Strangers  auxquels  leur  race  s’est  alllSe, 
et  qu’en  rSsumS,  la  taille  des  habitants  de  chaque  rSgion  du  terri- 
toire  franQais  dfipend  principalement  et  peut-fttre  exclusivement  de 
la  nature  des  croisemenls  qui  s’y  sont  produits.  Enfm,  comme  con¬ 
firmation  de  ce  que  nous  disions  dfes  le  dSbut,  il  ressort  de  cette 
Stude  que  les  croisemenls  qui  se  sont  fails  en  France,  d’une  part 
entre  les  Celtes  et  les  Kimris,  d’auire  part  entre  ces  deux  races 
et  les  races  germanique  et  laiine,  n’ont  exercS  aucune  influence  fft- 
cheuse  sur  la  population,  attendu  que  la  force,  la  validitS,  la  fScon- 
ditS  et  la  longSvltS  des  hommes  sont  les  mfimes,  en  moyenne,  dans 
les  dSparlements  oft  les  races  ont  subi  le  moins  de  melange,  et  dans 
ceux  oft  elles  en  ont  subi  le  plus. 

Tel  est  le  r&umd  de  ce  mdmoire  inldressant,  dont  il  dtail  diffi¬ 
cile  de  contester  les  donndes,  et  encore  plus  de  combattre  les  con¬ 
clusions.  Quelques  objections  furent  n^anmoins  soulevdes  par 
IM.  Georges  Poucliet ;  mais  elles  poriaient  sur  des  points  secondaires, 
D’aprfes  lui,  les  nations  germaniques  auraient  dtfi  de  mdme  race  que 
Iqs  Kimris,  et  les  Remains  de  mSme  race  que  les  Celtes  ;ce  qui  rd- 
duirait  de  quatre  ft  deux  les  races  dldmenlaires  de  la  France.  Il  se 
demande  dgalement  si  la  population  intermddiaire  ft  ces  deux  races, 
an  lieu  de  .rdsulter  de  leur  croisement,  ne  consisterait  pas  seule- 
ment  en  un  simple  mdlange.  M.  Broca  lui  rdpondii  avec  raison  que, 
dans  ce  dernier  cas,  la  population  actuelle  des  rdgions  intermd- 
diaires  de  la  France,  entre  la  Seine  et  la  Loire,  devrait  se  composer 
de  quanlitds  ft  peu  prfes  dgales  d’hommes  ayant  conservd  intacls  tous 
les  caraclftres  des  races  primitives,  tandis  qu’au  contraire  ces  carac- 


REVUE  aNTUROPOLOGIqUE.  '11*5 

;  iferes  soht  confondus  et  iniSgalemeot  rdparils,  cd  qul  doil  eii'C  I’elfti 
‘.d'un  ci'oisement  et  non  d’un  mdlaiige. 

M.  Pdiier  s’occupe  de  cette  question  des  croisemenis  de  races  a 
un  point  de  yue  tout  different.  {Sur  les  croisements  ethniques,  MG- 
■  moires,  t,  I,  p.  69  4  92.)  11  se  demande  dgalement  sides  croiseiRciits 
dC;  race  son!  un  dldment  de  progrfes  pour  Jes  populations  qut  eri  ptb- 
viennent;  mais,  coiitrairemcnt  &  I’opinion  la  plus  gdn^rale,  qiii  eSt 
.  celle  que  nous  venous  de  voir  ddfendue  par  M.  Broca,  il  ii’hdsiSte 
pas  a  rdpondre  i  cette  question  par  la  ndgative. 

11  s’attache  spdcialerrient  a  Uexamert  des  rdsuitats'  fbuinis  par-  le 
.  iJidlange  entre  ellesdes  races  de  souche  blanche  qtii  occupent  I’Eii- 
rope,  unc  partie  del’Asl&et  de  I’Afrlque  septentrionalc,  et  ihvoqde 
successivement  des  tdmoignages  empruntds  a  I’histoii'e  deS  PSrsoni, 
des  Georgiens  et  Circassiens,  des  Tuns,  des  Romains,  des  Juifs, 
des  Kabyles,  dza  Basques  ;  ce  qui  nel’empeche  pas  de  faire  quelques 
excursions  plus  loinlaines,  pour  nous  parler  des  Anglo-Amiritaini, 
des  Indians,  des  O'tditiens.  Partout  il  compare,  sous  le  rapport 
physique  comme  sous  le  rapport  iniellectuel,  les  peoples  les  plus 
mdlangds  avec ceux  qui  ont  conserv'd  la  pureid  de leur  race;  et  par- 
toutil  croit  irouver  dans  cette  puretd  une  cause  de  supdriorltd,  et  au 
contraire,  dans  le  mdlange,  Un  dldment  d’infdrloritd.  Des  nations  il 
passe  aux  individus,  et  croit  pouvoir  dire  que  les  hommes  illustres 
de  I’antiquitd,  aussi  bien  que  ceux  des  temps  modernes,  offrentles 
traits  qui  caracidrisent  les  races  pures,  quolqu’ils  soient  nds  soiivent 
au  milieu  d’utte  population  ti'6s-radlangde. 

L’auteur  rdsume  lui-mdme  son  travail  en  ces  termes  : 

«  En  rdsumd,  nous  avons  repoussd  comme  inadmissibles  leS  prih- 
»  cipaux  tdraoignages  que  I'on  apporte  en  faveur  de  Pntilitd  des 
I)  croisements ;  —  nous  avons  dtabli,  en  mdme  temps,  que  parmt  les 
»  races  blanches  en  particulier,  les  plus  rdgullferement  conformges 
n  dlaient  en  mdme  temps,  ou  paraissaient  les  plus  pures;' —  nous 
■))  avOns  exposd  des  falts  d’aprSs  lesquels  ces  races  auraient  elt  p’ar- 
»  tage,  non-seulement  molns  de  maladies,  moins  d’infirmitds  Con- 
))  gdnlales,  mais  encore  plus  de  longdvitd,  peut-fitre  aussi  plus 
»  d’aptitudes  pour  I’acclimatement,  que  les  races  notoirement  me- 
,)  Ides ;  —  puis  nous  avons  envisage  les  raisons  par  suite  desquelles 
1)  plusieurs  de  ces  mdmes  races,  pour  faillir  de  nos  jours  a  la  civi- 
t)  lisation,  ne  semblent  pas  moins  dotdes  de  facultds  affeclives  et 
»  intellectuelles  en  rapport  avec  leur  constitution  physique ;  —  en- 
»  fin  nous  avons  montrd  que  souS  ces  divers  points  de  vud,  il  en 
»  dtait  des  individus  comme  des  races.  Notts  concluons  done  que  le 


446  REVUE  FRANQAISE  ET  fiTBANGfeRE. 

»  d^faut  de  melange  n'implique  point  I’amoindrissement  des  races 
»  humaines,  et,  par  consequent,  que  les  croisements,  en  general,  ne 
1)  sont  point  necessaires  4  leurs  progrSs.  » 

Dans  la  discussion  qui  suivit  ia  lecture  de  ce  memoire,  les  prin¬ 
cipals  objections  furent  presentees  par  M.  de  Quatrefages,  profes- 
seur  d’anthropologie  an  Museum.  An  lieu  de  penser,  comme 
M.  Perier,  que  les  croisetnenls  des  races  sont  le  plus  souvent  nui- 
sibles  et  quelquefois  seulement  utiles,  M.  de  Quatrefages  croit,  au 
contraire,  que  ces  croisements  sont  utiles  dans  la  majorite  des  cas, 
mais  neanmoins  nuisiblest  dans  quelques-uns.  A  cet  egard,  sa  ma- 
niere  de  voir  et  cede  de  M.  Perier  ne  sont  done  pas  absolument  con- 
tradictoires,  et  elles  ne  varient  que  par  une  difference  du  plus  ou 
moins.  Mais  il  n’en  est  plus  de  mfime  de  I’opinion  emise  par  M.  Pe¬ 
rier,  que  d’une  manifere  generale,  les  races  les  plus  pures  sont  les 
plus  belles,  et  que  les  types  des  principales  races  humaines  sont 
permanents,  4  I’abri  par  consequent  de  toute  modification  resultant 
del’influence  modificatrice  des  ciimats  et  autres  circonstances  am- 
biantes  :  ici  M.  de  Quatrefages  se  separe  de  lui  d’une  maniere  com¬ 
plete  et  rejette  absolument  cette  doctrine. 

M.  Broca  expose  a  son  tour  une  sCrie  de  faits  qui  lui  paraissent 
montrer  que  les  lesultats  des  croisements  sont  d’autant  plus  defec- 
tueux  que  les  races  meres  sont  plus  eioignees  les  unes  des  autres, 
proposition  dCj4  admise  pour  les  animaux, 

Les  principaux  de  ces  faits  sont  : 

1“  L’absence  presque  absolue  de  Kcondite  des  rapports  des  Euro- 
peens  avec  les  femmes  australiennes  et  tasmaniennes.  Bien  que  ces 
rapports  soient  des  plus  frequents,  les  produits  (mdtis)  sont  tres- 

2°  La  mCme  absence  de  fCcondite  pour  les  unions  des  equipages 
franqais  avec  les  femmes  neo-caiedoniennes,  quoique  celles-ci  soient 
d’une  race  bien  moins  degradCe  que  les  Australiennes  etles  Tasma¬ 
niennes. 

3"  D’aprfes  M.  JNoit,  un  des  auteurs  du  Crania  americana,  I’infe- 
riorite  des  metis  provenant  de  I’union  des  negresses  et  des  Anglo- 
Saxons,  comparativement  4  ceux  qui  sont  nes  du  commerce  des 
mfimes  ndgresses  avec  ies  colons  franqais  et  espagnols,  ces  derniers 
qui  sont  bruns  etant  moins  eioignCs  des  races  noires  que  ne  le  sont 
les  Anglo-Saxons  4  cheveux  blonds. 

Enfin,  M.  le  docteur  Rufz,  qui  a  longtemps  habite  les  Antilles,  et 
qui  est,  aujourd’hui,  directeur  du  Jardin  d’acclimailon,  n’hesite 
pas  4  penser  que  le  croisement  de  la  race  noire  et  de  la  race  blan¬ 
che  4  la  Martinique  a  produit  une  population  de  mulStres  bien  supC- 


REVUE  ANTHROPOtOGlQUE.  117 

rieiire  &  celle  des  nfegresj  et  i  laquelle  par  consequent  le  ci'oisement 
avec  les  blancs  a  ete  irgs-favorable. 

A  cette  discussion  en  succdda  une  autre,  s’eu  rapprochant  A  plus 
d’un  egard.  II  s’agissait  cette  fois  du  deperissement  de  certaines  races 
humaines,  independamment  de  tout  croisement.  M.  Trdlat  avail  ete 
charge  de  rendre  compte  &  la  Societe  de  deux  thfeses  de  doctoral 
subies  a  Paris  en  1860,  Tune  de  M.  Leroy,  intituiee  Relation  medi- 
cale  du  voyage  de  la  Perseverante  dans  I’ocean  Pacifique ;  I’autre 
de  M.  Michaux,  ayant  pour  litre  :  De  la’  Guyane  et  de  ses  itailis- 
sements  penitentiaires, 

11  signala,  cotnme  principal  fait  d’anlhropologie  mentionne  dans 
ces  deux  ihfeses,  la  decroissance  continue  des  populations  indigenes 
de  la  Guyane  et  de  la  Polynesie,  dans  les  regions  ofi  les  Europeens 
se  sont  etablis,  mSme  en  petit  nombre. 

Ce  fait,  bien  constate  depuis  longtemps  par  I’accord  unanime  des 
voyageurs,  n’est  pas  encore  explique,  d’une  manifere  salisfaisante. 
On  lui  a  altribue  tin  grand  nombre  de  causes,  sans  doute  parce  que 
I’on  ne  connaissait  pas  les  veritables. 

Les  massacres,  au  moment  de  I’invasion,  et  les  mauvais  traile- 
ments  des  Europeens,  depuis  I’occupation,  ont  sans  doute  dans  cer¬ 
tains  pays  fait  perir  beaucoup  d’indigJnes ;  mals  leur  action,  con- 
siderablement  exageree,  n’a  ete  que  parlielle ;  et  Ik  ou  elie  ne  s’est 
jamais  fait  sentir,  la  population  primitive  n’en  disparalt  pas  moins. 
M.  Leroy  est  d’avis  qu’on  ne  doit  lui  atlribuer  qu’une  influence  tout 
k  fait  secondalre  dans  cette  question,  et  cette  opinion  paralt  gendra- 
lement  partagee. 

L’abus  des  alcooliques  a  ete  invoquee  par  plusieurs  auteurs,  el 
rappeie  k  la  Societe  par  M.  Rufz;  mais  ici  encore  il  a  dtd  rdpondu 
que  Taction  de  ces  excks  n’est  que  parUelle  et  secondaire ;  que  cer¬ 
taines  peuplades  parmi  lesqnelles  Talcool  n’a  pas  peneird  n’en  sont 
pas  ^ins  en  voie  de  disparition ;  que  d’autres,  au  contraire,  s’eni- 
vraieW  kvec  des  liqueurs  alcooliques  de  leur  invention,  les  Polynd- 
siens  par  exemple  avec  le  kawa,  avant  Tarrivee  des  Europeans,  et 
que  cependant  ce  n’est  -que  depuis  cette  dpoque  que  leur  nombre 
dimlnue. 

Une  influence  plus  active,  mais  encore  insulBsante  k  tout  expll- 
quer,  doit  fitre  attribude  aux  maladies  dpiddmiques  et  contagieuses. 
M.  Leroy  signale  la  syphilis,  la  phthisie  pulmonaire  et  surtout  la 
variole.  M.  Martin  de  Moussy  Jnsisle  dgalement  sur  cette  dernikre. 
M.  de  Quatrefages  cite,  k,  ce  propos,  ce  fait  rapporid  par  Darwin, 
entre  beaucoup  d’autres,  que  toules  les  fois  qu’un  dquipage  euro- 


118  REVUE  FRANQAISE  ET  fiTRANGfeRE. 

p^en  sSjourne  quelque  leiups  dans  une  lie,  il  y  laisse  certaines  ma¬ 
ladies  ^pidemiques  qui  sevissent  exclusivement  sur  les  indigenes,  et 
dont  ces  Europdens  eux-m6mes  ne  sent  pas  affectds.  M.  Boudin 
reponnait  I’exislence  de  ces  maladies  ddveloppdes  chez  les  indigfenes 
par  suite  du  sdjour  d’un  dquipage  euiopden,  et  appeldes  par  les  An¬ 
glais;  maladies  zymoliques  (de  levain) ;  mais  elles  ne  luiparais- 
seht  pas  sulBsantes  pour  expliquer  comment  les  populations  indi- 
gfehes  disparaissent  de  certains  pays,  mfime  de  ceux  qui  prdsentent 
une  grande  salubritd,  et  oil  la  mortality  des  garnisons  europdennes 
est,extr6mement  faible. 

De  nombreux  tdmoignages  paraissent  s’accorder  pour  reconnaitre 
une  influence  pins  considdrable  i  la  stdrilitd  des  femmes,  qui  cat 
presque  gdndrale  dans  toutes  les  populations  indigfenes;  mais  celte 
stdrilitd  elle-m6me  n’est  pas  suflisamment  expliqude.  M.  Leroy  la 
rapporte  au  libertinage  effrdnd  des  femmes  indigenes ;  M.  Puche- 
ran  a  la  prdcocitd  do  leurs  amours;  le  comte  de  Slrzelecki  A  leurs 
rapports  sexuels  avec  les  Europdens.  On  a  encore  pensd  que  celte 
stdrilitd  n’dtait  pas  rdelle,  mais  que  ces  femmes  craignant  dlavoir  5 
hoiirrir  leurs  ehfants,  avaient  I’habitude  de  se  faire  avorler  ou  bien 
d’dtrangler  leurs  produits,  peu  aprfes  leur  naissance,  au  fond  des 
fordts,  par  consdquent  loin  des  yeux  des  observateurs  europdens. 
■Quoi  qu’il  en  soil  de  ces  diverses  hypothbses,  nous  pouvons  constater 
et  regrelter  avec  M.  de  Castelnau  que  celte  stdrilltd  n’ait  pas  encore 
did  dludide  d’une  manidre  rationnelle  et  scientifique. 

■  A  c6td  de  ces  causes  physiques,  on  a  admis  Taction  de  causes 
nioraies,  telles  que  la  tristesse  et  I’abattement  resultant  pour  les  indi¬ 
gfenes  de  Tenvahissement  de  leur  pays  par  les  Europdens.  D’aprfes 
M.  Graijolet,  ils  seraient  en  proie  fe  une  sorte  de  nostalgie,  en  sen- 
tant  que,  mfeme  sur  leur  sol  natal,  ils  ne  sont  pips  chez  eux;  cede 
disposition  d’cspril  pourrait  provoqucr  direclement  la  ddpopulallon, 
en  muUipliant  les  ddces,  ou  bien  jndireclement,  en  ponssant  les 
ipalheureux  qui  en  sent  attcints  fe  Tivrognerje  et  peut-dtre  a  la  std- 
rijitd.volQnlaire,  '  . 

’  Pen  satisfait  de  ces  explications,  M.  Broca  en  invoque  ime  plus 
^d^drale.  II  se  demande  si,  du  moment  ou  les  Europdens  s’emparent 
d’line  partie  du  sol,  les  indigfenes  ne  souffrent  pas  par  insulBsance 
de.  resBources  alimentaires.  En  effet,  ils  sont  presque  lous  incapables 
de  s’asireindve  t>u  travail  el  fe  Tagriculture ;  ne  se  nourrissant  que 
des  produits  natiirels  du  sol,  sans  rien  faire  pour  les  muUiplier  ni 
les  perfectipnner,  ils  ont  besoln  d’un  domaine  trfes-dtendu  pour  as-, 
surer  leur  npurrit,ure,'et  du  mopacnt  oS  une  pavcelle  de  leur  lerri- 
loire  leur  est  cnJevde,  ils  gc  U'Pii.veni-rddults  it  des  privaUpnsddbUi-, 


REVUE  ANTHROPOLOGIQUE.  119 

tantes  et  a  une  disette  relative  qui  d^terminent  leur  decroissance,' 

II  en  rdsulte  que  les  populations  les  plus  rapprochdes  de  I’dtat  de 
nature  semblent  celles  qui  souffrent  le  plus  du  contact  des  peoples 
civilisdsj  etqui  ont  le  plus  de  chances  de  disparaltre  d4finllivement 
dll  globe, 

M.  de  Quatrefages  admet  aussi  que  le  commencement  de  la  civi¬ 
lisation  d’une  race  est  une  transition  dangereuse  pour  elle.  Le  chan- 
gement  de  moeurs  est  nuisible  a  un  grand  nombre  d’indlvidus,  et  la 
nationality  tout  entifere  pent  succomber  dans  cette  dpreuve. 

Arrivye  a  ce  point,  la  discussion  fut  amende  par  une  pente  natu- 
Velle  a  s’dlargir,  et  a  porter  sur  lesdifldrences  inhdrentes  aux  diverses 
races  humaines  au  point  de  vue  de  leur  aptitude  a  la  civilisation, 
c’est-a-dire  sur  leur  perfectibility. 

On  ne  pent  myconnattre  a  quel  point  certaines  races  sont  arrid- 
rdes  dans  ieur  dyveloppement  inteliectuel,  moral  et  social,  quand 
on  les  compare  aux  nations  europdennes.  Mais  cette  infdrioritd  n’est- 
elie  que  temporaire  ?  Peut-elie  faire  place  a  un  dtat  de  civilisation 
progressive  qui  diminue  peu  a  pen  la  distance  qui  les  sdpare  de 
nous?  Oubien,  au  contraire,  est-elle  ddfinltive,  irrdmddiable,  etdd- 
pend-elle  d’un  ddfaut  originel  d’organisation,  en  sorte  que  les  races 
qui  en  sont  atteinies  ne  puissent  jamais,  quelques  efforts  qu’elles 
fassent  ou  qu’on  fasse  pour  elles,  s’dlever  au-dessus  de  I'dtat  sau- 
vage  oil  elles  sontactuellement? 

Engagds  avec  ardeur  sur  cette  question,  les  ddbats  se  prolongfe- 
rent  pendant  cinq .  sdances,  et  tons  les  arguments,  pourou  centre 
cbacune  des  deux  thfeses,  furent  a  plusieurs  reprises  mis  en  avant 
et  vivement  dlscutds.  Donnons  un  abrdgd  des  prlncipales  opinions. 

M.  Pdrler  pense  que  les  diffdrentes  races  sont  Irds-indgalement 
aptes  a  dtre  civilisdes,  et  que  certaines  d’entre  elles  sont  d’une  infd- 
rioritd  telle,  qu’elles  ne  pourront  jamais  s’dlever  au-dessus  de  leur 
condition  actuelle ;  mais,  loin  de  voir  dans  cette  infdrioritd,  mdme 
ddflnitive,  de  certaines  races  une  justification  de  leur  a'sservisse- 
raent,  ni  des  mauvais  traitements  exercds  a  leur  dgard,  il  proclame 
qu’il  est  du  devoir  des  races  supdrieures  de  se  conslddrer  comme 
tenues  a  la'protection  et  h  I’avancement  de  celles  qui  sont  au-dessous 
d’elles,  dans  les  limites  du  possible. 

M.  Broca,  partisan  des  mdmes  iddes,  cite  I’exemple  de  deux  races 
diffdrentes  de  I’Ocdanie  dont  les  destindes  lui  paraisseut  ollrir  le 
contraste  le  plus  frappant,  En  Australie,  dit-il,  tous  les  efforts  des 
,  Anglais  pour  civiliser  les  populations  indig6nes,  soil  en  vpulant 
changer  les  moeurs  des  adultes,  soiten  cherchant  it  faire  spr, place 


120  REVllE  FRANCAISE  ET  fiXRANGfeRE. 

f  Mucation  des  enfanis,  soilmemeenenvoyant  ceiix-ci  en  Angleterre 
pour  etre  ^levAs  Si  I’europ^enne,  ont  infructueux;  les  indigenes 
se  sent  montris  absolument  rtfractaires  &  nos  moeurs ;  ils  sont 
i'est^s,  et  probablement  ils  resteront  toujours  compldtement  sau- 
yages. 

Aux  ties  Sandwich,  au  contraire,  les  insulaires^  toujours  resits 
maltres  chez  eux,  out  spontan^ment  adopts  noire  civilisation,  nos 
moeurs,  noire  Industrie,  et  jusqu’i  la  forme  reprAsentalive  de  nos 
gouvernements  (Royaiime  Hawaiien). 

II  en  conclut  que  les  aptitudes  intellectuelles  inggalement  r6par- 
ties  entre  les  dilT^rentes  races  humaines,  et  variant  de  I’une  Si  I’autre, 
sont  h^r^ditaires,  comme  les  caraetbres  physiques,  et  ne  peuvent 
pas  etre,  plus  que  ceux-ci,  modififies  par  des  influences  ext^rieures. 

M.  O’Rorke,  chirurgien  de  I’exp^dition  beige  qui  a  fait  le  tour  du 
iiionde  en  18/17-1851,  apporte  I’appui  de  ses  observations  person- 
nelles  aux  exeroples  cil^s  par  M.  Broca ;  aprfes  avoir  4iudid  avec  sola 
les  Australiens,  il  ne  pense  pas  que  ceite  malheureuse  race  puisse 
jamais  faire  aucun  progr^s  s^rieux.  Du  reste,  elle  dilKr'ait  d£j5  des 
Polyndsiens  avant  I’arrivde  des  Europeans  et  etait  absolument 
sauvage,  alors  que  les  attires  presentaient  dejSi  une  civilisation 
relative. 

M.  Rameau  apporte  egalement  dans  la  question  une  experience 
personnelle  due  a  de  longs  voyages  en  Amerique.  II  dit  que  I’in- 
fluence  du  contact  europeen  sur  les  indigfenes  des  deux  Ameriques 
a  donne  des  resultats  trfes-differents  suivant  les  races. 

Bien  qu’ils  aient  ete  souvent  tres-maltraites  par  les  nouveaux 
venus,  les  Indigenes  de  I’Amerique  meridonale  se  sont  civilises  peu 
5  peu  ;  ils  se  sont  plies  aux  moeurs  des  nouveaux  fitals  constitues 
sur  le  modble  europeen,  et  aujourd’hui  ils  tiennent  dans  ces  ^tats 
une  place  politique  et  sociale  tres-importante.  Au  Canada,  au  con¬ 
traire,  les  indigenes,  traiies  avec  beaucoup  d’egards  par  les  colons 
franqais,  sont  restes,  malgre  tons  les  efforts  faits  pour  les  policer, 
aussi  sauvages  qu’avant  I’arrivee  des  Europeens. 

M.  Georges  Pouchet  vient  5  son  tour  soutenir  les  mfimes  idees,  et 
s’appuyant  sur  le  peu  de  progr6s  de  la  race  ethiopienne,  tant  en 
Afrique,  ofl  elle  a  son  berceau,  qu’en  Amdrique,  oA  elle  etd  transplan- 
tee  en  si  grande  proportion,  il  declare  que  pour  lui  les  indgalites  si 
considerables  qui  existent  entre  les  races  humaines  sont  originelles, 
ineffaqables. 

Les  partisans  de  la  perfectibilitd  relative  de  toutes  les  races  hu¬ 
maines  n’ont  pas  manqud,  de  leur  cdte,  de  citer  des  faits  nombreux 
5 1’appui  de  leur  opinion. 


REVUE  ANTHROPOLOGIQUE.  121 

M.  Graliolet  ne  pense  pas  qiie  la  civilisation,  qui  a  eu  des  r4siiltats 
si  favorables  dans  une  panic  du  globe,  doive  fatalementen  avoir  de 
racheux  dans  une  autre.  Si  elle  n’a  pas  eu  parlout  les  bons  elTels 
que  Ton  fitait  en  droit  d’attendre,  c’est  qu’on  s’y  est  mal  pris  pour 
la  faire  adopter  et  que  Ton  a  eu  le  tort  de  vouloir  imposer  un  brus¬ 
que  changement  de  moeiirs  anx  adultes,  an  lieu  d’y  former  lente- 
ment  les  enfaiils. 

M.  Marlin  de  Moussy  ne  pense  pas  qu’il  y  ait  de  race  absolument 
r6fraclaire  a  la  civilisation,  et  il  cite  plusieurs  peuplades  de  I’Am^- 
riqiie  du  Sudqui,  aprfes  etre  resides  longtemps  d  I’dlat  sauvage,  out 
fini  par  se  civiliser  plus  ou  moins. 

Mais  c’est  M.  de  Quatrefages  surtout  qui  a  ddfendu  cette  cause. 
Aprbs  avoir  fait  sa  profession  de  foi  monogiiniste,  et  avoir  d^clarA 
qu’il  a  6t6  amend  4  adopter  celie  opinion  par  une  dtiide  appro- 
fondie  de  I’aclioii  des  milieux  sur  les  animaux  domestiqiies,  il  dit 
ne  pouvoir  admettre  que  certaines  races  humaines  soient  absolu¬ 
ment  incapables  de  se  perfectionner.  Sans  doute  il  en  estquelques- 
unesqui,  par  rapport  aux  autres,  sonfdans  un  dtat  d’infdrioritd  bien 
marqude;  mais  chez  celles-li  mdme  il  y  a  quelques  didments  sus- 
ceptibles  de  ddveloppemenl.  Loin  de  croire,  du  reste,  que  les  types 
primitifs  ne  peuvent  jamais  dtre  modiiids,  il  pense,  au  contraire,  que 
par  le  changement  des  conditions  d’existence  et  la  suite  des  gdnd- 
rations,  il  pent  se  produire  une  amdlioration  progressive  qui  dlfeve 
le  niveau  gdndral. 

D’ailleurs,  les  exemples  citds  4  i’appui  de  la  thdorie  opposde  ne 
lui  paraissent  pas  ddmonstratifs.  D’aprds  lui,  M.  Broca  s’estraontrd 
trop  sdvdre  pour  les  Australiens  et  trop  partial  pour  les  Hawaiiens; 
les  premiers  ne  sont  pas  dans  un  dtat  de  ddgradation  aussi  complet 
que  cela  a  dtd  dit,  et  les  seconds  n’ont  pas,  en  rdalitd,  le  mdrite 
d’avoir  spontandment  ddveloppd  les  germes  de  civilisation  ddposds 
chez  eux.  L’indgalitd  des  rdsultats  constatds  chez  ces  deux  nations 
luiparait  tenir,  non  pas  4  des  diffdrences  essentielles  de  races,  inais 
4  la  diffdrence  des  conditions  dans  lesquelles  la  civilisation  s’est  of- 
ferte  4  eux. 

De  mdme,  malgrd  ce  qui  a  dtd  dit,  il  y  a  encore  dans  I’Amdrique 
du  Sud  des  peuplades  compldtement  sauvages,  et  an  Canada  des 
trihus  de  Hurons  qui  ont  entidrement  adoptd’les  moeurs  europden- 
nes ;  et  il  est  hien  dvident  que,  pour  qu’il  soit  acquis  qu’urie  race 
ddterminde  est  susceptible  de  progrfes,  il  n’est  pas  indispensable  que 
tons  les  individus  qui  appartiennent  4  cette  race  soient  devenus  ci- 
vilisds ;  il  sulBt  qu’une  Iribu  ou  une  peuplade  de  cette  race  ait  adoptd 
des  mceurs  plus  policdes  que  celles  qu’elle  avait  anldrieurement. 


122 


REVUE  FRANQAISE  ET  EXRANGjiRE. 


En  ce  qui  concerne  I’esclavage,  M.  de  Qualrefages  parlage  entie- 
rement  les  sentiments  exprimds  par  M.  Pdrier.  Le  blanc  n’a  pas  le 
droit  de  commander  an  nfegre,  mais  il  a  le  devoir  de  le  prot^ger. 
L’in^galitd  des  intelligences  laisse  persister  I’dgalitd  des  droits,  pour 
les  races  comme  pour  les  individus ;  c’est  la  consequence  naturelle 
de  la  doctrine  monogeniste.  Mais  si  i’on  se  pla(;ait  au  point  de  vue 
polygdnisie,  les  conclusions  seraient  bien  dilTerentes :  car  I’espfece 
supdrieure  pourrait  se  croire  autorisee  &  reduire  en  csclavage  les 
hommes  derespfece  inferieure. 

<1  Je  termine  » ,  dit  I’oraleur,  «  en  rappelant  une  remarque  de 
1)  M.  Perier,  remarque  que  je  pourrais  prendre  pour  un  aveu.  11 
»  nous  a  dit  que,  dans  la  race  u6gre,  il  y  a  quelques  individus  iso- 
»  les  dont  I’inielligence  s’dlfeve  au  niveau  de  celle  des  blancs,  C’est 
11  la  preuve  de  I’linitd  de  I’espfece,  car  on  n’a  jamais  vu  une  espfece 
»  produire,  mfime  isoldment,  un  individti  d’une  autre  esp6ce.  » 

La  cause  de  la  perfectibility  relative  de  toutes  les  races  devail 
irouver  encore  un  chaleureux  ddfenseur  dans  M.  Pruner-Bey;  dans 
un  discours  qui  fut  le  dernier  de  cette  longue  discussion,  il  revint 
en  detail  sur  la  question  de  I’aptitude,  si  contesiye,  des  Australiens 
&  la  civilisation.  11  dydara  d’abord  qu’en  s’en  rapportant  aux  seuls 
rycits  des  voyageurs,  et  en  tenant  compte  des  conditions  qui  ont 
retardy  ces  peuplaries,  il  s’diait  sent!  disposy  &  croire  qu’elles  pour- 
raient  finir  par  se  civiliser.  Mais  il  a  recherchy,  en  outre,  un  moyen 
d’apprycier  par  lui-m6me  les  aptitudes  intellectuelles  des  Austra¬ 
liens,  et  il  pense  I’avoir  trouvy  dans  Pytude  du  systfeme  de  leur 
langue,  «  ce  psychomfetre  presque  infaillible  qui  reflfete  le  plus  fidfele- 
11  ment,  pour  ainsi  dire,  I’ame  des  individus,  comme  des  nations ;» 
et,  aprfes  s’ytrelivry  h  cette  ytude,  il  n’bdsite  pas  aaccorder  aux  ha¬ 
bitants  lioirs  de  la  Nouvelle-Hollande  la  faculty  de  pouvoir  se  civi¬ 
liser. 

Afin  de  ne  pasinlerrompre  I’analyse  pi-ycydenie,  nous  avons  passy 
sous  silence  un  incident  qui  se  rapporte  plus  dlrectement  aux  sciences 
mydicales,  et  sur  lequel  nous  croyons  devoir  revenir  en  quelques 
mots, 

A  propos  de  la  styrility,  qui  paralt  6lre  une  des  principales  cau¬ 
ses  du  dypyrissement  des  races  indiggnes,  nous  avons  dit  que  le 
comte  Strzelecki  ytait  pony  a  attribuer  celle  des  femmes  austra- 
liennes  k  leurs  rapports  scxuels  avec  les  Eiiropyens  :  cet  auteur  ayant 
constaty  que  la  dypopulation  ddpend  de  la  diminuUon  dans  le  nom- 
bre  des  naissances,  et  non  pas  de  I’augmentation  dans  celni  des  dy- 
cfes,  ajoute  que  les  femmes  australiennes  qui  ont  vdcu  avec  des 


REVUE  ANTHROPOLOGIQUE.  123 

Europeens,  comme  cela  anive  poui’  im  grand  nombre  d’enire  e)les, 
sont  par  cela  m6me  devenues  sleriles  dans  les  rapports  ulteneurs 
qu’elles  peuvent  avoir  avec  des  hommes  de  leur  race,  ce  qui  ne 
les.  einp6che  pas  de  pouvoir  6tre  Kconddes  ensuite  par  d’autres 
E.urop^ens. 

,  Quelque  extraordinaires  que  puissent  parallre  ces  fails,  ils  ont 
did  conOrm^s,  depuis,  par  d’autres  renseiguements,  et  bien  que 
quelques  exemples  aient  dtd  citds  pour  raontrer  que  cette  loi  n’est  pas 
sans  exception,  eiie  n’en  paralt  pas  moiiis  exacte  pour  la  trfcs-grande 
majoritd  des  cas. 

A  cette  occasion,  M.  Alex.  Harvey  a  public,  dans  le  Monthly 
journal  d’Edimbourg,  irois  articles  sur  les  modifications  que  fait 
subir  ti  la  constitution  de  la  mbre  la  gestation  d’un  foetus  provenant 
de  tel  ou  tel  pfere. 

Ilpenseavec  M.  Oillevray  que  la  mferepeulconserver,plusoumoins 
longtemps,  dans  son  organisation,  I’emprfiinle  de  la  constitution  du 
ptre,  par  une  sorte  d’inoculation  comparable  h  cclle  qui  lui  fait  ga- 
gner  cerlaines  maladies  par  I’intermddiaire  du  foetus. 

Le  fait  parait  constant  pour  ies  animaux  domestiques,  ciiicns, 
moutons,  chfivres,  vacbes;  des  juments,  saillies  une  premiere  fois 
par  un  Sne,  pour  produire  un  midet,  ont  donnd  ensuite,  avec  des 
dtalons  de  leur  race,  des  produits  qui  retenaient  queique  chose  des 
formes  de  I’ilne.  Une  joment  de  lord  Morton,  couverte  par  un  z6- 
bre,  donna  d’abord  naissance  3  un  mdtis  zdbrd ;  couverte  ensuite 
parun  cheval  arabe,  elle  fit  suceessivement  trois  poulains  zebrds 
comme  le  premier  male. 

En  ce  qui  concerne  I’espbce  humaine,  plusieurs  fails  semblent.iu- 
diquerune  influence  analogue.  C’cst,  parait-il,  un  fait  accept^  dans 
certains  pays  par  le  vidgairc,  qu’une  veuve  peut  avoir,  aprfcs  s’6tre 
remaride,  des  enfants  ressemblant  a  son  premier  mari  tant  au  phy¬ 
sique  qu’au  morai.  On  dit  aussi  qu’une  ndgresse,  aprfes  avoir  eu.  un 
enfant  avec  un  Wane,  pent  avoir  avec  des  hommes  de  sa  couleur 
tome  une  sdrie  d’enfants  muiaires;  on  prdtend  encore  que  les  enfants 
adultdrins  peuvent,  pour  le  radme  motif,  ressembler  non  pas  k  leur 
pfere  vdritable,  mais  k  I’dpoux  Idgitime  qui  a  eu  antdrieurement  de 
nombreux  rapports  avec  leur  mfere,  d’oit  I’adage  :  Filium  ex  adul¬ 
ter  a  exousare  matrem  a  culpa. 

Tous  ces  fails  sont  consignds  avec  des  indications  bibliographiques 
ddtailldes  dans  un  mdraoire  de  M.  Boudin  dont  nous  aurons  k  parler 
plus  loin  {Mimoires,  t.  f,  p.  633)>  ,  , 

Sans  nous,  porter,  en  auenne  faqon,  garantde  ISRi’  exactitude,  nous 
avons  tenu -k  ,les  rappoftev  icU  parce  qu’il  nousparalt  que  les  mdde- 


i2a  REVUE  FRANCAISE  ET  fiTRANGtRE. 

eins  ali^nisles  pourraient  etre  &  mfime  d’dclairer  celte  question.  Si, 
en  effet,  I’influence  d’un  premier  mari  pouvait  s’dtendre  sur  les  en- 
fanis  n6s  d’un  second  mariage,  elle  devrait  s’exercer  dans  le  domaine 
psychologique  et  inteilectuei  aussi  bien  que  dans  I’ordre  physique, 
et  dfes  lors,  il  pourrait  arriver  qu’une  femme,  veuve  d’lm  premier 
mari  alidnd  ou  ndvropathique,  se  remariit  ^  un  bomme  exempt  de 
toute  disposition  personneiie  on  hdrdditaire  A  ces  sortes  de  maladies, 
et  edt  n^anmoins  avec  lui  des  enfants  tenant  de  son  premier 
mari  ia  predisposition  S  des  affections  graves  du  systfeme  nervenx. 
Sans  doute  ii  faudrait  im  concours  de  circonstances  bien  spdciales 
pour  qu’un  fait  de  ce  genre  efft  une  vaieur  demonstrative  evidente; 
mais  neanmoins,  si  le  fait  pliysioiogique  est  exact,  il  doit  se  mani- 
fester,  an  moinsquelquefois,  assez  nettementpour  fttre  constate  par 
des  observateurs  atienlifs,  tels  que  les  medecins  des  asiles  d’aUends 
charges  de  soigner  les  viclimes  de  cette  hdredite  pour  ainsi  dire  pa- 
radoxalc;  nous  serions  heureux  si  I’appel  fait  lei  &  nos  collogues 
pouvait  provoquer  quelques  recherches  a  cet  egard. 

On  se  rappelle  que  dans  un  premier  travail  dont  nous  avons 
parie  precedemraent ,  M.  Pdrier  avait  cherche  h  ddmontrer  que 
les  croisements  de  race  a  race,  loin  d’etre  avantageux  an  developpe- 
ment  des  peoples  issus  de  ces  croisements,  constituaient,  au  con- 
traire,  pour  eux,  une  condition  defavorable. 

Dans  un  second  memoire  {Memoires,  t.  I.  p.  187),  il  s’est  propose 
de  rechercher  si  les  alliances  entre  families  d’une  mfime  caste,  on 
mfime  entre  membres  d’une  mfime  famille,  sont  dangereuses,  quand 
ces  castes  on  ces  families  sont  d’un  sang  ptir.  A  cette  question,  qui 
n’est  autre  que  celle  des  manages  consanguins,  tellement  discutfie 
depuis  quelques  annfies,  il  n’hfisite  pas  a  rfipondre  par  la  negative. 

Pour  les  castes,  il  fitudie  ce  que  sont  devenues  les  diverses  aris- 
tocraties  fondees  sur  la  purete  du  sang,  et  11  lui  parait  que  cedes 
qui  ont  conserve  cette  purete  inlacte  de  tout  melange,  sont  restees 
supfirieures  a  cedes  qui  ont  toiere  les  alliances  avec  un  sang  moins 
pur.  Pour  ce  qui  concerne  les  membres  d’une  mfime  famille,  il  re- 
connalt  que  toutes  les  legislations  anciennes  et  modernes  ont  inter- 
dit  certaines  unions  consangulnes  ;  il  approuve  mfime  complfitement 
ces  defenses  qui  constituent  une  prficieuse  sauvegarde  pour 
les  convenances  et  les  moeurs;  mais  il  pense  qu’on  ne  doit  leur 
reconnalire  qu’une  portee  morale  et  sociale.  Rien  ne  lui  parait  prou- 
ver  que  ces  prohibitions  aient  eu,  dans  I’esprit  des  premiers  legis- 
lateurs,  le  caractfere  d’une  prescription  hygifinique  basfie  sur  les 
dangers  physiques  auxquels  ces  mariages  ponvaient  exposer ;  rlen 


REVUE  ANTHROPOLOGIQUE.  125 

n’indique  que,  jusqu'^  uae  dpoque  I'elativement  rapproch^e,  les 
m^decins  ou  aulres  observateurs  aient  connu  ni  rafime  soupqonnd 
ces  dangers,  et  plutftt  que  de  supposer  que  pendant  si  longlemps 
I’observalion  aitdtd  en  defaut,  it  paralt  legitime  d’admettre  qu’alors 
les  unions  consanguines  n’dtaient  la  source  d’aucnn  accident.  II  n’en 
est  plus  de  inSme  aujourd’hui :  loin  de  le  contester,  I’auteur  recon- 
iiait  que  de  nos  jours  ces  manages  sout  souvent  stdriles,  ou  que  leurs 
produitssont  alfeclds  d’anomalies  physiques  ou  intellectnelles,  lelles 
que  diflbrmit^s,  surdi-mutitd,  idiotie,  folie,  dpilepsie,  etc. 

Mais,  le  fait  eu  lui-mdme  reconnu  exact,  il  s’agit  d’en  determiner 
les  causes  et  de  prdciser  la  nature  du  danger.  Pour  la  plupart  des 
auteurs,  ce  danger  rdsulierait  uniquemeni  de  la  parenld  des  con- 
joints,  el  du  non-renouvellement  du  sang,  quel  que.  soil  du  reste 
retat  de  pureid  ou  d’impureid  de  ce  sang ;  le  fait  seui  de  la  consan- 
guinitd,  ddgagd  de  toute  autre  influence,  sulfirait  pour  rendre  les 
produits  ddfectueux. 

Pour  M.  Pdrier,  au  coniralre,  le  danger  ddpendrait  simplemeiu 
des  causes  ordinaires  de  production  des  maladies  hdrdditaires.  11 
admet,  nous  le  savons,  que  le  mdlange  des  races  a  eu  pour  rdsultal 
d'aflaiblir  les  populations  issues  de  ces  mdlanges ;  les  peoples  con- 
temporalns,  rdsultant  presque  tous  de  mdlanges  successifs  el  mul- 
tiplids,  doivent  done  prdsenler  une  trfes-grande  proportion  de  germes 
d’affections  diathdsiques  et  d’dtats  palhologiques  propres  &  se  trans- 
mettre  par  voie  lidrdditaire.  Lorsque  des  raariages  ont  lieu  entre 
individus  de  families  diffdrenles,  alors  mdme  que  ces  individus  ne 
seraient  pas  exempts  de  toute  tendance  palhologique,  il  y  a  des 
chances  pour  que  les  predispositions  morbides  ainsi  accoupldes  ne 
sqient  pas  les  mdmes,  qu’elles  se  conlre-balancent  au  lieu  de  s’ajouter 
les  unes  aux  autres,  et  que  les  enfants  issus  de  ces  unions  ne  prd- 
sentent  pas  des  conditions  de  santd  infdrieures  it  cedes  de  leurs 
parents,  si  mdme,  en  verm  de  la  tendance  gdndrale  au  retour  d  la 
puretd  de  I’espece,  ces  conditions  ne  s’amdliorent  pas.  Lorsqu'au 
conlraire  les  conjoints  appartiennent  d  la  mdme  famille,  il  peut  se 
faire  que,  par  certaines  circonstancesexceptionnellement  favorables, 
cette  famille  ait  le  privildge  de  ne  prdsenter  aucune  prddispositiou 
morbide,  et  alors,  loin  d’etre  dangereuse,  cette  union  puisera  dans 
la  puretd  de  la  race  et  I’intdgritd  des  aptitudes  une  garantie  de  force 
et  de  santd  pour  les  enfants  qul  en  naltront;  mais  bien  souvent 
aussi  il  arrivera  que  la  famille  commune  des  deux  dpoux  prdsentera 
des  tendances  k  quelque  alTection  diatlidsique  et  lidrdditaire.  Dans 
ce  cas,  de  I’union  de  prddisposilions  pathologiques  idenliques  et  de 
causes  de  ddgdndrence  semblables,  devra  rdsulter,  pour  les  enfants, 


126  BEVUK  FRANgAISE  ET  ttRANGliRE. 

line  multiplicaiion  de  chances  dgfavorables  et  une  aggravation  dans 
les  manifeslations  des  germes  morbides  qn’ils  tiendront  ainsi  de 
denx  sources  an  lieu  d’une. 

La  consanguinity  en  elle-m4nie  sera  done  innocente ;  et  rhyrddiid 
tnorbide,  s’exerqant  d’autant  plus  sdrcmenl  que  deux  facteurs  con- 
tiibueront  k  transmettre  les  mdines  germes,  sera  seule  coupable. 

Pour  dtayer  cetie  doctrine,  M.  Pdrier  passe  en  revue  les  opinions 
ihdoriques  des  auteurs  qui  ont  le  pius  accusd  la  consangulnild,  Fo- 
ddrd,  Spurzheim,  Pevay,  MM.  Lucas,  Decliambre,  G.  Poiichet,  el 
partoutil  trouve  que  les  inconvdnients  signalds  par  eux  peUvent 
s’expliquer  par  I’hdrdditd  morbide,  sans  qu’il  soitndeessaire  d’invo- 
quer  la  consanguinity  prise  en  elle-mdme.  II  examine  aussi  la  sdrie 
des  fails  citds  par  ces  difrdrenls  auteurs,  etleur  objecie  I’absence  de 
renselgnements  sulBsants  siir  certaines  conditions  essentieiles  rela¬ 
tives  5  Pdtat  de  santd  des  parents.  En  fin,  pour  montrer  qu’il  n’est 
pas  seul  de  son  avis,  il  rapporle  diffdrents  passages  conformes  i  ses 
opinions,  empruutds  &  Burdach,  Iluzard  fils,  Michel  Ldvy,  Raige- 
'DelOrme,  Boucliardal. 

De  ceite  longue  dtude  il  conciut  ;  «  d’une  part,  que  les  accidents 
1)  des  mariages  entre  consanguins,  quand  ils  doivent  se  inanifester, 
»  soul  d’aulant  plus  a  craindre,  1°  que  les  pferes  et  indres  sont  pa- 
•»  rents  i  des  degrds  plus  rapprochds ;  2“  que  les  unions  sont  rdpd- 
»  lees  davantage ;  3"  que  la  race  est  moins  pure;— d’auire  part,  que 
»  ce  n’est  pas  aux  liens  du  sang,  d  la  consanguinity  proprement  diie, 
»  mais  il  des  causes  dn  domaine  de  I’hdrdditd  morbide  chez  les 
»  dpoux,  que  doivent  dire  attribuds,  en  gdndral,  les  accidents  et  les 
»  ddsordresque  i’on  a  pu  constater  &  la  suite  des  mariages  consan- 
1)  guins;  et  que  ces  phdnomdnes,  par  consequent,  toujours  au  point 
»  de  vue  physiologique,  accusenl  Tabus,  et  non  I’usage  bien  entendn 
■»  de  ces  sortes  d’unions.  n 

Telle  est  aussi  Topinion  soulentie  par  M.  Bourgeois,  dont  la  these 
intitulde  Quelle  est  IHnfluence  des  mariages  consanguins  sur  les 
genirations?  a  fait  Tobjet  d’un  rapport  hi  a  la  Socidtd  parM.  Pd¬ 
rier  {Bulletins,  t.  I,  p.  146).  Aux  arguments  ddja  connus  pour  dd- 
montrer  que  le  danger  de  ces  mariages  ne  tient  pas  a  la  consan¬ 
guinity  en  eHe-mdmc ,  mais  bien  aux  conditions  ordinaires  de 
Thdrdditd  morbide,  Tauteur  a  ajoutd  deux  sdries  de  fails  : 

1°  L’histoire  tres-ddtaillde  d’uiie  famille  qui  se  compose  de  quatrfe 
cent  seize  membres  issus  d’un  couple  consanguin  au  troisifeme  degrd, 
dans  I’espace  decent  soixante  ans,  et  aprds  quatre-vingt-onze  alliances 
fdcondes,  dont  seize  consanguines  superposdes,  histolre  qui  ne  pa- 
ralt  laisser  aucun  doute  sur  Tinnocuitd,  la  fdcojiditd,  et  mdme  les 


REVUE  ANTHROPOEOGIQUE.  127 

avanlages  de  la  consanguinild  dans  les  families  saines.(G’esllafamille 
propie  de  rauteuf.) 

2“  Vingt-quatre  observalions  particuliferes  dgalement  favorables  b 
la  consanguinil^. 

La  Qonclusion  de  celte  thfese  est  que  «  I’influence  des  mariages 
»  consanguins  est  bonne  on  mauvaise,  suivant  que  les  auteurs  sont 
»  exempts  ou  aOectds  de  maladies  constitutionneiles  » . 

Nous  regrettons  de  prolonger  davantage  cet  article  d4j4  si  long,  et 
ndanmoins,  pour  ne  pas  scinder  I’examen  d’une  question  a  I’dluci- 
daiion  de  laquelie  les  mddecins  alifinistes  n’ont  peut-6tre  pas  ap- 
portd,  jusqu’ici,  tous  les  dldments  que  Ton  aurait  pu  attendre  d’eux, 
nous  demanderons  la  permission  de  signaler  par  anticipation  quel- 
ques  autres  travaux  publies  dans  les  Bulletins  des  anndes  suivantes 
etse  rapportant  aux  mariages  consanguins.  Nousneferons  du  resie 
que  les  analyser  tris-succlnctement;  car  les  nombreuses  communi¬ 
cations  fades,  dans  ccs  dernifcres  anndes,  aux  Academies  et  aux  jour- 
naux  de  mddecine  sont  encore  pr6sentes  h  la  mSmoire  de  nos  lec- 
teurs.  Nous  ne  mentionnerons  aussique  cequi  a  dtd  dit  relativement 
aux  unions  consanguines  humaines;  car,  si  nous  voulions  nous 
occuper  de  tous  les  documents  relatifs  k  la  consanguinitd  animate, 
nous  serions  enlrala6s  trop  loin. 

M,  Boudin  {Memoires,  1. 1,  p.  506)  est  convaincu  de  I’influence 
defavorable  de  la  consanguinity  en  elle-m6me ;  inais  il  reconnalt  que 
jusqu’ici  cette  influence  n’a  pas  dty  I’objet  d’une  ddmonstration 
numdrique  irryfutable.  Aussi  a-t-il  voulu  apporter  dans  le  ddbat  cette 
dymonstration,  en  substituant  des  faits  et  des  chilfres  6  des  asser¬ 
tions  sans  preuve. 

Pour  la  plupart  des  accidents  attribuds  au  fait  mfime  de  la  consan¬ 
guinity,  il  a  dfl  se  conienter,  nyanmoins,  deciter  un  nombreplusou 
moins  imposant  de  faits  particuliers,  sans  prytendre  h  des  i-ysultais 
statisliques,  parce  qu’il  n’existe  pas,  6  cet  ygard,  de  documents  suf- 
fisants.  Ce  sont,  chez  les  parents,  la  styrility  et  I’avortement ;  chez 
les  enfants,  I’idiolie,  I’aliynation  mentale,  I’ypilepsie,  le  bee  de  lifevre, 
I’albinisme,  la  scrofule,  etc. ;  e’est  cette  lacune  qui  pourrait  ytre 
combiye,  en  ce  qui  concerne  I’idiotie,  la  folie  et  I’ypilepsie,  par  les 
mydecins  d’asiles. 

Mats  pour  une  autre  variyty  d’infirmity,  la  surdi-mutity,  I’auteur 
a  pu  arriver  6  des  rysullats  numyriques  qui  lul  paraissent  avoir  une 
valeur  lout  6  fait  significative. 

11  a  constaty  que  tandisqu’en  France  line  se  contracte  en  moyenne 
que  deux  unions  consanguines  sur  cent  mariages,  la  proportion  des 
soiu'ds-muets  de  naissance,  prov'euant  de  mariages  consanguins 


REVUE  ERANCAISE  Et  fiTRANetRE. 
est  de  30  pour  AOO  parmi  les  pensionnaires  des  ^tablissements  de 
sourds-miiets  de  Paris,  de  Bordeaux,  de  Lyon  et  de  Nogen  l-le- 
Rotrou. 

En  outre,  le  danger  d’avoir  des  enfants  sourds-muets  est  d’autant 
plus  grand  que  la  consanguinity  des  parents  est  d’un  degry  plus 
rapprochy,  en  sorte  qu'en  reprysentant  par  1  le  danger  de  procryer 
un  sourd-muet  dans  les  mariages  ordinaires,  ce  danger  s’yigve  : 

A  18  dans  les  mariages  entre  cousins  germains ; 

A  37  dans  les  mariages  entre  oncles  et  nieces; 

A  70  dans  les  mariages  entre  neveux  et  tantes. 

11  rysulte  de  travaux  publiys  en  Allemagne,  qu’S  Berlin,  c’est 
chez  les  juifs  que  les  mariages  consanguins  sont  les  plus  fryquents,  et 
que  ce  sont  eux,  aussi,  qui  oiTrent  la  plus  grande  porportinn  de 
sourds-muets  de  naissance,  ptiisqu’il  y  aurait  dans  cette  ville  : 

3,1  sourds-muets  sur  10  000  catholiques, 

6  sourds-muets  sur  10  000  protestants , 

27  sourds-muets  sur  10  000  juifs. 

L’esclavage,  en  fac.ilitant  les  unions  consanguines  et  m6me  inces- 
tuenses,  produit  des  effets  analogues;  etl’on  comptait  en  lSfiO,  dans 
le  lerritoire  de  Howa  (Etats-Unis) : 

2,3  sourds-muets  sur  10  000  Wanes  libres, 

212  sourds-muets  sur  10  000  nigres  esclaves. 

Ges  i-ysultats  ont  d’autant  plus  de  valeur  aux  yeux  de  M.  Boudin, 
qii’il  ytablit  d’autre  part  que  la  surdi-mntity  des  enfants,  dans  les 
unions  consanguines,  se  produit  alors  mOme  que  les  parents  sont 
sains  et  libres  de  tout  antecydent  morbide,  tandis  qu’elle  est  rare- 
raent  hyryditaire,  les  mariages  croisys  ou  mfime  les  deux  conjoints 
sont  sourds-muets  donnant  presque  constamment  naissance  it  des  en¬ 
fants  qui  parient  et  qui  entendent. 

Ces  chiffres  auraient  eu  certainement  la  valeur  dymonstrative  5 
laquelle  pi-ytendait  I’auleur,  s’il  ne  s’ytait  yievy  aucun  doute  sur  leur 
exactitude.  Mats  M.  Boudin  trouva  un  contradicteur  energique  en 
.M.  Dally,  qui  avail  ddji  dcrit,  dans  la  Gazette  hebdomadaire,  un 
travail  important  en  faveur  de  la  consanguinity. 

Nyanmoins,  malgry  les  efforts  faits  par  M.  Dally  pour  dytruire  un 
a  un  chacun  des  arguments  de  M.  Boudin,  nous  pensons  fitre  juste 
en  disant,  avec  M.  de  Ranse  {Bulletins,  t.  IV,  p.  612),  queses  aita- 
ques  ne  sont  pas  suQisamment  fondyes,  et  que  lui-myme  est  tomby 
souvent  dans  les  causes  d’erreurs  qu’ilse  croiten  droit  de  reprocher 
a  son  adversairc,  donl.les  i-ysultats  conservent  une  grande  valeur  a 
nos  yeux. 

Ne  pouvant  entrer  dans  le  dyiail  de  cette  poiymique,  nous  signa- 


REtUE  ANTfiROPOtOGiQUfi.  1 23 

lerons  seulement  deiix  passages  de  M.  Dally,  parce  qu’ils  pr^sen- 
tent,  snr  la  question,  des  id^es  que  nous  croyons  nouvelles.  Tandis 
que  M.  Pdrier  admet  la  frequence  des  accidents  causds  par  les 
mariages  consanguins,  mais  les  attribue  a  I’infliience  de  Thdi-ddltd 
morbide  et  non  h  celle  de  la  consangulnltd,  M.  Dally  (Bulletins, 
t.  IV,  p.  51Ii)  «'se  contente  d’atiaquer  la  prdtendue  influence  de  la 
I)  consanguinitd  prise  en  elle-mdme,  sans  s’inquidler  de  savolr  si 
»  les  fiiits  qu’il  examine  inflrment  ou  conflrment  la  question  des 
»  dangers  de  la  consanguinitd  doublement  maladive. 

)>  II  n’est  indme  pas  portd  d  croire  que  les  chances  de  maladies 
»  des  enfants  soient  plus  nombreuses,  quand  les  deux  dpoiix  sont 
»  affectds  de  la  mdme  diatlifese,  que  quand  ils  olTrent,  chacun  a 
»  part,  des  diatiidses  spdciales ;  car,  si  Ton  supposait  constantes  les 
»  lots  de  rhdrdditd  morbide,  il  arriverait,  dans  le  premier  cas,  que 
»  I’enfant  serait  aflectd  d’une  diathfese  en  quelque  sorte  pure;  dans 
»  le  second,  d’une  diathdse  hybride;  et,  toutes  chances  dgales 
11  d’ailleurs,  les  maladies  Tranches,  bien  caractdrisdes,  dolvent  dtre 
»  moins  rebelles  d  la  ihdrapeutique  que  celles  oii  se  mdlent  toutes 
I)  sortes  d’dldments  pathologiques.  » 

Ailleurs  (Bulletins,  t.  Ill,  p.  150),  M.  Dally  indique  I’iiifluence 
des  milieux  comme  pouvant  expliquer,  en  dehors  de  la  consangui¬ 
nitd,  I’action  Idcheuse  des  mariages  consanguins,  dans  le  cas  oft 
cette  action  serait  reconnue  rdelle.  «  Les  proches  parents  qui  con- 
»  tractent  alliance,  dit-il,  -vivent  dans  les  mdmes  conditions  so- 
1)  ciales,  mentales,  gdographiques,  climatdriques,  mdidorologiques, 

»  de  telle  sorte  qu’il  se  pourrait  que  leurs  rejetons  dussent  a 
»  I’influence  combinde  de  ces  milieux,  des  maladies  que  Ton  attri- 
I)  bue  d  la  consanguinitd  des  parents,  et  qui  ne  sont  dues  qu’d 
»  I’existence  simultande  des  parents  dans  des  milieux  semblables. » 

Personne  n’ayant  relevd,  d  notre  connaissance,  cet  argument  de 
M.  Dally,  nous  croyons  devoir  faire  remarquer  qu’il  substitue  id, 
a  la  question  des  mariages  consanguins,  celle  des  inconvdnients  qui 
peuvent  rdsulter  des  unions  contractdes  unlquenient  entre  gens 
habitant  les  mdmes  localitds,  et  que,  pour  que  son  raisonnemcnt 
fftt  juste,  il  faudrait  qu’il  eflt  ddmontrd,  d’abord,  que  les  parents 
qui  se  marient  entre  eux  sont  presque  tons  dans  ce  dernier  cas,  ce 
qui  est  loin  d’etre  certain.  En  I’absence  de  tout  document  relatif 
d,  la.  proportion  des  mariages  conlractds,  d’une  part  entre  des 
parents  n’habilant  pas  les  mdraes  localitds,  d’auire  part  entre .  des 
gens  non  parents,  mais  habitant  les  mdmes  localitds,  il  nous  paratt 
impossible  d’accorder  aucune  signification  au  genre  d’influence 
signald  par  M.  Dally. 

AWNAL.  Mdn.-psvcii.  4“  sdrie,  t.  ix.  Janvier  1867.  9.  9 


130  KEVUE  FRANCAISE  ET  fiTRANGiRE. 

Quant  aux  inconv^nienls  resultant  des  manages  entre  compa- 
triotes,  en  donnant  ct  ce  dernier  mot  le  sens  restreint  de  gens  habi¬ 
tant  la  mSme  locality,  ils  ont  ddjii  dtd  signaliis,  notamment  par 
M.  Baillarger,  a  I’occasion  des  cretins  de  certaines  valines  des 
Pyr4n6es,  dont  la  proportion  a  beaucoup  diminu6  depuis  que  les 
mariages,  au  lieu  de  se  faire  entre  habitants  des  mgmes  valldes, 
sont  devenus  plus  frdquents  entre  ceux-ci  et  la  population  de  la 
plaine.  Sans  doute,  on  obtiendrait  un  r^sultat  analogue  en  d’autres 
circonstances,  et  nous  croyons,  en  particulier,  qu’un  des  meilleurs 
moyens  de  faire  cesser  les  accidents  d’hyst^ro-ddmonomanie  de 
Morzine  serail,  si  cela  ^tait  possible,  d’y  provoquer,  dans  une 
large  proportion,  des  mariages  avee  des  habitants  de  pays  plus  ou 
moins  ^loigniis. 

Pour  dpuiser  la  s6rie  des  documents  relatifs  aux  mariages  con- 
sanguins,  soumis  A  la  Soci6t6  d’anthropologie,  nous  n’avons  plus 
qu’a  signaler  un  travail,  de  M.  Auguste  Voisln,  sur  la  frequence 
et  I’innocuitS  des  unions  consanguines  dans  la  commune  de  Batz 
(Memoires,  t.  11,  p.  A33),  travail  dont  il  a  ddji  donnd  une  ana¬ 
lyse  dans  ce  journal  (t.  VIII,  1866,  p.  130). 

Si,  aprfes  avoir  rdsumd  les  diff^rentes  opinions  dmises  dans  cette 
discussion,  nous  avions  a  faire  connaitre  celle  qui  r^sulte  pour 
nous  de  la  lecture  et  de  lYtude  de  tous  les  documents  relatifs  a 
cette  question,  nous  I’exprimerions  ainsi  :  Sans  doute  il  n’est  pas 
possible  de  soulenir  aujourd’hui  que  les  mariages  consanguins  sont 
toujours  et  constamment  funestes;  au  contraire,  plusieurs  faits,  tels 
que  ceux  fournis  par  MM.  Bourgeois,  Voisin,  et  quelques-uns  de 
ceux  de  M.  Dally,  montrent  que,  dans  des  circonstances  favorables, 
ces  unions  peuvent  donner  naissance  a  des  rejetons  parfaitement 
sains  et  valides.  Mais  on  a  rapporte  trop  d’exemples  de  rOsultats 
opposes,  pour  qu’il  ne  soit  pas  raisonnable  d’avoir  les  prdsomptions 
les  plus  fondles  que  ces  unions  sont  fr^quemment  nuisibles.  Pour 
un  grand  nombre  d’accidents,  il  est  impossible,  il  est  vrai,  de 
changer  actuellement  ces  pr^somptions  en  demonstrations  for- 
melles,  faute  de  donn^es  numeriques  comparatives  sulTisantes ;  mais 
en  ce  qui  concerne  la  surdi-miitite,  cette  demonstration  paralt 
acquise  par  les  travaux  de  M.  Boudin,  et  il  scrait,  sans  doute, 
possible  d’arriver  au  mSme  resultat  pour  I’idiotie,  la  cedie,  la 
folie,  par  des  recherches  poursuivies  pendant  un  nombre  d’annees 
sufflsant  dans  les  etablissements  consacres  au  traitement  de  ces 
Infirmites. 

En  tout  etat  de  choses,  qu’il  faille  tenir  en  suspicion  la  consan- 
guinite  en  elle-meme,  ou  la  simple  herddite  morbide,  il  est  sage 


■IOmilNA.lJX  FRANgAlS. 


131 


d’fivilei-  les  unions  consanguines,  el  de  les  restreindre,  autant  que 
possible,  non  par  des  prescriplions  Idgales,  mais  par  dea  averlis- 
seraenls  i!clait(;s  sur  les  inconvdnients  qu’elles  peuvent  offrir,  el 
par  les  moyens  de  persuasion  dont  doivent  surioul  user  les  mdde- 
cins,  toutes  les  fois  qu’ils  som  consullds  sur  de  semblaWea  ma-t 
tiferes. 

Malgrd  la  longueur  de  cel  article,  nous  n’avons  fait  aucune 
meulion  de  plusieurs  communications  relatives  aux  forrnes  dd 
crane  et  k  I’organisalion  cdrdbrale,  bien  qu’elles  soient,  plus  en^ 
core  que  cedes  dont  nous  avons  paria,  du  domaine  des  atudes 
madico-psychologiqucs. 

Nous  joindrons  leur  analyse  a  celle  d’un  grand  nombre  de  tra- 
vaux  sur  le  meme  sujet,  conlenus  dans  le  deuxifeme  volume  des' 
Bulletins,  el  qul  feront  I’objet  d’un  prochain  article. 


REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MEDEGESTE. 


JOURNAUX  FRANgAlS. 


I/lTnion  iu6<llcalc. 

Anndc  1865  (auilo). 


TOME  XXVI  (suite). 


2°  Du  bromure  de  potassium  dans  le  traitement  de  I’epilepsie,  par 
M.  PeulevS,  interne  a  la  Salpeirifeie  (service  de  M.  Moreau,  de 
Tours). 

'  M.  Moreau  a  choisi  pour  ses  experiences  les  dpilepiiques  les  plus 
jeunes  parmi  les  trois  ou  quatre  cents  qui  composent  son,  service, 
et  cedes  chez  lesquelles  la  maladie  etait  le  plus  rdeente  ;.ce  sont, 
en  un  mot,  cedes  qui  prdsentaient  le  plus  de  chances  de  gudrison. 
qui  ont  dtd  prdfdrdes.  Le  traitement  a  durd  trois  mois  (septembre, 
octobre,  novembre),  et  les  doses  d«  mddicament  ont  dtd  adniinis- 
tides  de  la  faqon  suivante  : 


Premiere 
Deuxieme 
Troisidme 
Qualrieme 
Cinquieme 
Sixidme  ' 


huitaine,  0  gr.  50  centigr.  dans  les  24  heures  en  3  doses. 
—  Igr.  — 

^  1  gr,  50  centigr.  —  — 

—  2  gr.  —  - 

—  2  gr,  50  centigr.  —  — 

—  3gr'.  ~  — 


La  dose  de  3  grammes  csi  reside  fixe  5  partir  de  la  sixidme  se- 
maine  jusqu’5  la  fin  du  traitement. 


132  REVDE  Dfis  .tOURNAUi  DE  MEDECINE. 

Sur  une  premiere  categoric  de  malades,  le  broraure  n’a  prodult 
aucun  effet,  ni  en  bien  ni  en  mal ;  I’^pilepsie  a  continue  sa  route 
sans  exacerbation  et  sans  remission. 

Dans  une  seconde  cat^gorie  de  malades,  les  accfes  ont  plus 
nombreux  pendant  le  traiieraent  qu’avant.  Mais,  comme  le  maximum 
d’accis  pendant  le  traitement  avail  ddjA  ^t^  atieint  dans  les  anndes 
prdcfidentes  et  k  plusieurs  reprises,  cela  tendrait  A  prouver  que 
I’exacerbation  ne  doit  pas  gtre  altribude  aii  medicament. 

Les  fails,  dit  M.  Penleve,  nous  autorisent  done  i  conclure  a  I’inef- 
ficacite  absolue  du  bromurede  potassium  dans  I’epiiepsie  confirmee, 
et  il  faut  dire  de  ce  medicament,  ainsi  que  d’une  foule  d’autres 
qui  ont  ete  experimentes  par  notre  mallre,  qu’il  est  sans  action  sur 
cette  maladie.  Gelle-ci  continue  sa  route  en  passant  par  des  alter¬ 
natives  de  haul  et  de  bas,  se  metamorphosant  quelquefois,  puis  re- 
venant  k  ses  manifestations  primitives  sans  que  rien  puisse  en  mat- 
triser  la  marche. 

3®  Observation  de  destruction  complete  des  deux  lobes  antirieurs 
du  cerveau,  sans  aphasie,  par  le  docteur  Berger. 

Cette  observation  n’a  pas,  il  est  vrai,  ete  suivie  d’aulopsie,  mais 
les  circonstances  dans  lesquelles  il  m’a  ete  donnd  dela  recueillir  ne 
permettent  pas  de  douter  de  I’etendue  de  la  lesion  speciale  qui  a  oc- 
casionne  la  mort. 

A  la  suite  d’un  coup  violent  porte  en  pleln  front,  la  region  fron- 
tale  du  blesse  etait  comme  aplaiie  ;  une  plaie  enorme  la  sillonnait, 
a  iravers  laquelle  on  voyalt  les  os  brises,  les  membranes  dechirees, 
les  lobes  anterieurs  du  cerveau,  dont  une  partie  avail  jailli,  en 
bouillie;  les  sinus  frontaux  etaient  detriiits,  et  le  malade  lui-meme 
retirait  d’insiinct,  avec  ses  doigis,  des  fragments  notables  de  sub¬ 
stance  cerebrale  par  les  deux  narines  qui  en  etaient  obstruees. 

Malgre  la  graviie  de  ces  desordres,  le  blessd  fut  six  jours  sans 
eprouver  d’accidents  serieux ;  il  buvalt,  dormaii,  parlait  et  rendait 
compte  de  toutes  ses  sensations.  Le  septifeme  jour,  il  eut  de  la  fiftvre, 
il  rCva  et  parla  beaucoup;  les  accidents  s’aggraverentgiaduellement, 
et  le  qualorzieme  jour,  la  mort  arriva  sans  qu’il  ait  cesse  de  murmu- 
rer  des  mots  plus  ou  moins  intelligibles,  ainsi  qu’on  le  volt  dans 
tous  les  accidents  cerebraux  graves,  suite  habituelledes  commotions 
cerebrales  profondes  el  des  fractures  de  la  base  du  erSne. 


JOUBNAUX  FRANC'AIS. 


133 


TOMES  XXVI  ET  XXVII. 

De  la  folie  hystirique  et  de  quelques  pMnomenes  nerveux  propres 

a,  Vhystirie  {convulsive),  d  Vhystero-epilepsie  et  d  I'epilepsie 

(Uudes  cliniques),  parle  docteur  Moreau  (de  Tours),  mSdecin  de 

la  Salpetrifere. 

M.  Moreau  (de  Tours)  a  voulu  exposer  tr^s-sommairement,  mais 
aveo  une  exactitude  sincere,  ce  qui  lui  a  parule  plus  digne  d’lnt^rfit 
parmi  Ics  fails  de  pliysiologie  et  de  tlifirapeutique  nerveuses  qu’il  lui 
a  donn^  d’observer  depuis  quatre  ans  qu’il  est  charge  du  service 
des  hyst^riques  et  des  ^pileptiques  a  la  Salp6tri6re. 

Nous  reproduisons,  presque  in  extenso,  cet  important  m^moire 
de  i’dminent  aliSnisle,  renvoyant,  avee  regret,  a  la  publication  ori- 
ginale  pour  ies  observations  souvent  curieuses,  toujours  iuldres'« 
sanies,  qu’il  cite  frdquemmcnt  a  I’appui  de  ses  reflexions,  surtout 
quand  elles  ont  trait  a  des  phinomenes  a  I'egard  desquels  ses 
appreciations  personnelles  different  sensiblement  des  idies  ginira- 
lement  regues. 

«  Parmi ces phenomfenes, il eii est un, dii-il, quia  appeld tout par- 
»  ticuliferement  noire  attention  :  C’est  la  folie  (ddlire)  hysterique. 

»  L’etude  approfondie,  I’indication  aussi  exacte  que  possible,  com- 
plfete,  des  signes  qui  differencienl  ce  genre  de  deiire  de  la  folie  or¬ 
dinaire,  ne  perraettent  pas  de  les  confondre,  de  leur  appliqner  le 
mfime  pronosiic,  moins  encore  la  meme  medication,  etc.  Tel  est  le 
but  principal,  sinon  exclusif  de  ce  travail. 

»  Mes  remarques  porteront  done  sur  trois  choses  qui,  au  point 
de  vue  pratique,  sont  a  mes  yeux  du  plus  haul  interet,  et  mdritent 
d’etre  etudiees  de  plus  pi-bs  qu’on  ne  I’a  peut-6lre  fait  jusqu’ici : 

»  1”  Sur  le  caractfere  specifique,  le  diagnostic  differentiel  de  cer¬ 
tains  accidents  nevropathiques  designes  generalement  sous  le  nom 
d^absences,  d'etourdissements,  de  vertiges  ou  demi-acefes,  etc.  ; 

»  2°  Sur  la  specialite  du  deiire  propre  aux  hysteriques  et  aux 
hystero-epilepliques ; 

»  3“  Sur  le  meilleur  mode  de  traitement  a  employer  conlre  ces 
affections. 

»  Auparavant,  nous  dirons  quelques  mots  de  leurs  causes  et  d’un 
phenomene  auquel  on  a  coutume  d’attacber  une  importance  qu’il 
est  loin  de  m^riter,  suivant  nous,  nous  voulons  parler  des  auras. 

»  Causes.  —  On  nous  a  souvent  accuse  d’avoir  exagfird  le  r6le 
des  predispositions  hereditaires  dans  les  nevroses ;  ici  les  preuves 


t3/t  KEVUE  DES  JOUBNAUX  DE  MEDECINE. 

de  cetle  influence  surabondent;  ndvroses  de  toutes  sortes,  phy¬ 
siques  et  moraies,  l&ions  des  centres  nerveux,  tels  sont  les  ante¬ 
cedents  pathologiqnes  deTiraraense  majorite  de  ines  malades.... 

»  C’est  que,  en  i-ealite,  il  ne  faui  voir  dans  tout  phenomfene  ndvro- 
sique  que  la  manifestation  isoiee,  souvent  ephem6re,  d’un  dtat 
pathologique  du  systfeme  nerveux  tout  entier,  I’expression  variee 
de  cet  etat  special  de  I’organisme  que  Willis  appeiait  si  juslement 
diathesis  nervosa,  se  localisant  gi  et  la  dans  telle  ou  telle  partie  des 
centres  nerveux,  et  revStant  une  physionomie  diiierente  suivant  les 
organes  ou  les  systfemes  d’organes  primitivement  atteints. 

»  Envisage  d’une  manifere  encore  plus  comprehensible,  au  point 
de  vue  de  la  transmission  hereditaire,  i’etat  nerveux,  le  nervosisme, 
suivant  une  expression  recemment  employee,  appartient  essentielle- 
ment  non  pasau  sujet  seul  chez  lequelon  observe  une  ou  plusieurs 
de  ses  manifestations,  mals  a  I’arbre  genealogique  tout  entier,  ou  du 
raoins  h  ses  principales  ramifications;  c’est  un  fait  morbide  propre 
a.toute  une  agglomeration  d’individus  lies  entre  eux  par  les  affinl- 
tdsdusang... 

1)  Auprfes  du  grand  fait  pathologique  que  nous  venons  de  rappe« 
ler,  que  sont  les  causes  dites  determinantes  ou  occasionnelles?  Rien 
autre  que  ce  que  leur  denomination  indique  il  arrive  meme- 
que  |e  mal  edate  en  I’absence  de  toute  cause  occasionnelle, 

I)  Il  est  evident  qu’il  ne  s’agit  ici  que  de  ces  ndvroses  (hysterie, 
hysteto-epilepsie ,  epilepsie)  essentiellertient  idiopathiques ,  dont 
remergence  anatomo-pathologique  nous  est  inconnue,  que  rien 
n’explique,  si  ce  n’est  I’etat  special  de  I’individu  qui  en  est  alteint, 
de  ces  nevroses  que  les  auciens  appelaient  essentielles,  sine  materid, 
et  non  de  ces  accidents  nevropathiques  qui  n’ont  du  mal  que  la 
forme,  I’apparence  sans  en  avoir  le  fond;  de  ces  accidents  epilepti- 
formes  sans  epilepsie,  qui  ne  sont  qu’un  incident  phenomenal, 
■symptomatique  de  I’affection  dont  ils  emanent,  destine  h  disparai- 
tre  avecelle ;  tels  sont  ceux  qui  se  dedarent  dans  I’intoxication  al- 
cooliqiie  ou  saturnine,  dans  les  empoisonnements  par  I’opium,  la 
belladone,  le  datura  stramonium,  etc.,  dans  certaines  libvres 
eruptives,  dans  la  paralysie  generale  des  aliends,  it  la  suite  d’un 
accouchement  laborieux,  chez  certains  syphilitlques,  voire  mfime 
chez  les  animaux  sur  Icsquels  experimente  le  vivisecteur . 

»  La  periode  iievrosique  constitue  h  die  sciile  le  genre  d’affec- 
tions  pour  lesquelles  on  reserve  geneialement  le  nom  de  ndvroses,  et 
c’est  li  eequi  les  dlfferencie  de  celles  dites  organiqties. 

a  I.  Aura.  ^  On  attachait  nagufere  une  importance  capitale  au 
phenomfcne. nerveux  ddsigne  sous  le  nom  A'anra.  C’etait,  pour  la 


JOURNAUX  FRANgAIS. 


135 


pliipai't  des  mddecins  du  temps  passfi,  bien  plus  qu’uii  symptOme 
pr^curseur  des  acc6s,  il  en  dtait  pour  ainsi  dire  le  fait  gdndrateur, 

la  cause  iramddiaic .  Ce  que  Ton  est  convenu  d’appeler  aura  ne 

peut  etre  et  n’est  trfes-certainement  qu’un  des  milie  accidents  ndvro- 
siques  qui  font  parlie  intdgrante  de  la  maladie  principale,  lequel 
doit  a  la  forme  qu’il  revdt,  dans  quelques  cas,  d’avoir  fixd  plus  par- 
ticuliferement  {’attention  des  observateurs,  bien  que,  au  fond,  il  ne 
justifie  par  quoi  que  ce  soit  ce  privildge. .. 

»  II.  —  Accidents  nevrosiques  liis  aux  grandes  nivroses  convul- 
sives ;  leur  valeur  au  point  de  me  du  diagnostic  et  du  pronostic. 
—  Tics  ou  conmlsions  partielles.  —  Seoousses.  ^  Mouvements 
ohoriiques.  —  Elourdissements,  —  Absences.  —  Vertiges.  —  At- 
taques  congcstives  epileptiformes.  —  Les  grandes  nevroses  con- 
vulsives  sont  toujours  oupresque  toujours  prdcdddes,  accorapagndes, 
suivies  mdme,  dans  quelques  cas  trds-rares,  d’accidents  ndvrosiques 
dont  il  importe  de  connaitre  le  caractdre  distinctif  et  spdcial ;  parce 
qu’ils  sont,  dans  bien  des  circonstances,  la  seule  source  a  laquelle 
le  mddecin  puisse  puiser  les  lumldres  ndcessaires  pour  bien  apprd- 
cier  la  nature  de  I’espfece  de  ndvrose  sur  laquelle  il  est  appeld  a  don- 
ner  son  avis,  ne  I’ayant  pas  obserVde  par  lui-mdme,  ainsi  qu’il  arrive 
sisouvent  dans  la  clientfele  ordinaire . 

n  Mais  peut-on,  dans  I’dtat  actuel  de  nos  connaissances,  et  guidd 
uniquement  par  la  nature,  ou  mieux  la  physionomie,  la  forme  des 
accidents  ndvrosiques  intermddiaires,  affirmer  I’existence  de  I’hys- 
Idi'ie,  de  I’hystdro-dpilepsie  ou  de  I’dpilepsie?  Le  peut-on,  surtout, 
aloi's  que  ces  affections  sont  encore  inddcises,  imminentes,  mais 
non  compldtement  ddclardes  ?  Oui,  dans  un  grand  nombre  de  cas, 
en  raison  des  diffdrences  rdelles,  apprdciables  qu’offrent  ces  mdmes 
accidents,  suivant  qu’ils  rdvdient  ou  annoncent  I’une  ou  I’aulre  de 
ces  maladies. 

I)  A  I’appui  et  comme  dclairclssement  de  ce  qui  vient  d’etre  dit, 
entrons  dans  quelques  ddtalls  et  commenqons  par  un  pfadnorndne 
ndvroslque  exclusivement  propre  h  I’dtat  dplleptique  latent  ou  dd- 
clard :  je  veux  parler  de  ce  que  les  malades  nomment  leurs  se- 
cousses. 

»  Selon  nous,  on  ne  saurait  mieux  prdciser  la  nature  ou  plut6t  la 
forme  des  secousses  dpileptiquds  qu’en  les  comparant  aux  effets 
produits  sur  la  motilitd  par  des  ddcharges  dlectriques.  Je  ne  con- 
nais  auciin  phdnomine  nerveux  qui  puisse  dtre  confondu  avec  elles. 
Je  n’en  cxcepte  pas  les  mouvements  brusques,  instantands,  rapides, 
qui  s’observent  dans  certaines  chordes  dites  dpileptiformes,  Un  ceil 
exercd  ne  saurait  s’y  mdprendre;  mais  il  ne  faut  pas  oublierqu’ici, 


136  REVUE  DES  JOUKKAUX  DE  MfiDECIINE. 

plus  qii’i'ii  aucune  autre  circonstanr.e,  I’application  du  sens  de  la 
vue  est  ndcessaire  et  ne  saurait  etre  remplacde  par  uue  description 
(|uelconque,quclque  bien  faile  qu’elle  soitj  il  fauluoir,  ctapr^s avoir 
vu,  nefdt-ce  qu’une  fois,  on  en  saura  tout  aulant  qne  les  plus  ex- 
pdrimentds;  mats  il  faut  voir... 

»  Le  phdnomfene,  continue  I’auteur  aprSs  une  description  som- 
maire,  apparatt  concurremment  avec  les  grands  accbs  d’dpilepsie, 
dans[l’intervalle  qui  sdpare  ces  accfes,a  des  4poques  trfes-irriSgulifercs; 
dans  certains  cas,  ils  annoncent  i  coup  sdr  I’approclie  de  ces 
accbs. 

1)  Ge  qu’il  importe  de  savoir,  c’estqu’ilslespr^cMentsouventade 
longs  intervalles ;  auquel  cas,  on  a  I’liabitude,  malbeureusement, 
d’en  tenir  fort  pen  de  compte.  Bien  plus,  s’ils  sont  legers,  on  est 
dispose,  dans  les  families,  plutbtiien  rirequ’ii  s’en  alarmer... 

)i  Parfois,  lessecousses  ont  constilud  toute  la  inaladie;  nous  vou- 
ions  dire  qu'elles  ont  (5t(i  &  elles  seules  toute  I’^pilepsie...  Dans  quel- 
ques  cas,  que  nous  avons  lieu  de  croire  fort  peu  nombreux,  —  nous 
n’en  connaissons  qu’un  seul  parmi  nos  quatre  cents  maladcs,  —  les 
secousses  constituent  le  seul  ph^nombne  en  survivance,  pour  ainsi 
dire,  ii  de  grands  accbs  d’dpilepsie. 

»  Les  secousses  lipileptiques  ont  lieu,  le  plus  souvent,  sans  perte 
de  connaissance,  malgre  les  efforts  conscients  des  malades  pour  les 
empecher.  D’autres  fois  aussi  la  convulsion  delate  au  milieu  d’un 
dtat  vertigineux,  d’une  suspension  absolue,  mais  extrdmement  ra- 
pide  du  sens  Intime;  I’activiid  psychique  et  Taction  musculaire  sont 
frappdes  du  mdme  coup. 

»  Chez  la  plupart  des  malades,  les  choses  se  passent,  indilfdrem- 
ment,  de  Tune  ou  de  Tautre  manifere,  e’est-S-dire  avec  ou  sans 
vertiges... 

»  Nous  fondant  sur  une  experience  ddji  longue,  nous  n’hdsitons 
pas  ii  regarder  les  secousses  comme  un  phdnomdne  exclusivement 
propre  &  Tdpilepsie.  Ce  qu’il  y  a  de  certain,  e’est  que  nous  ne  Tayons 
encore  observe  que  chez  les  individus  atteinls  de  cette  nevrose, 
jamais  chez  des  bystdriques  pures. 

»  Les  secousses  apparaissent,  dans  beaacoup  de  cas,  commesignes 
avant-coureurs  ou  dldments  prodromiques  chez  les  hystdriques. 
e’est  d’un  facheux  augure  quand,  soit  au  ddbut,  soitdansle  cours 
d’une  attaque  d’hystdrie,  on  voit  les  membres,  les  bras  le  plus 
souvent,  ou  bien  encove  les  commissures  des  Idvres,  devenir  le 
sidge  de  ces  mouvements  brusques,  saccadds,  qui  diffdrent  si  com- 
pldtement  des  convulsions  hystdriques. 

»  Quelque  Idgers  et,  en  apparence,  insignifiants  que  soient  ces 


137 


.TOURNAtX  1'RAN(;A1S. 
nonveaux  sympiames,  or  peul  lenii'  pour  cei  laiii  que  I’epilepsie 
franche  n’cst  pas  iloignde  et  que  bientdl,  peiU-6li'e,  elle  dominera 
toule  la  scfeiie  palhologiqiie. 

»  Absences.  —  A  quejs  signes  reconiiaitre  que  les  phdnomJnes 
nerveux  conimunfiment  ddsignes  sous  le  nom  d’a6,vences,  vertiges, 
Mourdissements,  appartiennent  pluldl  4  Thyslerie  qu’4  I’dpilepsie, 
et  vice  versd  ?  Cs  genre  de  diagnostic  diffdrenliel  cst-il  inemc  pos¬ 
sible  dans  tous  les  cas? 

»  Nolle  diiliculld  sarieuse,  selon  nous,  dans  les  cas  ou  Ton  a  af¬ 
faire  soil  a  une  hyst4rie  simple,  soil  a  de  purs  accts  d’dpilepsie. 
Les  phdnombnes  nerveux  intermddiaircs  aux  gi  andes  navroses  n’d- 
lant  en  rdalita,  comme  cela  a  die  dtabli  prdcddemment,  que  des 
accbs  incomplets,  ils  devront  prdsenler,  au  inoins  en  parlie,  les 
caractferes  disiinclifs  de  Tune  ou  de  rautre  ndvrose.  C’est  I’aclivild 
psycho-cdrdbiale  qui  en  offrira  I’empi  einle  la  plus  profondc. 

»  Je  me  doiinerai  de  garde  de  repdter  avec  tout  le  monde,  ou  4 
peu  pr6s,  qu’il  y  a  perte  de  connaissance  dans  I’epilepsie,  tandis 
que  c’est  le  conlraire  dans  rhysldrie.  Ce  genre  d’appreciation  n’est 
propre  qu’4  masquer  la  vdritd  et  4  fausser  le  diagnostic.  S’il  est 
vrai  que  certaines  hystdriques  ne  perdent  pas  connaissance  dans  ce 
qu’elles  appellent  leurs  Mourdissements  (ddnomination  dgalement 
employde  paj  les  dpileptiques),  il  en  est  un  bien  plus  grand  nombre 
qui  la  perdent. 

I)  La  distinction  4  dtablir  n’est  pas  14;  formulde  ainsi,  elle  est 
absolument  sans  valeur.  Elle  est  dans  la  diffdrence  des  caractdres 
que  prdsententla  perte  de  connaissance  chez  les  hystdriques,  et  cede 
que  Ton  observe  chez  les  dpileptiques. 

1)  Les  dtourdissements,  chez  les  hystdriques  simples,  nous  les 
appcllerions  plus  volonliers  des  syncopes,  des  dvanouissements  In- 
complets,  c’est-4-dire  n’impliquant  pas  toujours  la  perte  de  la  con¬ 
naissance.  Les  malades  o  se  sentent  froid  aux  pieds,  aux  jambes, 
la  tdte  leur  lourne,  le  coeur  leur  manque  —  Ce  sont  les  expres¬ 
sions  dont  elles  se  servent  gdndralemenf ;  —  on  les  voit  pSIir  et  rou- 
gir  alternativement ;  elles  sont  obligdes,  alors,  de  s’asseoir,  et  mdme 
de  se  coucher  par  terre,  si  elles  ne  trouvent  aucim  appui  4  leur  por- 
tde ;  mil  mouvement  convulsif  des  paupifcres;  de  la  fixitd,  mais  non 
de  I’dgarement  dans  le  regard. 

1)  Les  dtourdissements  prennent  un  tout  autre  aspect  chez  les 
hystdriques  qui  ont  ddj4  did  touchdes  par  I’dpilepsie,  ou  en  sont 
plus  ou  moins  menacdes. 

»  Chez  les  lines,  la  perie  de  connaissance  arrive  plus  rapidement, 


138  REVCE  DBS  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 

sans  malaise  gfe^ral;  une  certainc  fixitS  se  montre  dansle  regard, 

elles  restent  immobiles  et  ne  s’affaissent  pas  sur  elles-m6mes. 

I)  Chez  d’auires,  I’explosion  est  instantan^e,  I’andantissement  de 
la  conscience  est  complet. 

i>  Chez  tomes,  cependant,  ces  phdnomfenes  rappellent  toujours  a 
nil  cerlain  degi-6  les  (ivanouisseraenlSj  on,  si  Ton  vent,  les  dlourdis- 
sements  des  hysleriques  simples. 

I)  Ainsi  qu’oii  en  pent  jiiger  par  quatre  fails  que  rauteur  rapporle 
ici,  A  I’appui  de  ses  assertions,  les  vertiges  chez  les  hysldro-dpi- 
leptiqucs  se  distinguent  des  vertiges  des  hystdriqiies  simples  par 
des  caractferes,  des  nuances,  si  Ton  vent,  quitendentii  les  assimilcr 
aux  vertiges  dpileptiqnes ;  perte  de  connaissance  complfete  dans  cer¬ 
tains  cas,  incompifete  dans  d’autres ;  rapiditd  de  ia  chute;  certains 
troubles  de  la  vision;  quelquefois,  rngme,  mouvements  convulsifs  des 
muscles  du  visage,  phdnomfene  d’ailleurs  irts-fugace  de  sa  nature 
et  diliicile  a  saisir. 

»  Comme  Tatiaque  elle-m6me,  le  vertigo  des  hystdro-dpileptiques 
laisse  I’esprit  en  suspens  sur  la  nature  rdelle  ou  prddominante  du 
mal  dont  il  est  une  des  formes. 

»  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  toujours  possible,  dans  Timmensc  majo- 
ritd  des  cas,  du  moins  ii  un  ceil  exercd,  de  le  distinguer  du  vdritable 
vertige  dpileptique. 

»  Celui-ci  frappe  avec  I’instautanditd,  la  rapiditd  fulgurante  d’une 
ddcharge  dlectrique,  4  la  maniere  des  grands  accds.  La  perte  de 
connaissance  est  non  moins  absolue  que  subite... 

»  Altaques  congestives  epileptiformes.  —  Il  nous  rcste  4  com- 
pldter  ce  que  nous  venons  de  dire  concernant  les  etourdissements 
(absences,  vertiges)  des  hystdriques,  des  hystdro-dpileptiques  et  des 
dpilepliques,  par  quelques  considdrations  sur  un  phdnomfene  cdrd- 
bral  qui,  en  raison  de  quelque  analogie,  est  trop  souvent  confondu 
avec  les  prdcddents. 

»  Nous  voulons  parler  de  certains  accidents  auxquels  sont  expo- 
sds  quelques  individus  en  raison  d’une  prddisposition  spdciale,  hd- 
rdditaire  ou  acquise  :  tels  sont  les  vieillards,  les  personnes  de  com¬ 
plexion  dite  apoplecliquc  ou  alieintes  d’hypertrophie  du  coeur; 
cellesquise  livrent  habituellemenl  4  des  excfes  alcooliques  et  vdnd- 
riens,  4  des  iravauxintellectuelsexcessifs;  cellesque  leur  profession 
oblige  a  vivre  dans  une  atmosphdre  vicide  par  des  dmanations  de 
gaz  acide  carbonique,  les  cuisiniers,  par  example,  les  ouvriers  en 
caoutchouc,  etc. 

»  Les  dtourdissements  (c’est  encore,  ici,  I’expression  consacrde), 
Chez  les  diffdrenles  personnes  que  nous  venons  d’indiquer,  dilKrent 


JODRNAOX  FRANgAIS.  139 

du  venige  dpileptiqne  en  ce  que  la  perle  de  connaissance  est  extrt- 
meraent  rare  etpresque  toujours  incomplfete;  elle  n’a  rien  d’instan- 
land,  ce  n’est  pas  assez  dire,  d'dlectrique,  comme  dans  I’accfes 
ilpileptiqne ;  sous  ce  rapport,  les  choses  se  passent  a  peu  prfes  de 
mgme  que  dans  les  veriiges  liystdriques  ou  Iiysldro-^pilepiiques ; 
raais  pour  un  ceil  exercfi  il  ne  saurait  y  avoir  mdprise. 

»  Les  malades  sout  rarement  pris  k  I’improviste ;  ils  sentent  venir 
I’attaque;  iis  luttent  et  songent  a  en  prdvenir  les  consequences ;  ils 
appellent  au  secours.  Quelques-uns  se  sentent  comme  envahis  par 
un  sorameil  de  plomb;  d’autres  voient  les  objets  tourner,  les  pieds 
leur  manqucnt  comme  sur  un  sol  mouvant. 

»  Alois  mfime  que  I’atlaque  est  legfere,  le  malade  est  plus  ou 
nioins  de  temps  a  revenir  a  lui.  S’il  lombe  prive  compietement  ou 
incompietement  de  connaissance,  on  observe  souvent  des  convul¬ 
sions  partielles  en  tout  semblables  a  cedes  des  dpileptiques ;  la  bou- 
clie  est  ddvide,  tout  un  cdtd  du  corps,  ou  seulement  un  des 
membres  llioraciques  ou  abdominaux,  est  frappd  de  paralysie,  la- 
quplle  ne  tarde  pas  a  disparattre ,  ou  se  dissipe  apras  un  ou  deux 
jours.  Ces  derniers  phdnomanes,  on  le  comprend,  ont,  dans  bleu  des 
cas,  contribud  a  fausser  le  diagnostic.  Nous  en  connaissons  plus 
d’un  exemple... 

»  Un  fait  qu’il  importe  de  bien  connaltre,  et  qui  est  ieaucoup 
plus  commun  qu’on  ne  croit  gdndralement,  c’est  que  bon  nombre 
d’accidents  cdrdbraux  de  nature  purement  congestive  revdtent  la 
forme  dpileptique.  II  n’y  a  pas  seulement  dtourdissement,  vertige, 
perte  incompldte  ou  absolue  de  connaissance,  mais  encore  convul¬ 
sions  cloniques,  dcume  a  la  bouche,  parfois  sanguinolente,  gon- 
Uement  des  veines  du  col,  bouiDssure  de  la  face,  respiration 
bruyante,  etc. ;  en  un  mot,  I’appareil  symptomatiquc  est  tel,  qu’il 
serait  impossible  de  les  distinguer  des  vdrilables  accds  dpileptiques, 

,  sans  information  prdalable  sur  les  causes  du  mal,  sa  marche,  les 
perturbations  concomitantes  dans  I’dtat  de  santd  gdndral  de  I’itt- 
dividu. 

»  Les  asiles  d’alidnes  sont  remplis  d’individus  qui,  plusieurs  mois, 
plusieurs  anndes  mdme  avant  I’explosion  de  la  maladie  a  laquelle 
ils  devaient  succomber,  avant  d’avoir  rien  ressenti  qui  pflt  donner 
I’dveil,  inspirer  la  moindre  crainte  sur  leur  dtat  de  santd,  ont 
dprouvd  de  ces  itourdissements  qui  ont  pu  faire  croire  a  I’existence 
d’une  affection  nerveuse  a  I’dtat  latent,  et  dont  ils  n’auraient  dtd  que 
les  avant-coureurs. 

»  Ge  sont  les  paralytiques  gdndraux,  lesqueis,  d’ailleurs,  chose 
|)ien  digne  de  remarque  1  sont,  pour  la  plupart,  destinds  a  dprouver 


liO  CEVDli  DES  JOUBNAUX  DE  MfiDECllNE. 

dans  le  coiirs  de  leur  affection,  vers  la  terminaison  fatale  principa- 
lement,  ces  memes  accidents,  mais  alors  accrus,  amplifies,  si  je 
puis  m’exprimer  ainsi,  an  point  de  simuler  symptomatologiquement 
un  accfesd’epilepsie... 

»  Folie  hijsterique.  — La  folie,  chez  la  femme,  estdue,  ainsi  que 
tons  les  anteurs  Tout  constate,  &  des  causes  multiples  et  excessive- 
ment  vaiides.  Elle  est  le  rdsultat  et  comme  I’aboulissant  d’une  foule 
de  conditions  tant  prddisposantes  qu’occasionnelles,  d’dtats  morbl- 
fiques  dont  quelques-uns,  mis  particuliferemenl  en  relief,  sont  con- 
siddrds  comme  la  principale  et  mdme  I’unlque  source  du  mal,  bien 
que,  en  rdalitd,  tous  y  aient  apportd  leur  contingent,  aient  fourni 
leur  appoint. 

»  L’dtat  hystdrique,  quand  il  s’aglt  de  porter  un  diagnostic,  est 
souvent  mis  en  cause  :  «  c’est  hystirique  »,  dit-on,  dans  maintes 
circonstances  oft  I’on  ne  salt  trop  que  penser  de  I’origine  et  de  la 
nature  d’une  maladie,  sans  attacher  autrement  d’importance  &  cette 
ddclaralion,  sans  avoir  une  idde  bien  nette  des  motifs  qui  vous  font 
parler  ainsi,  absolument  comme  dans  un  autre  ordre  de  faits  patho- 
logiques,  on  dit :  «  c’est  nerveiiai  » . 

»  Les  gens  du  monde  ont  une  tendance  singulifere  i  attrlbuer  a 
un  diat  hystirique  les  troubles  intellectuels  et  moraux  quels  qu’ils 
soient,  alors  surtout  qu’ils  se  manifestent  chez  des  femmes  encore 
peu  avancdes  en  Sge,  i  une  dpoque  touchant  a  la  pubcrtd... 

»  Et  pourquoi  ne  dirions-nous  pas  tout  de  suite  ce  qui,  plus  tard, 
sera  surabondamment  ddmontrd?  En  tout  cecl,  les  gens  du  monde 
ne  font,  le  plus  souvent,  que  cdder  5  I’infliience  de  prdjugds  que  la 
science  n’est  pas  encore  parvenue  a  ddraciner,  parce  qu’ils  ont  pour 
propagateurs  ceux-li  mdmes  qui  ont  pour  mission  de  les  combattre. 

»  Nous  ne  voulons  pas  dire,  assurdment,  que  les  griefs  que  Ton 
fait  peser  sur  I’dtat  hystdrique  ne  sont  jamais  rdels.  Nous  tenons 
prdcisdment  la  plume,  en  ce  moment,  pour  prouver  le  contraire. 
Mais  nous  craignons  I’exagdration  en  toutes  choses,  et  nous  vou- 
drions  mettre  en  garde  centre  la  facilitd  avec  laquelle  on  invoque 
ce  fantdme  de  I’hystdrie,  alors  qu’il  serait  facile  de  trouver,  en 
cherchant  ailleurs,  les  vdrilables  causes  des  maladies. 

»  Quels  sont  done  les  caracleres,  les  principaux  caraetdres  du 
moins,  du  ddlire  chez  les  femmes  liystdriques  et  hystdro-dpilep- 
tiques?  11s  sont  nombreux,  varids,  et,  hatons-nous  de  le  dire,  le 
plus  souvent  dilDciles  a  saisir,  trfes-fugitifs.  Dans  beaucoup  de  cas, 
mdme,  ils  dchapperont  a  I’oeil  de  I’observateur,  si  Ton  ndglige  de 
remonter  a  I’origine  des  troubles  psychiques,  si  I’on  ne  tlent  compte 
des  conditions  d’hdrdditd,  du  tempdrament,  et  enfln  de  la  nature 


JOURNAtlX  l^RANgAtS.  Hi 

des  causes  occasioniielles  au  milieu  desquelles  ils  out  pris  nais- 
sance. 

»  Avant  d’entrer  dans  les  details,  voyons  d’abord  comment  se 
comporlent,  en  quelque  sorle,  les  uns  vis-i-vis  des  autres,  et  les 
phdnomfenes  ndvrosiques  purs  et  les  troubles  psychiques. 

»  II  y  a  quelques  ann^es,  dans  un  travail  insdrg  dans  les  Annales 
medico-psychologiques  (annee  1852,  t.  IV),  6mu  des  tendances  de 
certaine  6cole  psychiairiqiie  assez  en  vogue  alors,  tendances  qui  ne 
visaient  5  rien  moins  qu’ii  supprimer  compMlement,  ou  5  peu  pres, 
le  rOle  de  I’organisme  dans  le  d^veloppement  de  la  folie,  nous 
entreprlmes  de  d^montrer  que  tons  les  genres  de  d^llre,  sans 
exception,  avaient  pour  point  de  depart  des  troubles  nerveux  alTec- 
tant  d’une  manifere  plus  sp^dale,  plus  apparente,  du  moins,  tantdt 
la  motility,  tantOt  la  sensibility  gyniirale,  le  plus  souvenl  ces  deux 
ordres  de  phynorniines  5  la  fois. 

»  Que  si  ces  troubles  avaient  yty  myconnus,  cela  tenait,  suivant 
nous,  a  ce  qu’ils  n’avaient,  dans  bien  des  cas,  qu’une  existence 
yphymfere,  et,  en  vertu  d’une  loi  de  physlologie  pathologique  dont 
nous  aurons,  par  la  suite,  occasion  de  citer  de  nombreux  exeniples, 
et  qu’on  pourralt  appeler  loi  de  substitution,  ytaient  promptement 
remplacys  par  des  dysordres  d’un  autre  genre,  des  dysordres  de 
I’ordre  intellectuel. 

»  Passy  cetle  premifere  phase,  cette  pyriode  initiale  du  dyiire, 
ryiyment  psychique  se  trouve  dysorniais  seui  en  cause  ;  et  dans  la 
trys-giande  majority  des  cas,  les  choses  restent  en  cet  ytat  jusqu’h 
ce  que  la  guyrison  ou  la  lin  mfime  de  I’existence  vienne  y  mettre  un 

1)  Voiia  pour  la  folie  pure,  la  folie  morale,  ainsi  qu’on  n’a  pas 
craint  de  I’appeler,  comme  s’il  pouvait  exister  une  modification 
quelconque -de  I’esprit,  5  I’ytat  pathologique  aussi  hien,  et  mieux 
encore,  qu’a  I’ytat  physiologique,  indypendamraent  d’une  modifi- 
cation  correspondante  de  I’organe  chargy  des  fonctions  intellec- 
tuelles. 

»  11  n’en  est  pas  de  mfime  du  dyiire  nyvrosique. 

»  Dans  sa  forme  type,  c’est  un  vyritable  myiange,  une  sortc 
d’amalgamedephynomfenes  nerveux  proprement  dils  (mouvements 
convulsifs,  anomalies  de  la  sensibility  gynyrale  et  spyciale,  etc.)  et 
de  phynomfenes  psychiques  ;  5  ce  point  que  I’ohservateur  hysite  5  se 
prononcer  sur  la  prydominance  de  tel  genre  de  nyvrose  sur  tel 
autre. 

»  A  vrai  dire,  cette  forme  est  rare ;  Je  n’en  trouve  que  deux 


142  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECIlNE. 

exemples  paimi  les  malades  aciuellenient  prdseiites  dans  notrc 
service. 

»  Presque  toujours  les  accidenls  nerveux  alternent  avec  le  ddlire, 
dont  la  durde  n’est  jamais  fort  longue,  el  qui  prdsente  alors  des 
caractdres  spdciaux  ^  I’aide  desquels  il  est  possible  de  prdciser,  ou 
tout  au  moins  de  soupqonner  sa  nature  particulidre,  dans  les  cas  ou, 
faute  de  renseignements  suiUsants,  il  serait  impossible  d’asseoir 
sflreinent  un  diagnostic. 

»  Caractcres  genirauo).  —  Conscience  du  delire.  — r  Un  des  plus 
saiilants  de  ces  caractferes,  de  ceux  qui  frappent  tout  d’abord,  c’est 
la  conscience  parfois  tres-nette,  parfois  trfes-obscure  (pour  nous 
renfermer  dans  les  deux  termes  exirSmes),  que  les  malades  ont  de 
I’dtat  de  trouble  intellectuel  ou  elles  se  trouvenl. 

»  Le  naufrage  des  facultds  n’est  complei  que  dans  des  cas  excep- 
tionnels,  et  esseniiellement  transiloires. 

»  Que  Ton  interroge  les  malades  au  plus  fort  de  leurs  divagations, 
alors  mdme  qu’elles  s’abandonnent  &  toutes  sortes  d’excentricitds, 
d’extrayagances,  que  toutes  leurs  paroles  trahissent  le  ddsordre  de 
leur  esprit,  qu’elles  paraissent  subjugudes  par  des  convictions  ddli- 
rantes,  des  hallucinations  de  toute  nature....  La  premidre  question 
qu’oii  leur  adresse  semble  les  reraetlre  instantandment  dans  leur 
bon  sens,  les  reudre  a  elles-mdmes.  Elles  couviennent  qu’elles  ne 
savent  ce  qu’elles  disent,  qu’il  n’y  a  rien  de  rdel  dans  leurs  vi¬ 
sions,  etc.;  ce  quine  les  empfiche  pas,  une  fois  que  vouscessez  de 
leur  parler,  de  tenir  corame  en  arrdt  leur  imagination  vagabonde, 
de  retomber  aussitbt  dans  I’dtat  d’oii  vous  les  aviez  tirdes. 

»  De  Id  le  contraste,  I’espfece  de  contradiction  qui  s’observe  gdndr 
ralement  entre  leurs  paroles  et  leurs  actes,  qui  sont  loin  d’dtrc 
empreinls  du  mdme  ddsordre.  Incapable,  dlant  abandonnde  4  elle- 
nadrae,  de  coordonner  ses  iddes,  de  les  enchalner  logiquement, 
I’lnlelligence  que  la  lumidre  intdrieure  n’a  pas  compldlement  aban¬ 
donnde,  trouve  encore  la  force  de  rdsister  d  ses  impulsions. 

i>  Analogic  avec  le  delire  artificiel.  —  Par  les  caracldres  que 
nous  venons  de  lui  reconnaltre,  le  ddlire  qui  prend  sa  source  dans 
des  conditions  ndvrosiques  persistantes  et  se  ddveloppant  paralldle- 
ment  aux  troubles  psychiques,  ce  genre  de  ddlire,  disons-nous, 
olfre  la  plus  grande  analogic  avec  celui  qui  est  dd  i  Paction  de 
certaines  substances  sur  les  centres  nerveux,  du  hachisch  en  pnrti- 
culier  (1). 


(1)  Voir  notre  Traite  du  hachisch,  1845, 


143 


JOUHNAUX  FRAWgAIS. 

»  Tout  le  monde  sail  que  ce  qui  caractdrise  piincipalement  le 
mode  d’action  de  I’extrait  du  chanvre  indien,  c’est  la  conscience 
parfaite  que  conserve  la  personne  qui  en  a  pris,  du  d^lire  qui 
s’empare  d’elle  sans  jamais  la  dominer  d’une  manifere  absolue... 

»  Analogie  aveo  I’etat  de  somnambulisme.  —  Chez  un  bon 
noinbre  d’liysteriques  et  d’hystdro-^pilepliques,  nous  n’osons  dire 
chez  toutes,  si  Ton  suit  aitentivement  les  ddveloppements  de  la 
maladie,  ses  nombreuses  variations  durant  les  premiferes  annfies, 
les  troubles  intellectuels  rev6tent  d’une  manifere  frappante  (sauf 
quelques  reserves)  le  caractfere  de  ceux  que  Ton  observe  chez  les 
somnambules. 

»  Contrairement  a  ce  qui  arrive  dans  le  d^lire  chronique  essen- 
ticl,  la  folie  proprement  dite,  les  malades  sont  eniiarement  absor- 
bfies  en  elles-mfimes ;  tout  point  de  contact  avec  le  monde  extdrieur 
paralt  etre  an^anti;  elles  sont  plongfies  dans  un  6tat  de  revasserie 
dont  rien  ne  peut  les  tirer,  et  qui  se  traduit  au  dehors  par  des  paroles, 
des  actes  mfime  qu’une  incoherence  apparente  rend  inintelligibles 
pour  leur  entourage,  mais  qui  ont  evidemment  un  sens  pour  elles- 
memes.  G’est,  a  quelques  egards,  Tdtat  de  rfivasserie  d’un  febrici- 
tant,  moins  la  fifevre,  et  aussi  avec  plus  d’ordre,  plus  de  suite,  jo 
dirais  volontiers  plus  de  raison  dans  les  iddes.  Ce  n’est,  a  aucuq 
litre,  Tetat  de  Talidne  slupide,  chez  lequel,  en  realite,  et  malgre 
les  apparences,  il  n’existe  qu’une  grande  preoccupation  d’idees,  des 
terreurs  profondes,  ce  qui  explique  son  mutisme  et  son  immobilite 
habiluels. 

»  Ces  sortes  de  troubles  intellectuels  se  montrent  generalement 
d’une  mani6re  intermittente,  par  acefes,  et  se  jugent,  ainsi  que 
nous  le  dirons  plus  tard  en  y  insistant  davantage,  par  des  attaques 
nerveuses,  des  convulsions  ou  de  simples  spasmes. 

»  Ils  ne  laissent  absolument  aucime  trace  dans  la  memoire  des 
malades,  non  plus  que  le  plus  simple  et  le  plus  fugitif  des  vertiges 
^plleptiques,  ou  le  sommeil  le  plus  protond... 

I)  Mais,  dit  M.  Moreau,  la  forme  somnambulique  n’est  pas  tou- 
jours,  il  s’en  faut,  aussi  nette,  aussi  tranchde  qu’on  vient  de  le 
voir.  Chez  certaines  hystiiriques,  le  d^lire  se  rapproche  bien  plus 
de  la  folie  ordinaire.  Nous  voulons  dire  que  tout  rapport  avec  le 
monde  extdrieur  n’est  pas  rompu;  qu’4  leurs  id^es  ddlirantes,  e’est- 
a-dire  appartenant  a  un  dtat  mental,  psychiquement  parlant,  iden- 
lique  avec  un  rfive,  se  joignent  souvent  des  iddes  raisonnables, 
e’est-i-dire  conques  dans  un  4tat  de  veille  complet  et  puisnes  dans 
des  impressions  venues  du  dehors... 

»  D’antre  part,  enfln,  11  est  des  hystdro-^plleptiques  dont  Tdtat 


hEVUE  DES  JOUftNAliX  DE  MfiDEClNE; 
psychique  olfce  avec  la  melalicolie  stupide  de  certaincs  inonoffla- 
niaquesjune  analogie  beaucoup  pins  frappante  :  lellefutM.  A.  R..., 
Chez  laqnelle  la  perturbation  mentale  sYtait  definitivcment  substi¬ 
tute  aux  accidents  hysttro-tpilepliques  et  chez  laquelle,  encore,  de 
la  ntvrose  proprement  dite,  il  n’ttait  restt  que  des  troubles  par- 
tiels  de  la  sensibilitt  gtntrale,  lesquels  forinaient  un  des  tltmenls 
principaux  du  dtlire. 

»  Erotisme.  —  Dans  cette  partie  de  notre  travail  oil  nous  trai- 
tons  des  caractJres  gtntraux  du  dtlire  ntvropathique,  on  s’etonnera 
sans  doute,  vu  les  idtes  trfes-anciennement  et  encore  assez  gtntra- 
lement  rtpandues,  que  nous  n’ayons  pas  mis  en  premifere  ligne  les 
penchants  trotiques. 

»  Mais  on  s’ttonnera  bien  plus  encore  quand  nous  aurons  dit 
qu’i  nos  yeux,  la  coexistence  de  ces  penchants  avec  les  ntvroses 
dont  nous  nous  occupons,  loin  d’ttre  habituelle,  est  tout  au  con- 
iraire  un  fait  exceptionnel. 

»  Nous  avons  dans  nos  salles,  habituellement,  de  trente-cinq  ii 
quaianle  hysttriques  ou  hysttro  -  tpileptiques  ,  dont  I’tducation 
laisse,  assurfimenl,  fort  &  dtsirer,  et  dont  certains  penchants,  s’ils 
exislaient,  n’ont  pu  6tre  strieusement  contrarits  dans  leur  dtvelop- 
pement.et  leur  manifestation.  II  serait  plus  vrai  de  dire,  malheu- 
reusement,  que  ces  penchants  trouvaient  un  aliment  toujours  nou¬ 
veau  dans  le  dtfaut  de  moralitt  des  parents,  dans  leur  ttat  de 
raistre,  jusque  dans  I’exiguitt  des  lieux  qu’ils  habitent  et  qui  est 
telle,  parfois,  que  pfere,  mtre,  enfants  des  deux  sexes,  sont  con- 
traints  de  cohabiter  dans  la  m6me  chambre,  pis  que  cela,  htlas !  de 
partager  les  mfimes  lits  ou  plutdt  les  mtmes  grabats. 

»  Et  pourtant,  parrai  le  grand  nombre  de  maiades  que  nous 
avons  soigntes  depuis  pr6s  de  cinq  ans,  trois  seulement  nous  out 
offert.ce  que  Ton  entend  communtment  par  I’erotisme  des  hystt- 
liques.  Chez  Tune  des  trois,  I’instincl  g^ndsique  avait  atteint  un 
degr^  d’exaltation  exceptionnel  et  tel  qu’on  paraltse  complaire  gdne- 
ralement  cl  .se  le  reprdsenter,. . 

»  II  n’en  pent  6treditfiiremraent  du  sens  gdniisique  que  des  autres 
instincts,  des  autres  affections  quelles  qu’elles  soient.  A  tons,  I’exci- 
tation  cdrdbrale  conffere  non  une  vitality  plus  grande,  mais  ime 
pi^ponddrance  relative,  c’est-k-dire  provenant  de  la  faiblesse,  de 
I’amoindrissement  du  sens  moral,  de  la  vdlontd  consclente  et 
Sclairde. 

»  Sur  I’ignorance  de  cette  distinction  est  fondde,  suivant  nous, 
I’erreur  si  rdpandue  qui  fail  associer  les  iddes  d’hystdrie  et  d’ero- 
tisme,  les  confond  presque,  et  les  rend  .synonymes  Tune  de  I’auire, 


JOURNAUX  PRANgAlS.  l/lS 

))  L’liystdrie  est,  i  nos  yeux,  un  ^tat  nei  veux  g^n^ral,  se 
laltacliant,  dans  sa  genfese,  aux  causes  physiques  el  morales  qui 
produisent  indiirererament  toutes  les  espfeces  de  ndvropathies  ; 
spasmes,  chorde,  dpilepsie,  alidnation  menlale,  el  non  i  une  cause 
unique,  a  un  dial  palhologique  de  Tutdrus. 

»  Les  fonctions  psycho-cdrdbrates  se  ressentent  plus  ou  moins 
de  cet  dial  nerveux,  ce  qui  explique,  comme  nous  le  disions  lout  & 
I'heure,  la  faible  rdsislance  que  certaines  hystdriques  opposent  aux 
entralnements  du  sens  gdndsique. 

»  Caracteres  particuliers.  —  11  me  resle  li  signaler  certains  fails 
de  psycbologie  morbide,  certaines  iddes  ddliranles  qui  s'observent 
Chez  les  hystdriques  el  les  hysidro-dpileptiques  avec  des  caractdres 
spdciaiix.  Ges  caractdres  ne  sont  tels  qu’en  raison  de  leur  origine 
ndvropathique,  el,  par  consdquent,  dmineminent  propres  li  rdvdler 
la  vdritable  nature  du  ddlire,  el  a  empdcher  de  le  coni'ondre  avec 
tout  autre  d’origine  dilTdrenle. 

»  IdSes  de  suicide.  —  En.premidre  ligne  se  prdsentent  les  iddes 
de  suicide. 

»  Chez  les  alidnds  ordinaires,  ces  iddes  sont,  &  proprement  pur¬ 
ler,  des  iddes  logiques,  nous  voulons  dire  qu’elles  sont  la  ddductiou 
naturelle  (sinon  sensde)  de  convictions  fausses,  ddliranles,  qui  con¬ 
stituent  comme  le  fond  de  la  maladle,  sous  quelque  forme  nosolo- 
gique  qu’elle  se  prdsenie,  gdndrale  ou  partielle. 

»  Les  iddes  de  suicide,  d’origine  essentiellement  ndvropaihiques, 
ont  un  tout  autre  caracldre. 

1)  Ces  iddes  semblent,  en  quelque  sorte,  ne  relever  que  d’elles- 
radmes ;  sans  connexion  logique,  sans  rapport  de  cause  it  effet  avec 
d’autres  iddes,  d’autres  combinaisons  de  I’esprit.  Elies  sont  Isoldes, 
sans  antdcddents,  sans  but;  elles  sont!  il  n’y  a  rien  a  dire  de  plus. 
C’est  comme  un  fait  d’ordre  physique;  comme  un  phdnomfene,  une 
expression  de  lois  gdndrales,  organiques;  comme  une  secousse 
dlectrique,  un  vertige,  un  accfes  dpilepllque.  C’est  une  dpilepsie 
intellectuelle. 

»  Comme  les  iddes  de  suicide,  les  impulsions  &  frapper,  dd- 
truire  (les  phrdnologues  diraient :  I'inslinct  de  la  destruction),  sont 
empreintes  d’un  caraclfere  d’instantanditd,  d’automatisme,  qui  ne 
s’observe  gudre  chez  les  alidnds  ordinaires. 

»  C’est  sous  I’inDuence,  la  pression  d’iddes  de  vengeance,  de  ter- 
reur ;  le  plus  souvent,  dans  le  but  de  prdvenir  un  danger  imagi- 
naire,  de  repousser  regression  d’un  ennemi,  etc.,  etc.,  que  ces 
derniers  se  livrent  d  des  actes  dont  ceux  qui  les  enlourent,  les 
soignent,  sont  trop  souvent  viciimes. 

AXN*L.  MF.n. -PSYCH.  4®  sdrie,  1.  ix.  Janvier  1867,  10. 


10 


146  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfDEClNE. 

»  II  n’en  cst  pas  de  ni6me  des  liysldriques  el  hysl^ro-^pilep- 
liques.  (Jnlrrdfeislible  besdin  d’tSlfeindre  fortenient  les  objels  qui  se 
tbouvefit  4  leUt  portde,  de  frappfer,  de'mordfe  m^tne,  de  ddchirer 
ieurS  v6lemelits,  Ou  tout  simpleinent  d’injurier,  de  cheixher  que- 
feile,  de  taqulnfei’,  d’exdtei'  I’impalience  et  la  coldre,  etc.,  s’em- 
pare  d’elles  brusqueraent,  satis  cause  et,  comme  on  dit,  sabs  rime 
at  raison.  Elies  h’en  veulent  aucunement  aiix  personnes  contre  les- 
quelles  elles  s’emportent,  ne  sont  mues  ai  par  la  haine  ni  par  la 
vengeance;  I'iuipulsion,  I’acte",  senibient  n’avoir  aucune  raison 
d’etre  et  etre  gouvernds  par  les  m§mes  lois  que  les  mouvements 
ddsordonhes  qui  constituent  lettrs  attaqUes... 

1)  PhinotnineS  nerveux  el  psyehiques  riunis.  —  Enfin,  le  ddlire 
hystdrique  et  hySterO-CpileptiqUe  se  distingue  encore  du  diSlire 
Simple  par  un  caraCtfere  lellemeni  accuse,  evident,  que  nous  nous 
dtSpenserions  de  le  meniionuer,  si  nous  ne  tenions  it  ne  negilger 
aucun  des  moyens  propres  a  empecber  que  Ton  ne  confonde  ces 
deux  genres  de  deiire. 

»  Void  Ce  Caractdre  : 

»  II  est  des  malades  dont  les  allaques  presentent,  invariable^ 
ment,  des  accidents  nevropatbiques  et  des  troubles  intellecluels, 
non  plus  isoies,  mais  dans  Uhe  sorle  de  melange,  tantOt  alternant  a 
de  brefs  iniervalles,  tantOt  si  intimement  confondus,  qu'il  est  diffi¬ 
cile  d’y  voir  autre  chose  que  les  elements  divers  d’une  settle  et 
mSme  individuallie  morbide  :  les  uns  et  les  autres  ne  forment, 
en  diet,  qu’une  seule  et  m6me  individualite  morbide. 

»  Nous  avons  deja  dit  qu’en  dehors  des  cas,  peu  nombreux,  oft 
I’on  Volt  les  troubles  psychiques  el  les  accidents  nerveux  se  mC- 
ler,  se  confondre  dans  un  mCrne  accfes,  il  en  etait  un  beaucoup  plus 
grand  hombre  oS  I’apparilion  de  ces  deux  ordres  de  manifestations 
patholOgiques  n’avait  lieu  qu’a  des  intervalles  plus  ou  moins  longs, 
mais  parfaitement  limlias. 

»  Des  accidents  nerveux,  de  formes  trfes-variaes,  peuvent  se  siib- 
stitUer  les  uns  aux  autres  ;  le  fait  n’est  ignorC  de  personae  aujour- 
d’hui.  Un  mddecin  des  plus  distinguCs  de  Geneve,  M.  le  docteur 
DuhaU,  aUcien  interne  de  noire  service  b  la  Salpfitriere,  a  fait,  sur. 
ce  sujet,  un  travail  remarquable  qui  mCrile  d’etre  consultC. 

»  Nous  y  reviendrons  plus  tard;  pour  le  moment,  nous  voulons 
insister  sur  cette  particulariffi  bien  moins  connue,  a  savoir,  que  les 
perturbations  intellectuelies  et  affectlves  n’dchappent  pas  a  cette 
loi  de  substitution. 

»  C’est  ainsi  qu'on  volt,  chez  un  assez  grand  nombre  d’hystd- 
riqufes  et  d’hystero-dpileptiques,  ces  perturbations  prdeeder,  mais 


•  ••JOBRNAUX  ;iig 

4e;  plus  ordinaireiRent  suivre.  les.  accidents  npcveux ,  ipiefvje^at 
ainsi,  taiiiOt  comme  jugds  pin-  la  criae  n'erveuse,  tantdt  .la  jugeant,. 
.Bes  mpdilicaiioas  plus  qu:  mpius  profondes,  plus  ou  iiidius  appa- 
rentes  dans  les  facultds  ailecliyes,  des  iddes  ^ijl}raples,  une  veri¬ 
table  excitation,  raaniaquej  uueltiuefow  un  ptat  de  stupcur,  ptc.,  tefs 
sont  lea  prodromes  certains  d’une  atiaque  ou  de  pjlusieuiia.  att^ugs 
con'secuiives,  ii  la  suite  desquelles  les  ma^des  recouvrent .  ipuie 

leuf  integrite  d’esprit.  .  '  ■  .  . 

I)  llL  IiHl  symptomatologie  de  rhysiero-epilepsie  offre  cec- 
taines  particularites  qui  ne  tonchent  qu’indirectenlept  k  la  question 
principale  dc  notre  travail,  mais  dont  je  ne  puis,  cependant,'  me 
dispenser  de  dire, quelques  niots.  .  ,  , 

i-i)  J[e  ,yeux  pArl,ci.'  des  dieinents  pathplogiques  qui  entrent,  pour 
ainsi  ,dice,,dans,  ia  composition  .tie  i’c^ecUon  liystero-epiieptique, 
de  la  fusion  de.  ces  elements,  iaquelle  est  -parfols  assez  intiin’e 
pour  constltuer,  une  individuaiue  inorbide  reelle. 

1).  Oubien  i°  il  y  a  melange,  dans  un  meme  accSs,  de  pbenp- 
rafenes  hysteriques  et  epileptiques,  et  ce  melange,  cotnme  nous  le 
disions  tout  it  I’heure,  pent  etre  tel  dans  quelque  cas,  que  les  tibii- 
bles  observes  ont  perdu,- eu  quelque  sorte,  toute  caracterisiique,  qt 
ne  se  presentent  plus  que  sous  un  aspect  commun.  • 

I)  Ou  bien  2°  ces  phenombnes  existent  isoiement,  se  niontrant 
tour  it  totirsans  regulariie,  sans  ordre  determine,  cbez,  le  meme 
malade. 

»  Les  auteurs  anciens  ont  meconnu  rhystero-epilepsie,  Aujour- 
d'hui,  depuis  Esquirol  qui,  le  premier,  I’a  nettement  deiinie  et  liii 
a  assigne  une  place  dans  le  cadre  nosologique,  elle  estgeneralement 
admise,  pardons  lesmedecins  du  moins,  qni  se  trouvent  places  dans 
des  conditions  sullisantes  d’observation,  et  h  la  tftte  d’agglomera- 
tioBs  pips  ou  moins  considerables  de  malades...  :  . 

a  Fusion  des  phinomenes  psydhiques.  — r  Quand  on  etudle  avgc 
soin  le  deiire  hystero-epileptique  ;  quand  on  se  iivre  a  un  examen 
comparatif  des  deux  sortes  de  lesions  mentales  qui  sont  plus  pgrti- 
cBlitrement  propres  4  Thysterie,  d’une  part,  del’autre  it  i’epiiepsie, 
on  constate  une  sorte  de  melange  ou-  de  fusion  des  phenomitnes, 
analogue  it  celle  qui  existe  physiquement.  G’est  ainsi  que  cliez  des 
hystero^epileptiques  dont  la  maladie  qst  deji  ancieune,  et  par  con-  i 
sequent  lenace,  profonde,  on  voit  apparalire  graduellement  el  s’ac-  ' 
cusant  chaque  your  davantage,  la  soudainete,  rircesistibilite  des 
impulsions, ,  raO'aiblisscment  de  la  meraoire,  et,  parfois  mfime, 
quelques  symptpmes  de  demence ;  comme  si  la  plus  grave  des  deux 
maladies  reuiiies  sur  le  meme  sujet  (I’epiiepsie)  Aendail  invincib'jer 


4/|8  REVUE  DES  JO'URNAETX  DE  MfeDECIISE. 

nieni  a  se  subsiituer  cha(iue  jour  de  plus  en  plus  a  cellc  qiii  I’est 

moins  (rhystSrie). 

De  la,  on  le  coinprend,  Texlrfime  importance  d’un  diagnostic 
exact,  I’int^rfit  qu’a  Id  mtidccin  de  saisir,  dts  leur  premidre  appari¬ 
tion,  les  phdnomdnes  dpileptiquessurvenantdans  le  coursde  I’hys- 
tdrie,  phdnomdnes  dont  la  prdseiiceest  de  nature  a  modifier  si  pro- 
fonddment  et  la  mddiftition  et  le  pronostic. 

»  Coexistence,  chez  le  meme  sujet,  de  I’hysterie  et  de  I’dpilepsie. 
Nous  avons  ditqu’il  existaitune  classede  malades  chez  iesquels  les 
deux  afiections  se  montraient  coincidemment,  mais  nettement  sdpa- 
rdes,  et  n’envahissant  le  sujet  qu'alternativement. 

»  Cette  classe,  il  faut  se  garder  de  la  dlstinguer  absolument  de  la 
premlfere  dont  nous  avons  fait  mention;  car,  a  notre  sens,  elle  n’a, 
en  rdalitd,  qu’une  existence  purement  iddale  ou  artiflcielle  ;  et  la 
raison  en  est  que,  si  chez  les  malades  les  crises  hystdriques  et  dpi- 
leptiques  se  raontrent  parfois  Isoldes,  eiles  se  confondent  le  plus  or- 
dinaireraent,  «  se  pdndtrent  rdciproquement,  »  comme  s’exprime 
avec  tant  de  justcsse  M.  le  docteur  Ounan. 

»  L’un  de  nos  prdddcesseurs,  Georget,  a  dmis  I’opinion  que  I’hys- 
tdrie  el  I’dpilepsie  n’dtaient  qu’une  seule  et  radme  maladie  envisagde 
a  des  degrds  d’iniensitd  diffdrents. 

»  Une  foule  de  raisons  militent  contre  cette  manifere  de  voir  ; 
mais  il  est  un  fait  que  nous  ne  pouvons  omettre  de  signaler,  II  est 
d’expdrience  journalidre  que,  chez  le  plus  grand  nombre  des  hysld- 
riques  simples,  la  ndvrose  a  une  tendance  exirdme  a  se  convertir 
en  hystdro-dpilepsie,  et,  d’autre  part,  que,  chez  les  hystdro-dpilep- 
tiques,  les  accfes  dpileptiques  francs,  ddgagds  de  tout  mdlange, 
finissent,  le  plus  souvent,  mais  aprds  une  certaine  durde  dont  il  est 
mpossible  de  fixer  la  longueur,  par  se  subsiituer  entiferement  a 
I’hystdrie.  Nous  avons  dans  nos  sailes  bon  nombre  de  vieilles  dpi¬ 
leptiques  qui  y  sont  entrdes  hystdro-dpilepliques,  quelques-unes 
simplement  hystdriques. 

»  Comme  I’dprlepsie,  enfin,  I’hystdrie  (convulsive)  peut  se  conver¬ 
tir  brusquement  en  une  ndvrose  d’un  caractdre  dilldrent,  laquelle, 
a  son  tour,  pourra,  plus  ou  moins  de  temps  aprds,  disparaitre  et 
cdder  la  place  k  la  ndvrose  primitive... 

»  Ajoutons,  pour  clore  cet  article,  que,  dans  queiques  cas,  la 
ndvrose,  que  j’appellerais  volontiers  intercurrenle,  en  se  substituent 
d’une  manifere  perraanente,  ddfinitive,  aux  crises  hystdro-dpiiepti- 
ques,  simule  une  bonne  et  solide  gudrison  ;  tandis  qu’au  fond,  il  n’y 
a  rien  de  changd  que  la  forme  de  la  maladie,  dont  les  apparences 
symptoms tologiques  ne  sont  plus  les  mdmes. 


JOURNAUX  FRANCAIS.  149 

»  Traitement.  —  Nousavons  employ^  la  rafime  medication  conlre 
les  ditferentes  ndvroses  dont  nous  nous  sommes  occupe  precedcm- 
ment :  epilepsie,  hysteric  et  hystero-epilcpsic. 

»  Tout  en  admetiant,  avec  la  Irfes-grande  majoriie  des  auteurs, 
line  distinction  radicale  entre  ces  maladies,  principalement  entre 
ia  premiere  el  les  deux  derniferes,  au  point  de  vue  symptoraatolo-' 
gique,  au  point  de  vue,  surtout,  du  degre  de  curabilite;  cependant, 
en  raison  de  leur  coraratinauie  d’origine  envisagee  sous  le  double 
rapport  de  I’herediie  et  des  causes  occasionnelle.s,  nous  ne  saurious 
etre  aussi  absolu  quant  4  leur  nature  essentielle,  bien  que  celle-ci 
nous  soit4  peu  pieslnconnue  fauie  de  donnees  sufOisantes  sur  son 
substratum  organopathique. 

»  Voilit  pourquoi  nous  avons  jugd  4  propos  de  soumettre  au  meme 
traitement:  eplleptiques,  hysteriques  et  hysiero-epilepliques. 

»  Disons  tout  de  suite  que  nous  aurons  trfes-peu  4  nous  occuper 
des  premiers,  pour  une  raison  que  nous  regretlons  d’avoir  a  signaler; 
c’est  que,  ici,  nous  ne  comptons  que  des  insucc4s ;  quelques  ame¬ 
liorations  momentan4es,  si  Ton  veui,  mais  rien  de  stable,  rien 
qu’on  ptiisse,  de  pr6s  ou  de  loin,  prendre  pour  de  vdiitables  gud- 
risons.  Et  encore,  est-il  .infiniment  probable  que  ces  ameliorations 
devaient  6tre  altribudes  bien  plus  4  ce  que  la  medication  mise  en 
usage  etait  nouvelle,  qu’4  son  eiBcacite  reelle  et  intrinsbque. 

»  A  ce  propos  et  ineidemment,  qu’on  nous  permette  de  revenir 
sur  un  fait  dont  Timportance  est  considerable,  au  point  de  vue 
pratique,  fait  generalement  ignore  des  medecins  qui  n’ont  pas  une 
tris  grande  experience  des  maladies  nerveuses. 

u  Esquirol  a  fait  le  premier,  je  crois,  ia  remarque  que  les  accbs 
d’epilepsie  —  nous  ajouterons  les  attaques  d’hysterie  et  d’hystero- 
epilepsie,  —  eprouvaient  un  temps  d’arret  plus  ou  moins  long, 
chaque  fois  que  le  raedecin  trailant  faisait  usage  d’un  nouveau  re- 
m4de,  ou  meme  faisait  semblant. 

»  II  suifit  encore,  pour  que  le  meme  effet  se  produise,  que  le 
medecin  habituel  soit  remplacd  par  un  autre  rnddecin. 

»  Ces  fails  nous  sont  connus,  et  nous  avons  Toccasion  presque 
journaliere  de  les  observer  dans  notre  service.  Une  remarque  qu’il 
importe  de  consigner  ici,  c’est  que,  lorsque  cette  suspension  des 
accidents  nerveux  a  lieu,  les  accfes  acquiferent,  tout  d’abord,  une 
gravite  qu’on  ne  leur  avait  jamais  vue  auparavant,  gravitd  qui 
crolt  en  raison  direcle  de  I’espace  de  temps  qu’a  durd  leur  suspen¬ 
sion,  et  qui  peul  aller  jusqu'4  comprometire  la  vie  des  malades... 

»  Gela  dit,  nous  exposerons  les  moyens  de  traitement  que  nous 
avons  employds  ;  mais  auparavant,  disons  quelques  mots  de  cer- 


150 


KEYUE  DES  JOnRNADX  DE  MfiDECINE. 


mine  mfithbde  curative  toiijonrs  fort  accr^dil^e  parmi  les  gens  du 
nrahde  etin6me  (cela  du  .mom.s  r^snltedes  renseignements  fournis' 
par  les  malades  et  les  parents  des  malades)  pr^cpnisde  par  quelques 
praticlens; 

'»  Kons  VonloDS  parler  du  MARiAGE. 

-  »  Nousne  pouvonsnous  expliquer,  vraiment,  comment  I’ldde  de 
reCdurir  au  manage  (et  sons  cette  appellation  nous  entendons  desi¬ 
gner  Pdefe  que  le  mariage  legitime  et  la  grossesse  qui,  dans  la  pin-. 
part  des  cas,  en  est  la  conseqnence  ordinaire)  comme  h  un  moyen 
de  traitement,  a  pu  gernier  dans  les  esprits,  el  se  popularlser  au 
point  od  nous  la  Toyons  encore  aujourd’liiil. 

»  Gela  se  comprend,  sans  doute,  pour  I'liysierle  et  rndme  I’liys- 
tdro-epilepsie,  en  raison  des  opinions  longtemps  regnantes  stir  la 
nature  dcces  maladies  que  Ton  voulait,  i  louie  force,  rattaclier  4  je 
lie  sais  quelle  surexcilation  genitalc;  mais  pour  I’epilepsie  I 
;  »  €e  qui  est  certain,  absoiument  certain,  h  nos  yeux  du  moins, 
(Pest  que  mil  fait  bien  constate  n’a  jamais  fourni  le  plus  Idger  pre- 
texte  h  la  propagation  de  ce  prejuge. 

«  Stir  on  total  de  287  malades,  qui  composent  notre  service,  nous 
en  Comptons  environ  187  qui  ont  use  du  mariage  (legal  ou  illegal), 
la  plupart  dans  le  but  exprfes  de  se  debarrasser  de  leur  terrible 
maladie.  Parm!  elles  se  trouventS  hysteriques,  17  hysiero-epilep- 
tiiines,  et  162 Cpileptiques.  < 

«  Or,  non-seulement  aucune  d’elles  n’y  a  trouve  la  guerisou, 
tbais  encore  le  plus  grand  nombre,  sinon  toutes,  y  out  puise  une 
aggravation  immediate  de  i’affection  dont  elles  etaient  aiteintes. 

n  n  en  est  done,  du  mariage  envisage  comme  moyen  tfierapeu- 
titjde,  comme  de  ces  mille  Temfedes  qui,  ainsi  qu’on  i’a  dit  un  peu 
crftment  pent-6tre,  mais  fort  juslemeni,  neguerissent  qu’entre  les 
mains  de  ieurs  iriventeurs.  Pins  rigoureusement  encore  que  toutes 
ces  panacees,  il  doit  etre  proscrit  par  lout  uiCdecin  edaird  et  cons- 
ciendeux,  eii  tant  que  moyen  de  propagation  par  vole  d'heredHi; 
de  la  plus  affreSse  des  maladies  qui  puissent  affliger  respice  bu- 
niaine.'-  ■ 

-1)  MedieeAions  jdiverses.  —  A  Pimitolion  de  mon  iilustrc  maltre 
Es^irdi,  je  m'''etais  Halt  et  je  me  fais  encore  aujoord’hui  une  regie 
d’experimenier  par  moi-metne  la  piupaf  t  des  rembdes  qui  ont  etd 
prbnes,  lour  a  tour,  CftBtre  1’epilep^e... 

s  raiTlve  done  de  suite  an  mode  de  traitement  qiti,  sans  nous 
satisfaire  edmpictement,  loin  de  IS, nous  a,  lontefois,  para  digue 
d'etre  pTM  eh  sdrieuse  coiisidAratiott  par  les  pra  tldetis.  ' 

>i  "nijdroMraphJ—‘t>H''mm  'entree  ii'.la  SaipeU'ibre,  jiavais  eu 


JOURNAUX  FRANC AIS.  151 

la  pens^e  d’essayer  contra  les  ndvroses  qua  j’dtais  appall  h  soigner, 
un  renifede,  ou  plut6t  une  medication  qni,  bien  qu^admise  depuis 
pen  da  tamps  dans  ia  pratique  ordinaire,  etait  pass^e  rapidement  ^ 
I’diat...  est-ce  trop  dire?  da  panacea  presque  universelie. 

»  Je  veux  parler  da  riiydrotherapla... 

1)  En  1861,  dans  mon  service  d’aiiends,  6  Bicfitre,  j’avais  obtenu 
d’excelients  resultats  da  simples  douches  pratiqueas  exclusivement 
le  long  da  la  colonne  vartebrala. 

I)  Dans  un  voyage  qua  j’avais  fait  en  Aliemagne,  pen  da  temps 
auparavant,  j’avais  vu  cette  methode  empioyea  avec  gucefes  par  la 
docleur  Ideler,  medecin  en  chef  de  I’asile  d’aiienes  da  Berlin  (1)... 

I)  Depuis  cette  dpoque,  ia  douche  vertibrale  est  le  mode  da  trai- 
tement,  je  ne  dis  pas  exclusivement,  mais  presque  exclusivement 
employe  dans  le  service  dit  des  dpileptiques  6  la  Salpfitrifere. 

»  Quels  en  ont  ete  les  resultats?  e’est  ce  qu’il  me  reste  6  exposer 
sommairement ;  je  dis  sommairement,  parce  qua  si  nous  vouHoiJs 
relater  ici  dans  tous  leurs  details,  in  extenso,  les  nombreuses  peri¬ 
peties  du  traitement  comma  elles  ont  dte  notees  par  les  eifevas  du 
service,  MM.  Dunan,  Duguet,  Peuleve,  Monod,  jour  par  jour,  acefes 
par  acefes,  nous  lomberions  inevitabicment  dans  (las  rdpetilions  fas-, 
lidieuses,  et  un  volume  n’y  sufflrait  pas. 

- »  Voici  d’al)ord  de  quelle  manifere  les  douches  ont  dte  adminj$- 
trees  :  La  malade,  apris  avoir  ete,  prealablemant  frotieepar  toutle 
corps  avec  une  eponge  grossifere  imbibee  d’eau,  puis  placee  dans; 
une  baignoire  vide,  un  jet  d’eau  frpide  est  dirige  exclusiveniepi.le 
long  de  la  colonne  vertebrale.  La  duree  de  la  douche  n’exc^n  p@s 
ordinairement  trois  6  cinq  minutes.  La  force  de  projection  etaut 
irfes-energique,  ce  temps  sufiSt  pour  determiner  sur  les  legumeijls 
une  rongeur  plus  ou  moins  vive,  comme  erysipeiateuse. 

»  Chezcellesde  nos  maladas  (et  le  nombre  enest  trfes-grand)  dont 
la  menstruation  presente  des  irregularites,  la  douche  est  portee  en¬ 
core  pendant  une  ou  deux  minutes  sur  le  pubis,  moyen  dont  nous 
avons  plus  d’une.  fois  cpnstai^  refBcacite  pour  retablir  les  choses 
dans  leur  etat  normal, 

»  Au  sortir  de  la  salle  de  bains,  quand  le  temps  le  permet,  les 
malades  se  rendent  au  gymnase,  oh  elles  se  livrent,  pendant  une 
demi-heure  ou  une  hence,  aux  exercices  d’usage. 

»  Le  nombre  des  malades  qui  ont  ^td  soumises,  jiisqu’ici.autraiv. 


(1)  Voyez  Notes  sur.  les  4tctblissemetiM  d’altshds  de  Siegiwg,  Halle, 
Dresde,  etc,  {Ionian  medicale,  annee  1853,) 


152 


KEVUE  IJES  JOURNAUX  CE,  MEDECINE. 


tement  piir  les  affusions  viu-iebrales  esl  de  66,  sur  lesqiielles  nous 
cbmploiis  32  bpilepliques,  19hysibro-epilepliques,et  15  hysldriques. 

»  Parrai  les  premiferes,  one  quiiizaine,  environ,  oul  dprouvii  une 
Ibgbre  amtilioralioii  qui  se  mainlient  encore  h  I'lieiire  qu’il.  est; 
c’est-5-dire  qiie  lesacces  ont  perdu  delenr  violence,  en  inbme  temps 
qu’ilssonl  devenusplus  rarcs.  Lereste  a  eprouvb  une  ambiioration 
beaucoup  plus  marquee,  tant  au  point  de  vue  de  la  frequence  que 
de-l’intensitd  des  crises.  C’est  ainsi  que  telles  malades  quiavaientun 
ou  plusieurs  accfes  par  seuiaine  ct  mbme  par  jour,  el,  en  plus,  des 
vertiges  qui  duraient  de  dix  5  vingt  minutes,  sent  resides  un  mois 
et  plus  sans  rien  ressentir,  ni  vertiges  ni  acebs. 

1)  Hystero-epileptiqiws. —  Les  douches  vertbbrales  pnl  eu  sur  les 
malades  de  cette  catbgorie,  des  rdsiiltats,  sinon  compibtement  salis- 
faisants,  du  moins  de  nature  5  faire  concevoir  de  siirieuses  espb- 
rances,  I'orsqu’elles  seront  adminislrbes  5  des  malaxes  placees  dans 
des  conditions  de  curability  moins  ddfavorables  que  ne  I’ytaient  les 
ndtres. 

■>  Sur  19  malades  traitbes,  nous  comptons  2  guerisons  vraies,  in- 
contestables,  2  sur  lesquelles  nous  n’oserions  nous  prononcer  avec 
la  m6me  assurance,  une  enfin  que  nous  sommes  obligbs  de  gralifier 
du  pseudo-guerison. 

»  Des  16  autres  malades,  9  se  sonl  trouvyes  plus  du  moins  bien  dp 
traitement,  mais  pas  assez,  jusqu’a  ce  jour  du  moins,  pour  que  nous 
puissions  les  dire  gudries,  5  sont  resides  5  peu  prds  dans  le 
statu  quo... 

»  HysUriques. —  Sur  15  hystdriques  traitdes  par  les  douches  ver- 
tdbrales,  nous  avons  obtenu  7  guyrisons;6  malades  ont  dprouvd 
une  grande  amyiioiation,  dquivalanl  presque  h  une  guerisoncorapifete 
pour  2  d’entre  elles ;  les  deux  autres  n’ont  dte  que  faiblement 
amdliordes...  Berger. 

{La  suite  prochainement.) 

JOURNAUX  ALLEMANDS. 

AIlKemcine  Zeitscbrlft  fur  Psyctalatrlp, 

Analyse  par  M.  le  D’'  Kdhn. 

Annde  1864  (suite). 

6®  Quels  sont  les  avantages  du  systdme  de  Gheel  pour  la  guerison 
des  alidnds,  par  le  docteur  Fr.  Wiedemeister,  5  Hildesheim. 

Le  docteur  Wiedemeister  n’a  pu  mieux  rdpondre  5  cette  question 
qu’en  comparant  les  rdsultats  divers  obtenus  dans  quelques  asiles 
d’Allemagne  avec  ceux  obtenus  5  Gheel.  II  s’est  servi  d’un  rapport 


JOURNAUX  ALLJiMANDS.  153 

du  docteur  Bulckens  sur  la  colouie  de  Gheel  (amides  1856,  1857, 
1858,  1859). 

L’auteur  prouve,  dans  une  com-le  descriplion,  que  la  colonie  de 
Gheel  e.sl  dans  de  trts-mauvaises  conditions  pour  le  malade.  D’abord 
le  terrain  est  pen  propre  h  la  culture;  ensuile  les  maisons  n’onl 
qu’iin  diage  et  consistent ;  I"  en  une  cuisine  oCi  un  feu  de  tourbe 
couve  continuellement.  Cette  cuisine  sert  non-seulement  5  la  prdpa- 
ralion  des  aliments,  niais  encore  elle  est  un  lieu  de  rdunion  pour 
tons  les  gens  de  la  maison  :  liommes,  femmes,  enfants,  servants, 
sains  et  malades,  propres  et  raalpropres,  Iranquilles  et  agitds,  dpi- 
leptiques,  maniaques,  etc.  Elle  sert  en  mdme  temps  d'atelier,  d’au- 
berge  et  d’eslaminet.  2"  A  c6td  de  la  cuisine  se  trouvent,  en  gdndral, 
les  chambres  5  coucher.  Ces  pieces  sonl  incompidtement  fermdes. 

Dans  ces  localltds,  on  comptait,  au  31  ddcembre  1859,  jusqu’5 
■ei-V  nourrioiers ;  698  malades  pauvres  ;  102  pensionnaires,  qui,  en 
gdndral,  sont  mieux  logde.  II  y  a  en  outre  un  certain  nombre  de 
pensionnaires  libres.  Mais,  ce  qu’avant  tout  on  vante  de  ce  paradis 
des  alidnds,  c’est  la  libertd  dont  ils  jouissent  en  vivant  au  milieu 
d’une  population  saine  d’esprit ;  ce  qui  leur  perinet  de  prendre  part 
aux  joies  et  aux  peines  que  peuvent  dprouver  les  families  qui  les 
entourent.  Dependant  une  partie  des  malades,  68  sur  les  800  sus- 
nommds,  sont  enclialnds,  comme  cela  se  pratique  aussi  dans  les 
autres  asiles.  Ces  malbeureux  portent  aux  pieds  une  chaine  Ibngue 
de  30  centimfetres,  qui  paralyse  leurs  mouvements.  D’autres  ont  des 
courroies  de  force  qui  leur  lient  les  mains  jour  et  null.  Les  agitds 
sont  surveillds  5  I’infirmerie.  Enfln  quelques-uns,  par  mesure  de 
sdcuritd  publique,  sont  dloignds  de  Gheel.  Dans  I’espace  de  quatre 
ans,  8,3  pour  100  sur  les  admissions  ont  dfl  ainsi  dtre  dloignds. 

On  cite  5  Gheel,  comme  avanlage  sur  les  autres  asiles,  I’occupa- 
tion  que  les  malades  y  trouvent.  C’est  vrai,  beaucoup  aident  les 
paysans  dans  les  champs,  d’autres  travaillent  avec  les  ouvriers  on 
s’occupentau  mdnage.  Sur  800  malades,  501,  c’est-A-dlre  5/8,  sont 
employds  au  travail,  pendant  que  3/8  sont  oisifs.  Dans  ce  nombre 
sonl  ceux  qui  font  ies  moindres  travaux  (peler  des  pommes  de  terre, 
par  exemple). 

Le  docteur  Wiedemeister  compare  le  chiffre  des  gudrisons  de 
Gheel  avec  celui  d’autres  asiles  d’Allemagne,  el  il  oblient  pour 
rdsultat : 

Garrisons.  Ainoliorations. 

A  Gheel .  18, »7  p.  100  .  8,10  p.  100. 

A  Siegburg  . . . ,  .  30,8  p.  100  . 8,81  p.  100. 

A  Tienne,  35,8  et  35,9  p.  100  .......  15,28  p.  100. 

A  Hildesheim  . . .  37,3  p.  100  .......  11,7  p.  100. 

A  Illenau .  05,5  p.  100  .  26  p.  100. 


15a  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 

,  L’^norme.  dilKrence  que  nous  remarquons  dans  les  gu4risons  est 
encore  plus  frappanle  dans  les  dec6s.  II  meurt  li  Gheel  presque  trois 
fois  plus  do  malades  qu’il  n’cn  gn^rit,  et  six  fois  plus  qu’Il  ne  s’en 
ain(iliore-;ainsides  admissions, lien  meurt  /i8,76  p.  100  A  Gheel,  pen¬ 
dant  qu’il  n’en  meurt  que .  33,09  p.  100  iHildesheim 

33,06  p.  100  i  Vienne, 
13,00  p.  100  hlllenau, 

8,81  p.  100  k  Siegbourg. 

.  Le  nombre  des  Evasions  est  aussi  lu6s-consid^rable,  3,ai  p.  100 
a  Gheel,  tandis  qu’il  n’y  en  a  que  0,48  p.  100  k  Vienne.  Gheel  I’em- 
porte  encore  pour  le  meurtre,  les  grossesses,  le  suicide. 

,  La  mfilancolie  est  la  forme  d’alidnalion  qui  donne  le  mellleur  r4- 
sultat  k  Gheel;  il  esta  peu  prfes  le  mOme  que  dans  lesautres  asiles; 
mais  il  n’en  est  pas  de  mOmede  la  maiiie  qui  est  de  48,8  p.  100  a 
Gheel  et  de  60  p.  100  k  Vienne. 

Il  est  certain  qu’il  exisle  dans  le  sysiemc  de  Gheel  un  empfiche- 
ment  k  la  gudrison  de  la  manic.  Celle  affeciion  est,  en  g^ndral, 
reconmie  parlout  pour  fitre  la  forme  la  plus  propice  k  la  gukrison. 
Gheel  reqoit  plus  de  maniaques  que  les  aiilres  asiles  et  il  en  gudrit , 
moins. 

Il  s’agirait  de  savoir  malntenant  quelle  en  est  la  cause.  Le  doc- 
teur  Bulkens  Pexpllque  par  le  rayonneraciit  vif  du  soleil,  qui  exerce 
sur  I’inhervallon  une  Influence  favorable  au  ddveloppement  du 
ddsordre  menial  et  occasionne  des  exacerbations,  des  exaltations 
chez  les  alidnds.  L’inconvdnient  des  rayons  du  soleil  exisle  dans.les 
autresaslles;  el,  k  part  cot  inconvdnient,  il  est  toujours  prdfdrable 
de  faire  travailler  les  malades  en  plein  air. 

Pour  ce  qui  regarde  la  grande  quantild  de  ddeks  k  Gheel, 
48,76  p.  100  series  admissions,  on  ne'peut  draellre  k  ce  sujet  que 
des  soupqdns.  Deux  causes  peuvent  dire  relatdes  ;  1“  qu’il  n’’y  a  pas 
assez  de  malades  gudris;  2"  que  le  traitement  et  les  soins  ne  sont 
pas  suflisanls  aux  malades.  Le  mauvais  logement  y  est  pour  beau- 
coup.  Les  paralyliques,  par  exemple,  ne  trouvent  pas  Ik  les  soins 
qui  lour  conviennent  dans  leurs  derniers  moments.  Ces  malades 
prdsenient  des  plaies  profondes,  sup^ul'autes,  des  eschares  larges, 
la  gangrfene;  ils  constituent  alors  daw  la  maison  du  nourricler  un 
foyer  d’infeclion.  Que  les  malades  soient  aussi  bien  solgnds  par  les 
paysans  de  Gheel  qu’ils  le  sont  dans  les  asiles,  c’esi  fort  douieux. 

Pour  he  pas  pousser  plus  loin  la  recherche  des  causes  dq  la  mor- 
talitd,  nous  dirons,  en  rdsumd  :  que  rexpdrienqe  a  prouvd  qu’k 
Gheel,  un  tres-petit  nombre  d’alidnds  sqrtent  gudris,  et  qu’une 
grande  quanlild  y- meurent ;  que  le  syslkme  de  Ghqel  n’est  pas 


J0URM4UX  ALLEM41N0S* 


155 


favorstble  &;  Ja::gii6rjson;  ea  g^o4i'al,  el  qu’il  est  uia  obstacle  5  la 
ga^fjsoa  de  la  naaie,  la  forme  la  plug  frdquenle  du  trouble  meatal. 

-  3*  fascicule. 

5?  Fait  intdresgaat  pour  I’^tude  deg  maladies  mentales  douteuses, 

.  par  le  docleur  Wille,  i  Goeppingen. 

L'anteur  rapporte  dans  tons  ses  details  une  observation  d’une 
lypdmanie  pdriodique,  et  insists  surtout  sur  les  anl^cddcnis  du 
malade  comme  moyen  de  reconnaitre  le  trouble  mental  el  son. 
caractfere. 

6®  Soustraciion  de  calorique,  comme  moyen  curalif,  dans  la 
melancholia  agitans,  par  le  doctenr  J.  F.  H.  Albers, 

An  nombre  dtis  mddicamenis  employes  contre  la  melancholia 
agituns  se  Irouvent,  en  premifere  ligne,  Ics  calmants  et  les  excitants ; 
au  premier  groupe  appartiennent  I’opium,  les  bains  lifedes,  le  re¬ 
pos;  au  det;nier,  le  vin,  la  vaMriape,  le  castordiira  et  le  muse;  mais 
il  est  reconnu  qne  I’emploi  de  ces  mWicaraents  reste  spuvent  sans 
r^sullat,  et  que  Ton  se  volt  alors  obllg^  d’avpir  reconrs  It  d’autres. 
moyens.  II  exisie  une  forme  de  mdlancolie,  oCt  Ton  remarque  une 
dilatation  gdndrale  des  veines,  surtout  aux  extrdmitds  Infdrieures, 
aux  joues  et  dans  les  conjonctives;  Ig  m€rae  dilatation  se  remarque 
dans  le  ceryeau,  elle  constitne  le  stimulus  et  cause  une  excitation 
continuelje, 

Les  ma)ades  soujt  d’une  maigreur  excessive,  jls  sent  insensibles 
au  froid  el  IfP  temperature  de  leur  corps  est  dlevde.  L’appdtit  est 
bon  etpiutbi  augraentd,  les  sderdtions  sent  actives,  mais  avant  tout 
il  existe  une  grande  insomnie.  Plus  longue  est  la  durde  de  la  ma-' 
ladle,  plus  grande  devient  ragitaijon,  an  point  que  le,  malade  se 
ddebire  et  brjse  tout  ce  qui  Venloure,  Ces  malades  deviennent  plus 
tard  gSteux,  mglpropres,  etc.  Cet  ^tat  egt  gendralement  accompagnd 
d’iddes  trisieg ;  les  malades  se  croient  coodamnds,  ne  voient  que 
malbeur  partout,  mdme'  dans  Je.  bonbeur,  etc.  Pans  ces  cas,  I’auteur 
a  obtenu  du  repos.et  la  gudrispp  complfete  en  soustrayant  au  malade 
une  tempdialure  dgale,  rdguiifere,  au  moyen  des  bains  prolongds. 
a  JO®  it.  La  mdlancolie  ayec  agitation  se  remarqiie  sonvept  cbeg  les 
femmes  a  la  suite  de  couches,  surtout,  cbeg  celles  qui,  pendant  la 
gestation,  olfraient  des  varices  aux  meipbresinfdrieurs, 

7®  Du  trouble  mental  eansd  par  le  ddveloppement  d’dchinocoqiies 
dans  le  eerveau  de  Pbomme,  pour  servir  it  I’etiologie.des  maladies 
psychiques,  park  docteur  J.  Koch,  Saint-Pdtersbourg. . 

Les  (ichinocoques  ont  tile  pea  etudks  par  les  ikvropalholdgistesj 


1'56  KEVUIi  MS  lOtIBNAUX  M  MfiMCINE. 

soil  au  point  de  vue  do  ieur  importance,  soil  A  celui  de  ieur  fre- 
quente  pr^sence  dans  le  cerveau  el  la  moellei  dpinifere.  Les  recher- 
ches  anxquelles  le  docleur  Koch  s’est  livrfi  soiU  d’un  grand  int€r€t 
pour  la  psychiatrie  et  I’^tude  des  maladies  nerveuses. 

Get  auteur  ^tudie  particnliferement  les  dchinocoques  du  cerveau, 
que  Linn^  avait  dgji  observes  dans  cet  organe  et  auxquels  11  a  donn^ 
le  nom  de  Tmnia  cerebralis.  Aprfes  Linnd,  Zeder  et  Goeze  les  ont 
appelgs  polyciphales.  Le  docteur  Koch  d^crit  avec  precision  le  dia¬ 
gnostic  dilldrentiel  des  diverses  tumeurs  du  cerveau  ou  I’on  ren¬ 
contre  des  parasites. 

Sympidmes  :  Au  d^but,  cSphalalgie,  puis  verliges.  Les  maux  de 
tete  augmentent  d’inlensitd  et  deviennent  persistants.  La  mtimoire 
dimintie  progress! vemeni  ainsi  que  rinlelligence.  Les  verliges  .se 
iransforment  en  convulsions  dpileptiformes,  qui  ont  le  caractfere 
propre  de  jeler  le  malade  en  avant,  sans  lui  laisser  la  faculty  de 
pouvolr  dviler  les  objels  qui  se  trouvent  devant  Ini  et  qu’il  heurte. 
A  la  diminution  de  I’intelligence  s’ajoutent.au  d^bul,  de  I’aneslh^- 
sie,  de  rhdmipl^gie  etde  I’hypercstMsie  des  organes  sensilifs;  plus 
tard  les  facultds  se  perdent  compl^lement,  la  d^mence  est  la  conse¬ 
quence  de  cet  eiat  et  la  moi  l  en  est  la  terminaison  forcee. 

Les  signes  pathognomonlques  et  caracterisliques  de  la  presence 
des  echinocoques  dans  le  cerveau  sont  surtout :  une  forte  et  conli- 
nuelle  cephalalgie,  une  diminution  rapide  de  la  memoire  et  du  reste 
des  facuUes  intellectuelles,  le  trouble  fonctionnel  des  divers  organes 
des  sens,  surtout  de  la  vue,  de  I’ouTe  et  du  tact,  etc.  De  plus,  les 
convulsions  propres  el  caracieristiques  qui  ne  se  voienl  dans  aucune 
autre  alTeciion  c^r^brale;  ellcs  ont  beaucoup  de  ressemblance  avec 
le  tournis  des  moutons,  qui  Iui-m6me  reconnatt  pour  cause  la  pre¬ 
sence  d’un  ver,  le  Ccenurus  cerebralis. 

Les  cas  d’^chinocoques  dans  le  cerveau,  qui  suivant  Ieur  carac- 
tfere  appartiennent  Si  la  categorie  des  neoplasmes,  et  qui  ont  des 
symptOmes  commons  avec  les  tumeurs  et  les  hydatides  du  cerveau, 
comme,  par  exemple  :  le  sarcome,  le  fongus  mddullaire  et  les  cysti- 
cerques  du  cerveau,  se  distlngnent  essentiellement  de  ces  derniers 
par  les  caractferes  suivants  ;  le  cyslicerqiie  n’entraine  pas  I’homme 
dans  la  ddmence  comme  les  dchinocoques ;  il  occasionne  pliltht  des 
accfts  d’^pilepsie  qui  durent  jusqu’i  la  niort.  Le  sidge  du  Cysticercus 
celluloscB  se  tronve,  comme  il  paralt,  plus  souvent  dans  les  parties 
periph^riques  du  cerveau,  dans  la  substance  grise,  dans  les  circon- 
voluiions;  tandisque  les  gcbinocoques  n’ont  did  tronvds,  jusqu’ici, 
que  dans  les  cavitds  et  siirtout  dans  les  hdmisphdres,  dans  les  troi- 
sidme  et  quatrieme  ventricules. 


JOURNAUX  ALLEMANDS.  iS? 

Pendant  le  d^veloppement  des  ^chinocoques  dii  cerveaii,  on 
irouve  consiamment  un  affaiblissenient  de  la  memoire  et  des  aiilres 
faculids,  en  un  mot,  tons  les  signes  de  ia  d^mence.  Les  cysiicei  ques 
n’offrent  pas  cette  dernifere  particularity  ni  celle  de  la  cyphalalgie. 

Done,  rychinocoque  se  distingue  facilement  des  autres  tumeurs 
du  cerveau  par  un  symptdme  caractyristique :  une  marche  progres¬ 
sive  jusqu'a  la  mort. 

*•  fascicule. 

8"  Tabes  dorsualis  (dygynyrescence'  grise  des  cordons  postyrieurs) 
et  Paralysis  universalis  progressiva,  par  le  docteur  Westphal. 
—  Suite. 

a®  Du  traitement  de  la  myiancolie  par  I’opium,  par  le  docteur  Tigges, 
5  Marsberg. 

L’auteur  allemand  rapporte  tienle-neuf  cas  de  , myiancolie , 
hommes  et  femmes,  soumis  h  I’opium.  Ce  mydicament,  administry 
a  petites  et  fortes  doses,  a  yty  continuy  pendant  plusienrs  mois,  Le 
docteur  Tigges  n’a  pu  oblenir  qu’une  seule  guyrison  complfete  par 
cette  mydicaiion.  Le  rysullat  a  pliitOt  yty  facheux  dans  le  plus 
grand  nombre  de  cas;  dans  d’autres,  il  est  resty  indiiTyrent  oti 
nul.  ■ 

10"  Instrument  simple  servant  a  difiyrencier  la  dilatation  des 
pupilles,  par  le  docieur  F.  Obernier,  mydscin  assistant,  & 
Siegbourg. 

L'inygaliiy  des  pupilles  est  souvent  tellement  marquye  chez  les 
aliynys,  que  de  loin  elle  frappe  dyja  les  yeux.  aiais  cette  dilfyrence 
est  quelquefois  si  peu  sensible,  que  nous  ne  pouvons  la  distinguer. 
On  ne  dolt  pas  pour  cela  adnietire  qu’elle  n’existe  ryellemcnt  pas. 
On  la  remarque  surtout  cbez  les  paralytiques.  D’autres  affections 
peuvenl  offrir  cette  particularity,  et  I’instrument  bien  simple  du 
docteur  Obernier  pent  alors  4tre  d’lin  grand  secours,  etpour  recon- 
naitre  qu’il  y  a  dilatation  inygale,  et  pourjuger  en  m4me  temps  de 
la  plus  petite  diffyrence. 

Get  instrument  se  compose  de  deux  petits  miroirs  i-yunis  par  une 
griffe  de  nlani6re  a  former  un  angle  de  200  a  210  degrds.  11  est  sur¬ 
tout  indispensable  que  les  deux  surfaces  reiiatent  exactement  les 
images.  L’action  de  ce  petit  Instrument  repose  sur  les  lois  les  plus 
simples;  les  rayons  lumineux  se  rellfetent  et  se  ryunissent  dans 
Tangle  mfime  formy  par  les  deux  surfaces  ryflecteurs.  L’lnstrument 
placy  devant  les  yeux,  on  remarque  un  ceil  dans  chaque  miroir.  On 
rapproche  alors  les  deux  plaques,  de  maniare  qiTelles  ne  prd- 
.sentent  plus  que  la  moitiy  de  chaque  ceil,  ryunie  par  la  partie  md- 


158 


EI5VUE  .Ma  JaUKNAUX  DE  MtDECINE. 

.aiaEQi.cll’on  n’aperfioil,plu§:qii’uB.seal  (Bit.  g’it  y  A  dUTdrenfaedins 
la  dilaiallon  ties  pupi|l@s,  ,e)le;est  .facile  ia'  reconnaitret.  car  .UDeales 
.mojiidsiseta  .pLoa  petile  qu?  rauivek  G’calia  le  Jbut  principal  de ,  I’in- 
stfiinJeftii  L’jnyemeilfcse  propose  d^y  jouidre  iin  appareil  desiiad  ii 
mesurer  ’en,  di^rae  .temps  Igs  piipilles,  afiii  ,de;  pouvolr  reprdsenter 
par  deaiCjMffsea.la  lUff^ifeace  de  ,ce?,d«ds  organesj  . 

11“  Suppldment,  4  I’article  Tabes  dorsualis,  etci*  p4r  ledoCtSOr 
G.  Westphal. 


.  ,  ■  ;  -  ,  •  5-  et  'O'  fascicules.  •  •  , 

12“  SubMattte  grise  de  nouvelle  formaiion  dans  les  parois  des  veu- 
iricules  laidraux,  et  d’une  slruclure  anormale,  non  encore  ddcriie, 
des- membranes  du  cerveau  par  hyperpldsie  de  snbstaiiCe  cdrtf^ 
cale  grise.  .  ■■ 

La  fotroalion  de  snbshnpe,  grise. dans  les  ventHcules  du  cerveap 
esi  une  des  maladies  Ips  p'|us‘rares  et  les"" pi  us  singuliferes  chez  le's 
alidnds.,  C*esl  ,1c  ptpfesseur  Virchow  qui.  Id  premierj  a  fait  les  rd- 
chercheS  les  plus  exacies.sur  ceue  anomalie.  ddtte  alTection  est  pen 
conuue,- et  ran  est.encore  4  se  demander  si  ce  ddveloppement  anor- 
mal  de  substance  grise  est  congdnital,  ou  bfen  s’il  est  possible  qu’il 
puisse  se  former  pips  lard., Les  opinions  sont,  partagdes  sur^ce 
sujet.  . 

L’auteur  rapporte  uh  cas  de  ce  genre  de  maladie,  qu’il  a  pu 
observer  chez  un  idiot  dpileptique.  Gette  observation  offre  assez 
d’ihtdrdt  pour  qtiej’eh  donne  une  descripiionsommaire. 

Michael  Schattkowski,  garijon  de  dix-neuf  atis,  dpileptique  de- 
puls  son  enfance.  Le  pfer.e  dtait  up  Ivrogne  'et  s’est  suicidd.  A  six 
mols,  Schattkowski  eiit  une  forte  convulsion,  suiVle  de  paralysie  de 
la  langue,  et  4  parlir  de  ce  moment  les  membres  du  cOtd'droit  son! 
restds  atrophids.  Ni  I’intelligence  ni  la  parole  ne  se  sont  ddvelo'p.- 
pdes.  Vers  I’Sge  de  neuf.aus,  Schattkowski  commenija  seulement  a 
prononcer  quelqiies  mots  trfes-imparfaits.  Vers  dix  ans,  it  eut  des 
accfes  d’dpjlepsie  plus  frdquenis,  qui  n’oftt  fait  qu’augmeiifer  de 
jour  eit  jour;  la  diarrhde  s’ensuiyit,  puis  les  tubercules  putmonafres 
et  enlin  la  moil. 

Autopsie.  —  Vodle  du  crane  petite,  symdtrique,  trds-dpaisse ; 
sutures  normales,  front  aplati,  prodminence  de  la  parile  posld- 
rieure,  face  interne  du  crane  lisse,  sans  nervures,  adhdrences  le 
long  du  sinus  longitudinal  avec  la  dure-mfere;  mdninges  minces, 
friables  et  adhdrenles  a  la  dure-mfere  Vers  la  partie  Infdrieure  et 
froutale;  quelques  granulations  de  Pachioni;  dpaississement  a  la 
partie  supdrieure  et  par  plaques  de  Tarachnolde.  Le  cerveau  rem- 


lOURNAUX  .  ALtEMANDS,  :  ;  <159 

plit  exactemenl  la  cavii6  de  la  dure'-mJire,  les  deux  veniiicules  laddr 
raux  soiu  ufes-dllat^s,  les  plexus  choroides  spnt  Je  siege  de  cystoides 
de  la  gi.osseur  de  grains  de  moulardei  Ala  face  exlernp,, supilneure 
et  posi^rieuie  de  ces  ventricules,  vers  la  partie  la  plus  recuide  de  la 
come  poslerleure,  on  irouve.en  grand  nombre,  de  petjts  corps  roods 
et  ovaiaires  de  substance  grlse,  pale,  l^gfirement;  jaune  rouge  ef 
brillanle,  de  la  grosseur  de  1  a  10,  millimetres  dp  diamfetre.  C’est 
vers  la  partie  posterieure  qn’ils  sent  le  plus  abondanls,  surtout  od 
la  partie  supdrieure  s.e  rdiinit  a  la  partie  externe.  Ces  corps  sont  eo 
gdndral  Isolds,  etleur  sommel  ddpasse  a  peine  le  niveau  de  la  paroi 
dn  ventricule.  On  remarque  a  la  pdriphdrie  de  ces  corps  un  rebord 
blanc  et  mince.  lls  sont  recouverls  par  I'dpendyme.  On  voit  par  la 
section  qu’ils  sont  formds  de  masses  arrondies  de  substance  grise. 
Plus  on  s’approcbe  vers  la  partie  posidrieure  des  ventriciiles,  plus 
ces  corps  deviennent  nombreux  et  serrds  les  iins  centre  les  autres-, 
de  sorle  qu’il  ne  reste  plus  qu’une  petite  quaniltd  de  substance 
blanche  pour  les  sdparer.  Par  diverses  sections,  on  a  pu  remarquer 
que  ces  masses  n’ont  aucun  rapport  avec  la  substance  corticale, 
elles  forment  ainsi  des  corps  Isolds  de  substance  grlse. 

La  substance  Corticale  des  deux  lobes  postdrieurs  du  cerveau 
n’oilre  pas  moins  d’intdrfit.  Elle  n’est  pas  d’une  dgale  dpaisseur  et 
prdsenie  des  musses  sinueuses  comme  formdes  de  deux  et  parfols  de 
trois  couches  superposdes,  dont  la  superposition  coniinue  seule  avec 
les  circonvolulions,  tandis  que  les  couches  internes  sont  plus  on 
moins  Isoldes,  entourdes  de  substance  blanche  et  formant  des  masses 
rondes  de  substance  grise.  Elies  envoient  des  prolongements  dans 
la  substance  blanche  et  s’y  perdent  Insensiblement ;  de  sbrte  que, 
par  la  section,  on  remarque  des  masses  de  substance  grise  enclayde 
dans  la  blanche.  Cette  disposition  offre  heaucoup  de  ressemblancC 
avec  la  structure  du  carcinome.  La  couleUr  est  plus  fonede,  d’un 
gris  plus  jaune  que  la  substance  grise  normale,  sa  consistance  est 
celle  de  cette  derniere.  Le  cervelet  est  hypertrophid. 

D’aprds  ce  que  nous  venons  de  voir,  cette  anomaiie  est  une 
espfece  d’hyperplasie  locale  de  substance  grise,  et  en  outre  une  hdtd- 
rotopie.  Cette  hyperplasie  locale  dans  les  lobes  postdrieurs  et  I’hy- 
perU'ophid  du  cervelet  expliquent  la  prodmiiience  occipitale,  et 
peuvent  donner  quelqiie  indice  pour  le  diagnostic.  L*auteur  prd^ 
sume  que  ce  ddveloppement  anormal  de  substance  grise  a  pris, 
naissance  pendant  la  vie  intra-utdrine  et  a  continud  it  se  ddvelopper 
peiidant  la  vie. 

Les  recherches  microscopiques  apprennent  que  les  cellules  uer- 
veuses  contenues  dans  ces  masses  grises  sout  analogues  aux  petites 


160  REVUE  DES  JOURNAUV -DR  MfeDECINE. 

cellules  de  la  coBche  siiperticielle  de  la  substance  grise,  et  aiix  pe- 
tites  cellules  que  Ton  trouve  pendant  les  premiferes  pdriodes  de  la 
vie  du  cerveau.  Elies  sont  petites,  ont  tin  germe  bien  net  de  granu¬ 
lation,  un  corps  cellulaire  irfes-mince  et  sont  compMtement  exemptes 
de  pigment  et  de  graisse.  L’auteur  compare  ces  cellules  que  I’on 
trouve  comme  type  dans  les  premiferes  ann^es  de  la  vie  et  qui  ne 
sont  pas  encore  compl^tement  ddveloppdes;  tandis  que  cedes  de  la 
couche  corticale  sont  plus  grosses,  tnieux  formdes  et  plus  ricbes  en 
graisse  et  en  pigment.  L’auteur  suppose  que  cette  anomalie  ddpend 
d’un  exces  de  formation  du  cerveau  en  forme  d’hyperplasie  iocale. 
13“  De  I’emploi  des  bains  froicls  chez  ies  aiidnds,  par  le  docteur 
Finkelburg,  a  Godesberg. 

L’hydrolhdrapie  doit  6tre  placde  au  premier  rang dansla  tlidrapeu- 
tique  de  I’alidnation  mentale.  Le  docteur  Finkelburg  cite  un  grand 
nombre  d’exemples  oft  il  a  pu  se  iouer  des  bons  rdsullats  de  cette 
mddication.  Ce.sont  les  bains  froids  qu’il  a  surtout  expdrimentds;  il 
fait  ressprtir  les  contre-indicalions,  qui  sont  :  disposition  aux  rbu- 
matismcs,  hydrdmie  ou  oligainiie,  parce  que  dans  cette  dernidre 
affection  il  y  a  k  craindre  des  hdmorrhagies  aprl's  le  bain.  Les  obser¬ 
vations  sont  rapportdes  avec  beaucoup.  de  clartd  et  pronvent  une 
fois  de  plus  que  ies  bains  froids  employes  sagement  sont  d’une 
grande  utilitd  dans  les  affections  nerveuses. 

14“  Recherches  sur  I’hdrdditd  dans  I’aliiination  mentale, 
par  le  docteur  W.  Jung,  k  Leubus. 

Le  travail  du  docteur  Jung  pent  se  rdsumer  ainsi  qu’il  suit  : 

1“  La  predisposition  herdditaire  est  plus  grande  chez  ia  femme 
que  chez  I’homme. 

2°  La  cause  dccasionnelie  la  plus  influente  pour  le  developpemeni 
du  trouble  mental  herdditaire  est  I’^poque  de  la  pubertd  chez  les 
deux  sexes. 

3“  Sur  1300  habitants  au-dessus  de  quinze  ans,  il  y  a  un  alidne, 
et  suV  quatre  aliends  il  y  en  a  un  par  herddite. 

4“  La  population  dvangdlique  donne  plus  de  malades  que  la 
catholique,  plus  de  rechutes,  mais  aussi  plus  de  gudrisons. 

5“  Les  cas  avec  prddisposition  hdrdditaire  offrent  une  liaison 
plus  favorable  4  la  gudrison  et  4  la  niortalild  que  les  cas  sans  prd¬ 
disposition  hdrdditaire,  etdemandent  un  traitement  moinslong. 

6“  Les  cas  avec  prddisposition  hdrdditaire  donnent  plus  de  re- 
chutes,  mais  aussi  plus  de  gudrisons. 

7“  Les  lois  communes  appartiennent  aux  cas  avec  prddisposilibn 
hdrdditaire  comme  a  ceiix  oh  Cette  prddisposition  n’existe  pas. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Traits  de  la  pellagra  et  des  pseudo-pellagres,  par  le  D''  Th.  Rodssel, 
ancien  interne  et  laureat  des  hdpitaux  de  Paris  (1). 

Lorsqu’un  homme  consacre  toute  son  aclivild  &  I’achfevemenl 
d’une  oeuvre  sdrieuse,  lorsque,  ne  reculant  devant  aucune  labo- 
rieuse  investigation,  il  accepts  les  fatigues  de  longs  voyages,  les 
sacrifices  de  toute  nature,  et  qu’il  vient  un  jour  soumettre  son  tra¬ 
vail  au  jugement  de  ses  contemporains,  il  a  droit  ii  I’estime  de 
tous;  et,  quand  cet  ouvrage  est  un  traitd  prdcis,  net,  complet,  sur 
une  maladie  rare  sous  notre  climat,  peu  connue  dans  son  Evolution, 
dans  ses  phases  diverses,  c’est  un  veritable  service  rendu  i,  la 
science.  On  n’a  plus  qu’4  louer  de  pareilles  oeuvres,  et  la  critique 
se  tait  devant  d'incontestables  mdriles.  Le  livre  de  M.  Ilqussel 
sur  la  pellagre  et  la  pseudo-peliagre,  a  dtd,  d{;s  son  apparition, 
accueilli  par  un  Idgitime  triomphe ;  il  a  Std  le  couronnement  d’une 
vie  d’dtudes,  Tune  de  ces  oeuvres  consciencieuses  qui  font  dpoque  : 
si  nous  en  parlons  un  peu  tard,  c'est  que  nous  n’avions  pas  besoin 
d’Sclairer  I’opinion  h  son  sujet,  nous  n’avons  qu’a  la  suivre  aujour- 
d’hui,  el  il  nous  associer  sans  reserves  aux  jugenients  qui  ont  con- 
sacrd  la  valeur  scienlifique  de  cet  important  travail. 

En  lisant  ces  pages,  riches  ii  la  fois  d'observations  et  de  vues 
Slevdes,  nous  nous  somnies  souvenu  d’une  visite  que  nous  ayions 
faile  nous-infime  i  I’Ospedale  Maggiore  de  Milan.  G’dtait  it  la  fin  du 
prlniemps  de  1862,  la  pellagre  avait  envoys  dans  les  salles  du  grand 
hOpltal  un  nombreux  contingent  de  malades.  Toutes  les  formes  se 
irouvaient  rdunies,  el  lii,  dans  I’espace  de  quelques  lieures,  nous 
vlmes  se  dSrouler  devant  nos  yeux  un  sombre  tableau  :  nous  ne 
conuaissions  alors  la  pellagre  que  par  les  descriptions  que  nous  en 
ayions  lues,  et  nous  4tions  loin  de  supposer  quelque  chose  d’aussi 
special,  d’aussi  net  dans  I’expression  symptomatique.  L’impression 
qui  nous  resia  fut  profonde,  nous  I’avions  coilservde;  elle  s’ est 
comme  rajeunie  par  la  lecture  d’un  livre  qui  r^pond  a  noire  propre 
sentiment.  Il  nous  a  semblii  revoir  ces  matheureux  au  teint  have, 
au  regard  h4bdtd,  cliez  lesquels  I’intelligence  s’engdurdit,  s’alldre, 
disparait  a  mesure  que  la  cacliexie  les  pdnfelre  plus  profonddment. 
Nous  avons  revu  ces  accidents  a  forme  ataxo-adynamique,  ces  dials 


(1)  tin  vol.  in-8,  Paris,  1866.  J.-B.  Bailliere  et  Fils. 
ANNAt,.  MdD. -PSYCH.  4®  sdrie,  t.  IX.  Janvier  1867.  11. 


162 


BIBLIOGHAPHIE. 


typhoidcs,  dans  les  pdriodes  ultimes,  qu’involontaircraent  nous 
rapprochions  du  marasme  danslequel  succotnbent  certains  aliSn^s 
paralytiques.  La  description,  peinte  pour  ainsi  dire,  par  iin  obser- 
vateur  sagace,  nous  rappela  tout  ce  que  nous  avions  entrevu,  nous 
dottua  I’explication  de  bien  des  fails  rest^s  obscurs  jusque-lii  pour 
nous;  et  ce  fut  avec  une  satisfaction  vive  que  nous  senllmes  pdnd- 
trer  en  nous  une  conviction  sincfere.  M.  le  docteur  Roussel  doit 
Ctre  arrivfi  &  la  vdritd ;  et,  sans  esprit  de  dSnigrement,  sans  vouloir 
amolndrir  les  travaux  d’autres  mddecins,  hommes  d’une  valeur 
scientllique  rfielle,  nous  pensons  qu’ll  n’y  a  pas  lieu  d’admettre 
cotnme  pellagres  la  plupart  des  observations  recuelllies  en  France 
dans  ces  derniferes  ann^es.  Pour  nous,  com  me  pour  M.  Roussel, 
la  pellagre  est  une  entltS  pathologique  nettement  ddtermin^e , 
ayant  son  ^tiologie  sp^ciale,  et  ne  devant  pas  6tre  coiifondue  avec 
d’autres  maladies  qui  n’ont  avec  elle  que  des  analogies  plus  ou 
moins  Sloign^es.  C’est  «  une  maladie  primitive  toxique,  dont  la 
marche  et  les  degrtfs  sont  ddtermimis  par  la  rdpdtition  des  intoxi¬ 
cations  qui  la  produisent. »  Intoxication,  tel  est  le  fait  primordial, 
ndcessaire,  dont  M.  Roussel  s’est  attachd  ii  faire  ressortir  I’impor- 
tance.  11  domine  toute  I’dtude  de  la  maladie,  et  la  question  d’dtiolo- 
gie  est,  sans  contredit,  la  plus  intdressante  de  tout  I’ouvrage.  C’est 
li  le  point  qu’il  fallait  le  plus  soigneusement  dlucider ;  c’dtait  aiilour 
de  lui  que  s’accumulaient  les  objections,  que  se  produisaient  les 
interprdtations  les  plus  diffdrentes.  Cherclier  dans  ralin;entalion 
des  pellagreux  les  causes  qui  avaient  prdsidd  an  ddveloppement  de 
la  maladie,  prouver  que  la  cachexie  toute  spdciale,  qui  en  est  I’un 
des  caractSres  les  plus  saillants,  dtait  due  a  des  intoxications  rdpd- 
tdes,  ce  n’diait  pas,  sans  doute,  une  vue  nouvelle,  mais  apporter 
des  preuves,  les  aller  chercher  partout,  et  constitner  enfln  dans 
son  ensemble  I’ouvrage  que  nous  avons  aujourd’hui  entre  les 
mains,  tcl  a  did  le  but  qu’a  poursuivi  le  savant  observateur.  Nous 
pouvons  dire  qu’il  I’a  atieint,  et  que  jamais  les  distinctions  qui  sont 
venues  rdcorapenser  ses  palientes  recherches  n’ont  dtd  mieux  md- 
ritdes.  , 

Nous  ne  voulons  que  prdsenter  une  rapide  analyse  du  iraitd  de  la 
pellagre  et  des  pseudo-pellagres.  Tout  s’y  tient,  s’y  enchalne  d’une 
tnanidre  trop  dtroile  pour  se  prfiler  a  une  dtude  abrdgde.  C’esl  une 
vue  d’ensemble  que  nous  essayerons  de  dunner;  chercher  a  pdnd- 
trer  dans  les  ddtails  serait  nous  exposer  a  faire  perdre  au  travail  de 
M.  Roussel  I’une  de  ses  qualitds  les  plus  dminenies,  son  unite  :  ce 
serait  en  affaiblir  I’intdrdt. 

La  pensde  dorainante,  celle  qn’on  retrouve  aussl  bien  dans  la 


BIBHOeBAPHlE, 


163 


preface  (jUe  dans  les  conclusions  . du  livre,  c’esi  que  la  pellagre  est 
une  maladie  d’oi'igine  raceme,  qui  h’est  apparue  en  Europe  qu’a 
partir  du  moment  ou  le  tnais  o  introduit  dans  i’alimentation.  Cc 
n’estdonc  pas  seuletnent  une  question  de  pathologie  qui  se  trouve 
ficlair^e  dans  le  traitd  de  la  pellagre,  c’est  anssi,  et  bien  plus,  encore i 
une  question  d’liygl&ne  publique,  L’air,  les  eaux  et  les  lieux  n'y 
sauraient  fire  inis  en  cause;  Zartetli,  le  premier  peuMtre,  car  ilfut 
plus  prdcis  que  Casal,  ddclara  que  I’une  des  sources  du  mal  r^sidait 
dans  la  nourriture  des  paysans,  et  en  panicnlier  dahs  le  grand  usage 
qu’ils  faisaient  des  aliments  tirds  du  mals ;  on  fut  pen  dispose,  tout 
d’aliord,  &  accueillir  cette  opinion,  et  ce  n’est  pas  un  des  points  les 
moins  curlcux  do  I’histoire  de  cette  affection  que  les  phases  diverses 
par  lesquelles  passferent  les  meilleursespriis.  11  fallutque  IMvidence 
Vint  las  contraindre  pour  les  decider  h  admetlre  enfin  I’lnfluence 
nuisible  du  mais  aiierdi  Fanzago,  qUi  avait  et^  I’un  des  adversairea 
du  zeisme,  en  devint  I’un  des  propagaleurs  les  plus  ardenls ;  Mar- 
z&ri,  en  1810,  affirma  nelteraent  «  qu’une  nourriture  exclusivement 
formde  par  le  mais,  et  privSe  de  gluten  pendant  tout  I’hiver  et  le 
printemps,  engendre  la  pellagre ;  que  I’insolalion  en  provoque  le 
d^velopperaent,  et  que  la  misere,  qui  condamne  a  ce  regime  fu- 
nesle,  est  le  point  de  depart  de  tons  ces  maux.  »  Guerreschi  parle 
d’uiie  action  toxique  du  mais  altere,  analogue  a  celle  du  seigle  er- 
gote ;  mais  malgre  des  travaux  appuyCs  sur  les  observations  les  plus 
serieuses,  cette  doctrine  rencontre  encore  des  adversaires,  et  de 
1810  a  18^5  les  affirmations  les  plus  opposees  se  produisent,  rame* 
nant  parfois  le  doute.  C’est  a  cette  epoque  que  M.  Roussel  entra 
dans  la  lice,  11  comprit,  comrae  I’ecrivait  M.  Tardleu  (1),  «  qu’il 
fallalt  appuyer  de  nouvelles  preuves  la  doctrine  du  zdisme  ebranlde 
par  tant  d’objections.  Cellos  qu’il  a  presontdes,  et  qui,  outre  la  sfl- 
retd  d’di'udilton,  le  talent  de  discussion  et  ia  chaleurde  conscience, 
asstireiit  I’orlginalitd  deson  livre,  lui  ont  dtd  prinoipalement  I'ournies 
par  les  rapports  qu’il  a  pu  dtabllr  entre  la  maladie  observde  a  la  fois 
en  Iialie,  en  Espagne  et  en  France,  et  par  ce  fait  que,  dans  ces  trois 
pays,  I’apparition  du  mal  a  coincide  avec  I’lntroduclion  de  la  culture 
du  mats,  et  qu’il  est  restd  bornd  aux  provinces  off  cette  cdrdale 
forme  la  prlncipale  nourriture  des  habitants.  »  En  mdme  temps : 
Balardini  conilrmait  ces  vues  par  ses  rechercties  dans  la  Haute^ 
Italic,  et  la  maladie  se  localisait  peu  a  pen  dans  des  zones  gdogra- 
phlques  ddlermindes,  dans  des  lieux  off  les  conditions  climatdrlqaes 
ne  permellaient  pas  a  la  plante  d’arrtvei-  a  une  maturlid  complfeie, 


(1)  Annates  d'hygtinepubUgue,  t.  ItXiV. 


464 


BlfitldGRAPHIfi. 


6u  encore,  dans  celles  oii  la  cullui’e  ^tait  ddfectueuse,  oil  les  pro-* 
c^d^s  de  preparation,  trop  rudimentaires,  introduisaient  dans  I’ali- 
menlation  une  farine  alterde.  On  pent  suivre  M.  Roussel  dans  scs 
voyages;  partout  ou  la  pellagre  lui  est  slgnalee,  il  en  va  constaler  la 
yeelle  existence,  il  la  retrouve  dans  les  Astnries,  en  Aragon,  dansla 
region  sub-pyrendenne,  oil  le  docieur  Cortallatlui  prfite  I’appuide 
son  experience  et  de  ses  observations ;  dans  la  Galilee,  le  docteur 
Batalla  la  revfele;  presque  en  mfime  temps elle  est  reconnue  en  Mol- 
davie,  en  Valachie.et  en  1856,  le  docteur  Zambelli,  d’Udine,  adepte 
convaincu  du  zeisme,  suit  pen  5  peu  les  transformations  qui  s’o- 
pSrent  chez  des  individus  dejii  touches  par  la  pellagre,  sous  I’in- 
fluence  des  precautions  hygieniques,  dont  la  premifere  est  la  sup¬ 
pression  presque  complete  de  la  farine  de  mats  dans  I’alimentation. 
Ce  n’etait  pas  assez  encore,  deux  theories  se  trouvaient  en  presence, 
laquelle  adopter?  Le  mats  constituait-il  une  alimentation  insufflsante, 
la  pellagre  etall-elle  due  seulementS  une  reparation  incomplete  par 
une  substance  peu  nutritive,  ou  bien  la  cereale  pouvait-elledevenir 
toxique  par  suite  d’une  alteration  speciale?  La  reponse  fut  falte  de 
bien  des  c6tes  h  la  fols,  mals  personne  ne  I’appuya  mieux  que 
M.  Roussel  de  preuves  convaincantes.  L’usage  du  mats  est  sans  in¬ 
convenient  aucun  dans  un  grand  nombre  de  provinces ;  on  ne  voit 
apparaltre  la  maladie  que  14  ou  la  plante  miirit  mal ;  elle  disparait 
quand  des  precedes  difierents  de  preparation,  et  entre  autres  la 
tori-efaction  prealable  de  la  graine,  ont  ete  adoptes.  Elle  n’est  cepen- 
dant  pas  encore  k  I’abri  de  toute  objection,  cette  opinion  qui  a  pour 
elle  tous  les  faits  serieusement  discutes,  et  encore  aujourd’hui,  e’est 
au  sein  du  zeisme  lui-mfime  que  se  produisent  les  discussions  aux- 
quelles  I’etiologie  de  la  pellagre  pent  donner  lieu.  MM.  Lussana  et 
Frua,  se  rattachant  aux  idees  de  Marzari,  admettent  encore  «  I’in- 
suffisance  de  la  reparation  nerveo-musculalre,  par  suite  de  rinsnffi- 
sance  de  Taliment  proteinique  dans  le  mais.  »  Pour  nous,  nous 
adoptons  exclusivement  I’opiniOn  que  M.  Roussel  a  si  savamment 
developpee;  ce  n’est  pas  d’ailleurs  une  simple  vue  de  I’esprit,  ni 
mfime  un  de  ces  aperqus  heureux  de  I’empirisme.  La  chimie,  le 
microscope  ont  donne  raison  5  MM.  Baiardini,  Costallat,  5  M.  le  doc¬ 
teur  Roussel.  Il  existe  dans  le  mats  altere  un  champignon,  le  ver- 
derame  ou  verdet,  auquel  doivent  etre  rapportes  tous  les  accidents 
d’intoxication.  C’est  une  vegetation  parasite  frequemment  constatee 
par  MM.  Roussilhe  (de  Castelnaudary)  et  Malleville  (de  Villefranche) ; 
qes  moisissures  commencentpar  une  tache  vers  le  hlle,  et,  dans  le 
Lauraguals  et  dans  les  Landes,  les  paysans  eux-mfimes  les  connais- 
sent,  iis  savent  fort  bien  que  dans  lesanudes  humidesellesabondent, 


BXBLIOKRAPIUE. 


165 


que  la  nourrilure  fuuiaie  par  le  mals  a  mauvais  goilt,  devient 
echaullante,  qu’elle  force  a  boire  de  grandes  quantiles  d’eau,  el 
produitdes  ((derangements  de  corps  ».  Telle  est  aussi  Topinion  de 
M.  Bouchardal,  bien  plus  serieuse  d’ailleurs  que  celle  de  I’abbe 
Rozier.  Ce  savant  agroaome  considfere  I’eau  de  veggialion  comme 
essentiellement  nuisible  ;  pour  que  les  cereales  fournissent  un  ali¬ 
ment  salubre,  il  est,  selon  lui,  de  loule  necessiie  que  les  grains 
soient  convenablement  desseches,  et  quand  leur  maturite  a  dte  in- 
complfete,  comme  il  arrive  pour  le  mais  dans  certaines  contrdes,  il 
faut  que  la  lorrefaciion  eniave  Teau  contenue  encore  dans  la  graine. 
Si  cede  opinion  n’est  pas  appuyde  jusqu’a  prdsent  par  une  demon¬ 
stration  rigoureuse,  eile  n’a  rien  qui  choque,  et  elle  n’est  pas  aussi 
eioignee  de  la  doctrine  du  parasitismequ’on  le  pourrait  croire. 

Mous  avons  resume  aussi  bridvement  que  possible  cet  historique, 
auquel  M.  Roussel  aconsacredeuxchapitrespleinsd’interet.ilnous 
reste  a  fairexonnaltre  une  phase  que  nous  pourrions  appeler  con- 
temporaine.  De  viyes  discussions,  de  part  et  d’autre  habilement 
soutenues,  s’etaient  engagdes  en  France.  Dans  I’un  des  camps  se 
trouvait  Landouzy,  si  prematurdment  enlevd  d  la  science,  dans 
I’autre,  tons  les  partisans  francjais,  espagnols  et  italiens  du  zdisme. 
La  doctrine  de  la  pellagre  sporadique  tentait  de  s’dtablir,  M.  Cos- 
tallat  releva  vigoureusement  le  gant,  et  niaintint  haul  et  ferme  le 
drapeau  ddjli  arbord  depuis  18^5  par  M.  Roussel.  M.  Billed  vint  i 
son  tour,  essayant  de  renverser,  avec  des  observations  recueiliies 
par  lui  dans  I’asile  de  Sainle-Gemraes  (Maine-et-Loire),  rddifice  si 
laborieusement  dlevd.  La  question  dtait  de  savoir  si  Landouzy  et 
M.  Billed  avaient  eu  affaire  &  des  pellagres  vraies,  etsi  plutbtils  ne 
s'dtaient  pas  trouvds  en  presence  de  cas  de  pseudo-peilagres,  n’ayant 
de  common  avec  la  maladie  type  qu’un  drythdme  plus  ou  moins 
dtendu.  Les  deux  savants  mddecins  que  nous  venons  de  nommer 
ont  dte,  d’aprds  IM.  le  docteur  Roussel,  victimes  d’illiisions.  lls  se 
sont  irop  hatds  de  conclure,  ils  n’ont  point  eu  affaire  a  des  pellagres, 
et  toute  leur  argumentation  pdche  par  la  base.  Nous  verrons  plus 
loin,  a  propos  des  pseudo-peilagres,  ce  qu’il  faut  conclure  de  leiirs 
observations. 

Qu’esl-ce  done,  dans  son  expression  symptomatique,  que  cede 
maladie  qui  n’apparait  que  dans  des  conditions  hygidniques  spd- 
ciales?  G’est  un  ensemble  de  pbdnomdnes  qui,  tout  complexes  qu’ils 
paraissent  au  premier  abord,  peuvent  se  rattacher  a  trois  pdriodes 
bien  distinctes.  Pouf  les  ddcrire,  M.  Roussel,  reprenant  les  opinions 
de  Skambio,  Zanetti  et  Gherardini,  reconnalt  un  premier  degrd,  oii 
pellagre  coramengante,  un  second  degrd,  oil  pellagre  paralytique, 


166 


BIBLIOGBAPBIE. 


folie  pellagreuse,  etc.,  et  cn6n  un  troislfeme  degr^  ou  pellagre  ca- 
ohecllque  :  S  chacim  d’eux  correspondent  des  troubles  nombreux  et 
varids  qu’il  imporle  d’examiuer. 

On  se  Jerait  une  id^e  bien  fausse  de  la  pellagra  si  I’on  suppo- 
'Salt  qua  les  alterations  de  la  peau,  qui  plus  tard  devlendront  si 
caracterisiiques,  marquent  la  ddbut  de  I’airecllon.  Zaneitl,  Ghe- 
rardini,  Gasal,  ont  tous  notd  un  temps  d’incubation  plus  ou  moins 
long,  prdcedant  I'druption  cutande.  Dans  les  provinces  danubien- 
nes,  M.  de  Thdodori  a  reconnu,  lui  aussl,  que  I’exanthbme  pella- 
greux  n'apparalssait  pas  sans  que  des  troubles  du  cdtd  de  I’ap- 
pareil  digestif,  de  I’apparell  nerveux  ne  se  soient  produits  :  tous  les 
observaleurs  sent  d’accord  pour  affirmer  qu’il  y  a  constamment  de 
la  langueur,  de  I’abattement,  de  la  tristesse  et  des  vertiges  bien 
avant  qu’on  remarque  rien  a  la  peau.  Nardi  donnait  le  nom  de 
debolezza  fisiologica  &  ces  troubles  preiimlnaires,  auxquels  vien- 
nent  le  plus  souvent  se  joindre  de  I’inappdtence,  de  la  dlarrhee. 
Pour  M.  Roussel,  ce  qu’il  y  a  de  plus  constant,  ce  sont  du  cbtd  de 
la  bouche  une  sensation  de  chaleur  et  de  secheresse  pdnible,  se 
propageant  vers  le  pharynx,  vers  I’oesophage ;  du  c6te  de  I’estomac 
des  renvois  acides,  un  veritable  pyrosis ;  leur  nature  n’est  pas  in- 
llammatoire  comme  on  I’a  cm  longtemps,  ce  sont  des  troubles  d’in- 
' nervation,  preludes  des  spasmes  qui  se  developperont  plus  tard.et  se 
traduisent  par  de  la  boulitnie,  de  la  cardialgie,  des  vomissements  et 
des  diarrhees  d'apparences  dysentdriques.  Les  choses  peuvent  en 
rester  le,  mats  il  aura  fallu  pour  cela  une  intervention  medicaie, 
une  modiOcation  dans  le  regime,  sinon  la  pellagre  va  se  confirmer, 
et  rerytheme  des  regions  de  la  peau  exposees  au  soleil  va  se  deve- 
lopper.  Skambio  a  decrit  cet  erythfeme  en  faisant  voir  que  loin  d’etre 
tout  le  mal,  comme  Pont  pretendu  bien  des  medecins,  meme  encore 
de  nos  jours,  il  n’etait  qu'une  expression  symptomatique,  variable 
dans  son  aspect,  il  reeonnaissait  trois  formes  de  I’erytlibme  :  1“  I’ery- 
thfeme  simple,  52’  Perytbfeme  phlyctenoide,  et  la  desquamation 
simple  :  I’influence  des  rayons  solaires  n’est  point  douteuse  pour 
lui.  A  la  pdrlode  de  la  pellagre  Gonfirmee  appartiennent  les  trou¬ 
bles  du  c6td  de  I’appareil  digestif,  les  vomissements,  la  diarrtide; 
ils  sont  asse?  constants  pour  n’avoir  ecbappe  Ji  aucun  observateur, 
nien  italie,  ni  en  Espagoe,  ni  en  Moldavie.  L’un  des  plus  impor- 
tants  de  tees  plidnomenes  a  requ  le  nom  de  «  Salso  «,  il  est  caractd- 
lisd  par  ia  saveur  acre  et  brfllante  qui  se  deve'loppe  dans  la  ijou- 
clte ;  etie  est  suivie  de  roogeur,  puis  d’excoriation  de  ia  muqoeusc 
Unguaie,  ’d^aplitlies,  de  vesiciries  an  pourtour  des  tevres  -;  une  awg- 
.  tnpnwSon.de  jseordaion  du®n«  saMvaire  qui  preadungoflt  saild.  Les 


BIBLIOGRAPHIE. 


167 


dSsordres  du  c6ld  dii  systfeme  nerveux,  auxquels  M.  Roussel  n’hd- 
site  pas  a  donnef  le  premier  rang,  sont  les  veriiges,  Ics  troubles  de 
la  vision,  des  douleurs  vives  a  I’dpigastre,  dcs  spasmes,  des  sensa¬ 
tions  ddsagrdables  a  la  plante  des  pieds  et  a  la  paume  des  naains,  et 
chose  curieuse,  c’est  surtout  au  printemps  qu’ils  put  did  le  plus  frd- 
quemment  observds. 

Ce  serait  ddpasser  les  limites  que  nous  nous  sommes,  volontaire- 
ment  d’ailleurs,  imposdes,  que  de  ddcrire  les  troubles  qui  appar- 
tiennent  a  la  seconde  pdriode ;  il  nous  siifflra  de  dire  que  dans  les 
chapitres  du  traitd  de  la  pellagre,  oil  les  sympt6mes  sOnt  minu- 
tieusement  exposds,  il  se  ddgage  une  opinion  nette,  prdcise  :  c’est 
quo  les  troubles  nerveux  sont  de  tous  les  plus  importants ;  si  carao 
tdrislisque  que  soil  I’dtat  de  la  peau,  si  constantes  que  puissent  dtre 
les  Idsions  du  cdtd  des  muqueuses  linguale  et  buccale,  cela  n’a 
point  pour  M.  Roussel  I’importance  des  accidents  convulsifs  toni- 
ques  ou  cloiiiques,  des  troubles  cdtdbraux  dont  I’ensemblc  [con- 
stitue  la  folie  pellagreuse,  de  la  ddbilitd  ddsignde  sous  le  noin  de 
paralysie  pellagreuse.  ‘ 

La  folie,  enlre  autres,  a  laquelle  11  consacre  une  longue  dtude,  est 
ramende  par  lui  a  une  forme  conslante,  et,  voyant  mieux  que  ses 
devanciers,  il  a  reconnu  que  le  ddlire  lypdmaniaque  avec  prddomi- 
nance  d’lddes  de  persdculions,  impulsions  suicides  dtait  un  premier 
degrd  de  la  folie  conduisant  a  la  ddmence,  Idsion  terminale,  et  non 
pas  comme  I’avaient  cru  quelques  observateurs  Idsion  primitive  de 
I’intelligence.  C’est  encore  au  printemps  que  le  ddlire  devient  plus 
manifesto,  et  dans  tous  les  cas  aigus  il  prdsenle  ce  caractfere  parti- 
culier  que  la  tendance  au  suicide  par  immersion  est  presque  la  loi 
gdndrale.  Faut-il  atlribuer  cetle  impulsion  a  la  soif  ardenle  dont  les 
-pellagieux  sont  parfois  tourmentds,  ou  bien  ne  voir  la  qu’un  sui¬ 
cide  en  quelque  sorte  automalique,  et  par  le  moyen  qui  exige  le 
moins  de  combinaisons  et  d’elforts?  M.  Roussel  ne  tranche  pas  la 
■question,  il  constate  un  fait,  et  se  sdpare  compldiement  de  I’opi- 
nion  de  MM.  Baillarger  et  Billod  qui  n’adraetteijt  pas  que  la  mdlan- 
■coUe  chez  les  pellagreux  conduise  plus  frdquemment  au  suicide  quo 
les.  autres  mdlancolies.  L’cxplosion  d’accds  de  manieaigue  setpble 
se  rattacher  aux  chaleurs  de  I’etd,  a  une  insolation  prolongde,  C’est 
vers  la  fin  de  cctte  seconde  pdriode  que  les  forces  baissent  rapide- 
ment,  que  I’amaigrissenient  fait  d?s  progrfes,  et  que  s’dtablit  le  pas¬ 
sage  au  troisitme  dcgid,  c’est-a-dire  a  la  eachexie  pellagreuse. 

TantOl  die  se  ddveloppe  en  conservant  quelques-uns  des  carac- 
tdrcs  appqrlenant  aux  deux  pdripdcs  prdcddentes;  lant6t,  il  n’y  a 
:pl«s  rien  de  la  pellagre  .proprement  dite.  C’est  un  dlat.d’affaiblisse- 


BlBLIOGRAlPHlli. 


ftienl  extreme,  une  deterioration  telle  des  forces  physiques  et  mo¬ 
rales  que  I’indlvidn  atteint  est  reduita  Timpuissance  la  plusabsolue, 
qu’il  s’epuise  par  des  diarrhees  sereuses  incoercibles.  M.  Roussel 
s’est  livre  h  une  etude  approfondie  de  ce  que  Ton  appelle  le  typhus 
pellagreux,  ou  encore,  d’aprfes  une  expression  rdcemment  acceplde 
en  Italie,  la  periode  'd’acutisation  lyphoide  de  la  pellagre.  Signa- 
lant  les  confusions  commises,  selon  lui,  par  M.  Billod  et  par  Lan- 
douzy,  qui  ne  voulaient  voir  la  qu’une  fievre  typholde  entde  sur  la 
pellagre,  II  les  refute  par  des  arguments  qui  nous  semblent  de  la 
plus  grande  valeur,  et  il  conclut  «  qu’on  lie  saurait  douter  qu’il  n’y 
ait,  en  dehors  de  la  complication  de  la  flavre  typhoide,  en  dehors  des 
fifevres  ataxo-adynamiques,  un  eiat  particiilier,  mal  separe  jusqu’ici 
de  ces  complications,  mais  survenant  dans  des  conditions  diffe- 
rentes  et  exclusivenient  propres  a  la  pellagre. »  Cette  distinction 
n’avait  pas  ete  faite  par  Skambio,  ni  par  MM.  Lussana  et  Friia,  et 
la  parlie  vraiment  neuve  du  travail  de  M.  Roussel  pour  ce  qui  se 
rattache  a  ces  accidents  aigus,  est  cede  ou  11  cherche  a  les  inter¬ 
preter.  Pour  lui,  ce  sont  des  accidents  toxiques,  et  quand  ils  se 
montrent  chez  des  individus  jeunes,  non  encore  compietement 
dpuisds  par  la  cachexie,  ils  lui  ont  paru  revfilir  quelques-uns  des 
caractferes  qui  appailiennent  a  I’intoxication  alcoolique  aigue.  Dans 
I’un  et  I’autre  cas,  meme  mode  d’apparilion,  mSme  impregnation 
par  la  maiitre  toxique,  dans  Tun  et  I’autre  encore,  meme  brusque 
disparilion.  «  II  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  dit-il,  que  les  individus 
chez  lesquels  surviennent  ainsi  des  accidents  du  delire  alcoolique  et 
de  I’aeutisation  typhoide  pellagreuse,  sont  loiijours  des  siijetsim- 
pi-egnes  fortement  et  en  general  de  longue  date,  par  la  cause  toxi¬ 
que  qui  n’a  plus  besoiii  que  de  certaines  conditions  organiques 
pour  donner  lieu  k  la  manifestation  d’une  sdrie  particiilibre  de  phd- 
norafenes. 

Tout  ce  qui  se  rapporte  ii  la  marche,  g  la  durde,  aux  terminai- 
sons,  au  diagnostic  differentiel,  n’a  pas  ete  traite  avec  moins  de 
soin.  Les  observations  a  I’appui  sont  nombreuses,  et  partout  une 
critique  de  boii  aloi,  une  erudition  elendue  sont  mises  au  service 
d’une  cause  qui  ne  poiivait  6tre  mieux  defendue.  La  preoccupation 
de  M.  Roussel  apparalt,  pour  ainsi  dire,  k  cheque  page  :  il  n’a  pas 
eu  la  pretention  d’eriger  ses  opinions  en  systfeme,  ni  de  se  poser  en 
novateur  qui  reclame  la  priorite.  Il  a  fait  h  chacun  sa  juste  part; 
son  principal  merite,  c’est  d’avoir  condense  les  iravaux  de  ses  de- 
vanciers,  d’avoir  scrute  les  annales  scientifiques  de  tous  les  pays  oil 
sevit  la  pellagre  et,  quand  il  a  formuie  une  opinion  difierente  de 
celles  qu’on  acceptait  avant  lui,  ce  n’a  jamais  ete  sans  s’appuyer 


BIBLlOGluraU. 


sur  des  fails,  sans  doiinei-  la  raison  des  inlerpielations  nouvelles 
qu’il  propose,  filudiant  tour  &  lour  la  pellagre  en  France,  en  Es- 
pagne,  en  Italie,  il  rappelle  ce  qu’on  avail  vu  avanl  lui,  ce  qu’il  a 
observe  lui-meme,  et  il  n’esl  pas  une  parlie  de  son  livre  qui  ne  se 
soil  pr&entde  a  nous  avec  les  caraclferes  d’une  entifere  bonne  foi. 
Lorsqu’il  a  rencontre  des  adversaires  de  ses  iddes,  il  ne  les  a  pas 
traitds  avec  ce  dddain  trop  commode,  sous  lequel  s’abrilent  parfois 
lesesprits  passionnds  que  la  discussion  embarrasse;  il  a  fourni  des 
arguments  et  des  preuves,  et  dans  la  seconde  parlie,  consacrde  &  la 
pellagre  des  abends,  il  n’est  jamais  sorti  des  bornes  d’une  rdfutation 
moddrde,  Landouzy  avait  vu  trop  vite,  il  s’dtait  empard  comme  ii  la 
hate  de  faits  qui,  plus  sdrieusement  observes,  eussent  dtd  bien  vite 
rdduils  i  leur  juste  valeur.  M.  Billed,  de  son  c6td,  s’diait  peut-dtre 
laissd  entrainer  par  un  zdle,  louable,  sans  doute,  raais  qui  le  con- 
duisait  a  une  confusion  contre  laqueile  M.  Bazin  se  prononqa  catd- 
goriquemenl.  La  lutte  ful  vive  :  nous  en  retrouvons  la  trace  dans 
le  livre  de  M.  Roussel ;  nous  ne  voulons  pas  revenir  sur  les  phases 
qu’elle  prdsenta,  et  qui  n’eurent  pas,  il  faut  bien  I’avouer,  de  rdsul- 
tat  heureux  pour  la  doctrine  du  raddecin  de  Sainle-Gemmes. 

Pour  nous,  qui  sans  parti  pris  d’aucune  sorte,  avons  voulu  juger 
un  livre  et  nous  rendre  compte  de  son  but,  de  I’esprlt  dans  lequel 
il  dlait  dcrit,  nous  avons  rencontrd  dans  le  traitd  des  pellagres  de 
M.  Roussel  une  de  ces  oeuvres  qui  se  recommandent  i  tous  aussi 
bien  par  le  fond  que  par  la  forme.  Son  auteur  savait  bien  qu’il  avait 
peu  a  ajouter  aux  descriptions  si  fiddles  que  les  mddecins  italiens 
avaient  donndes  d’une  maladle  si  frdquemment  observde  par  eux ; 
toutefois  il  restait  a  mettre  en  ordre  des  matdriaux  nombreux  mais 
dpars ;  il  restait  a  faire  ressortir  de  tant  d’observaiions  les  consd- 
quences  pratiques  qui  en  pouvaient  fttre  lirdes.  Jusqu’alors  on  s’dtait 
bornd  a  des  inlerprdtations  plus  ou  moins  dloigndes,  11  fallait  les 
mettre  en  prdsence,  les  comparer,  et  substiluer  a  cedes  qui  ne  rd- 
sistaient  pas  a  nne  analyse  sdvdre,  une  doctrine  mieux  d’accord  avec 
les  faits;  la  doctrine  du  zdisme,  ddfendue  avec  autant  de  chaleur 
que  de  talent,  rallie  aujourd’hui  de  nombreux  partisans ;  et  I’une 
des  consdquences  les  plus  fdcondes  qui  en  ddcoulent,  e’est  que  la 
pellagre  n’est  pas  I’un  de  ces  fldaux  devant  lesquels  la  mddecine  ait 
a  s’lncliner  impuissante ;  e’est  une  intoxication  contre  laqueile  il  est 
possible  de  lutter,  une  maladle  qui  doit  disparaitre.  Il  appartient  au 
mddecin  de  signaler  le  danger  partout  oil  il  existe,  mais  seul  il  ne 
pent  le  combattre ;  il  y  a  la  toute  une  question  d’hygifene  pubiique 
qui  appelle  sdrieusement  I’atteiition  des  gouvernements ;  a  propos 
de  la  prophylaxie,  M.  Roussel  a  indiqud  les  mesures  a  prendre,  il  a 


170 


BIBLIOGRAPHIE. 


traltd  cetle  quesliou  comme  elle  m^ritait  de  r^lre,  sans  entiaiue- 
ment  irr^flechi,  sans  illusions  d’aiicune  sorte.  «  Si  la  France,  dit-il, 
qiii  a  6le  plusd^une  fois  le  pays  des  iiiilia  lives  saliitaires,  devait  en¬ 
core  rendie,  dans  la  question  qui  nous  occupe,  un  nouveau  service 
a  rhumanit^,  c’esl  par  la  voie  des  mesures  pratiques  qu’elle  y  riius- 
sirail.  La  pellagre  a  cliez  nous  un  champ  pius  limits  qu’en  Italie, 
elle  y  est  moins  grave,  et  les  iniluencesde  I’hdrddiid  y  sont  inoins 
nianifesles;  ce  sont  lit  des  motifs  de  plus  de  couper  court  aux  pio- 
grfes  du  Oeau.  Les  autorit^s  publiques  el  le  gouvernement  central, 
dout  on  reclame  si  souvent  I’intervention,  auraient  leur  part,  mais 
raisonnablement  limitee  dans  cetle  oeuvre,  »  On  voit  tout  ce  qui 
reste  a  faire  a  I’initialive  individuelle;  c’esl  ce  qu’avait  ddja  d’ail- 
leurs  parfaitement  compris  le  docteur  Zambelli,  d’Udine,  comme 
avanl  lui  Zecchinelli.  C’est  a  I’aide  de  consells  donnds  aussi  bien  aux 
propridtalres  du  sol  qu’aux  paysans  cullivateurs,  c’est  en  faisant 
appel  a  leurs  inidreis,  en  faisant  adopter  des  mesures  varices,  sul- 
vant  les  situations diverses,  qu’on  peut  arriver  progressivement  ala 
suppression  de  la  pellagre.  Ajoutons  que  c’est  avec  des  travaux  de 
la  nature  de  celul  dont  nous  venons  de  faire  une  rapide  analyse  que 
Ton  peut  cspdrer  d’etre  dcould,  d’etre  uiile.  Nous  y  inscrirons  volon- 
tiers  apres  I’avoir  lu,  cette  annotation  dont  Montaigne  illustrait  les 
bons  livres  :  «  Ceci  est  une  oeuvre  de  bonne  foy.  » 


Saris,  novembre  1866. 


L’alicne  devant  lui-meme ,  I’apprecialion  Idgale ,  la  legislation  ,  les 
systemes,  la  sooieie  et  la  famille,  par  Henry  Bonnet,  medecin  en  chef 
a  Tasite  public  d’alienes  de  Maroville,  etc.  1  vol.  in-8,  Paris,  Victor 
Masson  et  fils. 

La  mddeclne  mentale  semble,  depuis  quelques  anndes,  avoir  le 
privilege  de  fixer  I’attenlion  publique.  Des  voix  plus  ou  moins  auto- 
Tisdes  ontcfu  devoir  se  faire  entendre  et  se  donner  la  satisfaction 
de  soulever  de  pretendus  voiles  derrifere  lesquels  s’abritcraient  toutes 
sbrtes  d’abus.  Si  les  personnes  qui  ont  prls  place  dans  le  camp  de 
nos  adversaires  avaient  toujours  garde  cette  moderation  ct  cette 
justice  que  dicte  la  recherche  du  vrai  et  du  bien,  le  corps  medical, 
panic, uliferement  intdresse  dans  le  ddbat,  n’aurait  point  rdcusd  cette 
intervention,  se  bornant  4 1’accueillir  avec  une  certaine  rdserve.  Car, 
pour  s’immiscer  dans  une  telle  question,  mfime  en  ne  la  consldd- 
rant  qu’au  point  de  vue  de  la  morale  ou  de  la  lol,  il  seralt  d’abord 
ndeessaire  de  savoir  ce  que  c’esl  que  I’alidnation  meptale,  ,el  de  bieq 


BIBUOGBAi>Hlli. 


171 


copnaitre  les  ali^n^s.  Loin  de  revfitir  ces  formes  amines  et  cour- 
toises,  les  dcrivains  auxquels  il  est  fait  aiiusion  ont  Scarld  toute  nie- 
spip,  et  il  semble  qu’ils  nMent  voulu  entrer  dans  le  d^bat  que  pour 
lapcer  les  foudres  de  leur  critique  et  d^rerser  le  bl&me  sur  I’admi- 
nistration  et  sur  les  m^decins  sp^cjalistes.  Aussi  la  violence  avec 
laquelle  s’est  traduite  leur  intervenlion  ii’a-t-elle  about!  qu’4  des 
aildgatiops  sans  fondement  el  sans  valeur.  Leurs  attaques,  particu- 
librement  dirigdes  centre  la  loi  de  1838,  sent  demeurdes  sans  effet 
et  n’ont  pas  mdme  dmu  I’opinion  publique.  Piusleurs  mddecins  dis- 
tinguds  uvaient  ddjli  repoiissd  ces  attaques  passionndes,  ces  rdci'imi- 
uations  blessantes  dirigdes  contre  les  dtablissements  d’alidnds  et 
centre  ceux  qui  ont  la  mission  de  lesdiriger.  M.  le  docteur  Bonnet, 
mddecin  en  chef  d’un  grand  asile  et  ddjli  honorablement  connu  par 
diverses  publications  affdientes  k  I’alidnation  mentale,  vient,  dans 
un  onvrage  qui  cat  le  fruit  de  son  expdrience,  apporier  son  appui 
S  cet  ddifice  que  I’on  voudrait  battre  en  brfeche. 

Le  litre  seul  de  cet  ouvrage  ddnoie  I’esprit  gdndralisateur  ot  philo- 
sophique  de  I’dcrivain  k  qui  sontfamllidres  les  connaissances  varides 
que  commande  i’organisation  des  asiles  et  qui,  fort  de  ses  convic¬ 
tions,  n’a  pas  craint  d’aborder  de  front  toutes  ces  attaques,  qui 
n’pnt  plus  pour  guide  que  la  passion  el  pour  mobile  que  celte  es- 
p6ce  de  besoin  d’opposilion  qui,  dans  noire  pays,  se  manifeste  en 
toutes  cboses,  imputations  malheureuses  qui,  de  provenances  di ver¬ 
ses,  ne  se  seront  dlevdes  si  haul  que  pour  reiomber  plus  lourde- 
ment  dans  le  ndant. 

L’onvrage  dont  il  s'aglt  tient-il  bien  tout  ce  qu’ll  promet  par  son 
litre?  La  rdponse  1)  celte  question  se  trouvera  dans  ceite  analyse, 
que  j’aiirais  ddsird  faire  plus  longue,  et  dans  laquelle  je  me  suis 
effored  de  traduire,  aussi  exactement  que  possible  et  d’une  faqon 
tout  impariiale,  les  impressions  que  sa  lecture  m’a  fait  naitre, 
Dddid  &  Parchappe,  ornd  d’une  belle  prdface  due  S  un  de  nos  md¬ 
decins  alidnistes  les  plus  dlstinguds,  ce  livre,  en  entrant  dans  le 
courant  scienlifique,  ne  pouvalt  se  prdsenter  sous  de  plus  heureux 
auspices,  en  mdme  temps  que  se  produire  dans  un  moment  plus 
opportun.  11  est  divisd  en  sept  chapitres  qui  n’oifrent  pas  tons  le 
mdme  intdrdt.  Dans  le  premier,  Intituld  :  L'aliinS  devant  I'isole- 
ment  et  devant  le  libre  arbitre,  M.  le  docteur  Bonnet  fait  ressortir 
les  avantages  de  la  sdquestration  ou  de  I'isolement  Idgal  pour  I'alidnd 
et  pour  la  socidtd.  Les  solns  spdeiaux,  les  mesures  hygidniques,  les 
attentions  de  toute  sorte  que  le  malade  trouve  dans  I’asilesontindi- 
quds  avec  des  ddtails  pleins  d’intdrdt  que  les  gens  du  monde,  qui 
ont  de  si  fausses  iddes  sur  ce  sujot,  llraient  certalnement  avec  plai- 


BIBLIOGRAPHIE. 


172 

«ir  et  avec  fruil  en  m6iiie  lemps.  II  semble  que  les  impressions  lais- 
s6es  dans  I’esprit  par  le  r6cit  de  ce  qu’dtaient  autrelois  ces  asiles  de 
la  charild  ne  puissent  s’effacer,  et  Ton  se  repr^senle  encore  les 
ali^nds  lels  qu’on  les  voyait  avant  les  r^formes  considerables  inlro- 
duites  dans  ces  etablissements  par  les  progr^s  de  la  science  et  de  la 
civilisation. 

L'utiliie,  la  necessild  de  rinlernemeni  entourd  de  toules  les  garan- 
lies  apportees  par  la  legislation  de  I’an  XI,  d’abordj  et  puis  parcelle 
de  1838,  ressortent,  pour  ainsi  dire,  d’elles-memes,  et  Ton  ne  con¬ 
ceit  pas  qu’il  se  soil  dleve  des  partisans  aussi  enihousiastes  des  sys- 
ifemes  opposes.  L’auteur  expose,  avec  cette  clarie  et  cette  precision 
que  dicte  la  veriie  guidee  par  I’experience,  tons  les  inconvenienis, 
tous  les  dangers  de  la  liberte  laissee  h  I’aliene.  S’appuyant  de  I’au- 
torite  d’un  homme  qui  a  tant  fait  pour  I’alienation,  il  cite  avec 
a-propos  ces  paroles  de  Parebappe  :  «  L’alienation  mentale  exige, 
pour  son''traitement,  des  conditions  spedales  d’habitation...;  parmi 
ces  conditions,  il  en  est  une  quisuffirait  a  elle  seule  pour  moliver  la 
fondation  d’etablissenients  speciaux,  e’est  la  necessite  de  I’isole- 
ment.  » 

L’isolement  de  I’aliene,  e’est-a-dire  la  soustraction a  ses  habitudes 
de  vie,  aux  consequences  facheuses  du  milieu  oil  il  se  tronvait,  I’iso- 
lement,  aide  du  travail  bien  enteiidu  el  approprie  a  ciiacun,  tels 
sont,  ajoule  ai.  ie  docteur  Bonnet,  «  les  deux  grands  leviers  dont  on 
se  sen  dans  les  asiles  pour  obtenir  guerison,  amelioration,  modifi¬ 
cation  avantageuse  ou  reglementation  de  I’exislence.  » 

Si  les  adversaires  de  la  medecine  mentale  n’etaient  pas  aveugies 
par  la  passion,  ils  ne  pourraient  s’empedier  de  reconnaltre  que, 
loin  d’etre  un  interneraent.cellulaire,  one  Bastille  au  petit  pled,  cet 
isoleraent  est  une  mesure  sage,  prevoyante  et  humanitaire.  Au  lieu 
de  deverser  la  calomnie  sur  les  medecins  qui  se  consacrentau  sou- 
lagement  de  pareilles  infortunes,  ils  devraient  juger  avec  plus  de 
moderation,  de  convenance  et  de  justice,  ces  medecins  spedalistes 
dont  toute  la  vie  n’est  que  devouement,  abnegation,  sacrifice,  ces 
medecins  redlement  philanthropes  dont  M.  le  docteur  J.  Falret 
depeint  en  si  beaux  lermes  la  vie  de  labenr  dans  une  lettre  au  doc¬ 
teur  Evrat,  lettre  dont  M.  Bonnet  a  fait  la  post-face  de  son  livre. 

La  legislation,  appliquee  aux.alienes,  est,  dit-on,  attentatoire  it  la 
liberte  individuelle.  C’est  la  le  grand  cheval  de  bataille  des  adver¬ 
saires  de  la  medecine  mentale.  —  Demandez  la  liberte  pour  les 
sains  d’esprit;  mais,  par  charite  ne  la  demandez  pas  pour  les  alie- 
nes.  Car  ce  n’est  pas  les  aimer  que  de  les  vouloir  fibres.  Si  ces  cham¬ 
pions  de  la  liberte  connaissaient  un  peu  mieux  ce  dont  ils  se  croient 


BlSUOGRAPliti  ‘I'js 

apleS  a  jHger  aveciant  d’auioritd,  ils  tiendraient  sans  doiita  un  auire 
langage.  L’alifin^  libre,  sans  parler  des  dangers  qn’il  courraii  lui- 
infime  et  qu’il  ferait  courir  h  ceux  qui  I’approchent,  lra!nerait  une 
existence  de  raisfere  et  d'abandon.  II  faiil  au  pauvre  foil  une  surveil¬ 
lance  incessante,  un  appiii  qui  ne  se  demente  jamais.  Oil  irouverez- 
vous  rdunies  ces  conditions  indispensables  a  sa  silretd.et  a  lasdret^ 
publique?  Dans  la  famille  de  I’ali^n^?  11  est  permis  aux  utopistes 
de  penser  ainsi;  mais  cenx  qui  ont  fait  de  I’ali^nation  inentale  I’ob- 
jet  de  leurs  Eludes  et  de  leurs  meditations,  ceux  qui  ont  longtemps 
vdcu  avec  les  alienfe,  sont  convaincus  que  I’asile  peul  seul  'olfrir 
louies  les  garaniies  desirables. 

M.  le  docleur  Bonnet  n’a  pas  la  pretention  de  trailer  ce  sujet  de 
premiere  main.  Les  citations  assez  nombreuseseraprnniees  a  Esqui- 
rol,  Parchappe,  Renaiidin,  Falret,  Billod,  etc.,  prouveni  que  d’au- 
tres  avant  lui  avaient  eiudie  la  question.  Fort  <le  ces  autorites, 
M.  Bonnet  intervienl  en  apportant  le  fruit  de  son  observation  el  de 
son  jngement  edaire.  11  est  des  verites  qui  ont  besoin  d’etre  remises 
sans  cesse  stir  le  lapis  et  d’etre  corroborees  par  de  nouveaux  deve- 
loppemenls.  Celles  qui  regardent  I'alienation  meniale  sont  de  ce 
nombre ;  il  est  necessaire  de  les  rcnouveler  pour  les  oiiposer  aux 
attaques  dirigees  avec  tenacite  conlre  (d’enfermemenldes  alieneset 
les  tortures  qu’ils  souffreni.  » 

Ces  iristes  recriminations  sont  refutdes  comme  il  convient  par 
M.  Bonnet,  dont  le  langage  reste  toujours  mesure  et  digne  vis-a-vis 
d’adversaires  qui,  pour  se  faire  ecouler,  sont  obliges  de  recourir  ii 
des  expressions  ou  douiinent  la  passion  et  la  violence.  Je  voudrais 
pouvoir  citer  mainls  passages  de  ce  chapitre  oft  I’interet  rfegne 
d’un  bout  <i  I’aulre;  j’y  renvoie  les  nombreux  lecteurs  qui,  a  divers 
litres,  ont  a  s’occuper  de  cetle  question. 

Dans  le  chapitre  suivant  :  L'aliene  devant  I'appriciation  legale^ 
I’auteur  a  reuni  el  coordoniie  de  nombreuses  citations  empruntees 
a  des  pbilosoplies  (Leibnitz,  Descartes,  Mallebranche,  Diderot,  Cou¬ 
sin,  etc.),  a  des  medecins  alienisles  (Pinel,  Georget,  Esquirol,  Bail- 
larger),  a  des  physiologistes  et  des  ecrivains  (Flourens,  Dally,  Albert 
Lemoine),  citations  qui  ont  pour  biit  de  prouver  que  seul  le  mdde- 
cin  est  competent  pour  bien  juger  de  la  folie.  On  ne  saurait  don- 
ner  de  trop  solides  fondements  a  cetle  verite,  quand  on  voit  I’oppo- 
sition  que  les  jurisconsultes  manifestent  devant  les  decisions  des 
medecins  alienistes  appelds  comme  experts.  Au  milieu  de  loutes  les 
preventions  et  de  toutes  les  attaques  dont  ils  sont  I’objet,  on  est 
heureux  de  trouver  un  jurisconsulte  eminent  partager  leur  doctrine. 
Void  I’opinion  consolanie  de  Bellard,  cite  par  M.  Bonnet :  «  On  voif 


17a  BIBLIOGRAPHIE. 

des  fousque  la  naliire  a  condamn^s  a  la  perte  ^icrneilc  dela  I'aison; 
et  d’autres  qui  ne  la  perdenl  qu’inslantanSment  par  I’elTet  d’unti 
grande,  doiileur,  d’une  grande  .surprise  oil  de  louie  autre  cause  pae 
reille.  11  n’esl  de  difference  entre  ccs  deux  folies  qiie  cede  de  la 
duree,  et  celui  dont  le  ddsespoir  tourne  la  I6te  pendant  quelques 
heures  ou  pour  quelques  jours,  est  aussi  compietcment  fou  pendant 
son  action  ephemfere  que  celui  qui  ddlire  pendant  beaucoup  d’an- 
ndes.  —  Lorsque  le  maniaque  a  causd  quelque  grand  malheur,  Ten- 
fermer,  c’est  justice  et  precaution,  IVnvoyer  a  Pdchafaud,  ce  scrait 
cruaute  1)  (page  ea). 

Ainsi  que  le  dit  avec  beaucoup  de  raison  M.  Bonnet,  les  juris - 
consultes  «  en  ne  s’appuyant  que  sur  une  meiapbysique  des  pins 
speculatives,  avec  abstraction  des  fails  »  se  soul  cree  dans  les 
formes  de  la  folie  une  division  &  eux,  et  ont  donne  de  chaciin  de 
leurs  types,  imbicillite,  fureur,  demence,  une  interpretation  tout  a 
fait  fausse. 

«  En  dehors  de  ces  cas  d’insanite  et  de  ddmence  selon  la  loi,  dit 
M.  Bonnet  (p.  67),  que  d’alieraiions  de  I’iirtclligence  et  du  moral... 
reconnaissant  pour  cause  une  lesion  quelconque  des  centres  ner- 
veux  genent  el  enlravenl  compietement  le  libre  arbilre  et  deman- 
denl,  par  consequent,  le  benefice  de  I’irresponsabiliie.,.  » 

INolre  confrfere  ajoule  avec  raison  que  les  folies  partielles,  la  demi- 
imbeciilite  sont  encore  un  eciieil  contre  lequei  se  briseront  toule 
I’experience  et  la  sagesse  des  magistrals  sans  I’assistance  du  specia- 
llste.  Mdme  observation  pour  ces  cas  de  folie  raisonnante  et  de  de- 
lires  des  actes  qui  sont  loin  d’etre  rares. 

Dans  le  cllapilre  III,  qui  a  pour  litre  i  Uatieni  devant  Vital 
mental,  se  relrouvent  encore  les  memes  ddbats  sur  i’intemement 
des  alienes  d’une  part  et  sur  leur  liberie  absolue  oil  parlieile  de 
I’autve. 

A  I’occasion  du  livre  de  M.  de  Castelnau  {De  V interdiction  des 
alienis,  Paris  1860),  sorte  de  requisitoire  centre  les  maisons  d’a- 
lidnes,  off  I’auteur  posail  en  theorie  la  conservation  des  faculie.s 
affeclives  et  de  I'intelligence  dans  la  folie  au  debut,  M.  Bonnet 
passe  en  revue  toute  la  paibologie  mentale,  suivant  chaqite  forme 
morbide  tine  ff  une,  depuis  la  manie  aigu6  jusqu’aux  nevropathi- 
ques  de  Morzines,  pour  combatlre  cette  assertion  et  demonirer  dans 
tons  ces  cas  la  necessite  de  la  sequeslraiion  et  de  I’isolement.  Pas 
n’etait  besoin  d’un  si  grand  renfort  de  preuves  vis-i-vis  d’urt  fait 
generalement  accepie  par  les  alienistes.  Mais,  comme  I’ouvrage  ne 
s’adresse  pas  d’une  maniffre  exclusive  aux  medecins,  ce  long  expose 
a  sa  raison  d’etre. 


BIBLIOGBAPHIE. 


475 


Je  ferai  la  mfime  rcmarque  a  propos  d’une  autre  assertion  de 
M.  de  Castelnau,  encore  plus  imprdvue  et  plus  Strange  que  la  prd- 
cddenle.  Get  auteur  n’a  pas  craint  d’avancer  qu’il  n’y  a  pas  d’incoA'- 
venient  li  ce  que  les  alidnds  cherchent  daps  les  pures  consolations 
du  mariage  un  adoucissement  h  leurs  maux.  A  cette  assertion,  qui 
sonltve  la  question  de  riierdditd  dans  la  folie,  M.  Bonnet  a  cru 
devoir  opposer  nombre  de  citations  enipruntdes  a  Esquirol,  Leuret, 
Aubanel,  Moreau  (de  Tours),  Trdlat,  et  rappeler  mfime  I’opinion  de 
Montaigne  et  de  Willis  a  cet  dgavd,  pour  prouver  un  fail  qui  a,  pour 
ainsi  dire,  force  de  ioi  en  patbologie  menlale. 

Le  chapitre  IV  :  L'aliene  devant  la  Ugislation,  nous  montre  les 
Stapes  diverses  de  la  loi  au  sujet  des  aliSnSs,  depuis  I’Sdit  de  fon- 
dalion  de  rhdpilal  gSndral  en  1656,  qui  .enjoinl  aux  direcleurs 
d’avoir  a  leur  disposition,  pour  renfermer  les  folsol  les  folks,  des 
poteaux,  des  carcans,  prisons  et  basses- fosses,  un  bailli  et  des 
ser gents  avec  des  hallebardes  et  autres  armes  convenables,  jusqu'a 
la  loi  de  juin  1838. 

Les  traitements  inhumains,  primitivement  mis  cn  usage,  devaient 
cesser  a  la  voix  de  Pinel  en  1792.  Mais,  pendant  longtemps  encore, 
la  ISgislation  appliquSe  aux  aliSnSs  denieiira  trfcs-iinparfaite,  et  la 
jurisprudence  administrative  a  pen  prfes  nulle.  11  appartenait  a 
Esquirol  de  prendre  I’iniliative  pour  mettre  un  terme  a  ce  dSsordre. 
C’est  en  1819  que  cet  iilustre  aliSniste  prSsenta  au  ininistre  de.  I’in- 
tSrieur  un  naemoire  dans  le.quel  il  demandait  la  erSation  d’un  asile 
dans  chaque  circonscription  impSriale.  Je  ne  m’engagerai  pas  dans 
la  longue  exposition  que  fait  M.  Bonnet  des  diverses  phases  qu’ont 
siibiesla  ISgislalipn  etla  rSglementation  administrative  des  Stablisse- 
menls  d’aliSnSs.  Prenant  la  loi  actuelle  a  sa  naissance,  le  6  sep- 
tembre  18'37,  il  la  suit  dans  lea  Spreuves  qu’elle  eut  5  traverser  au 
conseil  d’fitat,  a  la  Cbambie  des  dSputSs,  a  la  Chambre  des  pairs,  ou 
elle  fut  prSsentSe,  le  28  avril  1837,  par  le  comte  de  Montalivet,  et 
ou  elte  fut  adoptSe  a  la  majoritS  absolue  le  26  mai  suivant. 

Toute  la  matifere  de  ce  chapitre,  un  pen  aride  pour  le  mddecin, 
sera  particuliferement  intdressante  pour  les  Idgistes.  La  meme  obser¬ 
vation  pent  s’appliquer  au  chapitre  suivant  inlitulii :  Legislation 
comparative,  qui  n’est  qu’nn  long  recneil  de  lois.  La  loi  franqaise 
du  30  juin  1838  y  figure  tout  au  long  avec  ses  quarante  et  un  arti¬ 
cles,  compldtde  par  les  ordonnances  du  18  ddeembre  1839.  Viennent 
ensuite  les  lois  de  Genfeve,  des  Pays-Bas,  de  la  Belgique,  le  rfeglement 
de  Gheel.  Ce  chapitre,  qUi  n’occupe  pas  inoins  de  126  pages,  forme 
le  vdritable  code  de  I’alidnation  mentale. 

Dans  le  chapitre  VI  :  ValiM  devant  I’erreur  systimatique, 


BlUtlOGRAPHiE. 


176 

M.  le  docieur  Bonnet  nous  fait  assister  aux  attaqiies  dont  la  loi 
de  1838  a  6t6  Tobjet.  Je  ne  puis  ni’empecher  de  reproduire  id  un 
passage  emprunld  J  Parchappe.  Ceslignes,  qu’on  lit  au  commence¬ 
ment  dll  chapitre,  r^pondent  parfaitemcnt  5  toutes  les  recrimina¬ 
tions  qui,  dans  ces  derniers  temps,  n’ont  pas  fait  defaut  i  la  mdde- 
cine  men  tale. 

(i  Des critiques,  souvent  peu  mesurees,  dit  M.  I’inspecteiir  general 
Parchappe,  n’ont  nianque  ni  i  la  legislation  elle-mfime,  au  moment 
oil  la  loi  a  ete  discuiee,  ni  it  ses  applications  depiiis  qu’elle  a  eie  mise 
en  vigueur.  —  On  s’est  ffequemment  attache  it  la  representor  comme 
insuffisante  on  abusive  dans  ses  principes  el  ses  prescriptions,  au 
double  point  de  vue  de  la  liberte  individuelle  et  du  traitement  des 
alienes.  —  L’experlence  de  la  loi  a  ete  faile  sur  une  large  echelle  ; 
8000  alienes,  en  moyenne,  sont  admis,  chaque  annde  dans  les  eia- 
blissements  publics  et  prives  de  France.  Sur  200  000  admissions 
d’alienes,  qui  ont  eu  lieu  depuis  vingl-cinq  ans,  complez,  je  vous 
prie,  les  cas  d’abus;  consultez  les  anuales  de  la  Justice,  et  mSme  les 
publications  qiiotidiennes  de  la  presse,  vous  n’y  trouverez  pas  une 
infirmalion  ii  ce  quo  je  suis  en  position  et  en  droit  d’aiBrmer ;  c’esl 
que,  sous  le  regime  de  la  loi  de  1838,  en  France,  il  n’y  a  rien  de 
plus  rare  qu’une  sequestration  moiivee  par  un  dial  reel  d’aHdnation 
meniaie,  si  ce  ii’est  une  prolongation  de  sequestration  non  justiliee 
par  la  perslstance  de  I’etal  de  maladie.  »  Cette  prolongation,  ajoute 
M.  Bonnet,  dietde  par  la  prudence,  a  parfois  son  caractfere  esseniiel 
d’utilitd  vis-5-vis  de  I’intdret  individuel  et  de  I’intdret  social  (p.  265). 

Notre  confrere  ne  pouvait  rester  impassible  devant  ce  toUe  sys- 
tdmatique  qui  s’dtend,  depuis  quelque  temps,  sur  les  asiles,  leurs 
reprdsentanls  et  radministration.  Je  ne  le  suivrai  pas  dans  la  croi- 
sadequ’il  ehtreprend  centre  les  adversaires  de  la  mddecine  men- 
tale:  Les  attaques  de  M.  de  Caslelnau,  du  docieur  Lisle,  d’AlineLe- 
maire  et  de  ses  protecteurs  de  la  grande  presse,  du  docteurX...  et 
du  docteur  Turck,  sont  aujourd’hui  connues  de  tous  par  le  trisle 
reientlssement  qu’elles  ont  eu.  Les  arguments  employes  par  M.  Bon¬ 
net  pour  les  repousser,  rdduisent  5  leur  juste  valeur  tout  ce  tissu 
d’alldgalions' blessantes  pour  I’lionorabilite  mddicale.  J’ajouterai 
seulement  un  mot  h  I’enseigne  de  celte  pldiade  pseudo-philanthro- 
pique,  qui  a  produit  tout  I’effet  qu’elle  pouvait  produire.  II  me  parait 
impossible  que  I’autoritd,  metlant  en  doute  I’lionorabiliie  de  la 
science  d’hommes  tels  que  Parchappe,  Baillarger,  Falret,  Brierre 
deBoismont  et'tant  d’autres,  ne  tenant  aucun  compte  de  I’expd- 
rience  d’inspecieurs  generaux  aussi  lionorables  que  recommanda- 
bles  par  leur  talent,  il  me  parait  impossible,  dis-je,  que  I’autorite 


BIBLIOGUAPHIE. 


177 


pi'6te  I’oreille  aux  lici  iis  de  quelques  fanatiques  de  systfemes  en  de¬ 
cadence,  plus  soucieux  peut-fiiie  de  faire  du  bruil  aulour  de  lenr 
iiom,  coinme  le  dit  M.  le  docieur  Bonnet,  que  de  defendre  la  noble 
cause  de  riiiiniiinite. 

Ce  chapilie  se  lei-mine  par  une  poletniqiie  dont  les  motifs  ne  me 
sont  pas  bien  conmis,  el  It  laquelle,  par  consequent,  je  veux  tester 
eirangcr.  Je  ne  sals  jtisqo’a  quel  point  sont  fondes  les  griefs  qu’im- 
pulc  M.  Bonnet  it  tin  homme  qui  se  recommande  parsa  haute  posi¬ 
tion  et  par  ses  litres  scientiiiques.  Ces  lulles  entrc  bommes  d’lm 
merile  reconnu  sont  toujours  fichcuses  et  ont  un  resullat  qui  tonrnc 
ioujonrs  au  prejudice  de  la  profession. 

J’ajouterais  que  noire  devoir  est  de  nous  unit-  au  lieu  de  restcr 
divises.  En  presence  des  altaques  dont  ia  medecine  mcntalc  est 
aujourd’hui  I’objct,  ces  discordes  fournissent  des  armcs  it  nos  enne- 
mis,  et,  en  mfime  temps  qu’elles  deviennent  nuisibles  pour  nous- 
niemes,  elles  portent  atteinte  a  la  cause  d’infortunes  A  qui  nous 
dcvons  nos  soins  et  que  nous  avoiis  mission  de  defendre  et  de  pro¬ 
tegee. 

Arrive  au  dernier  cliapitre,  qui  s’intitule  :  L’aliene  devant  la 
verite,  je  crois  devoir  faire  ure  observation  qui  s’etait  dejit  pre¬ 
sentee  cl  mon  esprit,  mais  dont  ropporlimite  me  parait  plus  marquee 
ici  que  partout  aillenrs.  Je  m’eiiipresse  de  reconnailre  que  toules  les 
grandes  questions  traiiees  clans  cet  ouvrage  se  lienl  entre  elles,  ct 
qu’il  est  dilTicile  d'envisager  rune  sans  cmpieier  en  mfime  temps 
sur  I’aulre.  De  lit  des  repetitions  dont  mon  analyse  elle-mSme  add 
sc  rcssenlir.  Je  crois  qn’en  operant  (piclque  fusion,  on  auraii  pu 
loiirner  cello  dilliculte.  Ainsi,  par  exemple,  je  trouve  que  lessujets 
des  chapitres  1,  111  et  VII  ont  entre  cux  Iteaucoup  de  ressemblance, 
et  qu’il  edt  eie  possible  d’eiuder  recueil  quo  je  signalc  par  une  meil- 
leurc  disposition  des  materiaux. 

Dans  ce  cliapitre  sont  examines  les  divers  modes  d’assistance  i 
I’egard  des  alienes  (asile,  colonie  agricole,  syslfime  familial).  Ce 
siijei  n’esl  encore  que  I’edio  de  publications  anlerieures  dues  it 
divers  auteurs,  et  surlout  des  discussions  qui  ont  eu  lieu  sur  ce 
point  cl  la  Societe  niedico-psychologique  (Ann.  mM.-psijch.  1865). 

L’cxperience  vient  de  plus  en  plus  conlirmer  le  jugemenl  porte 
sur  celte  matlfcre  par  des  bommes  qui,  pour  cela,  ont  toute  com¬ 
petence  et  toute  autorite.  Les  colonies  agricoles,  y  compris  Gheel, 
qui  a  passe  longtemps  pour  un  modeie  dn  genre,  le  .systiiine  familial, 
ont  fait  leur  temps.  11  est  prouve  aujourd’hui  que  les  colonies  agri¬ 
coles  et  le  placement  des  alienes  chez  les  paysans  sont  la  source 
d’abus  honleux.  C’est  I’exploitation  du  malheureux  insense.  Quant 
ANNAL.  MfiD.-PSVCH.  4'  sArie,  t.  IX.  Janvier  1867.  12.  12 


178 


BmLIOGRAPHIE. 


an  mainlien  de  ralidin;  dans  la  famille,  les  nombreuses  impossibililds 
de  ce  mode  d’assisiance  se  prdsenteiit  spontandment  a  I’psprii  de 
tous,  a  I’exception  de  quelques  rfiveurs  qui  sont  dans  one  ignorance 
complete  dn  sujet,  ou  qid  veulent  se  poser  cn  rdformateurs  quand 
mdme. 

M.  Bonnet,  appoi  tant  dans  cetle  question  le  fruit  de  son  expd- 
rience  ddja  longue,  fait,  pour  ainsi  dire,  lonelier  du  doigi  les  obsia- 
cles  de  toutessortes  qui  se  dressent  devant  ce  syslfeme  de  libertd 
absolue.  On  lira  avdc  un  intdrdt  soutenu  ces  pages  empreinies  de 
vdrild  et  de  force,  et  dcriles  toujours  avec  mesure  cl  moderation.  Je 
me  bornerai  a  en  extraire  quelques  lignes.  —  «  Si  done  I’intcrne- 
ment  doit  exister,  et,  dans  presque  tous  les  cas,  a  qui  la  faute?  — 
Bile  ne  doii  certes  pas  incomlier  aux  Idgislaieurs  qui  ont  pensd, 
dans  la  fondation  et  la  rdglementation  des  asiles,  agir  dans  I’intdrdt 
de  leurs  habitants  comrae  dans  celiii  de  la  socidtd.  — L’absence 
d’affection  de  la  majoritd  la  plus  nombreiise  des  parents  pour  cenx 
qui  dprouvent  des  alterations  psychiques,  la  negligence,  I’indilie- 
rence,  I’amour-propre  mal  place,  I’audite,  la  misare,  font  que  les 
creatures  desheritees  en  tout  ou  en  partie  par  la  nature,  se  irouve- 
ront  dans  I’abandon.  I.a  cliarite  liospitaliare,  prenant,  en  fin  de 
comple,  leur  cause  eh  main,  les  dent  soussa  sauvegarde.  »  (P.  336.) 

Plus  loin,  I’autcur  demontre,  avec  des  developpcments  qui  de- 
vraient  convaincre  les  plus  difficiles,  que  I’augmenlation  du  nombre 
des  alienes  dans  les  asiles  tient  a  des  causes  multiples  que  les  md- 
decins  qui  vivent  avec  eux  sont  seuls  en  position  de  connaltre.  II 
me  semble  qu’a  cet  dgard  11  eflt  did  bon  d’attirer  plus  fortement  I’at- 
lention  sur  les  conditions  dtiologiques  de  la  Me.  Ces  conditions  me 
paraissent  plus  nombreuses,  ou  du  moins  elles  me  paraissent 
s’exercer  aujourd’hui  avec  plus  de  force  que  jadis.  Les  progrds  de 
la  civilisation,  les  exeds  de  tout  genre,  et  surtoiit  les  abiis  alcooli- 
ques,  touies  ces  influences  morales  diverses  qui  maintiennent  I’dco- 
nomie  dans  uiie  sorte  d’etat  febrile,  contribuent  puissamraent  I 
I’augmenlation  du  nombre  des  alidnds. 

Quant  aux  garanties  qui  prdsident  a  rinternement,  quant  au  con- 
trble  dont  les  admissions  sont  I’objet,  la  loi  donne  toutes  les  sdeurh 
Ids  ddsirables,  quo!  qu’en  disent  les  adversaires  de  la  Idglslation 
actuelle,  qui,  tout  rdeemment  encore,  ont  renouveld  leurs  rdcriiiii- 
nations  d  roccasion  du  rapport  de  S.  E.  M.  le  ministre  de.  I'agricul- 
ture,  du  commerce  et  des  travaux  publics  sur  la  situation  des  alidnds 
en  France.  Leurs  injustes  accusations  s’dcroulent  devant  I’exposi- 
tion  exacte  et  loyale  des  faits.  Aussi,  persuade  que  I’ddifice  de  1838 
vdsistera  intact  ii  ces  altaques  pdriodiqucs,  je  rdpdterai,  avec  M.  le 


BIBtlOGRAPHIE.  179 

docleur  Bonnet,  ces  mots  de  M.  I’inspecleur  gdndial  Lnnier  :  « II  n’y 
a  rieii  de  tel  pour  les  alidn^s  qu’un  bon  asile.  » 

Cel  oiivrage  se  lermine  ’par  un  norabre  considerable  d’observa- 
lions,  dont  I’ensemble  n’occnpe  pas  moins  de  16i  pages.  Elies 
oirrent  loutes  de  I’inierei,  i  dilierents  points  de  viie;  maisj’en  com- 
prendrais  mieiix  I’importance  dans  un  ouvragc  qiii  iraiierait  de  la 
folie  et  de  ses  diverses  formes,  que  dans  un  livre  exclusivement 
consacrd  i  la  li^gislaiion,  &  la  morale  et  a  loules  ces  questions  de 
I’ordre  social  que  soulbve  I’assistance  des  alklnfis.  Elies  formeni 
comme  les  pibces  juslilicalives  de  deux  propositions  capilales  ddve- 
loppdes  dans  le  corps  de  I’ouvrage,  b  savoir,  la  ubcessild  de  rinler- 
nementd’une  part,  et  de  I’aulre  le  dblaisscmenl  prol'ond  dont  les 
alidnes  sont  I’objet  de  la  part  de  leiirs  families,  dont  les  sentiments 
affectifs  diminuent  peu  a  peu  el  finissent  par  s’eieindre  complbte- 
ment.  La  lecture  de  ces  fails  n’apprendra  rien  aux  medeciiis  alld- 
nistes  en  gbndral ;  mais  elle  pourra  bire  utile  aux  enthousiastes  de 
I’assisiance  4  domicile,  en  leur  dbmontrani  que  I’assislance  en  dehors 
de  I’asile  esl  illusoire,  dangsreuse,  impossible. 

Arrive  au  lerme  de  cette  analyse,  je  dirai  4  M.  le  docleur  Bonnot 
que  les  imperfections,  les  desiderata  que  prdsente  son  livre,  ne 
I’empbclieront  pas  d’obienir  le  siiccbs  qu’il  mbrile.  Car  les  grandes 
questions  dont  11  traite  sont  4  I’ordre  du  jour,  et  elles  inldressent 
non-seulement  le  corps  mbdical,  mais  en  mbme  temps  les  Juriscon- 
sultes,  I’adminisiration,  C'Etat  enfin.  Ce  n’esi  pas  uniquemeni  un 
recueil  de  tout  ce  qui  a  dtd  ditetfait  d’iraportant  sur  un  siijel  dmi- 
nemment  humanitaire.  Get  ouvrage  double  de  valeur  par  les  dclair- 
cissenients  et  les  developpements  nouveaux  auxquels  onl  dtb  sou- 
mises  plusieurs  questions.  L’auteur  mOrite,  en  outre,  des  dloges 
pour  avoir  su  rendre  toujours  atiachante  la  lecture  d’un  sujet  par- 
foisabstrail  etaride.  Mais  je  n’o,se  lui  promeltre  que  ses  efforts  el 
que  le  faisceau-de  pre lives  qu’il  a  accumuldes  parviennenl  encore  4 
bbranler  la  foi  robuste  de  quelques  amants  platoniques  de  la  libertd 
appliqube  4  Tassislauce  des  aliOnbs  et  au  trailement  des  maladies 
meniales.  D''  Espiau  de  Lamaestre. 


BILLETIN  BIBIIOGRAPHIQVE 


Neuvifeme  rapport  dela  commission  permanente  d'inspection  des  dta- 
blissemenls  d’alidnds,  1863,  I86Z1  el  1865.  Bruxelles,  1866. 

Etude  mddico-ldgale  sur  la  paralysie  gdndrale,  par  le  docteiir  Legrand 
du  Saulle,  mddcciii-expert  prEs  le  tribunal  civil  de  la  Seine  ;  chcz 
Savy,  libraire-editeur,  24,  rue  Haiitefeuille.  Paris,  1866,  in-8" 
de  32  pages.  Prix  :  1  fr.  25. 

Casiclinici  psicliiatrici,  del  prof.  Cesare  Lombroso.  Bologna,  1866, 
brocb.  in-8"  de  25  pages. 

Bechtrclies  clinlques  sur  le  bromin  e  de  potassium  el  snr  son  em- 
ploidans  le  irailement  de  I’lipilepsie,  par  le  docleiir  A.  Voisin. 
Paris,  1866,  in-8°  de  46  pages. 

THESES  DE  LA  FACUt.TE  DE  PARIS. 

(1865-1866.) 

La  Facultc,  dans  sa  sdance  annivelle  du  3  niai  1866,  a  decernd  des 
mtidaillcs  et  menlions  bonornbles,  aux  auteurs  de  Irenlc-sept  des 
thtses  souienues  devant  elle,  dans  le  coins  de  I’annde  scolaire 
1865-1866;  parini  les  thfeses  rdcompensde.s,  c.elles  qui  concerneiu 
I’analomie,  la  physlologie  ou  la  patliologie  du  sysifcmc  nerveiix,  sont 
Ics  suivantes ; 

!’■"  CLASSE,  liors  ligne.  Medailks  d'aryent.  —  Thomas  (A.-L.-C.), 
Du  pnenmatocMe  du  crane,  —  Gouguenheim  (Ach.),  Des  tiinieurs 
andvrysmales  des  artferes  du  cerveau.  —  Polaillon  (Z.-F.-B.),  Bliido 
sur  les  ganglions  nerveux  pdriphiiriques.  — -  Galezowski  (X.),  Elude 
oplithalmoscopique  sur  les  alterations  du  nerf  opiique,  et  sur  les 
maladies  cdrdbrales  donl  elles  dependent. 

Deoxiiime  CLASSE.  Medailks  d’argent.  —  De  Font-P.eaux  (L.-J.), 
Localisation  de  la  facullti  sptfcialc  du  langnge  arliciile.  —  Poumeau 
(J.-Y.),  Du  r61e  de  I’inflammaliun  dansle  ramollissemcnt  cerdbral. 

TaoisifcME  CLASSE.  MedaUles  debronze.  —  Dusart  (0.),  Hdrtidild 
de  I’dpilepsic.  —  Boussc  (A.-L.),  De  la  douleur  provoqude  cliez  Ics 
c.liordiqucs. 

QCATRiitME  CLASSE.  Mentions  honorables.  —  Goudel  (H.-P.), 
Considdrations  sur  la  chorde. 


VARIETES. 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  U  SOCIETE  MEDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

COMPOSITION  DU  BUBE/IU  POUR  L’ANNfiE  1867. 

President  :  M.  Paul  Janet. 

Vice-president :  M.  Brocliiii. 

Seerdtairo  gdndral :  M.  Loiseau, 

Secretaire  :  M.  Motet. 

Secretaire  adjoint :  M.  Ach.  Foville. 

Archimste-tr6sorier  :  M.  Legrand  dit  Saulle. 

Membres  du  comilc  de  publication  ;  MM.  Jules  Falret,  Brierre  di 
Boismont  et  Auguste  Voisin. 


Membres  hon  ora  ires. 

MM.  Belliomnio,  ‘jS;,  Carriero,  Dechambre,  tjSs,  Cliaules  desEtangs. 
Membres  titulaires. 


MM. 

Baillarger,  ^Jfc. 

Berthier. 

Blanehe, 

Bourdin. 

Brierre  de  Boismont, 
Broehin, 

Calmeil,  0. 

Cerise,  -ft. 

Constans,  tft. 

Dally. 

Delasiauve. 

Falret,  0.  tfi;. 

Falret  (Jules). 

Fournet,  . 

Foville  (Achille). 

Girard  de  Cailleux,  0.  . 

Janet  (Paul),  tft. 

Legrand  du  Saulle. 
Legrand  (Maximin). 


MM. 

Loiseau. 

Lunier,  tjS*. 

Luys. 

Maury  (Alfred),  0.  ft . 
Mesnet. 

Mieliea, 

Mitivie,  tft. 

Milivie  (Albert). 

Moreau  (do  Tours), 
Motet. 

Ott. 

Peisso,  *. 

Puuzin, 

Rota. 

Roussolin. 

Seinelaignc. 

Trelat,  ift. 

Voisin  (FolLx),  *. 
Voisin  (Auguste). 


Membres  corre^pondants. 


MM. 

Boileau  de  Castelnau,  ^ ,  a  Itirnos. 
Morel,  tfii,  a  Rouen. 

Macario,  a  Lyon. 

Billod,  a  Angers. 


MM. 

Marcband,  a  Toulouse. 
Veron,  a  Rouen,  ■ 
Teilleux,  a  Grenoble. 
Sauze,  a  Marseille. 


VARlfiTfiS. 


182 


MM. 

Azam,  a  Bordeaux, 

Rousseau,  a  Dole. 

Kiepce,  ^  Allevard. 

Dagonet,  a  Strasbourg. 

Auzouy,  a  Pau. 

Etoc-Demazy,  au  Mans. 
Baume,  a  Quimper. 

Lannurieu,  a  Morlaix. 

Desmaisons,  a  Bordeaux. 

Brunet,  a  Dijon. 

Hospital,  a  Clermont-Ferrand. 
Bonnot,  a  Marcville. 

Fuzier,  a  Chambery. 

Belloc, .a  Alengon. 

Blondin,  a  Montpellier, 
fivrat,  a  Paris. 

Labilte,  a  Clermont  (Oise). 
Laurent,  a  Marseille. 

Membres  asst 

MM. 

Ramaer,  a  Zutplien  (HoUande). 
Monlau,  tft,  a  Madrid. 

BilFi,  a  Milan. 

Castiglioni,  a  Milan. 

Rich,  a  Aoste. 

Pi  y  Molist,  a  Barcelone. 

Pujadas,  a  Barcelone. 

Bucknill,  a  Londres. 

Forbes  Winslow,  a  Londres. 

Tuke,  a  Londres. 

Munoz,  a  Cuba. 

Girolami,  a  Pesaro. 

Gambari,  a  Ferrare. 

Dambre,  a  Courtrai. 

Bulkens,  a  Gheel. 

Bonnucci,  a  Perouse. 

Freze,  a  Kazan  (Russie). 

Herzog,  a  Saint-Petersbourg. 
Salomon,  a  Malmo  (Suiide). 

MEMBRES  DE  LA 


MM. 

Combes,  a  Mayenne. 

Dumesnil,  a  Qualre-Mares. 
Ronnefous,  a  Leyme  (Lot). 
Dumont(deMonteux),  a  Rennes. 
Duriant,  a  Geneve. 

Tissot,  a  Dijon. 

Lalfitte,  a  Rennes. 

Artliaud,  a  Lyon. 

Garreau  0.  a  Bayonne. 
There  ,  a  Sceaux. 

Petit,  a  Nantes. 

Kuhn,  a  Morzine. 

Renault  du  Motey,  a  Blois. 
Christian,  a  Bischwiller. 
Campagne,  a  Montdevergues. 
Payen,  a  Orleans. 

FougAres,  a  Limoges. 

Grangers. 

MM. 

Livi,  a  Sienne. 

Monti,  a  Bologhe. 

Azzuri,  a  Rome. 

Berti,  a  Venise. 

Ponza,  a  Alexandria  (Italic). 
Lockart  Robertson,  a  Londres. 
Maudsley,  a  Londres. 
Harrington  Tuke,  a  Londres. 
Mundy,  a  Brighton  (Angleterre). 
Roller,  a  lllenau  (g.-d .  do  Bade) . 
Flemming,  a  Schwerin  (Me- 
klembourg). 

Griesinger,  a  Berlin. 

Mongeri,  a  Constantinople. 
Benvenisti,  a  Padoue. 

Tonino,  a  Turin. 

Webster,  a  Londres. 
Mittermaier,  a  Heidelberg. 
Miraglia,  a  Aversa. 

‘sociiTb  d6c6dAs. 


Membres lilulaires :  MM.Lemaitre,  0.  Lallemand,  0.  Gerdy, 
Sandras,  -ft,  Reboul  de  Cavalery,  ijfc,  Ferrus,  C.  Londe  Ar- 
chambault,  Adolphe  Gamier  0.  MarcA,  Buchez,  Parchappe,  0. 
Pinel  (Casimir),  ift. 

Membres  correspondants :  MM.  Gosselet,  Fabre,  Aubanel,  Renau- 
din,  ijjl,  Bazin,  Schnepp,  . 

Membres  associes  etrangers  :  MM.  Giiggenbuhl,  Berroni,  Conolly, 
Damerow. 


yari6tEs.  183 

■  ASSOCIATION  MimiELLE  DES  MtoECINS  ALIENISTES  DE  FRANCE. 

Napoleon,  par  la  grace  de  Diou  et  la  volonte  nationnle,  Empereur 
des  Fran^ais, 

A  tous  presents  et  a  venir,  saint. 

Sur  le  rapport  de  notre  ministre  secretaire  d’Etat  au  departement  de 
I'intdrieur ; 

Vu  I'avis  du  conseil  d’Etat  du  17  janvier  1806  ; 

La  domande  fortnee  au  nom  de  1’ Association  des  medecins  alienistes 
de  France ; 

Les  statuls  do  I’oeuvre  et  gdneralement  les  documents  fournis  a  Tap-: 
pui  de  la  deinande  ; 

Notre  eonseil  d’Etat  entendu, 

Avuns  decrete  dt  deoretons  ce  qui  suit  : 

Art.  1,  —  L’oeuvre  de  bienfaisaiice  fondee  a  Paris  sous  la  denomina¬ 
tion  d’Association  mutuelle  des  medecins  alienistes  de  France,  est  recon- 
nue  commc  dtablissemcnt  d’utilile  piiblique. 

Art.  2.  —  Sent  approuves  les  statuts  de  cette  oeuvre,  tels  qu’ils  sent 

Art.  3.  —  Notre  ministre  secretaire  d’Etat  au  departement  de  I’intd- 
rieur  est  charge  de  I’execution  du  present  decret. 

Fait  a  Saint-Cloud,  le  7  novembre  1866.  NAPOLEON. 

Par  I’Empereur  : 

Le  ministre  seerdtaire  d’Etat  au  departement  de  I’interieur, 
Signe  La  Valette. 


STATUTS. 

Tithe  premier.  —  Bui. 

Art.  1 .  —  L’OJuvre  charitable  fondee  a  Paris  sous  le  titre  :  Associa- 
lioii.  mutuelle  des  medecins  alienistes  de  France,  a  pour  but  de  venir 
cn  aide  a  ses  membres  fondateurs  oil  societaires  et  a  leurs  families  tombes 
dans  I’infortuno. 

Art.  2.  —  Les  secours  accordes  par  I’CEuvre,  bien  que  temporaires  en 
prineipe,  peuvent  etre  renouveles. 

Tithe  II.  —  Organisation  et  administration. 

Art.  3.  —  L’ Association  se  compose  : 

De  fondateurs ; 

De  societaires ; 

Et  do  membres  bonoraires. 

Art.  4.  —  Tout  fondateur  est  tenu  de  verser  annuellement  une 
somme  de  25  francs  au  moins. 

Art.  5.  —  Chaque  societaire  s’oblige  a  payer  une  cotisation  annuelle 
de  10  francs. 

Art.  6.  — Toutmembre  honoraire  doit  verser  chaque  annde  au  profit 
de  I’OEuvre  une  somme  minimum  de  20  francs. 

Art-  7.  —  Sent  admis  comme  fondateurs  ou  socidtaires  : 

Les  mddecins  attachds  a  des  asiles  publies  ou  privds  d’alidnds,  et  en 


m 


VAR1£t£s. 


general  Ions  les  medecins  qui  s’occupent  specialement  d’etudes  medico- 
psychologiques. 

Toutes  autres  personnes  peuvent  dire  admises  comme  membres  hono- 


Art.  8.  —  Un  Conseil,  compose  do  quinzc  membres,  administro 
I’OEuvre. 

Art.  9.  —  Le  Conseil,  elu  cn  assemblce  generale,  par  bulletin  de  listc, 
au  scrulin  secret  et  a  la  majorite  des  membres  presents,  osl  nommc 
pour  trois  ans  et  se  rcnouvelle  chaquc  annee  par  tiers. 

Les  deux  premiers  renouvellemciits  auronl  lieu  par  la  voie  du  sort  et 
Ics  suivants  a  I’anciennete. 

Art.  10.  —  Apres  cliaque  rcnouvellement,  lo  Conseil  choisit  dans  son 
scin,  el  a  la  majorite  absoluc  des  voix  ; 

Un  president; 

Un  secretaire; 

Et  un  trdsorier. 

Ces  fonctions  sent  graluites  ;  les  membres  sortants  peuvent  e.tro  rcclus. 

Le  president  reprdsenle  I’OEuvre  en  toule  circonslance. 

Art.  11.  —  Le  Conseil  est  charge  de  la  gestion  morale  ct  matorielle 
do  rCEuvre. 

Ses  decisions  sont  souveraines. 

Toute  deliberation,  pour  Stre  valable,  doit  dtre  prise  au  moiiis  par 
sept  membres  et  a  la  majorite  absolue. 

En  cas  de  partage,  la  voix  du  president  est  preponderante. 

Les  deliberations  relatives  a  des  acquisitions,  alienations  ou  eclianges 
d’immeubles  et  a  1  acceptation  de  donations  et  legs,  soot  soumiscs  a  I’au- 
lorisalion  du  gouvernement. 

Art.  12.  —  Le  Conseil  se  reunit  lous  les  trois  mois;  il  pent  d’ailleurs 
etre  convoque  extraordinairement,  soil  par  le  president,  soil  sur  la 
demande  do  sept  au  moins  de  ses  membres. 


Titre  Ill.  —  Ressources  et  comptabilile. 

Art.  13.  —  Les  ressources  de  I’fflluvre  se  composent  des  biens  et 
revenus  de  toute  nature  lui  appurtenant  ct  du  produit  : 

1“  Des  colisations  anniielles ; 

2“  Des  dons  voloiitaires  ; 

3“  Des  donations  et  legs  dont  I’acceptation  aura  ele  autorisec  conl'or- 
mement  aux  dispositions  de  I'art.  910  du  Code  Napoleon; 

4“  Des  subventions  qui  pourraient  lui  etre  accordees  par  les  institu¬ 
tions  charilables,  les  villes,  les  deparlements  ou  r£lat. 

Art.  14.  —  Le  Iresorier  est  charge  de  la  perception  des  recettes  ct 
du  payemeiit  des  depenses. 

II  fournit,  tons  les  trois  mois,’  un  bordereau  constatant  I’etat  de  la 
oaisse  et  la  situation  financiere ;  il  rend  compte  de  sa  gestion  a  la  fin  do 
chaque  annee  ;  mais  il  ne  pout  assister  a  la  seance  d’examen. 

Art.  15.  —  Les  fonds  disponibles  de  I’Association  seront  deposes  dans 
une  caisse  publique  jiisqu’a  leur  emploi  definitif. 

•Les  excedants  de  recettes  qui  ne  seront  pas  indispensables  aux  besoins 
ou  aux  developpements  de  I’CEuvre  seront  places  sur  I’fitat  ou  en  obliga¬ 
tions  de  chemins  de  fob  fran(ais4 


VABifiTtS.  185 

Art.  IG.  —  ho  tiers  au  moins  des  cotisations,  les  dons  et  autres  pro- 
duits  eventuels  sont  capitalises. 

I/assemblee  gdncrale  pent  seulo,  pour  des  motifs  d’une  gravite  excep- 
tionncllc,  apporter  un  changement  a  cette  disposition. 

Titre  IV.  —  Dispositions  generates. 

Art.  17.  —  L’ Association  est  placde  sous  I’autorite  du  ministre  do 
I’intcrieur. 

Art.  18.  —  Un  reglemcnt  arrdte  par  le  Conseil  d’adminislralion  deter¬ 
mine  les  conditions  d’admission  aux  secours,  I'administration  interieure  et 
toutes  les  dispositions  de  details  propres  a  assurer  I’execution  des  statuts. 

Art.  19.  —  Chaque  annde,  au  mois  d’avril,  tons  les  membres  de 
I’OEuvre  sont  convoques  en  assemblde  gendrale  ;  les  dignitaires  du  Conseil 
d’administration  Torment  le  bureau. 

Le  seerdtaire  prdsente  I’exposd  de  la  situation  morale  et  financicro,  lo 
compte  de  I’exorcice  clos  et  le  budget  de  I’exercice  suivant. 

L’asscmblde  proedde  ensuite  au  remplacement  des  membres  du  Conseil 
dont  les  fonctions  sont  expirdes. 

Art.  20.  —  Le  compte  rendu  et  le  proces-verbal  de  la  sdance  sont 
publids  ;  des  exemplaires  en  sunt  transmis  a  chacim  des  membres  de  la 
Socidtd,  aux  administrateurs  des  institutions  oliaritables,  des  villes  et  des 
ddpartements  qui  accordent  a  I’fffiuvre  des  subventions,  et  au  ministre 
de  I’intdrieur. 

Art.  21.  . —  En  oas  de  dissolution  de  TfEuvre,  les  biens  meubles, 
immeubles  et  les  capitaux  lui  appartenant,  recevront,  avec  I’autorisation 
du  ministre  de  I’interieur,  un  emploi  conformc  a  I’esprit  des  prdsents 
statuts  et  aux  intentions  des  bienfaiteurs. 

Art.  22.  —  Aucune  modification  aux  presents  statuts  ne  pourra  dtre 
proposde  au  gouvernement  que  d’apres  I’avis  de  I’assomblde  gdndrale, 
sur  la  demande  du  Conseil  d’administration. 

Titre  V.  —  Dispositions  transitoires. 

Art.  23.  —  Les  administrateurs  en  exercicc,  lors  de  la  promulgation 
des  presents  statuts,  seront  soumis  a  lelection  dans rassemblee  genorale 
qui  sufvra  la  reconnaissance  legale  de  I’tEuvre. 

—  Le  Bureau  et  le  Conseil  d’administration  de  I’Association  pour 
I’annee  18(J7  sont  composes  comme  il  suit : 

Pr6sident,  M.  Baillarger; 

Scerdtaire,  M.  Legrand  du  Saulle; 

Tresorier,  M.  Lunier. 

Membres  formant  avec  le  bureau  le  Conseil  ■  d' administration  : 
MM.  Blanche,  Brierre  de  Boismont,  Constans,  Dumesnil,  Falret  (Jules), 
Labitte,  Mesnet,  Mitivid,  Moreau  (de  Tours),  Rousselin,  Semelaigne  et 
Trclat. 

Le  nombre  des  membres,  au  1'”'  janvier  1867,  etait  de  : 


Fondateurs .  48 

Socidtaires .  25 

Honoraires .  2 

Ensemble .  75 


186  VARlfiTSS. 

Prix  dc  I’Acadfimle  lmp£riale  de  m^declne  de  Paris. 

L’Academie,  dans  sa  seance  du  11  decembre  1866,  a  decerne  les 
p'rix  pour  I’annde  1866,  et  arrete  le  programme  des  questions  proposees 
pour  1868. 

PRIX  DECERNfeS  EN  1866. 

•  Prix  fond6  par  madatne  de  Civrieux  (800  fr.).  —  L’Academie  avail 
propose  cetle  question  :  De  la  migraine.  Dix  memoires  onl  ete  envoyds  ; 
mais  la  commission,  tout  en  rendant  liommage  a  I’instruction  dont  ils 
ont  faitpreuve,  n’a  cependant  distingue  que  trois  memoires.  L’Acadomie 
a  ddcernd  a  M.  le  docteur  Merland  de  Chailld  une  recompense  de 
500  francs,  un  encouragement  de  300  francs  a  M.  le  docteur  Beni- 
Barde,  et  une  mention  honorable  a  M.  le  docteur  Fajol. 

Prix  Lefevre  (1500  fr.).  —  La  question  posee  par  le  testateur  ctait 
celle-ci  ;  De  la  mdancolie.  Des  dix  memoires  envoyds,  I'un,  dit  le  rap¬ 
porteur,  ne  comprend  absolument  rien  qui  merite  d’dtre  notd  ;  le  second 
a  traitd  non  la  question  de  la  mclaneplie,  mais  celle  de  la  folie  en  gdne- 
ral,  de  telle  sorte  que  la  commission  a  dO  renoncer  a  en  donner  mOme 
une  analyse.  L’Academie,  en  consequence,  n’a  aucune  espdee  de  rdcom- 
pense  a'ddeerner  celte  annde.  Mais,  aprOs  une  aussi  triste  expdrienoe, 
i’Academie,  tout  en  respectant  les  intentions  du  testateur,  et  sans  sorlir 
du  sujet  qu’il  a  proposd,  e’est-a-dire  la  melancolie,  dont  le  litre  reslera 
toujours  en  tOte  du  programme,  cherchera  desormais,  en  le  developpant, 
a  pousser  en  quelque  sorte  les  concurrents  dans  des  voies  cheque  fois 
nouvelles  et  a  provoquer  des  Iravaux  qui  auront  ainsi,  du  moins,  quelque 
chose  d’original.  En  consequence,  le  sujet  du  prix  Lefevre  pour  1869 
sera  conpu  de  la  maniere  suivante  :  De  la  melancolie,  considdree  dans 
ses  rapports  avee  la  mddecine  legale. 

.  Prix  Godard  (1000  fr.),  accorde  au  meilleur  travail  sur  la  palhologie 
interne.  —  L’Academie  decerne  ce  prix  a  M.  le  docleur  E.  Lancereaux, 
pour  son  travail  sur  Valcoolisme,  et  elle  accorde,  entre  autres,  une  men¬ 
tion  honorable  a  M.  le  docteur  Becquet,  pour  son  memoire  sur  le  delire 
d'inanition  dans  les  maladies. 

PRIX  PROPOSfo  POUR  1867. 

Prix  Civrieux-  —  L’Acaddmie  a  propose  pour  sujet  de  prix  :  De  la 
demence.  Ce  prix  sera  de  la  valeur  de  1000  francs. 

PRIX  PROPOSfi  POUR  1868. 

Prix  Portal.  —  L’Academie  pose  la  question  suivante  :  Des  lumeurs 
de  V encephale  et  de  leurs  symptdmes.  Ce  prix  est  de  la  valeur  de  600  fr. 

Prix  Civrieux.  —  L’Acaddmie  propose  pour  question  :  Des  pheno- 
mcnes  psychologiques  avant,  pendant  el  apres  I’anesihesie  provoquee.  Ce 
prix  sera  de  la  valeur  de  800  francs. 

N.  Ji.  —  Les  mdmoires  pour  les  prix  a  decerner  en  1868  devronl 
etre  envoyes  a  I’Academie  avant  le  1  “■  mars  de  la  mdme  annee.  11s 
devront  Otre  ecrits  en  francais  ou  en  lalin. 

Tout  concurrent  qui  se  fera  connailre  directement  ou  indirectement 
sera,  par  ce  seul  fait,  exclu  du  concours. 


VARlfiTtS, 


187 


Nominations.  —  Viennent  d’etre  nomm^s  : 

Direcleur-medecin  de  I’asile  de  Bonneval  (Eure-et-Loir),  M.  le  doc- 
teur  Teilleux,  directeur  -raedecin  de  I’asile  de  Saiat-Robert  (Is6re) . 

Directeur  de  I’asile  de  Saint-Robert,  M.  Pinot,  ancien  chef  de  bureau 
do  la  prefeclure  de  Maine-et-Loire. 

Medecin  en  chef  de  I’asile  de  Saint-Robert,  M.  le  docteur  Corlyl, 
modecin  en  chefderasile  do  Cadillac  (Gironde). 

Medecin  en  chef  de  I’asile  de  Cadillac,  M.  le  docteur  Espiau  de  l.a- 
maestre,  medecin  adjoint  de  I'asile  de  Quatre-Mares. 

Medecin  en  chef  du  quartier  d’alienes  de  Saint-Brieuc,  M.  le  docteur 
Grosvallet,  en  remplacement  de  M.  le  docteur  Rault,  ddcede. 

Medecin  prepose  responsable  du  quartier  d’alienos  de  Kiort,  M.  le 
docteur  Charriere,  medecin  du  quartier  de  Pontorson. 

—  M.  le  docteur  Fougeres,  directeur-medecin.  de  I’asile  de  Naugeat 
(Haute-Vionne),  vient  d’dtre  elu  membre  corresporidapt  do  la  Societe 
medico- psychologique. 

—  M.  le  professeur  Monlau(de Madrid),  membre  associd  dtraiiger  de  la 
Socidtd  medico-psychologique,  ddcord  do  I'ordre  de  la  Legion  d’honneur, 
lors  de  la  premidre  rdunion  du  Congres  international  a  Paris,  et  delegue 
par  I’Espagne  pour  le  second  Congrds,  qui  s’est  tenu  rdeemment  a  Con¬ 
stantinople,  a  rec-u  les  memes  distinctions  honorifiques  des  gouvernements 
person,  turc  et  russe.  11  est  a  priSsumer  que  son  gouvernement  qui  I’a 
nomme  commandeur  dans  sa  prdeddente  mission,  reconnaitra  convena- 
blement  ses  nouveaux  services. 

—  M.  le  docteur  G.  Girolami,  medecin-directeur  de  I’asile  de  Pe- 
saro,  membre  associe  dlranger  de  la  Socidtd,  dont  if  est  bien  connu  par 
son  premier  volume,  contenant  les  memoires  sur  la  systdmatisatiori  des 
asiles  d’llalie,  I’appreciation  dcs  prmcipaux  asiles  de  I’Europe,  I’expia- 
tion  pdnale,  les  limites  de  la  folie  et  de  quelques  types  qui  I’avoisinenl, 
la  determination  de  la  capacity  el  de  I’incapacile  civile  et  ciiminelle,  vient 
d’dlre  nommd  mddecin-directeur  du  manicome  de  la  Piela  a  Rome.  Cet 
asile,  qui,  avec  le  concours  de  M.  Azzurri,  archilecte  et  membre  de  la 
Societd,  a  dte  considdrablemenl  amdliore  et  rdeemment  agrandi  par 
I’adjonction  d’un  commencement  de  ferme  agricole,  ne  pourra  que  ga- 
gner  sous  la  direction  eclairee  de  M.  Girolami.  Lorsque  nous  I’avons 
visitee  en  1862,  il  y  avail  une  vingtaine  de  malades  qui  travaillaient  au 
jardinage.  II  n’est  pas  douteux  que  notre  collegue  ne  donne  a  ce  grand 
etahlissement  tons  les  developpements  dont  il  est  susceptible. 

N^crologie.  — ■  Nous  avons  le  regret  d’annoncer  la  mort  de  M.  le  doc¬ 
teur  Casimir  Pinel,  directeur  de  I’asile  prive  du  chateau  Saint-James, 
a  Neullly-sur-Seine,  chevalier  de  la  Legion  d’honneur,  deeddd  le  6  dd- 
cembre  1866,  a  la  suite  d’une  trds-longue  maladie.  A  ses  obseques,  la 
Socidtd  mddico-psychologique  dlait  reprdsenldo  par  MM.  Delasiauve , 
Belhomme,  Girard  de  Cailleux,  Midida,  Legrand  du  Saulle,  Loiseau, 
Berthier  et  Linas,  el  I’Associaiion  mutuelle  des  mddecins  alidnistes  de 
France,  par  M.  Baillarger.  Au  cimetidre,  M.  Legrand  du  Saulle  s’est 
exprime  dans  les  termes  suivants  : 

«  Messieurs, 

I)  Un  douloureux  dvdi 


3mble.  Chargd  de  reprdsenter  la 


188 


vari£t£s. 


Societ6  tiled ico  -psycholopque.  et  de  prendre  la  parole,  an  nom  de  mes 
collegues  attristes,  je  viens  adresser  tin  dernier  adieu  au  savant  mo- 
desle,  au  medecin  zel6  et  au  ciloyen  honnete,  dont  nous  aliens  confier 
a  la  terre  la  depouille  mortelle. 

))  Jean-Pierre-Casimir  Pinel  naquit  au  moment  oil  le  siecle  dernier 
allait  expirer.  Neveu  de  I’lllustre  reformatcur  du  sort  des  ali^nfis,  do 
celui  qui  sut  si  courageusement  faire  lomber  les  chaines  qui  meurtris- 
saient  les  membres  de  ccs  malheureux  malades,  Casimir  Pinel  ne  pou- 
vait  pas  hesiter  dans  le  choix  d’une  profession  :  il  se  fit  medecin.  Enrolc 
d'abord  sous  le  drapeau  de  la  chirurgie  mililaire,  il  ne  tarda  pas  a  renori- 
cer  a  une  carriere  pour  laquelle  les  pacifiques  evenements  de  la  Kestau- 
ration  crcaient  Irop  de  loisirs  :  son  esprit  le  porlait  a  mtude,  son  activite 
reclamait  des  labours  plus  soutenus,  et  son  coeur  le  eonduisait,  par  uno 
peiile  toule  naturelle,  au  soulagement  de  la  plus  cruelle  des  infortunes 
bumaines.  Son  nom  ne  lui  creait-il  pas,  d’ailleurs,  un  blason  gloricux 
et  respecte? 

»  Casimir  Pinel  fonda  done  une  maison  d’alienes  et  se  consacra  tout 
entier  a  sa  lourde  taohe.  Le  succes  repondit  a  ses  efforts  intelligents  et 
consciencieux,  etla  prospdrite  vint  progressivement  s’asseoir  a  son  foyer. 
Chacun  applaudit  a  la  recompense  meritee  qui  couronnait  ainsi  une  vie 
consacrce  au  bien. 

It  Malgre  ses  incessantes  occupations,  malgre  les  longues  heures  qu’il 
employait  cliaque  jour  au  traitement  de  ses  chers  malades,  Casimir  Pinel 
trnuva  le  temps  d’enrichir  la  science  de  travaux  importahts.  11  a  public, 
nolamment,  un  memoire  tr6s-considerable  sur  le  mode  de  traitement  de 
I’alienation  mentale  aiguii  par  les  bains  prolonges  et  par  les  irrigations 
continues  sur  la  tete.  L’Academie  imperiale  de  medecine  donna  sa  pleine 
et  enticre  adhesion  aux  ingenieux  aperfus  Iherapeutiques  de  I’auteur,  et 
inscra,  dans  le  tome  XX  de  ses  Memoires,  I’oeuvre  remarquable  de  notre 
distingue  confrere. 

»  L’un  des  membres  fondateurs  de  la  Societd  medico-psychologique, 
Casimir  Pinel  assistait  tres-exaclement  a  nos  seances  et  prenait  une  part 
active  a  nos  travaux.  Il  y  adouze  ans,  lorsque  nous  discutames  la  ques¬ 
tion  si  controversee  de  la  monomanie,  notre  savant  collegue  entra  d’a- 
bord  le  premier  en  lice,  puis,  avant  la  cldlure  d’un  debat  reste  memo¬ 
rable,  il  prononqa  au  milieu  denous  un  discours  magistral,  danslequel, 
apres  s’etre  efforce  de  demontrer  I’existence  du  delire  parliel,  il  envisagea 
la  monomanie  au  triple  point  de  vue  de  la  psychologie,  de  la  pathologic 
et  de  la  mddecine  legale. 

»  Un  peu  plus  lard,  nous  enlendimes  encore  sa  parole  autorisde  dans 
la  discussion  sur  la  paralysie  generale  des  alienes,  puis  a  I’occasion  du 
secret  medical  dans  ses  rapports  avec  I’alienation  mentale,  et  nous  nous 
aperfumes  tout  a  coup  que  la  place  occupce  a  la  Societe  par  Casimir 
Pinel  restait  frdquemment  vide  !  Sa  santd,  en  proie  a  des  alternatives 
chancelantes,  le  relenait  chez  lui,  et  I’une  de  ses  plus  grandes  privations, 
dans  les  dernieres  et  si  penibles  annees  de  sa  vie,  fut  certainement  I’im- 
possibilite  de  reparaitre  parmi  nous. 

»  Malgre  son  etat  de  souffrance,  notre  affectionne  collegue  ne  voulut 
point  se  condamner  au  repos.  Devenu  I’actif  collaboraleur  du  Journal 
de  mddecine  mentale,  il  publia  sur  I’isolement  des  alidnes,  sur  les  asilcs 


VARlfiTfe,  189 

ouvcrls  a  la  folie  et  sur  la  loi  du  30  juin  1838, 'une  serie  d’etudes  qui 
dOmontrent  que  son  intelligence,  loin  d’avoir  ilOclii,  dlait  parvenue,  au 
contraire,  an  summum  de  son  eldvation. 

»  D’un  abord  gracieux  et  distingue,  Casimir  Pinel  dtait  bienveillant,  bon 
ct  genOieux.  II  se  concilia  de  solides  amitids,  vecut  dans  I’inlimitc  de 
llostan  ot  de  Ferrus,  et  sut  toujours  s’attirer  la  sympathique  estime  de 
scs  confreres.  Honneur,  messieurs,  a  one  carriere  si  utilement  remplie, 
lionneur  aux  prOcieuses  qualiles  de  I’homme  superieur  dont  la  science 
va  prendre  le  deuil. 

»  Adieu,  Casimir  Pinel,  la  Societe  mddico-psychologique  el  I’Associa- 
lion  des  medecins  alienistes  de  France  deposent  leurs  supremos  bom- 
mages  au  seuil  de  voire  demeuro  derniore ;  adieu,  mon  cber  confrere,  si 
voire  coeur  a  cossd  de  baltre,  du  moiiis  voire  souvenir  sera  pieusement 
garde  par  la  science  et  par  vos  amis,  ii 

—  11  est  mort,  il  y  a  peu  de  lemps,  un  de  cos  Iiommes  qui  ont  e-xerce 
sur  la  jeunesse  medicale  de  leiir  dpoque  une  grande  influence.  £leve  de 
Pinel,  Uoslan  publiait,  fort  jeuno,  des  Ikcherches  sur  le  ramolUssemcnt 
du  cerveau,  qui  font  presscnlir  les  qualiles  qui  devaient  faire  sa  rdpu- 
talion  et  altcstent  en  mOme  temps  sa  predilection  pour  les  maladie.s  de 
I’encephale.  Personne  de  nous  n’a  oublie  ces  brillanles  legons  de  la  Salpe- 
triere,  oil  il  exposait  avec  une  si  grande  clarte  les  priuc.ipes  de  I’organi- 
cismo  et  etonnait  ses  auditeurs  par  la  precision  do  son  diagnostic, 
auquel  on  n’elait  pas  accoutumd.  Des  debuts  aussi  iemarquables  lui  ou- 
vrirent  les  portes  de  1’ Academic  et  de  la  F.iculle  do  medecine.  Inddpen- 
damment  de  son  Trailti  du  ramollissement,  il  a  fait  paraitre  un  Cours 
de  medecine  cliniqae,  im  Cours  didmenlaire  d'liygiene,  une  Exposition 
des  principcs  de  I'organicisme,  ot  de  nombreux  memoires.  Piostan  etait 
un  des  praliciens  les  plus  repandus  de  Paris  et  complait  de  nombreuses 
amities  qu’il  devait  a  son  affection  pour  la  jeunesse  studieusc,  a  ses  talents, 
il  son  amenite,  aux  charmes  do  ses  maniores,  a  la  varietc  des  connais- 
sances  do  son  esprit  et  a  une  parole  qu’on  ne  se  lassait  pas  d’ecouler. 

—  M.  le  docteur  Damerow,  fondaleur  du  journal  I’d i/ffmeine  Zeil- 
schrift  fiir  Psychialrie,  qu’il  a  longtemns  rddigo  avec  MM.  Flemming  et 
Piollcr,  et  aujourd’hui  sous  la  direction  do  M.  H.  Daebr,  vient  de  mourir. 
Medecin-direcleur  de  I’asile  do  Hall,  il  est  tombe  victime  de  son  zcle  pour 
les  rnalheureux  aliunfis  de  son  dtahlisscment,  atteints  du  cholera.  C’est 
une  perle  pour  la  science  et  I’humanile.  Renaudin  a  fail  conriaitre  dans 
les  Annates  medico-psycitologioues  un  grand  nombre  des  travaux  do 
ce  medecin  distingue.  II  sera  public,  dans  le  journal,  une  notice  sur 
Damerow,  qui  etait  membre  associo  dtranger  de  la  Societe  medico- 
psycliologique. 

Asiles  de  la  Seine.  —  Dans  son  rapport  presenld  le  3  decembre  1806 
an  Conseil  gcner.al  du  ddparlement,  le  prefet  de  la  Seine  propose  d’affecter, 
en  1867,  la  somme  de  A  800  530  francs  73  centimes  .a  la  creation  d’.a- 
silcs  d’alienes,  au  sujet  desquels  il  s’exprime  en  ces  lermes  : 

«  La  reorganisation  du  service  des  alienes  va  recevoir,  en  1867,  un 
commencement  d’execution.  Le  bureau  d’examen  ct  de  repartition  des 
malades,  ainsi  que  I’asile  Sainte-Anne,  sent  termines  ct  ouvriroiit  Id’ 
!"■  janvicr.  -  .  , 


19b  VARlfexfiS. 

»  L’ach^vement  de  I’asile  de  Ville-Evrard  est  prodhain.  Les  travaux  de 
I’asile  de  VauolUse,  bien  cjue  relardes  par  les  difflculles  imprdvues  que 
la  nature  du  terrain  a  suscitees,  seront  neanmoina  termines  avant  la  fin 
de  1867,  et  I’duverture  de  I’asile  pourra  avoir  lieu  auplus  tard  au  com¬ 
mencement  de  I’annde  1868. 

»  Nous  serons  alors  en  mesure,  chacun  de  ces  trois  asiles  comprenant 
600  places,  d’y  recevoir  1800  alienes.  » 

Asiles  pour  les  attends  buveurs.  —  M.  le  doctour  Forbes  Winslow 
vient  de  publier  dans  le  Pall  Mall  Gazelle,  un  travail  interessant  sur 
la  necessite  d’ avoir  un  dtablissement  special  pour  les  fous  alcooliques. 
Ce  genre  d’asile  existe  ddja  aux  Etats-Unis,  et  il  y  a  lieu  de  croire  quo 
I’assistance  privCe,  qui  a  fait  tant  de  choses  en  Angleterre,  mettra  bientflt 
a  execution  la  pensee  du  docteur  F.  Winslow. 

Suicides  en  public  dans  des  asiles.  —  Guislain  raconle,  dans  le  troi- 
sieme  volume  de  ses  Ucons  orales,  qu’un  alidnd  se  pendit  devant  lui, 
pendant  qu’il  faisail  sa  visite.  Ce  fut  un  autre  aliCne  qui  s’en  aperjut  et 
cria  :  o  Voyez,  il  est  mort».  11  avail  eu  le  soin  de  rabatlre  la  visiere  de  sa 
casquette  au  devant  de  sa  figure.  —  Le  docteur  C.  Livi,  medecin- 
direcleiir  du  manicome  de  Sieriiie,  vient  d’en  consigner  un  nouvel 
exemple  dans  une  letlrc  au  docteur  Callego.  L’alidnd  qui  avail,  deux 
jours  auparavant,  fait  une  tentative  de  suicide,  etait  I’objet  d’une  ac¬ 
tive  surveillance.  On  rarigeait  dans  une  cour  les  malades  pour  les 
envoyer  au  travail.  Profitant  de  ce  moment,  il  se  dirige  rapideraent 
vers  une  imposte  derriere  laquelle  se  trouvait  une  porte  a  barreaux  de 
fer  ouvrant  sur  un  passage,  tire  a  lui  legeremeiit  fimposte,  en  ayant  la 
precaution  de  laisser  une  partie  de  son  corps  en  debors,  toiirne  son 
visage  corame  s’il  regardait  quelque  chose  dans  le  passage,  se  place  sur 
la  poinle  des  pieds  et  se  pend  a  fun  des  barreaux.  Ce  ne  fut  qu’a  I’appel 
de  son  nom  que  I’accidcrit  fut  decouvert;  malgrd  le  peu  de  temps  qui 
s’etaU  ecoule,  tous  les  secours  furent  inutiles. 

Un  bal  excenlriqae.  —  Cn  grand  bal  a  etc  donne  jeudi  aux  alienes 
de  I’hospice  de  Flatbush,  dans  Long-Island.  Cette  fete,  prdparee  par  les 
soins  des  autorilas  mddicales,  a  pleinement  reussi.  Les  malheureux  pen- 
siuiinaires  ont  retrouve  assez  do  luoiditd  pour  dariser  aussi  follement  que 
des  gens  raisonnables.  L’orcheslre,  compose  de  musiciens  apparlenant' 
aussi  a  I’institiilioii,  malgrd  quclques  notes  hasardees  de  temps  h  autre, 
n’a  pas  trop  manqud  de  mesure.  En  somme,  cette  tentative  a  donne  raison 
a  ses  iniliateurs,  et  sera  probablernent  renouvelee. 

(Courrier  des  Elals-Unis.) 

Superslilion  musulmane.  —  Les  musulmans  ont  une  grande  vdnera- 
tioii  pour  les  fous,  qu’ils  regardent  comme  des  saints;  e'est  pour  leur 
bonheur,  croient-ils,  que  Dieu  les  a  prives  de  leur  raison.  Cette  maniere 
de  voir  est  quelquefois  juste  quand  on  pense  a  I’emploi  que  certains 
hommes  font  de  Fesprit  qu’ils  tiennent  de  la  nature. 

Parmi  les  fous  {medjnoun)  de  Constantinople,  il  en  est  certains  qui 
jouissent  d’une  telle  consideration  qu’on  attache  de  I’importance  a  une 
de  leurs  paroles,  a  un  de  leurs  regards,  a  un  de  leurs  sourires.  Mustapha, 
dit  Deuirneli  Uddd,  etait  un  fou  tout  a  fait  inoffensif ;  il  demeurait  dans 


VARlfiTfeS. 


191 


un  petit  rtdiiit  pres  de  Sainte-Sophie  et  reeevait  chaque  jour  des  cen- 
taines  de  visites.  II  portait  un  habit  recouvert  de  mille  boutons,  de  la  son 
nom  (Deutmd,  bouton).  II  portait  le  mdme  vdtement  depuis  quarante 

Depuis  trois  jours,  Mustapha  etait  malade  ,  il  vient  de  mourir.  La 
Valide  sultane  a  ordonne  de  faire  a  ses  frais  les  funerailles  du  saint  :  un 
beau  cachemire  recouvrait  le  cercueil  et  prds  de  trois  mille  personnes 
suivaient  le  cortdge;  en  outre,  on  dislribua  plus  de  20  000  piastres 
d’aumflne 

La  reputation  de  Mustapha  a  tenle  un  autre  fou,  qui  n’est  peut-etre 
pas  si  fou  qu’il  en  a  fair  et  qui  vient  de  s’installer  dans  le  rdduit  laisse 
vacant  par  la  mort  de  Mustapha.  {Monileur  du  22  ddcembre  1866.) 

—  D’aprds  rAlmanach  statistique,  il  se  commet  en  Espagne  annuelle- 
raent  223  suicides  en  moyeiine,  un  par  100  000  habitants.  En  France, 
ce  chilTre  s’dldve  a  11,  et  a  29  en  Danemark-  Des  suicides  enregislros  en 
Espagne,  71  pour  100  sont  des  hommes.  C’est  en  juin  et  en  juillet  qufc 
le  plus  grand  nombre  do  ces  suicides  se  produit ;  janvier  el  levrier  sent 
les  mois  ou  il  y  en  a  le  moins.  Les  moyens  de  suicide  les  plus  frdquem- 
rnent  employes  sont  la  strangulation  et  les  armes  a  feu  pour  les  hommes, 
le  poison  parmi  les  femmes.  Les  causes  sont  generalement  la  folie,  les 
souffrances  continues  et  la  misero. 

—  On  nous  ecrit  de  Saint-Nazaire  en  Royans,  le  9  novembre  : 

Saint-Nazaire  vient  d’etre  mis  en  dnioi  par  une  scene  dpouyanlable. 

Vers  neuf  heures  du  matin,  nn  fou  furieux  parcourait  en  chemise  les 
rues  de  la  ville.  Arme  d’une  hache,  il  en  frappait  les  portes.  M.  Vial, 
entrepreneur,  n’a  que  difficilement  echappA  a  cet  insense,  mais  son 
chien  a  eu  la  jambe  coupee.  Le  fou  s’est  dirige  vers  un  cafe  oil  il  a 
fiappe  les  tables  avec  fureur.  Son  arine  faisait  reculer  tout  le  monde.  On 
prevoyait  une  scene  de  meurtre  et  de  carnage,  car  ce  n’est  pas  la  pre¬ 
miere  fois  que  le  nomme  B...,  de  Rochechinar'd,  dpileptique  des  plus 
dangereux,  a  la  suite  de  ses  attaques,  a  epouvante  Saint-Nazaire,  Saint- 
Jean  et  Rochechinard. 

La  situation  devenait,  comme  on  le  voit,  dangereuse,  quand  le  courrier 
estarrive  amenant  le  nouveau  marechal  des  logis  de  gendarmerie  Charles- 
Frederic  Nde.  Ce  niililaire  a  inaugure  son  commandement  par  un  de  ces 
actes  de  courage  et  de  devouement  auxqnels  cette  arme  nous  a  habitues. 

Le  fou  etait  assis  sur  le  banc  du  cale  qu’il  taillait  a  coups  de  hache. 
M.  Nee  s’est  approche  doucement ;  le  foualeve  sa  hache, pour  I’en  frapper, 
alors  ce  mililaire  tirant  son  epee  I’a  fait  flamboyer ;  la  fou  a  abandonne 
la  hache  el  a  saisi  I’Apee  nue  pendant  que  son  adversaire  le  saisissait  lui- 
meme  de  sa  main  libre.  One  lutte  s’en  est  suivie;  le  marechal  des  logis, 
ayant  glissd  sur  le  trottoir,  est  tombe,  mais  la  population,  se  precipitant 
sur  le  malheureux  B...,  I’a  garrotte  et  emmeni  a  Saint-Jean. 

—  La  commune  de  Saint-Martin-Lautosque  (Alpes-Maritimes)  a  ete, 
mercredi  dernier,  dit  le  Journal  de  Nice,  le  theatre  d’un  drame  san- 
glant.  Le  nomme  Antoine  Martin,  age  do  quarante-huit  ans,  s’etait  cou- 
che  tranquillement,  lorsque,  vers  onze  heures  du  soir,  il  se  lAve,  s’armo 
d’un  dnorme  coutelas  et  crie  qu’il  va  Agorger  toute  sa  famille  pour  la 


192 


VARlfiTfiS. 


d^livrer  du  demon.  AussilOt  il  frappe  sa  femme  au  cou ;  ses  trois  enfants 
se  sauvent  dans  la  rue  ;  il  les  poursuit,  atleint  le  plus  jeune,  age  de  huit 
ans,  et  le  blesse  a  la  lete.  Aux  cris  des  voisins,  deux  gendarmes,  les 
sieurs  Geoffroy  et  Raybandi,  accourent.  Ce  dernier  degalne  pour  desar- 
mer  Martin,  dont  I’exaltation  est  a  son  comble  ;  une  lutte  s’engage, 
dans  laquelie  Geoffroy  est  grievement  blesse  ;  Raybandi  est  profonde- 
ment  mordu  au  pouce  de  la  main  gauche  ;  enfin  le  fou  est  maitrise  et 
conduit  en  lieu  de  sArete.  La  femme  Martin  est  morte  le  jour  mSme. 

{Petite  Pressc  du  27  dccembre  1866.) 

—  M.  le  docleur  Jules  Falret  a  commence  son  cours  sur  les  maladies 
mentales,  le  lundi  3  decembre,  a  quatre  heures,  dans  I’ampliilhealre 
n®  1  de  I’Ecole  pratique,  et  le  conlinuera  les  vciidredis  et  lundis  de 
cliaqiie  semaine,  a  la  meme  heure. 

—  M.  le  docleur  Luys,  mddecin  des  hOpitaux,  a  commence  son  cours 
sur  les  fonctions  et  les  maladies  du  systiime  nerveux,  le  mardi  11  de¬ 
cembre,  a  bull  heures  du  soir,  dans  I’amphith^atre  n"  3  de  I’licole 
pratique,  et  le  conlinuera  les  mardis  et  samedis  de  chaque  semaine,  a  la 
mfime  heure. 


CORRESPONDANCE. 

—  Algcincinc  SKcitsclirirt  fur  Psycliintric.  —  Le  quatriemo 
fascicule  de  I’annde  1863  ne  nous  est  pas  parvenu. 

—  Woclientolatt  der  Zcitsclirift  der  K.  K.  Hcsellscliart  der 


JOVRlIfAIi 


DE 

L’ALIENATION  MENTALE 

ET  DE 

LA  MEDECINE  LEGALE  DES  ALlfiNES. 


PATHOLOGIE  MEIVTALE. 


DES  RELATIONS  QUI  EXISTENT 

ENTRE 

LES  MALADIES  MENTALES 

AUTRES  AFFECTIONS  DU  SYSTfiME  NERVEUX 
DISCOURS  PRONONCE 

k  L’OUVERTURE  DE  LA  CLINIQBE  DES  MALADIES  MEMTALES  ET  NEBVRDSES 
A  LA  CHARITY;  DE  BERLIN,  LE  1'=''  MAI  1866 

Par  HI.  Ic  professenv  W. 

TRADUIT  PAR 

M.  le  doctcnr  JULES  FilLRET  (1). 


Messieurs, 

Je  coniraence  aujourd’hui  line  s^rie  de  lecons  et  de  demons* 
trations  cliniques  dans  lesquelles,  pour  la  preraifere  fois,  les  ma- 


(1)  Nous  avons  cl^ja  public  dans  ce  journal,  il  y  a  deux  ans  fjanvier 
1865),  la  traduction  d’un  discours  prononcd  par  le  professeur  Griesinger 
a  Touverture  de  sa  clinique  psychiatrique,  A  Tuniversitd  de  Zurich. 
Depais  cette  dpoque,  ce  savant  medecin  a  etd  charge,  a  I’universite  de 
ANNAL.  MfiB.-psvcH.  4°  serie,  t.  ix.  Mars  1867  1.  13 


194  r.liLATWNS.  ENl'BE  lES  MALADIES  MENTALES 
ladies  iiientales  et  les  autres  maladies  iierveuses  vont  devenir 
I’objet  d’uii  m6me  enseignement.  Ainsi  se  trouvera  r6alis6e  prali- 
quement  cette  pens6e  feconde  que  les  affeclious  du  systeme  ner- 
veux  ferment  en  r6alit6  un  tout  inseparable,  dout  les  maladies 
ajjpelees  mentales  ne  constituent  qu’une  portion  assez  restreiute. 
Cette  pens6e  esf  loin  jusqu’ici  d’avoir  ete  generalement  acceptfie. 
e’estune  acquisition  scientifique  du  temps  present,  etson  admis¬ 
sion  aura  pour  rfesullat  de  modifier  bien  des  id6es,  de  redresser 
bien  des  erreurs  et  d’ouvrir  la  voie  a  de  nouveanx  progres 
dans  toutes  les  directions. 

Nous  ne  rencontrons,  messieurs,  dans  les  asiles  d’ali6nes 
qu’une  portion  tres-limitee  des  maladies  iierveuses;  elles  ne 
s’y  trouvent  plac6es  que  par  suite  des  consid6rations  lout  a  fai*^ 
6trangeres,  puisees  dans  les  ndeessites  du  traitement  ou  de  la 
protection,  telles  que  le  besoin  de  separer  ces  malades  des  con¬ 
ditions  ordinaires  de  la  vie,  de  les  isoler,  de  les  occuper,  etc. 

La  periode  du  specialisme  propremenl  dit,  dans  laquelle  on 
ne  regardait  eomme  apparlenant  16gitimement  &  notre  domaine 
que  les  malades  renfermfis  dans  ces  asiles,  est  maiiitenant  passee, 
et  le  temps  ii’est  pas  61oignd  ou  I’on  ne  considdrera  plus  comme 


Berlin,  a  la  fois  d’une  cliniqne  medicale  et  d’une  clinique  speciale  sur  les 
maladies  nervenses  et  mentales,  et  c’esl  pour  inaugurer  ce  nouvel  ensei¬ 
gnement  qu’il  a  prononcS  le  discours  dont  nous  donnons  aujourd’hui  la 
traduction  fransaise.  Ce  second,  discours,  confu  dans  le  mSme  esprit 
que  le  premier,  mais  contenant  beaucoup  d'aperfus  nouveaux,  nous  a 
paru  le  complement  naturel  du  precedent.  En  faisant-  connaitre  aux  lec- 
teurs  frangais  les  opinions  si  sagement  exprimees  de  I’liomme  eminent 
auquel  notre  specialite  doit  ddja  tant  de  reconnaissance  pour  son  remar- 
quable  Traite  des  maladies  mentales,  nous  avons  ecu  servir  utilement 
les  interdts  de  la  science.  Rendre  de  plus  en  plus  etroits  les  liens  nom- 
breux  qui  unissent  la  medecine  mentale  a  la  mddecine  gendrale,  tel  a 
ete  le  but  constant  des  efforts  du  professeur  Griesinger,  et  telle  est, 
en  effet,  la  voie  dans  laquelle  doit  s’engager  chaque  jour  davantage  la 
patliologie  mentale  pour  rdaliser  de  nouveaux  progrds.  Sur  ce  terrain 
commun,  nous  pouvons  tons  nous  rencontrer,  et  quelles  que  soient  les 
divergences  d'opinioiis  qui  nous  separent  sur  des  points  secondairos, 
nous  devons  tons  nous  trouver  d’accord  avec  le  savant  professeur  de 
Berlin  sur  cette  direction  fondamentale  qu'il  conyient  d’imprimer  a  notre 
science  speciale.  {Note  du  traducleur.) 


LKS  AFFECTIONS  NERVEUSES. 


195 


de  vrais  spficialistes  en  psychiatrie  tpie  ceux  qui  auront  parcouru 
toot  entier  le  vaste  terrain  des  maladies  nerveuses  et  qui  le  cul- 
tivcront  dans  toute  son  filendue. 

On  avail  suppos6  jiisque  dans  ces  derniers  temps  que 
r^tude  des  maladies  mentales  Se  distinguait  par  des  difQculles 
d’une  nature  toute  spficiale,  que  la  mMecine  ordinaire  n’avait 
avec  elle  que  des  rapports  dloighes,  en  un  mot,  que  la  psy- 
cliiatrie  avail  pour  entrde  les  portes  obscures  de  la  mdtapliy- 
sique.  Et  pourtant,  messieurs,  il  me  semble  que  les  autres 
maladies  du  cerveau  et  du  systfeme  nerveux,  qui  forment  avec 
Ics  maladies  dites  mentales  un  tout  inseparable,  n’onl  pas  dte 
jusqu’h  present  tres-notablement  eluciddes  par  la  mdtaphysique. 
En  Allemagne,  en  particulier,  le  temps  est  maintenant  lout  a 
fait  passe  ou  I’on  ne  croyait  pouvoir  connaitre  la  psycliiatrie 
qu’en  se  plagant  a  un  point  de  vue  philosophique  ou  psycholo- 
gique.  L’dtiologie,  le  diagnostic,  le  pronostic  et  la  thdrapeutique, 
tels  sont  en  rdalite  les  objets  qui  doivent  fixer  notre  attention 
et  nous  conduire  a  de  vdritables  rdsultats.  La  thdrapeutique 
surtout  retire  les  plus  grands  avantages  de  I’etude  indivise  de 
tomes  les  maladies  nerveuses,  et  chaque  acquisition  nouvelle  ob- 
tenue  dans  Tune  des  branches  de  ce  vaste  sujet  exerce  sur 
I’ensemble  une  influence  favorable. 

Relativement  a  la  mddecine  Idgale,  peut-on  concevoir  un 
dome  sur  celui  qui  est  le  plus  competent  pour  prononcer  un 
jugement  dqnitable  sur  les  conditions  morbides  de  I’esprit? 

Celui  qui  n’a  pas  fait  des  dispositions  herdditaires  des  mala- 
(Ues  mentales  I’objet  principal  de  ses  dtudes,  celui  qui  n’a  pas 
appris,  par  un  grand  nombre  d’observatious  particulieres,  a 
reconnaitre  les  individus  prddisposds  a  ralidnation,  celui  qui  n’a 
pas  une  connaissance  approfondie  de  I’dpilepsie,  celui  enfin  qui 
ne  connait  pas  les  changements  si  intdressants  qui  surviennent 
dans  les  Idsions  du  systeme  nerveux,  celui- la  ne  peut  que  jouer 
un  Iriste  role,  comme  expert  mddico-ldgal,  dans  des  cas  dou- 
teux  de  maladies  mentales.  £u  procddaht  a  I’aide  de  propositions 


196  RELAKONS  EOTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
abstraites,  par  exemple  en  supposant  un  conflii  perp^tuel  eiUre 
les  bons  et  les  rnauvais  principes  dans  I’humanite,  ou  en  dirigeanl 
son  altention  sur  des  questions  subtiles,  on  ne  pent  parvenir 
a  faire  son  devoir  en  mfidecine  16gale.  Celui-la  seui  qui  ap- 
porte  a  I’^tude  psychique  de  I’individu  tout  entier  des  connais- 
sances  pratiques  positives  (et  ceci  n’est  possible  qu’ii  la  condition 
d’etre  tout  ii  fait  S  son  aise  dans  la  totality  du  sujet),  celui-la 
seul,  disons-nous,  peut  voir  notre  specialite  se  d6rouler  comple- 
tement  a  ses  yeux. 

Si  done,  messieurs,  nous  voulions  indiquer  par  un  seul  mot 
le  point  de  vue  auquel  il  convient  d’envisager  les  maladies  mcn- 
tales,  nous  dirions  que  e’est  le  point  de  vue  de  la  pathologic 
cerebrak  ou  de  la  pathologic  nerveuse.  Mon  intention  est  au- 
jourd’hui  de  diriger  votre  attention  sur  une  partie  du  sujet  quo 
nous  allons  aborder  ensemble,  a  la  lueur  de  cette  conception  g6- 
nfirale,  de  mettre  sous  vos  yeux  une  serie  d’exemples  indiquaut 
la  d6pendance  mutuelle  de  tontes  les  maladies  nerveuses  et  de 
vous  introduire  ainsi  immediatement  dans  quelques-uns  des 
faits  les  plus  int^ressants  de  notre  science. 

Parmi  les  alifines  que  vous  allez  voir  dans  cette  clinique,  vous 
pouvez,  messieurs,  a  un  point  de  vue  (5tiologique  et  pathog6- 
nique,  distinguer  deux  groupes  principaux.  Les  uns  consistent 
dans  des  affections  du  cerveau  pour  ainsi  dire  acquises  ou  acci- 
DENTELLES,  qui  preseiitent  une  telle  predominance  de  deran¬ 
gement  mental  qne  nous  les  appelons  maladies  mentales. 

Une  blessure  ii  la  t6te  est  souvent  suivie,  corame  resultat  ulte- 
rieur,  d’une  maladie  mentale.  On  pent  etre  amen6dans  un  asile 
d’alienes  pour  avoir  avaie  des  oeufs  de  tenia.  Les  maladies  syphi- 
litiques,  les  degenerescences  atheromateuses  des  arteres  du 
cerveau,  les  affections  de  I’oreiile  interne,  une  attaque  ante- 
rieure  de  typhus,  ou  une  suppression  subitc  des  regies  peuvent 
aussi  produire  une  maladie  cerebrale  accompagnee  de  trouble 
mental.  Une  terreur  forte  et  subite  peut  encore  devenir  la  cause 
d’une  maladie  mentale  intense,  ainsi  que  d’autres  sympt6raes 


ET  LES  AFFECTIONS  NERVEUSES.  197 

de  inaladie  cdi'fibrale,  et  les  personnes  qui  tombent  aiasi  lua- 
lades  ne  sont  pas  n6cessairement  caract6ris6es  par  quelque 
trait  parliculier.  Elies  peuvent  elre  sans  dducation  ou  bien 
61ev6es,  inlelligentes  ou  non  intelligenles,  et  appartenir  a  toutes 
les  categories  de  caracteres,  de  dispositions  et  de  maniere  de 
vivre. 

Mais  un  second  groupe,  beaucoup  plus  considerable  que  le 
precedent,  consiste  dans  des  malades  chez  lesquels  le  derange¬ 
ment  du  cerveau  survient  d’une  maniere  beaucoup  moins  for- 
tuite  et  chez  lesquels  la  predisposition  a  existe,  iion-seulement 
eneux-memes,  mais  dans  leur  famille.  Oui,  messieurs,  c’eslune 
grande  verite  qu’une  grande  partie  de  la  deslinee  humaine  est 
deierminee  avec  une  grande  fixite  par  des  influences  qui  se  sont 
exercees  sur  le  germe  des  son  origine;  que  des  milliers 
d’hommes,  sans  aucune  faute  de  leur  part  et  sans  pouvoir  y 
remedier,  portent  le  lourd  fardeau  de  cetle  predisposition  et  que 
les  fils  desherites  de  la  nature  deviennent  en  meme  temps  les 
fils  abandonnes  de  la  destinee.  Au  premier  aspect,  cette  verite 
semble  profondement  trisie  et  decourageaute.  Mais  la  science 
qui  nous  fait  connaitre  ces  faits  nous  indique  en  m6me  temps  les 
remedes.  Elle  nous  enseigne  par  quels  moyens  nous  pouvons  et 
nous  devons  prevenir  un  mal  aussi  grave  et  aussi  inevitable  en 
apparence,  comment  enfm  la  predisposition  hereditaire  peut 
etre  vaincue,  combattue  ou  du  moins  diminuee,  en  renouvelant 
le  sang  des  families  et  en  ordonnant  moraleinent  la  vie  des  indi- 
vidus.  Neanmoins,  sous  ce  rapport,  la  medecine  ne  peut  que 
donner  des  conseils  et  non  des  ordres.  Mais  lorsqueson  influence 
s’exercera  sur  ces  diverses  conditions,  alors  seulement  son 
but  eminemment  social  sera  reellement  accompli.  —  Eh  bien, 
cette  predisposition  que  nous  retrouvons  chez  la  plupart 
de  nos  malades,  doit  61re  concue,  non  pas  seulement  comme 
psycbopathique,  mais  comme  n6vropathique,  et  elle  ne  peut 
etre  compl^tement  comprise  que  par  un  coup  d’oeil  d'ensemble 
iei6  sur  tout  le  dotnaine  des  maladies  nerveuses.  Ce  ne  sont 


198  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
pas  seulement  des  maladies  menlales,  on  bien  des  bizarreries, 
des  excentricitfis  de  caractere  qu’oiit  presentees  les  parents  ou 
les  collateraux  de  eeux  qui  arriyent  dans  nos  asiles,  mais  bien 
de  I’epilepsie,  de  I’liystdrie,  de  I’hypochondric,  de  la  chorde,  des 
cephalalgies  chroniques  d’origine  inconnue,  des  paralysies  ou 
des  irritations  nerveuses,  et  nous  devons  rechercher  toutes  ces 
conditions  si  nous  voulons  connaitre  reellement  la  veritable 
predisposition  de  nos  malades. 

Les  personnes  qui  sont  ainsi,  predisposdes  peuvent  encore 
elre  subdivisdes  en  deux  sections  : 

1“  Les  malades  atteints  d’une  simple  predisposition  heredi- 
laire  ou  de  farnille.  Les  parents  ou  les  ascendants  de  ces  indi- 
vidus  peuvent  avoir  eie  affectes  de  maladies  nerveuses  ou 
mentales,  mais  il  n’y  a  eu  encore,  ni  chez  eux,  ni  dans  leur  fa- 
mille,  aucune  trace  de  difformile  physique  remarquable,  aucun 
signe  de  ce  que  nous  pouvons  appeler,  avec  rexcellent  alieniste 
Ic  docteur  Morel,  une  degenerescence,  c’est-a-dire  une  dete¬ 
rioration  de  la  race.  Ces  cas  ne  sont  pas  aussi  frequents  qu’on 
le  suppose,  mais  ils  existent.  Je  possede  Tarbre  genealogique 
d"une  famille  pendant  deux  generations  comprenant  vingt-six 
individus.  Parmi  eux,  neuf  sont  alienes,  cinq  ont  accompli  un 
suicide,  plusieurs  autres  ont  eie  regardes  comme  excentriques 
et  comme  d’un  temperament  irritable.  J’ai  moi-meme  dernie- 
rement  fait  cbnnaissance  avec  plusieurs  membres  de  cette  fa¬ 
mille,  et  la  situation  de  plusieurs  autres  m’a  ete  decrite  par 
ecrit.  Le  plus  grand  nombre  de  ces  individus  sont  bien  consti- 
tues,  forts ;  quelques-uns  m6me  sont  vraiment  de  belles  per¬ 
sonnes  ;  plusieurs  d’entre  eux  sont  intelligents,  utiles  dans  la 
position  qu’ils  occupent,  et  quelques-uns  meme  sont  tenus  en 
haute  estime.  Ils  ne  portent  aucune  apparence  de  degendres- 
cence.  La  tendance,  evldemment  hereditaire,  n’a  pris  chez  eux 
aucun  des  caractferes  de  ddterioration  de  la  race,  et  chose  qui 
me  parait  tres-digne  de  remarque,  quoiqu’il  y  ait  dans  cette 
famille  plusieurs  individus  atteluts  non-seulement  de  maladies 


ET  X.es  affections  NERVEESgSi  (199 

meiUales,  mais  d’affections  uerveuses,  il  n’y  a  pas  paiMiii  eux  un 
seul  dpilepiique. 

2“.  Plus  Wqueinment  cependaiit  nous  trouvons  les  per- 
sonnes  frappdes  d’une  predisposition  hfirfiditaire  ndvropatliiquen 
prdsentant  quelque  chose  dans  leur  organisation  qui  les  distiiir 
gue  de  la  inajorite  des  homines,  et  qui  par  certaines  formes  ou 
par  quelque  partie  de  leur  corps  sont  marqu6es  et  comine  af^ 
nig^es  speciaiemenl  par  la  nature.  Ces  signes  de  degeudresceuce 
peuvent  consister  dans  des  changements  tr6s-16gers  et  peu 
importants.  On  peut  faire  figurer  parirti  eux,  par  example, 
plusieurs  deformations  particuliercs  de  I’oreille  externe  (1). 
Quoique  nous  trouvions  ces  alterations  chez  des  personnes  qui, 
sous  tons  les  autres  rapports,  sont  norinales  (auquel  cas  elles 
out  par  consequent  peu  de  signification),  nous  ne  deyons  pas 
neanraoins  considerer  leur  apparition  parmi  les  gens  affectes 
de  maladies  nerveuses  ou  mentales  comine  accidentelle,  attendu 
qu’il  semble  prouve  que  ces  anomalies  dans  la  structure  de 
roreille  externe  sont  plus  frequentes  dans  Cette  classe  de  ma- 
lades  que  parmi  tons  les  autres  (2). 

Je  suis  porte  a  croire  6galement  qu’il  existe  une  certaine 
anomalie  des  yeux,  qui  peut  etre  considCree  comine  un  signe 
de  predisposition  nerveuse,  mais  non  de  deg6nerescence ;  car  ces 
yeux  peuvent  etre  ti-es-beaux.  Je  ne  decrirai  pas  actuellement 
cette  disposition  frequente  des  yeux  chez  les  alienes;  lors- 
qu’elle  se  presen  tera  a  nous  chez  nos  malades,  je  ne  manquerai 
pas  de  diriger  sur  elle  votre  attention. 


(1)  Morel  (De  la  formation  du  type  dans  le^  variMs  ddgenllf-des,  1863, 
p.  30)  considero  la  mauvaise  formation  de  I’oreille  externe,  non  pas 
comme  un  .signe  ndcessaire  de  degenereseeiioe,  liiais  cotiitne  prdsque 
toujours  assoeide  a  unB  condition  flevi’Opdthique  des  parents. 

(Note  rie  I’atttmr.) 

(2)  Parmi  les  cent  quatre  peisonnes  ali6n6BS  qUe  nous  avoHS  actiielle- 
ment  dans  noire  section  d’aliends,  il  n’y  ell  a  qile  Vingi-detix  donl  les 
orcilles  soient  com|pieiement  et  jiatfaitemenb  conformdes. 

(Note  de  I’auleur.) 


200  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 

Mais  la  maniere  la  plus  frappante  et  la  plus  ^videute  dont  se 
manifeste  le  caractfere  d6g6n6ratif,  consiste  dans  la  Mquente 
diminution  de  la  taille,  TarrSt  de  dSveloppement  sexuel,  les  de¬ 
formations  des  organes  genitaux  (1),  ledeveloppementincomplet 
des  dents,  I’actiou  unilaterale  exageree  de  I’un  des  nerfsfaciaux, 
ou  en  general  I’inegalite  de  developpement  de  la  face,  enfin  et 
surtout  les  anomalies  les  plus  diverses  dans  la  forme  du  crane. 
Dans  ces  families,  on  voit  survenir  les  combinaisons  les  plus 
interessantes  et  les  plus  bizarres  des  maladies  nerveuses. 

Dne  jeune  fille  epileptique,  ayant  une  conformation  vicieuse 
de  la  face  et  du  crane,  avait  une  sceur  qui  etait  venue  au 
monde  avec  une  atrophie  du  crSne  et  probablement  du  cerveau 
et  qui  mourut  dans  la  deuxi6rae  ann6e  sans  aucune  trace  de 
developpement  psychique ;  son  pere  et  son  frbre  sont  des  indi- 
vidus  bizarres  qui  recoivent  de  toutes  choses  une  impression 
p6nible ;  enfin,  chose  plus  remarquable  encore,  un  autre  frere 
du  p^re  est  mort  du  diabete. 

Ce  n’est  pas  lii  du  reste  le  seul  exemple  de  la  production  du 
diabete  dans  ces  conditions ;  car  cette  maladie  doit  etre  envisa- 
gee  corame  une  maladie  nerveuse  primitive  qui  se  produit  dans 
les  families  predispqsees  aux  maladies  nerveuses  ou  men- 
tales  (2). 

Lorsque  Ton  trouve  des  signes  6vidents  de  d6g6n6rescence 
dans  une  famille,  ils’y  rencontre  presque  toujours  aussi,  a  c6t6 


(1)  Nous  avons  un  cas  tres-extraordinaire  de  ce  genre  dans  noire 
service ;  c’est  celui  d'une  femme  sans  utdrus.  Elle  a  de  temps  en  temps 
des  acc^s  accidentels  de  delire  drotique  ayant  une  certaine  duree. 

{Note  de  I'auteur.) 

(2)  J’ai  observd  dernidrement  le  premier  exemple  que  j’aie  rencontrd, 
de  diabdte  sucre,  chez  un  individu  rdellement  aliene,  avec  un  penchant 
tres-intense  aux  dispositions  anxieuses  et  la  pensde  constante  de  se  jeter 
par  la  fendtre.  Le  professeur  Seegen  (de  Carlsbad),  qui  a  beaucoup 
d’experience  sur  le  diabdte,  me  racontait,  dans  une  visile  rdcente,  qu’il 
avait  souvent  observd  I’alidnation  coincidant  avec  cette  maladie. 

(Note  de  I'auteur.) 


ET  LES  AFFECTIONS  NERVEUSES.  201 

des  ali6nfe,  des  epileptiques,  et  meme  il  y  a  plus  d’6pileptiques 
qur  portent  ces  signes  de  deg6nerescence  que  d’ali^nfis. 

Il  convient  d’ailleurs  d’appliquer  li  l’6pilepsie  comme  a  I’ali^- 
nalion  la  mfime  division  gengrale  en  deux  classes  ;  il  faut  ad- 
inettre  des  cas  d’epilepsie  acquise,  survenus  en  quelque  sorte 
accidentellement,  et  d’aulres  qui  reposent  sur  des  dispositions 
internes  et  portent  souvent  aveceuxle  caractere  d6g6neralif.  Je 
me  suis  d6jii  explique  longuement  sur  ce  sujet  dans  le  semestre 
pr6c^dent  de  tna  clinique  sur  les  maladies  nerveuses. 

Mais,  jusqu’a  present,  nous  ne  ddcouvrons  encore  dans  la 
forme  et  le  mode  de  dfiveloppement  de  I’fipilepsie,  aucune 
difference  bien  d^terminee,  entre  ces  deux  ordres  de  faits ; 
les  alidnes,  au  contraire,  prddisposds  a  cette  malaclie  nevro- 
pathiquement ,  prdsentent  trds-souvent ,  mais  non  pas  lou- 
jours,  quelque  chose  de  spdcial  dans  la  forme  de  leur  trouble 
mental,  de  telle  sorte  que  chez  un  assez  grand  nombre  d’entre 
eux,  sans  connaitre  positivement  leurs  antdcddents,  nous 
pouvons,  par  le  seul  fait  de  la  nature  speciale  de  leur  folie, 
conclure  avec  quelque  certitude  k  I’existence  d’une  disposition 
ndvropathique  anldrieure.  Ge  fait  a  dtd  encore  ires-bien  dtabli 
par  le  docteur  Morel  etj’aurai  souvent  I’occasion  de  vous  en 
montrer  des  exemples.  Celui-la  seul  qui  s’est  habitue  k  fixer 
son  attention  sur  ces  manifestations  et  sur  ces  signes  de  la  pre¬ 
disposition  ndvropathique  pent  arriver,  soit  en  mddecineldgale, 
soil  dans  la  vie  ordinaire,  k  comprendre  beaucoup  d’individus 
qui  sans  cela  seraient  des  problkmes  inexplicables.  Nous  ren- 
controns  souvent  en  effel  des  individus  de  cette  caidgorie  dans 
le  monde,  ou  bien  la  ou  conduisent  les  delit’s  et  les  crimes, 
c’est-k-dire  sur  le  banc  des  accuses  ou  dans  les  prisons ;  beau- 
coup  d’entre  eux  poursuivent,  du  reste,  dans  le  monde,  le 
cours  de  leur  existence,  sans  que  jamais  une  veritable  maladie 
menlale  fasse  chez  eux  explosion.  Les  uns  nous  etonnent  par 
leur  nature  excitable,  passionnee,  extreme  et  excentrique  en 
toutes  choses,  qui  parait  tout  a  fait  incomprehensible  k  ceux 


202  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
qui  soiit  eii  6tat  de  sant6.  D’autres  me  rappellent  toujours  les 
individus  qui  n’oiit  pas  la  faculty  de  reconnaitre  les  couleurs, 
De  mgme  qu’il  est  des  homines  qui  no  peuvent  distinguer  ni  le 
rouge,  ni  le  bleu,  ui  le  jaune,  mais  voient  tous  les  objels  de 
couleur  grise,  de  meme  il  eu  est  d’autres  que  certaiiies  parli- 
cularites  organiques  rendent  6galeraent  incapables  d’appr6cier 
I’infinie  varl6t6  des  tons  et  des  nuances  du  monde  moral,  et 
chezlesquels  toutapparait  d’une  teiule  grise  uniforme  it  I’oeilde 
leur  esprit. 

D’aulres  ne  sont  pas  priv6s  des  facultes  receptives  ou  per- 
ceplives,  maismanquent  compl^lement  des  faculty  de  reaction, 
dans  le  domaine  du  sentiment  comme  dans  celui  de  la  volonte. 
II  est  des  etres  calines  et  tranquilles  ;  dans  toutes  les  circon- 
stances  de  la  vie,  dans  les  plus  trisles  comme  dans  les  gaies, 
ils  restent  6tonnamment  impassibles,  non  pas  par  suite  d’une 
liarmonie  ou  d’nne  direction  parfaites  de  leurs  facultes,  mais  par 
I’effet  d’une  veritable  froideur  int6rieure  de  I’aine  qui  est  abso- 
lument  incompr6hensible  pour  les  autres  homines  doues  d’une 
sensibility  normale  et  qui  leur  semble  raeme  tout  a  fait  deses- 
pyrante.  C’est  la  une  dyfectuosity  de  la  sensibility  de  la  plus 
etrange  nature  ;  de  meme  qu’il  existe  des  gynies  au  point  de 
vue  esthytiqiie  et  moral,  de  meme  il  existe,  a  ce  meme  point 
de  vue,  des  absences  de  facultys  qui  peuvent  aller  jusqu’ii  une 
vyritable  dymence,  et  les  exemples  de  ces  lacunes  pourraient 
ytre  augmentes  k  I’infini. 

Mais,  dira-t-on,  a  quelle  doctrine  peuvent  conduire  de  pa- 
reilles  notions  ?  Ges  individus  sont-ils  done  reellement  des  ma- 
lades  ?  Sont-ils  aliynys?  Et  puisque  la  folie  est  une  maladie  cy- 
rebrale,  sont-ils  done  atteints  d’une  affection  du  cerveau  ?  Les 
homines  ne  peuVent-ils  done  pas  diffyrer  les  uns  des  auires  et 
doivent-ils  tous  etre  tallies  sur  le  meme  patron?  Ne  doit-on 
pas  considerer  les  medecins  aliynistes  eux-memes  comme  des 
fous  (je  I’ai  entendu  dire  bien  souvent),  puisqu’ils  veulent  voir 
partout  des  anomalies  intellectuelles  et  qu’ils  fmissent  meme 


EX  LES  AFFECTIONS  NEBVEUSES.  203 

par  declarer  que  I’originalite  et  le  genie  ]ui-m6rae  lie  sent  qu’une 
folie?  II  est  utije  de  poser  tout  de  suite  ces  questions,  afin  de 
pouvoir  y  repoudre  immfidiatement.  Tous  ces  individus  ne 
sont  pas,  dfes  Tabord,  ali6n6s  ou  atteints  d’une  ijialadie  du  ceiv 
veau,  Beaucoupd’entreeux  n’ont,  pendant loute  leur  vie,  qu’une 
simple  predisposition,  et  il  faut  de  nouvelles  circonstgnces  popr 
que  cette  disposition  devienne  une  maladie  veritable, 

Mais  on  doit  reconnaitre  que  c’est  d6ja  une  evideiite  anoma- 
lie,  quand  un  homme  opeie  sur  les  impressions  du  monde  ex- 
lerieur  et  sur  cedes  qui  lui  viennent  deson  propre  corpSj  d’une 
maniere  diff^reiUe  de  cede  des  autres  hommes ;  quiind  il  en 
tire  des  impressions  g6iierales  diff6rentes  sur  le  monde  qui 
I’entoure ;  lorsqu’il  manque  en  quelque  sorte  d’uu  sens  pour 
apprdcier  certaines  regions  de  la  pens6e  ou  de  la  sensibilit6  hu- 
raaines,  de  telle  sorte  qu’il  ne  peut  pas  arriver  au  developpement 
complet  de  toutes  ses  faculties ;  lorsque  enfin  il  surgit  chez  lui  des 
sensations,  des  instincts  ou  des  passions  ^trangiires  a  Timmense 
majorite  des  hommes  et  qui  s’imposent  facileraent  a  lui  sans 
auciine  resistance  de  sa  part. 

Nous  avons  de  16gitimes  raisons  de  croire  que  de  parejlles 
lacunes  dans  I’^quilibre  moral  reposent  sur  des  anomalies  cor- 
respondantes  dans  le  mecanisme  psycbique  de  Tappareil  ner- 
veux ;  car  I’auginentation  de  ces  6tats  psycbiques  anormaux 
est  presque  toujours  accompagnee  de  manifestations  somaliques 
morbides.  Une  attaque  de  convulsions  ou  I’irritation  p.eriphe- 
rique  de  certaines  parties  du  systeme  nerveux,  par  exeniple. 
du  nerf  honteux,  peuvent  prficeder  ces  anomalies  on  les  provo- 
quer,  une  anestli6sie  pfiripherique  peut  les  accompagner,  les 
aiigmenter  ou  persisler  et  disparaitre  avec  elles. 

Le  inMecin  aliiiniste,  dont  le  regard  est  exerc6  par  I’habitude 
il  voir  de  pareils  hommes,  lesquels  ddlirent  plus  dans  leurs  actes 
que  dans  leurs  paroles,  et  dont  la  luciditS  etoniie  telleinent  le 
public  qu’il  ne  peut  croire  que  ces  manifestations  psycbiques 
soient  anormalcs ;  le  m(5dccin  alifiniste,  disons-nous,  ne  con- 


204  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
fond  pas,  pour  cela,  I’originalite  el  le  gfinie'avec  lafolie.  Pourles 
dislinguer,  il  a  un  seui  et  mSrae  criterium  qui  ne  peut  le  trom- 
per  :  il  reconnait  les  uns  et  les  autres  Ji  leurs  fruits,  .^lais  lors- 
que  plac6  au  point  de  vue  n^vropathique,  il  regarde  derrifere 
les  coulisses  pathologiques,  alors  il  arrive  a  des  rfisullats  vrai- 
inent  surprenants.  L’un  des  parents  ou  des  ascendants  de  ces 
fitres  singuliers  ou  originaux,  6tait  ali6n6,  epileptique,  profon- 
d6ment  hypochondriaque,  ou  bien  est  niort  du  diabfete  ;  un  de 
ses  frferes  ou  soeurs  est  alteint  de  verlige  et  un  autre  de  c6phal- 
algie  chronique  ;  enfin,  I’individu  lui-meme  a  d6ja  eu  des  ac- 
ces  convulsifs  ou  veiTigineux ;  peut-fitre  n’en  a-t-il  encore 
6prouv6  qu’un  seul,  mais  un  seul  acces  epileptique  suffit  pour 
rendre  un  individu  different  de  lui-meme  et  pour  transformer 
rhomme  en  original  et  la  femme  en  femme  nerveiise.  Et  si 
I’un  de  ses  freres  ou  soeurs  en  a  6prouv6  d6ja  un  semblable,  la 
famille  tout  entiere  forme  comme  une  seule  nnit6  patholo- 
gique,  et  I’acces  Epileptique  ou  la  profonde  nevralgie  de  I’un  se 
trouvent  rEpercutEs  pour  ainsi  dire  dans  tous  les  autres  mem- 
bres  ! 

Voila,  messieurs,  ce  que  je  voulais  vous  dire  aujourd’hui 
sur  la  disposition  aux  maladies  mentales,  envisagEe  a  un  point 
de  vue  nEvropathique  gEuEral.  T1  me  sera  Egalement  facile  main- 
tenant  devous  montrer,  pai'  les  manifestations  meme  des  affec¬ 
tions  dites  mentales,  leur  union  intime  et  indissoluble  avec  les 
autres  maladies  du  systeme  nerveux  et  partant  la  vErite  du 
point  de  vue  nEvropathique  auquel  je  me  suis  place. 

Dans  les  maladies  du  cerveau,  que  nous  appelons  maladies 
mentales,  les  anomalies  du  mouvement  et  de  la  sensibilite 
jouent  un  tres-grand  role ;  ces  dernieres  meme  constituent 
souvent  le  premier  fondeinent  et  I’occasion  veritable  du  dEve- 
loppement  du  trouble  mental,  de  telle  sorte  que  ce  dernier 
manque  totalement  ou  disparait,  lorsque  I’anoraalie  de  la  sensi- 
bilitE  tombe  elle-niEme  ou  vient  a  etre  EcartEe.  Je  ne  parle  pas 
encore  ici  des  hallucinations ;  car  dies  ne  sont  autre  chose  que 


ET  EES  AFFECTIONS  NEEVEUSES.  205 

de  simples  sensations,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard.  Je 
veux  aujourd’hui  vous  parler  plus  sp6cialement  de  certaines 
formes  de  maladies  menlales,  qui  se  trouvent  li6es  avec  les 
auomalies  les  plus  habituelles  de  la  sensibility  d’une  facon  si 
directe  que  toute  la  maladie  n’est  en  realite  au  dSbut  qu’une 
sensation  anormale,  sans  aucune  aberration  veritable  dans  la 
sphere  de  la  sensibilite  morale  ou  de  rinlelligence,  maladies 
qui  vous  prouvent  de  la  manifere  la  plus  claire  la  connexion  in¬ 
time  qui  existe  entre  les  anomalies  psycbiques  et  les  autres 
affections  du  systbme  nerveux. 

Vous  savez,  messieurs,  quel  role  important  joue  Vaura  dans 
I’epilepsie.  Dans  on  grand  nombre  de  cas,  elle  precfede  I’altaque, 
qui  delate  ensuite  en  convulsions,  etnous  avons  de  bonnes  raisons 
d’admettre  qu’elle  peut  etre  quelquefois  rdellement  pdripberi- 
que,  tandis  que  plus  souvent  au  contraire  elle  a  dvidemment 
une  origine  centrale.  Eb  bien ,  il  existe  des  cas  A'aura  perma- 
nente  et  ne  faisant  pas  explosion,  qui  ne  sont  autre  chose 
qu’une  maladie  mentale.  Ges  fails,  tres-intdressanls  et  non  pas 
tres-rares,  que  je  considere  comme  tout  a  fait  spdciaiix  et  jus- 
qu’a  prdsent  comme  presque  entierement  inconnus,  et  qui 
constitueront  un  chapitre  tout  entier  de  la  pathologie  spdeiale 
des  affections  cdrdbrales,  se  manifdstent  d’une  facon  tres-diverse, 
selon  la  partie  du  corps,  ou  selon  I’organe  duquel  Vaura  part  ou 
semble  partir  (car  id  encore  elle  peut  avoir  certainement  une 
origine  centrale). 

Les  fails  les  plus  connus,  parmi  les  malades  des  maisons  d’a- 
lidnds,  sont  ceux  chez  lesquels  une  sensation  anormale  dans  la 
rdgion  de  I’dpigastre  joue  le  role  principal  dans  la  production 
de  la  maladie.  II  semble,  disent  ces  malades,  qu’une  pierre  ou 
un  poids  de  cent  quintaux  repose  sur  le  creux  de  leur  csto- 
mac.  Cette  sensation,  disent-ils,  leur  remonte  vers  la  tSte,  leur 
trouble  les  iddes  ou  bien  leur  impose  certaines  sdries  d’iddes 
particulidres ;  si  elle  avait  disparu,  ils  n’dprouveraient  au¬ 
cune  anxidtd  et  ils  se  senliraient  bien  portants.  Ces  fails  so 


206  relations  entre  les  maladies  mentales 
g6neraltiment  connus  sous  le  iioin  d’anxi^te  prficordiale,  mol 
par  lequel  on  dfisigne  aussi  quelquefois  aulre  chose  (1);  Par- 
fois,  cette  sensation  prend  le  caraclfere  franchement  ascen¬ 
dant,  eomrae  une  veritable  aura  qui  seulement  n’arrive  pas 
jusqu’lf  faire  explosion.  J’ai  sous  ce  rapport  un  fait  qui  est  fbr- 
teinent  grav6  dans  ma  iri^Woire.  C’est  celui  d’un  paysan  soli- 
dement!  bati  qui,  durant  des  mois  entiers,  se  promenait  de  long 
en  iRrge,  presque  d&e^6r(5,  pleurant  et  joignant  les  rtiaiiis 
pendant  la  plus  grande  paftie  du  jour.  «  Deux  grands  fleuves, 
disait-il  constamment,  coulent  incessamment  de  I’estorriac  ters 
ma  tSte,  et  me  causent  one  atlxifitfi  indescriptible  et  un  trodble 
profond  des  idfies !  » 

fl  y  a  encore  un  autre  6fat  singulier  du  fiiefne  genre,  qoi  n’a 
pas  et6  speciaFement  dfeit,  et  que  je  pourrais  ."(ppeler  anxicti 
frontale  on  dysthymie  frontale.  ties  malades  se  plaigUentd’iine 
sensation  S  la  partie  antfirieure  de  la  tSte,  et  dans  cette  sensa¬ 
tion,  disenf-ilsi  consiste  tout  feur  inal-.  Ils  chercheiit  touteS 
sortes  d’expressions  pour  designer  cette  sensation.  Ce  n’est  pas 
une  doulenr,  diseiit  tons  ces  malades.  SI  au  inoins  e’Stait  tiUe 
douleur,  disent  quelques  autres  F  Us  rappellent  un  tourraent, 
uWe  angoisse,  un  poids.  One  pesanteUr,  ou  empibient  toutaufre 
mot  semblable  pour  en  rendre  compte.  Plusieors  d’etitre  eui 
peuVent  meme  prficiser  avec  exactitude  j'usqu’ci  qUef  point 
s’btend  cette  angoisse  qui  n’est  pas  une  dbuletir,  par  exerilple 
jusqu’a  quelques  lignes  au-dessus  de  la  racinP  d*u'  ne2,  Ce  qui 
indique  dvrdemment  que  c’est  bfen  la  une  sensation  tCellb  et 
local'isCe  (2):  Tant  que  Cette  sensation  persiste,  ces  fna'ladeS  Sont 


(1)  L’expression  de  dyslhymia  epigastrica  serait  peut-dlre  plus  con- 

venable.  {Note  de  I'aiUeur.j 

(2)  11  y  a.  encore  des  cas  dans  lesquels  une  sensation  maludive,  dans 

la  region  du  vertex,  qui  va  el  vient,  et  qui  est  quelquefois  comparee 
a  une  plaque  chaud'e,  est'  lied  cliaque  fois  aveC  1’ apparition  de  certaines 
sdries  d’iddes,  avec  un  certain,  desordre  d’idees  et  avec  le  sentiment 
qu’cprouve  le  malade  de  ne  plus  pouvoir  se  retrouver  au  milieu  do 
toutes  ces  pensdes  disparates.  {Ndte  dV  Vauim-.)' 


ET  LES  AMEmOMS  NERVEUSES.  2fr7 

presque  incapables  de  psnsei-,  et  I’auxi^te  les  toui-meute  dans 
toutes  les  directions.  L’irapression  morale  parliculifere  que  pro- 
duit  cetle  sensation  inaladive  penetre  plus  profondfiment  dans  le 
mficanisHae  psycbique  in  time  de  I’individu  que  ne  le  ferait  toute 
autre  doulenr  quelconque. 

Un  monsieur  age,  qui  me  consullak  pour  un  second  acces 
de  cet6tat  maladif,  me  racontaifilni-meme  que I’anxidle  morale, 
lirovoqu6e  uniquement  par  eelte  seasaiiGii  special©  a  la  partie 
ant6rienre  de  ia  tdte,  I’avait  conduit  a  une  tentative  de  suicide 
qui,  heureusemeut,  avail  pu  etne  conjur6e. 

Des  sensations  maladives  analogues  partent  sowveut  de*  la 
region  des  organes  du  bassin  (probablemeut,  mais  pas  loujours 
d’une  maniere  certaine,  des  organes  g6nitaux)i,  et  provoquent 
directement  un  veritable  etat  de  trouble  mental.  Pour  ne  rlen 
prejuger,  on  pourrait  doniier  provisoirement  ci  cette  situation 
morbide  le  nom  de  dysihymia  hypogastrica.  Cette  forme  devrait 
etre  consid6r6e  comme  presque  exclusivemeut  propre  aUi  sexe 
Kminin,  du  moins  lorsqu’elle  est  fortement  caracterisee.  Une 
jeunelille  de  vingt  aiis,  qui6tait  ici  I’aimee  deruiere,  a’expliquait 
clairement  sur  ce  sujet.  La  menstruation  habituellement  comr- 
mencait  par  une  sensation  de  brulure>  et  d’augoisse  dans  la  r6gion 
liypogastrique.  De  la  cette  sensation  s’filevait  comme  une  chaleur 
et  frappait  tout  a  couplatete.  C’dtak  alorsque  survenaitl’ansi^td  ; 
il  semblait  qu’elle  dut  s’6tendre  a  toutes  les  id6es,  et  radme 
donner  naissance  a  de  mauvaises  idees.  II  lui  semblait,  disait- 
elle,  qu’elle’  devait  tout  faire  contre  le  bom  Dieu  el  lui  pi-fiferer 
le  diable  ;  elle  avait  alors  beaucoup  plus  d’idfees  qu’auparavant, 
et  tout  ce  qu’elle  pensait,  elle  pouvait  se  le  representer  comme 
exterieur  par  I ’imagination,  En  Affirmant  les  yeux,  elle  voyait 
tout  ce  qu’elle  pensait  devant  elle  et  elle  se  sentait  transport^e 
partout  oil  sa  pensee'la'  dirigeak.  La  tSte  Ini'  parait  dans  eesmo- 
menls  lourde  et  iroubl6e ;  elle  se  promene  eir  pleurant  et  en 
gemissant  et  se  plaint  a  chaenn  de  ses  tourments.  Get  6tat  pent 
durer  huit  jours  ou  plus  longtemps.  Sr  la-  sensatiom  ne  se'  pro- 


208  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
duit  pas,  les  idees  ne  vienneiit  pas  non  plus,  I’anxi^te  elle- 
rneme  n’existe  pas  et  la  inalade  redevient  gale  et  raisonnable. 
Elle  a  en  gdndral  une  sensation  d’engourdissement  dans  la  region 
des  parties  g6nitales  et  s’est  pgrae  de  temps  en  temps  niasturbee. 
Malgrg  cela,  cette  aura  qui  nefait  pas  explosion  {aura  avortge), 
peut  trfes-bien  etre  entiferement  centrale;  car  cette  malade  eut 
plusieurs  fois  des  vertiges  et  parait  6tre  tombde  une  fois  de  son 
sigge,  signes  presque  indubitables  d’un  6tat  gpileptique. 

Chez  un  homme  quo  j’ai  eu  rgceminent  &  examiner  comme 
expert,  Yaura  a  fait  explosion,  non  pas  en  un  accfes  gpileptique, 
mais  en  une  horrible  violence  d’action.  Ce  malade,  buveur 
d’eau-de-vie,  gtait  conchd  dans  une  chambre  avec  ses  cinq 
enfants  qui  dormaient  tous  le  matin.  Il  lui  vient  alors  tout  a 
coup  la  pensge  qu’il  devait  tuer  ses  enfants ;  mais  comment 
cette  pensge  s’est-elle  produite?  Voila  ce  qu’il  raconte  :  « II 
me  monta  a  la  tete  comme  une  dcume  ;  il  passa  a  travers  la 
chambre  comme  un  coup  de  fusil  ou  comme  un  violent  coup  de 
vent;  une  forte  odeur  de  marjolaine  remplit  la  chambre  et  me 
fit  perdre  les  sens  ;  mes  iddes  s’dvanouirent  a  tel  point  que  je 
tombai  par  terre.  »  Mais  tout  aussitot  il  se  releve,  prend  la 
hache  et  frappe  alternativement  a  droite  et  a  gauche  sur  les 
enfants,  dont  trois  deviemient  victimes  de  sa  violence.  Si  Ton 
n’avait  rien  connu  que  I’acte  et  la  narration  faite  par  le  malade, 
on  aurait  pu  affirraer  avec  certitude  qu’il  gtait  gpileplique; 
mais  I’enquete  medicale  dgmontra  ensuite  d’une  manifere  incon¬ 
testable  chez  lui  I’existence  de  vgritables  accgs  gpileptiques 
caractgrisds. 

Il  y  a  encore  d’autres  alignes  qui  presentent  des  anomalies  de 
la  sensibilite  tres-gtendues,  des  sensations  spgciales  de  traction, 
de  pincement,  de  vibration,  de  tremblement,  reposant  gvidem- 
ment  sur  des  anomalies  du  sentiment  musculaire.  Ges  sensa¬ 
tions  ggngralisges  sur  tout  le  corps  entrainent  h  leur  suite  un 
gtat  d’anxigtg  ggngrale,  d’inquigtude,  de  mobilitg  pennanente 
et  des  idges  dglirantes  correspondant  &  ces  dispositions  ggng- 


ET  LES  AFFECTIONS  NERVEUSE?.  2C9 

rales  dc  la  seusibilile  :  si  ces  sensations  disparaissaient,  on  ver- 
rait,  an  moins  dans  le  commencement  de  la  maladie  tons  les 
autres  pheiiomenes  disparaitre  avec  elles.  Dans  d’.  utrcs  cir- 
constances,  ce  sont  de  v6ritables  nfivralgies  ordinaires  qui 
entrainent  imrafidiateraent  a  leur  suite  un  veritable  trouble 
mental.  Ces  fails  ne  me  paraissent  pas  extraordinaireinent  rares, 
quoique  le  sujet  soil  encore  irfes-peu  explord.  L’hiver  dernier, 
j’ai  soign6  un  monsieur  chez  lequel  une  nfivralgie  occipitale 
bilatdrale  avail  amene  une  profonde  prostration  mfilancolique. 
Dans  la  clinique  medicale,  il  in’est  venu  I’annee  derniere  p!u- 
sieurs  cas  oil  ce  mode  de  production  de  la  maladie  etait  trfes- 
clair  et  qui  par  cela  meine  sont  tres-instructifs  (1). 

Mais  un  fait  de  ce  genre  m’a  surtout  frapp6  de  la  mauiere  la 
plus  vive,  et  le  malade  avec  lequel  j’fitais  lie  m’a  donne  de  si 
inleressants  details  sur  son  comple,  qu’il  est  rare  d’en  obtenir 
de  pareils.  Ce  malade  6tait  affeclS  d’une  n6vralgie  de  la  cin- 
quieme  paire  :  apriis  une  vive  emotion  morale,  il  lui  viut  un 
jour  un  nouvel  acces  qui  bientbt  se  transforma  en  un  6tat  de 
violenle  anxi6t6.  A  partir  de  ce  moment,  les  acces  nfivialgiques 
prirent  un  caractere  paiTiculier.  Apres  avoir  dur6  un  certain 


(1)  Une  femme  de  quarante  ans  a,  depuis  plusieurs  anndes.  une 
nevralgie  du  c6te  droit  de  la  premidre  branche  de  la  cinquieme  paire 
et  du  nerf  occipital,  qui  semble  Stre  survenue  pour  la  premiere  fois  a  la 
suite  d’un  erysipele.  Depuis  deux  ans  de  nouveaux  phenomenes  se  sont 
produits.  Les  douleurs  commenceiit  dans  le  fond  de  I’orbite  et  il  s’dtend 
alors  corame  un  voile  sur  toute  la  tete.  Si  la  malade  ferme  les  yeux 
pendant  I’acces  de  douleur,  clle  voit  alors  toutes  les  figures  les  plus 
absurdes  que  Ton  puisse  imagines,  et  elle  a  aussi  des  idees  insensfies. 
Elle  voit  despersonnes  passer  en  voiture  ou  en  couraiit;  elle  voit  aussi 
des  jardins  ou  toutes  autres  choses  auxquelles  elle  ne  songe  jamais  autre- 
ment.  De  temps  en  temps  aussi  elle  apercoit  des  objets  eflrayants, 
comme  des  squelettes ;  quelquefois  elle  eprouve  la  sensation  d’une  chute, 
ou  bipn  une  sorte  d’angoisse,  comme  si  on  voulait  lui  faire  quelque 
chose,  ou  si  elle  avail  elle-meme  fait  quelque  chose  de  mal.  —  Dans 
un  autre  cas  observd  a  la  Charite,  il  survint  chez  une  jeune  fdle  de 
dix-huit  ans  des  accAs  rApetds  de  trouble  menial ,  de  profonde  alteration 
du  caractere  et  d’excitation  gdnitale,  qui  common?aient  cheque  fois  avec 
une  ndvralgie  sus-orbitaire  gauche.  Les  acc6s  de  trouble  mental  duraient 
ANNAL.  MflD.-PSVCtt,  A'  serie,  t.  IX.  Mars  1867.  2.  11 


210  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
temps,  la  doulcur  disparnissail  et  il  siirvcuait  mcme  un  senti¬ 
ment  de  bien-elre  ;  puis  arrivaient  des  sensations  anxieuses,  qui 
s’accompagnaient  chez  ce  inalade  d’une  sorte  d’illusion  qui  lui 
faisait  croire  que  I’espace  lui  manquait,  que  tout  autour  de 
lui  devenait  plusetroit,  etque  les  objels  convergeaient  tous  vers 
lui  :  il  lui  semblait  alors  que  les  murailles  se  rapprochaient  et 
que  les  plafonds  s’abaissaient ;  etait-il  dans  la  rue,  il  lui  sera- 
blait  aussi  qu’il  entrait  dans  une  impasse  et  qu’il  devenait  le 
point  de  rencontre  d’une  grande  affluence  d’individus. 

L’anxidtfi  ddbute  lentement,  jusqu’h  ce  qu’enfm  une  sensa¬ 
tion  extfirieure,  ou  bien  une  |iens6e  qui  surgit,  produise  une 
vive  impression  ;  alors  I’etat  monte  progressiveraent  et  I’anxietd 
se  fixe  stir  un  but  determine.  Alors,  dit  le  malade,  se  d6ve- 
loppent  comme  en  cercle,  autour  de  ccs  pensfies  premieres,  des 
masses  d’idees  nouvelles  dans  toutes  les  directions ;  de  nora- 
breuses  pensees  accessoires  viennent  se  grouper  tout  autour 
avec  une  incroyable  rapidite;  il  sc  trouve  ainsi  obligd  de  discuter 
sur  chacune  d’elles  avec  des  etres  imaginaires ;  les  images  de 
personnes  connues  ou  amies  lui  apparaisseiit,  mais  tout  a  fait 
defigurees  et  avec  des  expressions  de  physionomie  hideuses  et 


de  dix  u  quinze  jours  et  its  etaient  suivis  d’une  periode  de  remission 
d’une  quinzaine  de  jours  a  Irois  semaines.  Lorsqu’a  la  suite  de  trois  ou 
quntre  acefes  de  ce  genre,  la  relation  evidente  avec  la  ndvralgie  I'ut 
parfaitement  dtablie,  on  donna,  dans  la  periode  d’amdlioralion,  de  la 
solution  de  Fowler,  et  tout  disparut.  —  Un  homme  de  quarante-cinq 
ans,  sans  disposition  heredltaire,  a  depuis  un  an  environ  une  sensation 
de  brdlure  entre  les  deux  cpaules.  Cette  sensation  cst  devenue  de  plus 
etl  plus  forte,  puis  11  s’dtablit  une  Irds-forte  nevralgie  dans  la  moitie 
droite  de  la  face,  principalement  dans  la  machoire  inferieure,  qui  dura 
pres  de  quatre  semaines.  En  mdme  temps,  on  a  observe  chez  ce  malade 
une  grande  volubilllo  dans  le  langage  ;  liuit  jours  apros,  survint  I’explo- 
sion  rapide  d’un  acces  de  manie-  avec  idees  de  grandeur.  Bientot  appa- 
rait  une  admission  durant  laquelle  le  malade  nous  raconte  que  pendant 
sa  ndvralgie  il  a  remarque  en  lui  une  excitation  psychique  incoercible  ; 
qu’il  lui  dtait  venu  I’idee  que  son  fils  devait  etre  tuc  et  que  lui-m6me 
devait  dtre  empoisonne  par  le  mddecin  :  I’excilation  maniaque  dtait  tou- 
jours  precedee  d’une  augmentation  de  la  sensation  de  brdlure  dans  la 
region  des  dpaules.  (Nole  de  I’auteur.) 


ET  LES  AFFECTIONS  NERVEDSES.  211 

grimacaiUcs,  elc.  Souvent  Sussi  survient  le  besoin  irresistible 
de  courir  devant  soi,  et  le  malade  ne  pent  plus  elre  mailre  de 
sa  personne.  On  est  force,  dit-il,  de  resler  fixe  devant  sa  pensee, 
avec  le  sentiment  p6nible  que  Ton  n’a  plus  la  force  de  lui  resis¬ 
ter  :  penser  le  contraire  devient  impossible.  Le  contenu  des  idees 
est  toujours  d’une  nature  sombre  et  efl’rayante  :  sa  propre 
culpabilile,  le  soup^on  centre  ceux  qui  nous  entourent,  le 
besoin  de  se  precipiter  d’un  lieu  eiev6  ou  de  sauter  a  bas 
d’une  toiture,  etc.,  telles  sent  les  idees  qni  nous  assaillent.  De 
temps  en  temps  un  notable  soulagement  et  un  veritable,  calme 
resultent  de  la  destruction  d’un  objet  quelconque  ;  il  semble 
que  par  cet  acle,  les  liens  qui  nous  oppressent  se  trouvent 
momentanement  rompus.  Ces  acces,  horriblement  penibles,  se 
terrainaieni  par  le  retour  de  la  faciliie  et  de  la  liberte  dans  la 
respiration.  La  cbloroformisation  est  le  moyen  qui  a  procure 
pendant  quelque  temps  le  plus  de  soulagement ;  mais  bienlfit 
les  bienfaits  do  cette  medication  se  sonl  epuises.  Apres  de  longs 
essais  infructueux  de  tous  genres,  j’ai  reussi  enfiu,  en  faisant 
renifler  une  solution  fortement  narcotique  par  la  narine  cor- 
respondante,  a  faire  disparaitre  la  uevralgie  et  avec  elle,  pen¬ 
dant  longteinps,  I’etal  d’angoisse ;  mais  malheureuseraent  elle 
n’a  pas  disparu  pour  toujours. 

Par  ces  exemples,  nous  apprenons  a  connaitre  des  fails  vrai- 
ment  remarquableSj  dans  lesquels  ralienation  se  trouve  dans  la 
connexion  la  plus  etroite  avec  une  uevralgie,  etats  que  Ton 
pent  appeler  dysthymia  nevralgica ;  mais  le  mecanisme  par 
lequel  s’diablit  cette  relation  n’est  pas  toujours  le  meme.  Dans 
le  dernier  cas,  le  trouble  mental  apparait  comnie  un  6tat  conse- 
culif,  comme  une  esp6ce  de  transformation  de  I’accfes  nevral- 
gique,  lequel  est  completement  passe,  de  meme  que  nous 
voyons  quelquefois  survenir  un  acc6s  de  trouble  mental  apre; 
la  termiuaison  d’un  acces  dpileplique.  Dans  le  premier  et 
peut-fitre  en  partie  dans  le  second  et  le  troisibme  exelnple, 
e’est  la  douleur  elle-raeme  qui  engendre  directement  le  trouble 


215  REr.ATIbNS  ilNTilE  LEfe  MALAOIES  MENTALEs 


mental.  Ce  rftjiillat  n’est  pas  produit  par  rinleiisite  de  la  doit- 
leiir ;  mais,  de  meme  cpi’iine  iievralgie  pent  faire  nallrc  des 
sensations  concomitantes  dans  d’autres  parties  du  corps,  de 
mfiine  elle  fait  snrgirici,  en  provoqiiant  I’irritalion  de  certaiiies 
parties  du  cerveau  qui  ne  sont  nullemeiit  alteintes  par  la  n6- 
vralgie  elle -meme,  des  conceptions  concomitantes  [\)  d’uue 
nature  maladive,  conceptions  qui,  par  leur  contenu,  ne  sont 
nulleraent  en  rapport  avee  la  donleur,  mais  qui,  provenant 
de  I’irritation  causec  par  elle  dans  certaines  parlies  du  cer¬ 
veau,  sc  meuvent  dans  unc  sphere  d’iddes  tout  a  fait  61oi- 
gnee. 

Dans  une  grande  quantity  de  maladies  nerveuses,  nous  avons 
sous  les  yeux  de  semblables  etats  dans  lesquels  de  iiombreuses 
sensations  coexistantes  oudes  raouvements  reflexes  et  concomi¬ 
tants  constituent  lea  principales  manifestations,  dans  des  parties 
du  systfime  nerveux  qui  n’6taient  nullement  le  sifige  de  I’irri- 
tation  primitive.  De  meme,  dans  les  maladies  mentales,  il  existe 
un  mficanisme  pathologique  que  Ton  pent  envisager  comme 
une  exageration  de  la  distraction  ou  comme  une  extension  suc¬ 
cessive  du  cercle  du  premier  ^branlement.  Des  regions  etran- 
geres  et  tout  a  fait  eloignees,  qui  a  I’fitat  normal  resteraient 
completement  intactes,  font  6cho  it  celles  qui  ont  6t6  primiti- 
vement  6branlees,  et  de  iiombreuses  conceptions  secondaires, 
ou  des  repercussions  d’id^es  sur  les  impulsions,  sont  provo- 
qufies,  tantot  par  d’autres  id6es,  tantot  par  de  simples  sensations. 
Ce  sont  lit  des  precedes  qui  sont  entierement  coiitraires  a  I’as- 
sociation  normale  des  id^es.  11  se  produit  alors,  dans  des  direc¬ 
tions  tout  a  fait  inusitdes  ,  de  nouvelles  associations  et  de 
nouvelles  combinaisons  d’iddes  extremement  singulieres  et 
inexplicables  &  I’Stat  normal.  C’est  ainsi  que,  dans  certains  dtats 


(1)  Cette  notion  des  idees  concamitanles,  ou  idfies  simultanees,  que 
j’introduis  ici  dans  la  physiologic  pathologique  du  cerveau,  peut  seule 
expliquer  une  foule  de  phfinomenes  incomprehensibles  dans  les  malaSies 
mentales,  (Note  tie  I’auieur.) 


FFECriONS  NERVEUSES. 


213 


d’irritalion  du  cerveau,  les  sensations  et  les  iddes  les  plus  dilT6- 
renles  peuvent  relentir  dans  le  champ  des  id6es  et  des  sensa¬ 
tions  sexuelles;  on  voit  alors  retenlir  dans  cette  direction 
des  dbranleinents  qui  a’auraient  jamais  pu  y  parvenir  &  I’etat 
de  sante  :  des  conceptions  qui  n’ont  pas  le  moindre  rapport 
avec  la  sphere  sexuellc  se  trouvent  ainsi  accompagnfies  de  sen¬ 
sations,  d’idees  on  d’cxciiations  sexuelles,  et  souvent  associfies 
avec  elles  de  la  facbn  la  plus  bizarre. 

]1  existe  une  foule  de  fails  tres-importants  quo  Ton  coinprend 
habituellement  sous  le  nom  A' hypochondrie  (mot  qui  dans  la 
pratique  est  souvent  pris  dans  les  sens  les  plus  differcnls  et  par 
lequel  on  dfisigne  frOqueinment  la  premiere  periode  des  affec¬ 
tions  mentales  les  plus  graves) ;  or,  ces  fails  reposent  IrOs- 
souvent  sur  un  processus  palhologique  analogue.  Des  sensa¬ 
tions  venues  de  I’intdrieur  du  corps,  qui,  dans  I’elat  normal, 
ii’arrivent  jamais  jusqu’au  centre  ou  s’dlaborent  nos  idOes  et  qui 
sont  entiOrement  soustraites  a  notre  conscience  (quoiqu.e  les 
nerfs  qui  les  apportent  paraissent  pOnOtrer  assez  profonddment 
dans  le  cerveau),  ces  impressions,  dis-je ,  provenant  de  la 
sphere  de  la  circulation,  de  la  digestion,  du  moiivemcnt  intesti¬ 
nal,  etc. ,  dcviennenl  en  quelque  sorte  vivantes  et  depassent 
alors  leurs  liraites  naturelles.  Elies  font  invasion  cl  penOtrent 
direciement,  soit  comrae  excitant,  soit  comme  materiel  d’dlabo- 
ration,  dans  le  cercle  habituel  des  iddes,  et  deviennent  ainsi  la 
source  de  conceptions  et  d’images  interieures  conipletement 
incomprdhensibles  pour  ceux  qui  sont  dans  I’etat  de  santd.  Cette 
intrusion  tout  a  fail  insolite  et  immddiale  des  functions  infd- 
rieures  au  milieu  du  for  intdrieur  de  ces  malades,  produit  chez 
eux  une  sensation  toute  particuliere  quileurparait  comme  dtran- 
gere  a  eux-memes,  et  plusieurs  d’entre  eux  parlentde  lour  corps 
d’une  maniere  vraiment  singuliere,  comme  d’une  puissance 
dtrangere  et  distincte  avec  laquelle  ils  auraient  affaire.  Les 
obstacles  qui  s'opposent,  a  I’dtat  normal,  a  la  transmission  de 
ces  sensations,  sont-ils  ddtruits  par  I’effct  de  la  maladie,  obsta^ 


214  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES 
cles  qui,  dans  I’etat  cle  sant6,  couvrent  d’un  voile  noir  et  impd- 
nelrable,  pour  nos  operations  iutellecluelles  et  conscientes,  tons 
les  phfinomenes  qui  se  passeiit,  par  exemple,  dans  la  sphere  de 
nos  fonctions  digestives  ?  On  bien  ces  sensations  soat-elles  d'une 
origine  cerebrale,  et  avons-nous  encore  affaire,  dans  ces  cas,  a 
de  nouveaux  exeinples  d’une  sorted’awm  centrale,  n’aboiitissant 
pas  jusqu’a  I’explosion,  et  qui  provoque  des  series  anonnales 
de  conceptions?  Ce  sonl  la  des  questions  auxquclles  de  nou- 
velles  rechcrches  pourront  seules  permettre  de  r^pondre. 

Dans  les  pages  qui  precedent,  j’ai  nioiUr6  par  des  exeinples 
comment  les  maladies  mentales  peuveut  se  trouver  liees,  de  la 
maniere  la  plus  intime,  avec  des  sensations  maladives,  et  com¬ 
ment  ces  dernibres  peuvent  devenir  la  base  etla  veritable  ori¬ 
gine  des  precfidentes.  Mais  la  psycbiatrie  a  egalement  beau- 
coup  a  s’occuper  des  maladies  nerveuses  qui  produisent  des 
troubles  profonds  de  la  moiilite,  a  c6t6  des  anomalies  psychiques. 
A  ces  6tats  appartiennent,  par  exemple,  les  formes  dites  joara- 
lytiques,  ainsi  que  la  chjsthymia  ou  dementia  tabetica  {tabes 
dorsalis),  etat  dans  lequel  une  degenerescence  grise  des  cordons 
posterieurs  de  la  moelle  fipinibre,  accompagnee  quelqiiefois 
d’acces  epileptiformes  (que  d’apres  les  experiences  de  Brown- 
Sequard  je  crois  pouvoir  considdrer  coinme  d’origine  spinale), 
coincident  avec  des  troubles  trbs-graves  de  la  sensibiiit6  mo¬ 
rale  et  de  I’intelligence ;  mais  je  ue  puis  aujourd'hui  entrer 
plus  avant  dans  I’exaraen  de  ces  questions. 

Plus  nous  arriverous  a  bien  connaitre  les  symptomes  de 
I’ordre  sensitif  et  moteur  dans  les  maladies  appelees  mentales, 
plus  nous  sortirons  enfin  de  ces  divisions  purement  psycho¬ 
logic)  ues  des  formes  cle  ces  affections  qui  donnent  aujour- 
d’hui,  meme  aux  inities,  de  moius  en  moins  de  satisfaction. 
Nous  arriverous  alors  a  la  decouverte  de  nouvelles  formes, 
cre6es  ii  un  point  de  vue  sp6cialement  nfivropatbiquc  et  bashes 
sur  I’ensemble  des  lesions  caracteristiques  du  inccanismc  psy- 
cbique  sensitif  et  moteur,  veritables  especes  morbides  de  la 


ET  LES  AFFECTIONS  NERVEU3ES.  215 

psychiatrie,  auxquelles  les  malades  enfermfis  dans  les  asiles 
d’alifinfis  fourniront  sans  doiite  un  contingent  considerable, 
mais  non  la  totalile  de  leurs  elements.  Si,  de  pins,  nous  ajou- 
tons  a  ces  donnees,  coinme  nous  I’avons  dejh  indique  an  com¬ 
mencement  de  ce  discours  el  dans  un  travail  precedent  (1),  les 
differences  tlrees  du  point  de  vue  pathogenique,  nous  parvien- 
drons  alors  it  donner  a  ces  formes  nouvelles  un  fondement  plus 
etendu  et  plus  solide  encore.  Les  troubles  psychiques  ne  doivent 
en  aucune  raanibre,  dans  cette  appreciation,  elre  places  au 
second  plan.  J'avoue  mSine  tres-volontiers  qu’ils  restent  tou- 
jours  ct  mes  yeux  les  plus  int6ressants  de  tons;  mais  je  crois  que 
ces  troubles  eux-memes  devront  6tre  dorenavant  etudies  d’une 
maniere  dilierente  et  plus  concrete  que  par  le  passe,  plulot  dans 
leurs  pbenomeuesi6iementaires  (tels  que  I’anxiete,  la  disposition 
it  la  col6re,  I’absence  de  volonte ,  la  succession  rapide  des 
idees,  la  fixite  rigide  de  certaines  series  de  conceptions,  I’in- 
coherence  des  pensees  et  du  langage,  etc.,  etc.)  que  dans  les 
etats  complexes  deja  coordonnes  et  denommes ,  tels  que  la 
manic,  la  melancolie,  etc.  C’est  dans  I’etude  combinee  de  ces 
troubles  psychiques  eiementaires  et  des  anomalies  sensitives  et 
inotrices  que  j’entrevois  les  progres  les  plus  considerables  it 
accomplir  dans  notre  science  speciale.  Ge  n’est  pas  une  simpli¬ 
fication  des  formes,  mais  une  etude  ponssee  plus  loin  dans  le 
detail,  conduisant  it  la  decouverte  de  formes  nevropathiques, 
qui  nous  rapprochera  do  but  que  la  pratique,  c’est-it-dire  le 
cl  a  c  t  la  iherapeulique,  exige  suriout  aujourd’hui. 

Vous  voyez  done,  messieurs,  qu’il  nous  reste  beaucoup  it 
faire  en  psychiatrie.  Abandonnez-vouscompieteraent,  messieurs, 
dans  les  heures  que  vous  passerez  ici,  a  la  direction  des  fails. 
Recherchons  avec  attention  ce  qui  cxiste  reellement  dans  la 
nature;  ne  songeons  pas,  des  a  prdsent,  h  loutes  les  applica¬ 
tions  possibles  :  elles  vous  arriveront  d’elles-memes  lorsque 


(1)  Voy.  Annates  medico-psychologiquos,  numero  de  janvier  1865. 


216  RELATIONS  ENTRE  LES  MALADIES  MENTALES,  ETC. 
vous  aurez  d’abord  convenablement  observe.  Caspci-,  dans  son 
Traile  de  medecine  legale,  a  rejetfi  la  nianie  transitoirc  parce 
qu’on  en  avail  fait  un  deplorable  abus.  Parmi  les  mddecins  anglais, 
on  entend  aujourd’hui  des  voix  s’filever  dnergiquement  contre 
la  folie  morale  {moral  insanity],  que  I’un  de  leurs  compalrioles 
a  pourtant  6tablie  conforniement  a  la  nature  et  au  profit  de 
la  science.  Cesont  lii,  messieurs,  selon  moi,  de  verilables  devia¬ 
tions  de  la  droite  voie,  qui  ne  peuvent  etre  6vit6es  que  par  une 
6tude  complete,  conforme  a  I’experience  et  sans  pr6juges  de 
tous  les  fails  soumis  &  notre  observation. 

Vous  trouverez  id,  messieurs,  les  bases  des  connaissances 
iiombreuses  qui  sont  indispensables  pour  arriver  a  la  solution 
de  ces  questions  difficiles.  Par  robservalion  des  malades  que 
vous  verrez  dans  cette  clinique,  vous  pouji’cz  dfija  acqu6rir 
comme  un  petit  tr^sor  d’experience  personnelle,  auquel  vous 
ajouterez  plus  tard  vos  observations  et  vos  reflexions  ult6rieures. 
Que  le  principe  du  point  de  vue  nevropaihique  vous  serve  do 
guide,  messieurs,  pour  vous  diriger  dans  ce  nouveau  domaine, 
el  de  fil  conducteur  pour  p6n6trer  dans  la  plus  grande  partiede 
ce  labyrinthe.  Chaque  pas  en  avant  accompli  par  la  pathologic 
cer6brale  et  nerveuse  fait  figalement  progresser  la  psychiatric, 
et  chacun  d’eux  la  rapproche  de  plus  en  plus  de  la  m6decine 
gen6rale,  en  la  faisant  apparaitre  comme  une  simple  partie  dans 
ce  grand  ensemble ! 


SYMPTOMATOLOGIE  DE  LA  FOLIE. 


DU  POIDS  DU  CORPS  CHEZ  LES  ALlfiNfiS  , 

Par  MiM.  Ics  doclours  CiiSARE  LoMBiioso,  cliarje  do  la  cliniquo  des  maladies  menlalcs 

a  I’Univorsilc  do  Pavie,  cl  A.  Laurent,  mcdocin  eii  clicf  do  I'asilc  do  Marseille. 

En  pendant  compte  d’un  m^moire  de  M.  le  docteur  Cesare 
Lombroso :  La  medicina  legale  delle  alienazione  mentali  stu- 
diata  col  inetodo  experimentale  {Anndles  mcdico-psycholo- 
giques,  1S66,  t.  XXXIV.  p.  309),  j’ai  resumd  les  riSsuUal.s 
obtenus  par  ce  pralicien  an  sujet  du  poids  des  ali6nes.  Dans  une 
note  qu’il  m’a  adressee  dernibrement  par  I’intermfidiaire  de 
M.  le  docteur  Brierre  de  Boismont,  ce  savant  confrere  insisto 
sur  I’importance  m6dico-16gale  de  ce  point  de  symptoinatologic 
pbysique;  Mais  avant  de  transcrire  ce  document  clinique,  je 
crois  qu’il  coivfiehl  de  le  faire  pr(5c6der  de  quelques  reflexions 
historiques.  Elies  me  sonl  d’ailleurs  fournies  en  grande  partie 
par  M.  Lombroso  lui-meme  [Risposta  all'  autore  dell’’  esame 
critica,  1865,  p.  ‘iO). 

En  France  on  ue  s’est  pas  occupe  de  la  recherche  du  poids 
du  corps  chez  les  abends.  Depuis  Esquirol,  on  rdpete  que  quand 
la  folie  tend  aia  ddmence,  I’individu  presente  pour  caractere  de 
manger  davantage  et  de  prendre  un  certain  embonpoint ;  en  mgine 
temps  ses  idees  ddlirantes  n’dprouvent  que  de  Idgeres  ameliora¬ 
tions. 

En  Allemagne  on  a  pousse  plus  loin  I’etude  du  syinptome 
physique  qui  m’occupe  en  ce  moment.  Schulz  et  Erlenmayer 
out  prouvd  par  des  pesdes  pdriodiques  hebdomadaires  et  men- 
suelles  que  I’augmentation  du  poids  du  corps  est  en  raison  de 
I’amdlioration  de  I’affeclion  inentale.  Albers  a  trouvd  que  sous 
1’ influence  des  opiacds,  I’alidnd  en  gudrissant  augraentait  d’une 
deini-livre  a  une  livre  et  deime  par  jour,  et  qu’il  n’dtait  pasvrai 


218  SYMPTOMATOLOGIE  DE  LA  FOLIE. 

qiie  raugmentation  cle  poicls  coinciclat  avec  I’invasion  cle  la 

dfinience. 

Nasse,  avec  des  experiences  continuees  pendant  cinq  ans  sur 
500  nialades,  dont  78  gueiis,  a  pu  prouver  que  sur  un  quart 
des  cas  raugmenlatioii  de  poids  des  gueris  etait  de  10  livres,  et 
que,  dans  un  grand  noinbre  de  cas,  elle  s’etait  eievee  jusqu’ii 
20  el  22  livres. 

Dans  22  cas  (dont  7  femmes),  raugmentation  dtait  dans  la  proportion 
de  10  pour  100,  relativcrnent  au  poids  du  corps. 

—  27  —  13  femmes,  cetle  augmentation  allait  de  11  a  22. 

—  17  —  10  —  —  —  de  21  a  30. 

—  7  —  4  —  —  —  de  31  a  40. 

—  3—  2—  —  —  de41a  108. 

Les  femmes  en  gudrisant  augmenlfereiit  en  general  de  21,6  el 
les  homines  de  15,8. 

Trois  hornmes  en  moins  d’un  mois  gagnerent  de  1 9  a  22  livres ; 
et  trois  femmes  de  19  a  26  livres ;  parmi  les  individus  ameliores, 
un  en  un  mois  augmenia  de  20  livres.  1 

La  plus  grande  augmenlatiou  fut  de  trois  quarts  de  livre  pat- 
jour. 

Les  individus  cliez  lesquels  raugmentation  fut  petite  (de 
10  livres),  surtout  si  cette  augmentation  survint  trop  soudai- 
nement,  rScidiverent  presque  tous;  ceux  qui,  en  s  amelioranl. 
surpasserent  les  10  livres,  rficidiverent  moins  fr^quemmenl  et 
plus  tard. 

Ceux  qui  n’augmenlerent  pas  de  poids,  Ctaient  dejii  rdcidives 
d’aulres  fois  et  etaient  atteints  d’autres  maladies  c6rebrales. 

Differents  maniaques  dans  la  pdriode  furieusp  perdircnt 
dO  a  32  livres  en  pen  de  jours. 

En  outre,  sur  500  individus  dont  les  deux  tiers  dfimenls,  it 
peine  12  dements  offrirenl-ils  uiie  augmentation  de  poids  du 
corps,  et  cette  augmentation  etait  arriv66  avec  une  ires'-grande 
lenteur,  tandis  que  chez  les  maniaques  gudris  elle  etait  presque 


SYMPTOMATOLOGIE  DE  LA  FOLIE.  i219 

Enlin,  Erlenm<iyer  a  iiotd  que  le  poids  augnipnlail  dans  la 
premiere  periode  de  la  paralysie  generale  et  diminuait  dans  la 
seen  tide. 

Ces  donnees  out  fividemnient  uue  certaine  imporlance  dans 
I’etude  Clinique  de  la  folie. 

Void  maintenantla  note  queM.  le  docleur  Lombroso  a  r6di- 
gee  en  fraiifais,  note  qni  confirme  les  rfisultats  precedents  obte- 
nus  par  les  mdlecins  allemands. 

«  En  alienation  mentale,  on  use  depuis  assez  longtemps 
du  nonibre  pour  savoir  dans  quelle  proportion  tombent  alie- 
nfo  les  homines  et  les  femmes,  les  riches  el  les  pauvres,  les 
jeuncs  et  les  vieux,  les  ce.libalaires  et  les  mari6s,  raais  bien 
pen  de  fois  on  a  su  se  servir  do  ce  pr6cieux  instrument  de  la 
science  pour  penetrer  dans  le'^  pbenomenes  plus  inlimes  de 
la  folie.  e’est  peut-6tre  pour  cela  que  la  psycbialrie  n’a  pas 
fait  des  progres  auspi  rapides  que  la  clinique  des  maladies  de 
poitrine,  etc. 

En  pb6nomfine,  par  cxemple,  qui  inontre  rimportance  et 
I’ulilile  du  nombre  dans  I’etude  des  maladies  mentales,  e’est 
rauginentalioM  du  poids  du  corps  dans  la  giierison. 

1)  Combicn  de  fois,  sans  cette  lienreuse  coincidence,  ne  s’ex- 
pose-l-ou  pas  a  do  graves  dficeptions,  lorsqu’on  vent  recon- 
nailre  la  guerison  par  la  seule  observation  des  pbenomenes  qui 
peuvent  elre  dissimules  par  les  maniaques  raisonnants  ou  inter- 
mi  Itents. 

i>  IV’est-il  pas  bien  plus  rassurant  de  pouvoir  s’appuyer  sur 
tin  pbenomene  physique  aussi  facile  li  vfiriQer  que  raugmenta- 
lion  du  poids? 

»  Or,  cette  augmentation  pent  etre  donn6e  comme  certaine 
a|)res  la  gufirisoii ;  en  voici  des  cxemplcs  : 


220 


SY.MPTOMAror.OGlE  DE  LA  I'OLIE. 


M.  M.,  maniaque,  pesail  au , 


R. 
L.  V., 
L.  V., 


C.  C., 
B.  V., 
C., 
B., 
R., 


melaticoliquc. 


son  entree  40,300 

—  42.000 

—  34,500 

—  32,500 

—  54,000 

—  42,500 

—  50,200 
33,500 

—  32,000 

—  35,100 


Gueric  kil. 
en  3  mois  48,200 
6  —  55,900 
2  —  43,700 

2  —  35,000 
8  —  64,200 

3  —  48,200 

2  —  54,000 

3  —  35,200 
8  —  40,000 
8  —  43,700 


C.,  maniaque,  pesait  aujour  de'Von 


R'.’ 

yi, 


A. ,  melancolique, 

B. ,  — 

M.,  — 

F..  — 


kil.  Gudri  kil. 
entree  53,200  en  5  mois  58,200 


—  41,500  2  —  45,900 

—  59,900  6  —  68,000 

—  67,000  7  —  72,800 

—  54,200  3  —  58,400 

—  52,900  5  —  68,000 

—  54,000  8  —  64,000 

—  41,000  4  —  45,000 

—  40,000  6  —  48,000 

—  48,000  6  —  64,500 

—  41,800  8  —  44,500 


»  L’augmentation  maximum  de  poids  a(5t(5  de  10  it  12  kilogr. 
chez  les  femmes,  et  de  4  it  24  cliez  les  horarae.s.  Aucun  d’eux 
ii’a  encore  rficidive.  Au  contraire,  ceux  qui  paraissaient  gueris 
quant  aux  manifestations  psychiques,  mais  qui  n’ont  pas  offert 
de  variations  dans  le  poids,  ont  recidive  tout  de  suite  ou  quel- 
ques  mois  apres  : 

»  M.. . ,  pellagreuse,  pesait  52  kilogr.  it  son  entree,  lors  de  son 
appareute  gu6risou  le  poids  ne  depassait  pas  5a  kilogr.  Elle  a 
r6cidiv6  peu  de  temps  apres  sa  sortie. 

»  L...,  femme  maniaque,  pesait  38"“, 200  it  son  entree; 
lors  de  son  apparente  gudrison,  39"“, 800  seulcment,  elle  a 
rdcidive. 


SVMPTOjtATbLOGtE  Ae  LA  i^OLIE.  221 

»  M...,  maiiiaque,  pesait  59''",90()  ason  entree;  am(5liore,  il 
pesait  61'‘",300  :  il  a  recidive. 

»  Celle  augmeiUalion  extraordinaire  du  poids  des  gufiris  ne 
pent  s’expliquer  que  par  raugmentatioii  des  forces  assimila- 
trices,  car  chez  beaucoup  d’enlre  eux,  la  quanlitd  d’alimeiils 
ingerfis  a  la  meine  dans  les  premiers  jours  du  mal  et  dans 
les  derniers. 

.1  J’ai  lentd  de  voir  si  le  poids  pouvaitelre  de  quelquesecours 
pour  distinguer  les  formes  de  I’alienation,  mais  le  nombre  de 
mes  malades  esl  encore  Imp  petit  pour  pouvoirsuffire  a  fixer  des 
lois  certaines.  Senlement,  grace  a  I’obligeance  de  M.  le  cheva¬ 
lier  Castiglioni,  j’ai  pu  peser  dO  dements  de  la  Senavra.  Cn 
ajoiiiant  ces  nouveaux  resullats  h  ceux  que  j’avais  obtenus  par 
I’examen  des  malades  de  raon  service,  je  me  suis  assure  que  la 
deiiience  diininue  le  poids  du  corps  plus  que  toutes  les  aulres 
formes  d’alienalion  iiientale. 


3  maniaques  hommes,  de  la  laille  de 

8  —  femmes  — 

5  melancol.  hommes  — 

1  —  femmes  — 

7  monoman.  hommes  — 

9  —  femmes  — 

4  pellagreux  hommes  — 

G  —  femmes  — 

5  demences  epilept.  hommes,  taille 

6  —  —  femmes  — 

i  —  paralyt.  hommes  — 

3  —  —  femmes  — 

8  —  ohroniq.  hommes  — 


1,66  pesaient  59,440 


1,60 


42,401 


1,65 

52,740 

1,54 

— 

45,163 

1,64 

— 

56,356 

1,51 

43,922 

1,60 

50,353 

1,52 

44,815 

1,65 

53,200 

1,55 

— 

54,450 

1,62 

_ 

51,225 

1,49 

— 

47,520 

1 ,65 

51,817 

1,58 

47,607 

1,45 

42,310 

1,42 

“ 

40,401 

»  On  a  done  observe  le  minimum  du  poids  absolu  du  corps 
dans  le  cretinisme,  dans  la  pellagre,  dans  la  melancolie  et  dans 
la  di5mcnce  ebronique. 

»  Le  minimum  du  poids  du  corps,  mis  en  rapport  avec  la 
taille  (comtne  le  vent  la  physiologic),  a  die  observe  dans  la 


222  SYMPTOMATOr.OftTE  DE  EA  EOEIE. 

(lemence  chroniqne,  pnis  dans  la  ni6Iancolie,  dans  la  pellagre. 
Vicnnent  ensuile  les  inonoinaniaques,  les  paralytiques,  les  ina- 
iiiaques,  les  epiiepliques  el  les  cretins. 

i>  La  (lenience  pr^seiUe  loujours  line  diminution  du  poids  du 
corps;  cela  pent  .‘(’entendre  aussi  de  la  demence  congiinitale 
qu’on  d(5signe  sous  le  nom  de  creiinisme,  qui  lie  se  IrOLive  cn 
premiere  ligne  dans  le  poids  rapporK*  a  la  taille,  que  jiarce  qii’il 
se  Ironve  en  derniere  ligne  dans  la  mfime  laille  qni  est  vrai- 
ment  patliologique  chez  ces  eires  mallieureux. 

»  Pavie,  20  dOcembre  ISOti .  » 

On  ne  pent  s’emp0cher  de  recoiinaitre  que  les  conclusions 
auxquclles  sont  arrives  Schulz,  Erlenmayer,  Albers,  Nassc  ct  le 
docleur  I.ombroso  ne  soienl  tres-inleressantes  et  ne  pri'senlent 
line  certainc  uiililA  clinique.  11  ii’cst  aucun  spdciaiisic  qui 
n’ait  remarque  (jue  chez  les  convalescents  le  corps  prenait  plus 
d’emhonpoint,  que  les  acces  maniaques  et  m0lancoliques  ame- 
naicntde  ramaigrissemciil.  Mais  nousn’avionsbion  ccrlaincment 
qn’iin  controle  approximatif  taut  quo,  pour  I’habitus  general  et 
la  physionomie,  nous  nous  en  rap|)ortionS  seulemcnl  ii  noire 
simple  coup  d’ccil  el  que  nous  ne  nous  aidions  pas  d’un  moyen 
plus  precis.  J’ai  dfijii  signahi  couibien  la  pliolograpliie  rendrait 
de  services  au  point  de  vue  clinique  (1).  La  recherche  pre¬ 
cise  du  poids  du  corps  ii’esl  pas  d’une  utilitfi  moitis  grande, 
puisquela  quantile  doiit  s’accroit  I’agrfigat  materiel  permet  do 
juger  d’avance  si  une  convalescence  est  plus  on  moins  franche, 
et  quel  degr6  de  coiifiance  on  doit  accorder  ii  la  disparitioii  du 
trouble  mental.  Cette  meme  persistance  du  poids  ou  sa  diminu¬ 
tion  nous  met  encore  sur  la  voie  d’une  Iransformalion ;  elle 
pent  nous  indiquer  qu’il  s'opere  quelquc  lesion  raal(5ricIlo 
plus  ou  moins  localisee,  nous  averlir  qn’une  diathesc  lend  ii 

(1)  De  la  physionomie  chez  les  oiienes  {Annales  mddico-psychologiqucs, 
1863). 


SYMPTOMATOLOGIE  DE  LA  FOEIE.  223 

d(5g6ii6rer  el  que  nous  devons  nous  attendre  a  quelque  pheno- 
in6ne  cacheclique. 

Mais  quelle  peut  etre  riinportance  du  poids  du  corps  en  ine- 
deciiie  legale? 

Telle  cst  la  quesiion  que  Ton  peut  se  |)oser  apres  avoir  hi  les 
details  pr6cwleiiLs  el  a  laquellc  jc  vais  repoiidre  pour  ler- 
miner. 

lillanl  etabli  d’une  maniere  positive  quo  Talifine  en  etat  do 
convalescence  augmenle  reelleinent  de  poids,  on  peut  se  servir 
de  ce  fail  avec  fruit  surlout  quand  Texpertise  inddico-legale  doil 
avoir  une  certaine  duree.  On  coiifoilqu’il  sera  possible  dans  nu 
laps  de  temps  considerable  d’observer  cerlaines  modifications 
corporelles  qui  iie  seront  pas  sans  utilil6  pour  juger  des  relations 
r6ciproques  du  physique  et  du  moral.  Ce  mode  de  coiUrole  perd 
de  sa  valeur  quand  il  faut  au  conlraire  apporter  un  jugenient 
aussi  prompt  que  possible,  et  que  le  delai  accordea  rexamen  du 
medecin  expert  est  tres-court.  Aussi  les  cas  les  plus  frequents 
oil  la  recherche  du  poids  du  corps  puisse  s’oCTrir  en  inedecine 
legale  nous  paraissent  etre  ceux  oCi  Ton  sonpcoiinc  la  simulation 
dela  folie.  he  dclire  ne  saurait  disparailre  sans  une  auamciita- 
tion  corporellc.  Si  les  experts  ont  cu  soiii  do  peser  Tindividu 
soupconne  aussitot  qu’il  a  6t6  soumisa  leur  examcn,  si  cot  iiidi- 
vidu  au  bout  d’un  certain  temps  delire  de  inoiiis  en  moiiis  et 
va  raieux  sous  le  rapport  menial,  on  devra  reelleinent  irouver 
iin  accroissement  do  poids  proportionnel.  La  non-augmentation 
de  poids  accroitra  les  soupcons  relatifs  a  la  simulation. 

U’un  autre  cote,  un  poids  considerable  cn  rapport  avec  la 
stature  peut  faire  soupconner  des  la  premiere  visite,  et  meine 
sur-le-champ,  qii’oa  n’a  pas  affaire  a  un  alieiiA  Cest  ainsi  que 
M.  Lainbroso  a  pu  reconnaitre  immediatcmeut  la  simulation 
chez  un  galfirien  d’une  hauteur  de  et  pesant  80  kilo¬ 

grammes.  Il  siraulait  la  inanie  avec  rautisme. 

,J’ai  cite  ailleurs  (1)  Topinion  qu'avait  Sinisc  Louyer-Viller- 

(1)  A’tttde  mddico-legale  sur  la  simulalio/i  de  la  folie,  p.  130. 


22/|  SYMt>rOMAtOLO&Iii  t>E  I.A  FOLIti. 

may,  dans  I’allaire  Cornier.  Ce  inedeciii  ne  pense  pas  que  les 
deipnus  sous  le  poid.s  d’une  accusation  capitale  puissent  acqufirir 
do  I’embonpoinr.  Cette  maniere  de  voir  s’explique  tres-bien  par 
des  pbeiioraenes  physiologiques.  Les  rfisultats  nuraeriques  des 
praticiens  allemauds  dejJi  nomines  et  du  professeur  de  Pavie  ne 
liii  donnent  que  plus  de  valeur. 

L’amaigrissement  maniaque  el  melancolique  ne  doit  durer 
qu’un  certain  temps,  ou  bien  on  doit  trouver  la  concomitance 
de  phdnomenes  morbides  plus  ou  moins  graves. 

Dans  les  formes  d’ excitation  maniaque  qu’on  a  design6es  sous 
le  nom  de  manies  raisonnantes,  on  doit  renconlrer  une  periodi- 
cile  assez  marquee  dans  les  chilTres  de  croissance  et  de  dficrois- 
sance. 

Ces  considerations  suffisent,  je  n’en  doute  pas,  pour  apprfi- 
cier  quel  parti  on  pent  lirer  des  chiffres  fournis  par  le  poids  du 
corps  chez  les  alienes,  et  combien  notre  confrere  ilalien  a  eu  rai¬ 
son  de  faire  intervenir  la  balance  parmi  les  instruments  de  sym- 
ptomalologie  psychiatrique. 


U''  A.  Laurent. 


.Hedeciae  legale. 


DES  EXPERTISES  M£DIC0-LEGALES 

EN  MATIERE  D’ALIENATION  MENTALS 

Por  m.  miTXERIMAlEa  , 

Coiiseiller  prive,  profcsseur  a  I’Univcrsil^  dc  Heidelberg:,  elc. 

(Analyse  par  M.  le  dooteur  Dagonet)  (1), 


M.  le  pi’ofesseur  Mettermaier,  au  infirite  duquel  la  Soci^td 
medico-psycliologique  vlent  de  rendre  un  liomraage  si  legitime 
en  liii  dficernaiit  le  litre  de  meitibre  correspondaiit,  examine 
dans  line  troisieme  partic  de  son  remarqnable  travail  dilTerenics 
questions  de  la  plus  haute  importance;  telle  est,  par  exemple, 
la  iiecessitC  de  bien  pi  eciser  dans  les  affaires  de  medecine  Idgale, 
la  forme  raSme  de  I’aligiiation,  et  de  ne  pas  admettre  legere- 
ment  ties  csp6ces  qui  n’existent  pas  en  rfialitfi.  Nous  rdsumerons 
succinctement  les  intdressantes  considdralions  qu’il  develdppe 
sur  les  formes  particulieres  qui  peuvent  etre  un  objet  de  discus¬ 
sions  au  point  de  vuc  medico-legal. 

Quelqties  auteurs  modernes  proposent  de  rejeter  les  especes 
gdndraleraent  admises,  et  prdtendent  qu’on  ne  doit  plus,  en 
rdalitd,  parler  que  des  phases  diverses  que  prdsente  I’alienation. 

Casper,  dontles  ouvrages  sontjustement  estimds,  a  le  tort  de 
ne  pas  reconnaitre  comme  forme  distincle  la  manie  avec  fnietir 
(Tobsuchi),  qu’il  ddsigne  sous  le  nom  de  ddmence  furieuse.  II 
accepte  cette  malheureuse  expression  de  ddmence  (VFd/ms/nn), 
sous  laquelle,  par  une  imitation  regrettable  du  terme  fraiifais, 
le  Code  prussien  croit  pouvoir  compreudre  tous  les  genres  de 


(1)  Voy.  Annales  medico-psychologigues,  mars  1865,  mars  1866. 
annal.  Mda.-PSYCH,  4“  scrie,  t.  ii.  Mars  1867.  3.  ID 


226  DES  EXPERTISES  MfiUICO-LfiGALES 

folie;  la  melancolie  cl  la  fiii-eur  sont  coiisklerees  parliii  coniine 

faisaiit  partie  de  la  d^ineiice. 

La  inanie  doit  etre  regard6e  comme  une  forme  principale 
d’alidnalion,  elle  est  caracterisde  par  une  surexcilaiion  des  fa- 
culles  et  une  leiidance  particuliere  a  une  activile  desordonnee; 
lorsqu’elle  est  portde  ii  un  certain  degre,  la  voloiUe  perd  toule 
force  de  r6sistauce.  Elle  a  sa  source  dans  un  trouble  des  iiartics 
matrices  de  la  vie  inlellectuelle,  il  en  resulte  que  ce  sont  les  or- 
ganes  mo(eurs  qqi  sopt  particulierement  aHecles.  Son  exislence, 
est  altesli5e  par  les  recberches  des  auteurs  de  loutes  les  nations, 
des  ecrivains  alleinands,  francais,  anglais  et  italiens.  C’est  une 
des  formes  qui  se  prescntent  le  plus  frdqueminent ;  elle  est  la 
pQUsequenpe  des  capses  les  plus  cbverses,  morales  el  physiques, 
I’abps  dps  hqisspns  alcooliqucs,  I’dpilepsie,  etc. 

Une  des  particulariles  de  cette  affection  c’est  que,  si  elle 
delate  quelquefois  subiteinent,  par  exemple  it  la  suite  d’une  vio- 
lenie  spcQilsse  inorple,  il  arrive  plus  souvenl  aussi  qu’clie  se  de- 
yeloppe  lentement.  On  voit  alors,  a  cette  periode  de  debut,  le 
malade  devenu  plus  irritable  s’emporter  et  se  livrer  pour  les 
piqiptlres  motifs  a  des  actes  ridicules  et  a  des  propos  incobe- 
pents,  mais  il  est  encore  capable  dp  se  maitriser  jusqu’au  rno- 
niept  ou  i’affection  arrive  a  son  entier  developpement;  celui-ci 
est,  dans  quelques  circonstances,  le  fail  niSine  des  proc6des 
ipalpdroils  employes  ppr  les  perapnnes  qui  eniourent  I’alieite  et 
qui  ne  spvent  pas  apprecier  sa  facheuse  situation  (1). 

La  manie  prdsenle  quelques  particularity  dignes  d’etre  no- 
fips;  elle  peut  etre  la  iransitipn  d’une  forme  de  maladie  a  une 
autre,  elle  pent  se  combiner  ayec  d’autres  affections,  avec  la 
mdlancolie,  ayec  !’imbecillite  (2).  Ebe  se  raontre  quelquefois 
sous  une  forme  pepiodique  et  donne  |ieu  a  des  periodes  de 


(1)  Dagonet,  p.  253. 

(2)  Neumann,  Traits  de  psychologie,  p.  219.  —  ^im.  mdd.-psych.  de 
Baillarger,  1862,  t.  YIIl,  pi  10.  —  Girolami,  dans  son  ouvrage :  Sulla 
pasta,  p.  208. 


EN  M4TltepE  |>’A(-IEI^4T1QN  J!(ENTALE,  227 

calme  et  a  (les  iiitervalles  liicicles;  I’excitalion  inaiiiaque  ne  se 
manjfeste,  dans  qnelques  cas,  que  sons  rinlluence  de  causes  stir 
mulantes  (1 ).  La  fureur  iie  se  produit  d’une  maniere  constanle 
dans  aucun  cas. 

Elle  ne  se  trahit  souveiu  que  pai  I’incouvenance  des  gestes  et 
des  paroles,  on  bjen  par  uiie  aclivite  infaligable,  souvenL  par 
des  envies  de  briser,  de  detruire;  par  des  impulsions  violentes 
an  meurtre,  au  suicide.  11  est  inl6ressant  d’observer  les  dilI6- 
rentes  manieres  par  lesquelles  se  caracterise  la  manie  dans  les 
6lablisseineuts  d’alidnes. 

Lc  Ills  d’un  riche  banquier  d’Angleterre  pousse  d’affreux  cris 
dans  I’etablissement  ou  il  se  irouve;  pendant  les  moments  de 
calme  il  parait  tout  a  fait  bien  portant.  Comme  il  dfisire.vive- 
ment  reiitrer  pres  de  sa  mere,  on  lui  promet  de  le  faire  sortir 
s’il  veut  rester  vingt-quatre  heures  sans  proKrer  ses  cris.  Peine 
inutile,  il  continue  ses  vocifdrations  iuvoloutaires. 

Dans  une  autre  circoustauce,  un  homme  fort  distingue  se 
presente  dans  un  etablissement  d’alienfis  en  demandant  a  y  etre 
admis ;  il  etait  domine  par  I’envie  irresistible  de  tuer ;  il  aimait 
passionnemeut  sa  femme  et  la  veille  il  avait  voulu  I’assassiner, 
et  rien  ne  trahissait  le  derangement  de  ses  facultes  dans  sa 
conversation. 

Une  autre  personne,  tres-bonne,  tres-religieuse,  est  egale- 
ment  pourauivie  par  des  impulsions  homicides,  qu’elle  cherche 
sans  eesse  a  mettre  a  execution.  Elle  declare  qu’elle  salt  parfai- 
tement  qu’elle  commet  une  mauvaise  action  et  qu’elle  merite 
d’etre  punie. 

Il  est  certain  qu’it  cette  piiriode  de  lent  ddveloppement,  !ors- 
que  rjmpnlsion  n’est  pas  dcvenue  prMominante,  il  est  impos¬ 
sible  d’appr6cier  cette  lutte  inlerieure  du  malade,  sense  en  appa- 
rence,  et  qui  possMe  encore  I’empire  de  lui-meme. 

Les  Jiallncinations  et  snrtout  les  illusions,  qui  se  presentent 

(1)  Dagonet,  p.  251.  —  Piclijor,  is/triuc/q  p.  lifft. 


228  DES  EXtERTlSES  MfeDtCO-ttGALES 

souvent  dans  la  inanie,  exercent  particuligrement  une  influence 
dangereuse  siir  la  vie  morale  (1).  II  est  aussi  d’un  haul  intfiret 
d’dtudier  ce  qui  a  el6  ecrit  sur  les  impulsions  maladives,  el  ce 
que  Ton  a  dfeigne  sous  le  nom  de  manie  sans  dfilire  (2). 

Les  impulsions  maladives  peuvent  se  rencoutrer  dans  quel- 
ques  situations  qui  ne  se  rattachent  pas  directeraent  a  la  folie; 
ch'ez  les  individus,  par  exemple,  qui  ont  pris  des  habitudes 
d’immoralitd,  qui  ont,  par  suite,  perdu  toute  force  morale  el 
tout  ascendant  sur  eux-memes;  cliez  ceux  qui  ne  s’elTorcent 
pas  de  domiuer  uiie  affection  qui  prend  sur  eux-mSmes  un  em¬ 
pire  de  plus  en  plus  grand,  h  tel  point  que  les  plus  legeres  exci¬ 
tations  les  portent  it  des  acles  crimioels.  On  retrouve  encore 
ces  impulsions  dans  des  acces  de  fievre,  ii  la  suite  d’attaques 
d’dpilepsie,  etc.  (3). 

C’est  h  tort  que  I'on  considere,  suivant  ftl.  Mittermaier,  la 
manie  sans  delire  comme  constituant  une  forme  particulifere 
d’alidnation  (d);  I’adraission  d’une  semblable  forme  est  une 
cause  d’erreur  et  de  confusion  au  point  de  vue  Judiciaire.  11 
rdsulte  toutefois  du  tdmoignage  des  mddecins  d’dtablissements 
d’alidnds  que  Ton  doit  fitre  ^  cet  dgard  tres-circonspect,  et  qu’il 


(1)  Brierre  de  Boismont,  Hallucinations,  p.  116  a  128,  oil  se  trouvent 
indiqufis  des  fails  retnarquables. 

p2)  Voy.  Carmichael,  Mac  Intosch  in  Winslow  the  medical  critick 
and  psychol.  Journal,  1863,  p.  161,  art.  8  et  art.  10.  —  Girard  de 
Cailleux  {Eludes,  p.  77)  a  constate  a  Auxerre  des  impulsions  irrdsistibles 
cbez  cent  cinquante-quatre  rnalades. 

(3)  11  sera  question  plus  loin  de  ce  que  Ton  designe  sous  le  nom  de 
folie  iransiloire. 

(4;  Roller,  dans  son  Rapport  sur  la  reunion  des  naluralistes,  p.  24, 
Carlsruhe,  1858,  dit  que  la  manie  sans  ddlirea  4te  definie  avec  une  sub- 
tilite  qui  porte  en  elle-mSme  la  contradiction. 

Voyez  encore  Meier,  Disserl.  des  alienat.  ment.,  p.  42.  —  Miller- 
maier,  Golldammer's  Archiv,  I,  p.  292.  —  Sysleme  de  Friederich,  XIV, 
p.  924.  —  Guntner,  Vie  intellectuelle,  p.  113.  —  Wald,  Medec.  Ugale, 
VI,  p.  305.  —  Gasper,  Manuel,  II,  p.  486.  —  Schnitzer,  Responsabilitc 
morale,  p.  174.  —  Koesllin,  Rdvision,  p.  162.  —  Berner, /)/oi(  penal, 
p.  92.  —  Geib,  EUments,  II,  p.  81.  —  Observations  exoellentes, 
Wharton  medical  jurisprudmee,  p.  59. et  p.  178  a  184. 


EN  MATIliRE  D’a1.1£|NAT101\  MENTALE.  229 

exisle  des  situations  intellectuelles  extraorclinaires  dans  les- 
quelles  on  voit  des  indivi'dus,  avec  une  intelligence  en  apparence 
lucide,  fitre  pousses  a  commetlre  des  actes  ddiaisonnables. 
Quelquefois  mdme  ies  actes  de  violence  auxqiiels  ils  viennent  a 
se  livrer  ne  sont  que  les  premiers  indices  de  I’explosion  de  la 
maladie  (1).  On  doit  admettre,  avec  d’autant  plus  de  raison, 
I’existence  de  I’impulsioii  irresistible,  que  Ton  ne  liouvera 
aucun  motif  qui  ait  poussd  I’individu  a  la  perpdiration  de-  I’acte 
nuisible  (2).  Quelques  malades  out  pu  radme  etre  portes  a  des 
actes  regrellables  ii  I’dgard  de  personnes  aoxquelles  ils  dtaienl 
tendrenient  attacbds  (3).  II  estdu  reste  d’observation  commune 
que  de  tels  individus  ont  ele  en  butte  a  une  lutte  intdrieure, 
qui  a  pu  passer  inapercue  aux  yeux  d’obseryateurs  inexpdri- 
menlds,  mais  qui  n’en  a  pas  moins  donnd  lieu  k  un  trouble  dans 
les  iddes  et  h  un  affaissement  des  forces  morales  (i). 

Lorsqu’il  s’agit  d’impulsions  maladives,  on  ne  saurait  trop 
faire  attention  aux  particularites  suivantes  :  quelques  alidnds 
ddploient  une  remarquable  habiletd  pour  dissimuler  lour  situa¬ 
tion  aux  yeux  mdmes  d’observateurs  exerces  (5);  il  arrive  sou- 
vent  aussi  que  la  personne  rdellement  maniaque  se  trouve,  apres 
I’accomplissernent  du  crime,  dans  un  dtat  de  calme  et  de  luci- 
ditd  rdelle,  I’acle  a  mis  fin  lui-meme  a  la  ciise  et  a  did  comme 


(1)  Tel  esllecas  de  la  servante  de  M.  Humboldt,  qui  etait  pouss^e  par 
le  desir  irresistible  de  luer  I’enfaiit  confie  a  ses  soins ;  peu  de  temps  apres 
qu’elle  fut  congidiee,  elle  fut  prise  de  manie  et  placee  dans  un  elablisse- 
ment  d’aliSnes. 

(2)  Sous  ce  rapport  encore  on  pent  6tre  induit  en  erreur  et  ne  pas 
apprdcier  les  mobiles  qui  ont  pu  agir  sur  la  determination  par  suite  de 
circonstances  particulieres.  —  Voyez  Observations  deyiinsloyf,  Journal, 
185A,  p.  414. 

(3)  Boileau  de  Castelnau,  Annates  d'hygiene  publique,  1863,  p.  439 
et  469. 

(4)  Observations  interessantes,  dans  \imsloyi,  Journal,  1854,  p.  428. 

(5)  Roller  (rapport  cite,  Carlsruhe,  p.  29)  fait  observer  que  des  alidnes 
ont  pu  cacher  leur  maladie  pendant  des  mois  entiers,  aux  yeux  mdmes 
de  mddecins  experimenlds. 


230  CBS  EXPfitltlSES  itfiDICO-l.fiGABE'S 

In  clerniere  expression  de  I’acces  paroxystique  (1);  corrihient 
poiirrait-bn  cotlclure,  en  presence  de  cette  iiouVelle  slfliitlioil, 
qtie  I’individil  a  agi  en  connaissahce  de  cause  (2)? 

11  en  est  de  m6rae  pobr  ce  que  I’oii  designe  Sous  le  riolii  de 
demence  paltielle,  qui  pOuitait  faihe  croire  a  uli  fetatdaiis  lequel 


(1)  Exemple  Lacoste,  Ann.  med.-psyctu,  1862,  t.  VIII,  p.  40. 

(2)  Nous  partageons  enlierement  la  maniere  'le  voir  de  M.  le  profos- 
seur  Mittermaier,  et  nous  ne  croyons  pns,  comme  lui,  qb’il  puissij  a  prtt- 
prement  parler  exister  une  manie  sans  ddlire.  One  semblable  ilenomina- 
lion  a  en  effet  quclque  chose  do  contradicloire  et  de  paradoxal ;  el  c’esl 
surtout  en  mddecine  legale  qu’il  faut  cviter  la  confusion  dans  les  terhies 
et  tout  ee  qui  pent  ressembler  a  un  paradoxe.  Sous  lesdifferenis  noins  dc 
manie  sans  ddlire,  folie  morale,  manie  raisonnanle,  etc.,  on  a  ddcritune 
forme  assez  reinarquablc  d’alienalion,  qui  se  rapproclie  du  type  manie  et 
qui  a  pour  caractere  prddominant  une  perversion  profonde  des  sentiments 
ave'e  I'integrite  plus  ou  moins  apparente  des  facultes  iiitcllectuelles.  L’in- 
dividu  est  sans  oesse  domine  par  les  impulsions  les  plus  inauvaises  qu’il 
est  incapable  de  maitriser ;  le  ddlire,  s’il  n’est  pas  facile  de  le  consta- 
ter,  n’en  exisle  pas  moins  au  fond  ;  presque  toujourson  observe,  lorsqu’il 
est  possible  do  prolonger  Texamen,  des  appreciations  orronees,  des  illu¬ 
sions  etranges,  une  sorte  de  mobilile  dans  les  idees  ;  a  certains  moments 
de  veritables  acces  d’agitation  maniaque.  Dans  tons  les  cas,  lorsque  sur- 
lout  I’appreciatiou  de  I’elat  maladif  a  quelque  chose  de  vague  et  d’indeler- 
mine,  il  importe  au  plus  haul  degre  de  s’enlourer  de  lous  les  renseigne- 
menls  qui  permellent  d’apprecier  les  conditions  eliologiques,  les  phases 
diverses,  etc.,  que  I’affection  a  presentoes.  Nous  avons  adopld  le  terme  de 
manie  raisonnanle,  expression  qui  nous  a  paru  caracteriser  d’une  ma- 
iiibre  plus  nette  ce  symptOme  de  perversion  morale  avec  I’integrite  appa¬ 
rente  des  facultes.  Quoi  qu’il  en  soil,  nous  avons  observe  plus  d’un  exem- 
ple  de  ce  genre  de  folio;  les  individus  qui  en  sent  alteints  sent  un  lleau 
pour  la  sociele,  comme  ils  sunt  un  embarras  pour  le  mddecin  de  I’dta- 
blissement;  on  les  regarde  au  dehors  comme  de  simples  mauvais  sujets; 
il  n’en  est  pas  moins  vrai  qu’on  parvient  toujours  a  ddcouvrir  chez  eux 
des  signes  evidents  d’alienation.  Un  de  nos  malades  que  nous  faisions  der- 
nierement  sorlir  parce  qu’il  avail  I’air  raisonnable,  quoique  nous  ayons  la 
conviction  que  sa  folie  persistait,  ne  tarda  pas,  une  Ibis  mis  en  liberty,  a 
se  livrer  a  des  actes  nuisibles  et  excentriques.  11  prenait  surtout  plaisir  a 
jeter  le  trouble  dans  les  families  par  I’envoi  de  leltres  anonymes,  remplies 
d’insinuations  plus  ou  moins  perfides.  Un  autre  malade  nous  a  ete  envoye 
de  Marseille,  avec  les  signes  plus  accentues  de  ce  genre  de  folie  ;  il  avail 
tue  4  I’asile  d’ou  il  venait  deux  infirinifers;  dans  le  paroxysme  de  son 
agitation,  ses  impulsions  homicides  dtaient  porlbes  an  plus  haul  degrb,  et 
il  cherchait  tons  les  moyons  de  les  mettre  4  execution.  11  est  oh  ce  mox 
ment  convalescent  et  attache  comme  ouvrier  a  nos  ateliers. 

(11.  D.) 


EIN  kATltRE  D’AtifiNATJON  MENTALE.  23l 

une  [Mi'tie  de  I’inteiligeiice  est  malade,  landis  qiie  I’aUlre  i’testE 
saine.  Dans  ce  cas,  rindhidu  rie  saurait  gli-e  fegarde  cOitlitld 
responsabla,  qu’autant  que  I’acte  cbtomis  sefait  la  tonsgqubtlce 
directe  du  trouble  parliel.  Ces  principes  ont  616  admis  dans 
plusieurs  codes  allemands,  dans  ceuxdu  Hanovrfe,  de  Thuringe, 
du  royaume  de  Saxe  (i). 

G’est  ainsi  qu’un  homme  obsedb  par  I’idde  fixe  qu’oii  le  pour- 
suivaii,  a,  6te  cohdamn6  pal'  uhe  cbiir  d’Alleinagne  pout  fcriilie 
d’inceiidie,  et  on  autre  ihdividu  hallucine  a  dgalettient  I’objbt 
d’une  condamnaiion  a  raison  d’un  faux  qu’il  avail  commis  (2). 

Les  reclierclies  les  plus  receiues  dbinontrent  qu’il  ne  snui  ait 
exister  une  semblable  affection,  c’est  une  erreur  de  pCrtset 
qu’une  partie  de  I’ame  seulement  peut  6tte  malade.  Ce  qu’Oh 
appelle  Videe  f.xe,  c’est  le  centre  autour  duquel  touriieiit  les 
manifestatioiis  de  la  vie  intellectuelle  (3),  ce  serail  uii  acte  pure- 


(1)  C’est  dans  ce  sens  que  s’exprime  un  jurisconsuUe  distingue, 
M.  Geib,  TraiU  de  droit  piinal  allemand,  1.  11,  p.  79.  Il  ajodte,  il  est 
vrai,  par  im  louable  sentiment  d'humanitc,  qu’on  doit  differer  I’applica- 
tion  de  la  peine  jusqu’a  rentier  retablissement  de  I’individu. 

Le  Code  de  Hanovre  admet  une  demenoe  generate  et  une  demence 
particlle.  Le  Code  Thuringien,  porte,  §  99j  que  dans  le  cas  bu  le  fait 
incrimine  n’a  aucune  relation  avec  la  Iblie  partielle,  il  est  loisible  au  Juge 
d’abaisserla  penalite. 

'  Suivant  Krug  [Comrnenlaires,  voL  I,  p.  187),  la  demence  partiellb 
exclut  seulement  la  responsabilite  lorsque  I’acte  incrimine  precede 
d’une  idee  lixe,  qui  exerce  reellemerit  sur  I’individu  une  inlluence  ma- 
ladive. 

(2)  Ces  mallieureuses  expressions  de  folie  ou  demence  partielle  et  dd- 
mence  generate  doivent  ndcessairement  entralner  a  des  subtilites  psycho- 
loniques.  facheuses  surtout  au  point  de  vne  de  la  medecine  legale. 
L’expression  gdnerique  de  folie  comprend  toutes  les  formes,  toutes  les 
nuances  par  iesquelles  se  manifestent  les  troubles  intellecUiels,  le  delire 
parliel  aussi  bien  que  le  delire  general ;  du  moment  oil  la  folie  existe 
quelle  qu’cn  spit  la  maniere  d’etre,  elle  a  cliange  les  conditions  morales 
de  I’individu,  et  cette  Iransforination  exerce  sur  le  libre  arbitre  une.  in¬ 
fluence  qui  doit  dans  tousles  casexclnre  la  reSponsabilite  morale.  (H.  D.) 

(31  Albert,.  iMdiiuet  jisyrhialriq. 185.  —  Winslotv,  Journal,  1854, 
p.  409 ;  1858,  p.  220.  — ■  KWingei,  Antliropotogie,^  1861,  p.  221.  — 
Ciintncr,  l  ie  inlsllcft. ,  Vienne,  1801,  p.  98,  110.—  Falret,  Logons elin . , 
p.  230.  —  Boecker,  Medecine  legale,  p.  57.  —  Dagonet,  Wilbrand, 
p.  205.  —  Wald,  Psych,  judic.,  p.  46.  —  Ideler,  Psych,,  p.  25.  — 
Mair,  CammeiUaires,  p.  307. 


232  i>iis  ivXPEiiTTSES  m£dic:o-l£gales 

.menl  arbiuaire  que  de  pr6iendre  distinguer  s’il  existe  uiie  con¬ 
nexion  inlinie  enire  une  action  deterniinfie  el  tine  idee  (ixe.  Qui 
pent,  en  effet,  savoir  ce  qui  se  passe  dans  rint6rieur  du  nia- 
lade  ? 

II  est  quelquefois  difficile  de  distinguer  les  cas  on  une  idee 
fixe  doinine  le  in<ilade,  de  ceux  on  il  n’y  a  en  rdalite  que  de  la 
superstition.  La  superstition  se  nianifeste  quelquefois  lellenient 
chez  rhomme  qu’il  en  rdsulte  une  vdritable  alidualion;  en  sorle 
que  dans  cerlaines  circonstances  la  responsabilitd  pout  aussi  bien 
gtre  exclue  par  ce  fait  ineme. 

A  I’alidnalion  partielle  se  raltache  la  folie  ambitieuse  (mdgalo- 
mauie),  dans  laquelle  on  constate,  en  dehors  des  idees  de  gran¬ 
deur,  rintdgritd  des  faculty  (1). 

Dans  ces  derniers  temps  on  a  voulu  eriger  sous  le  nom  de 
monomanie,  une  forme  speciale  d’alienation.  Cette  opinion  a  el6 
particuliferement  emise  en  France  par  Esquirol,  et  a  tiouv6 
beaucoup  d’adhdrents  parmi  les  auteurs  alidnistes  francais,  an¬ 
glais,  aradricains  du  Word,  italiens,  mais  moins  chez  les  ecri- 
vains  allemands  (2).  Toutefois  ces  mddecins  admettent  cet  dial 
de  monomanie  avec  certaines  restrictions. 

On  ddsigne  spdcialement  sous  ce  nom  une  situation  dans  la¬ 
quelle  I’idde  maladive  se  restreint  a  un  certain  objet  ou  a  une. 
certaine  categoric  d’objets,  cependant  sans  depression  de  fame, 
mais,  au  contraire,  avec  une  espdce  d’expansion  et  d’exaltation; 
en  meme  temps  on  observe  des  impulsions  qui  portent  a  com- 
mcttre  des  crimes  de  diverses  catdgories;  I’individu  qui  en  est 


(1)  Caraoldres  bien  decrits  dans  Dagonet,  Malad.  ment.,  p.  372.. 

(2)  Dagonet,  Malad.  ment.,  p.  370.  —  Ray,  Medical,  jurisprud., 
p.  147.  —  Taylor,  Medical,  jurisprud.,  p.  177.  —  Freschi,  MMecine 
legale,  vol.  Ill,  p.  1189.  —  Lazarelti,  Medecine,  p.  423.  —  Gandolfi, 
p.  327.  — Krahmer,  Traild,  p.  211.  — Wilbrand,  p.  227.  —  Frie- 
dricli,  it/cmuel,  p.  555.  —  Wald,  Psychol,  judic.,  p.  54.  — Ellinger, 
p.  156.  —  Gunther,  Vie  intellect.,  p.  115.  —  Pichler,  7'raite,  p.  139. 
—  Mair,  Commentaires,  p.  277. 


EN  MATliillE  D’AUfiNATlON  MENTALE.  233 

alleint  esL  incapable  cle  se  maitriser,  mSine  par  les  plus  haut£s . 
considerations  de  la  morale  et  de  la  justice. 

Les  partisans  de  cetle  forme  de  maladie  admettent  trois  cate¬ 
gories  :  la  monomanie  intellectuelle,  la  monomanie  raisonnante 
et  la  monomanie  affective  ou  instinctive  (1). 

J,a  monomanie  a  eie  recemmeiit  I’objet  de  discussions  im- 
porlantes,  et  il  a  et6  d6montre  qu’une  scmblable  forme  ne  sau- 
rait  exister,  qulclle  pouvait  entrainer  une  confusion  faclieuse,  et 
que  dans  les  cas  qui  se  sont  prfeentes,  il  a  toujours  fallu  ad- 
mettre  une  autre  esp6ce  d’alienation.  Cette  opinion  a  ete  par- 
tag6e,  en  France  et  en  Allemagne,  par  des  medecins  et  par  des 
juristes  dislingu6s  (2). 

Ce  que  Ton  appelle  la  monomanie  raisonnante  comprend  les 
cas  dans  lesquels  le  malade,  domin6  par  son  idee  fixe,  commet 
des  actes  nuisibles  que  son  id6e  fixe  lui  fait  tenir  pour  licitcs, 
auxquels  mfime  il  se  croit  oblig6  par  devoir. 

Un  homme,  observe  par  M.  Mitlermaier,  est  accus6  de 
meurtre  sur  son  pere;  il  fut  reconnu  qu’il  6taitobs6de  de  I’idee 
qu’il  6tait  euvoyA  de  Dieu  pour  venger  les  pechfe  des  homines. 
Place  dans  un  6tablissement  d’ali6ni5s,  cet  homme  declarait  avec 
beaucoup  de  logique  que  son  pfere  6tait  un  grand  pecbeur,  et 
que  c’est  pour  ce  motif  qu’il  avait  autoris6  a  le  tuer,  par  le 
fait  de  sa  mission  divine. 

Les  impulsions  pretendues  irr6sistibles  qui  n’6manent  pas 


(1)  Esquirol,  De  la  monomanie,  It,  p.  1. 

(2)  Particuliirement  Morel,  Afalad.  menl.,  p.  259  et  483.  —  Dela- 
siauve,  Journal  de  medec.  menl. ,  1801,  p.  348.  —  Falrel,  Le(ons  cUniq., 
p.  37.  —  Bonnet,  De  la  monomanie  du  meurtre,  Bordeaux,  1852.  — 
Molinier,  de  Toulouse,  Ann.  med.-psych.,  1854,  VI,  p.  1.  —  Franck, 
Revue  contemporaine,  31  oct.  1802,  p.  588.  —  ParticuHcrement,  Pseu- 
domotiomanie,  Delasiauve,  Journal,  1803,  p.  80.  —  Damerow,  Journal 
psycliialr.,  1854,  p.  208-91.  — Casper,  Manuel,  II,  p.  010,  et  dans 
son  Journal  Irimeslr.,  XIV,  p.  275.  —  Boecker,  Traild,  p.  50.  — 
Schurmayer,  Med.  leg.,  p.  402.  —  Mair,  Code  penal  bavarrois,  1, 
p.  'Ill,  —  Ceib,  Droit  penal  allemand,  II,  p.  82.  —  Haus,  Couis  de  drail 
criftiin,,  p.  110. 


234  DliS  EXPERTISES  ME|)1C0-L66ALES 

d’uil  liomme  evideinment  atteintde  maiiie,  oil  qdi  he  se  itlaiii- 
feslenl  pas  dans  les  condilions  ci-dessus  indiqu6es,  ne  sauraleill 
enlrainci-  I’irrespohsabilit^.  On  he  saiirait  de  nifiilie  adniettre 
rexcliasion  de  la  i  esponsabililfi  fondfie  sur  une  prdttiridue  mono- 
manie,  a  propos  d’une  sorte  de  conlrainte  iri  &istible  qui  sei-ait 
le  resultat  d’habitudes  immoi-ales,  de  durctfi  et  de  perversitfi, 
lorsque  I’individu  insehsible  <i  loules  les  idCes  morales  succom be 
a  ses  entrainemenls  pour  les  motifs  les  plus  futiles.  On  he  doit 
pasoublier,  pour  I’appreciation  de  cede  irrdsistibilite  supposfic, 
que  les  liommes  les  plus  honndtes  but  souvent  it  coihbatlre, 
dans  leur  vie,  les  irapidsioiis  les  plus  facbeuses  (1). 

On  se  rend  compte  du  peu  de  credit  que  merite  I’adoptioil 
de  la  monomanie,  comme  forilie  speciale  de  ihaladie,  lorsqu’on 
examine  en  dfitail  les  espSces  principales  de  Cette  prfitendde 
affection  :  la  monomanie  homicide,  la  clepiomahie,  la  iliohO- 
manie  du  suicide,  la  pyfomanie. 

Sans  doute,  il  peut  exister  des  cas  ou  tleS  impulsions  homi¬ 
cides  apparaissent  sans  trouble  apparent  des  forces  int'eilec- 
luelles  (2);  toutefois,  oh  doit  admettre  que  cette  contt-aintt:  irrd- 
sistible,  pour  etre  innocentee  au  point  de  vue  penal,  doit  se 
rattacher  a  une  forme  d’alienation  ghndralement  adraise.  Oil  he 
saurait  nierqu’il  n’existe  de  dangereuX  meiiiTriers,  redoutables 
par  leur  cruautd,  et  un  exainen  miiiuLieux  et  proloilgh  dOit 
s’effoicer  de  ddcduvrir  si  Faifection  mcntale  h’est  pas  sup- 
posee  (3).  On  ne  peut  admettre  davantage  I’exislence  d’une 


(t)  Dclasiimvc  a  raison  de  dire  {Journal  de  nuid.  idtj.,  1861,  p.  357)  : 
la  socielc  renferme  do  nombreux  monomaniaques  qiii,  inalgru  le  (rouble 
isole  deleurs  faculles  senlimcnlalcs,  ne  derogent  point  aux  devoirs  sociaux, 
veillent  a  leurs  iiilerels  et  maili'isent  mcnie  leiirs  tendances. 

(2)  V/ald,  Psych,  jud.,  p.  57.  —  Ellinger,  p.  158.  —  Krahmer, 
Traite,  p.  215.  —  Dagonet,  jWaluci.  merit.,  p.  413.  —  Mair,  Commen- 
laires,  1,  p.  281.  — Parliculidremenl  Bonnet,  Ann.  med. -psych.,  18(i2, 
p.  205,  oil  se  tronvent  des  donnees  interessantcs  sur  lo  cas  de  Henrielle 
Cornier. 

(3)  Bonnes  observations  dans  Morel,  Alidn.  menl.,  p.  407.  —  Dela- 
siauve,  I,  p.  359.  —  Knop,  Paradoxic  de  la  volonle,  p.  Cl. 


EN  MATIERE  D’ALlfiNATION  MENTALE.  235 

monomanie  r6elle  dans  la  plupart  des  fails  d^ciits  sous  les  noms 
de  cleploinanie,  de  monomanie  du  suicide,  de  pyrmrianie,  qui 
tons  se  rattachent  ii  des  formes  d’alifinaiion  Ir&s- Variables  et 
que  Casper  a  justement  revoqui^s  en  clbute  (1). 

Ce  que  Ton  designe  sous  le  nom  de  manie  Iransitoire  doit 
6tre  I’objetd’un  examen  parliculier;  c’est  Uii  trouble  qui  se  ma- 
nifeste  brusquemeiit,  qui  pousse  t’individu  qui  en  est  alteiiita  des 
actes  violents,  dont  il  n’a  in6me  pas  conscience,  lorsque  cet  6lat 
adisparu.  Casper  a  ni6  cette  forme  d’une  maniere  trop  gbnerale. 
Un  des  cas  les  plus  imporlants  de  cette  cspece  est  arrivd  en 
France  en  1854.  Le  (ils  d’un  negocianl  de  Bordeaux  se  retire 
subitcmenl  dans  sa  chainbre  apres  avoir  dejeuiie,  en  sort  pen  de 
temps  apris  el  lire  sur  sa  beile-iiiere.  Ce  jeune  lionune  avail 
mend  jusque-la  une  vie  esemplaire.  Siir  I’avis  des  m6decins,  il 
fut  acqiiiite.  Uii  cas  semblabic  S’est  jiffeehtb  a  Reiiiies  (2). 

Dans  I’apprecialion  de  ces  cas,  ou  la  pei-peti'alion  du  fait  est 
le  rbsultat  d’un  acees  subit  et  de  coiir'le  (iuree,  il  faut  craindre 
de  sc  iroinper,  et  I’on  doit  pi’ocdder  a  un  exaiiien  minulieiix, 
scruter  la  vie  ant6rieure  du  iiialade,  les  circonslances  qui  out 
agi  sur  la  determination!  etc.  (3). 


(1)  Voy.,  pour  ces  ditferents  cas  ;  Ealrel,  Lcfons  cliniquen,  p.  dO.  — 
txeellentes  observations  dans  Morel,  p.  411.  —  Ellingftr,  p.  l62.  ■ — 
Mail-,  Comment.,  p.  29(1.  —  IVbarton,  Medical  jtinsprud.,  p.  19i.  — 1 
Knop,  p.  90,.  — Journal  irimuslriet  de  Prague,  vol.  30,  1.  11^  p.  12i. 
—  Ray,  On  insanity,  p.  192,  suf  uile  affaire  criminelle  ert  AmOrique.  — 
Wharton,  p.  144.  —  Mair,  p.  292.  —  lessen.  Journal  psychiatril). 
XVllI,  p.  850.  —  Wald,  Psychul.  jaridiq.,  p.  71.  —  Dapnet,  p.  Aid. 
knop,  p.  05.  —  Schvvartzenberg,  SiHoide,  suite  cle  mi51arici)lie,duns  I’ar- 
ticle  135,  he.  cit.  —  Bonnes  observations  sur  riiypocholidrie,  dans 
Irrenfreund,  1863,  n”  3.  —  Eniralhoments  dans  I’hyiterie,  Mdrcl, 
p.  674,  dans  Vepilepsie,  Morel,  p.  097.  —  Peilagre,  Teigne  (Gai. 
des  hOpit.,  1862,  p.  147).  —  Biickher,  Journal,  1803,  p.  141.  —  Cas 
reniarquable,  Delasiauvc,  Jaurnnl,  1863,  p.  364. 

(2)  lies  cas  de  manie  passagerese  trouveuldansla  Clinigxte  altemande, 
1856,  n"  38.  —  Dans  Delasiauvc,  Journal,  1861,  p.  47.  —  DansAuii. 
medico  psych.,  1802,  VIII,  p.  188.  —  Aiinales  d'liyg.,  1859,  p.  398. 

(3)  Roller,  modeciri  expcriineiitc,  crigage,  dans  sou  liap'port  dlJieie/, 
Calsrulie,  p.  25,  4  ne  pas  adnietlrc  trop  I'acileniont  do  pai'eils  etats.  — 


236  DliS  tXPliRTlSliS  MfiDlCO-LlitjALIiS 

La  manic  transitoire  pent  se  pr^senler  dans  difleientes  con¬ 
ditions.  Elle  pent  fitre  la  consequence  d’une  idfie  fixe  et  d’illu- 
sions  exisianl  depuis  longleraps,  inais  inficonnucs  par  les  per- 
sonnes  formant  I’entourage  du  malade  (1);  on  bien  elle  est  I’acte 
prCcurseur  el  determinant  de  la  folie ;  mais  elle  se  manifeste  sur- 
lout  par  le  fail  d’une  modification  cerebrale  brusque,  deter- 
minee  par  des  attaqucs  d’epilepsie,  des  exces  de  boisson,  une 
violenle  commotion,  une  congestion  cerebrale,  suite  d’insola- 
tion,  etc.  (2). 

On  doit  considerer  comme  bien  dilTerenls  les  cas  dans  les- 
quels  I’individu  qni  jiisque-lii  avail  dissimule  la  perversil6  de  son 
caraclere,  s’est  livre  a  des  actes  criminels  sous  I’influence  de 
circonstances  particulieres  ou  de  causes  excitantes  (3). 

Dans  une  quatrieme  partie  de  son  reinarquable  travail, 
M.  Mittermaier,  aprfes  avoir  expose  le  mode  de  proc6dure  gerni- 
ralement  usit6  en  Allemagne,  fait  observer  qu’en  Angleterre  il 
existe  une  cause  assez  frequente  de  jugemenls  iniques,  lorsque 
surtotU  s’agite  une  question  de  responsabilil6.  L’accusateur,  par 


Devergie  a  doniie  pour  cet  examen  de  bonnes  indications  (Ann.  d'hyg., 
1859,  p.  403-dll). 

(1)  Ce  qui  cst  arrive  pour  le  cas  de  Bordeaux  (Devergie,  p.  Ixi2,  Ann. 
d.' hygiene). 

(2)  Winslow,  Journal,  p.  47.  —  II  est  a  croire  qu’une  disposition 
semblable  aeu  lieu  dans  le  cas  si  connu  du  Lemke.  —  Winslow  a  expose, 
p.  49-54,  d’interessantes  considerations  sur  ce  sujet.  —  On  trouve  dans 
Wald  {Psycholog.  judiciaire,  p.  83,  en  note)  un  cas  tres-remarquable. 
Voyez  egalement  de  tres-justes  reflexions,  Ann.  mdd.-psych.,  1862, 
p.  199,  205. 

(3)  L’auteur,  dans  le  Journal  Gerichlssaal,  1859,  p.  89,  a  mentioniie 
un  cas  arrive  en  Amerique,  dans  lequel  le  defenseur,  convaincu  de  I’alid- 
nation  de  I’accuse,  veut  en  elablir  les  preuves,  et  ou  I’accusd  proteste  et 
declare  qu’il  est  en  etat  de  saine  raison. 

Nous  nous  rappelons  un  dpileptique  aliene  accuse  d’attentats  a  la  pu- 
deur,  qui  protcsta  dnergiquement,  meme  avec  violence,  centre  I’opinion 
emise  par  son  defenseur,  qu’il  dtait  atteint  d’alienation.  11  demanda  a 
elre  condamne  plutOt  que  d’dlre  considdre  comme  abend ;  ce  qui  eut  lieu 
en  effet.  Les  extravagances  auxquelles  il  ne  tarda  pas  a  se  livrer,  dans  sa 
prison  peu  de  jours  apres  qu’il  avail  dte  condamnd,  le  firent  conduire  a 
Stephansfeld.  (H.  D.) 


I'N  MATifeRE  D'AElfeNATlON  MEMtAr.E.  537 

GXemple,  peut  ii  son  gre  faire  assignerdes  homines  de  I’art  pour 
soutenir  la  plaintc,  tandis  qu’il  ne  peut  se  presenter  aucun 
homme  de  I'art  pour  les  accuses  pauvres,  puisque  ceux-ci  ne 
peuvent  payer  ses  services. 

En  Francs,  du  moins,  il  arrive  souvenl  que,  par  un  senti¬ 
ment  de  bienveillance,  le  magistral  du  rainistere  public,  sur  la 
proposition  du  defenseur,  inscrit  sur  la  liste  de  temoins  &  en¬ 
tendre  les  medecins  que  ce  dernier  d6sire  voir  assigner. 

Dans  les  proems  criminels  de  France  et  d’Allemagne,  I’accuse 
esl  interrog6  par  le  president ;  cet  interrogaloire  a  ccrlainement 
son  utility,  en  ce  que  I’accuse  fait  souvent  connaitre  comment 
il  est  venu  k  arrfiter  son  crime,  les  motifs  qui  Toni  dirig6 ;  inais 
cet  inierrogatoire,  lorsqu’il  s’agit  d’alidnfis,  peut  devenir  dange- 
reux,  car  ceux-ci  ddploient  souvent  une  grande  babilete  devant 
les  iribunaux,  cherchent  mdme  ii  cacher  leur  dial  en  fournis- 
sant  desrdponses  sensdes.  Le  president  fera  bien  alors  de  poser 
il  I’accusd  aussi  peu  que  possible  de  questions  spdciales,  et  de  le 
laisser  entrer  dans  lous  les  ddveloppeinents  qu’il  jugera  utiles. 

ri  arrive  parfois,  eii  France  et  on  Alleinagne,  que  le  presi¬ 
dent  fasse  pa'raitre,  en  vertu  de  son  pouvoir  diserdtionnaire, 
meme  un  medecin  qui  se  irouve  par  hasard  ii  I’audience,  etqui 
a  des  lors  h  rdpondre  au  president,  au  rainistere  public  el  au 
ddfenseur ;  on  peut  lui  poser  des  questions  sur  ce  qu’il  pense  de 
I’dtat  mental  de  I’accusd,  lui  faire  des  observations  sur  certains 
fails  d’ordre  scientilique,  lui  demander  si  tel  ou  tel  signe  con- 
slitiie  un  caractere  de  ralidnation,  etc.  (1). 

On  a  dlevd  h  bon  droit,  en  Angleterre  et  en  Amdrique,  des 


(1)  Dans  un  cas  oCi  le  defenseur  parlait  des  impulsions  irrdsistibles  qui 
portent  a  commettre  des  actes  dangereux,  on  posa  au  medecin  assignd  la 
question  ;  Si,  d’apres  les  plus  recentes  recherches,  des  impulsions  irre- 
sistibles  de  I’espece  pouvaient  etre  admises.  (Voy.  Griesinger,  Pathol., 
p.  46,  75.  —  Casper,  Pelile  chronique  de  mddecine  ldgale,'p.  263.)  — 
Dans  un  autre  cas,  on  demanda  au  mddecin  si  les  hallucinations  qui 
affectaient  une  personne,  pouvaient  6tre  regardees  comme  des  indices 
certains  d’une  alienation. 


238  DES  EXPERTISES  MfiDICO-LfiQAI.ES 

objections  centre  une  pai’eille  maiiibre  de  procMer.  D’abord  les 
inedecins  ainsi  appeles  ne  peuvent,  d’ap.res  les  dispositions  de 
la  loi  francaise  relativemeiil  a  la  comparmion  des  temqins  a  titre 
de  renseigneineiits,  etre  assennentes  et  deposer  sous  la  foi  do 
seruient;  ilsdoivent  ensuite,  sans  aucune  preparation,  emettre 
un  avis  sur  nil  point  iinportaiit,  etsouvent  ils  n’osent  pas  de- 
cliner  cette  taclie  par  un  seiuimeiit  de  fausse  lionte  ;  il  y  a  aussi 
ce  danger  qne  les  jures  se  laissent  facileinent  entrajner  par  I’opi- 
nion  que  riiomme  de  I’art  vient  d’emetire  d’une  maniere  Irop 
pen  reflechie.  L!n  medecin  scrupuleux,  qui  corinait  tonte  la  re¬ 
serve  avec  laquelle  une  opinion  dou  etre  pos6e,  refusera  cer- 
tajiiemeiit  de  rSpondre  a  des  demandes  generales  de  cette  espece. 

II  iniporte  soiivent  aussi  d’ajourner  les  d6bats  coniniences 
d’une  allaire  dans  le  but  crobteiiir  un  rapport  plus  complct  sur 
I’etat  mental  d’un  aliene.  II  serait  a  desirer  que  ces  ajouriie- 
nients  fussent  ordonnes  plus  souvent  que  cela  n’arrive  actuelle- 
ment,  afin  de  pr6venir  lout  jugement  prccipite  et  bas6  sur  des 
616ments  insuflisanls.  Un  cas  iuteressanl  de  cette  espece  s’est 
produit  a  Paris  en  1862. 

L’acteur  Dumont  conipamissait  devaiit  les  qssfses  pqur  tenta¬ 
tive  de  meurire  et  d’anU'es  dfilits ;  les  depositions  etablirent  que 
c’fitait  un  homiiie  irascible,  exalte,  et  que  sa  couduite  bizarre 
faisait  douter  de  I’intfigrite  de  ses  facultes.  Sur  la  deniande  du 
defeiiseur,  les  debats  furent  ajouni^s  et  I’accuse  fut  soumis, 
dans  I’intervalle,  a  I’observalion  dusavaiit  medecin  alienisle,  In 
docteur  Parchappe. 

Dans  les  debats  qui  eureiit  lieu  ult6rieurement,  ce  ni6decin 
declara  qu’il  ne  pouvait  regarder  I’accuse  comme  aliene,  mais 
que  son  6tat  d’irrjtabilild,  d’ exaltation  et  de  yanite  devait  avoir 
fauss6  chez  liii  le  sens  moral.  Les  jures  rapporterent  un  verdict 
fort  mitige,  et  I’accuse  ne  fut  condamn6  qn’a  quatre  ans  de  re¬ 
clusion  (1). 


(1)  Les  premiers  dfiliats  commenccrent  le  14  novembre  1862,  lea 


tN  MATifeRF,  n’ALlfiNATION  MFNTAFE.  239 

On  lie  saurait  trop  recommander  aux  medecins  iiUerroges, 
lorsqu’ils ne  peuvent  conslater en  realitS  auciine  forme  d’halluci- 
naiion,  raais  lorsqu’ils  out  ccpendaiit  la  coiiviclion  qu’il  existe 
ah  etal  mental  parlirulier  qui  doit  faire  admettre  une  respon- 
sabilite  veslrciiitc,  d’avoir  soin  dc  mentionner  cette  opinion, 
alors  rneme  qu’il  ne  leur  est  posfi  aucune  question  a  cetegard. 
C’est  ce  que  font  ordinairement  les  mddecins  francais  charges 
d’un  rapport  sur  un  accusd;  ils  reconnaisseut  ainsi  que  sans 
ccla  leur  rapport,  qui  doit  embrasser  la  vie  intellectoelle  de  I’ac- 
cnse,  serait  incomplet  ct  trop  exclusif  (1).  On  ne  doit  pas,  cn 
effet,  mdconnailre  cetle  vdrite,  qu’entrcla  parfaite  intdgritedcs 
facultiis  pt  I’alienation  qui  exclul  la  responsabilite  des  actes,  il 
existe  une  in(initfi  de  situations  intermediaircs  qui  determinent 
egalemeiit  le  dcgre  de  responsabilite.  C’est  ce  que  pensent  les 
medecins  experimentes  ct  les  jurisconsultes,  qui  admeitent  di- 
verses  situations  mentales  dans  iesquelles  la  responsabilite  dil- 
fere;  en  gcndral,  I’exallation,  I’excentricitd,  certaines  inlluences 
physiques  attenuent  la  responsabilite,  et  par  suite  le  degre  de 
culpabilite  (2). 

I/importance  des  resumes  faits  par  le  president,  le  minislere 
public,  le  ddfenseur,  leur  influence  sur  I’esprit  des  jures,  engage 
I’auteur  de  rirapoftant  travail  que  nous  analysons  it  consacrer 
mi  article  spdcial  a  I’dtude  des  resuuies  faits  par  les  presidents 
dans  les  dilfdrents  pays,  et  ii  rechercher  quels  sont  les  ecueijs 
contre  lesquels  ils  viennent  si  snuyeut  echguer,  au  ddtrimciit 
de  la  justice  (3). 


seconds  le  15  decembre  suivant.  (Voyez  le  journal  le  Droit,  18C2,  n"®  271 
et  297.) 

(1)  Brierre  deBoismont,  Ann.  d'la/g.  publ.,  1863,  avril,  p.  388.  — 
Hqiinet,  Ann,  mid.-psyoli.,  Vlll,  1862,  p.  221. 

(2)  Boiler,  Rapport  du  cqngrosdes  naturalistes.  a  Calsruhe,  p.  25.^ 
Wald,  Train  med.-legal,  p.  272.  —  Hoffmann,  TAndiencc,  vol.  IV, 
p.  97.  —  Mair,  Commentaihs,  vol.  I,p.  202.  —  Baumeister,  Idgislation 
suppldin.,  p.  105,  vol.  II.  —  Gab.,  t.  II,  p.  105.  —  Mitlermaier,  TAu- 
dmco,  1859,  p,  ,51, 

(3)  M.  Mitterinaier  rappelle  nn  rdsume  fait  aux  assises  a  Munich  par 


5/tO  Dfis  EXPERTISES  JlfeDICO-liGALES 

M.  SliUcvmaier  s-evient  avcc  detail  sur  les  principes  qui 
doiveiit  diriger  le  niedecin-expert,  et  qui  ontet6  d6ja  succincte- 
ment  exposes  dans  la  premiere  partie  de  ce  travail.  II  rappelle 
les  propositions  importantes  qui  ont  6te  6mises  sur  la  responsa- 
bilite,  a  la  reunion  des  m^deciiis  alienistes  allemands  li  Hildes- 
heim  en  sepleinbre  1865.  Ces  propositions  mfiritent  d’aulant 
plus  d’etre  rapportees,  qu’elles  fimanent  de  mSdecins  d’une 
grande  experience  et  qui  font  autorite  dans  la  science  :  Flem¬ 
ming,  Roller,  Solbrig,  Jessen,  Lalir. 

Nous  les  resumons  de  la  manibre  suivante  : 

Des  connaissances  en  psycliologie  ne  suffisent  pas  pour  juger 
les  etats  maladifs  de  I’ime,  qui  dependent  toujours  d’etats  raor- 
bides  du  corps.  Le  mddecin  seul,  vers6  dims  I’etude  des  maladie.s 
menlales,  pent  Stre  consuUe. 

On  doit  toujours  poser  la  question  de  savoir  s’il  y  a  ou  non 
trouble  psychique ;  c’est  la  seule  chose  que  le  medecin  ait  h 
declarer,  quelle  que  soit  la  maulbre  dont  le  juge  ait  pose  la  ques¬ 
tion.  —  Le  juge  doit  peser  la  valeur  de  I’avis  medical,  et  s’il  n’y 
trouve  aucune  preuve  satisfaisante,  il  doit  provoquer  une  se- 
conde  expertise  ou  un  arbitrage  supi’irieur. 

L'expert  peut  se  baser  sur  le  systeme  nosologique  qu’il  pre- 
fere,  en  admcttant  qu’il  est  capable  de  caracteriser  sulTisamment 
la  forme  de  maladies  qui  y  Cgurent.  II  doit  prendre  en  conside¬ 
ration  les  symptomes  psychiques  et  somatiques,  en  etablissant 
autant  que  possible  leur  connexite.  Le  diagnostic  de  la  forme 
meme  d’alienalion  offre  une  plus  grande  garantie  de  certitude. 
Le  medecin  doit,  autant  que  possible,  donner  I’historique  com- 
plet  de  la  maladie,  poor  servir  de  base  a  I’observation,  Il  doit, 

un  president,  dans  lequel  it  donna  aux  jures  des  notions  si  precises  et  si 
exactes  sur  la  signification  de  Ja  responsabilite,  et  de  la  responsabilite 
attenude,  avec  des  e.xemples  a  I’appui,  que  les  jures  rendirent  dans 
I’espece  un  jugement  tres-equitable. 

On  trouve  egalement  un  modele  de  resumd  d’un  president  de  I'Ame- 
rique  septentrionale  dans  I’affaire  de  Roger  {Report  of  the  trial  of  Abner 
Rogers  indicted  for  murder  by  Bigelow,  Boston,  1844). 


EN  AiATliiRE  D*ALl£NAtlOf{  MENtAtE.  '  2il 
par  consequent,  possfider  une  connaissance  profonde  des  fails 
revSies  par  I’enquete  judiciaire;  le  cas  echfiant,  il  est  autorise  a 
completer  son  information  et  a  se  livrer  lui-m6nie  it  une  eu- 
quele. 

Si  le  diagnostic  est  incertain,  I’expert  doit  le  declarer  fran- 
chement,  sans  s’inquieter  des  consequences  qui  peuvent  en 
resulter. 

La  responsabilite  des  alienes  ne  pent  dtre  deduite  que  de  I’en- 
semble  de  I’etat  mental,  et  non  de  circonstances  isoiees  ou  de 
particLiIariies  psychologiques. 

La  non-responsabilite  d’un  aliene  ne  doit  pas  etre  rejetde  par 
la  raison  qu’il  est  en  etat  de  renechir  sur  les  consequences  de 
ses  actions,  de  discerner,  eu  egard  a  I’acte  incrimin6,  le  juste 
de  I’injuste;  parce  qu’il  eprouve  le  repentir  de  son  action; 
qu’on  ne  pent  decouvrir  aucune  relation  entre  ses  idees,  ses 
dispositions,  ses  impulsions  et  I’actequi  lui  estreproche;  enfin, 
par  cela  meme  qu’on  ne  peut,  en  general,  constater  cliez  le 
malade  la  presence  d’aucune  idee  maladive. 

Le  medecin,  ajoute  IM.  Mittermaier,  doit  avoir  pour  tache'de 
relever  toutcs  les  particularites  qui  ont  rapport  it  la  maladie  phy¬ 
sique  ou  morale  de  I’accuse,  il  doit  examiner  I’influence  qu'elle 
a  exerceesur  le  trouble  intellectuel;  enfm,  il  lui  importe  de  re- 
chercber  dans  quelle  situation  mentale  se  trouvait  le  malade 
dans  la  perpetration  du  debt. 

Une  difficulte  toute  particuliere  se  presento  dans  le  cas  oh  le 
medecin  ne  peut  pas  declarer  que  I’accuse  est  atteint  d’aliena- 
tion,  mais  ou  il  a  des  raisons  de  croireque  celui-ci  s’pst  trouve, 
lors  de  la  perpetration  de  I’acte,  dans  un  etat  de  surexcitaciou 
qui  exculait  toute  reflexion,  ou  dans  une  sorte  d’egarement, 
provoque  par  des  evenements  qui  I’ont  subitemeiit  boulevetse 
et  lui  ont  enlevd  la  conscience  de  sa  position.  Dans  ce  cas,  il  ne 
doit  pas  hesiter  it  faire  connaitre  son  opinion  tout  entiere. 

{La  suite  a  un  prochain  nimiero. ) 

ANNAL.  MeD.-psYCH.  4'  serie,  t.  IX.  Mars  1867.  4.  16 


NOTE  MEDJCO-LEGALE 

A  L’OCCASION 

DU  TESTAMENT  D^UN  SUICIDE 

Par  HI.  le  doctcnr  jLKCinAHin  nil 


Invit6  donner  moii  avis  sur  la  queslion  de  savoir  dans  quel 
6tat  mental  le  sieur  Arthur-Theodore  Daire  pouvait  se  trouver 
le  22  avrill863,  au  moment  ou  il  a  fait  son  testament; 

Apres  avoir  pris  connaissance  des  elements  d’appr6ciatioii 
contenus  dans  le  mfimoire  de  MM.  Lemarcis,  avocat,  et  Daviel, 
avoue,  j’ai  reconnu  qu’au  point  de  vue  m6dico-legal,  la  question 
principale  qui  a  etfi  posfie  se  decompose  ou  ces  trois  questions : 

1°  Daire  a-t-iljoui  pendant  loute  sa  vied’un  etat  intellectuel 
irrfiprochable  ? 

2°  De  quelle  lesion  de  I’entendement  Daire  6tait-il  aiTccte 
dans  les  derniers  temps  de  sa  vie  ? 

3“  Daire  jouissait-il  de  son  libre  arbitre  du  22  au  26  avril 
1863,  e’est-a-dire  entre  sa  tentative  infructueuse  de  mort  vo- 
lonlaire  el  I’accomplissemenl  de  son  suicide  ? 

PREtaifiRE  QUESTION. 

Daire  a  regu  avec  la  vie  les  plus  facheuses  predispositions 
psycliiques  :  son  pere  passait  pour  un  bomme  excentrique;  sa 
mere,  —  vraisemblablement  atteinte  de  ddlire  melancolique,  — 
s’est  obstin6e  a  ne  point  sortir  de  sa  deraeure  pendant  quaraute 
ans,  et  elle  y  vivait  au  milieu  de  la  plus  repoussante  malpro- 
pret(?.  Sa  sceur  esi  morte  folle  a  I’asile  de  Saint-Yon. 

Daire  avait  contract^  I’liabitude  de  boire  des  liqueurs  fortes 
et  s’enivrait  tres-frequemraeut.  L’ivresse  estd6ja  parelle-meme 
une  veritable  enfance  de  la  foLie  :  elle  ebranle  le  cerveau  le 
plus  sain  et  compromet  rapidement  I’intelligence  la  mieux  dou6e ; 


NOTE  MflDICO-tfeGALE ,  ETC.  243 

4  plus  forte  raison ,  coiisomme-t-elle  aiseinenl  la  ruine  de 
I’honuue  qiie  de  facheux  iiasards  originels  out  place  sur  la  fron- 
tifere  de  I'alifination  de  I’esprit.  Daire  ne  pouvait  point  6chapper 
a  Taction  si  connue  de  ccs  causes  pr6dis|iosanles  d’abord,  d6- 
tenninantes  ensuite.  II  passa  loujours  pour  etre  excenlrique, 

«  drole »  ;  il  parlait  seui  dans  les  rues  depuis  de  longues  ann6es; 
il  faisait  des  armes  contrc  les  arbres  ;  on  I'entendait  crier,  et 
cela  d  toute  heure  dejour  et.  de  nuit,  soit  quit  fut  ivre,  soil 
quHl  f'ut  d  jeun,  etc. ,  etc. 

La  cause  occasionnelle  —  susceptible  de  faire  violennnent 
iclater  la  folie,  —  avail  seule  manque  ;  les  evenements  la 
susciterent.  • 

DEUXIEME  QUESTION. 

Daire,  le  20  janvier  1863,  perd  sa  mere,  qu’il  avail  toujours 
beaucoup  aimfie,  et  dont  il  avail  partage  jusque-14  le  sordide 
reduit.  Sans  guide,  isol6,  aux  prises  avec  sa  propre  d6bilil6  et 
incapable  de  se  conduire,  Daire  pleure  comme  un  enfant,  se 
lamente,  se  frappe  la  tete ,  s’ eerie  qu  il  est  perdu,  que  sapauvi’e 
tete  ny  tiendrapas ;  il  menace  de  luer  sa  domesHque  avec  un 
hansard,  etc. 

Daire  est  dvidemment  alleint  en  ce  moment  de  mfilancolie 
alcoolique.  Get  6lat  mental  si  grave  est  d’ordinaire  constitud 
par  des  phenomenes  de  troisordres  difffirents  :  le  delire  triste, 
les  hallucinations  menacantes,  la  tendance  au  snicide. 

Si  nous  approfondissons  ce  qui  a  trait  au  delire,  nous  voyons 
que  le  1 1  ou  le  12  avril  Daire  va  trouver  Tune  de  ses  locataircs, 
qu’il  lui  rdclanie  6nergiqucment  le  payement  de  son  loyer,  el 
que  sur  le  refus  de  la  femme  Brunet,  il  se  met  a  se  frapper  la 
tete  avec  les  mains,  dit  qu’il  est  perdu,  qu’il  iTa  pas  ll’argent 
pour  payer  son  boulanger  et  son  tailleur,  etc. ,  etc.  On  Tinvite  a 
la  patience,  et  il  reprend  toujours  :  «  Je  suls  perdu,  il  me  faut 
de  Targent. »  —  A  ce  moment-14  il  |)oss6de  chez  lui  une  somrae 
de  5200  francs. 


f^OTfe  MiOlCO-LfitiAtfe 

Quelqiies  jours  se  passent.  Le  niari  de  la  femiTie  Brunet  vd 
porter  quelquc  argent  Ji  Daire  ;  «  Je  suis  un  homnie  perdu, 
Ini  dit-il,  je  suis  fou,  je  medfitruirai »,  et  cornme  on  Itii  fait 
des  reraontrances,  il  ajoule  :  Ah!  ga  finirapar  Id. 

Les  conceptions  deliranles  qui  s’observent  dans  la  melancolie 
alcoolique  prescntent  toujours  ce  caractfire  sombre,  anxieux, 
d6pressif  et  sinistre.  L’un  se  croit  assailli  par  les  plus  grands 
malheurs;  I’autre  estpoursuivi  et  en  faillite;  celui-ci  est  trcs- 
maladc  etva  niourir;  celui-la  esi  victime  de  machinations  odieu- 
ses  et  il  s’altend  a  6tre  assassine  ;  un  autre,  sur  les  indices  les 
plus  ridicules,  accuse  sa  femme  de  lui  etre  infidele;  un  dernier, 
enfin,  se  livrc  a  la  justice  ets’accuse  de  crimes  imaginaires. 

Un  fait  considdrable  doit  etre  note  ici,  c’est  que  ces  malades 
ne  presentent  pas,  dans  la  tres-grande  majoritedes  cas,  d’inco- 
hCrence  dans  les  paroles,  de  dissociation  dans  les  id6es  ;  ils 
partent  d’un  point  faux,  mais  ils  raisonnent  avec  justesse,  el 
leur  conclusion  est  necessairement  extravagante  ou  absurdc;  en 
un  mot,  ils  sont  logigties  dans  leur  d61iie.  Aussi,  voyons-nous 
Daire  dficlarer  a  des  temoins  entendus  dans  I’enquele,  qu’il  n’a 
pas  la  l§te  a  lui,  qu’il  ne  pent  pas  vivre  seul  et  qu’il  se  tuera. 
Gel  homrae  est  son  propre  juge,  il  s’appr6cie  lui-meme,  se  rend 
compte  de  son  isolement  et  du  desastrc  de  ses  facultes  men- 
tales  ! 

TROISlitME  QUESTION. 

Nous  sommes  au  22  avril.  Daire,  de  plus  en  plusobs6d6  par 
ses  maladives  impulsions,  et  dans  un  6tat  complet  de  c6cit6 
d’esprit,  met  a  execution  son  projet  de  suicide  el  se  pend.  De 
prompts  secours  surviennent  ;  on  coupe  la  corde  et  le  pendii 
est  rappele  a  la  vie. 

En  commettant  cet  attentat  sur  lui-meme,  Daire  a  lleclii 
sous  I’oppression  mentale  et  a  ct6  enliferement  subjugud  par  la 
lesion  cerfibrale.  Il  n’a  pas  plus  resistSa  la  fascination  morbide 
de  la  mort  qu’il  n’a  r4sisl6,  quelques  heures  plus  tard,  aux  sug¬ 
gestions  qui  I’ont  assailli. 


A  L’OCCASION  DU  TESTAMENT  D’DN  SUlClDfi.  245 

IndifTSrents,  etrangers  a  tout,  les  alcoolises  arriv(5s  a  celte 
pfiriode  sont  exposes  a  ddKrer  automatiquement  a  la  premiere 
impulsion'  venue ,  et  ils  ne  tcntent  meme  pas  centre  elle 
uiie  lutte  inutile.  A  ce  p6rilleux  instant,  la  cupiditfi  veille  et 
tons  les  pi^ges  sont  tendus  aux  malades  par  la  plus  honleuse 
convoitise. 

Quelques  heurcs  apres  sa  tentative  de  suicide,  Daire  a  fait  un 
testament  et  a  ddsh6rite  tons  les  siens.  Get  acte  de  derniere 
volontfi  n’a  dt6  ni  mdrement  souhait6,  ni  librement  consent!, 
car,  le  matin  meme,  Daire  a  failli  mourir  ab  intesl at.  On  lui  a 
done  fait  improviser  des  dispositions  teslamentaires  quel- 
couques  et,  il  faut  bien  le  reconnaitre ,  c’6tait  tristement 
facile. 

Les  jours  suivants,  I’etat  mental  reste  aussi  mauvais,  et  le 
26  avril,  quatre  jours  apr6s  avoir  fait  son  testament,  Daire  se 
brule  la  cervelle. 

Aucun  commentaire  n’est  plus  possible  :  la  folie,  arrivee  a 
son  plus  haul  paroxysme,  avait  obIit6r6  la  volontd^  I’intelli- 
gence  et  la  libertd ;  elle  a  acheve  son  oeuvre  en  amenant  vio- 
lemmentla  destruction  physique. 

CONCLUSIONS. 

1"  Daire,  pendant  toute  sa  vie,  a  presente  des  signes  non 
equivoques  de  faiblesse  d’ esprit ; 

2“  Dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  il  a  ^te  atteint  de  m6- 
lancolie  alcoolique  d’un  caractere  grave ; 

3°  Il  6tait  ali6ne  lorsqu’ii  a  test6  le  22  avril  1863. 

29  avril  1865. 

P.  S.  ■ —  Le  testament  de  Daire,  annule  d’abord  par  le  tri¬ 
bunal  de  premiere  instance  du  Havre,  a  6t6  declare  valable  par 
la  Cour  imp6riale  de  Rouen. 


ETABUSSEME^’TS  B’AIIENES. 


L’ASILE  D’ALIENES  DE  NAUGEAT 

( HAUTE-VIENNE ) 

l>nr  HI.  Ic  docteiir 

Dircclcur-*incdccin  en  chef  do  rdtablissoment,  menibre  correspondtiut 
do  la  Sociele  niddico-psycholo^ique, 


L’asilede  Naugeatest  situe  k  2  kilometres  et  demi  de  Limoges ; 
bati  sur  le  point  cultniiiaiU  d’un  plateau  generalement  fertile,  il 
domiiie  la  partie  sud  de  la  viile  et  la  vall6e  de  la  Vienne  dont  les 
coteanx  disposes  en  amphitheatre  laissent  ii  I’ceil  nu  un  horizon 
des  plus  varie.  Le  petit  village  de  Naiigeat  limite  lesjardiiis 
dans  la  direction  du  sud  et  du  sud  ouest. 

La  superficie  du  terrain  est  de  1 7  hectares,  80  ares,  90  cen- 
tlares,  le  prix  d’acquisitioii  ne  depasse  pas  78  000  francs  pay^s 
jusqu’ii  concurrence  de  li8  000  francs  ii  I’aide  des  fonds  prove- 
nant  de  la  reserve  de  I’asile,  et  le  surplus  par  le  departemenl. 

Le  chilire  de  I’entreprise  devait  s’filever  suivant  I’estimation 
primitive  du  devisa  700000  francs,  puis  a  850  000  francs;  mais 
a  la  suite  de  Iravaux  supplementaires,  la  depense  a  attaint  le 
chift're de  954  290'^L76,  y  compris  les  honoraires de  I’architecte. 
Sur  cette  somme,  I’asile  a  pay6  111  600  francs. 

Si  le  conseil  g6n6ral  decidait  que  les  82  397''%25  restant  dus 
sur  le  chilTre  ci-dessus  seront  a  la  charge  de  I’asile,  s’il  per- 
sistait  a  r(5peter  conire  sa  caisse  110  000  francs  que  le  departe- 
ment  pretend  n’avoir  fournis  qu’a  titre  d’avance,  Naugeat  con- 
tribuerait  h  sa  construction  pour  la  sornme  de  303  997fL25. 
Ajoutons  que,  en  vertu  d'un  contrat  passe  le  5  fdvrier  1858, 
I’ancicn  asile  a  (;l6  vendu  140  000  francs  a  la  viile  de  Limoges. 

La  conliguraiion  du  terrain  pout  eire  representde  par  uii 


L’ASILE  D’AMfiNfiS  DE  NAUGEAT.  Wl 

triangle  irrfigulier,  dent  chacun  des  principaux  c6t6s  aurait  un 
kilometre  de  longueur  alors  que  la  base  suivrait  une  ligne  de 
300  metres  environ  ;  les  batiments  sent  construits  au  centre  du 
triangle;  ils  occupent  un  espace'reciangulairede  240  mOtres  de 
longueur  sur  ISOmetresdeprofondeur.  Cetlecrdationa  faitdispa- 
valtre  les  derniers  vestiges  de  la  chatellenie  de  Naugeat.  L’assielte 
de  r6tablisseinent  repose  au  milieu  d’un  terrain  granitique  sa- 
blonneux,  orient^  du  nord-nord-ouest  au  sud-sud-ouest.  De  la 
plupart  des  prfiaux,  la  vue  d6couvre  des  sites  dont  la  perspec¬ 
tive  r(5ellement  majestueiise  forme  un  immense  panorama  ;  la 
haute  tour  de  I’antique  cath6drale  dedi6e  a  saint  llltienne,  la 
masse  imposante  des  clocliers  de  I'hOpiial,  des  casernes,  enlevent 
au  paysage  ce  caractfere  de  rusticity  que  donnent  h  la  campagne 
les  grandes  chataigneraiesdu  Limousin.  Cependant  les  pulsations 
de  la  ville  industrieuse  ne  troublent  en  rien  le  calme  n6cessaire 
a  cette  retraile  ;  il  semble,  au  contraire,  que  la  nature  dans  un 
effort  general  d’barmonie,  ait  voulu  degager  les  614meiits  dmn 
langage  simple  et  elev6,  afin  de  venir  en  aide  au  jeu  naturel  des 
facultes  (itoulfees  par  les  fictions  du  d61ire. 

Le  roi  de  Navarre  reput  I’hospitalite  au  chiiteau  de  Naugeat; 
cette  visiteest  une  legende  donts’houore  I’histoiredu  vieuxcastel. 

L’asile  se  compose  de  deux  divisions  parfaitement  syme- 
iriques ;  la  premiere,  celle  de  droite,  est  affectee  au  service 
des  homilies;  la  deuxieme,  celle  de  gauche,  au  service  des 
femmes.  Ges  divisions  out  la  forme  d’uii  parallelogramme; 
trois  cotes  sont  couverts  de  pavilions,  deux  grilles  de  fer  ter- 
minent  la  facade  rapprochee  de  i’axe.  L’axe  comprend  la  cour 
d’honneur,  le  batiment  d’administration,  la  cour  des  services 
gen6raux,  le  logemeiit  des  dames  de  Nevers,  la  chapelle,  la 
morgue;  les  cotes  nord-ouest  et  sud-est,  les  plus  importants, 
prfisenteul  unp  longueur  de  .215  m6tres,  ils  sent  paralleles  ;  les 
cotfe  perpendiculaires  a  ceux-ci  sont  d6volus  chacun  a  une 
section  dont  la  longueur  est  de  71  metres.  L’elevation  des 
pavilions  des  rnalades,  celle  des  batiments  des  services  g4n6raui 


2U8  I’ASILE  D’ALlfiNfiS  DE  NAUGEAT. 

est  de  12“, 30.  Seules,  les  sections  des  agitfo  et  des  demenls 
sont  plus  basses;  dn  sol  h  I’entablement,  on  inesure  unc 
hauteur  de  h  metres ;  chaque  section  a  son  preau  exlerieur ; 
I’ecarteraent  des  pavilions  laisse  libre  a  et6  convert!  en  jardins 
d’agrfiment;  un  systeme  de  galeries  tres-16geres,  couvertes  de 
zinc,  soutenues  par  des  colonnes  creuses  de  fonte,  aprte  avoir 
reli6  les  sections  les  unesaux  autres,  les  rattache  immediatement 
aux  services  gfinfiraux. 

L’ensemble  des  constructions,  les preaux,  les  cours  int^rieures, 
occupent  une  superficie  de  U  hectares. 

AXE.  —  Baliment  d' administration.  —  Placfi  ii  50  metres 
en  arrihre  de  deux  pavilions  destines  an  concierge,  le  batiment 
d’admlnistration  est  d’un  bon  style ;  la  facade  principale,  de 
granit  micac6,  accuse  une  architecture  sobre  de  details,  mais 
bien  sentie ;  les  angles  vigoureusement  d6coup6s,  les  joints 
ouverts,  relevent  la  monotouie  qu’entraine  le  dfiveloppement 
des  grandes  lignes  des  ailes ;  les  frises,  les  cordons  unis  a  une 
heureuse  distribution  des  Stages,  produisent  uii  effet  imposant; 
les  fengtres  des  mansardes  5  chapiteaux  sont  peut-elre  d’une 
sculpture  un  peu  massive ;  toutefois  elles  se  dgtachent  heurense- 
ment  sur  le  plan  incling  de  la  couverture  d’ardoise.  Une  partie 
du  rez-de-chaussee  repose  directement  sur  la  voute  des  caves ; 
un  large  passage  avec  trottoirs  le  partage  dans  sa  largeur ;  ce 
couloir  tient  lieu  de  vestibule  aux  bureaux  de  I’administration; 
un  portail  de  hois  de  chene  massif  le  termine  du  c6t6  de  la 
cour  d’honneur,  tandis  qu’une  grille  defer  I’isole  de  la  cour  des 
services ggnfiraux ;  c’est  I’unique  ouverture  faisantcommuniquer 
I’asile  avec  I’exterieur.  Ce  corps  de  logis  contienl  les  bureaux, 
le  logement  du  directeur,  de  I’aumonier,  du  mgdecin  adjoint, 
de  rgconome,  du  secretaire  et  de  I’eieve  interne. 

Batiment  des  services  generaux.  —  A  20  metres  en  arriere 
du  batiment  d’administralion,  se  trouvent  gro.upgs  les  services 
ggneraux ;  cette  construction  de  forme  rectangulaire,  libre  sur 
ses  quatre  cotgs,  se  divise  en  deux  parties,  Tune  spgciale  a  la 


L’ASItE  D’ALlfiNfiS  DE  NAUGEAT.  2^9 

cuisine,  a  la  dfipense,  aux  inagasins  de  reconome,  a  la  tisane- 
rie,  au  bucher,  aux  caves,  k  la  lingerie  ;  I’antre,  h  I’habitation 
des  dames  de  Nevers;  chargkes  de  la  surveillance  de  la  division 
des  femmes;  ces  deux  pavilions  sont  au  centre  de  I’asile  ;  il  esi 
fScheux  qu’ils  n’aiciit  pas  ete  jetes  en  arrieredela  chapelle  qu’ils 
masqucnt  complfiiement. 

Au  rez-de-chauss6e,  un  large  vestibule  facilite  les  communi¬ 
cations  entre  la  cuisine,  la  cave,  la  dkpense  et  la’cour. 

Le  dkveloppement  du  premier  ktage'est  interrompu  par  deux 
terrasses  qui  skpareiit  la  lingerie  du  logement  de  nuit  du  convent ; 
Tune  d’elles  renferme  le  rfiservoir  du  chateau  d’eau. 

Cuisine.  —  La  cuisine  de  forme  rectangulaire  prksente  une 
superficie  de  60  niktres  carets ;  la  hauteur  entre  les  ponts  est  de 
3“,55 ;  un  fourneau  de  briques  rkfraclaires,  arme  de  tolc, 
dirige  le  feu  sous  trois  chaudieres ;  de  larges  foyers  a  plaques 
conduisent  la  chaleur  aux  rechauds,  aux  bassines  nkcessaires 
a  la  preparation  des  regimes  alimentaires ;  au  milieu  de  la  plate- 
forme  du  potager,  directement  sous  la  cheminee  d’aspiraiion, 
s’eifeve  un  coquemard  d’une  conlenance  de  2k8  litres ;  ce  coque- 
mard  estsoude  au  bassin  du  chateau  d’eau  ;  un  robinet  portant 
flotteur  le  fournit  constamment.  Trois  fenetres  aerent  la  cuisine 
dont  le  dallage  est  de  pierre  de  granit;  son  cube  d’air  est  un 
peu  restreint. 

Defense.  —  Destinee  a  recevoir  les  dilferents  objets  du  ser¬ 
vice  de  table  et  les  provisions,  la  depense  est  etablie  vis-k-vis  de 
la  cuisine,  sous  la  lingerie  des  femmes,  dans  une  salle  de  32 
metres  carres,  ou  suivant  le  plan  prlmitif  devait  Otre  la  buan- 
derie.  La  chambre  a  coucher  du  cuisinier  et  une  salle  de  bains 
pour  radministration  entourent  deux  de  ses  cotes. 

Tisanerie.  —  La  tisanerie  est  installee  avec  un  fourneau  et 
des  chaudikres ;  elle  subviendra  largement  a  tons  les  besoins. 

Pharmacie.  —  La  pharmacie  termine  la  partie  nord  de  ce 
pavilion ;  d6s  cette  aniiee  nous  avons  pourvu  a  I’achat  des  bocaux 
de  porcelainenkcessaires  a  la  conservation  des  mkdicaments.  La 


250  L’ASILE  D’ALllilNliS  DE  NAUGEAT. 

surveillance  de  cet  important  service  est  confifie  a  inadatne  la 
superieure  des  dames  de  Nevers. 

Cour.  —  La  cour  des  services  g^nfiraux  est  de  forme  carree. 
Situee  an  centre  des  quatre  ailes  qui  constituent  le  baliment, 
elle  touche  an  chateau  d’eau;  les  appareils  utiles  au  lavage  des 
legumes  ne  sauraient  etre  mieux  plac6s. 

Lingerie.  —  La  lingerie,  grande,  aer6e,  se  divise  eu  deux 
parties;  Tune  recoit  le  linge  des  hommes,  I’autre  le  linge  des 
femmes.  Les  casiers  eloign6s  des  murs  sont  paralliiles  les  tins 
aux  aulres,  une  bonne  ventilation  les  met  a  I’abri  de  I’liumiditfi; 
entre  les  deux  lingeries  se  trouve  un  petit  salon  ou  travaillenl 
quelques  femmes  malades,  habiles  a  la  couture. 

Couvent.  —  Le  convent,  tfes-coraplet  du  reste,  a  son  orienta¬ 
tion  au  midi,  vis-a-vis  de  la  cbapelle,  a  laquelle  le  relient  deux 
branches  de  galei  ies.  Ce  logement  se  compose  au  rez-de-chaussee 
d’une  cuisine,  d’un  salon  de  compaguie,  d’un  oratoire;  au 
premier,  sont  les  chambres  a  coucher. 

Chateau  d’eau.  —  Le  reservoir  d’eau  est  raagonne  au-des- 
sous  de  la  terrasse  sud-ouest;  il  cube  28“,35;  son  revetement 
iHl6rieur  est  de  zinc.  Si  la  contenance  de  ce  bassin,  rc'duite 
aux  previsions  les  plus  ordinaices,  est  aujourd’hui  en  rapport 
avec  la  quantite  d’eau  re^ue  a  I’asile,  on  pent  dire  aiissi 
qu’elle  ne  saurait  suffire  a  I’fitablissement  pour  les  besoins 
duquel  il  faudrait  au  moins  uii  deuxierae  bassin  de  ra0me 
profondeur  qui  viendrait  en  aide  au  premier  dans  le  cas  ou 
celui-ci  exigerait  quelques  reparations. 

Chapelle.  —  La  chapelle,  d’une  longueur  de  22“, 40,  et 
d’une  largueur  de  8“,82,  emprunte  sa  forme  architecturalc  au 
style  neo-grec.  Sa  facade  estcTegranit  rose,  d’un  beau  choix;  les 
pilastres  des  angles,  le  portail  surmont6  d’un  fronton  denii- 
circulaire  au  centre  duquel  I’artiste  a  sculpt6  deux  anges  age- 
nouilles,  rchaussent  le  caractere  de  ce  monument.  Le  campanile 
ne  manque  pouit  de  legerete,  les  timbres  sur  lesquels  frappent 
les  marteaux  de  I’horloge  ont  6t6  fix6s  it  I’int^rieur  do  ce  clocher 


l’asile  d  ali£n£s  de  naugeat.  251 

a  jour ;  sept  ouverlures  cintr6es,  aux  croisillons  de  fer,  garois 
de  panneaux  de  verre  peinls  eh  grisaille,  hclaireiit  la  chapelle  ; 
un  beau  vilrail  represenlant  la  Viergea  I'enfantd^core  la  fenStre 
de  la  facade  principale;  deux  portes  lateralos  facililent  lemou- 
vementdes  divisions;  une  balustrade  de  fer  shpare  lesanctuaire 
de  la  nef. 

La  peiiUure  de  la  coupole  d’uu  beau  travail  est  due  h  un  pein- 
tre  limousin  ;  le  Christ  consolalcur  en  est  le  sujet.  A  coup  sur 
on  aurait  beaucoup  a  dire  de  cetle  fresque  a  peine  ebauchhe  sur 
plusieurs  points;  neanmoins,  lout  en  sigualant  certains  d6- 
fauts,  on  doit  reconnaitre  que  I’auteur,  M.  Gardelle,  ancien 
grand  prix  de  Rome,  a  donne  de  nouvelles  preuves  de  la  vigueur 
et  de  la  surelh  de  son  pinceau. 

Le  ciriire  du  clioeur  est  orn6  de  culs-de-lampe  en  relief  diver- 
sement  colories;  hue  cloison  en  nicnuiserie  dresshe  dans  la  lon¬ 
gueur  de  la  nef  permet  aux  alihnds  des  denx  sexes  d’assister  sans 
se  voir  aux  offices.  Le  plafond  est  a  coinparlimenis  &  caissons ; 
sous  le  porche,  a  gauche  en  entrant,  se  deroule  I’escalier  de  la 
tribune  rdservee  a  I’adniinistralion.  Modesle  retraite  oii  la  dou- 
leur  prie  toujours  avec  ferveur,  ou  la  foi  survit  souvent  aux  de- 
cheances  de  la  raison.  La  chapelle  un  peu  dlroile  aurait  pu 
alfecler  la  forme  d’line  croix  laliiie;  c’eul  die  le  inoyen,  en  isolant 
les  malades  dpileptiques,  de  souslraire  la  population  au  spectacle 
pdiiible  et  dmuuvant  d’allaques  que  prdcfcdent  soiiveiil  ties  actes 
tie  violences. 

La  morgue  et  I’amphi theatre  terminent  I’axe. 

Distribution  de  ckaque  division.  —  A  Neaugeat,  le  classe- 
raent  des  d,ivisions  est  diabli  conforradment  a  uno  judicieuse 
appreciation  des  besoins  varids  de  ralidnd.  Isoleinent  et  vie  en 
commun,  telle  est  la  double  loi  qui  a  prdsidd  an  plan  de  I’asile. 
Avec  ceite  pensee  sdi  ieusemcni  raise  en  pratique,  non-seulement 
le  contact  etie  rapprochement  incessants  des  malades  sont  sans 
inconvdnienis,  mais  encore  ils  aidciU  ii  la  gudrison,  au  bieii-Ctre 
du  tons.  Six  sections  sont  ddvukies  a  ebaque  sexe  :  la  premidre 


■252  L’ASILli  d’aliEines  ok  naugkat. 

rdunit  I’inlirmerie,  les  convalescents,  les  vieillaids;  la  deuxifeme, 
les  raalades  pensionnaires  des  trois  premicnes  classes;  la  iroi- 
sieme,  les  alienes  tranquilles  en  traiteraent  et  les  alieiies 
Iranquilles  incurables;  la  quatrieme,  les  malades  agitfo  dange- 
reux  ;  la  cinquieme,  les  epilepliques  ali6n6s;  la  sixieme,  les  iin- 
b6cilles,  les  idiots,  les  dements,  les  paralytiques  ;  I’oeil  le  plus 
inquisiteur  ne  saurail  trouver  de  dilKrence  dans  les  details  des 
deux  divisions.  Chaque  section  a  ses  dortoirs,  un  pr6au,  des 
refectoircs,  unesalle  de  bains,  une  entree  distincte,  tin  personnel 
special.  Cc  systeme  largement  applique  a  permis  de  concentrer 
les  cat6gories,  de  les  reunir  par  groupes  tout  en  separant  les 
types.  A  part  quelques  imperfections  que  Ton  rencontre  dans 
les  divers  systemes,  cette  organisation  due  a  la  haute  experience 
^le  M.  I’inspecteur  general  Parchappe,  dont  cbacun  de  nous 
regrette  si  profondenient  la  perte,  reflfete  la  derni6re  expression 
de  la  science  appliqu6e  au  traitement  de  I’aliene.  La  medecine 
a  prete  son  concours  a  I’architecture  pour  faire  de  cet  6tablisse- 
meut  un  instrument  puissant  de  gnerison.  L’absence  de  grilles 
aux  fenetres,  de  belles  plantations,  des  lleurs,  donnent  a  Naugeat 
un  aspect  qui  rejouit  autant  qu’il  rassure.  La  population  de 
I’asile  s’est  filev^e  a  trois  cent  quatre-vingt-dix  abends,  trois  cent 
quarante  indigents  et  cinquante  malades  au  compte  des  families. 

Division  generale.  —  Les  chaulToirs^  les  rfifectoires,  les  cabi¬ 
nets  de  toilette,  les  ecoles,  les  ateliers,  les  bains,  out  et6  concen¬ 
tres  au  rez-de-chaussee ;  la  chambre  du  surveillant  en  chef,  les 
dortoirs  occupent  le  premier  6tage. 

Infirmerie.  —  L’infirmerie  se  compose  au  premier  6tage  de 
deux  salles  que  separe  la  chambre  a  coucher  de  I’infirmier. 
La  premiere  salle  appartient  aux  pensionnaires ;  la  deuxifime  aux 
indigents;  cette  dernifere  cube  un  volume  d’air  de  238™, 56, 
elle  contient  neuf  lits  de  fer,  elle  est  eclairee  par  quatre  fenStres 
orientSes  du  sud-ouest  au  nord-ouest ;  la  salle n“l  cube83“,53, 
elle  peut  recevoir  trois  malades ;  grace  &  un  mode  particulier 
de  construction,  les  appartements  du  m^decin  en  chef  commu- 


t'AStLt!  D'AttErfk  DE  NAUGEA't.  ^5^ 

liiquertt  directemeiit  aux  infirmeries ;  malgre  ses  iiicon.venienls, 
cette  disposition  esl  heureuse  au  point  do  vue  de  rinslantaneitfi 
des  secours  et  de  la  surveillance  generale. 

Vieillards,  enfants  et  convalescents.  —  Le  batiraent  des 
enfants,  des  vieillards  et  des  convalescenls,  a  ete  installd  a  cote 
des  infirmeries;  la  cour,  les  bains,  sent  coinrauns  &  ces  deux 
subdivisions  ;  le  dortoir  des  vieillards  est  afrd  par  six  feuStres, 
sa  contenance  en  metres  cubes  est  de  3126'", 4  ;  il  a  treize  lits. 
Le  dortoir  des  enfants  et  des  convalescents  est  moins  grand, 
son  cube  est  de  240  metres,  quatre  fenctres  servent  a  la  ventila¬ 
tion  du  jour ;  nous  y  avons  placfi  onze  lits.  Un  chauffoir 
r6serv6  aux  enfants  ali6nes  de  la  division  des  homines  a  6t6 
converli  en  atelier  de  couture.  L’asile  iStait  trop  interesse  ii 
fabriquer  les  v6tements  necessaires  ii  sa  population  pour  qu’il 
n’y  cut  pas  nficessite  a  r6parer  cette  omission  du  plan  ge¬ 
neral. 

deuxiEme  SECTION.  ■  —  Pensionnat.  —  ^levees  a  I’extremite 
des  ailesde  la  facade  principale,  ces  deux  sections,  grandes,  aerecs 
et  couvcnablement  divisdes,  couticndront  cinquante  malades  au 
moins.  Le  rez-de-chauss4e  renferme  :  tine  vastesalle  de  compa- 
gnie  situee  a  I’extremite  la  plus  eloignee  du  pavilion,  un  refec- 
loire,  des  cellules,  une  salle  de  bains,  un  dortoir,  un  cabinet  de 
surveillant,  une  rotonde  ou  salon  d’isoleinent.  Le  dortoir  cube 
162"', 12,  il  a  six  lits;  le  cube  de  cbacune  des  cinq  cliambres  au 
rez-de-chaussee est  de  75'”,2I.  Le  vestibule  sert  souvent  a  I’ha- 
bitation  du  jour;  large  et  long,  il  constilue,  en  hiver,  un  joli 
promenoir  abrite,  qui  rend  facile  la  surveillance  des  malades 
auxquels  le  s(5jour  a  la  chambre  est  impose.  G’est  la  ou  I’aliene 
doit  raeriter  la  permission  de  s’occuperde  lecture,  et  conquerir 
sa  place  au  rfifectoire,  a  la  vie  commune. 

Le  premier  6tage  est  reservfi  agx  pensionnaires  de  premiere 
et  de  deuxierae  classe ;  sa  dimension  est  celle de  I’dtage inferieur ; 
les  cliambres  sont  parquetecs,  plafonn^es  et  tapissees ;  cinq 
d’elitreellfisrecoiventrair  chaud  du  calorifbre,  garaniie  prdcieuse 


254  r’ASir.E  d’auMs  de  isaugeat. 

qui  met  I’aliene  coiiipletcinem  a  I’abri  des  accidents  qu’enlraine 

souvent  le  mode  ordinaire  de  chaulTage. 

Le  chaulTage  par  rayonnement  a  lieu  seulement  dans  le  salon 
de  compagnie.  Lc  premier  6tage  se  compose  de  onze  cham- 
bres;  une  de  86'", 79  cubes,  une  de  68“', 79  cubes,  deux  de 
60“,70  cubes,  huit  de  63'", 91  cubes.  Ges  chambres  occupees 
par  les  malades  de  premiere  classe  et  cjuelques-uns  de  la 
deuxieme  calegorie  out  cliacune  une  fenetre  d’ou  la  vuc  dominc 
la  campagne;  un  spacieux  jardin  dessin6  a  I’anglaise  enloure  la 
section  dans  la  direction  du  nord-ouest ;  des  massifs  d’arbris- 
seaux,  utiles  a  I’isolement,  ne  genent  en  rien  la  surveillance. 
Le  raalade  y  prend  un  salulaireexercice  en  attendant  le  moment 
on  le  calme  des  faculles  inlellectuelles  le  mettra  a  meme  de 
profiler  des  belles  promenades  qui  entourent  I’etablissement, 
Depuis  quelque  temps  nous  avons  coraplfiteraent  separ6  la 
section  des  pensionnaires  femmes  de  la  section  des  femmes 
indigentes:  une  rauraille  6levee  a  I’extremite  du  prfiau  de  la 
ti'oisieme  section  lai.sse  les  travailleurs  et  les  travailleuses  se 
mouvoir,  ailer  a  la  ferine,  a  la  buanderie,  sans  troubler  les  ma¬ 
lades  retires  vers  cette  partie  du  pensionnat.  Dans  quelques  an- 
nees,  quand  le  mobilier  sera  enlierement  achete,  quand  les 
arbres  du  jardin  auront  graiidi,  iNeaugeat,^  avec  quelques  pavil¬ 
ions  isoles,  possedera  un  quartier  tres-complet. 

TKOiStiiME  SECTION.  —  Malades  D'anquilles,  chroniques  ou 
en  traitemcnt.  —  Cette  section,  la  plus  importante  des  six, 
s’elcve  perpeudiculairernent  aux  grandes  facades ;  elle  abrite 
soixan:e  malades.  Deux  cliaulloirs,  deux  refecloires,  une  salle 
de  toilette,  une,  salle  de  bains,  un  atelier  de  menuiserie  pour  la 
section  des  homines,  un  ouvroir  cliez  les  femmes,  deux  cabi¬ 
nets  d’aisance  ont  et6  menages'entre  les  jardins  et  les  galeries. 
Ghaque  chauffoir  a  ses  malades  sp6ciaux  :  le  premier  reuuit  les 
maniaques  en  apparence  tranquilles,  mais  de  temps  a  autres  im 
pen  agitds  et  passagerement  turbulents  ;  le  second,  les  lyp6- 
mauiaques,  les  melancoliques,  les  fous  atleints  de  d61ire  partiel, 


L’ASILE  D’ALIENliS  DE  NAUGEAT. 


255 


en  uii  mot,  ceite  s6ried’alien6squi,  instinctivement,  recherchent 
I’absence  de  tout  bruit  el  chez  lesquels  il  importe  au  plus  haul 
point  de  calmer  I’fitat  plir6nalgique.  A  des  heures  d(5lermin6es, 
cet  appartement  est  couverti  eii  salle  d’ecole.  Oriente  dans  la 
direction  de  I’ouest,  le  preau  se  developpe  sur  une  largeur  de 
71  metres;  il  a  2676  metres  carr6s.  Les  plantations,  les  allies 
d’un  jardin  que  nous  sorames  ii  meme  d’(5tablir,  attenueroiit  le 
bruit,  protdgeront  I’aliene  centre  cette  anxiete  dont  les  fondc- 
ments,  quoique  vagues  et  incertains,  sOnt  le  pr61ude  ordinaire  de 
vives  tortures  morales.  Un  escalier  it  cage  plcine  met  en  coiimiu- 
nication  le  rez-de-chaussee  avec  les  irois  dortoirs  du  premier 
etage  ;  le  dortoir  n“  1  contient  vingt-trois  bts.  sa  loimuenr 
est  de  20™,  1 5,  sa  largeur  de  7“,80,  sa  hauteur  de  3"', 53,  il 
cube  55A'",81 ;  dix  fenetres  servent  it  la  ventilation.  Le  dortoir 
n“  2  est  i)lus  petit ;  le  couloir  conduisant  au  troisierae  dortoir  a 
conlraintrarchitecle  a  61ever  iinecloison  qui  le  resserreet  rend 
sa  ventilation  incomplete.  Cette  salle  de  douze  lits  cube  270™, 32; 
le  dortoir  n“  3  a  dix-huit  lits  el  huit  fenetres,  il  cube  39A“,7?i. 
La  chambre  du  surveillant  en  chef  chez  les  lioinmes,  la  chambre 
des  religieuses  preposees  a  la  surveillance  de  la  troisierae  sec¬ 
tion  des  femmes,  out  etc  disposees  entre  ce  dortoir  et  le  dor¬ 
toir  n"  2.  La  mesure  prise  relativement  au  domicile  de  jour  est 
appliqude  a  la  r6sidence  de  nuit.  La  encore  nous  avons  6tabli 
des  distinctions  reposant  sur  la  nature  et  les  manifestations  de 
la  maladie ;  le  dortoir  n°  1  recoil  les  maniaques  tranquilles 
incurables;  les  dortoirs  n”^  2  et  3,  les  maniaques,  les  lypema- 
niaques  chez  lesquels  la  folie  se  complique  d’cxcitation  nocturne 
intermittente;  la  majorite  des  lypeinauiaques  couche  au  dortoir 
n"  2. 

QUATRitME  SECTION.  —  MaladcS  agites.  —  ComposOc  uni- 
qneinent  d’un  rez-de-cliauss6e,  cette  section  est  devolue  aux 
malades  violents,  agitds  et  reellement  dangereux.  La  longueur 
dn  batiment  est  de  28  metres,  la  largeur  de  9  metres.  Le  chauf-, 
foil',  le  dortoir,  la  salle  des  bains,  les  loges,  ouvrentsur  ua  ves-  ; 


356  r.*Asiti;  n’AtifeNfis  mi  NAilGEAt. 

libule  qui  riignc  le  long  cle  la  facade  nord-ouest ;  le  dortoirmesufe 
one  longueur  de  5"’, 66,  sa  superficie  est  de  31"‘,92  carrds ; 
qiioique  d’apres  le  plan  il  doive  contenir  huit  lits,  il  ne  pent 
reellement  pas  en  recevoir  plus  de  six. 

line  salle  de  bains  a  deux  baignoires  sdpare  les  loges  du  dor- 
toir,  laissant  ainsi  isoles  pendant  la  nuit  quelques  agitds,  parfois 
un  pen  cahnes;  la  proportion  des  loges  est  d’environ  3,95  pour 
f  00  chez  les  honimes  et  Zi,02  pour  100  cliez  les  femmes.  Huit 
de  ces  loges  conligues  facilitent  la  s6questration  des  alidnds  aux- 
quels  il  est  impossible  d’accorder  les  bienfaitsde  la  vie  commune ; 
elles  presenteiil  de  bonnes  conditions  hygifiniques;  la  hauteur 
est  de  3'”, 50,  la  longueur,  de  4“,20,  la  largeur,  de  2'", 15,  soit 
un  cube  do  36“, 1.  Des  volets  pieins  que  Ton  manoeuvre  du  de¬ 
hors  permettent  a  volontd  de  plonger  le  malade  dans  I’obscurite ; 
les  portcs  d’entree  deviont  etre  munies  d’un  judas  armd  d’oper- 
cides  mobiles,  ouvraiit  sur  la  galerie  interieure.  Il  est  facheux 
que  des  credits  insullisants  aient  empfiche  de  couvrir  les  parois 
des  loges  de  lambris  de  bois  peint ;  uii  revelement  de  2  m6tres 
de  hauteur  eut  restreint  la  sonorite  et  rendu  moins  coQteuse  la 
lenue  des  murs  frdquerament  sails  et  dfigradiSs.  Disons  en  outre 
que  les  cellules  ne  sent  pas  chauff5es  et  qu’il  est  urgent  d’6tablir 
un  calorifere  ii  eau  chaude  afm  de  dirainuer  les  chances  de 
refroidissement  auxquelles  s’exposent  frequerament  les  malades 
pousses  horsdu  lit  par  I’insomnie,  ragitalion,  les  hallucinations; 
malgre  ces  dispositions  defectueuses,  la  section  des  hommes  agi- 
les  n’en  est  pas  moins  privil^giee  en  ce  sens  que  grace  a  Tiri'd- 
gularite  du  terrain,  nous  avons  fitabli  une  large  terrasse  au-dessus 
de  la  cour.  Le  peu  d’dldvation  du  inur  de  clOture  n’enl6ve  rien 
de  son  charrae  au  mouvement  du  paysage;  enfin,  I’aliend  dont 
I’excitation  rdclame  tout  a  la  fois  une  certaine  somme  de  liberte 
el  I’absence  d’impressions  trouve  un  abri  au  milieu  de  la 
cour  intdrieure  ou  la  surveillance  est  d’autant  plus  efficace 
qu’elle  est  moins  senile.  Il  y  a  la  dvidemment  une  nouvelle 
cause  cle  sedation  qui  vient  puissamment  en  aide  a  I’inlluencc 


I-’ASILE  D’ALlfiNfiS  DE  NAUGEAT.  257 

de  I’isolement;  le  passage  qui  sfipare  la  troisieme  seclioii  de  la 
quati’ifeme  ne  mesure  pas  au  delk  de  4“,50.  Les  malades  de  la 
troisieme  section,  impressionnableset  faciles  a  trouble  ,  auraient 
dcmande  a  etre  inoins  rapprocb6s  de  cette  categoric,  toujours 
bruyante  et  agit6e. 

ciNQUibME  SECTION.  —  E pUeptiqucs.  —  La  plus  terrible 
des  nevroses,  I’fipilepsie  coinpliquee  defolie,  possbdeun  refuge  ii 
I’asile  de  Neaugeal.  Placfe  enlre  la  section  des  agit6s  et  celle  des 
dements  paralyliques,  ces  deux  quartiers  sont  orientds  an  sud- 
sud-ouest;  chacun  d’eux  contient  soixanle  malades.  Le  refectoire 
et  le  cliauffoir  s’6tendent  a  gauche  du  vestibule;  les  loges  des 
6pilepliques  bruyanls,  dangereux,  malpropres,  se  irouvenl  a 
droite.  Ces  loges  aboutissent  au  preau  et  au  couloir  qui  con¬ 
duit  a  la  salle  des  bains;  chacune  d’elles  est  ficlairfie  par  une 
feufitrc  a  cremone  fixe;  leur  cube  est  de  32”, 11.  Au  pre¬ 
mier  elage  ont  et6  installes  les  dortoirs  et  I’infirmerie.  Le 
dortoir  n"  1  cube  on  compte  vingt  fits  dans  chaque 

salle.  Les  preaux  sont  tres-suffisants ;  celui  des  epileptiques 
hoinmes  est  d’un  stSjour  d’autant  plus  agrfiable  que  passant  au- 
dessus  d’un  saut  de  loup  habilement  pratique,  la  vue  gagne 
les  campagnes  environnantes.  Des  gazons,  des  massifs  orn^s  de 
fleurs,  eloigiient  de  cette  cour  le  caractere  de  tristesse  inherent 
a  une  reunion  de  malades  aussi  crnellement  atteints. 

sixiiJME  SECTION.  —  Dements  parahjtiques ,  idiots,  gdteiix. 
—  Vis-a-vis  des  infirmeries,  en  se  rapprochant  de  I’axe  de  I’^ta- 
blissement,  on  arrive  it  la  sixieme  section,  qu’un  espace  de 
10”, 40  sfipare  de  la  chapelle;  un  vestibule,  un  dortoir,  un 
chauffoir,  un  cabinet  ou  sont  ranges  les  buffets,  une  salle  de 
bains  a  deux  baignoires,  telle  est  la  composition  de  ce  quartier; 
le  chauffoir  cube  93”, 68;  il  sert  aussi  de  rfifectoire.  Le  dortoir 
est  organise  pour  quinze  fits,  il  a  11”, 50  de  longueur,  et 
7”, 85  de  largeur,  sur  une  hauteur  de  3”, 50,  soit  un  cube  de 
297”, 90.  Six  fenetres  aident  au  renouvellement  de  I’air; 
dies  prennent  jour,  les  imes  sur  le  jardin,  les  aulrcs  directe- 
ANNAL.  iiED. -PSYCH.  4'  scrie,  t.  ix.  Mars  1867.  5.  17 


258 


l’asile  d’ali£nEs  de  naugeat. 


inent  sous  les  galerics.  Ges  sections  soul  les  seules  ou  les  dortoirs 
presentent  cette  disposition :  la  cour  est  convertie  eii  jardin; 
bientot  une  partie  de  a  inuraille  sera  abaissee  et  une  large  ou- 
verture  laissera  penfitrer  aupres  de  cette  categoric  d’ali6n6s 
ddprimes,  sans  reaction,  un  air  plus  pur,  plus  vivifiant. 

Quelque  inconvenient  qui  resulte  d’affecter  le  rez-de-chauss6c 
aux  habitations  de  nuit,  il  n’6tait  guere  possible  d’dtablir  un 
premier  etage  dans  une  section  destinee  a  des  malades  ,  impo¬ 
tents,  idiots,  gateux,  paralytiques,  sachant  a  peine  se  raouvoir, 
indilTfirents  a  tout  danger.  Le  refectoire  et  le  chaulToir  sont 
r6uDis ;  il  semble  cependant  que  la  propretfi  si  difficile  a  main  • 
tenir  dans  ce  milieu  indiquait  I’urgence  d’une  salle  it  manger 
entierement  Isolde  et  spdciale. 

Bains.  —  L’asile  compte  douze  salles  de  bains  distinctes ;  les 
ones  sont  parquetees,  les  autres  sont  bitumdes;  les  baignoires, 
de  cuivre  dlamd,  entrent  dans  le  sol  a  1 0  centimetres  environ  : 
voici  leur  dimension. 

BAIGNOIRES  D’HOHHES.  BAIGNOIRES  DE  FEMMES. 

Longueur .  1“,35  Longueur .  l'",20 

Largeur .  0"',58  Largeur .  O'", 54 

Profondeur .  0"’,45  Profondeur . O'", 45 

Moyenne .  O'", 352. 25  Moyenne .  O'", 311. 4 

Un  couvercle  de  tole  forte,  dcliancrd  au  niveau  du  cou,  main- 
tient ,  les  malades  rdcalcitrants  et  retarde  le  refroidissement  de 
I’eau;  la  chaudiere,  le  fourneau,  sont'reldguds  dans  le  sous-sol. 
Au  pensionnat,  on  autilisd  ces  fourneaux  en  soudant  sur  un  point 
de  leur  circonfdrence,  un  tuyau  apte  a  conduire  I’air  chaud  aux 
couloirs  et  aux  cellules.  Par  un  ingdnieux  mdcanisrae,  I’eau  que 
a  vapeur  chasse  des  chaudidres  apres  dtre  moutde  a  la  partie 
supdrieure  du  pied  de  la  baignoire  retombe  et  se  mdle  avec  I’eau 
froide  qui  pdndtre  par  le  fond.  En  laissant  la  colonne  d’eau 
chaude  exposde  a  la  vue,  nous  avons  eu  un  double  but,  dveiller 
I’attention  du  chef  baigneur,  tacher  d’dviter  les  graves  accidents 
qui  peuvent  se  produire  alors  que  I’eau  chaude  et  I’eau  froide 


L’ASILE  D’ALlfiNeS  DE  NAUGEAT.  259 

arrivent  iiiapercues  a  la  baignoire.  Los  l  obiuels  dissimules  dans 
le  plancher  ne  sauraient  etre  ouverts  sans  le  surveillant  charge 
de  ce  service. 

Quoique  cette  organisation  de  salles  mullipli6es  permelte  a 
rali6n6  d’arriver  aux  bains,  d’y  rester,  d’cn  sortir  sans  etre 
gene,  il  fa  lit  aussi  reconnaitre  que  I’entretien  et  le  chaulTage  d’un 
grand  nombre  de  chaudieres  deviennent  irfes-onereux,  et  qu’il 
serait  d’liiie  bonne  administration  de  parer  a  cette  lacune. 

Conlrairement  a  1  opinion  gfinerale,  qui  vent  que  dans  cbaque 
asile  la  douche  vienne  souvent  en  aide  aux  moyeus  inoraux, 
Naugeat  est  depoiirvu  de  ces  appareils;  signalons  figaleraent 
pour  la  regretter  I'abseiice  d’etuves,  d’uue  piscine,  etc.,  etc. 

Fenetres.  —  Les  fenetresdes  chambres  du  pensionnat,  cedes 
des  dcrtoirs  des  sections,  sont  it  cremones,  mats  sans  grilles : 
des  croisillons  de  fer  reinplacenl  ce  mode  diisagrdable  de  pro¬ 
tection  ;  les  carreaux  out  une  largeur  de  2U  centimetres;  cette 
dimension  est  calculee  de  telle  sorte  qu'un  malade  ne  puisse  daus 
aucun  cas  tenter  avec  succes  une  evasion. 

Cabinets  d'aisances.  —  Dans  tout  etablissement  important, 
I’installation  des  lieux  d’aisances constitue  unedifficultfi  d’autaut 
plus  grande,  qii’ii  cote  de  la  question  de  bien-fitre  et  de  conve- 
nance,  se  trouve  une  question  d’hygifene  dont  il  faut  egalement 
tenir  comple.  A  Naugeat,  les  latrines  des  sections  bordent 
I’etroit  passage  par  lequel  les  quartiers  communiquent  avec  les 
pr6aux  ;  leur  disposition  ne  pr6seiite  rien  de  pariiculier ;  les 
raatieres  f^cales  recues  dans  une  tinette  mobile  se  retireut  du 
dehors.  Ce  systeme,  en  apparence  des  plus  simples,  a  d’autant 
plus  d’inconvenients  que  partout  on  a  neglige  les  tuyaux  d’as- 
piration,  et  que  malgre  un  service  actif,  et  I’emploi  de  desinfec- 
tants,  on  ne  dissimule  pas  toujours  complfiteraent  I’odeur  fetide 
de  gaz  d6velopp&  par  ces  matieres  6minemraent  fermentes- 
cibles  ;  le  seul  avantage  de  ces  latrines  est  d’etre  d’un  accfis 
commode;  il  y  aura  la  d’importantes  modifications  a  iutroduire. 

C/iau/fage,  —  Les  salles  sont  chaull^ies  avec  des  pofiles  fixes 


260 


L’ASILE  D’ALIfiwfiS  DE  NAOGEAT. 


de  fonle  ;  seul,  le  pensionnal  a  niunide  caloriferes  qni 
rfipandent  une  bonne  temp6raturc  dans  un  grand  noinbre  de 
chambres.  Les  celiules  des  agites  ne  beneficient  point  do  ceUe 
disposition. 

En  gfindral,  pendant  les  journfies  d’hiver,  la  temperature 
est  entretenue  a  15  degrfo  centigrades ;  tontefois  il  arrive, 
lorsquela  ventilation  du  chanffoircstabondanle,  qu’elleatteintlS 
et  20  degres.  Aussi  pour  quelques  sections,  aurions-nous  desire 
voir  employer  le  chauffage  par  circulation  d’eau  chaude.  A  cote 
des  bdnefices  du  chauffage  au  poele,  un  des  plus  ficonomiques,  se 
trouve  un  inconvenient  s6rieux:  I’air  de.ssdche  n’ast  pas  sufli- 
samment  renouvel6 ;  quant  au  calorifere,  il  concentre  dans  les 
appartements  un  air  bruld,  propre  a  irriter  les  muqueuses  et 
nuisible  aux  inalades  atteints  d’affeclions  organiques  du  poumon 
ou  du  coeur;  il  serait  done  convenable  d’accorder  a  certaines 
categories  d’alienes  un  chauffage  par  circulation  d’eau  chaude, 
mode  precieuxqui  distribueraitanx  salles  les  quantites  d’air  pur 
necessaires. 

Murs  d' enceinte.  —  Pendant  que  les  cotes  sudet  sud-oucsi  du 
mur  d’enceinte  out  plus  de  10  metres  d’eievation,  les  facades 
opposees  mesurent  a  peine  2“,50;  les  murailles  d’enceinte  sont 
recouvertes  d’un  chaperon  ci  deux  pentes ;  il  en  est  de  meme 
de  cedes  des  separations  des  sections ;  les  unes  et  les  autres  he 
sont  point  crepies. 

Inconvenients  a  signaler.  —  Nous  n’avons  point  a  nous  occu- 
per  ici  des  defauts  inhdrents  au  plan  general  de  I’asile  de  Nau- 
geat;  Chambdry,  Rodez,  Saint-Robert,  presentent  des  vices  d’or- 
ganisation  plus  graves  que  ceux  que  nous  signalerious ;  il  en 
est  de  mSme  des  lignes  circulaires  d’llleneau,  du  systeme  dei 
pavilions  paralleles  de  Nantes  et  de  celui  d’Auxerre  un  des  plus 
complets  selon  nous.  Ce  que  nous  voulons,  e’est  indiquer  rapi- 
dement  les  omissions  de  construction  que  des  cr6dits  limitds 
out  imposees  it  I’architecte  du  departement. 

Ventilation.  —  L’hygiene  comrnancle  de  donner  au  domicile 


l’asile  d’au£n£s  de  naugeat.  261 

de  I’homaie  la  plus  grande  soinme  d’air  neuf.  Ce  principe  inap¬ 
plicable  sans  une  ventilation  de  jour  et  de  nuit,  a  6t6  perdu  de 
vue.  Le  sejour  de  nuit  des  alienes  fait  rapidement  acquerir  des 
qualitcs  nuisibles  a  I’air  des  dortoirs.  II  importe  dbs  aujourd’hui 
qu’on  iniroduise  dans  ce  milieu  une  quantite  d’air  suffisant  a 
modifier  les  produils  vicies  de  la  perspiration  et  de  la  respira¬ 
tion.  Le  meilleur  systeme  comme  salubrite  est  le  systeme  par 
aspiration  :  on  I’appliquant,  I’asile  rivaliserait  avec  le  nouveau 
pavilion  de  I’hopital  Necker,  ou  les  inalades  regoivent  un  mini¬ 
mum  de  60  mfetrcs  ii  I'heure;  mais  cet  excellent  systeme  est 
ires-couteux,  et  nous  serons  probablement  obligd  de  lui  substi- 
luor  celui  qui  fonctionne  dans  la  plupart  des  6tabli.ssements 
piinitenciers. 

Greniers,  contrevents.  ■ —  La  suppression  des  greniers,  I’ab- 
sence  de  contrevents,  sonl  une  source  de  courants  d’air  froid 
pendant  I’biver,  de  chaleur  durant  la  saison  d’6t6';  plusieurs  fois 
les  malades  se  sent  plaints,  quelques-uns  out  presentd  des  affec¬ 
tions  prurigineuses  auxquelles  nous  n’avons  point  reconnu  d’au- 
tre  cause ;  enfin,  apres  les  journfe  chaudes  de  juillet  et  d’aout, 
I’absortion  d’un  air  trop  chaud  a  souvent  d6termin6  une  cer- 
taine  agitation  pendant  la  nuit.  Gertes  a  I’aide  d’un  arrosage 
complet,  on  rem6dierait  en  partie  a  cet  echauffement  que  produit 
la  radiation  solaire,  mais  ce  service  possible  si  I’dtablissement 
dtait  suffisamment  approvisionne  d’eau,  ii’a  pu  Stre  entrepris 
jusqu’ii  ce  jour.  Les  divers  pavilions  manquent  done  degreniers- 
mansardes  qui  serviraierit  de  magasins  et  qui,  dans  certains  cas 
d’encombreraent,  fourniraientquelquesdortoirssuppl6mentaires. 
11  reste  encore  a  munir  les  fenetres  de  volets  de  bois  avec  les- 
quels,  apres  avoir  plonge  les  sections  dans  I’obscuritfi,  on  sous- 
trairait  I’alifinS  a  certaines  excitations,  au  trouble,  a  la  crainte, 
qu’entrainent  les  mille  fantfimes  d’une  Inmierc  douteuse. 

Trottoirs.  —  Les  galeries  ne  rempliront  le  but  propose  qu’au- 
jant  qu’elles  seront  compldtement  achevees.  Quoi  que  nous  ayons 
essay'd  jusqu’a  ce  jour,  le  sol  presenle  beaucoup  d’indgalitds, 


262  L’ASILE  D’ALlfiNfiS  DE  NAUGEAT. 

I’absence  de  gi-illes  protectrices  emp6che  de  Ics  livrer  comme 
promenoirs  au  moment  de  I’automne  et  du  priutemps.  Quand 
6tablirons-nous  ces  troltoirs  d’asphalte?  Ce  mastic  bituinineux 
joint  h  une  ligne  de  granit  serait  d’un  lavage  facile  et  le  parpaing 
formant  encorbellement  conduirail  inaperfues  aux  aqueducs 
les  eaux  provenant  des  toitures  et  des  baignoires. 

Dalles.  —  L’absence  de  ces  petiics  auges  bordant  la  loiture 
des  batiments  n’est  pas  sans  @tre  nuisible.  Du  c6(6  des  preaux, 
les  eaux  pluviales  arrivent  directeraenl  ii  la  base  des  murailles  el 
leur  infiltration  entraine  sur  plusieurs  points  une  humiditd  pro- 
fonde. 

Service  des  eaux.  —  Parmi  les  questions  qui  se  produisent  ii 
I’occasion  de  I’installation  de  Naugeat,  la  question  d’approvision- 
nement  de  I’cati  est  sans  contesle  la  plus  importante.  Depuis 
longteraps  la  nficessite  d’eaux  abondantcs  dans  une  maison  desti- 
nee  au  traitement  des  maladies  mentales  est  nettement  indiqu6e ; 
en  signalant  cette  lacune,  on  s’engage  h  la  combler. 

De  diverses  observations,  il  rfoulle  les  donndes  suivantcs :  la 
source  qui,  du  1"  novembre  1864  au  24  mai  1865,  avait  fourni 
20  litres  a  la  minute,  n’a  pas  eu  pendant  I’fitfi  dernier  unemoyenne 
superieure  4  14  litres,  soit  par  an  201  hectolitres,  60  litres, 
alors  que  I’analyse  des  divers  besoins  de  I’asile  6tablit  que  la 
quantity  d’eau  ne  saurait  elre  moindre  de  726  hectolitres,  sa- 
voir  :  besoins  de  la  population  60  hectolitres;  bains,  150 hecto¬ 
litres;  lavoirs,  buanderie,  entrelien  des  bassins,  trois  renouvel- 
lements  d’eau  4  122  hectolitres,  366;  horticulture,  100  hecto¬ 
litres  ;  imprevu,  50  hectolitres;  total,  726  hectolitres.  Les 
ressources  s’dievant  4  201  hectolitres  60  cent.,  le  deficit  est  de 
525  hectolitres;  esp6rons  que  bientot  nous  aurons  4  exposer  les 
lieureux  rdsultats  que  laissent  entrevoir  les  travaux  enlrepris  en 
ddeembre  1866. 

Buanderie.  —  Lorsque  la  population  de  la  maison  de  Bon- 
Secours,  de  Limoges,  a  6t6  transKrde  au  nouvcl  asile,  la  buan- 
dcrie  n’existail  pas ;  pendant  dix-mois  environ,  nous  avons  6l6 


l’ASILE  D’ALlfiNfiS  DE  NAUGEAT.  263 

contraints  de  blanchir  le  linge  hot's  de  la  maison,  inconvenient 
grave,  non-seiilement  an  point  de  vue  economique,  inais  aussi 
eu  egard  a  la  suppression  d’un  eiementde  travail,  naturellement 
devolu  a  la  fetnme  pour  laquellc  il  est  si  difficile  de  trouver  une 
occupation  enlrainant  I’activitfi  musculaire.  Apr^s  un  sfirieux 
examen  de  la  commission  de  surveillance,  I’adrainistration  ayant 
reconnu  que  la  solution  d’une  question  de  cette  importance 
ne  pouvait  6tre  plus  longteraps  ajournfie,  nous  avons  eu,  des 
les  premiers  jours  de  I’exercice  1865,  It  nous  occuper  de  cette 
construction  qui,  aujourd’hui,  est  entidrement  achevee.  . 

La  buanderie  de  Naugeal  se  continue  parallelemeiit  aux  lignes 
de  la  facade  de  I’asile.  Elle  se  compose  de  deux  corps  de  batiment 
en  forme  de  T ;  Tun^  le  plus  grand,  est  orientfi  au  sud-sud-est, 
I’autre  au  nord-nord-ouest,  ce  dernier  perpendiculaire  au  pre¬ 
mier.  Le  batiment  principal  mesure  18“,50delongueur  et  8“, 50 
de  largeur.  Le  batiment  en  retour  presente  une  superficie  de 
ia0”’,71  carr&  ;  du  sol  au  plafond,  I’filSvation  est  de  4“,30  ;  la 
maconnerie  est  do  moelloii,  les  angles  des  ouvertures  sont  de 
gratiit  lailld.  La  plus  grande  parlie  du  premier  6tage  de  bois 
d6coup§  donne  a  cette  construction  I’aspect  d’un  Elegant  chalet ; 
un  bassin  de  9“,65  de  long  suv  l“,a7  de  large  occupe  le  centre 
de  la  salle  du  rez-de-chaussde ;  ce  reservoir  d’eau  dlev6  de  0’“,90 
au^desSuS  du  niveau  du  sol  est  divis6  en  trois  vasques  :  la  vasque 
centrale  offre  une  longueur  de  A“,90.  Quant  aux  deux  autres, 
leur  longueur  rfiunie  mesui-e  5“,l4 ;  les  vasques  n"®  1  et  3  cu- 
bent  3”, 22,  la  vasque  n”  2  cube  5“,76,  total  8"’, 98  cubes 
ou  8980  litres.  Quoique  de  pierres  de  granit,  ces  bassins  ont 
leuts  parois  et  les  separations  recouvertes  d’utte  couche  de  ci- 
ment  romain;  trois  tubes  jettent  en  dehors  le  trop  plein ;  I’eau 
jaillit  sur  les  c6t6s.  Le  batiment  A  aboutit  au  batiment  B  par  on 
large  couloir  autour  duquel  seront  fixes  des  bancs  de  fer  galva¬ 
nise  destines  a  servir  de  support  au  linge  avant  le  rincagc.  La 
salle 'du  batiment  B  rcnferme  deux  appareils  a  lessive  montes 
sur  fo'urneaux  de  fonte.  De  la  salle  de  lavage,  on  arrive  au  se.- 


264  l’asile  d’ali£n£s  de  maugeat. 

choir  a  air  libre,  a  I’aide  d’un  escalier  double ;  le  s6choir  a  air 
libre  est  couvert ;  les  deux  longues  facades  sont  garnies  de  vo¬ 
lets  mobiles  cjui,  lout  en  abritant  le  Huge  contre  la  pluie,  eta- 
blissent  une  veiiiilaiioii  des  plus  efficaces.  Get  eiendoira  93'", 48 
carres.  De  cliaque  c6t6  de  I’alMe  centrale  sont  suspendus  des 
fds  de  fer  galvanise  ;  les  tricycles  servant  au  transport  du  linge 
peuvent  etre  aclivement  manoeuvres  sous  les  cordes  d’6tendage. 

Sechoir.  —  L’etude  des  divers  systfenies  de  Iniandene  nous  a 
engag6  a  preferer  le  sechoir  fixe  au  s6choir  mobile.  Faire  quo  le 
linge  seche  aussi  bien  qu’a  I’air  libre,  soustraire  i  une  cbaleur 
intense  rouvrier  employe  ii  ce  travail,  s’eiUourer  de  moyens, 
d’une  disposition  simple,  peucouteuse,  tels  etaienl  lesavantages 
que  nous  devious  rechercber ;  ces  avantages  nous  croyons  les 
avoir  trouv6s.  Un  calorifere,  un  secboir,  forment  tout  I’appareil; 
le  calorifere  est  4  caisson;  I’air  chaud  apres  avoir  circuit  h 
travel’s  sept  coffres  de  lole,  r^cbauffe  I’air  froid  aver,  lequel  il 
esten  contact.  Les  sechoirs  ont  et6  installes  sur  im  des  cotds  de 
la  salle  de  repassage,  leurs  cases  re^oivent  I’air  chaud  du  four- 
neau  ;  deux  tiroirs  fabriqufe  a  I’atelier  de  serrurerie  de  I’asile 
souliennent  le  linge  a  I’aide  de  tringles  galvanisfies ;  ces  tiroirs 
que  supporlent  des  roues  de  fonte  glissent  sur  des  rails  fixes : 
quant  a  la  vapeur  d’eau  sortie  du  linge,  une  pariie  descend 
alimenter  le  fourneau  auquel  elle  sert  de  ventilateur,  tandis  que 
I’aulre  se  perd  dans  la  cheminee  ascendanle  du  calorifere;  une 
case  de  sechoir  prepare  500  kilogr.  de  linge  alors  que  I’appareil 
mobile  d’un  prix  double  ne  s6chait  pas  au-dessus  de  250  kilogr. 
L’economie  du  combustible  a  lieu  dans  les  memes  proportions. 

Ferine.  —  On  a  une  idee  assez  exacte  de  la  configuration  de 
la  ferme  de  I’asile  en  appliquant,  aiitour  du  soinmet  d’uu  pla¬ 
teau,  deux  collines,  dont  I’une  serait  franchement  inclinfie  vers 
le  nord,  tandis  que  I’autre  aurait  sa  pente  dirig6e  du  c6t6  du 
midi;  les  champs,  d’une  conlenance  de  10  hectares  environ, 
sont  de  nature  argileuse  plastique  ;  I’^paisseur  de  la  couche  su- 
perficielle  varie  entre  18  et  35  centimetres;  c’estla  ce  que  les 


265 


L’ASlLli  D’AU£n£S  DE  NAUGEAT. 
agriculteurs  considerent  coinme  un  sol  au-dessus  de  la  moyeiine. 
Quant  au  sous-sol,  la  dureld  de  son  tuf  lamellaire  arrele  sou- 
vent  le  laboureur ;  sa  qualild  diffdve  aulant  que  son  aspect. 
Pies  de  la  route  d’Isle  se  trouve  une  bande  d’argile  de  couleur 
claii’e  fertilisee  par  une  coucbe  vegdlale  que  le  temps  et  les  en- 
grais  out  dfiposde,  tandis  qu’a  200  metres  au-dessous,  on  est  en 
presence d’un  terrain  abase  granilique  et  argilo-sableuse  oil 
grandirent  dc  vigoureux  cbataigmers ;  enfm  dans  une  dtendue 
de  10  ares,  tout  pres  du  chateau,  une  partie  du  jardinn’a  pas 
moins  de  O'”, 70  d’une  terre  de  premiere  qualitd.  Cette  derniere 
colline,  compl6tement  exposee  au  not'd,  est  dans  des  conditions 
d’inferiorite  d’autant  plus  nuisibles  que,  d’une  part,  en  raison  de 
la  pente,  les  eaux  enlrainent  plus  facilement  le  principe  actif 
des  fumiers;  que  de  I’autre,  les  rayons  du  soleil  arrivant  oblique- 
ment,  le  sol  revolt  une  quantitc  insuffisante  de  chaleur.  IJn  des 
trois  diements  terreux  manquant  (le  calcaire),  nous  avons  com- 
raencd  la  constitution  du  sol  a  I’aide  d’mi  melange  de  cendres 
eide  residus  de  charbon  de  terre,  dout  les  principes  rdtabliront 
peu  a  peu  I’dquilibre,  tout  en  rendant  la  culture  moins 
exigeante.  Plusieurs  circonstances  nous  laissent  pressentir  que 
pendant  quelque  temps  ces  champs  fourniront  de  raediocres 
rdcoltes ;  I’ecorce  des  arbrcs  fruiliers  est  rugueusc,  le.  IVoment 
d’automne,  les  plantes  tuberculeuses,  out  donud  de  mauvais  rd- 
sultats.  C’est  aux  labours  profonds  a  diviser  le  sol,  aux  composts 
de  chaux  d  I’amender,  aux  fumiers  longs,  aux  litieres  peu  pour- 
ries,  ii  le  couper,  a  rorganiser.  L’examen  de  la  constitution  mi- 
ndralogique  de  ce  petit  domaine  nous  a  conduit  h  ces  conclu¬ 
sions.  Nous  avons  tenu,  des  cette  amide,  a  installer  une  porcherie 
et  une  laiterie  quirendronl  de  vdriiables  services ;  les  animaux  de 
la  porcherie  sent  nourris  de  ddbris  ramassds  dans  les  rdfectoires 
aprds  le  repas.  Perdus  a  I’extrdmitd  infdrieure  des  terrains,  les 
batiments  d’exploitaiion  soni  dans  Ic  plus  mauvais  diat. 

Du  travail  d  Naugeat.  —  Depuis  bien  des  anndes  la  mdde- 
cine  menlale  a  compris  qu’il  importait  d’imprimer  a  I’activitd 


266  L’ASILE  D’ALIfiNfeS  DE  NAUGEAT. 

de  ra!i6n6  line  direction  qui  ieinp6re  sa  mobility  et,  par  uii 
essor  des  facult6s  intellectuelles,  le  rapproche  de  rhorntne  ii 
I’etat  normal ;  mais  cette  loi  est  d’autant  plus  difficile  h  geu6ra- 
liser  chez  le  fou  que  les  iresors  chimfiriques,  les  crainies  et  les 
terreurs  I’exonferent  des  soucis  de  la  vie  ordinaire.  Entrain^ 
par  de  fausses  id6es,  guid6  par  les  instincts  et  les  niauvais  rai- 
sonnements,  n’ayant  d’autreS  soucis  que  la  satisfaction  de  son 
delire ,  il  tonibe  d’autant  plus  rapidement  dans  rannihilation 
que,  nes’appartenant  plus,  ilne  sail  ni  d6veIopper  son  for  int6- 
rieur,  ni  retrouver  le  goOt  du  travail.  En  vain  parle-t-on  de 
laisser  ^  I’ali^nd  sa  liberte ;  le  souhait  des  partisans  de  cette 
doctrine  est  tout  au  moins,  un  souhait  ridicule,  dont  le  rfeullat 
serait  de  rendre  odieux,  par  des  actes  souvent  irrfiparables,  celui 
qui  doit  inspirer  k  tous  la  pitid.  Ce  qui  lui  convient  aprfis  la 
sequestration,  I’agent  curalif  le  plus  sflr  pour  6quilibrer  ses  fa- 
cultds,  estle  travail  harmonise  avec  ses  souvenirs,  avecses  habi¬ 
tudes.  En  presence  de  ses  nouvelles  conceptions,  quand  la 
fantasmagorie  du  deiiroreproduit  comme  presents  des  dtres  qui 
n’ont  jamais  existe,  lorsque  I’entendement  depouille  les  objets 
de  leurs  qualites  pour  les  revetir  de  celles  qu’ils  n’ont  pas,  il 
faut,  par  une  fatigue  musculaire  sagcment  calcuiee,  detourner 
I’aliene  des  preoccupations  qui  I’enchainent  &  I’idde  fixe.  Or, 
rien  mieux  quo  le  chantier  surveille  ne  serta  atteindre  cebut; 
la,  les  sentiments  moraux  font  retour  ;  lii,  le  plus  souvent  une 
saine  raison  se  subsiitue  a  la  folie,  et  I’observateiir  est  tout  sur- 
pris,  alors  que  les  iddes  generales  out  flotte  pendant  longtemps 
comme  des  ombres  indedses,  de  voir  une  occupation  soutenue 
6teindre  ce  feu  de  I’imagination,  decomposer  les  sensations  re¬ 
sultant  de  I’idde  de  tristesse,  de  inelancolie,  et  les  regularise!- 
en  appliquant  re,sprit  a  une  chose  finie.  Ces  quelques  lignes 
expliqueront  I’interGt  qui  se  rattache  a  I’organisation  du  travail 
a-Naugcat. 

Les  mauvaises  conditions,  I'insuffisance  des  jardins  de  I’an- 
cien  etablissement  de  la  rue  des  Anglais,  avaicnt  empfiche  mon 


L’ASILE  D’ALlfiNfiS  DE  NAUGEAT.  267 

honorable  pr^dc'ccsseur  de  diriger  dans  cette  voic  la  grande 
majority  des  malades ;  aussi  nous  sommes-nons  irouvd  en  pr6- 
seiice  d’une  population  qui,  sauf  quelques  exceptions,  avail 
conipl^teinent  perdu  I’habitude  de  se  mouvoir  d’une  maniiire 
utile,  chez  laquelle  il  n’6tait  pas  moins  difficile  de  rdveiller 
I’fimulalion  que  de  faire  vibrer  le  sentiment  de  la  rivalitfi  ;  mais 
lb,  commedanslaplupart  des  difficultfo,  la  patience,  la  douceur, 
la  volontd,  ont  petr  a  peu  trioinpbfi  de  la  plupart  des  obstacles. 
En  nous  reportant  b  ce  qu’dtait  Naugeat  lorsque  les  aI16nes  ont 
pris  po.ssessiou  de  ses  divisions,  nous  voyons  des  inatdriaux 
laisses  cb  et  lb,  des  cours,  des  jardins  sans  nivellement,  sans 
plantations,  des  champs  nfigligfis,  des  terres  improduciibles,  une 
proprietd  ouverte  de  tons  cotes.  Les  changements  opdrds  sont 
dus  b  I’activitd,  au.v  bras  des  travailleurs  de  I’asile  :  trois 
escouades  composes  de  dements,  de  maniaques  tranquilles,  de 
convalescents,  ont  creusfi  des  tranchfies  profondes  et  larges  116- 
cessaires  aux  plantations :  nous  avons  eu  la  satisfaction,  aprfis 
un  apprentiss.ige  .issez  court,  de  voir  plusieurs  d’entre  eux  en 
proie  b  cette  depression,  avant-coureur  de  la  stupeur  et  de  la 
demencc,  revenir  b  une  certaine  activite  morale  precurseur  d’une 
veritable  amelioration.  G’cst  surtout  dans  le  cas  de  meiancolie 
ou  les  consolations  devieuneiit  impuissantes,  I’application  de 
I’esprit  une  chimere,  qu’un  travail  manuel  mis  en  rapport  avec 
les  forces  du  malade  a  rompu  cette  tension  resultat  de  l’6lai 
bypocbondriaque  et  de  la  Icnteur  de  la  vie  cdrebrale. 

Excitant  general,  le  travail  n’exerce  pas  seulement  son  action 
sur  le  sysieme  musculaire;  a  cote  de  la  reaction  qui  reveille  la 
moiteurde  la  peau  se  trouve  egalementia  reaction  intellectuelle. 
Elle  n’eiait  pas  sans  interfit,  cette  6tude  qui  rdsultait  do  I’examen 
d’individus  atteinis  de  deiire  particl,  entrainant  par  I’exemple 
une  serie  de  maniaques  ou  de  lypemaniaques  naguere  indilfd- 
rents.  Quelles  difficultes  ne  rencontre-t-on  pas  pour  obtenir 
I’entrain,  la  regularite?  Quel  resultats  inesperes  ne  peut-on 
point  alteudre  du  devcloppement  de  la  mutualitd  dans  uii  asilc  ! 


268  l’aSILE  D’ALIfiNfiS  DE  NAUGEAT. 

Si  i’alien6  r6siste  plus  au  surveillant  qu’a  I’aliene,  cela  nc 
lient-il  pas  ii  ce  que  le  langage  de  co  dernier,  mieux  on  rapport 
avcc  sa  peusefi,  trouve  des  sentiers  ignords  du  premier. 

Qui  done  connait  assez  le  paysan  el  les  delicatessen  de  son 
idiome,  pour  raninier  les  souvenirs  perdus?  Qui  de  nous  peut 
ebranler  d’une  manierc  sure  une  seiisibilite  morale  diverse- 
menl  douee?  Vaiiiement  frappe-t-ou  i)  cette  porle,  le  coeur  resle 
fermd  quand  on  ignore  I’art  do  I’draouvoir. 

L’asile  demaiidait  une  barrierc  protdgeant  les  cultures,  abri- 
tant  sa  population  conire  les  curieux  du  dehors.  Cette  muraille, 
qui  n’aura  pas  moins  de  2  kilometres,  est  compl6temeut  elevee 
sur  une  longueur  de  300  metres.  Les  plerres  ont  et6  exlraites 
sous  la  surveillance  d’uii  mailre  mineur,  charge  de  diriger 
quelques  alidnes  alteints  de  folie  inleriniltente,  de  d6lire  partiel. 
Ces  carriers  iraprovisfis  ont  fouill6  le  sol,  attaque  Teperon  de 
granit  dont  ravancement  perpendiculaire  a  la  quatrieme  section 
des  homrnes  empeche  I’excavation  de  la  carribre  de  rejoindre 
la  partie  basse  de  nos  champs.  Nous  sommes  egalement  parvenus 
a  faire  les  terrassements  les  plus  pressants,  a  cr6er  des  jardins 
d’agrement,  a  couronner  d’allees  et  d’arbusles  le  point  culmi¬ 
nant  de  la  colline.  Les  moulauts  de  diverses  ouvertures,  portes, 
pilaslres,  supports  de  grilles,  taillfis,  mis  en  place,  temoignent 
de  riutelligeuie  volont6  des  malades  sortis,  gui5ris. 

Organise  sur  une  aussi  vaste  dchelle,  le  travail  exigeail  une 
serie  d’outils  sans  lesquels  la  tache  s’accomplit  peniblement.  Ces 
instruments,  ordinairement  livrds  a  des  prix  dleves,  ont  dte  de- 
mandes  a  un  atelier  special  de  forge  et  de  serrurerie ;  plusieurs 
alifinSs,  offrant  soil  un  affaiblissemeni  des  facultds  intellecluelles, 
soil  une  affection  meiitale  a  forme  inlermittenle,  mais  sans  im¬ 
pulsions  violenles,  ont  coufies  a  la  direction  d’un  intelligent 
ouvrier,  qui,  apres  avoir  fait  de  bons  apprentis,  n’a  pas  tarde  a 
leur  apprendre  I’art  complet  du  forgeron  ;  e’est  ain.si  que  la  ser¬ 
rurerie  des  quarliers  a  file  r6paree,  que  la  grille  du  massif  de  la 
cour  d’honneur  a  6t6  confectionnde,  et  que  cent  lils  de  fer  ont 


l’aSILE  D-AllliNtS  DE  NAUGEAT.  269 

et4  fabriqufe  pour  remplacer  les  Ills  vermoulusdel’ancicn  asilc. 
Ces  occupations  varices  out  etficle  la  plus  grande  utility ;  nous 
avons  mgme  la  conviction  que  les  changeinenls  survenus  dans  le 
caractere  de  plusieurs  naaladesn’ont  pas  reconnu  d’autres  causes. 

A  coup  sur,  .si  Ton  rendait  ces  nialheureux  a  la  vie  sociale,  les 
contradictions,  les  besoiiis,  I’absence  de  frein,  comproinettraient 
vite  cette  amelioration;  tel  qui  travaillait  a  Naugeat  refuserait 
peut-fitre  de  s’occuper  au  milieu  des  siens :  mais  c’est  beaucoup, 
selon  nous,  d’avoir  rendu  docile  celui  qui  etait  excite,  et  do 
tcnir  ses  instincts  en  fichec.  A  cotdde  ces  travailleurs  se  rangcnt 
ceux  qu’occupent  les  services  gSndraux;  en  moyeime,  nous  . 
employons  cent  vingt  malades  sur  cent  cinquante  environ,  soit 
(ilus  des  deux  tiers. 

Tramil  des  femmes.  —  A  tous  les  degres  de  I’dchelle  sociale, 
la  femme  lient  de  sa  nature  et  de  nos  lois  une  condition  mixte, 
formde  de  raison,  de  sentiment,  de  force  et  de  faiblesse,  qui 
llotte  autour  de  I'liomme  comme  une  dnigme.  Ce  qui  est  vrai  de 
cet  etat  moral  dans  I’dtat  de  sante,  est  encore  vrai  dans  I’etat  de 
maiadie.  Mis  en  presence  des  causes  morbides,  le  systeme  uer- 
veux  de  la  femme  les  subit  avec  d’autant  plus  de  pas.sivite  quo 
celle-ci  trouve  dans  ses  habitudes  des  conditions  de  r&istance 
moins  avantageuses.  Lii  encore  I’activite  harmonisee  lui  rend 
cette  virtualitd  qu’ont  enlevde  I’oisivetd,  le  repos,  le  ddlire ;  a 
Naugeat,  la  population  femme  est  presque  entierement  d’origiue 
rustique,  habitude  a  la  vie  des  champs ;  les  occupations  de  sa 
journee  ne  peuvent  dtre  prises  hors  de  ses  habitudes ;  I’ou- 
vroir,  I’atelier  de  couture^  de  tricot,  de  repassage,  sont  ouverts 
de  huit  heures  du  matin  a  midi,  de  deux  a  cinq  heures  du  soir; 
I’epluchage  des  Idgumes  a  lieu  pres  de  Toffice  de  la  cuisine  ;  les 
soins  intdrieurs,  Tappropriation  des  dortoirs,  des  rdfectoires, 
des  chauffoirs,  la  buanderie,  sont  gdndraleinent  acceptds  avec 
plaisir.  Les  blanchis.seuses,  laveuses,  etendeuses,  porteuses  de 
huge,  accomplissent  leur  mission  avec  d’autant  plus  d’empres- 
sement  que  ces  diddrentes  opdratious  leur  sont  plus  familieres. 


270  L’aSILE  D’AtieNfiS  DE  NAUGEAT. 

Lecture.  —  Malgre  les  difficultfis  quinous  aitendaieiil,  ditti- 
cult6s  tir6es,  soit  de  rSge  des  inalades,  soit  des  atteintes  port6es 
i  leur  memoire,  nous  u’avons  pas  voulu  ajourner  I’organisation 
de  I'enseignement.  Depuis  plusieurs  mois,  cerlains  alieinSs  sont 
appel6s  a  s’occuper  de  lecture,  d’6crilure,  de  calculs ;  lu  mdihode 
suivie  est  la  infitliode  de  guerre;  cette  melhode,  que  nous  avons 
vue  fonctionner  dans  quelques  6coles  cominuuales  de  Paris, 
allege  la  tachedu  inailre,  donne  de  I’attrait  au  travail  de  Tdleve. 
D6ja  de  bons  resultals  sont  obtenus.  L’ann6e  prochaine,  nous 
les  signaleronsen  les  pr6cisaut.  Nousl’avonssouvent  observ6;  par 
le  lecture,  on  applique  I’intelligence,  on  la  raineiie  a  la  raison 
au  milieu  des  deductions  simplifi6es  du  syllogisme  naturel  de  la 
pens6e. 


CONSIDfiRATIONS  GfiNERALES. 

Ghaque  jour  cette  v6ritese  confirme  :  un  etablisseinent  public 
consaci-e  au  traiteinent  des  maladies  mentales  n’est  pas  seule- 
ment  une  maison  de  charitfi  ouverte  a  I’infortune;  il  est  aussi 
un  inodiGcatcur  dont  I’application  s’fitend  au  plus  grand  nombre 
de  cas  de  folie,  un  agent  curatif  de  premier  ordre. 

En  consacrant  ce  long  chapitre  a  la  description  de  Naugeat, 
nous  n’avons  pas  eu  comme  butd’indiquer  les  divers  details  que 
presente  son  plan  au  point  de  vue  architectural,  mais  bien  de 
subslituer  it  de  st6riles  d(5veloppements  la  demonstration  de  tons 
les  progres  sdrieux  qiti  viennent  d’etre  realises  dans  rmstallation 
des  manicomes. 

Consideree  d’une  maniere  geii6rale,  une  maison  creeepour 
I’aliene  doit,  selon  nous,  renfermer  les  elements  varies  de  plu¬ 
sieurs  medications,  iiotamment  de  la  medication  sedative,  de 
la  medication  stimulante  dont  la  haute  influence  ne  saurait 
6tre  contestee  lorsqu’il  s’agit  de  neutraliser  les  effels  desorgani- 
sateurs  des  vesanies.  Le  calme  de  la  retraite,  reioignement 
absolu  de  certaines  causes,  emanant,  soit  des  passions,  soit  de 


271 


L’ASaE  D’AUfiNfiS  DE  NAIJGEAT. 

I’entourage  du  maladc,  soil  du  milieu  social;  le  silence  profond, 
l’obscurit6  de  I’hospitaliere  cellule,  sont  des  616ments  hyposthfi- 
nisants  qui  releveut  fatalement  de  I’organisation  intinie  d’uii 
asile.  Pourquoi  de  la  puissance  surexcitante  des  odeurs,  de  la 
lumiere,  clu  bruit,  de  Pagitation,  des  lultesde  I’esprit  huniain,des 
froissemenis  d’amour-propre,  qu’entraine  si  souvent  le  contact 
de  I’homme,  ne  pas  conclure  que  les  conditions  opposees 
teraperont  I’activile  anormale  du  malade,  calnient  I’^tat  plir6nal- 
gique,  61oignent  la  pdriodicite  ?  Comment  ne  point  elever  a  la 
hauteur  d’un  priucipe  les  fails  suivants,  dont  i’examen  clinique 
d6montre  do  plus  en  plus  la  v6rit6 :  savoirque  le  travail  approprid 
aux  forces  du  sujei,  c  ^>“1  *  ^  actes,  en  elablissant  un 

contre-poids  a  ses  conceptions  deliraiites,  en  le  contraignant  it 
dfipeuser  avec  methode  son  activite  musculaire,  constitue 
autant  un  agent  de  sedation,  de  reconstitution,  qu’une  source 
saisissante  de  distraction ;  ne  croit-on  a  I’effet  des  mfidicaments 
que  lorsqu’ils  determineni  des  changemenls  cbiraiques  appre- 
ciables?  est-ce  que  souvent  on  ne  se  trouve  pas  en  presence  du 
manque  absolu  de  modification  materielle  des  tissus  ?  les  effels 
physiologiques  des  solanees  son  t  ils  moins  vrais  par  cela  meme 
que  le  modus  faciendi  est  moins  connu.  Si  nous  admettous 
raclion  syrapathique  de  plusieurs  agents  pliarmaceutiques,  si 
nonscroyons  qu’apres  s’oitre  exercee  stir  certains  appareils  orga- 
niques,  la  puissance  d’un  medicament  se  propage  k  toute 
I’economie  en  dehors  d’une  absorption  moldculaire  et  par  le  seul 
inlermediaire  du  systeme  nerveux  ;  si  avec  Giacomoni  ct  I’dcole 
italienne,  nous  pensons  qu’un  remede  n’agit  pas  sur  tons  les 
organes,  mais  que  sa  force  se  concentre  plus  ou  moins  dans  tel 
ou  tel  appareil,  nous  n’hfoitons  pas  a  dire  que  par  ses  divisions, 
ses  sections,  on  I’iudividu  s’isole,  ou  il  se  ment  selon  ses  apti¬ 
tudes,  ses  besoins,  un  asile  porte  avec  lui  non-seulement  une 
propri6t6  active  immediate,  mais  encore  le  resultat  de  cette 
action,  e’est-a-dire  ce  que  Linne  distinguait  sous  les  noms  de 
vis  et  d’MSMs. 


272  l’asiLe  d’alienes  de  naugeat. 

Le  milieu  d’lin  asilemixte,  ses  lois,  son  mode  d’organisation, 
la  discipline  quiregne,  sa  vicpropre,  tiennent  des  agents  hypos- 
iheniques,  et,  s’il  n’est  pas  rare  de,  voir  passer  rali6n6  do  I’^tat 
d"hyperslh6iiie  au-dessous  de  son  niveau  normal,  dans  d’autres 
cas,  la  protection  accordfie  au  malade,  le  respect  dont  il  est 
entomb,  I’autorite  qui  leslimule,  rel6vent  aussi  trfis-heurense- 
raent  I’energie  des  forces  vitales  opprimees  par  I’alTection  et  les 
hallucinations  terrifiantes :  c’est  ainsi  que  s’est  r6alis6  le  probleme 
d’unilfi  d’ordre,  d’unit(5  de  vue,  absolument  indispensables  a  la 
cure  des  maladies  mentales.  L’examen  de  Thomme  physique, 
I’aualyse  de  rhommc  moral,  I’application  r6guliere  des  moyens 
de  traitement  admis  au  xix‘  si&cle,  la  possibility  d’fitendre  ii 
I’infini  les  recherches  dontle  but  est  la  connaissaiice  des  Ifisions 
de  I’intelligence  et  des  lesions  somatiques,  les  soins  que  neces- 
site  I’etat  d’excitation  ou  de  depression  des  facultfis  devoyees,  ne 
veulent  ni  d’un  systeme  de  sequestration  comrae  on  I’entendait 
il  y  a  quelques  annees,  ni  d’un  systeme  de  liberty  complete. 
Autour  de  ces  sections  peuplees  d’individualites  morbides 
impressionnables,  il  fant,  avec  I’aspect  tranquille  qui  rassure, 
I’antoriiy,  la  liberty  limitye  qui  commandent  le  respect.  Si 
noire  description  est  fidele,  on  acquerra  la  conviction  que  dans 
cet  etablissement  rien  n’a  yte  livry  au  caprice,  mais  au  con- 
traire,  que  tout  a  eiy  reuni  en  pi-yvision  des  besoins  ryels  de 
raliyny. 

Naugeai  est  la  refutation  complete  de  ce  systeme  qui , 
gyneralise  outre  mesure,  a  laisse  presque  sans  protection  les 
inalades  dispersys  sur  de  grandes  surfaces.  La  vie  en  com- 
mun  mais  surveiliye,  le  travail  au  milieu  des  champs  avec  la 
discipline,  le  classement  par  catygories,  se  retrouvent  id  a 
chatiue  pas. 

Naugeat  esf  une  maison  de  santy  entourye  d'une  ferine  agri¬ 
cole  ;  hopital  et  ferme  etroitement  liys  viennent  constamraent  en 
aide  l"un  ii  I’autre,  se  pretent  un  mutuel  concours.  Lh,  le  malade 
sc  Ibvc,  travaille,  se  repose  a  des  heures  fixes ;  ii  chaque  moment, 


L’ASILE  D’ALlfiNfiS  DE  NA.UGEAT. 


273 


sa  raison  troublfie,  ses  sentiments  pervertis,  trouvent  un  frein 
salutaire,  un  appui  dans  I’ensemble  des  reglements  administra- 
tifs  que  chacun  est  tenu  d’observer;  et  s’il  jouit  d’une  liberte 
moins  complete  que  cede  dont  il  jouirait  s’il  6tait  plac6  chez  le 
paysan  de  la  Campine,  dans  ce  village  de  Gheel  on  la  reconnais¬ 
sance  du  coeur,  la  foi,  crfieroutune  colonie  pour  la  douleur,  la 
protection  qui  I’environne  est  le  gage  d’une  incontestable  s6cu- 
ritd. 

En  dehors  de  vaines  considfirations  humanitaires,  sans  sub- 
stituer  aux  tristes  pi'6jug6s  du  moyen  age  une  utopie  plus 
dangereuse  encore,  la  loi  bieufaisante  de  1838  n'a  pas  ordonnd 
seulement  de  venir  au  secours  de  la  plus  allligeaiite  des  infirmi- 
tfis,  de  preserver  la  soci6t6  des  dfisordi  es  que  I’homme  pent 
commettre  dans  les  moments  oil  il  est  privii  du  libre  arbitre ; 
elle  a  voulu  le  garder  contre  sa  propre  fureur,  le  soiistraire  a 
tous  les  abus  dont  il  pent  etre  victirne,  garantir  sa  personne,  ses 
biens,  et  veiller  a  ce  que  les  raesures  prises  pour  empecher  les 
hearts  de  la  folie  ne  deg6nerent  point  en  atteinte  contre  sa 
liberl6.  Si  done  au  milieu  de  cet  ensemble  de  constructions 
imposantes,  la  liberte  complfele  a  eld  refusee  au  malade,  il  n’en 
est  pas  moins  vrai  que  ce  que  commandaient  I’intdret  social' et 
I’interet  individuel  a  dtd  scrupuleusement  etudie  et  largement 
mis  en  pratique. 

L’asile  de  Naugeat  reflete  la  pensde  du  legislateur  francais : 
charitd,  protection,  liberte  limitde,  telle  est  la  devise  a  buriner 
dans  le  granit  de  son  portique. 


ANNAL.  MtD.-PSVCii.  4“  seilOj’t.  IX.  Mars  1867.  6. 


18 


SOCiKTES  SA^Ai\TES. 


S<»ei6t6  m<Saioo-psj'elioloj^i(|Uc. 


Seance  du  10  decembre  1860.  Presidence  de  M.  Bmerre  de  Boismont. 

Lecture  et  adoption  du  procts-vcrbal ,  aprcs  une  rectification 
demandde  par  M.  Bourdin. 

M,  Brierre  de  Boismont  annonce  b  la  SoeidtiS  ia  mort  de  M.  Da- 
merow,  meinbrc  associd  dtrangcr  de  ia  Socidtd. 

Brierre  de  Boismont  fait  dgalcment  part  ii  la  Socidtd  de  la 
mort  de  M.  Casimir  Pinel,  raenibre  titulaire,  et  il  prie  M.  Legrand 
du  Saulle  de  donner  lecture  du  discours  qu’il  a  prononcd  aux  ob- 
seques  de  M.  Pinel,  au  nom  de  Ja  Socidtd. 

M.  Lunier  prdsente  au  nom  de  M.  le  docieur  Pougferes,  directeur- 
mddecin  en  cbef  de  Pasile  deNaiigeat,  nn  travail  manuscrit  ayant 
pour  titre  :  Clinique  de  I’asile  de  Naugeat  (ilaute-Vienne),  exer- 
oice  1865.  M.  Pougere.s  adresse  ce  travail  a  I’appui  d’une  dcmande 
dll  titre  de  membre  correspondant.  (Commissaires  MM.  Baillarger, 
A.  Foville  el  Lunier.) 

Discussion  sur  la  folk  raisonnanle. 

M.  Trelat :  Dans  inon  opinion,  tout  a  dte  dil  dans  cede  di.scus- 
sion  sur  la  folie  raisonnanle ;  si  j’ajoute  quelque  chose,  ce  .sera  I’ob- 
Jel  de  ires-peu  de  mots.  Les  malacles  diisignes  sous  le  nom  de  fous 
■raisonnants  sont  les  plus  incommodes,  les  plus  gOnants,  les  plus  per- 
secuteurs  que  nous  ayons  a  ob.server;  ce  soul  ceux  qui  causent  le 
,plus  de  dommages  autour  d’eux.  TautOtce  sont  des  monomanes 
■  dont  Pid^e  donjinante  se  cache  souvent  sous  les  formes  les  plus  ai- 
mables.  J’en  ai  connu  qui  ne  iaissaient  de  repos  i  pcrsonne,  ni 
ifamilie,  ni  scrviteurs,  qui  exigeaient  de  tons  Pactivitfi  la  plus  soute- 
inuc, pour  des  cboses  insignifiaules.  Et  pour  tout  dtrangcr  survenant, 
lils  avaient  des  formes  aimables  et  une  conversation  des  plus  atta- 
'chantes.  Cesont  souvent  des  orgueilleux,  metlant  toutenceuvre  pour 
•arriver  a  leurs  fins.  Ici,  c’est  une  jcune  fdle,  s’appuyant  sur  le  dd- 
vouemen  t  de  sa  mere  pour  parvenir  a  son  but ;  puis,  ce  but  conquis, 
devenant  Pali6n6e  la  plus  incommode,  la  plus  tourraentante,  la  plus 
faligante.  Quelquefois  ce  sont  des  dipsomanes,  ayant  ce  triste  avan- 


M.  liUNlER. 


FOLIE  EAISONNANTE. 


tage  de  poiivoh’  clin'ih'ei-  leiir  acc^s;  il  y  a  cetle  dilKrence  entre  le 
dipsomane  et  rivrogne,  que  I’ivrogne  boit  a  loules  les  occasions  et 
que  le  dipsomane  ne  boit  que  pendant  ses  accfes.  Jls  peuvent  dissi- 
muler  et  dpouser  une  jeune  fille  dou^e  de  tous  les  agrdments,  et 
portei-  la  honte  et  le  d^goflt  dans  une  faraille.  Ces  gens  ne  se  inodi- 
fient  pas,  ce  sont  des  6tres  non  peifectibles.  Ce  qui  constitue  riioniiiie 
sociable,  c’cst  cetle  peifeclibilile  qui  leur  est  ret'usde. 

La  manie  laisonnante  ne  se  modifle  pas,  ne  cfede  pas  a  noire  ac¬ 
tion,  ne  sunit  pas  rinnuence  de  I'exemple,  du  conseil.  Le  fou  lai- 
sonnant  marche.  malgrd  lout  it  son  but  el  rdslsle  a  toute  bonne  direc¬ 
tion.  Je  me  suis  servi  de  Texprcssion  «  manie  raisonnantco  jusqu’i 
present;  elle  ne  in’a  pas  salisfait,  cela  ne  dit  rien.  L’etre  alidmS  ne 
raison  ne  pas  ou  raisonne  mal;  mais  ici  ce  n’eat  pas  cela  qui  carac- 
liu'ise  I’dtat  maladif.  Ce  qui  le  caractdrise,  c’est  d’etre  im  aliend  et  de 
lie  pas  le  paraitre;  il  arrive  souvent  que  le  public  le  plaint  et 
blSme  sa  victime.  1.1  met  une  si  grande  habileld  dans  sa  vie  et  in- 
tdresse  lellement  en  sa  faveur,  que  le  persecuKi  est  souvent  pris  pour 
le  persticuleur.  Ce  qui  me  paralt  caractdriser  ce  genre  d’alidnation, 
c’est  que  I’aliend  teste  lucide  dans  ses  paroles,  c’est  ce  qui  me  fait 
volts  proposer  d’appeler  cetle  forme  de  ddlire  folie  luoide.  On  a  dit : 
un  fou  ne  peut  pas  elre  lucide;  mais  si;  ce  n’est  pas  un  hallucitid, 
un  etre  bruyant,  ddsordonne,  si  ce  n’est  qtiand  il  est  sans  tdmoin. 
Ces  fous  sont  lucides  et  se  font  facilement  comprendre.  Plus  je  rd- 
lldcbis  a  la  valeur  de  ce  mot,  plus  je  le  irouve  applicable  &  ce  genre 
d’alidnalion.  Une  mere  s’enfermera  sous  trois  portespour  frapper  ses 
enfanisetreparallrasereine,  sansapparencedesreprochesqu’ellea  dd 
sefaire;avanlsonmariage,  c’dtaitunesoeiirquidtaitsaviciime.  Qu’un 
cas  parcil  se  prdsente,  beaucoitp  chercherout  a  mailer  leur  fille  et 
feront  le  malheur  d’uiie  autre  famille.  Lien  de  plus  digne  de  I’atten- 
tion  du  pliilosophe ;  rien  de  plus  respectable  que  le  mariage  ;  c’est  la 
clef  de  voilte  de  la  socidid,  et  cependant  le  mddecin  qui  voit  de  ces 
mariages,  dans  lesquels  il  y  a  une  victime  el  un  bonrreau,  se  prend 
5  regretierqu’il  n’y  ait  pasquelques  exceptions  cil’indissolubilitddu 
mariage.  Je  n’avais  a  vous  exprimer  que  ces  quelques  gdndralites, 
le  sujet  me  paraissant  avoir  did  traild  au  triple  point  de  vue  de  la 
pathologie,  de  la  philosopliie  et  de  la  mddecine  legale. 

M.  Oft.- La  folie  lucide  n’offre-t-elle  pas  quelques  exeraples  de  gud- 
rison? 

M.  Trilal:  C’est  bien  rare  assurdment;  je  n’en  connais  pas  pour 
mon  compte. 

M.  Lunier  :  J’avais  demandd  la  parole  et  je  n’ai  point  renoncd  a 
la  prendre  ;  mais  la  question  telle  qiie  je  I’avais  d’abord  entrevue. 


276  SOClfiTfi  MfeDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

a  tenement  agraiidie  et  d^placee,  et  je  m’attendais  si  pen  ii  ce 
qne  inoii  tour  de  parole  vinl  aujourd'liui,  que  je  demandcrai  ii  la 
Soci^t^  de  vouloir  bien  renvoj'era  une  autre  seance  la  communica¬ 
tion  que  je  me  propose  de  ini  faire  sur  la  question  pendantc.  Je  rlirai 
on  mot  cependant  du  cadre  que  je  me  sitis  tracd. 

Parmi  les  malades  dontil  a  etd  parid  dans  le  cours  de  la  discus¬ 
sion,  11  en  est  un  certain  nombrc  qui  sont  des  alidnds  it  la  pdriode 
prodromique  de  leur  maladie,  mais  doni  ralTection  ndanmoins  pent 
dire  rattachde  it  I'une  des  espfcces  d’alidnation  mentale  admises  par 
les  auteurs.  Seulement,  celte  pdriode  prodromique,  on  pour  inieux 
dire,  cette  maladie  atldnude  dansses  manifestations  lesplusfacilesa 
saisir,  —  et  c’est  la  ce  qui  donne  une  importance  rdelle  aux  cas  dont 
il  s’agit,  — pent  se  prolonger  pour  ainsi  dire  inddfiniment  sans  clian- 
gements  sensibles,  et  de  pins,  le  diagnostic  en  est  souvent  hdrissd 
de  grandes  dillicultds,  surtout  pour  le  public  non  mddical. 

Ce  sont  les  fails  de  cette  nature,  qui  d’ailleurs,  il  faut  Ic  dire, 
semblent  devenir  ou  deviennent  rdcllement  de  plus  en  plus  fid- 
quents,  et  sont  assez  souvent  I’occasion  de  diOicultds  entre  la 
magistrature  et  les  mddecins  alidnistes,  que  M.  Trdlat  a  fort  bien 
ddcriis  dans  son  livre  ;  De  la  folie  litcide.  Ge  ne  sont  point  cescas 
dont  je  me  propose  surtout  d'entrelenir  la  Socidtd,  mais  bien  de  cer¬ 
tains  fails  d’un  autre  ordre,  qui  ne  me  paraissent  point  pouvoir  etre 
raltachds  a  I’un  des  types  gdndralement  admis  :  ces  fails  qu’on  a 
ddcrits  sous  les  noras  de  manie  sans  ddlire,  folie  raisonnante,  folie 
morale,  monoraanie  instinctive,  folie  des  actes,  manie  sysldmatisde, 
folie  du  dotite,  ddlire  partiel  diffus,  monomanie  avec  conscience,  me 
paraissent,  en  elfet,  constituer  une  espdce  pathologique  bien  ddter- 
minde. 


Question  midico-ligale  relative  d  I’ivresse. 

M.  Delasiauve  desire  provoquer  I’avis  de  la  Socidtd  sur  un  cas 
litigieux.  La  question  suivante  lui  est  soumise  conjointement  avec 
M.  'I'rdlat.  On  militaire  coinmet  un  vol  en  dtat  d’ivresse ;  est-il  res- 
ponsable?  Peut-on  considdrer  I’ivresse  comme  une  folie  passagfere? 
La  science,  a  cet  dgard,  manque  de  documents,  malgrd  la  frdquence 
des  ddlils.  En  ce  qui  concerne  le  delirium  tremens,  la  solution  n’est 
pas  douleuse;elle  estlargement  dlablie  dans  nos  annales;  car  le  juge- 
ment  mddical  est  souvent  rdclamd.  Les  gens  ivres  qui  se  rendent 
coupablesde  mdfaits  sont,  an  contraire,  presque  tousjugds  paries 
tiibunaux  sans  I’assistance  mddicale.  C’est  ce  qui  explique  I’indigence 
de  nos  recueils  et  de  nos  trailds.  Le  vol  n’est  pas  mdme  menlionnd 


M.  DELAIS1A.UTE.  —  QUESTION  MfiDICO-LfiGAEE.  277 
dans  le  livre  de  notre  savant  collfegue  M.  Legrand  du  Saulle,  La  folie 
devant  les  tribunaux,  oil  le  chapitre  relalif  a  Tivi-esse  se  borne 
a  quelques  pages. 

L’aceord,  suivant  M.  Delasiauve,  n’existe  point  entre  lesjuriscon- 
siiltes,  qni  forment  trois  camps  tranches.  Pour  les  extremes,  I’ivi  esse, 
dtant  iin  fait  honteux,  serait  plutOt  une  aggravation  qu’une  excuse. 
D’autres  posent  des  distinctions  correspondantes  aux  degrds  et  aux 
circonstances.  Un  plus  grand  nombre  pensent  qu’on  ne  saurait  exi- 
ger  la  responsabilitd  de  qui  n’a  pas  le  libre  arbitrc.  Or,  a  moins  que 
le  crime  n’ait  6td  radditd  prdalablement  et  que  I’ivresse  n’ait  dtd 
qu’uu  stimulant  employd  a  dessein  de  le  rdaliser  phis  sdremenl,  il 
est  (Ivident  que  I’intention,  qui  constitue  la  culpability,  dtant  a.bsente, 
il  n’y  a  qu’un  malheur,  non  un  crime. 

Toutefois,  la  Gourde  cassation  s’estmaintenue  dans  des  errements 
opposes.  Sous  pidtcxte  que  la  loi  qui  admet  la  demence  comme 
excuse  ne  park  point  de  I’ivresse,  elk  a  presque  invariabkment 
refornk.  les  arikls  des  tribunaux,  qui  se  basaicnt  stir  k  trouble 
dbrieux  pour  acquilter  ks  prevenus. 

Ou  est  la  vdrild,  ou  I’erreuv?  Il  importe  deddgager  le  probkme 
d’un  dkment  propre  a  seconder  le  prejugd  et  a  fausser  la  perspec¬ 
tive.  Le  ddgoCit  qu’inspire  I’ivrognerk  ne  dispose  point  a  I’indul- 
geuce.  On  croirait,  en  admettant  un  bill  d’indemnitd  pour  I’ivresse, 
ouvrir  la  porte  aux  abus.  Mais  une  pareilk  consideration  peut-elk 
prdvaloir  dans  I’apprdciation  desmddecins?  Si,  sous  I’influence  des 
opiacds  ou  du  bacbiscb,  un  malbeureux  accomplissait  un  acte  fid- 
vreux,  nul  ne  ferait  dilBcultd  de  I’absoudre.  Entre  ks  effets  de  I’al- 
cool  et  ceux  de  ces  subslances  I’identitd  n’est-elk  pas  parfaite?  Les 
mddecins  ne  sauraient  se  trouver  au-dessous  des  juristes  qui  ont 
entrevu  et  consacrd  Idgakraent  cette  similitude.  D’ailleurs,  ks  ex¬ 
perts  ne  sont-ils  pas  la,  dans  ks  cas  dquivoques,  pour  fixer  la  limite 
separative  de  I’exaltaiion  physiologique  et  de  la  torpeur  morbide? 

La  jurisprudence  de  la  Cour  de  cassation  sembk  a  M.  Delasiauve 
insoutenabk.  En  Idgislation,  demence  est  synonyme  de  folie.  De  ce 
que  k  Code  n’a  point  spdcifid  I’ivresse  a  cOtd  de  la  ddmence  comme 
cause  d’excuse,  elle  n’en  a  pas  moins  sa  signification  Idgale.  Qu’est-ce, 
en  effet,  que  I’ivresse,  sinon  un  trouble  des  facultds,  une  folie,  com¬ 
prise,  a  I’dgal  de  toutes  ks  autres  varidlds,  dans  k  vocable  gdnd- 
rique?  Le  Code  n’avait  a  s’occuper  que  du  fait;  que  lui  importe 
I’origine?  Ajoutons,  dit  M.  Delasiauve,  qu’en  ceci,  il  y  a  un  juge 
coinpdtent :  I’opinion  publique.  Affligde  des  desordres  causds  par 
I’abus  des  boissons,  elk  plaint  plus  qu’elk  ne  condamne  ks  mal- 
heureux  Ivrogues.  Le  sage,  de  son  cOtd,  appelk  moins  la  rdpression 


278  SOCtfiTfi  MfiOIGO-t>SYCHOLOGIQCE. 

centre  de  ddtestables  liabitiides,  que  des  mesures  propliylaetiques  et 

de  lempiSrance. 

M.  Baillarqer  :  En  dehors  de  I’ivresse  ordinaire,  il  y  a  des  cas 
d’ivresse  ofi'rant  des  caraclftres  spdciuiix  et  exceptionnels.  Ces  cas 
s’observent  chez  des  sujets  prddisposds,  ou  ddjii  alleinls  de  certaines 
affections  du  cy.rfemc  terveii:;.  En  ISdS,  un  soldat  en  dlat  d’ivress’, 
apri'"  avoir  bn  dr  ” ‘an-de- vie,  s’dla'f  bailii  iivec  un  caporal,  «t 
ceiui-ci  avail  did  seul  puni  par  I’officier  qiii  cotnmandait  ie  poslc. 
Ce  soldat  iaissd  iibre  essaya  vainement  de  dormir  pendani  la  nuU', 
il  allait  duiitde  camp  ii  la  salle  de  rdonion  etde  la  sallede  rdunion 
an  111  de  camp.  A  quatre  lienres  do  malin,  il  prit  un  fusil  et  lira  ii 
boul  portaiit  sur  I’oDicier  qui  dormait  dans  une  chainbre  voisine. 
La  capsule  seiile  pariil.  Arrdtd  pendani  qu’il  essayait  de  frapper 
avec  sa  baionnelte  I’officier  qui  venait  de  se  rdveiller,  ce  soldat 
tdmoigna  le  regret  d’avoir  nianqud  son  coup,  rdpdtant  qu’il  voulaii 
dire  fusiild  comme  un  sergent  qui,  qnelques  jours  auparavant,  dtait 
inort  bravement,  el  avail  lui-mdine  commandd  le  feu.  Ce  malheu- 
reux  lut  condamnd  it  mort;  niais  sa  tentative  d’assassinat  diaitsi  peu 
niotivde,  qu’on  deuianda  pour  lui  une  commutation  de  peine  qui 
lot  oblenuc. 

Quand  je  le  vis  au  fort  de  Vanves,  cel  liomme  me  donna  des  de¬ 
tails  d’un  grand  inidrdt.  Il  avail  un  frfcre  dpilepilque,  one  soeiir 
liysidrique;  Itii-mdme,  it  trois  reprises  differenies,  avail  eu  ce  qu'il 
appelail  des  congestions  cdrdbrales,  avecperle  complete  decounais- 

I’endant  son  inlerrogatoire  au  tribunal,  le  prdsldent  du  conseil 
lie  guerre  lui  avail  fail  remarquer  qu’il  iie  pouvait  invoquer  son 
dial  d’ivresse,  «  car,  ajoutait-ii,  vous  dies  renlrd  au  posie  it  neuf 
heures,  et  e’est  it  quatre  lieures  seulement  que  vous  avez  cssayd  de 
frapper  I’oilicierdu  poste;  vous  deviez  aiorsdlre  ddgrisd».  Ii  avail  did 
fort  embarrassd  pour  rdpondre,  car,  me  disait-iJ,  quand  je  suis  ivre, 
je  suis  dans  un  dial  tout  diffdrent  de  mes  ramaradcs  c  je  suis  solide 
stir  mes  jambes,  je  n’ai  point  la  parole  embarrassde,  et,  d’ailleurs  je 
resie  dans  un  dtat  presque  complet  de  mutisme.  II  m’est  impossible 
de  dormir,  et  le  lendemain,  nion  ivresse  n’est  point  du  lout  dis- 
sipde. 

Ddja,  dans  one  antre  occasion,  s’dtant  enivrd  a  Auxerre,  il  dtait 
devenu  furieux,  avail  tout  cassd  dans  un  cafd;  on  avail  eu  beau- 
coup  de  peine  4  se  rendre  maStre  de  lui,  et  il  a  failu  le  teporter  au 
quarlier  aprds  lui  avoir  lid  les  bras  et  les  jambes. 

Cel  homme  dtait  probablement  un  dpilepilque  ;  inais,  dans  tous 
les  cas,  son  ivresse  otfrait  des  caraciferes  exceptionnels. 


M.  LEGRAND  DE  SAEEIE.  —  QUESTION  MfiD.-LfiG.  279 

Le  systfeme  museulaire  n’dlait  point  atteint,  tandis  qiie  Tintelli- 
gence  litait  profonddment  troublde;  en  outre,  cet  dlat  d’ivresse,  que 
le  sommeil  ne  faisait  point  disparaltre,  se  prolotigeait  au  delii  des 
limites  ordinaires. 

II  noussemble  qu’on  pent  concliire  de  ce  faitqu’ilimporte,quand 
un  crime  a  Hi  commis  pendant  I’ivresse,  de  recherclier  si  i’indi- 
vidu  qiii  s’en  est  rendu  coupable  ne  se  trouvait  pas,  au  point  de 
vuedu  syslbme  nerveux,  dans  des  condiiions  spSciales  de  nature  ii 
modifier  et  a  rendre  plus  grave  I’aclion  de  I’alcool. 

M.  Lunier  ;  Les  jurisconsulles,  en  gdndral,  n’admettent  pas  que 
IMlat  d’ivresse  puisse  fiire  habituellcment  invoqud  comme  une 
cause  d’irresponsabiliid.  Dans  les  cas  de  cette  nature,  nous  devons, 
ce  me  semble,  agir  comme  j’ai  dit  qu’il  convenait  de  faire  i  I’dgard 
des  dpileptiques  et  des  hystdriques,  c’est-ii-dire  diudier  cheque  cas 
sdpardment  et  en  lui-meme,  d’aprds  les  antdcddents  de  I’individu 
soumis  h  noire  examen  et  les  fails  de  la  cause,  et  formulcr  nos  con¬ 
clusions  loot  autremeni  que  s’il  s’agissait  d’un  cas  de  folie.  Pour 
nous,  en  un  mot,  I’alidnd  est  toujours  irresponsable  ;  I’liomme  en 
dial  d’ivresse  ne  I’est  pas  dans  certains  cas. 

M.  Lerjrand  du  Saulle  :  La  question  du  degrd  de  responsabillld 
de  I’horame  ivre  a  causd  le  plus  cruel  embarras  aux  Idgislateurs  de 
tons  les  temps  et  de  lous  les  pays,  et  la  Fiance  n’a  rdussi  a  ddgui- 
ser  scs  hdsilaiions  qu’en  laissant  dans  nos  codes  une  omission  inten- 
tionnelle.  En  soulevant  incidcmment  une  discussion  sur  ce  sujel, 
M.  Delasiauve  ne  craint  pas  d’etendre  a  I’homme  ivre  la  mesure 
tutdiaire  ddiclde  par  Partiele  6d  du  Code  penal,  et  j’avoue  que  sa 
libdralild  m’dmeut  un  pen.  La  juste  cldmence  de  la  loi  pour  une 
grande  infortune  peut-elle  vdrilablement  s’appliquer  au  ddsordre 
fugitif  et  volontaiie  des  facultds  de  rinielligence  ?  Je  pense,  pour 
ma  part,  qu’il  y  a  lieu  de  faire  quelques  rdserves. 

L’ivresse  est  une  infraction  spdciale,  un  fait  volontaire  et  rdprd- 
liensible,  que  la  morale  et  la  loi  n’admetlront  jamais.  Aucun  texte 
Idgislalif  ne  doit  prdparer  un  voile  a  tons  les  crimes,  en  proclamanl 
les  immuniids  de  I’ivresse.  Mais  comme  I’dtre  moral  ne  pent  pas 
rdpondre  des  actes  d’une  machine,  le  plus  large  pouvoir  d’inter- 
prdlation  a  did  sagement  abandonnd  au  juge.  Ne  sertiit-il  pas  au 
moins  temdraire  de  tracer  des  rdgles  fixes  et  absolues  ?  II  y  a  dans 
till  pieces  crimincl  lant  dc  nuances  dissemblables.  lant  d’incidents 
impossibles  a  prdvoir,  que  la  conscience  des  iribunaux  ne  pouvait 
pas  dtre  fatalement  encliainde.  Le  juge  se  prononce  done  d’aprds  la 
nature  et  le  caractfere  de  chaque  individualite,  d’aprds  I’dclat  et 


280  SOCifiTf;  MfiDlCO-PSyCHOLO&lQUE. 

rintensitd  des  symptOines,  d’aprfes  la  durde  diffdrenle  de  ces  cld- 

raents,  et  il  apprdcie  s’il  a  devant  lui  un  accident  ou  im  etat. 

Pour  un  certain  nombre  d’individus,  I’ivresse  est  un  fait  acci- 
dentel  et  rdsulte  d’lin  concours  de  circonstances  trds-rares.  Qn’iin 
acte  grave  soit  commis  fous  cette  influence  exceptionnelle,  el  il  y  a 
la  des  motifs  sdrieux  d’adoucissement  pdnal. 

Voici  maintemant  un  homme  que  I’on  a  inlenlionneliement  grisd 
pour  obtenir  de  lui  sa  participation  a  un  crime  :  le  fait  est  ddmontrd 
a  I’audience  par  !cs  preuves  teslimonialqs  Ics  plus  concliiantes. 
Comment  apprdciera-t-on  cette  circonslance  si  favorable  aux  iiiKi- 
r6ts  de  la  ddfense  ?  Sain  d’esprit,  il  fdt  reste  hoiinfite  ;  ivre,  il  a 
frappd.  Exigera-t-on  que  le  bagne  soit  pour  lui  le  rdveil  de  I’ivresse  ? 
^videmment  non.  La  quesiion  de  son  irresponsabilitd  ne  saurait 
etre  ndanmoins  posde  au  jury  el  adraise  par  les  juges,  puisque 
I’excuse  Idgale  est  inadmissible  en  cette  matiere.  L’accusd  peut  seu- 
lement  I’alldguer  et  la  faire  prouver  par  des  interpellations  adres- 
sdes  aux  tdmoins.  L’ivresse  prendra  encore  dans  ce  cas  le  caraclbre 
d’une  attdnualion  pdnale.  Les  jures  ne  doivent  comple  a  personne 
des  raisons  qui  out  dictd  leur  verdict,  et  Ton  comprend  tout  le 
pouvoir  que  peut  exercer  sur  leur  conscience  une  aussi  importanle 
rdvdlation. 

Maintenant,  si  un  malfaiteur  s’enivre  pour  dtouffer  le  cri  de  sa 
conscience  et  commetlre  une  mauvaise  action,  il  y  a  chez  lui  une 
prdradditalion  vdrilable.  L’alcool  a  prdtd  du  feu  a  sa  lachetd.  Au- 
cune  excuse  ne  doit  protdger  cette  ivresse  de  commande. 

Les  jurisconsulles,  ne  voulant  pas  remeltre  en  honncur  une 
disposition  Idgislaiive  d’un  autre  age  {ebrius  punitur 'propter  ebrie- 
tatem),  rdpugnent  a  dlever  I’ivresse  au  rang  des  debts,  et  ils  la 
considferent  seulemenl  comme  une  imprudence.  11  est  cependant 
assez  probable,  qu’a  parlir  du  jour  ou  l’ivre.sse  serait  prdvue  et 
punie  par  la  loi,  nous  verrions  consicldrablemcnt  diminucr  I’innom- 
brablc  corldge  de  calamilds  sociales  qu’elle  tralne  a  sa  suite. 

Les  tribunaux  militaires  francais  sont  en  gdndral  pleins  d’indul- 
gence  pour  Ics  crimes  accomplis  pendant  I’ivresse ;  ils  prononcent 
raremenl  I’acquiltement,  cela  est  vrai ;  mais  comme  rdchelle  pdnale 
est  gradude,  ils  savent  appliquer  avec  un  louable  discernement  la 
mesure  judiciaire  la  plus  en  rapport  avec  une  culpabibld  anioin- 
drie. 

M.  Delasiauve  vient  de  dire  que  I’ivresse  n’dtait  autre  chose 
qu’un  trouble  des  facnlids,  qu’une  folie.  Notre  savant  colldgue  a 
raison  et  il  a  tort.  Le  vin  bu  avec  excfes  conduit  sans  doute  a  un 
trouble  passager  de  la  raison,  comparable  jusqu’a  un  certain  point 


M.  LEGBAAin  DU  SiUUUE.  —  QUESTION  MfiD.-LfiG.  281 
a  rexallalioii  maniaque ;  mais  dans  ce  terrible  groupe  de  maladies 
qiie  I’on  a  rang&s  sons  la  denomination  gendrale  de  folie,  il  s’agit 
d’un  etat  patliologique  grave  et  digne  des  plus  grands  dgards  de  la 
loi,  tandis  que  le  deiire  ebrieux  teinoigne  senlement  d’un  acte 
volontairement  accompli,  an  miiieu  de  toutes  les  conditions  nor - 
males  de  saute.  La  question  n’est  plus  du  tout  la  mfime,  et  Ton 
s’explique  des  lots  pourqnoi  le  legislaleur  s’est  abslenu  d’edicter 
line  pdnalite  speciale  pour  le  crime  perpetie  par  riiomme  ivre  ;  il 
a  laissd  entre  les  mains  du  magistral  ie  droit  de  pardonner  on  de 
punir,  selon  les  diverses  circonslances  mises  en  lumifere  par  le 
procfes,  ce  n’est  pcut-Otre  pas,  comme  je  le  disais  tout  ii  I’heure, 
im  cmbarras  qti’il  a  voulu  deguiser,  mais  bien  une  oeuvre  habile  et 
sage  qu’il  a  tenu  ct  consommer. 

En  mati^re  civile,  la  libertii  du  consentement  est  le  fait  primor¬ 
dial  d’une  convention.  Or,  si  i’uiie  des  parties  contractantes  est 
plongSe  dans  I’ivresse,  tout  contrat  est  nul.  Si  c’cst  par  le  dol  et  la 
fraude  que  Ton  a  provoqud  chez  elle  le  ddlire  dbrieux,  avec  la 
secrfele  intention  de  surprendre,  ii  la  faveur  de  cet  dtat,  une  con¬ 
science  rebelle  et  d’arraclier  une  signature  corapromeltante,  la 
rescision  de  la  convention  est  prononciie,  sans  prejudice  des  pour - 
suites  du  ministfere  public.  Le  droit  civil  assimile  done  I’liomme 
ivre  &  I’eufant  et  ci  I’aliene  :  il  le  met  ii  i’abri  des  consequences 
qiii  peuvent  resuller  d’actes  non  librement  consentis.  M.  Delasiauve 
aurait  pu  invoquer  ce  puissant  argument,  &  I’appui  de  sa  thfise 
philanthropique  ;  il  ne  I’a  pas  fait,  mais  je  suis  heureux  de  lui 
fournir  contre  moi  une  arme  si  courtoise. 

J’ai  6te  etonne  d’entendre  M.  Delasiauve  se  servir  indifierem- 
ment  des  termes  d’ivresse  oil  d’ivrognerie,  d’homme  ivre  ou  d’i- 
vrogne.  Qu’il  me  permette  de  lui  rappeler  que  I’ivresse  est  un  acci¬ 
dent,  mais  que  I’ivrognerie  est  un  lilat,  et  qu’il  existe  une  ligne  de 
demarcation  tres-tranchee  entre  les  expressions  ebrius  el  ebriosits. 
Au  point  de  vue  medico-legal.  Tabus  invetere  des  liqueurs  spiri- 
tiieuses  doit  rester  a  pen  pres  sans  inQuence  sur  la  responsabilite, 
tant  qu’il  ne  se  manifeste  pas  un  delire  confirme  et  permanent. 
L’ivrognerie  n’accroU  ui  n’all'aiblit  les  consequences  de  Tacte  com- 
mis;  elle  pent  seulement  dimiiiuerde  beaucoup  ou  faire  disparaltre 
la  suspicion  d’une  ivresse  intentionnellement  contraciee  dans  un 
but  coupable.  Li  encore,  la  justice  est  souveraine,  et  son  arrfit  doit 
dependre  de  Tappreciation  directe  tie  la  mor.ilite  du  fail. 

Pour  en  revenir  au  cas  particulier  que  M.  Delasiauve  a  sourais 
b  noire  examen ,  je  trouve  que  nous  ne  sommes  pas  sulHsamment 
renseignes,  que  nous  manquons  des  elements  d’appreciation  les 


282  SOCifiTfi  MfiDICO-PSYCHOLOGIQOE. 

plus  indispensables,  el  que  la  Socidtd  mddico-psychologique  ne  doit 
pas  engager  son  nom  et  son  aulorild  dans  une  affaire  qui,  an  point 
de  vue  de  la  procedure,  me  paralt  pdcher  par  la  base.  Je  ne  voudrais 
pas  dmetireune  opinion  preconQue,  raais  il  me  semble  que  le  voi  en 
dial  d’ivresse  doit  6tre  une  chose  tout  a  fait  insolite.  L’liomme  ivre 
est  colfere,  turbulent,  violent;  il  menace,  il  insulte,  frappe  ou  tne, 
mais  11  ne  vole  pas!  Je  crois  done  qu’ll  y  a  lieu  de  ne  point  se 
ddparlir  d’une  circonspectioji  extreme. 

M.  Delasiauve  r6pond  aux  observations  qui  lui  ont  did  fades,  en- 
ire  autres  par  MM.  Baillarger  et  Legrand  du  Saulle.  Celni  ci  remar- 
que  avec  vdritd  que  le  vol  ne  figure  point  dans  nos  iraitds  parmi 
les  acies  ddliclueux  commis  dans  Tiviesse  et  qui  consistent  le  plus 
souvent  en  menaces,  outrages  et  votes- de  fait.  Il  est  relaliveraenl 
rare  et  cela  se  conqoit,  dlant  le  rdsultat  d’une  sorte  de  calcul  prd- 
mdditd  peu  compatible  avec  la  torpeur  dbrieii.se.  Le  vin  poiisse,  en 
effet,  aux  actes  automatiques,  it  la  coldre  aveugle  et  vague,  qui  s’ir- 
rite  follement  ou  resiste  &  des  obstacles  rdels  on  imaginaires.  Mais 
si  le  penchant  au  vol  est  moins  commundment  surexcild  que  les 
autres,  si  it  son  dgard  nos  ouvrages  classiqiies  sont  muets,  II  ne 
s’ensuit  pas  que  I’lvresse  ne  puisse  quelquefois,  ou  en  particulier 
chez  certains  sujets,  donner  lieu  it  une  semblable  manifestation. 
Dans  les  notes  que  j’ai  recueillies  pour  noire  consultation,  j’en  ai 
rassembld  plusieurs.  M.  Brierre  de  Boismont  en  a  menlionnd  un 
trds-curieux  dans  les  Annales  et,  pour  mon  compte,  dvoquant  mes 
souvenirs,  j’en  ai  retrouvd  trois  exemples  qui  n’ont  pas,  it  la  vdritd, 
dtd  ,«oumis  it  la  justice,  mais  qui,  en  raison  des  dcarts  rditdrds,  ont 
raoiivd  une  sdquestration  continue. 

Quant  aux  objections  de  M.  Baillarger,  M.  Delasiauve  croil  y  avoir 
rdpondu  par  anticipation.  Dans  les  considdrations  ou  il  est  enlrd, 
noire  confrere  relate  un  fait  oii  I’ivrognerie  s’accompagnerait  d’une 
prddisposition  morbide.  D’autres  membres  ont  mis  en  avant  des 
complications  analogue,s.  Loin  de  rejeter  ces  circonstatices,  M.  Dela¬ 
siauve  n’y  voit,  le  cas  de  vol  dchdant,  qu’un  motif  de  plus  a  I’ap- 
ptii  de  I’irresponsabilitd.  Sous  le  coup  de  rdpilepsie,  les  personnes 
les  plus  sobres  peuvent  dprouver  I’appdtence  des  liqueurs,  s’enivrer 
el  commettre  un  larcin.  En  justifiant  I’ivresse,  I’dpilepsie  justilie  par 
surcroit  le  vol.  Seulement,  la  n’est  pas  la  question  posde.  Il  s’agit 
non  de  I’exceplion,  mais  du  principe.  L’ivresse,  ipso  facto,  la  cause 
absiraile,  est-elle  une  folie  passagdre  motivant  I’irresponsabilitd  ?  On 
hdsiteiise  prononcer.  Avec  Trdbutien,  llossi,  Damiron,  eic.,  M.  De¬ 
lasiauve  pense  que  le  magislrat  ne  sauraii  avoir  deux  poids  et  deux 


M.  LINAS.  —  QUESTION  MfiOlCO-LfiGALE.  283 
balances  et  que,  toutes  les  fois  que  I’acteimpul^  iSinane  de  I’iviesse, 
il  ii’y  a  pour  lui  d’autre  alic native  que  racquiliement. 

M.  Pouzin  :  II  y  a  (les  enl'anlsqui,  des  leiir  bas  Age,  ont  line  pro- 
pen.<;ion  a  prendre  el  a  s’approprier  les  objets,  sails  aucun  discer- 
iiement.  Lorsqne  I’instruction  et  I’ddncdlion  rer.lifienl  ce  inauvais 
penchant,  il  pent  cependant  se  reproduire  dans  un  Age  plus  availed, 
sous  I’inlluencc  d’une  cause  d’o.'.cilatiui  (,uolconque,  les  liqueurs 
spiriiueuses  ou  Tabus  du  plaisir  vdndrien.  Il  y  a  done  lieu,  dans  le 
cas  cild  par  M.  Delasiauve,  de  recherclier  si,  chez  Toffleier  qui  a  void 
en  dial  d’ivresse,  11  y  a  des  anlecddents,  soil  dans  sa  faniille,  soil 
dans  sa  jeunesse. 

M.  Pouzin  cite  Texemple  d’un  jeune  ollicier,  de  irfes-bopne 
I'aniilie,  qui  n’a  la  manie  du  vol  que  quand  il  est  exeitd  par  Talcool 
ou  par  ie  plaisir  veudrien.  11  esi  de  ceux  qiTon  ne  veul  pas  appeler 
des  fous  et  qui,  plus  ils  vieillissent,  plus  ils  retombeut  volontiers 
dans  leur  manie.  Le  procuieur  iinpdrialTa  considdrd  eomme  alieint 
de  la  monomanie  du  vol ;  il  apparlieiit,  pour  M.  Pouzin,  a  la  cald- 
gorie  de  ces  alidnds  que  M.  Trdlat  appelle  des  fous  lucides,  qui 
ddraisonnent  dans  les  actes ;  ddraisou  d’aclion  sans  ddraison  dans 
les  paroles. 

QuTin  individu,  dans  ces  condllions,  ailalfalre  A  la  justice,  on  ne 
pent  le  sauver  qu’en  invoquani  la  manie  du  voi,  deveniie  iinpi?- 
rieusesoiis  Tinlluence  de Texcilalion  alcoolique. 

M.  Bnerre  deBotsmojii:  line  chose  m’dionne.De  lous  les  homines 
qui  oiu  dcrit  sur  la  malifcre,  aucun  n’a  traltd  ceiie  question  du 
vol  coiiimis  sous  Tlnfliience  de  Tivresse.  D’un  autre  c6ld,  constam- 
ment  je  vois  dans  les  journaux  judiciaires  que  la  coudainnation 
intervient  toujeurs,  tout  auplus  avec  des  a ttdn nations,  il  y  a  absence 
(ie  renseignemenis  complete  dans  le  cas  que  M.  Delasiauve  soumei 
a  la  .Sacidid. 

iM.  Trelat :  J’ai  dtd  consultd,  il  y  a  quelques  auiiees,  par  la  fainille 
d’un  ollicier  qui  voiait  ses  camarades  chaque  fois  qu’il  avail  bn  ;  il 
rendalt  le  plus  souveiit  le  lendeniain  ce  qu’il  avail  pris  la  veille. 

M.  Lunier :  SI.  Pouzin  nous  a  dit  qu’i  la  suite  d’excitations, 
queilesqu’eiles  fusseiit,  son  malade  voiait :  dans  le  fait  de  SI.  Bail- 
lui'ger,  c’dtait  seuleuient  lorsqiTil  dtail  en  dial  d’ivresse,  que  le  ma¬ 
lade  se  laissait  ailer  a  des  impulsions  insolites.Tous  ces  cas  out  dvi- 
demmenl  un  lien  comuuiii,  et  celie.n  n’est  autre  qu’un  dtai  uialadif 
latent  qui  ne  se  rdvtle  que  dans  des  circonstances  ddlermindes. 

M.  Linas  :  Je  me  rallie  volontiers  a  Topiuion  de  SISI.  Baillarger, 
Lunier  et  Legrand  du  Baulle.  11  faut  dtudier  i’individu  avec  soin, 
pour  arriver  a  une  solution  seientilique  salisfaisanle.  L’ivresse 


284  SOCifeTf;  MfiDlCO-PSYCHOLOGIQUE. 

n’est  passeulement  une  cause d^terminante  maladiye,  elle  peul  filce 
quelquefois  un  sliinulaiU,  un  aiguillon.  De.s  inclividiis  chancelant 
devani  un  forfait  demandeni  4  rivresse  un  bras  plus  ferme,  une 
volonle  plus  ^nergique.  Serait-il  dquitable  d’appliquer,  en  pareil 
cas,  le  bSiKifice  de  rinipunil^?  Voila  pourtant  4  quelle  conse¬ 
quence  extreme  pourrait  conduire  le  princiiie  de  rinesponsabilite, 
s’il  etait  adople  d’une  nianiferc  trop  absolue  en  ce  qui  concenu; 
I’ivresse ! 

La  seance  esl  levee  4  six  heures. 


S6ance  du  24  d6cembre  dSGG.  —  Presidence  do  M.  Felix  Yoisin. 

Lecture  et  adoption  du  procfes-verbal  de  la  prdeedente  sdancc. 
M.  ledocteur  Neuschler,  medecin-adjolnt  de  I’asile  de  Zwicfalten 
(Wurtemberg),  assiste  4  la  sdance. 

Correspondance : 


La  Socidte  recoil  : 

1"  Une  brochure  ayant  pour  litre  :  Recherches  cliniques  sur  le 
bromure  de  potassium  et  de  son  emploi  dans  le  traitement  de  I’epi- 
lepsie,  par  M.  le  docteur  A.  Voisin; 

2“  Le  numero  de  ddeembre  18G6  du  Journal  de  medecine  men- 
tale,  par  M.  Delasiauve. 

M.  Lunier  donne  lecture  du  rapport  suivaut  sur  la  candidature 
de  M.  Fougdres. 

Messieurs, 

Je  viens,  au  nom  d’une  commission  composdede  MM.  Baillarger, 
A.  Foville  et  moi,  vous  presenter  un  rapport  sur  la  candidature  de 
M.  le  docteur  Fougferes  au  litre  de  membre  correspondant  de  la 
Socidtd  miidico-psychologique. 

A  I’appui  de  sa  candidature,  M.  Fougeres  a  adressd  4  la  Societe 
un  travail  manuscrit  ayant  pour  litre:  VAsile  de  Naugeat;  cUnique 
de  I’annie  1865. 

Une  panic  de  ce  travail  est  4  la  fois  administrative  et  mddicale,  et 
ren  ferme,  4  cOte  de  considdrations  gdndrales  convenablement  ex- 
posdessur  I’application  de  la  loi  de  1838,  une  description  sommaire 
du  nouvel  asile  de  Naugeat,  4  la  erdation  diiquel  M..  Fougdres  a 
assistd.  Cette  notice  mddico-administralive  devant  dtre  trds-proebai- 
nement  insdrde  dans  les  Annales  medico-psychologiques,  je  n’en 


RAPPORT. 


M.  LUNIER. 


285 


parlerai  point  ici  el  je  passerai  immddiatement  &  la  deuxitme 
partie,  qni  est  cn  mfiine  lemps  slaiistiqne  et  Clinique. 

Les  rapporls  de  nos  mddecins  d’asile  contiennent  avanttout,  pone 
la  plupart,  dcs  clocunieiits  statistiques,  recueillis  avec  pins  on  moins 
de  m^tliode  et  dc  soiii,  mais  sans  plan  d’enscmble.  Presque  tons,  il 
est  vrai,  out  adoptd,  faute  de  mleux,  les  cadres  ^lablis  par  le  bureau 
de  la  stalislique  an  ministfere  dii  commerce ;  mais  nous  savons  com- 
bien  ces  cadres  laissent  ?i  d&irer  et  combien  il  est  dilTicile  dc  tirer 
qnelqiies  enseignemeiiis  pratiques  dc  documents  recueillis  dans  de 
pareilles  conditions.il  nous  paralt  done  indispensable  que  ces  cadres 
soiont  profondemeni  niodifids  :  nous  avons  d’ailleurs  tout  lien  d’es- 
perer  qn’ils  ne  tarderont  point  a  I’gtre. 

11  serait  dgalement  d  ddsirer  qu’en  dehors  des  rapporls  annuels 
qni  ne  portent  foredment  que  sur  un  nombre  de  fails  relativcmcnt 
restreint,  les  mddecins  d’asile  prissent  rhabitude,  comnie  dd];!  quel- 
ques-uns  I'ont  fait,  de  publicr  des  rapporls  erabrassant  une  periode 
de  cinq  a  dix  ans.  Cela  serait  facile  aujourd’hui,  que  I’anicle  64  du 
rdglement  riu  20  mars  1857  impose  aux  mddecins  d’asiles  publics 
I’obligaiion  de  faire  rSdiger  et  lenir  au  courant  par  les  dlfeves  inter¬ 
nes  I’observation  de  tous  les  malades  admis  dans  les  diablissenients, 
et  dc  ddposer  ces  observalions  dans  les  archives. 

M.  Fougdres  est  largement  enlrd,  sous  ce  rapport,  dans  ce  que 
nous  nous  permcurons  d’appeler  la  bonne  voie.  Prenant  la  stalis- 
tique  pour  ce  qu’elle  vaut,  et  ne  la  considerant  que  conime  un  dle- 
ment  d’observation,  il  a  recueiili  avec  soin  et  groupd  avec  mdthode 
les  fails  observds  par  ini  en  1865.  fivitant  de  se  laisscr  enlrainerii 
tirer  trop  vile  des  conclusions,  il  ne  s’est  arrdtd  que  sur  les  resultats 
qui  lui  ont  paru  avoir  une  signification  toute  parliculifere  par  rap¬ 
port  a  ceux  qu’il  avail  observds  preeddemment  dans  I’asile  auquel  il 
est  atlachd  depuis  1860. 

Nous  ne  ferons  qu’un  reproche  a  M.Fougferes,  e’est  de  n’avoir  point 
encore  adoptd,  pour  dlablir  la  proportion  de  la  mortalitd,  la  md- 
ihode  suivic  aujourd’hui  par  tous  les  stalisliciens  et  qui  consiste  a 
comparer  le  chiilre  des  ddeds,  non  point  a  celui  des  malades  Irailds, 
mais  bien  a  la  population  moyenne,  qu’on  obtient  en  divisant  le 
nombre  total  dcs  journdes  de  prdsence  par  365.  Cette  mdlhode,la 
seule  rigoureusement  exacie,  a  de  plus  I’avantage  de  permellre  de 
comparer  facilement  les  rdsultals  obtenus  par  les  diffdrenls  obser- 
vateurs. 

Le  travail  dont  je  viens  dc  vous  donner  un  tr6s-rapide  aperqu 
n’est  point  d’ailleurs  le  seul  litre  de  M.  Fougferes.  Atlachd  pendant 
hull  anndes  au  service  de  santd  militaire,  il  a  publid,  en  1848,  une 


286  SOCifiTfi  MfeDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

bonne  thfese  sur  I’hyslerie,  qii’il  considfere  coiiime  nne  afieclion 

coiiiplexe,  dans  laqiielle  les  d^sordres  de  Tappareil  musculaire  ne 

seraient  qii’une  partie  de  la  sdrie  des  pht5notn6nes  constitnlifs  de 

la  maladie,  et,  en  1862,  quelques  reclie relies  sur  la  pellagre  des 

ali^nes. 

M.  Foogfercs  cst  anjourd’hui  vice-prdsidenlde  la  Socidle  de  m6de- 
cine  de  Limogesj  et  secretaire  de  rAssociation  m^dicale  de  la  Haute- 
Vienne;  entrd,  en  I860,  dans  le  service  des  alidn^s,  en  qualite  de 
medecin-adjoint  de  I’asile  de  Limoges,  devenu  plus  tard  I’asile  de 
Naugeal,  il  est,  depiiis  1863,  le  (':rectenr-m^decin  en  clief  de  cet 
irnporlant  elablissemeul. 

M.  Foug^i  es  est  done  digneli  tons  dgards  d’etre  des  ndlres,  etia 
commission  que  vous  avez  cliargde  d’examiner  ses  litres  vous  pro¬ 
pose  de  le  nommer  membre  correspondaiu  de  la  Socidle  niedico- 
psycbologique. 

On  passe  an  scrulio,  et  M.  Kongferos,  ayant  reuni I’unanimitd  des 
sullrages,  est  proclame  membre  correspondant  de  la  Socidtd. 

Renouvellement  du  bureau: 

L’ordre  dn  jour  appelle  les  dleciions  anmielles  pour  le  renouvelle- 
mentdu  bureau;  sont  successivemeiit  dlus  au  scrulin  et  a  la  majo- 
riid  des  voix : 

Vice-prhident .  M.  Brocliin; 

SecrUaire  general .  M.  Ch.  Loiseau; 

Secritaire.  . .  M.  Motet; 

Secretaire  adjoint .  M.  Acli.  Foville  ; 

Tresorier-archivisie . .  M.  Legrand  du  Saulle; 

Menibres  du  comile  de  publication.  MM.  Jules  Falret,Brierre 
de  Loismout  et  Auguste  Vois'ii. 

M.  Paul  Janet,  vice-prdsident  dlu  pourl’annee  1866,devienl  pre¬ 
sident  de  droit  aux  termes  de  Farlicle  9  du  reglement. 

Conyres  des  medecins  alienistes. 

M.  Achille  Foville  a  la  parole  pour  la  lecture  d’un  rapport  sur  la 
proposition  de  M.  Lunier,  relative  a  une  reunion  des  medecins  alid- 
nisles  de  tons  les  pays. 

Messieurs, 

Plusieurs  fois  dSJi  il  a  question  d’organiser  a  Paris  une  rdu- 
nion  gdndrale  de  mddecins  alidnistes  et  dd  psychologues  franqais 


HI.  FOVll/IiE. 


RAPPORT. 


287 


et  dtrangers;  la  colleclion  des  Annales  medico-psyehologiques  ren- 
ferme  plusieurs  projels  de  ce  genre,  dus  MM.  Baillarger,  Renau- 
din  et  Morel,  et  ce  qui  se  passe  chaqne  annfie  en  Angleterre,  en 
Allemagne,  aux  fitats-Unis,  pour  une  seule  nationality,  montre  la 
possibility  et  I’avantage  d’assembiyes  de  ce  genre. 

Lors  du  dernier  banquet  de  la  Sociyty  mydico-psychologique, 
M.  Morel  renouvela  les  vceux  qu’il  avait  antyrieurement  exprimys, 
en  faisant  remarquer  que  I’Exposition  universelle  el  le  Congi-ys 
mydical  qui  devaient  avoir  lieu  en  1867,  semblaient  indiquer  celte 
annye  comme  parliculierement  propice  pour  une  ryuiiion  interna- 
lionalc. 

D6s  lors,  vous  avez  adhyry  acette  proposition,  et  lorsqu’elle  vous 
a  yty  rappeiye,  par  M.  Lunier,  dans  noire  syance  du  26  novenibre 
dernier,  une  discussion  sommaire,  dans  laquelle  plusieurs  de  vos 
membres,  nolammcnl  MM.  Foiirnct,  Moreau  (de  Tours)  et  Alfred 
Maury,  out  piis  la  parole,  a  suffi  pour  indiquer  le  mode  de  ryu- 
nion  vers  lequel  se  porteraient  de  pryfyrence  les  sympathies  de  la 
Sociyty. 

.  Celle  indication  a  dirigy,  dans  ses  yiudes,  la  Commission  que 
vous  avez  chargye  de  reclierclier  les  inoyens  pratiques  de  meltre  ft 
exycuiion  ce  qui,  j usque-la,  n’etait  qu’un  simple  vam  :  celte  Com¬ 
mission,  coinposee  de  MM.  Moreau  (de  Tours),  Erierre  de  Bois- 
mont.  Morel,  Lunier,  Fournet,  Legrand  du  Saulie  el  Acb.  Foville, 
apibs  avoir  tenu  plusieurs  syances,  a  rdsolu  de  vous  soumettre  plu¬ 
sieurs  propositions  que  je.  vais  avoir  ITionneur  de  vous  faire  con- 
naitre. 

Je  ne  vous  cxposerai  pas,  Me.ssieurs,  les  motifs  qui  peuveul 
plaider  en  faveur  du  projet  en  question  ;  je  considdre  le  principe 
comme  approuve  et  admis,  et  je  ne  m’occupe  que  des  moyens 
d’exycutiou. 

Une  premifere  question  se  prysentait  : 

Un  Congr6s  mydical  international,  embrassant  loutesles  brandies 
des  connaissances  mydicales,  doit  avoir  lieu,  ii  Paris,  dans  la  se- 
conde  quinzaine  du  mois  d’aout  1867,  el  les  nombreuses  adhysions, 
que  le  comity  d’organisation  reqoit  des  diverses  rygions  de  la 
France,  aussi  bien  que  des  pays  etrangers,  sont  de  nature  a  faire 
e.spyrer  que  ce  Congres  sera  nombreux  etbrillant. 

Nous  devious  nous  demander,  d’abord,  s’il  serait  possible  on  con- 
venable  de  cliercher  ii  conslituer,  dans  ce  Congres  gynyral,  une 
section  speciale  composye  de  mydecins  alienisles,  de  faqon  h  faire, 
de  notre  ryunion,  une  dypcndance  ou  une  annexe  de  celte  grande 
assemblee  mydicale.  Nous  avons  pris  des  renseignements  it  cet  dgard 


588  SOClfiTli  MfiDICO-PSyCHOLOGIQUE. 

aiipn'is  dll  comity  d’orijanisation,  et  nous  avons  appi'is  qiie,  poiii' 
ties  molifs  que  nous  n’avons  pas  fi  repiocluire  id,  mais  qui  nous 
ont  paru  parfaitement  foiid^s,  le  Congrts  mddical  n’admeltrait  ni 
sections,  ni  annexes. 

A  part  memo  celte  iuipossibilile,  d'autres  considSralions  auraieiit 
dll  faire  dcarter  cct  arrangement.  Eii  effet,  la  Socidtd  medico-psy- 
chologiqne  appelant  dans  son  sein,  et  ayaiit  I’avantage  de  compter 
parmi  ses  membres,  non-seulement  des  medecins,  mais  encore  des 
philosophes  et  des  psychologues,  qui,  faute  d’etre  miidecins,  n’au- 
raient  pu  faire  partie  du  Congrbs  mddical,  nous  aurions  irouvd  com- 
plelement  inadmissible  ime  combinaison  qui  aurait  liloignd  de  la 
rdiinion  projeide  plusieurs  de  nos  collbgues,  y  compris  notre  dmi- 
nent  vice-president,  et  qni  nous  aurait  privds  du  concours  de  sa¬ 
vants  dtrangers,  dgaleriient  versds  dans  les  sciences  qni  nous  occn- 
pent,  quoique  n’appartenant  pas  an  corps  mddical  par  les  liens  d’un 
diplOme. 

L’annexion  an  Congrbs  mddical  gdndral  dIant  ainsi  mise  liors  do 
qncslion,  nous  devious  nous  demander  ensuile  s’il  conviendrait  de 
provoquer,  en  dehors  de  cc  Coiigrbs  el  en  dehors  de  noire  Socidld 
elle-mcmc,  un  Congrbs  mddico-psychologique  special  et  inrldpen- 
dant,  qni  se  liendrait  a  la  mbme  dpoqne  que  le  Congrbs  mddical 
ou  a  line  dpoque  irbs-voisine,  en  sorle  que  les  mddecins  dlran- 
gers,  vonus  a  Paris  dans  le  bill  d’assisler  ii  I’une  de  ces  rdunions, 
pus.senl  dgalement  prendre  part  aux  travaux  de  I’autre. 

Sans  donte,  Mes-sieurs,  ce  projei  aurait  eu  qiielque  chose  do  sd- 
diiisant  par  I’imporiance  cl  le  relief  qu’il  aurait  pu  dormer  aux 
dludes  auxqucllcs  nous  sommes  vouds  ;  mais,  alors  mfime  que  le 
succbs  en  eiit  dtd  assurd,  ee  qui  pouvait  btrc  douteux,  ii  aurait  for- 
cdment  enlralnd  la  constitution  d’un  comitd  d’organisalion,  des  dd- 
niarchcs  nombreiises  pour  obtenir  une  aulorisation  el  un  local,  dcs 
correspondances  irbs-dtcndiies,  et  enfin  des  ddpenses  pour  les- 
qiielles  ii  aurait  fallu  troiiver  des  ressources  spdciales  qui  n’existent 
pas. 

Nous  ne  nous  sommes  done  pas  arrbtds  a  ce  projet  ambitieux,  mais 
avenlurd,  d’autani  plus  qu’il  nous  a  paru  possible  de  rdaliser  tons 
les  avanlages  qii’anrait  pu  pi'dsenler  ce  Congrbs  spdeial,  sans  courir 
aucun  risque,  sans  erder  rien  de  nouveau,  et  en  nous  mainienant 
dans  les  conditions  d’exislcnce  ordinaires  de  la  Socidld  mddico" 
psychologique. 

Notre  Socidtd,  Messieurs,  je  n’ai  pas  besoin  de  vous  le  rappeler, 
s’est  toujours  fait  un  plaisir  et  un  honneur  de  faire  asseoirdans  ses 


M.  FOVULLi;.  —  HAPPORT.  289 

rangs  les  miidecins  alidnistes,  nationaux  ou  Strangers,  qui,  de  pas¬ 
sage  a  Paris,  veuaicnt  assister  h  ses  stances. 

Celle  habitude  d’hospilalile  confralernelie  contienlun  germe  qu’il 
suffira  de  dgvelopper  pour  rdpondre  convenablemenl,  nous  I’espd- 
rons,  a  lous  les  ddsirs,  a  toules  les  indicaiions  que  pourra  faire 
surgir  I’ann^e  1867. 

Seulemenl,  au  lieu  d’altendre  que  les  Strangers  viennent  frapper 
a  noire  porte  el  deinandent  a  Sire  admis  parmi  nous,  il  serait  plus 
prevenanl,  plus  digne  du  rOle  auquel  toule  la  capilale  de  la  France 
va  fitre  conviSe  I’annSe  prochaine,  de  prendre  nous-mSmes  I’initia- 
livc  de  cetle  dSinarche,  el  d’atllrcr  les  visiteurs  dans  noire  sein,  en 
leur  falsant  connailre,  par  une  publlcltS  a  la  fois  prudente  et  ac¬ 
tive,  ie  plaisirque  nous  auroris  a  les  recevoir,  a  meltre  nos  connais- 
sances  a  leur  disposition  el  a  profiler  nous-mfimes  de  leurs  luraiferes, 
a  ctre  iiiities  a  leurs  Iravaux,  a  leurs  Sludes  lliSoriques,  a  leurs  pro- 
cedSs  d’applicallon  pratique. 

Outre  sa  simplicite,  cetle  mSlliode  aurait  encore  I’avantage  de 
pennettre  d’Siendre  a  un  plus  grand  nombre  de  conlrferes  le  bSnS- 
fice  de  cette  communion  scientiiique,  et  de  donner  a  notre  hospi- 
lalitS  une  sorte  de  permanence  que  n’aurait  pas  pu  avoir  un  con- 
grbs  de  quelques  jours.  En  effet,  c’est  sans  doule  au  moment  du 
Congrfes  mSdicai  que  Paris  verra  aflluer,  en  plus  grand  nombre,  les 
mSdecins  que  nous  serons  lieureux  de  recevoir  parmi  nous,  mais 
tous  ne  seront  pas  fibres  a  la  mSme  Spoque,  et  beaucoup  de  savants 
choisiront  aussi  un  autre  moment  pour  venir  passer  quelque  temps 
a  Paris  et  visiter  I’Exposition  universelle. 

Aiin  de  pouvoir  se  meltre  en  rapport  avec  les  visiteurs  de  tontes 
les  pdrlodes  et  de  profiler  du  passage  des  premiers  venus  aussi  bien 
que  de  la  presence  de  ceux  qui  arriveront  au  moment  de  TalDuence 
la  plus  gdndrale,  la  Socidtd  n’aurait  qu’a  adopter  les  deux  mesures 
suivantes  : 

1°  Avoir,  depuis  le  avril  jusqu’a  la  fin  de  juillet,  deux  stances 
par  mois,  ainsi  que  cela  se  pratique  chaque  annde  pendant  les  mois 
de  novembre  et  de  ddcembre  (sdances  suppldmentaires  n’entialnan 
pas  la  ddlivrance  d’un  jelon  de  presence) ; 

2“  Tenir,  a  une  dpoque  aussi  rapprochde  que  possible  de  I’ou- 
verture  du  Congr6s  mddical,  c’est-a-dire  pendant  la  deuxidme  se- 
maine  d’aodt,  une  session  extraordinaire,  composde  de  quelques 
sdances  trds-rapprochdes  les  unes  des  autres  et  spdcialement  desii- 
ndes  a  recevoir  les  mddccins  attirds  par  le  Congrds  mddical. 

II  eiit  peut-dtre  dtd  ddsirable  de  tenir  cetle  session  extraordinaire 
pendant  la  durde  mfime  du  Congrfes,  mais  cela  n’est  pas  possible, 
AHNAL.  MliD.-psycu.  4'^  sdrie,  t.  ix.  Mars  1867.  7.  19 


290  SOCI6t£  MfiDICO-PSYCHOLOGIQnE. 

celui-ci  devant  s^voir  deux  stances  par  jour.  II  faudra  done  nous 
contenter  de  nous  en  rapproclier  autant  que  possible,  et  nous  avons 
pepse  qu’il  serait  pr^Krable  de  nous  rdunir  imm^diatement  avant, 
plulOt  qu’immddiatement  aprfes,  craignant  que  dans  ce  dernier  cas, 
qqs,  sda,oces  ne  dqssent  trop  souffrir  de  la  fatigue  causde  par  le  Con- 
gres  et  ravdnement  des  vacances. 

Telles  sont,  Messievirs,  les  premiferes  bases  des  resolutions  que 
nous  allons  vpus  proposer;  si  vous  voulez  bien  les  adopter,  il 
nous  restera  ii  rechercher  quelles  devront  6tre  les  conditions  d’ad- 
mission  a  nos  sdances  tant  ordinaires  qu’extraordinaircs ;  queiles 
rbgles  devront  diriger  nos  travaux;  quelles  mesures  seront  neces- 
saires  pour  assurer  I’execution  matdrielle  du  projet. 

Voiei  quelles  seraienl,  a  ces  differents  dgards,  les  vues  de  votre 
Commission  : 

Admissions,  —  Pour  douner  a  ces  sdances  tout  I’intdrfit  qu’elles 
peuvent  avoir,  il  faut  faire  largement  appel  it  tons  ceux  dont  la  pre¬ 
sence  dans  celte  enceinte  pent  etre  pour  nous  et  pour  eux  une  source 
d’insiruction,  et  une  occasion  de  rapports  sociaux  agreables. 

En  faisant  un  accueil  dgalement  bienveillant  it  tous,  nationauxet 
etrangers,  la  Societd  n’aura  pas  seuleraent  le  merite  de  donner  une 
preuve  dclatanle  de  la  manifere  liberale  dont  elle  emend  I’hospitalite ; 
elle  agira  aussi  daps  son  propre  interet,  car,  parnii  eenx  qui  aiuont 
ete  ainsi  regus,  par  nous,  k  litre  d’bdtes,  d’une  maniere  passagere, 
plus  d’un,  soyez-en  sdrs,  emportera  le  ddsir  d’enlrer  dans  nos 
rapgs  d’uqe  nianifere  definitive,  et  cetle  ambition,  tlatleuse  ft  tous 
egards  pour  la  Societe,  nous  vaudra  un  nouveau  contingent  de  ira- 
vaux  scientifiques  et  un  surcrolt  d’autorite  morale. 

Mais,  en  mfime  temps,  nous  devons  prendre  toules  les  prdcaulions 
n^cessa^res  ponv  metire  la  dignild  de  la  Socidtd  au-dessus  de  toute 
altejnle,  et  dviter'que  le  prestige  d'une  origine  dloignde  ou  ^absence 
d’informatious  suffisanles  puissent  rendre  possible  aucune  immixtion 
qntne  serait  pasjustifide  par  une  honorabilitd,  une  cqmptiience,  une 
inoyaUte  ptofessionnelles  reconnues.  Qqelques  conditions  d’admis- 
sibijite  sont  dpnfi  ipdispensables. 

Ces  conditions  pourraiept  give  la  possession  de  certaines  qualifi¬ 
cations  ddtevntindes,  ou  it  dgfaut  do  ces  litres,  ceriaines  riigles  de 
prgsentalion  et  d’acceptation, 

Nous  vous,  proposerons  done  d’admettre,  sur  la  sipaple  declara¬ 
tion  do  ses  noms  et  qualitgs : 

Parmi  les  Eeangais,  lout  tngdecin  attaehd  it  un  asile  d’alidnes  pu- 
blip  QUPri^^i  twt  professeur  titulaire,  ou  agregg  d-une  Eaeullg 
fransaise  de  mgdecine,  ,de  sciences  on  de  leltres. 


M.  FOTILI.B.  —  RAPPORT.  291 

Parmi  les  Strangers,  tout  mddecln  alifiniste,  olliciellement  attache 
&  un  asile  d’alidnfis,  tout  professeur  d'une  Universitt!  Idgalement  con¬ 
stitute,  et,  par  une  dtftience  dont  nous  pourrions  ttre  heureux  de 
recevoir  la  rtciproeitt,  tout  membre  d’une  des  Socittts  suivantes  ; 
en  Angleterre,  I’Association  des  mtdecins  d’asiles  d’alitnts  (^Isso- 
ciation  of  medical  officers  of  asylums  and  hospitals  for  the  insane) ; 
en  Allemagiie,  la  Socittt  de  psychiatric  {Der  deutsche  Verein  der 
Irrenaerzte);  en  Amtrique,  I’Association  des  mtdecins  d’asiles  des 
Eiats-Unis  {Association  of  medical  superintendants  of  american 
institutions  for  the  insane). 

Quant  aux  savants,  franqais  et  ttrangers,  cultivant  la  science  sans 
titres  ofliciels  et  dtsirant  s’associer  4  nos  travaux,  ils  devront  tire 
pi'tsentts,  autant  que  possible,  d’avance  e  t  par  tcrit,  par  deux  mem  bres 
de  la  Socitlt ;  sur  cette  prtsentation  le  prtsident  prendra  I’avis  des 
membres  du  bureau  et  d’une  commission  spdciale  composte  de  trois 
membres  dtsignds  ad  hoc,  et  prononcera,  s’il  y  a  lieu,  leur  admis¬ 
sion. 

Cette  double  formalitd  de  prdsenlation  par  deux  membres,  et 
d’examen  par  le  bureau  renforcd ,  nous  paralt  mettre  4  I’abri  de 
toute  surprise  regrettable. 

Travaux.  —  Toute  personne  adinlse  4  sidger  parmi  nous,  soil  de 
plein  droit,  soit  aprds  prdsentation  et  ddcision  motivde  du  prdsident, 
pourra  prendre  part  aux  discussions  de  la  Socidtd,  lire  devant  elle 
des  mdmoires  et  lui  faire  des  communications  orales. 

Alin  de  faciliter,  autant  que  possible,  4  nos  hdtes,  la  production 
de  leurs  travaux,  le  prdsident  pourra  toujours  leur  accorder  un  lour 
de  faveur  et  donner  4  leurs  communications  le  pas  sur  les  raatiferes 
inscrites  4  I’ordre  dujour.  De  plus,  toutes  les  fois  qu’une  lecture  oii 
une  communication  aura  dtd  annoncde  quelques  jours  d’avance  au 
prdsident  ou  a  I’un  des  membres  du  bureau,  il  en  sera  fait  mention 
sur  les  lettres  de  convocation. 

n  y  avait  lieu  de  se  demander  si  les  communications  seraient  laiS’< 
•sdes  au  choix  de  chacun,  ou  bien  si  un  programme  ddtermind  serait 
fixd  d’avance ;  il  ne  nous  a  pas  paru  que  ce  dernier  parti  dflt  dtre 
adopld  dans  toute  sa  rigueur,  c’est-4-dire  qu’il  convint  de  ddcider 
longtemps  d’avance  que  tel  jour,  4  telle  lieure,  ou  s’occuperait  de 
telle  question,  4  I’exclusion  de  toute  autre.  Mais  nous  avons  pensd 
que  tout  en  laissaut,  4  ceux  qui  voudraieut  nous  apporter  leur  con- 
CQurs,  une  libertd  pleine  et  entifere  dans  le  choix  de  leurs  travaux, 
4  condition  toutefois  qu’ils  ne  sortissent  pas  du  cadre  des  dtudes 
mddico-psychologiques  ni  des  limites  de  notre  rfeglenient,  il  y  aurait 
avauiage  4  faire  connaltre  d’avance  certaines  questions  sur  les- 


292  SOClfiTJE  M£DICO-J>SYCHOL0GIQtE. 

quelles  la  Soci^i.i5  aimerail  plusparticuliferement  i  fitre  dclairde,  dt  i 
indiquei'  ainsi  la  nature  des  communications  qu’elle  appellerait  Ic 
plus  volontiers  de  ses  voeux.  Si  vous  approuvez  cette  mesure; 
Messieurs,  vous  atirez  h  ddsigner  les  questions  sur  lesquelles  vous 
ddsirez  que  rattention  soit  spdcialement  appelde. 

Epoques,  local,  heure  des  seances.  —  Les  siSances  de  quinzaine 
auront  lieu  aux  dales  suivantes  :  29  avril,  13  et  27  inai,  10  et 
24  juiii,  15  et  29  juillet. 

La  session  extraordinaire  du  niois  d’aodt  se  composera  de  trois 
stances  tenues  aux  dates  suivantes  :  10,  12  et  Id  aoilt. 

Dfes  que  nous  y  serous  autorisds  par  vous,  il  convicndra  de  faire 
auprds  de  M.  le  doyen  de  ia  Facultd  les  ddmarches  ndcessaires  pour 
oblenir  ua  local,  autant  que  possible,  celui  de  nos  sdances  ordir 
nairos. 

L’heure  des  sdances  sera  fixde  a  quatre  heures. 

Moyens  de  publiciti.  —  Si  vous  approuvez,  Messieurs,  les  rdsoln- 
tions  que  nous  allons  soumeltre  5  votre  vole,  nous  pensons  qu’il 
conviendra  de  les  faire  insdrer,  non-seulemenl  dans  les  Annales, 
organe  de  notre  Socidld,  mais  encore  dans  les  journaux  de  mddecinc 
franqais,  avec  prifere  de  reproduction  dans  les  journaux  dtrangcrs 
de  lous  pays. 

En  outre,  nous  pourrons  faire  imprimer  les  radmes  rdsolutions 
sur  des  cartes  spdciales  qui  seront,  autant  que  possible,  adressdes  h 
toutes  les  personnes  supposdes  intdressdes  a  la  question.  L’impres- 
sion  de  ces  cartes  et  leur  envoi  seront  les  seuls  frais  que  la  Socidtd 
aura  it  supporter  pour  les  prdparatifs  de  ces  rdunions  ;  nous  espd- 
rons  que  vous  ne  les  trouverez  pas  hors  de  proportion  avec  ie  but 
h  atteindre. 

Quant  it  la  publicitd  it  donner  aux  travaux  de  la  session  extraor¬ 
dinaire,  elle  nous  parait  devoir  rcntrer  dans  ies  termes  de  la  con¬ 
vention  conclue  avec  la  direction  des  Annales  medico-psychologi- 
ques;  voire  comild  de  publication  prendra  en  considdration  I’dtat 
des  finances  de  la  Socidtd  pour  apprdcier  le  ddveloppement  qui 
pourra  dtre  donnd  it  cette  publication.  Bien  entendu,  du  resle,  rien 
ne  pourra  y  figurer  qui  n’ait  dtd  effeclivement  dit  ou  lu  en  sdance 
publique. 

Nous  avons,  de  plus,  le  plaisir  de  vous  annoncer  que  la  rddaction 
des  Annales  a  bien  voulu  nous  promettre  d’envoyer  gratuitement  le 
numdro  du  journal  oii  cette  publication  aura  lieu,  it  toutes  les  per¬ 
sonnes  qui  auront  assistd  h  la  session  extraordinaire  et  qui  ne  rece- 
vraient  pas  ce  recuell. 


M.  FOVIlilii;,  —  RAPPORT.  293 

Resolutionsii).  —  LaSoei6t6  m^dico-psychologique  invite  tons  les 
savants,  frangais  ou  dtrangers,  mddecins  on  non  mddecins,  vouds  i 
I’dtude  des  sciences  mddico-psychologiques,  qui  viendront  Paris, 
pour  I’Exposition  universelle  et  pour  le  Congrfes  mddica),  a  assisier  a 
ses  sdances,  a  prendre  part  a  ses  discussions,  a  lui  communiquer 
ieurs  iddes  el  leurs  travanx  sur  tons  les  sujels  qui  rentrent  dans  le 
cadre  de  ses  dludes. 

Afin  de  pouvoir  recevoir  toutes  les  personnes  ddsireuses  de 
rdpondre  a  cette  invitation,  la  Socidtd  se  rdunira  : 

1"  En  sdanccs  ordinaires  de  quinzaine  aux  dates  suivantes  : 
29  avril,  13  et  27  mai,  10  et  26  juin,  15  et  29  juillet. 

2“  En  session  extraordinaire  pendant  la  deuxidme  semaine  d’aodt, 
c’esl-a-dire  pendant  colie  qui  prdcddera  immddiatement  I’ouverture 
du  Congrfes  mddical ;  les  sdances  de  cette  session  extraordinaire 
seront  au  nombre  de  trois,  et  auront  lieu  les  10,  12  et  l/i  aoflt. 

Sera  admis  a  ces  sdances,  sur  la  ddclaration  de  ses  noms  et  qualitds ; 
tout  Franqais,  mddecin  d’un  dtablissement  public  ou  privd  d’alidnds, 
ou  professeur  titulaire  ou  agrdgd  d’une  Facultd  de  mddecine,  de 
lettres,  de  droit  ou  de  sciences ; 

Tout  dtranger  attachd  ofBciellement  a  un  dtablissement  d’alidnds 
ou  professeur  dans  une  Universitd  Idgalement  constitude ; 

Tout  membre  d’une  desSocidtds  suivantes  ; 

Socidtd  allemande  de  psychiatric. 

Association  mddico-psycliologique  anglaise, 

Association  des  mddecins  d'asiles  des  Ftats-Unis. 

Les  personnes  ne  rentrant  dans  aucune  des  catdgories  prdcddentes 
et  ddsirant  prendre  part  aux  travaux  de  la  Socidtd,  devront  dire 
prdsentdes  par  deux  membres.  Cette  prdsentation  devra  dire  faite, 
autant  que  possible,  par  dcrit,  quelques  jours  avant  une  sdance. 
Le  Prdsident,  aprds  avoir  pris,  au  besoin,  I’avis  du  bureau  et  d’une 
commission  de  cinq  membres  noramde  ad  hoc,  slatuera  sur  leur 
admission. 

Tons  les  savants,  admis  comme  il  vient  d’dtre  dit,  sidgeront  avec 
les  membres  de  la  Socidtd,  pourront  prendre  part  aux  discussions, 
lire  des  mdmoires,  faire  des  communications  oraies.  Afm  de  leur 
assurer  toulelafaciliid  ddsirable  pour  la  production  de  leurs  travaux, 
le  Prdsident  pourra  toujours  leur  donner  un  tour  de  faveur  ;  toutes 
les  foisqu’lls  auront  annoncd,  cinq  jours  avant  une  sdance,  le  ddsir 


(1)  Nous  donnons  ici  le  texte  des  resolutions  telles  qu’elles  ont  die 
adoptdes  aprds  discussion  dans  la  seance  du  25  fdvrier  1867. 


294  SOClfiTl!;  M£DICOHf>SYCrtOLd&IQtlE. 

de  faire  une  communication  §  la  Soci^t^,  par  lettre  adressde  an  Pi-g- 
sidentj  ou  4  I’lin  des  membres  dn  bureau,  mention  eh  sera  faite  a 
i’ordre  du  jour  sur  les  lettres  de  convocation. 

La  SocWte  laisSe  toute  libertO  sur  le  cboiic  des  travaux  qui  lui 
seront  communiques,  pourvu  qu’ils  rentrent  dans  le  cadre  de  seS 
etudes  et  qu’ils  n’enfreignent  pas  son  rfegiement ;  mais  elle  indiqne 
coinme  dignes  d’un  interet  tout  special  les  questions  suivantes  : 

Legislation  et  mode  d’assistance  applicable  aux  alienes  dans  les 
dllierents  pays. 

llapports  de  la  folie  avec  I’education  privee  et  publlque. 

Bases  d’une  bonne  statistique  appliquee  &  I’alienation  mentale. 

Des  alterations  anatomiques  des  centres  nerveux  dans  les  diverses 
formes  d’alienation  mentale,  et  partlculiferement  des  progrfes  rea¬ 
lises  sous  ce  rapport  par  les  etudes  micrograpbiques. 

Les  seances  auront  toutes  lieu  4  la  Faculte  de  medecine,  a  qualre 
hemes  du  solr. 

La  Societe  decide  que  ce  rapport  sera  imprime  et  distribue  avant 
la  procbaihe  seance. 


Folie  raisonnante, 

M.  Morel  {de  llouen)  communique  tt  la  Societe  une  etude  retro¬ 
spective  sur  I’abbe  Paganel. 

Je  demande  la  parole  pour  ajouter  quelques  considerations  a 
celles  que  j’ai  deji  emises  sur  i’origine  pathologique  des  iUdividus 
designes  sous  le  nom  de  maniaques  raisonnants.  L’hlSloire  de 
I’abbe  Pagahel,  cite  dans  les  Annales  Comme  type  de  ces  sortes  de 
malades  qui  parlent,  ecrivent  raisonnablement,  touten  agissant  en 
sens  mverse  dans  leur  conduite  exterieure,  qui  fatigUent  I’autorite 
de  leitrs  plaintes  incessahtes  et  linissent  par  faire  crolre  qu’ils  sont 
persecutes  injustement ;  cette  hisloire,  dis-je,  m’a  fait  fortement 
soupQonner  que  I’abbe  Paganel  appartenait  lx  cette  categorie  de  ma¬ 
niaques  raisonnants  qUi  se  rattachent,  d’une  manlere  positive,  a 
I’etat  nevropathique  anterieur  de  leurs  ascendants.  Voiciune  lettre 
de  M.  le  docteur  Barrey,  medecln-dirccteur  de  I’asile  d’aliends  de 
Rhodez,  qui  a  pu  prendre  des  informations  sur  place,  puisque  la 
famille  Paganel  etait  de  Rhodez,  et  qui  afrirme,de  la  manierc  la  plus 
certaine,  qu’ati  su  et  an  vu  de  tous  les  contemporains  existants,  le 
pare  de  I’abbd  Paganel  dtait  un  excentrique  tout  a  fait  extraordi¬ 
naire.  Son  fils,  qui  a  tant  ocCupd  les  mddecins  de  Bicdtre  pour  ses 
reclamations  et  demandes  incessantes  de  sortie,  a  donnd  de  bonne 
heure,  alors  qu’ll  etait  encore  au  college,  les  preuves  de  ces  aber- 


ACADfiMIE  IMPfiniALE  DE  MfiDECINE.  295 

rations  ct  excentricitds  de  caractfere  qui  se  r^siiment  plus  tard  dans 
lesplaintes  injustes,  dans  les  idte  de  persecution  non  motivees  et 
que  I’on  observe  si  frequeminent  chez  ces  sortes  de  maniaques,  qui 
etonneiit  les  magistrals  par  la  lucidite  dont  ils  font  preuve  en  ecri- 
vant,  mais  qui  ne  peuvent  tromper  les  medecins  sur  leur  veritable 
dtat  mental. 

II  en  est  qui  se  sont  fait,  dans  ces  derniers  temps,  une  triste  noto- 
ridte  et  qui  ont  su  mfime  intdresser,  en  leur  faveur,  une  partie  du 

monde  medical.  Je  fais  allusion  an  trop  faineux  S . ,  qui  me  pa- 

rait  devoir  dire  placd  dans  cette  mdme  catdgorie  des  hdrdditaires, 
Les  informations  que  j’ai  prises  soUS  ce  rapport  concofdent  parfai- 
leraent  avec  la  thdorie  que  j’dmets  sur  les  relations  forcdes  qui  exis¬ 
tent  si  .souvent  enlre  I’diat  de  manie  raisonnatile  des  ibdividus  et 
Votat  nivropathique  dedeurs  ascendants.  Je  ne  veux  pas  dire  qitd 
cela  existe  toujours,  mais  pour  quiconque  est  an  cburant  de  nies 
iddes  mrVMredite  morbide  progressive,  il  est  doitstant  que  le  ddiire 
plus  ou  molns  gdndralisd  du  Ills  n’est  souvent  que  le  compidoient 
de  I’dtai  d’excentricitd  ou  de  ddiire  irds-restreint  du  pdre  ou  de  ia 
mdre. 

La  sdance  est  levde  a  six  lieures. 


AGADEMIE  IME^IRIALE  DE  MIiIDEGINE. 


Bulletins  tic  rAcntleiiiio  «Ic  mdiiccinc  (1865,  tohie  XXX), 
Analyse  par  M.  le  docleur  MoTEt. 

Une  discussion  des  plus  coilipietes  et  des  plus  Intdressantes  nail 
d  I’occasion  d’lin  fappol  t  ndgatif  de  M.  Ldlut  sur  le  travail  de 
M.  Dax,  ayant  pour  litre :  «  Observations  tendant  a  prouver  la 
coincidence  constante  des  ddrangemenls  de  la  parole  avec  une  Idsion 
de  riidmisphare  gauebe  du  cerveati.  »  Le  savant  acaddmicien  se 
rdcuse  en  qiielque  sorte,  «  son  sidge  est  fait  »,  dit-ilj  et  rien  nfe 
saurait  modifier  une  opinion  basde  sur  trente  anndbs  d’expdriences 
cl  de  pratique.  C’dtait,  11  faut  Tavouer,  ttaiter  biert  sdv6fdment  uti 
travail  aiiquel  M.  Ldlut  reconiiaissait  pouriant  des  qtlalitds  sdrieiises. 
Le  gant  fut  vivement  relevd  par  M.  BoUillaudi  presque  directeirtent 
mis  en  cause  (6  oetobie  1864),  et  a  la  sdance  dud  avfil  1865, 
commenqa  une  discussion  qui  n’occiipa  pas  moins  de  deux  tllbls  et 
deini.  Bien  des  opinions  se  produisirent ;  tour  a  tour  prirenl  la 
parole,  MM.  Bouillaud,  Trousseau,  Parcliappe,  Briquet,  Piol-ry, 


296  ACADfiMIE  IMPlilRLALE  DE  BlfiDECINE. 

Velpeau,  J.  Guerin,  Baillarger,  Bonnafont  et  Cerise.  La  doctrine 
des  localisations  c&ebrales  y  fut  tantot  attaquiie,  tanlOt  dfil'endue. 
M.  Bouillaud,  en  presence  dc  la  diversilii  des  facult^s  intellectuelles, 
des  penchants,  des  sentimenis  moraux,  etc.,  ne  trouve  pas  extra¬ 
ordinaire  qne  le  cerveau,  qui  en  est  le  siege,  soil  lui-meme  un 
ensemble  d’organes  divers,  spdciaiix,  determinds.  C’dtait  un  peu  sa 
propre  cause  qne  defendait  M.  Bouillaud,  et  piqud  an  vif  par  Ics 
railleries  qne  M.  Lelut  n’a  jamais  mdnagdes  a  la  doctrine  de  Gall, 
il  s’est  attachd  a  rdfuter  des  objections  qui  ne  lui  paraissent  que  des 
invectives  peu  serieuses  au  fond,  et  auxquelles  il  ne  veut  pas  re- 
connaltre  un  caractere  scientifique.  Ainsi  engagee,  la  lutte,  a 
laquelle  M.  Lelut,  d’ailleurs,  ne  prit  point  part,  devint  une  vdri- 
table  question  de  physiologie  el  de  pathologic  cdrdbrale.  Les  lobes 
antdrieurs  du  cerveau  avaient  did,  dds  18125,. considdrds  par  M.  Bouil¬ 
laud  comme  les  organes  qui  prdsidaient  aux  actes  divers  dont  le 
rdsultat  est  le  langage  articuld.  Sa  conviction  est  la  mdme  aujour- 
d’hui,  ce  sont  les  organes  Idgislateurs  de  la  parole,  el  a  I’appui  sont 
rappeldes  les  observations  bien  connues  de  Ph.  Boyer,  d’Haspel, 
de  Bonnafont,  etc.  Les  observations  de  M.  Broca,  et  une  localisation 
plus  spdeiale  encore  dans  la  seconde  et  la  troisifemc  circonvolution 
de  rhdmisphdre  gauche,  viennent  confirmer  enla  ddveloppant  I’opi- 
nion  de  M.  Bouillaud.  M.  Trousseau  expose  aprds  lui  sa  doctrine. 
Il  fixe  la  signification  des  mots  Aplidmie,  Alalie,  Aphasie,  employds 
depuis  quelque  temps  pour  nommer  ces  troubles  de  la  parole.  Le 
mot  Aphasie  est  celui  qu’ii  adopte  comme  rdpondant  le  mieux  par 
son  dtymologie  it  la  chose  qu’ii  doit  exprimer,  et  dans  un  discours 
dont  tons  les  dldments  sont  emprunlds  5  la  climque,  il  cherche  5 
distinguer  deux  choses  ;  I"  la  perte  compldte  de  la  facultd  d’expri- 
mer  la  pensde  par  la  parole;  2»  la  perte  de  la  parole  par  suite  de  la 
perte  de  la  mdmoirc  des  mots.  Dans  le  premier  cas,  conservation 
de  I’intelligence,  mais  incapacild  de  Tinstrument ;  dans  le  second, 
perte  de  Tintelligence,  avec  un  instrument  qui  fonctionnerait  encore 
s’il  dlait  touchd  par  une  main  moins  inhabile.  Celui-ci  est  un  para- 
lytique,  celui-15  est  le  vdritable  aphaslque.  Pour  M.  Trousseau, 
«  I’aphasie  est  un  symptdme ;  ce  symptome  rdsulte  presque  toujours 
de  la  perturbation  de  diverses  facultds  de  Tentenderndht,  en  parli- 
culier  de  la  mdmoire  et  de  I’attention  ;  des  fails  observds,  on  est 
autorisd  it  conclure  que  diverses  rdgions  de  I’encdphale  concoureut 
k  la  formation  du  langage,  bien  que  les  lobes  antdrieurs  du  cerveau 
y  prennent  peut-dtre  la  plus  grande  part.  » 

M.  Parchappe  admet,  lui  aussi,  les  localisations  cdrdbrales,  et 
dans  son  discours  il  aborde  successivement  les  probldmcs  de  I’ordre 


ACADfiMIE  IMPfiRIALE  DE  MfiDECINE.  297 

purement  anatomique  d’abord,  puis  physiologique  et  psychologique 
que  soulbve  I’dlude  de  Taphasie.  Sa  doctrine  pent  se  rdsumer  ainsi ; 
Les  altdratiotis  de  la  couche  corticate  dans  une  rdgion  quelconque 
des  deux  hdrnisphferes,  entralnant  une  altdralion  notable  dans  I’in- 
telligence,  et  surtoiitdans  la  mdmoire,  peuvent  determiner  la  perte 
de  la  parole,  en  rendant  impossible  I’enchalnement  des  iddes,  la 
representation  des  iddes  par  des  mots,  et  I’acte  de  volontd  motive 
qui,  pour  la  realisation  du  langage  articuld,  doit  pouvoir  comman¬ 
der  les  mouvements  coordonnes  pour  la  production  des  sons  articu- 
les  qui  representent  ces  mots. 

0  La  lesion  de  la  couche  corticale  d’un  seul  hemisphere  est  sulH- 
sante  pour  rendre  impossible  la  fonction  de  la  parole,  en  mettant 
obstacle  ait  concours  des  deux  parties  symetriques  du  centre  d’ac- 
tion,  qui  seul  peut  assurer  la  production  dans  chaque  c6te  du  corps 
des  mouvements  synergiques  indispensables  k  I’articulation  des  sons. 

»  Dans  retat  d’iniegrite  de  la  couche  corticale  pour  toute  reten- 
due  des  hemispheres,  et  dans  retat  de  conservation  de  toutes  les 
facultes  intellectuelles,  une  alteration  de  la  substance  blanche,  qui 
forme  les  moyens  d’union  des  deux  hemispheres,  et  les  moyens  de 
transmission  des  determinations  molrices  volontaires  aux  organes 
musculaires  de  la  parole,  peut  avoir  pour  effet  de  rendre  I’articu- 
lation  impossible,  lors  mfime  que  celte  alteration  n’existe  que  d’un 
seul  cOite,  lors  meme  qu’elle  serait  bornee  a  I’un  des  deux  lobes 
anterieurs. » 

II  ressort  de  ces  propositions  que,  pour  M.  Parchappe,  le  cerveau 
est  un  organe  qui  ne  saurait  se  preter  ii  des  divisions  dichotomi- 
ques ;  il  est  un,  toutes  ses  parties  concourent  ensemble  k  I’accom- 
plissement  regulier  des  actes  de  la  vie  intellectuelle  ou  de  la  vie  de 
relation.  Si  certaines-  facultes  peuvent,  avec  quelque  apparence  de 
raison,  6lre  plus  specialement  rapportees  a  des  regions  determinees, 
il  n’en  est  pas  moins  vrai  que  leur  exercice  normal  exige  I’integrite 
des  regions  voisipes. 

L’argumentatibn  de  M. Briquet,  refutant  les  opinions  de  M.  Trous¬ 
seau,  n’apporta  pas  de  luraibres  nouvelles  dans  la  discussion. 
M.  Bouillaud  reprit  la  parole,  et  dans  un  expose  detailie  des  fails, 
s’appuyant  surtout  sur  les  observations  de  M.  Broca,  qu’il  appelle 
le  saint  Paul  de  la  doctrine  de  la  localisation  de  la  faculte  du  langage 
articuie,  il  aliirme  aussl  energiquement  que  jamais  «  ce  siege 
special  de  la  faculte  speckle  de  la  parole  dans  les  lobes  ou  lobules 
anterieurs  du  cerveau  ». 

M.  Piorry  apporte  aussl  son  contingent  d’observations ;  il  est  aussl 
localisateur  que  M.  Bouillaud,  et  la  discussion  eflt  peut-6tre  pris 


298  ACADfiMIE  IMPfiRiALE  RE  MliDEfciNfe. 

fin  sans  I’iniwvention  de  M.  Velpeau.  Un  fait,  oublid  pendant 
vingt  ans  et  recueilli  cependanl  avec  toutes  les  garanties  possibles 
d’autlienticitd,  publid  dans  le  Bulletin  mdme  de  I’Acaddmie,  est 
rappeid  i  la  tribune  par  M.  Velpeau,  il  s'agit  d’un  coiffeur  qul  con- 
serva  jusqu’a  la  fin  de  sa  vie  I’intdgritd  de  la  faculld  de  la  parole, 
et  qui  pourlant  avail  line  ddgdndrescence  compltte  des  deux  lobes 
antdrieurs  du  cerveau.  M.Bouillaud,  sans  nier  le  fait,  en  rdclame  au 
moins  uii  autre  avant  d’abandonner  des  conviciions  solidement  dta- 
blies  sur  I’observalion  de  cent  quatorze  rhalades.  Or,  ce  fait  Isold, 
qui,  d’aprds  M.  Gudrin,  ruinerait  totalement  et  il  lout  jamais  la 
doctrine  de  M.  Bouillaud,  pbnrrait  bien  lui  prdterun  nouvel  appui. 
M.  Ai  Voisin  analyse  cede  observation,  et  il  se  trouve  prdcisdment 
que  ce  malade  si  turbulent  et  si  gai,  si  loquace  et  si  intelligent, 
dtait  tout  simplement  un  maniaque,  doni  I’intelligence  dtait  dvi- 
demment  troiiblde,  masturbateUr  cynique,  bizarre,  soulignant  ses 
mots,  et  arrivant  a  la  fin  de  sa  vie  a  ue  plus  parler  qu’avec  peine, 
et  a  Ue  plus  mdme  rdpondre  aux  questions  qu’oil  lul  adresse. 

M.  Baillarger,  que  ses  connaissances  spdciales  appelaient  a  pren¬ 
dre  part  a  cede  discussion,  aborda  franchement  le  probldme  pliysio- 
iogique  et  psycliologique  de  Taphasie  ;  pour  lui,  il  est  ndcessaire 
de  distinguer  deux  dtats,  I’un,  qu’il  ddsigne  sous  le  nom  d’aphasie 
simple,  est  celui  dans  lequel  il  h’existe  l-len  autre  chose  qite  la  pri¬ 
vation  plus  ou  moins  complete  de  la  patole ;  I’autre,  ou  aphasie  com¬ 
plete,  dans  laquelle  existe  I’impossibilitd  de  rendre  la  pensde  par  la 
parole,  quand  des  mots  sans  rapport  avec  la  pensde  sont  involon- 
tairement  prononcds,  c’est  a  proprement  dire  la  peCverslon  de  la 
facultd  du  langage. 

Aphasie  simple.  Deux  groupes  principaux  :  1“  perte  de  la  parole 
et  de  I’dcriture ;  2“  perte  simple  de  la  parole.  Au  premier  Sfe  rap- 
portent  tous  les  fails  dont  ia  perte  de  la  mdmoire  des  mots  est  la 
cause  principale,  I’appareil  musculaire  agisSant  d’ailleilrs  avec  toute 
sa  puissance.  Au  second,  tous  les  fails  qui  semblent  se  ratlacher 
exclusivement  a  I’amndsie  des  mouvements  ndqessaires  a  la  parole. 
Mais  toutes  ces  divisions  que  semblent  avoir  admises  les  oraieurs 
qui  I’ont  prdcddd,  M.  Baillarger  ne  les  accepte  pas  sans  conteste. 
Il  nedui  semble  pas  que  les  hypotheses  sur  lesquelles  on  les  appuie 
soient  irrdfutables,  et  revenant  a  une  thdoHe  qul  lui  a  si  bl'illammeut 
servi  a  dlucider  le  probldme  des  hallucinations,  il  fait  inlervenir 
I’exercice  spontand,  involontaire  de  I’intelligence,  en  d’auties  ter- 
mes,  rautomatisme  des  facultds  intellectuelles.  Chez  les  aphasiqucs 
il  y  a  des  mots  qul  sont  nettement  articulds,  toujours  les  mdines, 
il  est  vrai ;  mais  ce  qu’il  y  a  de  certain,  c’est  que  leur  embarras 


ACADfiMIE  IMPfeRlAtE  blE  (nfiftEClNE.  299 

augmchte  quand  Us  font  etfbrt  pour  ehprohohcer  d’autres.M.  feail- 
larger  en  conclut  qu’il  y  a,  chezeux,  perte  de  I’incitatibn  motrice 
volontalre,  conservation  de  I’incitatioh  motrice  spontah^e;  lalbsion, 
on  plulbt  le  trouble  parait  fitre  dans  les  rapports  de  la  volonld  et 
de  I’inslrument.  L’bpinion  de  M.  Baillargerse  trouverdsurabe  dans 
les  propositions  suivantes  : 

I”  Chez  les  raalades  qui  ne  peuvent  exprimer leurs  pehsdes  ni  par 
la  parole  ni  par  Tdcriture,  I’aphasie  s'explique  de  la  manibre  la 
plus  simple  par  I’amndsie. 

2"  Pour  les  malades  qui  sont  privds  de  la  parole,  mais  qui  peu¬ 
vent  traduire  leurs  pensdes  parl’dcriture,  11  semble  que  l^apliasie  ne 
pulssefitl  e  expliqUde,  cornme  on  a  essayd  de  le  faire,  ni  par  I’amnd- 
sie  des  mouvements,  nr  par  les  Idsibns  d’un  oi'gane  coordinateur 
de  la  parole. 

3“  L’analyse  des  phdnomdnes  conduit  ii  recohnallre,  dans  certains 
cas  de  ce  genre,  que  I’incitation  verbaie  involontaire  pdrSiste,  mais 
que  I’incitation  verbaie  volontaire  est  abolie. 

Quant  i  la  perversion  de  la  facultd  du  langage  caraetdrisde  par 
la  prononciation  de  mots  incohdrenis,  la  Idsioh  cohSiste  encore  dans 
la  substitution  de  la  parole  automatique  d  I’incitation  verbaie  volon¬ 
taire.  Reslait  la  question  anatomo-pathologique.  En  I’dtudlant  sous 
■ses  faces  diverses,  se  servant  encore  des  recherches  qu’il  avaitfaites 
a  propos  de  la  paralysie  gdnd'ralei  M.  Baillarger  se  range  ddfidili- 
vement  du  cdtd  des  localisations  de  la  facultd  du  langage  articUld. 
dans  les  lobes  anldrieurs  du  cerVeau.  Seulement,  moins  aOirniatif 
que  MM.  Dax  et  Brocaj  il  ne  peUSe  pas  qu’on  puisse  conclure  absb- 
lument  que  I’hdmispbfere gauche  soitseul  chargd  de  la  parole:  il  y  a 
grandes  probabilitds  pour  que  cela  soit  a'insi,  puisque  les  Idsions 
anaiom’iques  se  rencontrent  hull  ou  neuf  fois  sur  dix  dans  les  lobes 
antdrieiirs,  et  quinze  fois  sur  seize  dans  I’hdmisphfere  gatiche,  mais 
cela  n’dquivaut  pas  encore  4  la  certitude  complete. 

M.  Bonnafont  rapporte  plusieurs  observations  qui  lui  sont  per- 
sonnelles,  et  dans'l^squelles  I’aphasie  a  constamment  suivi  deS  dds- 
ordres  graves  causds  par  des  projectiles  de  guerre  dans  les  lobes 
antdrieurs  du  cerveau.  Ce  qu’il  y  a  de  nouveau  dans  sa  manidre 
d’inlerprdter  les  fails,  e’est  le  rble  qu’il  semble  disposd  4  faire  jouer 
au  sens  de  roui'e.  Dans  tons  les  cas,  mdmes  conclusions.  On  devieht 
aphasique,  dit  M.  Bonnafont :  1“  par  la  Idsion  de  la  partie  du  edr- 
veau  qui  prdsiderait  au  langage  articuld  ;  2°  par  la  ld.sibn  de  cede 
autre  rdgion  qui,  dlant  plus  spdcialement  le  sidge  de  la  mdmoire, 
provoque  I’aphasie  en  raettant  I’individu  dans  I’impossibilitd  de  se 


300  ACADfiMlE  IMPfiRIALE  DE  MfiDECINE. 

rappeler  les  mots.  C’est  aussi  dans  les  rangs  des  localisateurs  que  sc 
place  M.  Bonnafont. 

M.  Cerise  reconnalt  bien  volontiers  toute  Texaclitude  des  fails 
rappoi  t^s  par  MM.  Dax  et  Broca.  II  ne  cherche  pas  a  en  allaiblir 
rimportance  au  point  de  vue  anatomo-pathologique,  tnais,  ce  qu’il 
n’adinel  pas  volontiers,  c’est  qu’ii  existe  tin  organe  l^gislateur  de  la 
parole.  Pour  Ini,  le  problfeme  de  la  localisation  de  la  faculty  dii 
langage  est  insoluble.  Trop  de  details  le  compliquent  :  «  la  parole 
est  pensde  avant  d’etre  parl^e ;  et,  pour  qu’elle  apparaisse  dans  ce 
dernier  ^tat,  il  y  a  une  transmission  &  des  organes  inusculaires,  un 
exercice  rausculaire,  de  telle  sorte  que  le  langage  est  une  annexe 
de  la  pensde.))  Pour  lui,  I’amndsie  est  le  fait  primordial,  ndcessaire  ; 
et  vouloir  rapporter  exclusivement  I’aphasie  i  la  perte  de  I’organe 
de  transmission,  c’est  s’dgarer;  et,  sans  conclure  dans  un  ddbat  qu’il 
est  diOicile  de  juger,  il  propose  toutcfois  d’adresser  des  remerci- 
ipcnts  cl  M.  Dax  pour  son  intdressant  mdraoire. 


Eludes  sur  les  alterations  produites  par  I’abus  des  boissons  alcoo- 

liques.  Note  lue  a  I’Academie,  par  M.  le  docteur  Lanceraux 

(sdance  du  Zi  juillet  1866). 

Les  Idsions,  dit  M.  Lanceraux,  se  groupent  naturellement  sous 
deux  chefs : 

Les  unes,  rdsultat  d’un  processus  actif,  touchent  la  trame  organi- 
que  ;  elles  renirent  dans  la  catdgorie  des  inflammations  adhdsives 
de  Hunter. 

Les  autres,  qui  ont  un  cachet  tout  opposd,  portent  directement 
sur  I’dldment  fonctionnel  propre  a  chaque  organe ;  elles  consistent 
dans  une  modification  particulidre  de  cet  dlement,  modification  gd- 
ndralement  conniie  sous  le  nom  de  ddgdndrescence  granulo- 
graisseuse. 

I’armi  les  altdrations  que  nous  devons  signaler,  citons  dans  la 
premifere  catdgorie  celles  du  cerveau.  «  Cet  organe  diminue  peu  a 
peu  de  volume  et  se  ddcolore,  prend  une  consistance  plus  ferme ;  les 
circonvolutions  s’alrophient,  celles-la,principalement,  quioccupent 
la  face  supdrieure  des  hdmisphferes.  Prequemment  le  cervelet  et  la 
moelle  sont  alldrds  de  la  mdme  faqon. 

»  Les  membranes  qui  servent  d’enveloppe  immddiate  a  ces  cen¬ 
tres,  I’arachnoide  et  la  pie-mfere,  sont  en  gdndral  simultandment 
allectdes,  inflltrdes  de  sdrositd,  elles  sont  dpaissies,  opaques, 'par- 
semdes  de  plaques  ou  de  points  blanchatres  et  souvent  colordes  par 


ACAD£mIE  IMPfiRIALE  DE  MEDECINE.  '  301 

I’hdraatine.  Le  sidge  dMlection  a  la  parlie  -supfirieilre  dcs  lidmi- 
spliferes  el  i  la  grande  circonfdrence  du  cervelet  distingue  netlement 
celte  alleration  due  a  l  alcoolisme  chronique. 

))  2“  Celles  de  la  dme-mfere,  caract^risSes,  comme  cedes  des 
autres  membranes  sfireuses  ou  libro-sareuses,  par  la  prdsence  d’un 
nSoplasme  I'ormd  de  fibres  conjonclivcs  et  de  vaisseaux  faciles  a 
rompre.  Ainsi  organisd,  ce  nouveau  produit  rdtrogradc  dillicilc- 
ment,  aussi  le  pronosiic  est-il  des  plus  sdrieux. 

»  Les  allilralions  alcooliques  de  la  seconde  espbcc  sont  caractdri- 
sdes  par  la  prdsence  de  granulations  protdiqucs  ou  graisseuses  au 
sein  des  dldmenls  organiques  propres.  Dans  ces  condilions,  ces  dld- 
ments  se  gonllent  et  souvent  finissent  par  se  ddtruire  :  c’est  ainsi 
qu’il  arrive  des  cellules  hdpatiques,  de  rdpillidliura  des  reins,  des 
cellules  de  la  substance  grise  ducerveau  ou  de  cellos  de  la  grande 
circonfdrence  du  cervelet  et  mdme  des  capillaires  de  I'encdphalc. 
Une  Idgfcre  augmentation  du  volume  de  I’organc  maladc  ct.une 
physionomie  assez  spdeiale  peuvent  en  6tre  la  consdquence. 

»  Un  fait  important  au  point  de  vue  du  diagnostic  dtiologique  de 
ces  diverses  Idsions,  c’est  leur  simultanditd  et  leur  coexistence  ha- 
bituelle  avec  des  ddpOis  adipeux  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutand, 
le  mdsentdre  et  les  dpiploons. 

»  A  chacun  des  ddsordres  anatomiques  dont  il  s’agit  correspon-^ 
dent  des  troubles  fonctionnels  ayant  pour  la  plupart  une  modalitd' 
propre,  etdont  I’ensemble  constilue  im  tout  qui  fait  de  I’alcoolismc 
i’une  des  unilds  les  plus  distinctes,  I’une  de  celles,  par  consdquent, 
auxquelles  il  scrait  permis  d’appliquer  une  mddicaiion  spdeiale. » 


REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MEDEGINE. 


JOURNAUX  FRANQAIS. 

Ann&  1865  (suile  el  fin). 

li’Cnfon  lu^aicalc. 

TOME  XXVH  (suile).  * 

Note  sur  Pitiologie  et  Vhistoire  dela  Pellagre ,  par  le  docteur 
Alphomse  Cqrradt,  professeur  i  TUaiversii^  de  Palerme. 

Le  but  de  ceite  note  n’est  pas  de  r^soudre  le  problfeme  de  I’diiolo- 
giede  la  pellagre,  mais  seulement  de  faire  connaltre  aux  adversaires 
du  zeisme,  que  les  causes  qq’ils  assignent  &  ce  fl^au  des  populations 
rurales  sont  trop  gfedrales  pour  expliquer  unfaitquiestparticulier 
presque  Ji  une  seule  classe  de  pevsonnes  et  bornS  ii  certains  lieux. 

La  Sidle  n’apas  de  pellagre,  dlt  M.  Corradi,  cela  est  certain;  on 
Qe  trouve  cette  maladie  ni  dans  les  campagnes,  ni  dans  les  asiles 
d’alidnds;  cependant  les  culiivateurs  et  lesbergers  n’ysont  pas  plus 
riches  qu’ailleiirs;  ils  mangent  rarement  de  la  viande,  ils  coucheut 
pde-mde  avec  les  fines  et  le  bfitail;  la  fievre  des  martoges  {mala¬ 
ria)  les  brflle,  les  hoursoufle,  les  tue  ;  les  affections  scrofuleuses  ne 
les  dpargnent  pas  davantage,  Dans  |a  casa  de'  Matti,  de  Palerme, 
les  prfiaux  ne  sont  point  ombrag^s  ;  ces  pialheureux  pourtant  a’y 
promenent  on  s’y  liennent  couchfis  au  mlljeu  mfime  du  jour ;  per- 
sonne  ne  mettra  en  doute  que  les  rayons  du  soldi  soient,  dans  cette 
lie,  moins  puissants  que  dansles  landes  du  midi  de  la  France  ou  dans 
le  nord  de  rilalie. 

U’aprfes  le  P.  Franqols  Tornabene,  professeur  de  boianique  fi  I’Uni- 
versitd  de  Catane,  le  zda  est  peu  cultive  en  Sidle,  ou  le  paysan  mange 
du  pain  de  seigle  pur,  ou  melangd  d’un  tiers  de  farine  de  mats  an 
plus :  il  n’y  est  pas  attaquil  par  le  sporisorium;  11  n’est  pas  rare,  au 
contraire,  d’observer  les  graines  de  I’dpi  atrophi^es. 

Mais  cequi  merite  toute  raitenlion,  c’est  que  le  seigle,  non  plus, 
n’est  pas  attaqufi  par  la  sphacelia. 

Enfiu,  on  a  cru,  ajoute  I’auleur,  que  la  pellagre  est  une  maladie 
ancienne  parce  que  le  rfeglement  de  I’flOtel-Dieu  de  Milan,  du 
6  mars  1578,  prescrilff’y  recevoir  les  malades  atteints  depellarella, 
croste  0  piaghe.  Mais  pellarella  on  pellarola  n’est  pas  le  synonyme 
de  pellagra;  au  contraire,  c’est  le  nom  d’une  forme  de  syphilis  ap- 
parue  peu  d’anndes  avant  la  moiti6  du  xvi”  si6cle,  ainsi  que  le  cdlfi- 


JOUBNADX  FRANCAIS.  303 

bre  Brasavolo  nous  en  donne  le  t^moignage  dans  un  coin  de  ses 
volun*ineux  Commentaires. 


TOME  xxvm. 

Cas  bizarre  d’hystiricisme,  par  M.  le  docteur  Guibout,  note  lue 
a  la  SocldW  mddicnle  des  hOpitaux  (27  septembre  1865). 

Mademoiselle  Augustine,  ag^e  de  vingt-trois  ans,  d’une  sant5 
parfaiie  et  d’uiie  bonne  constitution,  n’a  jamais  eu  ce  que  Ton  ap- 
pelle  viilgairement  me  attaque  de  nerfs:  antficddents  hiirgditaires 
mils ;  pas  )e  moindre  ddsordre  nerveiix,.  pas  d’anomalies  de  carac- 
tere  chez  ses  parents,  gens  aises  et  Rabitant  la  campagne. 

»  La  famille  est  profonddment  religieuse,  inais  sans  exagfira- 
liou. 

»  Gependant,  continue  M.  Guibout,  les  parents  out,  depiiis  long- 
temps,  remarqu^  chez  elle  une  imagination  un  pen  trop  vive,  et 
par  suite  mi  peu  mobile.  Ce  fut  vers  les  pratiques  religieuses  que 
son  penchant  I’entralna.  Chaque  jour  die  consacrait  5  la  prifere  un 
lemps  consicldrable,  pritre  qu’elle  faisait  seule,  menlalemeiit,  mficli- 
lation  ardeute  pendant  laquelle,  ainsi  qu’elle  nous  I’a  dit,  son  ame 
s’51eva  queiquefois,  par  une  sorte  de  contemplation  mystique,  jus- 
qu’5  se  (igurer  entendre  la  voix  de  Dieii  lui-meme,  lui  parlant  et 
rinvilanl  5  quitter  sa  famille  pour  enirer  au  couvent. 

1)  Des  lors,  I’idee  de  se  faire  religieuse  tut  pour  ia  jeune  Augus¬ 
tine  I’idee  doiuipapte ;  elle  en  fit  part  i  ses  parents  qui,  sans  la  vn- 
pqussey  d’une  manibre  absolue,  en  remirent  I’exficution  a  une  6poque 
ultfirieuie. 

»  Diijii,  depnis  une  annee  environ,  elle  dprouvait  un  phfinombnc 
Ifizqrre  dont  elle  souffrait  cruellemenl ,  mais  qu’elle  avait  voulu 
cacher  a  sa  famille  pour  ne  pas  I’attrister  :  le  regard  de  toute  per- 
soppe,  quelle  qu’elle  fftt,  pere,  mbre,  frferes,  soeurs,  parents,  amis, 
(Itrangers,  doniestlques,  inconpus,  lui  litait  absolument  insupporta¬ 
ble.  Vivant  an  milieu  d’une  fapiille  nombreuse,  dont  les  relations 
^talent  dteudqes,  et  voulant  que  personne  ne  pflt  SQupqonner  I’d- 
trqnge  infirmity  dont  elle  se  septait  atteinte,  ses  efforts  de  tous  les 
instants  cHaient  concentrfis  vers  ce  point:  eviter,  sans  paraitrey 
mettre  d’ affectation,  de  rencontrer,  devant  ses  yeux,  les  yeux  el 
le  visage  de  qui  que  ce  soil.  Si  malgrS  toutes  les  precautions,  soil 
par  surprise,  .spit  par  pne  nficessite  imperieuse,  elle  diait  obligdede 
subir  oude  portec  up  regard,  5 1’lnstant  m6me  et  par  ce  seul  fait,  elle 
se  sentait  prise  fj’un  malaisp  indefinissable,  d’un  serrement  penible  a 
repigastre,  d’impossibilite  de  manger  ou  de  digerer,.  et  d’une  ten- 


301  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 

dance  il’rdsistible  &  la  syncope,  loujours  accompagnde  d’une  suenr 
froide  et  aboiidante  inondanl  tool  le  corps.  Ces  accidents  dtaieiu 
suivis  d’un  dtat  general  de  courbalure  et  de  soulTrance  qui  durait 
habituellement  plusieurs  heures.  » 

An  bout  de  deux  ans  de  cede  situation  penible,  Augustine  U... 
en  fit  ia  confidence  a  ses  parents ;  elle  obtint  d’eux  de  porter 
constamment  lui  voile  qui  cachitt  compl^tement  son  visage,  et  a 
parlir  de  ce  moment  elle  n’eut  plus  ni  syncopes,  ni  douleurs  dpi- 
gastriques,  ni  aucun  autre  trouble  fonctionnel ;  sa  santd  redevint 
excellenlc  sous  tons  les  rapports ;  son  caractfere  ne  cessa  jamais 
d’fitre  (igal,  doux  et  enjoud. 

M.  Guibout  regardc  ce  ddsor'dre  hystdrique  comme  I’expression 
d’un  dlat  maniaque  engendrd  par  une  surexcitation  religieuse  sou- 
vent  rdpdtde;  mais  comme  il  n’y  a  dans  ia  famille  auenn  antdeddent 
de  ce  genre,  il  croit  que  cette  jeune  personne  gudrira  sous  I’in- 
fluence  des  excitations  revuisives  et  perturbatrices  de  I’bydrotiidra- 
pic  combinee  avec  les  modilicalions  intellectuelles  et  morales  qni 
doivent  dtre  la  consdquence  du  cliangemeni  du  milieu  ou  elle  se 
trouve  acluellement. 

Du  secret  dans  les  cas  d’alienation,  par  M.  Bmerre 
DE  Boismont. 

Dans  cede  lettre  qu’il  adresse  a  M.  Amddde  Latour,  Tauteur  se 
plaint  de  I’eclat  donnd  par  la  presse  au  naufrage  d’une  belle  intel¬ 
ligence,  dejat  qui  iui  parait  une  dpreuve  remarquable  du  nouveau 
sysleme  que  les  adversaires  de  la  loi  de  1838  et  des  asiles  veulent 
substiluer  a  celui  gdndralement  en  vigueur. 

»  A-t-on  bien  rdfldchi,  dit-il,  aux  suites  de  cette  divulgation 
de  la  folie  ?  Les  rdformateurs  veulent  que  cette  maladie  soil 
constatde  au  ddbut  par  un  jury  nommd  expres,  et  par  trois  mdde- 
cins  diffdrents.  Quoi !  on  nous  ddfend  de  faire  connaitre  I’obser- 
vation  des  malades  qui  nous  ont  dtd  conbds  et  qui  nous  atta- 
quent  dans  ce  que  nous  avons  de  plus  cber,  notre  rdputation  et 
noire  honneur,  et,  sous  prdtexte  que  le  devoir  de  notre  profession 
nous  fait  une  obligation  du  secret,  il  sera  permis  d’instruire  publi- 
quement  le  proeds  d’un  alidnd  ?  » 

Et  M.  Brierre  de  Boismont  de  prouver  sur-le-cbamp  I’utilitd  du 
secret  dans  I’alidnalion  mentale,  en  citant  deux  faits  de  gudrison 
ddlinitive,  I’un  chez  un  notaire,  I’autre  chez  un  ndgociant,  qui  tons 
les  deux  ont  pu  reprendre  avec  succfesle  coursdeleurs  occupations; 
ce  qui  certainement  ne  fdt  pas  arrivd  si  le  public  edt  dtd  mis  dans 
la  confidence  prdalable  de  leur  aO'ection. 


BEYUE  DES  JOIJRNAUX  DE  MfiDECINE.  305 

De  I'ophthalmoscopie  dans  la  meningile  aigue',  clinique 
de  M.  Bodchut. 

M.  Bouchut  donne  id,  avec  les  planches  qui  les  flgurent,  deux 
exemples  relatifs  aux  alterations  de  la  meningite.  L’un  represente 
roedfeme  papillaire  avec  dilatation  et  Ilexuosites  des  veines  de  la 
reiine,  et  I’autre  une  heraorrhagie  retinienne  dans  le  cours  de 
la  meningite  aigue.  «  Ce  sont,  dit-il,  deux  des  plus  beaux  cas  qu’on 
puisse  rencontrer. » 

Dans  ces  deux  observations ,  la  meningite  avait  determine  la 
ormation  de  caillots,  soit  dans  les  voies  meningees,  soit  dans  les 
sinus  de  la  dure-mfere,  et  par  le  faitde  cet  obstacle  a  la  circulation, 
le  sang  vcineux  de  I’ceil  ne  pouvait  plus  rentrer  dans  le  cer^eau. 
Conformeinent  a  ce  que  Ton  salt  sur  les  ellets  des  obstacles  a  la  cir¬ 
culation  vcineuse,  au-dessous  de  I’obstacle,  il  s’est  fait  une  dilatation 
du  reseau  veineux  oculaire,  avec  cedfeme  pdripapillaire,  thromboses 
veineuses,  et,  dans  un  de  ces  cas,  une  bemorrhagie  considerable  de 
la  reiine. 

En  resume,  et  c’est  la  ce  que  M.  Bouchut  veut  etablir  comme  un 
pi'incipe  anatomique  sur  lequel  repose  I’ophthalmoscopie  appliquee 
au  diagnostic  des  maladies  du  cerveau,  «  toute  lesion  cerebrale 
aigue  ou  chronique,  assez  considerable  pour  gfiner  la  circulation 
veineuse  du  cerveau,  produit  dans  I’oeil  des  troubles  de  circulation, 
de  secretion  et  de  nutrition  plus  ou  moins  prononcees  ». 

Fails  d’impressionnabiliti  nerveuse,  par  M.  le  doctcur  Morel, 
medecin  en  chef  de  I’asile  de  Saint-Ton. 

Malgi-e  les  mystifications  frequentes  que  nous  font  subir  ces 
sortes  de  malades,  I’exemple  de  M.  Guibout  enhardit  M.  Morel  5 
relater  sommairement  quelques  fails  bizarres  qui,  pour  s’etre  pro- 
duits  d’une  manifere  differenle,  n’en  doivent  pas  moins  Stre  rap- 
pories  au  m6me  ordre  d’iropressionnabiliie  nerveuse  chez  les  byste- 
riques. 

«  Une  jeune  malade,  dit  I’eminent  alieniste,  dont  j’ai  donne  le 
portrait  dans  mes  Etudes  cliniques  sur  I’aliination,  mais  que  I’ar- 
tiste  n’a  pu  saisir  compietement,  avait  un  tic  grimaqant,  perpetuel, 
qui  donnait  a  sa  figure  une  expression  etrange  et  faisait  d’clle  une 
fille  affreuse,  de  jolie  qu’elle  devait  Stre  a  I’etat  ualurel. 

»  Une  autre,  d’une  beaute  remarquable,  avait  adopte  un  autre  tic 
qui  consistait  a  teiiir  releves  les  sourcils,  a  marcher  en  se  dandinant 
sur  la  pointe  des  pieds,  ce  qui  lui  donnait  un  air  niais,  ridicule,  et 
c’etait  ce  qu’elle  voulait. 

ANNAL,  MfiD.-PSYCii.  li^  serie,  t.  IX.  Mars  1867.  8.  20 


306'  REVUE  DES  JOURNAUX  ttE  MfiDECINE. 

»  Une  tioisifeine  ne  portait  pas  de  voile,  maia  elle  cachail  sa 
figure  sous  Ics  draps  de  son  lit  cl  dans  Ses  mains:  il  fallait  la  force 
de  plusieurs  personnes  pour  abaisser  ses  mains  et  robligcr  a  ouvrir 
I'es  yeux.  Un  Iremblement  conVulsif  s’empnrait  alOrs  de  tons  ses 
membi-es ,  une  sueur  frolde  inofidait  pareiilement  le  corps,  cl  la 
craintede  voir  s’impalroniser  un  veritable  dtat  syncopal  empfiebait 
de  continuer  ces  tentatives.  J’ai  inaintes  fois  etlierlsd  ces  maladcs 
pour  vaincrecet  etat  spasmodique  volonlaire,  mais  le  tic  se  repro- 
duisait  invariablement,  car  il  Ctail  lig  a  un  dglire  sysldmatique  blen 
arrfitg  ;  touies  trois  fmireht  par  tomber  dans  la  ddmence  la  plus 
abrutissante. 

C’est  il  un  dial  de  scrupule  exagdrd  et  poussd  jusqu’ii  la  folic, 
que  M.  Morel  altrlbue  I’acte  horrible  d’une  autre  hystdrique  de 
i’asile  dont  il  est  le  mddecin  en  chef,  qui  aprfes  plusieurs  tentalives 
de  suicide  avortdes,  fmit  par  s’arracher  lesdeux  yeux. 

Quei  diagnostic  dolt-oii  porter  lorsqu’on  est  consultd  par  des  ma- 
lades  affectCs  de  Ces  sories  de  plidnorndnes  nerveux  qui  se  rappor- 
tent  il  uneldsion  des  fonclions  intelleclueiles,  le  plus  ordinairemcni 
lids  a  un  dtat  d’hypoebondrie  ou  d’hystdrie,  cl  que  Ton  ddsigne  sous 
le  nom  de  tics,  blzarreries,  excentricilds  ? 

«  Le  pronoslic  est  souvent  des  plus  graves,  dlt  en  lerminaiit 
M.  Morel,  et  je  ne  crois  pas  pouvolr  assez  prdmunir  mes  cotifrdres 
centre  les  erreurs  que  Ton  est  portd  ii  commeiire  en  iraitant  J  la 
Idgere  ces  sories  de  tics  ou  d'habitudes  excentriqucs ;  ils  soiu  sou- 
vent  le  symplOme  d’un  nial  plus  grave  qn'il  n’est  pas  permis  de  sup- 
poser,  et,  lorsque  rbysldrie  se  manifesie  par  des  actes  du  genre  de 
ceux  relatds  par  M.  le  docteur  Guibout  et  de  ceux  que  j’ai  citds 
moi-mdme,  il  faut  se  lenir  dans  une  prudenie  rdserve. 

Ciazettc  hcbdoniuduiro  (1865,  2°  sdrie,  t.  II). 

Description  clinique  du  sympMme  ataxie  lomotrice  progressive, 
par  le  docteur  Paul  Topinard,  ancien  interne  des  hdpitaux 
de  Paris. 

Dans  cetle  parlie  de  son  travail  — la  premidre  a  dtd  publide  dans  le 
nuliidro  51  de  la  Gazette,  en  186fi,  —  I’auleur  ddcrit  les  symplomes 
el  les  modes  divers  d’dvolution  de  I’ataxie  locomolrice  progressive, 
1°  dans  les  muscles  supdrieurs ;  2“  dans  le  tronc  et  la  tdte ;  et  il 
rdsume  ainsi  son  opinion  sur  ce  point  de  science,  sauf  certaincs 
rdserves  qu’il  fait  sur  la  nature  du  phdnomfene  :  «  L’ataxie  a  did 
reucontrde  1“  ii  la  face;  2“  dans  les  membres  supdrieurs,  autourdes 
articulations  mdtacarpienne,  radio-carpienne  et,  peut-fitre,  humdro- 


‘  JOURNAUX  FRAWgAIS,  307 

cubitale ;  3®  dans  les  membres  inMrieurs,  et,  par  ordre  d’impor- 
lance,  autour  des  articulalions  coxo-fdmorale,  Wraoro-libiale  ct 
tibio-larsienne.  Au  conlraire,  elle  n’a  pas  ddmonlrde,  et  lout 
portc  a  croire  qu’elle  n’existe  pas  dans  les  muscles  du  tronc,  bien 
que  ceux  du  racbis  se  ^rouvent  dans  les  conditions  de  complexltd 
favorables  au  daveloppement  du  phdnomOne.  » 

Hecherches  statistiques  sur  les  accidents  produils  par  I’acces  epi- 
leptique,  par  MM.  Jules  Renpade  et  Leon  Reynaud,  internes 
provisoires  des  hdpitaux  de  Paris. 

Travail  qul,  i  roccasion,  sera  consulld  avec  fruit ;  les  auteurs 
rontdivisO  en  deux  parties:  la  premiere  contient  I’analyse  des  fails 
publics  dans  les  traitds  ou  les  mdmoires  spdciaux  avec  I’indication 
des  sources;  dans  la  deuxifeme,  ils  font  TexposO  de  leurs  propres 
observations,  lesquelles  portent  sur  trois  cent  seize  epileptiques  en- 
trds  a  BicSlre,  dans  un  laps  de  temps  de  six  annOes. 

L’interSt  d’une  telle  dlude  rdside,  surtout,  dans  la  faqon  habile 
dont  MM.  Rengade  et  Reynaud  ont  groupd  ces  accidents,  pour  la 
plupart  connus,  et  dans  le  relief  qu’il  leur  ont  dotind  taut  au  point 
de  vue  du  nombre  de  malades  qui  enont  dtd  atteints  (200  sur  316), 
qu’au  point  de  vue  de  leUr  nature,  de  leur  frequence,  de  leur  graviid 
relative  et,  aussi,  des  influences  qui  ont  paru  agir  sur  eux  directe- 
ment.  D’aprOs  eux,  ces  influences  dependent :  1“  du  malade  ou  de  la 
maladie;  2“  des  circonstances  exterieures.  11s  les  dtudient  en  detail 
et  concluenten  proposant  conlre  elles  un  ensemble  de  moyens  pro- 
phylactiques  qui,  en  definitive,  se  rdduit  a  un  usage  plus  frequent 
de  la  camisole  et  a  I’emploi  du  lit  de  M.  Lelut,  raodifie  par  M.  De- 
lasiauve. 

Observation  pour  servir  a  I’histoire  du  diagnostic  des  maladies 
de  la  moelle  et  du  grand  sympathique,  par  le  docteur  Bablon. 

11  resultede  cette  observation  quela  remiion  des  sytnptdmes  dont 
elle  retrace  I’histoire  devait  faire  naitre,  an  premier  abord,  I’ldee 
d’une  ihaladle  de  la  moelle  :  les  phenom6nes  de  paralysie,  de  con¬ 
striction  du  thorax,  de  douleurs  ndvralgiques  generalisees,irradiant 
de  la  colonne  veriebrale,  diaient  nien  de  nature  a  porter  I’esprit 
vers  cede  opinion.  Cependant  I’absencede  coniracture  des  membres, 
I’amaigrissement  toujours  croissant  jusqu’au  rtiarasme,  I’augmenta- 
tion  des  phenomOnes  du  cOtedu  tube  digestif,  ont  rendu  de  pliis  en 
plus  probable  i’exisience  d’une  tumeur  progressive.  La  nature  des 
douleurs,'  en  excluant  la  possibility d'une  tumeltr  luberculeuse  ton- 


REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 


jours  indolente,  a  reporid  le  diagnostic  vers  la  probabilild  d’une 
ndoplaslie  a  cellules. 

L’autopsie  a  prouvd  que  le  diagnostic  dtait  juste,  et  il  a  dtablique 
tout  ce  cortdge  de  troubles  fonctionnels  n’clait  que  ie  rdsultat  de  la 
mise  en  jeu  des  actions  rdflexes,  lesqueiles,  chose  digne  de  re- 
marque,  ont  pond,  ici,  beaucoup  plus  sur  la  seiisibilitd  que  sur  le 
mouvement. 

Deux  cas  de  maladie  ou  coloration  bronzee  dans  le  cours  de  la 

paralysie  ginerale,  par  M.  A.  Renard,  interne  des  hdpitaux. 

Ces  deux  observations  ont  dtd  recueillies  5  la  Salpdtrifere,  dans  le 
service  de  iH.  Balllarger;  la  premiere  settle  a  dtd  suivie  d’autopsie  : 
I’auteur  ne  pense  pas  que  les  hiits  qu’elles  rdvdlent  prdsentent 
beaucoup  d’intdrfit  au  point  de  viie  de  la  paralysie  gdndrale,  mais 
ii  croit  qu’iis  peuvent  dclairer  I’histoire  de  la  coloration  bronzee, 
«  II  est  peu  d’affections,  dit-il,  dans  lesqueiles  I’dtat  anatomique  et 
physiologique  du  systeme  nerveux  soil  aussi  ddplorable  que  dans  la 
mdningo-encdphalite  chronique ;  si  done,  comme  tout  porte  it  le 
croire,  la  coloration  bronzde  est  due  &  tine  perversion  de  I’assimila- 
tion  ddpendant  d’ttn  dtat  pathologique  du  ndvraxe,  il  dtait  tout  na- 
turel  de  la  cliereher  ou,  du  molns,  de  la  rencontrer  dans  cette  affec¬ 
tion  ;  e’est  ce  qui  m’est  arrivd  par  hasard.  » 

De  I’aphasie,  par  divers. 

Ce  phdnomfene  si  discutd  a  donnd  lieu,  dans  ce  journal,  it  un  assez 
grand  nombre  de  communications,  parmi  lesqueiles  nous  dislin- 
guerons  : 

1“  L’etal  de  la  question,  trois  articles  substantiels  de  M.  Falret 
ou  notre  confrdre  examine,  avec  son  talent  habituel,  la  question  de 
I’aphasie  au  triple  point  de  vue  anatomique,  physiologique  et  patho¬ 
logique,  en  revencliquant  les  droits  de  I’inielligence  dans  I’expression 
paride  de  la  pensde. 

2“  Un  Memoire  sur  la  pathogenic  du  langage  articuU,  par 
M.  le  docleur  de  Fleury,  professeur  suppleant  de  I'Ecole  de  me- 
decine  de  Bordeaux,  dont  void  les  conclusions.  A-  L’opdration  du 
langage  articuld  chez  I’homme  impliqtie  des  fonctions  multiples. 
B,  Les  Idsions  de  la  parole  sont  done  dgalement  multiples.  C,  L’ana- 
lyse  psychologiqtie,  physiologique  et  pathologique  de  I’acte  fonc- 
tionnel  de  la  parole  ramfene  a  trois  sdries  d’opdrations  distinctes 
I’ensemble  des  phdnomdnes  ndeessaires  pour  la  production  du  Ian- 


JO0RNAUX  FRANgAIS.  309 

gage  articuM.  Phenomenes  intellectuels,  de  transmission  et  d'ex- 
pression  :  plus  est  bref ;  moins  ne  suffit  pas.  D.  Lcs  falls  comme  la 
logique,  cn  d^montrant  la  vaii^t^  du  sldge  anatomique  des  lesions 
dans  lcs  troubles  du  langage,  combalient  vlctorieusement  la  doctrine 
d’une  lesion  unique  et'constante. 

3“  Un  travail  intllulfi  Lesions  de  la  moitie  gauche  de  I’encephale 
co'incidant  avec  I’ouhli  des  signes  de  lapensee,  lu  au  congrbsmd- 
ridional  tenu  it  Montpellier  en  1836;,  par  Ic  docteur  M.  Dax,  sulvi 
d’un  appendice  par  M.  G.  Dax,  docteur  en  mddecine  &  Sommieres. 

ft”  Un  cas  Intdressant  (Paphasie  transitoire,  par  M.  le  docteur 
Dechambre. 

5’  Un  cas  d’aphthongie  (maladie  par  troubles  de  la  motilite  de 
la  langue),  par  le  docteur  firalle  Vallln,  rdpdtiteur  a  I’ficole  impd- 
riale  du  service  de  santd  mililaire  ;  cas  rapprochd  par  ce  distingud 
confrdre,  du  fail  unique  sur  lequel  M.  de  Fleury  s’est  foncld  pour 
dtablir,  peut-etre,  la  forme  nouvelle  de  mutitd  pour  laquelle  il  a 
crdd  le  nom  d’Aphlhongie. 

6“  Enfin,  une  lettre  de  M.  Bouillaud  en  rdponse  au  post-scriptum 
par  lequel  M.  Dechambre  termine  le  compte  rendu  des  discussions 
de  I’Acaddmiede  mddecine,  et  dans  laquelle  le  savant  professeur  re- 
raercie  notre  confrfere  de  son  loyal  concours  et  aifirme  une  dernidrc 
fois  son  opinion  sur  la  question  de  I’aphasie. 

Remarques  sur  les  paralysies  avec  surcharge  graisseuse  intersti- 
tielle  (hypertrophie  apparente  des  muscles). 

L’dtat  que  M.  Ducbenne  (de  Boulogne)  a  ddcrit  sous  le  nom  de 
parapUgie  hypertrophique  de  Venfance  de  cause  ciribrale,  bien 
qu’il  n’ait  pu  fixer  le  sidge,  ni  la  nature  de  la  Idsion  primitive,  n’ayant 
pas  eu  I’occasion  de  faire  d’autopsie,  est,  dans  I’opinlon  de  M.  Fritz, 
une  hypertrophie  du  tissu  cellulo-adipeux  interstitiel,  et  nulle- 
ment  une  hypertrophie  musculaire  vraie :  pour  appuyer  sa  manidre 
de  voir,  M.  Fritz  rapproche  des  observations  de  M.  Ducbenne  cinq 
observations  «  analogues,  malgrd  qnelques  dissemblances  » ,  oft  la 
question  anatomique  a  pu  dtre  dlucidde  sur  le  cadavre,  et  il  ajoute, 
en  terminant,  que  si  rien  ne  s’oppose  d’une  manldre  absolue  A  ce 
qu’on  rapporte  ces  fails  A  une  origine  cdrdbrale,  comme  le  savant 
frangals  I’a  fait  pour  les  siens,  rien  ne  prouve  que  dans  quelques- 
uns  au  moins  —  oCt  I’intelligence  est  reside  inlacte  —  la  paralysie 
suivie  de  surcharge  graisseuse  interstitielle  n’ait  dtd  la  consdquence 
d’une  affection  de  la  moelle,  pas  mdme  I’existence  des  contractions 
musculaires  synergiques  etinvolontaires. 


3^0 


REVPE  OES  JOURNAUX  DE  MEDECINE. 


Gazette  niedlcalc  de  Paris  (1865,  3”  serie,  t.  XX). 

Dipsomanie,  folie  alcooUque  et  delirium  tremens, 
par  M.  F.  Lagardclle. 

La  dypsomanie,  selon  M.  Lagardelle,  est  tanldt  line  cause,  lan- 
tOt  un  effet  de  Valcoolisme  :  dans  le  premier  cas,  c’est  une  variiitd 
d’alidnalion  mentale  dans  laquelle  les  malades  sent  poussds  par 
une  force  irresistible  a  absorber  toute  esp6ce  de  liqueurs  ;  lors- 
qu’elle  est  consScutive  5  I’alcoolisme,  el)e  doit  fiire  considdriie  Comme 
une  habitude  invetdree  qui  est  devenue  une  ndcessitd. 

L’alcoolisme  aigu  se  prdsente  aussi  sous  deux  formes  diffdrentes, 
la  folie  alcooUque  et  le  delirium  tremens  :  la  folic  alcoolique  est 
caractdrisde  par  un  ddlire  monomaniaque  avec  illusions  et  halluci¬ 
nations  de  I’ouie  non  constantes,  et  des  symptdmes  physiques  pen 
marquds;  le  delirium  tremens,  au  contraire,  est  constitud  par  un 
ddlire  gdndral  avec  hallucinations  de  la  vue  et  de  I’oute  trfes-in- 
tenses  et  des  symptbmes  physiques  caractdristiques  surtout  du  e6td 
de  la  myotilitd  :  a  I’appui  de  cette  distinction  importante,  I’auteur 
cite  une  observation  type  de  folie  alcoolique  gudrle  aprfes  un  mois 
de  bains  et  de  rdgime. 

liecherches  sur  la  physiologic  et  la  pathologic  du  cervelet,  par 
le  dooteur  M.  Leven,  memhre  de  la  Sociite  de  Biologic. 

M.  Leven  dtablit  que  le  cervelet  est  un  organe  excluslvement  mo- 
teur,  etil  se  demande  quel  est  son  vrai  rble  dans  la  production  des 
mouvements,  rdsultat  d’une  harmonic  prdStablie  entre  le  systdme 
nerveux  central  et  le  systfeme  musculaire  :  les  vivisections  seules 
ne  pouvant  conduire  a  la  solution  du  problbme,  I’auieur  met  h 
contribution  I’angtoinie  et  la  pathologic  de  I’organe  pour  mieux  en 
dclalrer  la  physiologic ;  il  rcconnait,  toutefois,  qu’entre  le  fait  pa- 
thologique  et  le  fait  physiologique,  il  reste  une  lacune  qu’aucune 
hypothfesc  ne  pent  servir  a  combler ;  « cependant,  dit-il  en  concluant, 
quand  j’ai  vdrifie  qu’nne  Idsion  d’une  portion  quelconque  du  cerve¬ 
let  on  de  ses  pddoncules  manifeste  une  force  ddcroissante,  depuis 
rhdmisphfere  cdrdbelleux  jusqu’a  la  terminaison  des  pddoncules  cd- 
rdbelleux  supdrietirs  dans  le  corps  strld,  et  qui  produit  comme  pbd- 
nomfene  initial  el  essentiel  Ventrainement  latiral,  puis  la  rotation 
ou  le  manige,  et,  qu'en  deruidre  analyse,  une  altdration  quelconque 
de  cet  organe  aboutit  a  un  dquilibre  instable,  n’est-on  pas  en  droit 
de  conclure  avec  une  grande  probabilitd  que  cette  force  aulomatique. 


JOURNAUX  FRANgAlS. 


311 


qui  a  sa  source  unique  dans  le  cervelel,  ne  se  manifeslantqu’i  IMlat 
palhologique,  est,  a  IVtat  de  santfi,  la  cause  principale  d’dquilibraT 
lion,  et  qu’elle  fait  du  cervelet  tin  organe  d’dquilibratiQn? 

(Voir  un  premier  rafimoire  dans  les  Archives  generales  de  mede- 
cine,  1862.) 

Etude  clinique  et  experimentale  de  la  commotion  traumatique  ou 
ebranlement  de  I’enoephale,  par  le  professeur  Alquie,  chirurgien 
en  chef  de  VHdlel-Dieu  de  Montpellier. 

La  commotion  traumatique  de  I’encdpliale  est,  pour  M.  Alqui^, 
line  lesion  vitalo-organique  de  cet  appareil,  caractdris^e  principale- 
rnent  par  une  diminution  bru.sque  et  plu?  ou  mpins  prolong^e  de 
ses  functions ;  c’e.st  une  lesion  contusive  i  des  degrgs  divers  qui,  par 
les  causes,  leurs  elTels  et  leurs  suites,  est  en  concordance  manifeste 
de  caracieres  avec  les  contusions  en  gdnSral. 

Valeur  semeiolique  de  I’aphasie  dans  le  diagnostic  de  I'hemor- 
rhagie  du  cerveau  et  du  ramolUssement  par  V obliteration  de 
I'artere  de  Sylvius,  par  le  docteur  Lancereaux,  chef  de  clinique 
de  la  Faculte  de  medeoine. 

L’arlfere  de  Sylvius  envoie  une  de  .ses  brandies  aux  clrconvolu- 
lions  frontales  postfirieures  ;  cette  arlfire  vient-clle  5  s’obliidrer,  les 
circouvolutions  ces.sent  d’filre  alimentSes  et  deviennent  le  siSge  d’un 
ramollissement  irop  souvent  incurable. 

Partantde  cette  donnee  auatomique.M.  Laucereaux  s’est  demandd 
si  le  symptbme  aphemie  ou  aphasie  ne  pourrait  pas  servir  i  ^luci- 
derle  diagnostic,  souvent  obscur,  de  I’lnimorrbagie  et  du  ramollisse- 
meut  cerdbral  consdcutif  a  I’oblitdration  de  Tartfire  de  Sylvius;  il  a 
eu  recours  li  I’observation  clinique,  et  dans  I’espace  de  quelques 
seraaines  il  a  pit  recueillir  cinq  faits  dont  void  le  sommaire  ; 

Observ.  1.  —  Alcoolisme  chronique,  rhumatisme  articulaire 
subaigu  ;  hemipldgic  subite  a  droite,  avec  aphasie  ;  obliteration  de 
I’artfere  de  Sylvius  gauche,  ramollissement  consdculif  de  la  sub¬ 
stance  nerveuse  correspondante. 

Observ.  2.  —  llhumaiisme  articulaire  aigu ;  reirdcissement  avec 
insuffisance  milrale ;  hdinipiegie  droite,  aphasie;  einbolie  trbs- 
probable  de  I’ariere  sylvienne  gauche. 

Observ.  3.  —  lleniiplegie  suhitc  a  dro.ile  avec  perlc  de  connais- 
sunce,  conservation  de  la  inemoire  des  mots  ;  absence  d’aphasie  ; 


312  RJiV0E  DES  JOUKNAUX  DE  MfiDECIINE. 

^morrhagie  cSrdbrale  a  gauche  avec  irruption  du  sang  dans  les 
caviWs  ventriculaires. 

Observ.  Zi. —  Hdmipldgie  subiteavecperte  de  connaissance,  Ifiger 
embarras  de  la  parole,  coma,  mort,  autopsie  ;  h^morrhagiedu  centre 
de  I’hdmisphfere  gauche. 

Observ.  5. —  Htimorrhagie  cfir^brale  gauche,  hfimipl^gie  de  tout 
le  c6td  droit;  paralysiede  lalangue ;  conservation  de  la  mgmoiie  des 
mots  et  de  la  facultd  de  les  articuler ;  Idgfere  paralysie  des  yeiix, 
resserrement  des  pupilles ;  paralysie  du  col  de  la  vessie. 

En  r^sumd,  dit  M .  Lancereaux,  le  diagnostic  du  ramollissement 
apoplectiforme  dont  il  s’agit,  repose  sur  plusieurs  conditions;  les 
symptdmes  d’une  16sion  du  coeur  ou  des  gros  vaisseaux,  une  hdmi- 
plggie  suhite  avec  aphasle.  La  persistance  des  deux  derniers  syin- 
pidmes,  en  I’absence  d’une  affection  cardiaque,  permettra  de  soup- 
conner  avec  raison  ce  ramollissement  qui,  cette  fois,  ilendrait  a  la 
thrombose  de  I’artfere  de  Sylvius. 

nullotm  do  <herapeutlqae  (1.865). 

T.  LXVIII.  —  Choree  recidivee  chez  une  femme  enceinte  de  cinq 
mois,pas  de  rhumatisme  antecedent;  emploi  du  bromure  de  po¬ 
tassium;  guerison. 

Hbpital  Beaujon,  service  de  M.  Giibler.' — La  malade  Hgiede  vingt- 
deux  ans,  couturifere,  a  commence  le  28  octobrc  le  traitement  bro- 
murd ;  le  6  novembre,  elle  obtenait  son  exeat  dans  une  vole  de 
gudrison  dvidenle.  Le  bromure  de  potassium  a  dtd  administrd  &  la 
dose  de  2  et  3  grammes  dans  tin  julep. 

De  I’hemiplegie  de  cause  dyspeptique,  par  M.  le  docteur  0.  Pihan- 
Dufeillay,  ancien  interne  des  hdpitaux  de  Paris,  professeur  a 
I’Ecole  de  medecine  de  Nantes.  ■ 

II  s’agit  ici  de  deux  cas  d’hdmipidgie  subite,  simulant,  au  pre¬ 
mier  abord,  I’hdmipldgie  lide  it  I’hdmorrhagie  cdrdbrale,  et  que  les 
conditions  spdciales  au  milieu  desquelles  elles  sont  survenues  ont 
engagd  I’auteur  a  considerer  comme  lides  a  la  dyspepsie  gastrique, 
au  mdme  litre  que  les  anesthdsies  cutandes,  les  vertiges,  les  fai- 
blesses  musculaires,  etc. 

Ce  lien  existe-t-il  rdellement?  C’est  une  question  qui  ddcoule  des 
deux  fails  rapporlds  par  M.  Pihan,  sans  que  ceux-ci  soicnt  encore 
suifisants  pour  la  rdsoudre  ;  «  Isolds,  dit-il,  ils  resleront  a  I’dtat  de 


JOURNAUX  FRANgAIS.  313 

fails  curieux;  conlirm^s  par  des  observations  ultdrieures,  ils  dcvien- 
dront,  au  conlraire,  uiie  preuve  nouvelle  de  la  puissance  des  sym¬ 
pathies  gastriques. 

Acces  de  delirium  tremens,  traiti  et  gueri  par  la  teinture 
de  digitale  d  haute  dose. 

Hdpital  dela  ChariKi,  service  deM.  Nonat.  —  Observation  recueillie 
par  M.  Revilliod,  interne,  sur  un  garqon  marchand  de  vin,  agd  de 
vingt  et  unans,  dontle  facies  dtaitanimd  etqui,  en  outre,  dtait  alteint 
d’insuffisaiice  mitralc  et  aortique.  La  teinture  de  digitate  fut  d’a- 
bord  adminislrde  i  12  et  eonlinude  i  5  grammes  dans  une  potion  ; 
le  troisifeme  jour,  la  potion  est  supprimde ;  le  calme  est  revenu  et  ne 
se  ddment  pas.  L’opium,  donnd,  il  est  vrai,  ii  dose  insuflisante,  avail 
dchoud  sur  ce  malade. 

Eclampsie.  —  Delirc  entre  les  attaques  convulsives.  —  Albumi- 

nurie ;  trailement  par  V opium.  Guerison,  par  M.  Spiess,  interne 

a  I’hdpital  Beaujon. 

Des  symptdmes  assez  rares  dans  I’dciampsie  puerpdrale  ont  de- 
cidd  M.  Spiess  S  publier  cette  observation,  dont  nous  reproduisons, 
au  mdme  litre,  les  parties  les  plus  intdressanles. 

«  Le  4  Janvier,  au  ddbut  de  Tattaque,  la  malade  pousse  un  cri 
aigu ;  M.  Spiess  la  trouve  couchde  sur  le  dos,  la  tdte  dans  I’exten- 
sion  forcde,  les  muscles  de  la  machoire  contracturds,  les  yeux  con- 
vulsds;  les  bras  dans  la  deml-flexion,  avec  les  mains  fldchies  mais 
non  fermdes,  dtaient  rapprochds  du  tronc  ;  tout  son  corps  dtaii  agitd. 
La  premifere  idde  qni  lui  vint  h  I’esprit  fut  celle  de  I’dpilepsie;  d’au- 
tant  plus  qu’au  bout  d’une  minute,  il  vit  la  crise  toucher  5  sa  fin ; 
la  malade,  Tdcume  a  la  bouche,  se  laissant  aller  sur  le  cdtd,  entrait 
dans  un  sommeil  profond  elbruyant ;  mais  quelques  minutes  aprfes, 
nouvelle  attaque  plus  courte  que  la  premifere;  dfes  lors  le  doule  ne 
fut  plus  permis. 

»  Cette  seconde  attaque  est  suivie  de  ddlire  et  d’hallucinations  ;  la 
malade  pousse  des  cris  perqants;  elie  regarde  fixement  au  pied  de 
son  lit  ou  lutte  avec  dnergie  contre  les  personnes  qui  la  maintien- 
nenl.  Au  milieu  de  ces  cris,  quelques  paroles  ininlelligibles  oil  I’on 
distingue  cependant  ces  mots  :  «  Ote-toi  do  Ife,  va-t’en  1  »  II  est 
dvident  qu’elle  n’entend  ni  ne  voit  les  personnes  qui  I’entourent,  et 
c’est  a  grand’peine  qu’on  lui  met  la  camisole. 

B  Ces  phdnomfenes  se  reproduisircnt  de  mdme  aprfeschaque  attaque 
pendant  la  soirde  et  la  plus  grande  partie  de  la  nuit;  la  dernifere 


31ft  REVUE  DES  JOUHNAUX  DE  MfiDECINE. 

attaque  eut  lieu  li  six  lieures  du  matin ;  le  traitement  consista  dans 
un  julep  contenant  0,025  milligr.  de  sel  de  morphine  donnd  par 
cuillerdes  d’heurc  en  heure.  A  la  visite,  M.  le  docteur  Fremy  porle 
la  dosedu  sel  5  0,0ft0  milligr.,  ajoute  des  vdsicatoires  5  lYpigastre 
et  aux  r.uisses.  La  connaissance  revient  dans  la  soirde  du  6,  et  aprfes 
des  accidents  divers,  la  malade  sort  gudrie  le  19  Janvier,  affirmant 
n’avoir  gard^  aucun  souvenir  de  son  accouchement,  ni  des  circon- 
slances  qui  I’ont  suivi.  » 

Delirium  tremens,  traits  par  la  teinture  de  digitale,  par  M.  le 
docteur  A.  Voisin.  (Hdpital  de  la  Chariti,  service  de  M.  Bouil- 
laud,  supplid  par  M.  le  docteur  Chauffard.) 

Les  observations  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  pas,  du  moiiis 
parlesuccfes;  aprfes  M.  Nonat,  M.  Chauffard,  doiit  I’observation  pa- 
ratt  a  M.  A.  Voisin  diminuer  singuliferement  la  valeur  tlidrapeu- 
tique  de  la  digitale  dont  on  a  si  hautement  vanid  les  effeis  dans  le 
delirium  tremens.  Bien  que  donate  dans  ce  cas  avec  la  volontd  de 
reussir,  et  adminislrde  suivant  la  forraule  et  les  doses  d’usage  par  un 
dminent  thdrapeutiste,  la  digitale  n’a  pas,  en  elfei,  rendu  les  rdsul- 
tats  que  Ton  en  attendail. 

T.  LX  IX.  —  Du  nitrate  d’ argent  dans  la  paralysie  generale  pro¬ 
gressive  avec  ou  sans  alienation,  par  M.  Bouchut,  professeur 
dgrege  de  la  FacuM  de  medecine,  medecin  de  I’hdpital  des 
Enfants  malades. 

Trois  observations  empruntees  an  traitd  dc  M.  Bouchut  Sur  le 
diagnostic  des  maladies  du  systeme  nerveux  par  I’ophthalmosco- 
pie,  dont  void  le  sommaire  : 

Observ.  1.  — Paralysie  gdndrale  progressive;  nitrate  d’argent ; 
gudrison  pendant  un  an ;  cessation  des  remtdes  et  rechute  a  la  suite 
de  nouveaux  ex'cfes. 

Observ.  II.  —  Paralysie  gdnerale  progressive  avec  alienation; 
nitrate  d’argent;  gudrison  de  la  paralysie,  mais  pas  de  la  folie. 

Observ.  Ill,  — Paralysie  gdndrale  progre-ssive,  rdsultant  de  I’abus 
des  alcooliques  et  du  tabac;  nitrate  d’argent;  amdlioration. 

La  novuc  luddicalo  (1865). 

T.  I.  —  Localisation  du  sens  de  la  parole,  par  M.  le  docteur 
Damoiseau,  d’AleuQon. 

Dans  une  lettre  qu’il  adresse  au  rddacteur  en  chef  de  la  Bcvue 
midicale,  M,  Damoiseau  proteste,  au  nom  de  la  doctrine  vitaliste. 


315 


JOURNAUX  FR^tjgAIS. 

Centra  la  localisation  phr^ciologique  on  gdngral  et,  sp^cialernent, 
contra  la  localisation  du  sens  de  la  parole  et  des  erreurs  matfirialisles 
qui  en  ddcoulent. 

Lettre  sur  la  localisation  des  facultis  en  geniral  et  sur  celle  du 

langage  articule  en  particuUer.  lidponse  de  M,  Sales-Girons  a 

M.  le  docteur  Damoiseau,  d’Alenoon. 

M.  Sales-Girons  applique  it  I’aphasie  sa  tWorie  des  mouvements 
par  coeur  :  pour  lui,  comrne  pour  M.  le  docteur  Piorry,  il  s’agit 
d’une  pure  et  simple  question  d'amnisie  ;  une  perte  de  miimoire  des 
mouvemenls  niusculaires  du  larynx  avec  inl^gritii  complete  des 
muscles  et  des  mouvements. 

Aussi  voudrail-il  rassurer  M.  Damoiseau  et  le  convaincre  que  les 
vitalistes  de  la  Revue  ne  repugnant  pas  tant  a  la  localisation  des 
facullds,  qii’ils  ne  puissant  s’entendre  avec  M.  Bouillaud,  qui,  d’qil- 
leurs,  n’a  jamais  renid  ses  convictions  premieres. 

La  localisation  cdrdbrale,  pour  lui,  pas  plus  que  pour  I’dminent 
professeur,  ne  suppose  pas  I’absurdild  qu’une  facultd  comme  la  pa¬ 
role  soit  le  produit  d’une  sdcrdlion  de  I’encdphale  :  «  la  pensde 
dont  la  parole  est  le  bruit  conyenu,cetLe  facultd  de  relation  doit,  de 
rigueur,  avoir  1  “  une  anche  qui  rdsonne  au  debors ;  2“  une  touche  qui 
soit  mue  oq  dmue  au  dedans  s  3“  un  fil  de  communication  ou  de  tran¬ 
smission  qui  porte  I’dmotion  vouluede  la  touche  d  I’anche  sonore. 

B  Voili  bien,  diWl,  un  instrument,  et  il  n’estpas  besoin  de  spd- 
cilier  les  parties  qui  dans  I’organisalion  humaine  le  composenl.  Mais 
les  organes  comma  les  instrumenis  prdsupposent  deux  ciioses  ; 
trabord  un  faoteur,  el  puis  un  artiste  qui  en  joue,  c’est-ii-dire  qui 
rcnde  par  eux  les  sentiments  et  les  iddes.  Nous  autres,  vitalistes 
selon  Tame,  nous  disons  que  c’est  Tame  qui  est  a  la  fois  I’artisle  et 
le  facteur,..,, 

«  Non-seulement  done  nous  pouvons  admeltre  la  localisation  de 
la  facultd  pour  ce  qui  est  de  I’organe  ou  de  I’instrument,  majsnous 
le  devons  meme.  Le  corps  tout  entier  n’est-il  pas  la  localisation  de 
rame?  Chqque  facultd,  comme  chaque  fonciion  de  relation  de  celte 
ame,  n’a-t-elle  pas  son  organe  localisd?  Nous  devons  le  peiiser.  Le 
point  est  de  savoir  lequel  il  est.  Nous  ne  disculons  pas  s’ii  est,  car 
il  doit  dire;  nous  discutons  pour  savoir  ou  il  est,  b 

If.  —  Post-scriptum  d  la  lettre  sur  la  localisation  cerebrate 
de  la  faoulte  du  langage  articule,  par  M.  Sales-Girons. 

M.  Sales-Girons  a  irouvd  I’occasion  d’allirmer  de  nouveau  I’opi- 
nion  qu’on  vieijt  de  lire,  dans  I’inserlion  rdeente  de  deux  observa- 


316  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MEDEOINE. 

Hons  adress^es  h  la  Gazette  des  Hdpitaux,  par  M.  le  docteur  Lesur, 
de  Reims. 

Dans  I’une  de  ces  observations,  a  la  suite  d’une  operation  de  trd- 
pan,  on  pouvait  comprimer  a  voiontd  la  pulpe  c6r6brale  et  appr6- 
cier  I’influence  positive  de  cctte  compression  sur  la  faculty  d’arti- 
ciiler  les  mots. 

Le  traite  d' alliance  entre  le  vitalisme  anlmique  et  la  localisation 
c6rcbrale  des  facultes  —  pourquoi  pas,  de  suite,  avec  Vorganicisme? 
—  se  Irouve,  ainsi,  d^finitivement  sign(5  et  ralifld. 

D'’  Berger. 


Franco  mddicalo  (12“  annfie,  1865). 

I”  De  I’efficacite  de  I’arsenic  dans  le  traitement  de  la  choree.  — 
M.  le  docteur  Isnard,  de  Marseille,  a  rfiuni  cinq  observations  re- 
cueillies  par  lui-m6me,  et  dans  lesquelles  la  medication  arsenicale  a 
donne  des  resullats  heureuxdans  un  temps  beaucoup  plus  court  que 
tons  les  autrcs  agents  therapeutiques.  La  maladie  a  dtd  jugde  dans 
une  pdriode  moyenne  de  vingt-neuf  jours.  La  dose  d’arsenic  a  varie 
de  6  milligrammes  d’acide  arsenieux  5  15  milligrammes  chaque 
jour. 

2°  De  I'aminorrhie  par  icauses  psyohiques.  —  M.  Raciborski 
signale  comme  un  etat  pathologique  ayant  son  individualitg  propre, 
I’amenorrhee  produite  1°  par  la  peur  excessive  d’etre  grosse, 
2°  par  le  vif  ddsir  d’avoir  des  enfants.  Ce  sont  des  causes  morales 
qui,  par  I’influence  du  grand  sympathique,  exercent  une  aclion  cer- 
taine  sur  les  nerfs  vaso-moteurs.  L’auteur  appuie  son  opinion  sur 
d’ingenieuses  considerations,  les  faits  manquent  encore  pour  en  de- 
montrer  I’exaclltude. 

3”  Sous  ce  titre  :  Une  question  d'hygiene  publique,  M.  le  doc- 
leur  Lapeyrfere,  analysant  la  thfese  inaugurale  de  M.  Georges  Pen- 
netler.de  Rouen,  s’eifevecontre  Tabus  enorme  d’alcoolsde  mauvaise 
qualite  qui,  dans  les  grands  centres  industriels  surtout,  sont  chaque 
jourlivi-es  ti  la  consummation.  Les  eaux-de-vie  de  grains,  de  bette- 
rave,  de  pomme  de  terre,  contiennent  un  acide,  Tacide  bulyrique, 
qui  se  transforme  en  ether  hutyrique.  G’est  ce  principe  volatil  qui 
agitsur  Teconomie  et  Tempoisonne.  Si  la  cause  de  cet  empoisonne- 
ment  est  tout  enlifere  dans  la  qualite  des  boissons  ingdrees,  n’y  au- 
lait-il  pas  lieu  de  la  part  de  Tadministration  5  une  intervention 
serieuse?  Grave  question  dejk  posee  blen  des  fois  et  qui  n’a  pas 
rcQU  encore  la  solution  que  redamait  Thygifene  privee  et  publique. 

4”  De  I’alcoolisme,  par  M.  le  docteur  Lagardelle.  —  D’une  serie 


JOCRNAUX  FRANQAIS.  317 

d’exp^riences  qui  ont  eu  d’ailleurs  de  nombreux  prdc^dents  dans  la 
science,  le  docteur  Lagardelle  a  conclu  :  que  I’alcool  se  comporte 
dans  I’organisme  de  certains  animaux  comme  il  se  comporte  chez 
I’homme;  —  que,  suivant  lemode  d’absorption  et  suivant  les  doses, 
on  peut  produire  diiKrents  degres  d’ivresse  :  qu’il  peut,  avant  son 
absorption,  determiner  quelques  phenomfenes  cerfibraiix,  mais  que 
son  action  ne  devient  intense  et  grave  que  lorsqu’il  est  absorbe.  A 
propos  de  i’absorption,  I’anteur  rapporte  I’opinion  de  Brodie,  qui 
compare  I’action  de  I’alcool  sur  le  cerveau  h  cede  qui  est  le  i-esultat 
de  la  commotion  on  de  la  compression  de  cet  organc ;  suivant  Brodie, 
I’alcooi  ne  serait  pas  absorbe,  mais  il  agirait  sympathiquement  sui¬ 
te  cerveau  par  le  moyen  des  nerfs  de  I’estomac.  —  Sans  nier  les  rap¬ 
ports  syinpalhiques  qui  lient  les  deux  organes,  le  docteur  Lagardelle 
ne  saurait  admetire  qu’il  n’y  ait  1&  que  des  reactions  sympathiques ; 
i’alcool  est  absorb!-,  et  les  accidents  qu’il  dcitermine  sont  d’autant 
plus  graves  qu’il  a  ^td  pris  en  plus  grande  quantite  et  que  son  eli¬ 
mination  a  dtfi  plus  lente.  Nous  retrouvons  dans  ce  travail  une  dis¬ 
tinction  qui  nous  paralt  avoir  une  importance  rdelle.  11  y  a  des 
alcools  plus  toxiques  les  ims  que  les  autres.  Ceux  qui  sont  les  plus 
dangereux  sont  les  alcools  contenant  des  huiles  empyreumatiqnes. 
M.  Chevalller  est  de  cet  avis,  les  huiles  gthdrdes  volatiles  ajoutent 
aussi  leur  action ;  I’absinthe  est  a  juste  titre  considtiree  comme  one 
des  liqueurs  les  plus  toxiques.  Il  faut  tenir  compte  aussi  des  idiosyn¬ 
crasies,  de  la  tolerance  cr^de  par  I’liabitude,  de  cerlaines  conditions 
physiologiques  qui  activent  ou  retardent  I’absorption.  Quant  i  la 
plus  grande  frequence  de  I’alcoolisme,  de  la  folie  alcoolique  dans 
les  classes  aisees,  nous  ne  sommes  pas  lout  4  fait  de  I’avis  du  doc¬ 
teur- Lagardelle  :  il  nous  a  loujours  sembld,  aucontraire,que  e’etait 
dans  les  classes  ouvrieres  que  le  delirium  tremens,  I’alcoolisme, 
dlaient  le  plus  commons ;  cela  lient  4  la  fois  4  des  habitudes  de 
desordre  et  4  la  raauvaise  qualite  des  alcools  ingeres.  Les  Idsions- 
anatomiques  n’ont  pas  ete  etudides  aussi  compldtement  qu’elles  md- 
ritaient  de  I’etre,  car  nous  ne  irouvons  signaiees  que  la  cirrhose,  la, 
nephrite granuleuse,  le  cancer  de  I’estomac.  Il  yen  a  bien  d’aulres 
que  M.  Lagardelle  edt  pu  mentionner,  telles  que  la  degenerescence 
graisseuse,  les  affections  du  coeur  et,  d’apres  quelques  medecins 
anglais,  les  dilatations  anevrysmales  de  I’aorte.  La  distinction  gene- 
rale,  mais  un  peu  trop  vague  4  notre  sens,  de  lesions  nombreuses, 
et  variees  del’estomac,  du  foie,  des  reins,  des  organes  geniiaux,du 
systfemc  vasculaire,  des  organes  des  sens,  etc!,  ne  ditpas  assez.  C’est 
moins  pourlant  un  reproche  que  nous  formulons  qu’un  regret,  ce 
travail  n’est  gufere  qu’une  enumeration  rapide ;  on  efft  aime,  avec: 


318  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiUECINE. 

des  vues  jusies  sur  la  plupart  des  points,  i  rencontrer  un  dSveloppe- 
meni  plus  complet.  L’^tude  sur  la  dipsomanie,  qui  termine  cet 
article,  ne  conlient  rien  de  nouveau  ;  quelques  fans,  sur  lesqiiels 
insiste  M.  le  docteur  Lagardelle,  ne  different  en  rien  de  toutes  les 
observations  connues ;  les  conclusions  qui  rattachent  la  dipsomanie 
aux  alienations  mentales  seront  accept^es  de  tout  le  monde.  11  y  a 
dejci  longtemps  que  les  principaux  traites  de  cette  affection  ont  ete 
deflnitivement  fixes. 

5“  Des  deeds  chez  les  aliinis  et  des  moyens  de  les  reslreindre. 
—  M.  Berthier  resume  les  prescriptions  les  plus  importanles 
pour  I’hygiene  des  alienes.  II  fait  observer,  avec  raison,  que  ia 
moi'talite  dlminue  sensiblement  dans  les  asiles  bien  instaliesj  oil 
Tagglomeration  des  malades  n’est  pas  irop  Considerable,  L’encom- 
brement,  tel  est  en  effet  aujourd’hui  Tune  des  causes  les  plus  actives 
de  I’augmentation  de  la  morialite.  Toutefois,  pour  gtre  juste,  ilfau- 
drait  tenir  compte  surtout  de  la  forme  de  la  maladie.  Une  affection 
qui  est,  de  I’aveu  de  tous  les  medecins  specialistes,  beaucoup  plus 
commune  aujourd’liui  qu’autrefois,  la  paralysie  geuerale,  se  termine 
fatalement  par  la  mort,  dans  une  pdriode  de  dix-liult  mois  it  deux 
ans.  Si  I’on  pent,  ii  I’aide  de  soins  atteniifs,  prolonger  la  duree  de 
la  vie,  on  n’est  pas  encore  arrivd  b  la  gu^rison,  et  quoi  qu’on  ait 
fait,  on  n’arrete  jamais  les  progrfes  d’un  mal  qui  se  termine  par  la 
ddch^ance  complfete  des  forces  physiques  et  Intellectuelles.  M,  Ber¬ 
thier  n’a  pr^sentd,  dans  cet  article,  que  des  considerations  generales; 
il  n’a  pas  voulu  enlrer  dans  les  details,  ni  aborder  la  question  de  la 
pathologie  speciale  des  alienes ;  c’efft  ete  la  un  des  Cotes  les  plus 
interessants  de  la  question  de  la  folie.  Ce  qui  ressort  de  son  travail, 
e’est  que  les  conditions  hygieniques  dolvent  elre,  de  la  parr  des 
medecins  d’asiles,  I’objet  des  plus  constantes  preoccupations.  Tout 
le  monde  est  d’accord  sur  ce  point.  M.  le  docteur  Berthier  a  insiste, 
avec  raison,  sur  des  propositions  auxquelles  on  se  rallie  volon tiers. 

6”  Amnisie  de  I’dcriture  avec  conservation  de  la  parole  a  la  suite 
d’un  epanchement  sanguin  dans  I’heniisphere  cerebral  gauche,  par 
le  docteur  Van  den  Abeele,  de  Bruges,  page  614.  —  Cette  obser¬ 
vation  est  mallieureusement  un  peu  trop  concise.  Tout  ce  qui  ap- 
pariientai’accident  hemorrhagique  est  nettement  determine;  mais 
elle  manque  de  precision  dans  les  details  relalifs  a  I’amnesie  de 
recriture.  On  y  trouve  cependant,  comme  fait  extremement  interes- 
.sant,  la  possibllite  de  tracer  d’abord  isoiement,  puis  de  grouper  en 
mots  les  letlres  de  I’alphabet,  avec  impo.ssibiiite  absolue  de  pro- 
noncer  le  mot,  dont  la  signiffcatiou  etait  compietemeiit  perdue. 
L’observation  ne  dlt  pas  ce  qu’etait  la  parole  spontanement  draise. 


JOUBNAUX  FRANgAIS.  319. 

1,1  semble  qu’elle  devait  fiire  conseryde  d’aprfes  le  litre  mfime  de 
robservation ;  mais  il  n’en  est  pas  fait  mention.  Elle  est  done  a  com- 
pldter. 

7“  Paralysie  rhicmatismalc  du  muscle  droit  externe,  datant  de 
troismois;  guerisonrapide par  le  phosphor e.  — Cette  observation, 
publide  par  M.  le  docteur  Tavignot,  merite  d’dtre  signalde.  II  s’agit 
d’un  borame  de  trente-deux  ans,  rhumatisant  depuis  irds-iong- 
temps.  Ce  malade  contracte  la  syphilis,  et  des  druptions  caracldris- 
tiques  se  montrent  dans  divevses  regions.  Un  matin,  cn  descendant 
de  ses  bureaux,  M.  P.  s’aperqoit  qu’il  volt  double;  son  mddecin, 
comiaissant  ses  antdeddents,  supposa  qu’il  avail  li  trailer  un  acci¬ 
dent  sypliilitique;  la  mddication  spdeiale  resta  sans  effet,  bien 
qu’elle  edt  did  consciencieusement  suivie  pendant  trois  mois.  M.  le 
docteur  Tavignot  fut  alors  consulld;  il  prescrivit  des  frictions  sur  le 
front  et  la  trempe  droiie  avec  le  liniment  suivant ;  hnile  d’amandos 
donees,  lOQ  gr. ;  naphte,  25  gr.;  pliosphore,  25  centigr.,  et  des  pi¬ 
lules,  it  la  dose  de  deux,  puis  de  quatre  par  jour,  donl  void  la  for- 
inule  :  huile  d’amandes  donees,  8  gr.;  pliosphore,  10  centigr  ;  faiies 
dissoudre  dans  I’huile  chaulTde  a  ii5  degrds,  et  ajontez  beurre  de 
cacao,  8  gr.  hO  centigr.,  poudre  de  guimaiive,  18  gr,  pour  100  pi¬ 
lules.  Sous  rinlluence  de  ce  traitement,  la  diplopie  disparut  dans 
moiits  de  trois  semaines;  les  laches  dans  les  regions  oil  avail  (ltd 
appliqud  le  liniment  s’eiTaeferent  aussi,  et  six  semaines  environ  apres 
le  ddbut  du  traitement,  lagudrison  put  Otre  considSrtSe  comme  ddli^ 
nitive. 

Nous  avons  pensd  qu’il  dlait  utile  de  rappeler  ce  fait,  autant  il 
cause  de  rinldrd  qu’il  prdsenlait  par  lui-mfime,  qiie  du  mode  d’ad- 
minislralion  du  phosphore,  agent  difficile  it  manier,  et  qui,  dans  ce 
cas,  ne  produisitaucun  accident  du  cOtd  des  voies  digestives  ou  des 
organes  gdnilaux. 

8"  De  I’ivresse,  par  le  docteur  Lagardelle,  page  d86.  —  Allude 
sur  les  symptOmes  de  I’ivresse ;  trois  degrds  principaux  : 

I'”  degrfi.  —  Excitation  g^nerale,  sans desordres  dans  les  fonc- 
lionSj  e’est  it  propreraent  pat  ler  I’dbridte. 

20  degrfi.  —  Ivresse  forte,  avec  troubles  de  Tinlelligence,  de  la 
sensibilite,  de  la  molilitd.  Les  hides  sont  diffuses,  ddsordonndes, 
incoherenles,  illusions  et  hallucinations  de  rouie,de  la  vue;  verliges 
et  chutes.  Vomissemenis,  incontinence  des  urines  et  des  raatibres 
fdcales. —  Prostration  des  forces.  —  Anesthdsie. 

3'  degrd.  —  Ivresse  comateuse,  pouvant  conduire  rapidement  it  la 
mort.  llalentis-sement  de  la  circulation,  altdration  du  sang,  slases 
veineuses.  Apoplexies  mdningdes.  M.  le  docteur  Lagardelle  signale 


320  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MEdECINE. 

aussi  les  variStfis  que  prgsente  I’ivresse  suivant  les  terapfiramenis, 

les  habitudes  des  sujels,  et  laqualitd  des  alcools  ing^r^s. 

9°  Etiologie  du  goitre,  par  M.  le  D''  Bergeiet  (de  Saint-L^ger). 
—  Ce  travail,  rdsiiltat  d’line  observation  de  dix  ann^es,  contientdes 
viies  tbSoriques  et  pratiques  sur  le  goitre  et  le  crdtinisme  endS- 
miques,  dans  la  valine  de  la  Dheune.  M.  le  docteur  Bergeret  est 
arrivd  h  la  conviction  que  les  sulfates  de  chaux  et  de  magndsie  lenus 
en  suspension  dans  les  eaux,  sont  la  cause  du  goitre.  L’dtude  des 
eaux  dtait  done  le  fait  capital,  et  I’analyse  chimique  &  laquelle  elles 
ont  dtd  soumises  a  6tabli,  de  la  raanibre  la  plus  nette,  la  plus  con- 
stante,  la  presence  de  sulfates  calcaires  et  magndsiens.  —  L’examen 
topographique  a  dtd  fait  avec  le  plus  grand  soin,  et  ladisposition  des 
couches,  dans  un  terrain  d’alluvion,  a  dtd  dessinde  dans  une  carte 
qui  sert  ii  la  fois  de  plan  et  d’explication  pour  tons  les  ddtails  gdolo- 
giques.  —  La  vallde  de  la  Dheune  est  riche  et  fertile,  ses  habitants 
n’y  sont  plus  exposes  comme  autrefois  a  des  eflluves  mardcageuses, 
aucune  cause  d’insalubritd  n’y  rdgne,  et  pourlant  a  Saint-Ldger  appa- 
rait  le  goitre.  Pour  rendre  sa  description  plus  claire,  M.  Bergeret 
dlvise  le  paysqu’il  veut  dtudier  en  quatre  zones,  dont  trois  goitreuses 
a  des  degrds  dilldrents,  et  une  autre  qui  ne  I’est  pas  du  tout. 

Nous  ne  pouvons  pas  suivre  I’auteur  dans  tons  les  ddtails  gdogra- 
phiques  qu’il  donne  a  I’appuidesa  thdorie ;  nous  la  rdsumerons  en 
quelques  mots  :  partont  ou  les  eaux  de  pliiie  s’inliltrent  dans  la 
montagne,  elles  ont  a  traverser  une  couche  de  sulfate  de  chaux  peu 
compacte,  et  qui  laisse  sourdre  les  eaux  a  des  altitudes  diffdrentes ; 
toutes  les  fois  que  ces  eaux  sont  destindes  aux  usages  domestiques, 
le  goitre  apparait ;  si  les  eaux  rencontrent,  comme  dans  le  voisinage 
du  Creuzot,  par  example,  des  sables  qui  ne  sont  que  des  silicates  de 
chaux  neutres,  ou  encore  des  glsements  de  fer,  I’affection  devient 
moins  commune.  Ce  fait  parait  surtout  ddmontrd  par  I’absence  de 
goitreux  dans  Tangle  sud  de  la  vallde,  ou  les  montagnes  sont  mind- 
ralisdes  par  un  schiste  lamelleux,  du  grfes,  et  plus  profonddment  par 
de  la  houille;  un  seul  point  gypseux  a  dtd  constatd  dans  cet  angle, 
et  chose  curieuse,  autour  de  ce  point  reparaissent  les  goitreux.  Pour- 
suivantses  analyses,  "M.  le  docteur  Bergeret  a  cherchdsi,  dansd’au- 
tres  rdgions,  il  ne  rencontrerait  pas  des  eaux  gypseuses,  et  le  goitre 
comme  consdquence.  Sesouvenant  du  travail  de  Macario  sur  Tin- 
lluence  du  cliniat  de  Nice,  il  explore  le  littoral  du  ddpartement  des 
Alpes-Maritimes,  et  il  rencontra  sur  plusicurs  points  de  la  c6te  des 
goitreux.  Les  eaux  y  sont  chargdesde  sulfate  caicaire;  mdmes  obser¬ 
vations  dans  le  Valais,  a  Saxon.  Un  banc  dnorme  de  sulfate  de  chaux 
occupe  au  moins  8  it  9  kilometres  d’dtendue.  Au-dessus  de  lui,  pas 


JOURNAUX  FRANQAIS. 


321 

un  gotireuK;  au-dessous,t)resqne  loiis  les  habil.mis  snnt  airectAs;  jus- 
qu’en  1835,  les  eaux  que  biivalent  les  habitants  venaient  tomes  du 
torrent ;  depuis  celte  dpcque,  pour  ne  jamais  manquer  d’eau,  on 
canalisa,  et  Ton  fit  deseendre  dans  la  vallde  des  eaux  prises  au-dessus 
du  banc  de  piaire,  et  le  goitre  a  diminue  de  frequence.  —  Toutes 
choses  dgalcs  d’ailleurs,  riiypertrophiethyroidiennese  montreplutOt 
chez  les  individus  lymphatiques,  strumeux,  que  chez  les  gens  ro- 
bustes  et  5  tempdrament  sanguin.  Ces  propositions  semblent  un  pea 
absolues  au  premier  abord,  et  pour  quiconque  a  etudie  la  question 
du  goitre  et  du  crdtinisme,  il  semble  qu’il  y  ait  lieu  de  ne  les  ac¬ 
cepter  qu’avec  une  certalne  rdserve.  M.  le  docteur  Bergeret  n’a  pas 
voulu  dire  cependant  que  la  presence  des  eaux  gypseiises  dans  une 
contree  fdt  la  seule  cause  du  goitre, 11  reconnalt  sagenient  qu’il  existe 
d’autres  conditions  qui  favoriscnt  le  ddvfiloppement  de  la  maladie; 
toutefois,  il  ne  pent  s’empdcher  d’accorder  une  influence  considd- 
rable  aux  sulfates  calcaires  et  magndsiens,  et  d’afflrmer  qu’on  doit 
les  trouver  partout  ofi  le  goitre  et  lecrdtinisme  sont  enddmiqucs.  — 
Quant  au  traitement,  quant  a  la  rapiditd  avec  laquelle  disparaitiait 
I’alfection,  une  fols  la  cause  enlevde,  nous  ne  saurions  dtre  aussi 
convalncus  que  M.  le  docteur  Bergeret.  Nous  n’avons  pas  vu  les 
choses  se  passer  aussi  simplement;  nous  ne  voudrions  pas  cepen¬ 
dant  critiquer  trop  vivement  un  travail  qui  nous  parait  conscien- 
cieux,  et  prdpard  dans  les  conditions  les  meilleures  d’observation. 

D"'  Motet. 

TRAVAOX  DIVERS  A  CONSULTED  DANS  LES  RECDEILS  PfiRIODIOUES. 

(Annee  1865.) 

1“  De  I’emploi  de  I’acide  phenique  dans  le  traitement  des  uloeres  phagd- 
deniques  survenant  chez  les  alienes  malpropres.  —  Observation  lue  a 
la  Societe  des  medecins  de  I’Isere  par  M.  Barrion ,  interne  a  I’asile 
de  Saint-Robert. 

Une  plaie  ulcdreuse,  dtendue  et  profonde,  rdpandant  une  odeur 
infecte  et  contrc  laquelle  on  avail  Inutllement  employd  les  moyens 
usitds  en  pared  cas,  fut  gudrie  au  moyen  de  pansements  fails  avec 
de  la  charple  imbibde  d’une  solution  composde  de  1  gramme  d’a- 
cide  phdnique  cristallisd,  3  grammes  d’alcool  et  900  grammes 
d’eau.  {Bulletin  midical  du  Dauphine,  1865,  p.  318.) 

2“  Crises  epileptiformes  et  vomissements  bilieux  intermittents  produils 
par  la  privation  de  tabac  a  fumer.  —  Observation  par  le  docteur 
Pascal. 

Les  accidents  disparurent  dts  que  le  malade  eut  repris  I’usage 
ANNAL.  HiD.-psvcii.  4“  sdric,  t.  IX.  Mars  1867.  9.  21 


REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 


322 

de  la  pipe  qu’il  avail  dfl  discontiiiuer  en  entrant  an  convent  de  la 
Grande-Chartreuse.  {Bulletin  medical  du  Dauphine,  1865,  p.  d73.) 

3“  Quelques  cas  de  paralysies  incurables  ou  temporairos,  survenues  dans 
le  oours  ou  pendant  la  convalescence  de  maladies  aigucs  aulres  quo 
la  diphtherie,  par  le  docteur  Surmay. 

(Bulletin  midical  de  I’Aisne,  1866,  n"  1,  p.  2^.) 

li°  Note  sur  le  traitement  du  delirium  tremens  au  moyen  du  tartre 
slibie.  —  Cinq  observations  de  traitement  suivi  de  guorison  rapide, 
par  le  docteur  Desprez. 

(Idem,  p.  /i8.) 

5“  Observation  de  delirium  tremens  traild  avec  succes  par  le  tartre  stibid 
a  haute  dose,  par  le  docteur  Desprez. 

(Idemj  n"  3,  p.  17.)  L.  L. 


JOURNAUX  ALLEMANDS. 

Cori-os|ion<lcn!r.-»lntt  (1). 
Analyse  par  le  docteur  EiiTZBiscnoFr. 
Annde  18G1. 


SoMMAlRE.  —  Pathologie  et  therapeutique  des  affections  mentales  basdes 
sur  I’anatomio  physidlogique,  par  Schroeder  van  der  Kolk.  —  Obser¬ 
vations  thdrapeuliques  sur  I’dpilopsie,  par  Skoda.  —  Diagnostic  de  la 
manie  aiguo  et  de  la  lypemanie  aigue,  par  Otto  de  Rudolstadt.  — 
Alienation  mentale  cbez  les  enfants ,  par  le  docteur  Berkham  (dc 
Brunswick).  —  Influence  de  la  lumiere  sur  la  guerison  des  affections 
mentales,  par  le  docteur  H... —  Des  injections  sous-cutandes,  par 
Erlenmeyer.  —  Des  alterations  des  fonctions  psychiqu'es  au  point  de 
vue  juridique,  par  Otto  de  Rudolstadt.  —  Mdlancolie  cataleptiquc, 
par  le  docteur  Kelp. 


On  pent  regarder  ScUrmdei’  van  tier  Kolk,  rdgdndraleur  de  I’alie- 
naiion  mentale  dans  les  Pays-Bas,  comme  un  auteur  allemand,  car, 
outre  plusieurs  voyages  scientifiqiies  accomplis  en  Allemagno,  il  y 
avail  fait  traduirc  tous  scs  aulres  ouvrages.  La  mort  vint  le  Trapper 


(1)  Voy.  Annales  mddico-psychologiques,  1865,  t.  Vl,  p.  263. 


JOHRNAUX  ALLEMANDS.  328 

sans  lui  laisser  le  temps  de  metire  la  dernifere  main  a  celui  que  nous 
nous  proposons  d’analyser. 

C’est  done  une  rauvre  posthume  dont  nous  devons  la  publication 
a  son  dltve  Hai'tseu  et  la  tfaduction  en  allemand  au  professeui' 
Tlieile. 

Sans  parlager  cerlaines  maniares  de  voir  de  I’auleur,  sans  ad- 
meltre  avec  lui  les  effets  probldmatiques  de  I’inflainmation  de  la 
moelle  allongiie  qu’il  invoque  beaucoiip  trop  souvent^  sans  fitre, 
enlin,  pai'iisan  de  ceite  thfirapeutique  barbare,  les  saigndes,  les 
veniouses,  les  moxas  et  les  sfitons,  on  ne  peut  cependant  mficon- 
nailre  dans  cet  ouvi-age  d’excelleutes  recherches  anatomo-physiolo- 
giques  et  pathologiques. 

II  est  divisa  en  deux  parties. 

Nous  ne  nous  arr6terons  pas  a  la  premiere  qui  traitc  de  I’anatomie 
physiologique  du  cerveau.  Il  est  toutefois  impossible  de  passer  sous 
silence  le  rOlc  important  que  van  der  Kolk  fait  jouer  a  la  glande 
thyroidienne  dans  la  circulation  caiabrale.  II  la  regarde  comme  un 
diverticulum,  un  reservoir  destinS  a  diminuer  I’afllux  sanguin  trop 
considdrable  vers  le  cerveau.  Par  cela  raSme,  ajoute-t-il,  sanspour- 
tant  en  tirer  la  conclusion  que  le  erdtinisme  en  soit  une  consequence, 
il  n’est  pas  invraisemblable  qu’un  goitre,  recevant  beaucoup  de 
sang  au  prejudice  du  cerveau,  en  empfeche  le  ddveloppeinent,  ou, 
du  moins,  en  diminue  I’activitd  fonctionnelle. 

On  remarquera  particuliferement  I’article  qui  traite  de  I’inflam- 
malion  de  la  dure-rafere,  nide  par  Andral  et  rencontrde  une  seule 
fois  par  Abercrombie.  I.’autcur  en  retrace  la  symptomatologie  et 
cite  des  cas  de  gudrison. 

L’introduction  a  la  seconde  partie  se  rdsume  en  ces  quelques 
mots  :  le  bon  sens  et  la  connaissance  de  Hiomme,  dans  le  traite- 
ment  de  I’alidnation  mentale,  sont  de  meilleurs  guides  qiie  beaucoup 
de  ilidorios  et  d’exemples. 

Van  der  Kolk  passe  ensuite  a  la  classification,  et,quoiqu’il  ne  re- 
jette  pas  compldlement  les  ddnominalioiis  de  manie,  de  mdlancoiie 
et  de  ddmence,  prdfdre  la  division,  selon  lui  plus  pratique,  en  folic 
idiopathique  et  folie  sympathique. 

La  folie  idiopathique  est  ou  aigue  ou  ebronique.  Dans  la  forme 
aigue,  les  maladcs  sont  atteints  de  mdningite  aigue,  affection  que 
Ton  doit  combaltre,  selon  lui,  parlesanliphlogistiquesetsurtoutpar 
les  ventousesk  la  nuque,  Tres-souvent  les  vdsicatoires,  au  lieu  de 
faire  naitre  le  calmc,  produisent  I’eUet  contraire.  L’auteur  precoj- 
nise  le  tartre  stibid  et  rejette  les  acides  ainsi  que  les  narcotiques.i 

Au  sujet  de  la  folie  idiopathique  chronique,  il  enlame  son  theme 


3-24 


KEVUE  DES  lOURNAUX  DE  MfiDECINE. 


favori  snr  la  moclle  allongge.  L'inilammatioa  ou  la  congestion  de  cet 
organs,  qui  se  reconnaissent  Time  et  I’antre  par  line  donleur  i  la 
pressioii  an  niveau  des  vertfebres  cervicales,  sont  la  cause  de  celle 
affection  et  de  la  constipation  qui  I’accompagne  frequemmcnt. 
li  a  encore  recours  dans  ce  cas  aux  aniipiilogisliques,  aux  rd- 
vulsifs  locaux,  el,  a  I’intdiieur,  an  tartre  stibiii  et  au  sulfate  de 
cuivrc. 

Les  ballucinaiions  de  la  vue  et  de  I’ouie,  complicalions  facbeuses, 
tiennent  a  une  congestion  des  nerfs  optiques  ou  des  tubercules  qna- 
drijunieaux.  Ils  cMerit  a  I’emploide  derivalifsa  la  nuque. 

Dans  la  folie  sympalhique,  il  y  a  une  congestion  nerveuse  du  cer- 
veau.  On  trouve  le  plus  souvent  des  alldrations  du  cdlon,  des  rdti'd- 
cissemenis,  des  ulcerations,  des  inflammations  et  des  allongemenis 
deja  signalds  par  Esquirol  et  Morgagni. 

Les  affections  des  voies  respiratoires  sont  egalemenl  en  correlation 
intime  avec  les  affections  cerdbrales.  11  n’en  est  point  de  mfime  des 
affections  du  coeur.  L’hypertropbie  et  les  lesions  valvulaires  amfe- 
nent  plutbt  I’apoplexie  que  la  folie,  et,  si  on  les  trouve  cbez  les  aiie- 
nes,  il  faut  les  attribuer  a  I’etat  d’agitation  des  malades. 

Les  lesions  du  c61on  donnent  naissance  a  une  folie  sympathique 
qui  est  caracterisee  par  riiypochondrie.  L’auteur  dirige  le  traitement 
sur  le  cdlon  lui-meme,  lout  en  ne  perdant  pas  de  vue  la  moeile  al- 
longee,  et  propose  I’emploi  de  I’aloes  associe  au  sulfate  de  cuivre. 

La  folie  dependant  des  lesions  des  organes  genitaux,  a  c6ie  de  la 
depression  et  de  I’bypochondrie,  engendre  des  idees  mystiques  que 
rauteur  attribuea  ronanisme.Combatlre  les  hemorrhoides  et  les  ha¬ 
bitudes  de  masturbation  par  les  moyens  appropries  :  tel  est  le  trai¬ 
tement  que  Schroeder  preconise. 

Les  observations  recueillies  sur  les  cas  de  folie  tenant  a  des  affec¬ 
tions  des  voies  urinairessontexcessivement  rares;  aussi  I’auteur  ne 
fait-il  que  les  signaler  en  passant.  Il  arrive  ensuite  a  la  correlation 
de  la  folie  avec  les  affections  pulmonaires,  question  dont  il  s’est 
ddja  occupe  plus  haul,  et  il  ajoute  que  la  phthisie  laryngde  se  pre¬ 
sente  aussi  cbez  les  aliends.  La  phthisie  pulmouaire  alterne  souvent 
avec  la  manie  ou  la  meiancolie,  et  la  manie  se  developpant  dans  le 
cours  d’une  phthisie  .semble  etre,  suivant  lui,  le  symptdme  d’une 
affection  du  nerf  vague  ou  de  la  moeile  allongee.  Mais  ce  passage 
de  la  folie  a  la  phthisie,  et  reciproquement,  nese  presenle  pas  tou- 
jours,  et  la  phthisie  revGt  a  c6te  de  la  meiancolie  la  forme  galo- 
pantc  qui  amfene  rapidement  la  mort  du  maiade. 

La  manie  intermittente  est  toujours  d’un  pronostic  facheux  et  de¬ 
note  une  lesion  pro/onde  do  systfeme  nerveux  que  Ton  combat 


JODRNA.UX  ALLEMANDS.  325 

diflicilement  avec  la  quinioe  ou  la  teinture  de  Fowler.  Van  der  Kolk 
conseille  encore  les  veniouses  h  la  nuque  et  les  s^toas,  et,  a  I’int^- 
rleur,  le  tartre  stibid  ou  la  digitale.  II  termine  par  un  aperqu  sur  les 
effels  thdrapeutiques  des  nervins  et  des  narcoliques,  parle  de  I’ln- 
toldrance  de  certains  estomacs  pour  le  camphre,  dnumdre  les  bons 
effets  de  Topium  dans  la  mdlancolie  anxieuse,  ainsi  que  de  la  mor¬ 
phine  employde  seule  ou  associde  au  tartre  stibid,  et  dit  un  mot  de 
la  belladone  et  de  la  stramoine. 

Enlin  11  cite,  en  passant,  I’emplol  du  chloroforme  dans  I’hystdrie 
et  de  la  digitale  dans  les  cas  oil  I’dmdlique  n’est  pas  supportd  ;  il  est 
parlisan  des  bains  prolongds  prdconisds  par  M.  Erierre  de  Boismont. 

On  est  arrivd,  en  dloignant  les  causes  qui  peuvent  provoquer  ou 
hater  les  accis  d’dpilepsie,  en  observant  les  lois  d’une  hygiene  bien 
entendue,  a  diminuer  les  paroxysmes  de  ces  accds,  quelquefois  mdme 
a  les  faire  cesser  compldtement.  Mais  le  plus  souvent,  on  est  rdduit 
a  demander  aux  mddicaments  ce  qu’on  ne  saurait  obtenir  par  d’au- 
tres  voies. 

Au  sujet  de  ces  diffdrenls  mddicaments  et  de  leur  eflicacitd  rela¬ 
tive,  nous  tfouvons  dans  le  Journal  medical  de  Vienne  les  observa¬ 
tions  tbdrapeutiques  de  Skoda. 

Cette  feuille,  aprds  avoir  parld  de  la  quinine  dont  elle  fait  ressortir 
les  excellents  effets  dans  la  pdriodicitd  des  accds,  dans  les  cas  d’d- 
clampsie  et  de  convulsions  chez  les  enfanis,  signale  les  rdsultats 
ndgatifs  de  la  saignde  et  de  I’emploi  de  la  digitale  dans  I’dpilepsie 
qui  vient  a  la  suite  d’une  affection  cardiaque  intermiltente.  Ensuite, 
a  propos  de  la  mixhodt  per  turbans  nl  con  f undens  dans  les  acc6s  rd- 
pdtds,  elle  cite  I’emplol  de  I’dmdtique.  Et  puis,  passant  aux  nervins, 
elle  s’dtend  sur  I’emploi  de  la  diciame  blanche,  de  la  rue,  de  I’ab- 
sinthe  et  de  I’armoise. 

EnBn  elle  arrive  aux  narcotiques  et  dnumfere  les  effets  du  lauda¬ 
num,  surtout  dans  les  accds  produits  par  une  peur  subite  ou  une 
frayeur  prolongde,  et  plus  particuliferement  de  I’atropine,  qui,  a  elle 
seule,  produit  plus  de  rdsultats  que  tous  les  autres  mddicaments. 

Mais  comme  les  effets  de  ce  remfede  varient  suivant  le  tempdra- 
ment  de  chaque  individu,  et  qu’il  importe  surtout  de  donner  chaque 
jour  la  mdme  dose,  il  faut,  dit  Skoda,  trouver  la  dose  qui  convient 
a  chaque  tempdrament  et  obtenir  ensuite  une  soluiion  d’une  appli¬ 
cation  facile. 

Pour  parer  a  tous  les  inconvdnients  qui  peuvent  rdsulter  de 
I’emploi  de  ce  mddicameni,  Skoda  fait  dissoudre  5  centigrammes 
d’atropine  dans  500  goulles  d’alcool.  On  doit  administrer  aux aduites 


326 


REVUE  DBS  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 


10  goultes  par  jour  de  cetle  composition,  en  deux  fois ;  on  con¬ 
tinue  ia  meme  dose  pendant  irois  ou  quatre  jours  en  I’augmentaiit 
ensuite  gradueliement,  s’il  rie  snrvient  point  d’accidents.  Mais,  d6s 
qu’on  observe  une  certaine  dilatation  ties  piipilles,  ou  tin  chatouille- 
ment  de  la  gorge  chez  le  malade,  il  fnut  cesser  I’etkiploi  dii  medica¬ 
ment  pour  le  rcprendre  aussitOt  api-Ss  la  disparition  de  ces  sym- 
ptOines. 

Deux  an'eciions  qui  prdsenteht  ordinairement  des  caract6res  totit 
a  fait  distincts,  ia  lypemanie  algue  et  la  manic  aigue,  ont  ccpen- 
dant  quelquefois  entre  elles  une  telle  analogic,  qu’il  n’est  point  rare 
de  prendre  souvent  au  premier  aspect  pour  des  maniaques  certains 
malades  agitgs,  loquaces,  turbulcnts  etqiii,  en  realitd,  sont  atteinis 
de  lypenianie. 

La  distinction  5  dtablir  entre  ces  deux  cas  est  le  snjet  d’un  md- 
moire  dll  docteur  Ottode  Rudolstadt. 

Dans  la  mdlancolie  algue,  I’angoisse  est  le  pivot  autour  duqiiel 
vieiinent  se  grouper  toutes  les  conceptions  ddlirantes  du  malade ;  une 
gaietd  anormale  est  au  contraire  le  caractdre  essentiel  de  la  manie 
aigue. 

Ces  deux  alfections  sont  ie  rdsultai  d’uii  trouble  des  sensations; 
mais  tandis  que  Tune  entraine  la  gaietd  i  sa  suite,  I’autre  s’entoure 
de  la  plus  profonde  tristesse.  L’agitation  est  tin  caractdre  com- 
mun  a  toutes  deux;  seulement,  dans  la  manie,  cette  indme  gaietd 
d’ou  proviennent  Tagitation  et  la  loquacitd  est  le  mobile  institictlf 
qui  guide  le  malade,  tandis  que,  dans  la  lypdmanie,  les  fausses 
perceptions,  qui  prcnnent  leur  source  dans  une  angoisse  continuelle, 
agissentsur  la  volontd,  prdsldent  alors  &  ragitation  et  commandent 
le  ddlirCi 

En  un  mot,  dans  la  manie,  I’agitatiou  est  instinctive,  et  elle  est 
voiontaiie  dans  la  lypdmanie.  La  manifestation  de  la  volontd  se  re- 
marque  aussi  chez  les  maniaques,  mais  elle  y  est  toujours  moins 
accentude  que  cliez  les  mdlancoliques  oft  ragitation  atteint  paifois 
les  proportions  de  la  fureur  la  plus  intense. 

L’alidnation  inentale  chez  les  enfants,  quoique  rare,  se  prdsente 
ndanraoins  plus  frdquemment  qu’on  ne  Ic  pense. 

Diversement  mise  en  doute  autrefois  par  les  uns  et  regardde  par 
les  autres  comme  une  exception  d  la  rfegle,  elle  est  gdndralement 
admise  aujourd’hui. 

Dependant  elle  est  encore  souvent  mdconnue,  el,  I’on  prend  soit 
pour  de  I’entdtement,  des  bizarries  de  caractdre  ou  des  dcarts  de 


JOORNAUX  ALLEMANDS.  327 

jeunesse,  ce  qui  n’esl  en  r(5alitS  que  de  I’alidnation.  En  scrutant  les  an¬ 
tecedents  des  malades  de  nos  asiles,  on  Ifouve  que  plusieurs  d’entre 
eux  ont  die  aliengs  dans  leur  jeune  age ;  on  voit  vaquer  A  leurs 
occupations  Journaliferes,  tout  en  consei'vant  quelques  traces  des 
conceptions  deiirantes  qui  ont  caractedsd  I’affection  psychique  dont 
elles  avaient  dte  alteintes  dans  les  premiferes  annees  de  leur  vie,  des 
personnes  vivant  au  milieu  de  la  societd  el  que  leur  entourage  ne 
regardait  point  comme  alidndes. 

Celle  maladie  se  prdsente  sous  les  quatre  formes  suivanles  : 

1°  La  mdlancolie  qiii  eniraine  qitelqiiefois  au  suicide; 

2“  La  manle  qui  prdsenie  les  mSmes  symptOmes  quechez  Tadulte. 

3“  One  troisidme  forme  qni  consiste  dans  nn  dtat  liallucinaloire. 
L’auteur  de  ce  mdmoire,  le  docteur  Berckharn,  rapporle  uiie  ob¬ 
servation  qii’il  a  faite  siir  ce  dernier  cas :  c’est  tin  enfant  de  irois 
ans  chez  lequel  11  a  coiisiatd  line  hallucination  de  i’ouie,  etil  ajoute 
fort  judicleUsement  qu’il  lie  faui  altiibuer  qu’ii  Page  peu  avancd  de 
cet  enfant  I’absence  compldle  d’aiitres  symptbmes  ddlirants. 

d"  Enfin  la  quatrifeme  forme  se  caracldrise  par  Pimbdcillitd  suite 
de  manie  on  de  mdlancolle,  ainsi  que  Pimbecillitd  et  Pidiotie  accom- 
pagndes  d’excltation  maiiiaque. 

L’autenr,  dans  uli  deuxifeme  chaplire,  rduiiit  ml  grand  nom- 
bre  de  cas  dpars  dans  la  science  et  constitue  ainsi  line  bibliographle 
assez  cbraplfcte  tr6s-iitile  poitr  Pdtude  de  cette  affection. 

Nous  nous  bornerons  a  leS  reproduire  sans  cnlrer  toutefois  dans 
les  ddtails  dont  il  a  fait  suivre  ses  observations. 

Le  docteur  Berckbam  cite  en  premifere  llgne,  et  comme  dtant  les 
plus  anciens,  deux  cas  consignds  dans  les  archives  de  Pasile  de 
Brunswick  dont  it  est  le  medecin.  Le  premier,  remontant  k  Pannde 
1750,  concerne  une  jeune  fille  de  onze  ans  atieinte  de  mOlancolie. 
Le  second  se  rapporte  5  un  garQon  de  dix  ans  atteint  de  la  mOme 
affection.  Tous  deux  gudrit'ent,  grace  5  un  traitement  alorsen  vogue, 
le  petit-lait. 

Nous  avons  lieu  d’etre  surpris  que  le  docteur  Berckharn  n’ait  point 
recueilli  d’observations  remontant  a  une  dpOqUe  plus  reculOe.  Ce- 
pendant  PAllemaghe,  sabs  compter  la  Prance,  aui'ait  pu  eil  fourhir 
plus  d’une.  Ainsi,  au  x“  et  au  xiii"  sifecle,  On  voit,  sous  I’impres- 
sion  d’une  surexcitation  rcligieuse  maladive,  se  former  des  ras- 
seniblemenls  d’enfants  qui  abandonnent  leur  famille  et  leur  patrie 
pour  faire  le  peieriuage  de  la  terre  sainte. 

En  1609,  les  enfanis  du  pays  de  Labourd,  ou  regnail  alolrs  Une 
epidemie  de  demonoiatrie,  furent  atleihts  d’hallucinalions,  de  Irahs 
ports  exlatiques  et  autres. 


328  REVUE  DES  JOURNAHX  DE  MCDECINE. 

Nous  pourrions  encore  ciler  plusieurs  fails  du  ni6mc  genre  qui 
sonl  relaliis  dans  I’ouvrage  de  M.  Calmeil. 

Greding  (1),  dans  ses  melanges,  parle  d’un  enfant  agd  deneuf 
mois  qui  dtait  siijel  ii  des  accfes  d’agilalion.  Admis  ii  yValdcnlieim, 
il  y  mourut  d’inanilion  lors  de  la  premiere  dentition. 

Perfect  (2)  a  observd  un  cas  de  mdlancolie  cliez  un  garqon  de 
onze  ans,  qui  gufirit  au  bout  de  quatre  mois. 

Haslain  (3)  fait  menlion  des  deux  cas  suivants  :  une  bile  Agile 
d’un  peu  plus  de  deux  ans  atteinte  d’alidnalion  avec  accoinpagne- 
ment  de  convulsions  et  d’agitation  ;  un  garcon  de  deux  aiis,  jouissant 
d’une  excellenle  santd  physique  et  qui  fut  pris,  sans  cause  connuc, 
d’agitation  maniaque. 

Vering  (4)  dit  qu’une  jeune  fille  de  douze  ans  devint  indlancolique 
a  la  suite  d’une  vive  frayeur. 

Vogel  (5)  rappelle  une  jeune  fille  de  onze  ans  qui,  (Sgalement  lx  la 
suite  d’une  vive  frayeur,  fut  prise  tout  a  coup  de  I’idde  Dxe  de  tuer 
sa  belle-mare  a  laquelle  elle  atait  cependant  tras-allachae. 

Dans  le  service  de  Berends  (6),  a  Berlin,  se  trouvait,  en  1821,  un 
garcon  de  onze  ans  que  les  privations  et  I’isolement  avaient  rendu 
maiancolique.  II  gudrit  apras  deux  mois  de  traitement. 

Rush  (7)  parle  de  deux  enfants  Agds,  I’un  deonze,  I’autre  de  sept 
ans,  atteinls  tous  deux  d’alianation. 

Esquirol  traita  un  enfant  de  huit  ans  atteint  de  manie  survenue  a 
la  suite  d’une  fiavre  typhoTde.  11  .soigna  encore  une  autre  enfant 
agde  de  onze  ans  qui  atait  maiancolique  et  sujette  a  des  hallucina¬ 
tions  de  la  vue  et  de  I’odorat. 

Koville  (8)  a  fait  des  observations  sur  un  gargon  de  dix  ans  atteint 
de  manie  a  la  suite  de  lectures,  ainsi  que  sur  une  jeune  Olle  de  sept 
ans  devenue  maniaque  a  la  suite  de  la  petite  vdrole. 

Pignoco  (9)  a  observd  la  manie  chez  un  garqon  de  huit  ans. 

Guislain  (10)  cite  une  jeune  fille  de  sept  ans  atteinte  de  manie  a 
la  suite  d’un  coup  qu’elle  avait  requ  sur  la  tfite. 


(1)  Conf.  Vering  psych.  Heillc.,  II,  2.  Leipzig,  1818. 

(2)  MerkwUrd,  Fall,  d,  Wahnsinns.  a.  d.  Engl.  Leipzig,  1794. 

(3)  Obs.  on  Madn,  Ed.  2“.  London,  1809. 

(4)  Psych.  Heilhund.,  II,  2.  Leipzig,  1818. 

(5)  Rust's  Magaz. ,  XII,  1822. 

(6)  Rut's  Magaz.,  XIV,  p.  78. 

(7)  Med.  unters.  u.  Beob.  iib.  Seelenkr.  Leipzig,  1825. 

(8)  Diet,  de  m6d.,  1829. 

(9)  Obs.  sul.  alien,  ment.  Palermo,  1841. 

(10)  Phrenop.  a.  d.  Franz,  v.  Wunderlich.  Stuttgart  u.  Leipzig, 


JOURNAUX  ALLEMANDS. 


3.29 


Zeller  (1),  dans  son  rapport  sur  Wlnnenthal,  —  1840-1843,  —  fait 
mention  d’lin  gargon  de  neuf  ans  atteinl  d’abord  de  mdlancolie  et 
de  manie,  et  qui  finit  par  tomber  dans  une  espfece  de  ddmence. 

Sloll  (2)  .rac.onte  riiistoire  d’un  enfant  aliiin^  :  bien  portanl  jus- 
qu’i  rage  d’un  an,  il  fut  pris  de  convulsions,  puis  de  manie  a  la  suite 
de  la  vaccination,  et  succomba  sous  I’effet  de  ces  convulsions  a  I’age 
de  hiiit  ans. 

Fr.  Engelken  (3)  parle  d’un  enfant  de  dix  ans  qui  fut  atteinl  de 
cliorde  a  la  suite  de  I’extraclion  d’une  dent.  Cette  n^vrose  se  coin- 
pliqua  bientOl  d’un  d^iire  qui  ceda  a  radministration  de  I’opium. 
Un  autre  enfant  deonze  ans  atleint  d’alidnation  compliqu6e  de  cho¬ 
ree  gu^rit  sous  I’influence  du  meme  traitement. 

Dans  sa  polyclinique,  Romberg  (4)  cite  une  enfant  de  six  ans  qui 
dtait  en  proie  a  une  manie  furieuse. 

Le  Journal  de  midecine  psychologique  de  Forbes  Winslow  (5) 
relate  le  cas  d’un  enfant  de  six  ans  qui  fut  pris  de  convulsions  pen¬ 
dant  la  dentition  et  plus  tardde  manie  furieuse, et  qui  gu^ritcependant. 

Parmi  les  observations  faites  par  Roesch  (6)  sur  des  enfants  alteinls 
d’affeclions  psychiques,  on  remarque  celle  d’un  gargon  de  onze  ans 
qui  se  suicida,  et  celle  d’une  jeune  fille  devenue  sourde-muette  a  la 
suite  de  convulsions  et  qui  tomba  clans  le  ddlire.  Des  bains  chauds 
et  des  soins  attentifs  amenferenl  son  r6  lablissement  au  bout  de  six  mois. 
Elle  eut  plus  tard  une  rechute  dont  elle  gugrit  dgalement. 

Ideler  (7)  fait  mention  d’une  fille  de  onze  ans  atteinte  de  m^lan- 
colieet  dont  la  tate  avail  un  volume  un  peu  exagdre.  Des  douches, 
des  sdlons,  ainsi  que  I’emploi  del’gieciropuncture,  ramenferent  cctte 
jeune  fille  a  son  atat  normal  apr^s  deux  ans.de  traitement. 

Ch.  West  (8)  raconte  qu’une  jeune  fille  de  douze  ans  devint,  lout 
a  coup  et  sans  cause  connue,  capricieuse  et  entet^e ;  sa  fureur  ue 
connaissait  plus  de  homes  lorsqu’on  ne  la  laissait  point  approcher  de 
sa  mfere.  II  lui  dtait  impossible  de  res  ter  en  place  ;  elle  coUrait  sans 
cesse  a  la  garderobe  pour  avoir  des  selles.  Elle  mourut  deux  ans 
aprfes  I’apparition  de  ces  symptbmes,  sans  que  son  dtat  eflt  subi  au- 
cune  amelioration.  Dn  autre  enfant  de  neuf  ans  atteinl  d’epilepsie 


(1)  Allg.  Xeilsehrifl  f.  Psychiatr.,  1843. 

(1)  Med.  Jahrb.  d.  Oesterreich.  Staades,  1844. 

(3)  Allg.  Zeitschr.  f.  Psychiatr.,  V,  p.  373. 

(4)  Deutsoh.  Klinik,  1851. 

(5)  Conf.  Allg.  Zeitschr.  f.  Psychiatr.,  VlII,  p.  380. 

(6)  Beob.  iib.  d.  Cretin,  von  ROsch.  Tubingen,  1851. 

(7)  Ann.  de  charitc.  Berlin,  1853. 

(8)  Journal  f.  Kinderkrankheil. ,  XX.11I,  1854,  et  XXXV,  1860. 


330  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MflDEClNE. 

fut  pris  d’acces  de  manie  aigue  ct  dut  6tre  cnvoyiS  a  I’lidpital.  Un 
troisifeme,  agd  de  huit  ans,  h  la  suite  de  convulsions,  olTrit  lous  Ics 
caracifires  de  ralidnalion  et  se  fit  surtoiit  remarquer  par  un  penchant 
a  tout  d^truire.  Un  dernier  cnfiii,  agd  de  cinq  ans  ct  atteint  de  md- 
lancolie,  mourut  seize  jours  aprfes  I’invasion  de  la  inaladie. 

Schubert  (1),  dans  le  Correspondenz-blatt,  signale  chez  une  jeune 
fille  de  prds  de  trois  ans,  parfaitement  constiluee  et  trfes-iiitclligente, 
un  cas  d’hydrophobie  aigue  suivie  de  delire  maniaque  ct  d’dpilepsie. 
Elle  mourut  dans  un  accds  d’dpilepsie. 

Guntz  (2)  trace  I’histoire  d’un  enfant  dont  la  lypdmanie  recon- 
naissait  pour  cause  rhdrddild,  ainsi  que  des  cxcfes  de  travaux  intel- 
lectuels,  et  qui  rccouvra  la  santd  aprts  un  an  de  traitcmeiit. 

M.  Morel  (3),  entre  autrcscas  d’alidnationobservdschez  desenfantS;, 
cite  celui  d’un  gargon  de  onze  ans  qui  fut  atteint  de  cliorde  et  de 
manie  aigue  a  la  suite  de  rdpercussion  d*une  affection  du  cuir  che- 
velu.  Une  fille  de  dix  ans,  trds-intelligente,  sous  le  coup  d’une  vlve 
fraycnr,  fut  prise  de  convulsions,  de  perte  de  la  parole  et  d’accds 
d’dpilepsie.  Un  autre  enfant  de  cinq  ans  prd.senta  Ics  mfiines  sym- 
ptbmes,  sans  toutefois  les  attaques  d’dpiiepsie. 

Gi'iesinger  (Zi)  dit  qu’il  a  observd  la  manie  chez  des  cnfabts  de 
six,  sept,  neuf  et  dix  ans  ;  le  ddlire  aigu  accompagnd  d’dpilepsie  chez 
un  gaiQon  de  cinq  ans,  et  la  folie  simple  chez  un  autre  gargon  de 
dix  ans. 

Erlenmayer  relate  le  cas  suivant :  Un  gargon  de  dix  ans,  dlfeve  de 
sixifeme  au  gyinnase,  fut  pris,  sans  aucune  cause  connue,  d’halluci- 
nations  qui  disparurent  au  bout  de  huit  jours. 

Le  docteur  Prichard  (5)  fait  mention  d’un  fait  qui  lul  a  did  com  - 
muniqudpar  unemployddel’asile  de  Glocesler.  Une  jeune  fille  agdede 
sept  ans  et  qui  comptait  dans  sa  famille  plusicurs  membres  atleiiits 
d’alidriation  mentale,  tres-douce,  trds-intelligente  et  qui,  jusqu’alor.s, 
avail  fait  la  joie  de  ses  parents,  devint  tout  a  coup  grossiere,  irrita¬ 
ble  et  refusa  la  nourriture  qui  lui  dtait  oll'erlc.  On  la  vitprdfdrer  le 
sol  humide  au  lit  dans  lequei  elle  couchait  d’habilude,  recbercbant 
les  crudites,  mangeant  ses  e.xcrdments,  biivant  son  urine,  frappant 
les  personncs  qui  I’entouraientet  serdjouissanlensuite  dumalqu’elle 
pensait  avoir  fait.  Get  dial  dura  deux  mois. 


(1)  1858,  n”  15. 

(2)  Zeitschrift  f.  Psychiat.,  XVI,  p.  215. 

(3)  Traile  des  maladies  menlales.  Paris,  1860. 

(4)  Palhologie  et  Iherapeulique  des  affections  mentales,  2'  edition. 

(5)  Treatise  on  Insanity  by  Prichard.  London,  1835. 


331 


ldUKNA.UX  AILEMANDS, 

Marc  (1)  cite  un  cas  livrd  a  la  publicity  par  Parcnt-Duchatelet : 
c’est  celui  d’une  jeune  fille  de  huit  ans  adolinge  a  la  masturbation, 
et  dont  les  sentiments  affectifs  avaient  siibi  une  perversion  com- 
pl6te.  Elle  ne  conservait  plus  aucune  espace  d’attachement  pour  ses 
parents;  sa  grand’mbre,  par  qui  elle  avalt  aid  dlevde,  dtait  I’objet 
de'la  meine  repulsion,  et  on  I’entendit  souvent  dire  qu’elle  la  tue- 
rait  volontiers  pour  obtenir  ses  veiements.  Au  reste,  toutes  ses 
functions  s’exdcutaient  d’une  faqon  normale.  Peu  a  pen  cette  jeune 
lille  reclierclia  le  travail,  ses  iddes  disparurent  et  il  ne  lui  resta 
plus  qu’une  sorte  de  tristesse  habituelle, 

Jacobi  (2)  raconle  qu’a  I’dtablissement  de  Siegburg  se  trouvaient 
deux  enfants  de  neuf  ans  attaints  de  manie  aigue. 

M.  Brierre  de  Boismont  (3),  dans  son  travail  sur  I’alidnalion 
mentale  cliez  les  enfants,  parle  d’une  fdle  de  sept  ans  qui  dtait 
sujelte  a  des  hallucinations  de  la  vue,  sans  autres  traces  de  ddlire, 
et  d’un  garQon  de  six  ans,  qui  rdclamail  sans  cesse  iin  couteau  pour 
liter  les  personnes  qui  I’entouraient. 

En  1842  (4),  Un  enfant  de  six  ans  fat  admis  a  Bedlam-IIospilal. 
11  dtait  sujet  a  des  accds  d’agitaiion  pendant  lesquels  ii  ddchirait 
ses  habits  et  cberchait  a  mordre  et  a  frapper  tons  ceux  qui  I’appro- 
chaient.  Get  dtat  dura  six  mois  et  la  guerison  arriva  apr6s  un  trai- 
tement  de  vingt  mois. 

John  Mislar  (6)  public  une  observation  iras-intdressante  faite 
sur  un  enfant  de  six  ans.  Issu  de  parents  plus  ou  moins  excen- 
triques,  ce  gaiQon  se  fit  remarquer  de  bonne  heure  par  une  grande 
vivacitd  de  caraciftre  qui,  a  la  moindre  contrariety,  dygyndrait  en 
convulsions  suivics  de  coma.  II  fuyait  les  caresses,  y  rdpondait  par 
des  acles  de  violence  et  ne  paraissait  tenir  aucun  compte  des  amu¬ 
sements  que  reclierehent  les  enfants.  Sa  soeur  diant  venue  a  mou- 
rir,  il  mit  le  feu  au  berceau  dans  lequel  reposait  le  cadavre.  Quoi- 
que  dotid  d’un  appyiit  ddvorani,  il  refusait  de  manger  en  prtisence 
de  son  pbre.  Etant  un  jour  parvenu  4  s’emparer  de  la  monlre  de 
ce  dernier,  il  la  jeia  au  feu  et  mit  4  .sa  place  une  bourse  remplie  de 
ma litres  ftcales.  Son  goflt  est  entitlement  dtpravt  et  parait  s’accom- 
moder  de  sel  et  d’aretes  de  poisson  qu’il  prend  plaisir  4  macher 


(1)  Die  Geisleskrankreileu  in  Bez.  s.  Bechtspflege.  Berlin,  1843. 

(2)  Hauptformen  dor  SeolenslOrungen.  Leipzig,  1844. 

(3)  Journal  of  psycholog.  med.,  edit,  by  Forbes  Winslow.  London, 
1857. 

(4)  Psycholog.  med.  by  Bucknill  and  Tuke.  London,  1858. 

(5)  The  Lancet.  London,  23  mai  1863. 


332  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDEClNE. 

pendant  longtemps.  II  est  gateiix,  mais  il  choisit,  pendant  le  jour, 
un  endroit  quelconque  da  plancher  pour  y  d^poser  ses  ordures  et 
attend,  avec  une  obsiination  remarquable,  un  moment  propice.  11 
se  livre  quelquefois  a  de  tels  efforts  pour  obienir  une  selle,  qu’il 
s’ensuit  assez  frequemment  une  chute  du  rectum.  Parlait-on  en  sa 
presence  dc  sa  coiiduite  et  de  ce  qu’elle  avait  de  r4prShensible,'  il 
en  convenait  parfaitement,  lout  en  s’applaudissant  du  mal  qu’il 
pensait  avoir  fait.  Bientbt,  transfdrd  i  Golney-Hatch,  il  devint  peu 
a  peu  tranquille,  soumis  et  d’une  conduite  tenement  rc'gulibre  que 
le  docteur  Edgard  Scheppard,  raddecin  de  I’dtablissement,  crut 
pouvoir  demander  sa  sortie.  Mais  a  peine  rentrd  chez  son  p6re,  il 
retomba  dans  ses  anciennes  habitudes. 

En  ce  qoi  touche  Page  des  jeunes  malades,  11  rdsulte  de  ces  obser¬ 
vations  que  I’exaltalion  se  rencontre  plus  frdquemment  dans  les 
premiferes  anndes  de  la  vie,  et  que  la  ddpression  prddomine  vers 
Papproclie  de  la  puberld. 

Parmi  les  causes  qui  president  au  ddveloppement  de  la  maladie, 
viennenl  la  frayeur,  les  impressions  morales,  I’hdrdditd,  les  affec¬ 
tions  cdrdbrales  et  typhoides,  la  chorde,  I’dpilepsie,  etc. 

Le  pronoslic,  suivant  van  der  Kolk,  est  favorable;  la  durde  de  la 
maladie  ne  ddpassa  pas  deux  ans,  pour  les  observations  relaldes 
dans  cet  ouvrage,  et  le  Iraitement  prdconlsd  par  I’auteur  et  par 
Engelken  est  Popium. 

Ce  n’est  point  la  premifere  fois  que  la  mddecine  invoque  les  effets 
de  la  Inmidre  dans  le  Iraitement  des  affections  mcntale.s.  Mais, 
quoique  ddjft  vieille,  cette  question  ne  nous  semble  pas  encore 
toucher  ii  une  solution  ddfinilive,  surlout  au  point  de  vue  de  la 
pratique. 

Les  anciens  croyaient  que  la  lune,  5  Pexclusion  du  soleil,  exer- 
cait  une  certaine  influence  sur  Pdtat  de  quelques  malades.  Sans  se 
rendre  comple  de  cette  prdfdrence,  ce  qui  auralt  dfl  dtre  le  point 
de  ddpart  de  toute  conclusion  rationnelle,  ce  fait  une  fois  admis,  ils 
en  tiraient  les  consdquences  les  plus  di verses  et  les  plus  impraii- 
cables  dans  Papplicalion. 

Il  est  certain,  en  effet,  que  si  Pobscuritd  entraine  h  sa  suite  un 
sentiment  de  frayeur  et  de  crainte,  la  lumifere,  au  conlraire,  fait 
nailre  une  certaine  assurance  dans  le  coeur  de  ceux  qui  y  sonl 
exposds.  Aussi,  tandis  que,  chez  les  lypdmaniaques,  les  angoisses 
sont  beaucoiip  plus  vives  la  nuit  que  le  jour,  le  moindre  rayon 
suffit  pour  aggraver  la  situation  des  malades  sujets  a  une  agitation 
passagfere  ou  permanente. 


JOURNAUX  ALtEMANDS.  333 

C’est  li  un  fail  incontestable  et  rclevd  depnis  iongtemps  par  ies 
observations  mtklicaies. 

Tartant  de  ce  principe  qu’il  admet  sans  ie  disciiter  et  sans  on 
rechercher  Ics  motifs,  Tauleur  de  ce  mdtnoirc  recommande  d’dclai- 
rer  les  pieces  destinies  aux  lypdmaniaqtics  et  de  laisser  dans  I'obs- 
curild  la  plus  complfete  cedes  des  maiades  aiteints  de  manie. 

Mais,  en  dehors  des  besoins  du  service  qui  lie  s’accommoderaienl 
point  d’une  pareille  obscurity,  on  se  demande  si  celte  mesure  n’of- 
fiirait  pas  en  clle-meme  quelqiie  chose  d’inhumain.  Suns  doute,  si 
les  rfoullals  devaient  6lre  a  la  hauteur  du  sacrifice  iinpnsd  au 
maiade,  ii  n’y  aurait  point  ii  reculer ;  seulement  ces  r^sultats  sont 
condamnds  depuis  Iongtemps  par  la  pratique. 

Aussi  nous  pensons  que  i’application  du  syslfeme  proposd  par  le 
docteurH...  ne  saurait  fitre  regardde  comme  constituanl  un  progres 
rdel,  et  qu’il  n’y  a  pas  lieu  d’y  revenir  alors  que  I’expdrience  en  a 
ddja  fait  justice. 

Ciiacun  de  nous  sail,  par  experience,  combien  est  difliclle  I’ad- 
ministration  des  medicaments  chez  les  aliends.  Si  cette  difficulte  est 
grande  dans  les  asiles,  elle  devient  presque  insurmontable  dans  la 
clientele.  Apr6s  avoir  dpuisd  lous  les  moyens  imaginables,  on  arrive 
invariablement  i  la  sonde  oesophagienne,  operation  ddsagreable,  ou 
a  i’emploi  des  lavements,  chose  qui  n’est  pas  toujours  facile,  surtout 
avec  des  maiades  agilds.  Aussi  les  injections  sous-cutandes  sont- 
elles  appeldes  &  rendre  d’excellents  services,  non-seulement  dans 
le  iraitement  de  la  folie,  mais  encore  dans  celui  des  affections  inci- 
dentes  qu’elle  prdsente. 

Action  immediate,  action  sflre,  dose  moindre  de  medicament, 
pas  d’opposition  de  la  part  des  maiades  :  tels  sont  les  avantages 
que  le  docteur  Erlenmeyer  assigne  S  cette  mdlhode  thdrapeutique. 

Les  medicaments  qu’on  a  employes  sont  surtout  les  alcaloides; 
on  a  dgalement  eu  recours  aux  teinlures  et  au  sulfate  de  quinine ; 
mais  on  y  a  de  nouveau  renoned. 

Le  proeddd  opdratoire  n’offre  rien  de  particulier.  On  s’est  servi 
avecsuccds  de  la  morphine  dans  le  traltemcnt  des  ndvralgies,  des 
douleurs  rhumatismales,  du  tdtanos  et  de  I’alienation  mentale,  la 
oil  roplum  est  indiqud. 

Le  premier  effet  de  I’injeclion  de  la  morphine  est  une  sensation 
d’engourdissement  local;  les  effets  secondaires  obtenus  par  de 
fortes  doses  se  ddveloppent  dans  I’ordre  snivant :  pfileur  de  la  face, 
parfois  avec  sueur,  refroidissemenl  des  extrdmitds,  vertiges,  maux 
de  Idle,  ralentisseinent  du  pools  el  de  ia  respiration,  contraction 


REVUE  DES  lOURNAUX  DE  MfiDECINE. 


33il 

des  pupillcs,  syncopes,  naus^es,  somnolence.  Chez  les  personnes 
trfes-lmpressionnables ,  on  volt  mfiine  survenir  des  convulsions. 
L’eflel  du  miSdicament  est  de  tiois  a  trcnle  heiires. 

La  soliuion  employee  est  au  1/26“.  Chez  les  malades  que  Ton  ne 
conualt  point,  on  doit  commencer  par  nn  milligramme  et  augmen- 
ter  gradiicllemcnl.  Cette  dose  pent  etre  plus  forte  pour  les  aliSnes, 
ainsi  que  pour  les  personnes  habiluiSos  aux  alcools  cl  aux  opiacds. 
Les  injections  de  teinlurc  d'opium  ct  de  hachisch  sont  complite- 
ment  abandonndes. 

Aprils  ia  morphine,  I’atropine  est  la  suhstance  dont  on  se  sert  le 
plus  souvent  dans  les  injections  sous-cutandes.  La  plupart  des  mSde- 
cins  en  emploient  le  sulfate ;  Scholz  seul  en  recommande  le  vale¬ 
rianate. 

La  douleur  que  le  malade  ressent  &  I’injectiou  est  la  m6mc  que 
celle  produite  par  la  morphine;  mais  la  sensihilite  autour  de  la 
piqflre  disparait  plus  vite. 

Les  elfets  secondaires  sont  les  suivants  :  dilatation  des  pupilles, 
sficheresse  de  la  bouche  et  de  la  gorge,  cephalee,  vertiges,  accele¬ 
ration  du  pouls  et  de  la  respiration.  11  ressort  de  ces  symptbmes 
que,  .sous  certains  rapports,  ce  medicament  et  celui  qui  preefede 
sont  antagonistes.  L’elfet  de  I’injection  dure  de  trois  It  vingt  heures. 
Jusqu’i  ce  jour,  cette  substance  a  ete  employee  dans  les  convulsions 
et  les  nevralgies.  Fournier  en  obtint  d’excellents  rdsultats  dans  le 
traitement  du  tetanos.  Scholz  s’en  servit  avec  sucefes  dans  des  cas 
de  convulsions  hysteriformes;  mais  Tauteur  de  ce  memoire  I’em- 
ploya  en  vain  dans  I’epilepsie  ancienne. 

En  ce  qui  touche  I’application  de  ce  medicament  au  traitement 
de  ralienation  mentale,  les  resulttds  obtenus  ne  sont  ni  assez  nom- 
breux  ni  assez  deiinis  pour  en  tirer  une  conclusion  rigoureuse. 

La  solution  employee  est  de  0,05  d’atropine  pour  8  grammes 
d’eau,  dont  on  injecte  5  a  10  gouttes. 

Pour  la  strychnine,  une  forte  rougeur  de  la  peau  se  manifesto  au 
point  oil  a  ete  faite  I’injection.  Les  effets  secondaires  sont  abso- 
lument  ceux  produits  par  I’ingestion  des  medicaments,’  si  ce  n’est 
qu’ils  sont  plus  intenses  et  plus  rapides. 

Courty  (de  Montpellier)  s’en  servit  le  premier  dans  les  nevralgies. 
Pletzcr  en  a  lire  de  boiis  effets  dans  un  cas  de  tabes  commenqant. 
D’autres  medecinsl’ont  employee  avec  succes  dans  Icsparalysies  du 
nerf  facial,  les  amauroses,  les  incontinences  d’urinc  et  dans  les 
aphonies.  La  solution  employee  par  Pletzer  est  de  0,05  de  nitrate 
de  sirychnine  pour  8  grammes  d’eau.  II  en  injecte  l/ZiO”  de  grain 
en  une  fois.  Waidenburg  ajoute  5  la  solution  de  la  glycerine,  et 


•  JOURNAUX  ALLEMANDS.  335 

Ic  docleur  Erlenmeyer  eniploie  la  solution  0,05  pour  8  grammes 
d’eau.  La  conine  a  dtd  employee  dans  I’asthme,  dans  I’erophy- 
sfcme  et  dans  I’angine  de  poitrine,  et  Ton  en  a  retird  de  bons  ellets. 

Cette  substance  se  recommande  dans  le  trailemeiit  de  la  lypd- 
inanie  anxieuse,  dans  les  autres  ndvroses  des  organes  respira- 
tolres,  la  toux  convulsive  et  dans  I’hystdrie. 

Quant  aux  autres  alcaloides,  5  I’exceplion  de  la  quinine  qu’on 
cmploie  quelquefois  avec  succds,  I’auteur  n’a  pas  did  i  mdme  de 
les  expdrimenter  et  se  borne  il  citer  les  observations  des  mddecins 
qui  y  ont  eu  recours. 

Le  docleur  Erlenmeyer  passe  ensuile  en  revue  I’injection  de  la 
digiialine  dans  les  allections  cardiaqiics ,  de  I’aconitinc  dans  les 
ndvralgies,  de  la  vdratrine  dans  les  affections  rhumatismales,  enfin 
de  la  nicotine,  du  curare,  de  la  cafdine  et  du  sulfate  de  quinine. 
Le  scul  inconvdnient  que  I’auteur  reconnaisse  aux  injections  sous- 
cutandes  est  la  ddpendance  dans  iaquelle  se  met  le  mddecin  vis¬ 
it-vis  du  malade,  surlout  dans  les  cas  clironiques. 

Un  ouvrier,  sujet  h  des  angoisses  et  it  des  hallucinations  de 
route,  incendia  un  jour  sa  maison  afin  de  ddtruire  la  source  des 
voix  qui  le  poursuivaient.  Les  observations  faites  sur  ce  malade, 
placd  dans  un  asile,  amendrent  bientOt,  chez  lui,  la  conslatation 
d’un  ddrangement  d’esprit  caraetdrisd. 

Ce  fait,  comme  tanl  d’aulres,  ajoute  le  docteur  Erlenmeyer  qui 
public  celte  observation,  nous  prouve  que  I’initiation  primordialc 
des  troubles  intelleciuels  est  souvent  mise  en  doute  par  la  justice. 
Reconnalire  et  juger  I’alidnation  meniale  it  son  ddbut,  est  toujours 
une  chose  sdrieuse  el  difficile.  L’auteur  donne  alors  un  apercu, 
trfes-concis,  il  est  vrai,  sur  le  ddveloppement  de  la  folie  et  les  sym- 
ptomes  initiaux  qu’elle  prdsente. 

Les  fonclions  psychiques  se  partagent  en  deux  catdgories  :  celle 
du  seniiment  et  celle  de  I’inlelligence.  De  15,  aussi,  la  division  en 
deux  sortes  de  troubles.  Mais  chacune  de  ces  divisions  forme,  5  son 
tour,  deux  autres  groupes  qui  marquent  le  ddbut  de  I’alidnation 
men  tale. 

Les  troubles  du  seniiment  sont  d’une  nature  triste  ou  d’une 
nature  gaie. 

Dans  le  premier  cas,  qui  anidne  d’ordinaire  la  mdlancolie,  on 
remarque,  chez  le  malade,  un  regard  triste,  effard,  fixe;  une  ma- 
nifere  d’etre  sdrieuse,  iranquille  et  relirde,  faisant  parfois  place  5  de 
violents  acefes  d’agitation ;  ensuite  de  la  somnolence,  de  I’aifaissc- 
raent,  de  I’anxidtd  et  du  ddcouragement.  En  mdme  temps  que  ces 
sympi6mes  psychiques,  on  observe  les  phdnoraenes  somatiques 


336  REVUE  DES  JOURNACX  DE  MflDEc'lNE. 

suivanls  :  faiigiie,  sommeil  parfois  agil6,  parfois  nul,  troubles 
digestifs,  batleraenls  de  coeur,  pouls  irfes-developpd,  augmentation 
de  lempdrature  du  c6td  de  la  tdte,  coincidant  avec  un  dtat  and- 
mique  du  rcste  du  corps  et  augmentation  de  la  sdcrdlion  urinaire. 

Dans  le  second  cas,  qui,  frdquemment,  est  consdculif  au  premier, 
on  trouve  de  la  surexcitation  dans  les  mouvements,  de  I’activitd, 
de  la  loquacitd,  une  mobilitd  continue,  de  I’orgueil,  une  exagdra- 
tion  du  sentiment  de  la  personnalitd. 

Les  troubles  du  sentiment  prdcfedent  frdquemment  les  troubles 
intellectuels.  Ceux-ci  consistent  :  soit  dans  des  illusions,  soil  dans 
des  haliucina lions,  soil  dans  un  alfaiblissement  de  I’intelligence. 

Enfin,  I’auteur  lermine  en  disant  que  ce  sont  surtout  les  halluci¬ 
nations  de  rouie  qui  sont  le  plus  frdquenles,  et  que  c’est  i  elles 
qu’il  faut  rapporter  la  plupart  des  actes  criminels. 

Le  docteur  Kelp  (1),  auteur  d’un  mdmoire  sur  la  mdlancolie 
cataleptique,  retrace  en  quelques  mots  les  symptOmes  de  cetic  aifec- 
tion  et  la  distingue  de  la  mdlancolie  avec  catalepsie,  forme  dans  la- 
quelle  on  relrouve  simultandmentlessymptbmes  des  deux  maladies. 

La  mdiancolie  cataleptique,  dil-il,  a  de  special  un  degrd  trds- 
prononcd  de  roideur  musculaire  rendant  irds- difficile,  souvent 
impossible,  la  flexion  ou  rextension  de  la  partie  atfectde. 

TantOt  la  roideur  musculaire  est  gdndrale,  tanl6t  elle  est  loca- 
lisde  et  se  rdduisant  k  un  certain  groupe  de  muscles.  Eile  occupc, 
de  prdfdrence,  la  partie  supdrieure  du  corps,  la  nuque,  le  cou  et 
ne  disparalt  point  durant  le  sommeil.  La  contractilitd  musculaire 
est  conservde  et  se  manifeste  sous  I’influence  du  galvanisme. 

Les  malades  sont  nmets,  apathiques,  immobiles  durant  des 
heures  entidres.  Les  pupilles  sont  dilatdes,  presque  insensibles,  la 
tempdrature  gdndrale  est  abaissde.  Les  malades  refusent  de  man¬ 
ger,  serrenl  les  mtlchoires  de  manidre  S  ne  laisser  passer  aucun 
aliment.  Le  pouls  est  tani6t  lent,  tantdt  frdquent,  les  selles  sont 
irrdgulidres.  Les  malades  ont  conscience  de  ce  qui  se  passe  autour 
d’eux,  ils  voient  et  observent ;  mais  des  impulsions  iutdrieures  les 
empdebent  de  manifester  leurs  pensdcs.  Les  paupidres  sont  con- 
traclurdes  etdilficiles  a  ouvrir;  dans  le  cas  contraire,  les  yeuxsont 
ternes,  sans  vie  comme  sans  expression,  et  ddnotent  une  prostra¬ 
tion  profonde. 

A  I’appui  de  cette  description  symptomatique,  le  docteur  Kelp 
cite  I’observation  d'un  jeune  liomme  alteint  de  cette  affection,  suite 
de  lypdmanie. 


(1)  Correspondens  blatt,  1863,  p.  353. 


BIBLIOGRAPHll!:. 


Etude  sur  le  ramollissement  du  cerveau,  par  Ic  docteur  E.  Dufour  (de 

Grenoble)  ancien  interne  a  I’asile  public  d’alidnes  d’Aix  (Bouches-du- 

Rhdne). 

Le  ramollissement  dii  cerveau  a  dtd  I’objet  de  nombreuses  re- 
cbercbes.  Des  mddecins  du  plus  haul  rang,  parmi  lesquels  11  faut 
cilcr  Rocboux,  Lallemand,  Andral,  Boslan,  Bouillaud,  Cruveilhier, 
ont  envisagd  cetie  maladie  sous  toutcs  ses  faces.  Neanmoins,  mal- 
grd  les  travaux  de  tous  ces  savants,  bien  des  poinis  restent  encore  a 
dincider.  Les  ditficuUds  du  sujetn’ont  pas  arrfild  M.  le  docteur  Du¬ 
four,  ancien  interne  &  I’asile  public  d’aliends  d’Aix,  aujourd’hui 
medecin  adjoint  &  I’asile  d’aliends  d’Auxerre. 

V Etude  sur  le  ramoUissemeni  du  cerveau,  qu’il  vient  de  publier, 
marque  pour  ainsi  dire  son  entrde  dans  la  carrifere  de  la  mddecine 
mentale,  a  laquellc  ce  travail  se  ratlache  par  une  des  Idsions  prin- 
cipales  qui  caracterisent  la  paralysie  gdndralc.  L’auteur  a  cru  devoir 
eliminer  dans  son  travail  ce  qui  a  trait  a  cette  dernidre  affection  pour 
n’envisager  le  ramoliissement  {necrobiose  de  Virchow)  qu’en  tant 
que  maladie  primitive,  essentielle.  Aprds  avoir  donnd  la  ddfinition 
et  prdsenle  un  court  hislorique  du  ramollissement  cdrdbral,  il  en 
expose  longuement  I’anatomie  patliologique.  Cette  description  des 
alldrations  visibles  a  I’mil  nu  et  de  cedes  que  rdvfcle  le  microscope 
traduii  exactement  I’dtat  actuel  de  la  science  sur  ce  point.  La  nature 
de  I’affection  se  ddgage-t-elle  bien  netiement  de  ces  recherches?  Je 
Crains  qu’a  cet  dgard  la  lumidre  ne  soit  pas  encore  faite,  malgre 
tous  les  efforts  tentds  dans  cette  voie  par  Virchow  et  par  nos  histo- 
logistes  francais,  entreautres  par  MM.  Lancereaux  et  Laborde,  dont 
M.  Dufour  rdsume  les  travaux.  Aux  opinions  qui  voient  dans  le  ra¬ 
mollissement  le  produit  d’une  inflammation  ou  d’une  sorle  de  gan- 
grdne  sdnile,  notre  confrere  essaye  de  substituer  la  sienne  qu’il  tra- 
duit  par  la  ddsignation  A'anemie  locale.  Malgrd  les  raisons  dont  il 
s’appuie,  la  question  nc  me  parait.pas  devoir  encore  se  ddcider  en 
sa  faveur.  En  presence  d’une  affection  dont  I’etiologie  est  si  riche,  uii 
prudent  electisme  me  semble  prdfdrable.  II  y  a  dvidemment  des  cas 
ofi  rinflammalion  joue  son  rble  aussi  bien  que  la  thrombose  ou  que 
I’embolie.  Il  est  h  regretter  que  I’auteur,  qui  a  dd  voir  maintes  fois 
sur  le  cadavre  les  Idsions  anatomiques  du  ramollissement,  n’ait  pas 
donnd  un  seul  fait  A  I’appui  de  I’opiniou  qu’il  cherche  A  faire  prd- 
valoir  quant  A  la  nature  de  la  maladie. 

ANNAL.  MLfl.-psYCii.  serie,  t,  IX.  Mars  1867.  10. 


22 


338  BIBUOGRAPfflE. 

A  la  page  12  il  est  (lit,  d’aprfes  les  recherches  de  M.  le  docteiir 
Laborde,  qu’il  existe  ulie  liaison  constante  eiitre  le  ramollissement 
pSripbdriqiie  et  le  rainollissemeut  central.  Cette  opinion  me  parait 
un  pen  exagdrde,  du  moins  cn  ce  qui  concerne  la  paraiysic  gdndrale 
des  ali^n^B.  Car,  dans  les  nombreuses  autopsies  de  paralytiques  qiie 
j’iil  faites  a  I’asile  de  Quatre-Mares,  je  n'ai  pas  souvent  constate 
cette  relation.  J’ai  nifime  trouvequelquefois  un  ramollissement  peri- 
plidrique  des  plus  prononces  cotncidani  avee  un  dial  comme  scld- 
rotique  des  parlies  centrales. 

La  symptomalologie  du  ramollissement  dans  la  forme  aigue  et 
dans  la  forme  chronique  est  exposee  avec  clarte  et  d’une  faqon  bien 
complete.  Mais  le  cliapitrc  consacre  :ui  diagnostic  I’emporle  sur  les 
autres  par  la  manifere  netm  et  prdcise  avec  laquelle  est  presente 
retat  de  nos  connaissances  sur  cette  matiere.  C’est  a  mon  avis  le 
meilleur  passage  du  meraoire. 

L’article  traitement  devait  se  ressentir  de  la  faiblesse  de  nos 
moyens  en  face  d’une  maladie  presque  loujours  morlelle.  Le  seion 
et  le  cautfere  &  la  nuque,  les  purgatifs  aloetiques,  sont  les  agenls  qui 
meritent  le  plus  de  conliauce,  dit  M.  Dufour,  qui  proscrit  les  emis¬ 
sions  sanguines  ii  moins  d’un  etat  congestif  bien  decide.  Dans  ce 
dernier  cas  il  conseille  I’upplication  de  sangsues  aux  apophyses  mas- 
toldes,  de  preference  a  la  saignee  generalc.  A  ces  moyens,  dbnt  les 
indications  sont  sagement  deduites,  I’auteur  aurait  pu  ajouter  la 
saignee  du  pied,  qui  reussit  peut-Stre  mieux  que  iie  le  font  les  sang¬ 
sues,  il  en  juger  par  les  beureux  resultats  obtenus  a  Quatre-Mares 
par  M.  le  docteur  Dumesnil  daus  les  congestions  encephaliques,  il 
aurait  pu  encore  mentionner  le  bromure  de  potassium  qui,  con¬ 
seille  d’abord  par  M.  I’inspecteur  general  Lunier  dans  les  etats 
congestifs  du  cerveau,  a  ete  vante  au  mfiine  titre  tout  rdeemment 
par  M.  le  docteur  Gueneau  de  Mu.ssy  {Union  medicalct  21  juillet 
1866). 

En  resume,  n’dtait  dans  quelques  passages  un  peu  de  vague  qui 
peut  s’expliquer  par  la  difflculte  d’un  sujet  encore  obscur,  ce  tra¬ 
vail  a  du  bon.  C’est  un  expose  methodiquement  fait  de  I’etat  de  la 
science  sur  une  maladie  qui  reclame  encore  de  patientes  observa¬ 
tions  et  I’apporl  de  fails  rigoureusement  dtudies.  L’essai  que  vient 
de  publier  M.  le  docteur  Dufour  est  un  gage  qui  le  lie  pour  I’avenir. 
11  est  permis  de  compter  que  cet  observateur  sdrieux  saura  tirer 
parti,  du  vaste  ebamp  d’etude  dans  lequel  il  s’est  engage,  en  y  re- 
cueillant  de  nouveaux  fruits  dont  il  enriebira  la  science. 

D''  ESPIAD  DE  LAMAESTEE. 


BIBUOGRAPHIE. 


339 


Du  sotnmeil  et  des  dtats  analogues,  par  le  D'  LifiBEAULT. 

V.  Masson,  in-8,  1866. 

L’auleur  de  cet  ouvrage  a  soin  de  prdvenir  le  public  que  son  li- 
vre  difffere  de  ceux  dcrils  sur  le  mfirae  sujet,  parce  qu'il  a  observd 
le  sommeil  prfes  des  dormeurs  artiliciels ;  aussi,  malgrd  ses  elforls 
pour  montrer  que  le  sommeil  nalurel  et  le  sommeil  artificiel  sont 
idenliques,  craignons-noiis  bien  que,  par  suite  du  mode  d’invesli- 
giilion  qu’il  a  employe,  il  n’ait  pu  rdussir  a  apprdcier  la  vdrilable 
nature  du  sommeil  normal. 

Gelui  dont  il  nous  parle,  loin  d’etre  I’dtat  de  ddtente  gendrale  oil 
les  facultds  sont  presque  entiferenient  suspendues,  el  oil  rdconomie 
tout  eniibre  pnise  de  nouvelles  forces  dans  un  repos  rdparaleur, 
est  un  (Slat  aclif,  presque  violent,  caractdrisd  par  I’accumiilation 
volontaire  de  I’atlentioii  sur  une  idee  mimorielle,  volonlairemeut 
dvoqude,  celle  de  se  livrer  an  repos.  Or,  I’aitenlion,  I’anteur  nous 
le  dit,  c’est  pour  lui  touic  la  force  nerveuse,  principe  des  plidno- 
rafenesde  la  vie  animale  et  de  la  vie  de  nutrition  :  ratlention  accu- 
mulde,  c’est  un  effort  intense  de  tout  rorganisme  ;  ce  n’est  pas  un 
repos,  c’esl  une  fatigue,  ce  n’est  pas  le  sommeil  du  dormeur,  c’est 
celui  du  somnambule. 

L’attention,  nous  revenons  sur  ce  point,  car  il  sert  de  pivot  et 
d’exposd  physiologique  i  lout  I’ouvrage,  I’attcntion  est  «  cetle  force 
?  culmiiiante,  active,  qui,  procddantdu  cerveau  et  divergeant  en 
I)  deux  courarits,  est  consciemmenl,  d’une  part,  le  principe  des 
»  phdnorafenes  de  la  vie  animale,  et  insciemmeni,  de  I’autre,  des 
B  plxinomfenes  de  la  vie  de  nutrition  »  (p.  7).  Par  un  effort  spqn- 
tand  elle  se  transporte  sur  la  totality  du  systeme  nerveux  ou  sur 
chacune  de  ses  parties,  et  prdside  a  I’accomplissement  de  cliaque 
fonction.  C’est  en  s’accumulant  sur  I’idde  du  repos  qu’elle  deter¬ 
mine  le  sommeil ;  si  cette  accumulation  est  compldte,  le  sommeil 
est  profond ;  dans  le  cas  coniraire,  le  sommeil  est  Idger.  Si,  avant 
de  se  ddcider  francliemenl  a  s’accumuler  de  la  sorte,  I’atlcntion 
fail  quelques  difficullds,  cetle  resistance  produit  toute  une  sdrie  de 
phdnomenes  pariiculiers.  Ce  sont :  «  les  mouvemenls  aliernatifs 
»  de  resserrement  et  de  dilatation  de  la  pupille  ou  son  relaclie- 
I)  ment  complet ;  le  clignotement  rdpetd  des  paupidres,  I’appari- 
»  tion  des  larmcs,  la  pesanteur  de  la  tdte,  des  tinlements  d’oreilles, 
»  des  fourmillements,  un  sentiment  de  fatigue,  de  la  gdne  dans 
»  les  mouvements  respiratoires,  des  battements  du  coeur,  un  pools 
»  agitd,  de  la  cyanose,  des  trcmblements,  des  secousses  nerveusaa, 
1)  des  contractures  et  des  mouvemenls  aulomatiques.  Eh  bien  1  il 


340 


BltJLlOGEAPHlE. 


»  faui  le  dire,  ces  plieiiomfcnes  ont  pour  cause  TeiTort  que  les  per- 
»  sonnes  non  aiguillonndes  par  le  besoin  de  dormir  et  qui  s’en- 
»  dormenl,  font  pour  tendre  leur  attention  sur  un  objet  des  sens 
»  ouuneidde;  ils  sont  le  contre-coup  du  ddplacement  trop  brus- 
n  que  ct  trop  dnergique  do  I’attention  »  (p.  28).  Que  de  dangers 
on  coiirl,  .si  Ton  s’avise  de  la  ddplacer  trop  brusquement ! 

Ge  n’est  pas  tout ;  i’atleniion  peut  s’obstiner  ii  faire  I’dcole  buis- 
sonniere  et  se  refuser  pdrcmptoirement  &  se  concenlrer  sur  I’idde 
de  repos.  «  N’y  a-t-il  pas  des  fous  obsddds  par  de  fortes  prdoccu- 
»  paiions,  lesquels  ne  peuvent  retrouver  !e  sommeil  qu’ils  recher- 
»  client  avec  ardeur?  »  (P.  19.) 

Mais  en  tout  cas,  qu’elle  se  prdle  de  bonne  volontd  ou  non  ii 
I’accuiii Illation  demandde,  ratiention  ne  doit  pas  se  pcrmetlre  de 
le  faire,  sans  prendre  prdalableinent  quel([ues  precautions  indi.s- 
pensables.  «  Si  les  sphincters  de  I’aniis  ct  de  la  vessie  restent  fer- 
»  mds  tout  le  temps  dii  sommeil,  si  I’oiseau  dort  sur  ses  paltes, 
»  n’est-ce  pas  parce  qu’cn  s’eiidorinant  i’attention  accumulee  de 
n  cclui  qui  dort  s’est  mise  en  arret,  noii-seulcment  sur  I’idde  de 
1)  dormir,  mais  aus.si  sur  les  iddes  de  contracter  les  muscles  qui 
»  president  aiuc  actes  de  la  ddfdcation,  de  I’draission  des  urines  ct 
»  de  la  station  debout.  »  (P.  49.) 

Sans  donte  aussi,  quoique  I’auteur  ne  nous  le  dise  pas,  si  la  res¬ 
piration,  la  circulation,  la  digestion  se  continuent  pendant  notre 
.sommeil ,  e'est  que  I’attenlion  n'a  pas  oublid  de  prendre  ses  inc- 
siires  en  consdqiience.  Quelle  multiplicitd  de  foiictions  pour  une 
soiile  faculld  !  Qii’arriverait-il,  si  oettc  attention,  consciente  et  in- 
sciente  (en  supposant  qu’on  puisse  dire  attenlif  sans  le  savoir),  allait 
quelque  jour  oublicr  une  des  norabreuses  prdcamions  qu’elle 
a  a  prendre  avant  de  s’accumuler  sur  I’iddc  mdmorielle  du  repos  1 
Ne  scmble-t-il  pas  que  nous  soyions  ramends  bieu  loin  en  arriere,  ct 
que  I’aiiention  de  M.  Lidbeault  ne  soil  autre  chose  que  l  accuimila- 
tion  de  loules  les  arclides  d’ordre  difl'erenl,  qui,  d’apres  van  Ilel- 
mont,  rdgnaient  sur  chactin  de  nos  organcs  et  prdsidaient  ii  I’exer- 
cice  de  leiirs  fonctions  ? 

-  En  tout  cas,  nous  .sommes  bien  loin  de  la  physiologic  modernc 
et  de  ses  proeddes  ;  nous' en  sommes  encore  plus  dioignds  dans  ce 
qui  se  rapporte  aux  plidnomencs  physiques  et  intellectuels  attri- 
buds  par  I’auleur  aux  sujets  mis  par  lui  dans  I’dtat  de  sommeil  ar- 
tificiel  ou  de  somnambulisme.  Aussi  ne  le  suivron.s-nous  pas  sur  ce 
terrain,  o4  il  n’aura  pu  se  nietlre,  nous  le  craignons,  d  I’abri  de 
toutes  les  chances  d’erreurs,  el  en  particulier  de  cellos  dues  a  la 
supercherie  des  personues  qu’il  magndlisait. 


BIBLIOGRAPHIE, 


341 


La  seconde  parlie  de  son  livre  est  consacrge  ci  une  s^rie  d’dtais 
d^crils,  par  lui,  comme  analogues  an  sommeil :  ce  sont  Timilalion, 
la  fascination,  Thypnoiisme,  le  spiritisme,  la  possession  et  d’autres 
encore;  nous  retrouvons  ici  la  confusion  r&ullant  de  ce  que  I’au- 
leur  considfere  comme  assimilables  deux  dials  trfis-dilfdrentsli  noire 
avis,  le  sommeil  nalurel  et  le  sommeil  arlificicl;  il  trouve  moyen 
d’expliquer,  par  des  dvolulions  plus  on  moins  fantasques  de  I’al- 
tention,  telle  qu’il  la  compreiid,  difTdrents  plidnomfenes  qui,  avant 
d’etre  admis,  nous  paraitraient  devoir  etre  disculds  d’une  ma- 
niferc  plus  rigoureuse  qu’il  ne  le  fait :  ndanmoins  celte  parlie  de 
1‘ouvrage  nous  paratt  traitde  dans  un  esprit  plus  conforme  que  la 
prdeddente  aux  proeddds  et  aux  courants  de  la  science  contempo- 
rainc,  et  la  lecture  nous  en  a  pant  plus  facile  et  plus  profitable. 
Elle  le  serait  encore  davantage ,  si  I’auteur  s’dtait  servi  d’une 
plirasdologie  moins  personnelie  et  ressemblant  plus  an  langage 
usuel. 

D’aprds  ce  que  nous  savons  du  rOle  prdld  par  I’auteur  a  I’aiten- 
tion,  nous  devons  bien  nous  figurer  qu’elle  n’est  pas  appclde  a  agir 
seulement  sur  rhomme  &  I’dtat  normal.  Elle  s’exerce  tout  autant 
en  dehors  de  cet  dtat,  soit  comme  agent  pathogdnique,  soil  comme 
agent  curateur.  A  vrai  dire,  toule  I’action  du  physique  sur  le  mo- 
lal  et  du  moral  sur  le  physique  se  trouve  rdduite  ici  a  deux  ter- 
mes  ;  ou  bien,  chez  un  honime  sain  I’atlention  s’accumule  con- 
sciemment  et  insciemment  sur  I’iddc  d’une  maladie,  fonciionnelle 
ou  mdme  organique,  et  par  lii  ddtermiue  la  production  de  celte 
maladie  ;  ou  bien,  chez  un  homme  malade,  I’attention  s’accumulc 
sur  I’idde  de  retour  li  la  sanid  avec  plus  d’intensild  encore  qu’elle 
ne  s’dlait  accumulde  sur  I’idde  de  maladie,  et  le  rdsultat  de  cet  ef¬ 
fort  est  la  gudrison.  «  Un  homme  devint  muet ;  attribuant  son 
))  malheur  ii  une  femme  qu’il  croyalt  sorcifere,  il  enlra  a  sa  vue 
»  dans  une  si  violenle  colfere  qu’il  recouvra  la  parole.  C’est  qu’il 
»  se  suggdra  de  parler,  avec  plus  de  force  qu’il  ne  s’dtait,  h  son 
n  insu,  suggdrd  auparavant  de  se  laire.  »  (P.  321.) 

Il  ne  s’agit  done,  pour  faire  disparaltre  une  maladie  quelconque, 
que  d’amener  I’atlention  a  s’accumuler,  avec  un  intensild  suiH- 
sanle,  sur  I’idde  de  gudrison  ;  et,  comme  I’auieur  pense  avoir  dd- 
monlrd  que  c’est  dans  le  sommeil,  et  dans  les  dtais  qu’il  ddcrit 
comme  analogues  au  sommeil,  que  I’attention  est  surlout  siiscep- 
lible  d’agir  avec  intensitd,  dans  telle  ou  telle  direction,  en  se  lais- 
sant  guider  par  une  suggestion  extdrieure,  il  croit  logiquemeni 
avoir  trouvd  un  mode  presque  gdndral  de  raddication  dans  la 
production  du  sommeil  artificiel  et  les  pratiques  du  magndtisine. 


3^2  BULLETIN  BIBLIOGRAPfflQUE. 

i>  Ddterminei’  le  sorameil  ou  le  charme,  et  Ton  en  connait  la  mS- 
»  thode,  puis  faire  riiagir  la  pensde  des  malades  par  suggestion, 
»  eniin,  renforcer  ce  proc6dfi  au  besoin  de  I’^l^ment  ad'ectif,  ce 
»  qui  entralne  plus  sflrement  le  succfes ;  telle  est  la  rfegle  a  snivre 
»  pour  qui  veut  faire  un  grand  pas  dans  Tart  de  guSrir  et  sortir 
»  de  Tornifere  :  imiler  la  nature  dans  ses  procddfis,  c’est  suivre  le 
»  meilleur  maltre.  »  (P.  330.) 

A  Dieu  ne  plaise  qiie  nous  voulions  conseiller  ii  qui  quo  ce 
soit  de  rester  dans  I’orniiiie,  surtout  lorsqu’il  s’agit  de  I’art  de 
giiSrir,  et  que  nous  mdconnaissions  la  supfiriorild  des  leqons  de  la 
nature  ;  au  contraire,  nous  sommes  convaincu  que  la  palliologie 
et  la  thdrapeutique  ne  peuvent  se  passer  d’une  base  pliysiologique 
solide,  et  c’cst  prdclsdment  parce  que  la  physiologic,  telle  que 
I’expose  M.  Lidbeault,  s'’dcaiTe  a  tous  dgards  de  celle  qui  guide  au- 
jourd’bui  la  pratique  mddicale  dans  la  voie  du  progrds,  que,  malgrd 
la  bonne  foi  dont  son  livre  nous  paralt  porter  I’empreinte,  nous 
ne  saurions  accorder  noire  confiance  au  mode  de  traitement  qu’il 
prddonise.  A.  Fovilee. 


BULLETIN  BIBLIOGRA.PHIQUE., 

—  Rapport  sur  le  service  des  alidnds  du  ddparteraent  de  la  Seine 
pour  I’annde  1865,  in-Ii.  Paris,  1866. 

—  Compte  rendu  administratif  et  inddical  de  I’asile  d’alidnds  de 
Lafond  pour  I’annde  1865,  par  le  docteur  N.  Laffilte.  La  Rochelle, 
1866,  in-8. 

—  Comple  rendu  du  service  mddical  de  I’asile  d’alidnds  de  Blois 
pour  I’annde  1865,  par  je  D''  Renault  du  Motey.  Blois,  1866,  in-8. 

—  Principi  di  antrdpologia  o  di  fisiologia  morale  dell’  uomo 
compilati  da  Francesco  Bonucci.  Perugia,  1866,  in-12,  broch.  de 
180  pages.  Prix  ;  3  francs. 

—  Eleventh  annual  Report  of  the  trustees  of  the  state  lunatic 
hospital  at  Northampton.  Boston,  1867,  in-8. 

—  Leqons  cliniques  sur  les  maladies  des  vieillards  et  les  maladies 
chroniques,  par  le  docteur  Charcot,  recueillies  par  le  docteur  Ball, 
2®  fascicule  ;  Goutte  et  rhumatisme  chronlque.  Prix  :  1  franc.  Paris, 
1867,  chez  Adrien  Uelahaye,  place  do  I’ficole-de-iWddeclne. 


BUIXETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  3/lS 

—  fitude  critique  sur  le  raraollissemenl  cdrdbral,  par  le  D'^  II.  Sou- 
iier.  Lyon,  chez  Mdgret,  broch.  in-8  dc  46  pages. 

—  Considerations  dliologiques  sur  Ics  maladies  menlales,  par  le 
C  Haury  Bonnet.  Nancy,  1867,  broch.  de  13  pages. 

THESES  DE  LA  FACULTIi  DE  MONTPELLIER. 

(Annees  1865-1806.) 

Lcblond  (L.),  Essai  de  chimie  clinique.  —  De  la  ndfrozymase  dans 
les  affections  des  centres  nerveux. — Crolas  (F.),  De  )a  cOxalgie  hys- 
tdrique.  —  Bonnelty  (A.),  Essai  sur  le  traitement  du  delirium  tre¬ 
mens  par  ies  affusions  d’eau  froide,  precddd  de  qiielque.s  copsidd- 
rations  sur  I’alcoulisine.  —  Gariel  (M.),  Essai  sur  I’aicoolisme 
considdre  principalenient  au  point  de  vue  de  Thygibne.  —  Caban- 
lous  (P.  L.),  Diverses  manifestations  et  dtiologie  du  rbumatisme 
cdrdbrai.  —  Mettrier  (N.),  Essai  sur  ia  congestion  cdrdbrjile.  — 
Rivet  ((t.),  Quelques  considerations  sur  ia  meningite  simple  algue 
et  la  meningite  tuberculeuse.  —  Mellier  (Alf.),  fitudessur  les  bossits 
observes  dans  les  dtablisscments  d’aUends. 

TUftSES  DE  L^  EACULTd  DE  STRASBOURG. 

(Annce  1865.)’ 

Ringenback  (J.),  De  I’apliasle.  —  Doutet  (V.  A.),  De  I’ataxie  du 
mouvement.  —  Corlies  (Ed.),  De  I’apoplexie  cdrebrale;  nature  et 
indications. 

(Annee  1860.) 

Hinglais,  Simulation  des  maladies  chez  les  femmes  nerveuses. 
Jcannerat  (St.),  Des  ossifications  tie  la  dure  mfere  (pachymeningite 
osseuse).  —  Bdcoulet,  Considerations  sur  I’emploi  de  I’opium  daps 
la  manie.  —  Ribes,  De  la  perversion  morale  chez  les  femmes  en¬ 
ceintes  au  point  de  vue  medico-legal.  —  Roullay  (X.),  Etude  sur  le 
diagnostic  des  tumeurs  cei-ebrales.  —  Durand  (J.),  Sur  lMclampsie 
survenant  avant,  pendant  el  aprds  I’accouchement. 


ASSOCIATION  MUTDELLE 


Slik 


ASSOCIATION  MUTDELLE  DES  MEDECINS  ALIENISTES 
DE  FRANCE. 


Le  Conseil  cl’administration  do  I’Association  s’est  reunio  on  soance 
ordinaire  le  11  mars  au  domicile  de  son  president. 

Apres  avoir  vote  des  remerciments  a  M.  Semclaigne  pour  le  don  de 
la  somme  de  1170  Irancs  qu’il  a  fait  a  I’Association  au  nom  de  feu 
Casimir  Pinel ;  avoir  entcndu  I’expose  de  la  situation  financicre  et  los 
propositions  do  secours  a  accorder  cette  annee  sur  Ics  ressourccs  dispo- 
nibles  de  I’Association,  le  Conseil  a  prononco  I’admission  do  deux 
membres  fondateurs  ;  MM.  fitoc-Demazy  et  Bigot,  et  do  six  socictaircs; 
MM.  Charriere,  Fougeres,  Lagardelle,  Lhomond,  Pontier  et  Peon. 

Lc  Conseil  a  entcndu  ensuite  le  rapport  de  M.  Lunicr  sur  le  projct 
de  reglement  interieur  prescrit  par  Particle  18  des  statuts  de  Poouvre, 
et,  apres  une  discussion  approfondie,  ena  arrete  comme  il  suit  les  dispo¬ 
sitions  : 


RSGLEMENT  D’ADMINISTRATION  intEriecre. 

Article  premier.  —  Toute  personne  qui  clAsire  faire  partie 
de  I’Association  mutuelle  des  medecins  alienistes,  doit  en  faire 
la  demande  au  president,  si  elle  n’est  pr6sent6e  par  deux  mem¬ 
bres  de  rOEuvre. 

Le  nombre  des  membres  de  I’Association  n’est  pas  limite. 

Art.  2.  —  Avant  que  le  Conseil  ait  statue  sur  leur  demande, 
les  candidats  pourront  etre  admis  it  verser  le  montant  de  leur 
cotisation,  sauf  a  leur  en  faire  la  restitution  dans  le  cas  ou  le 
Conseil  ne  validerait  par  leur  admission. 

Art.  3.  —  Les  cotisations  sont  dues  pour  Fannie  entiere, 
et  jusqu’a  concurrence  du  montant  de  celle  de  rann6e  pr6c6- 
dente,  par  tout  membre  qui  n’a  pas  fait  connaitre,  ayant  le 
I'’’  avril,  au  pr6sident  de  I’QEuvre,  son  intention  de  se  retirer 
de  TAssociOition,  ou  de  contribuer  pour  une  somme  infericure 
a  celle  par  lui  vers6e  l’ann§e  pr6cedente. 

Art.  5.  —  Tout  membre  qui  mis  en  demeure  par  une 
lettre  de  rappel  adressee  par  le  tresorier  dans  le  courant  de 


DES  MCDECINS  ALlliNISTES  DE  FllANCE.  345 

janvier,  n’aura  pas  acquittfi,  avant  le  1“^  mars,  sa  cotisation  de 
I’annfie  prec6dente,  sera  consider^  comme  d6missionnaire. 

Toutefois,  il  pourra  etre  admis  a  recouvrer  la  quality  dc 
membre  de  TOEuvre  en  versant  r3rri6r6  de  ses  cotisations. 

AuT.  6.  —  L’exclnsion  de  1’ Association  pourra  fitre  pro- 
uoncCe  par  le  Conseil,  centre  tout  membre  qui  aura  dfimerite. 

Le  membre  exclu  par  decision  du  Conseil  pourra  en  appeler 
il  I’Assemblfie  gfinerale. 

Aitx.  7.  —  Tout  membre  qui  cessera  de  faire  partie  de 
I’Association,  par  suite  de  d6mission  ou  autre  cause,  perdra 
tons  droits  a  I’assistance  et  ne  pourra  exercer  de  ri5p6tition 
quant  a  ses  versements  anterieurs. 

Art.  8.  —  Le  president  surveille  et  assure  I’ex^cution  des 
statuts,  convoque,  par  I’internnidiaire  du  Seerfitaire,  les  Asscui- 
bliies  g6n6rales  et  le  Conseil  d’administratioii ;  ouvre  et  clot  les 
seances,  dirige  les  dfibats ;  signe  tons  les  actes  et  mandate  les 
ordonnances  de  payement. 

Art.  9.  —  Le  president  peut  convoquer  exceptionnelle- 
ment  aux  sfiances  du  Conseil,  un  ou  plusieurs  membres  dc 
i’COEuvre,  it  I’effet  de  prendre  leurs  avis  sur  des  faits  qui  pour- 
raient  n’etre  point  connus  du  Conseil.  Les  membres  ainsi  con- 
voqu6s  n’ont  que  voix  consultative. 

En  cas  d’absence  ou  d’empechementdu  president,  les  sfiances 
du  Conseil  et  les  Assemblfies  gfinfirales  sent  prfisidfies  par  le 
plus  age  des  membres  du  Conseil. 

Art.  10.  —  Le  secretaire  est  chargfi  de  la  correspondance 
et  dc  la  redaction  des  proces-verbaux  des  seances  gfinfirales  et 
de  cedes  du  Conseil  d’administration.  Snr  I’ordre  du  prfisident, 
il  convoque  aux  Assemblfies  gfinfirales  et  aux  sfiances  du  Conseil. 
II  est  dfipositaire  des  archives  de  I’Association. 

Il  tient  le  registre  matricule  des  membres  de  I’OEuvrc  et  en 
remet  tous  les  trois  mois  la  liste  exacte  au  prfisident  et  au  Ire- 
sorier. 

Art.  11.  — Le  trfisorier  inscrit  rfigulierement  les  recettes 
et  les  dfipenses  sur  uu  livre  de  caisse  cotfi  et  paraphfi  par  le 
prfisident. 

Il  acquittc  les  dettes  de  I’Associalion  sur  des  memoires  visfiS 


346  ASSOCIATIOU  MUTUELIE 

par  le  president,  et  garde  par-devers  lui  tous  les  refus  et  quit¬ 
tances  des  payements  qu’il  a  effectu6s. 

II  opere  Ic  placement  el  le  dfiplacement  des  funds  sur  un 
ordre  signe  du  president,  indiquant  la  somme  ii  placer  ou  it 
retirer. 

Il  est  responsable  des  litres  et  funds  de  la  Suciete. 

Art.  12.  —  Le  Cunseil  se  reunit  le  dernier  lundi  de  chaquc 
trimestre,  a  huit  heures  du  suir,  au  duinicile  de  sen  president. 

II  statue  sur  les  demandes  d’adraissien,  sur  les  depenses  erdi- 
naires  et  gen6ralement  sur  teutes  les  affaires  qui  lui  sunt  seu- 
mises  par  sen  pr&ident. 

Art.  13.  —  Les  admissiens  et  les  exclusiens  sunt  prenenc6es 
par  le  Cunseil,  a  la  majurit6  des  deux  tiers  des  veix ;  sur  la  dc- 
mande  du  tiers  au  plus  des  membres  pr&ents,  il  sera  prec6d6  au 
scrutin  secret. 

Art.  14.  —  Le  Cunseil  a  tuut  puuveir  peur  determiner,  dans 
les  limites  trac6es  par  les  articles  1  et  16  des  Statuts,  dans  quels 
cas  et  a  quelles  cenditiens  I’Asseciatien  vient  en  aide  a  ses 
membres  fundateurs  uu  suciStaires,  et  peur  fixer  le  munlant  des 
secuurs  accerdds. 

Art.  15.  — Lersquele  Cunseil  rfigulifirement  cunveque  n’a 
pu  d^libfirer,  faute  d’un  nembre  de  membres  suffisant,  une 
neuvelle  cenvecatiun  est  faite  dans  le  delai  de  quinze  juurs,  et 
les  d61ib6ratiens  prises  par  le  Cunseil  dans  cette  secunde  rfiunien 
sent  valables,  quel  que  suit  le  nembre  des  membres  presents, 
puurvu  tuutefeis  qu’il  ne  suit  pas  inf6rieur  a  cinq. 

Art.  16.  ^  L’Assembl6e  g6nerale  seule  pent  auteriser  les 
dfipenses  extraerdinaires,  c’est-a-dire  teutes  cedes  autres  que 
les  frais  de  bureau  et  d’administratien,  les  secuurs  temperaires 
accurdes  aux  membres  participants  et  a  leurs  families  et  les  pla¬ 
cements  de  fends. 

Art.  17.  —  Aucun  rappert,  aucune  prepesitien  ne  serent 
presentes  a  I’Assemblee  generale,  s’ils  n’ent  6t6  prealablemcnt 
suumis  a  I’examen  du  Cunseil  qui  ddcidera  s’il  y  a  lieu  d’y 
dunner  suite. 

Art.  18.  —  Aucune  prepesitien  eu  mudificatien  au  present 
Reglement  ne  sera  prise  en  censid6ratiun,  si  elle  n’est  fermuliie 
par  6crit  et  signee  par  truis  membres  du  Cunseil. 


DES  MfiDECINS  AtifiNISTES  DE  FRANCE.  3ft7 

Toutc  delibfiration  a  ce  sujet  devra,  pour  etrc  valable,  etre 
prise  par  huit  membres  au  moins  du  Conseil,  et  ii  la  majorite 
des  deux  tiers  des  votes  expritnes. 


LISTE  D,ES  MEMBRES  DE  L’ ASSOCIATION 
(Arrctdo  par  le  Consoil  le  H  mars  1867). 
MEMBRES  FOKDATEBRS. 


MM. 

Arnozan. 

ArtUaud, 

Auzouj. 

Eaillarger,  president. 

Bigot. 

Billod. 

Blanche,  tft;,  membre  du  conseil. 
Bonnet  (Henry). 

Brenne. 

Brierre  deBoismont,  dticons. 
Calmeil,  0. 

Campagne. 

Cavalier. 

Cerise, 

Combes. 

Constans,  m.  du  conseil. 
Dagron,  tjg. 

Dolaye,  tfif. 

Delasiauve. 

Desmaisons. 

Du  Grand  Launay,  ^S;. 

Dumesnil,  ^,m.  du  conseil. 
Etoo-Demazy, 

Falret  pere,  0. 


MM. 

Falret  (Jules),  m.  du  conseil. 

Foville  (Ach.). 

Girard  de  Cailleux,  0. 

Labitte  (Gust.),  m.  du  conseil. 
LaBltte. 

Legrand  du  Saulle,  seerdtaire. 
Lemenant  des  Chesnais. 

Loiseau. 

Lunier,  •;{(*,  trdsorier. 

Luys. 

Marchand. 

Mesnet,  m.  du  conseil. 

Mitivie  pdre,  -ife,  m.  du  conseil. 
Mitivid  (Albert). 

Moreau  (de  Tours),  ift,  m.  du  cons. 
Motet. 

Pain. 

Poret. 

Renault  du  Motey. 

Rota. 

Rousselin,  m.  du  conseil. 
Semelaigne,  m.  du  conseil. 
Tpillpux. 

Trelat,  m.  du  conseil. 

Yoisin  (Felix), 


MEMBRES  HONORAIRES. 


Madame  veuve  Follet.  ,  |M.  Aug.  Labitte, 

Madame  veuve  Parchappe.  | 

SOCitTAIRES. 


MM.  Badoz. 
Baume. 
Belloc. 
Belhomme, 
Binet. 


MM.  Bonnefous. 

Busquet. 

Charriere. 

Cortyl. 


3i8 


ASSOCIATION  MUTDELLE,  ETC. 


sociI;t  Aires’. 


MM.  Dubiau. 

Espiau  de  Lamaestre. 
Evrat, 

Eauclier. 

Fougcres. 

Guerineau. 

Lagardcllo. 

Lagarosse. 

Laurent. 

Lhomond. 


MM.  Lbomme. 
Michea, 
Morel, 
Payen. 
Petit. 
Peon. 
Pontier. 
Solaville. 
Vedie. 
Viret. 


MEMBRES  DE  L’OJUVRE  DfiCEDtS. 
Fondaleurs  :  MM.  Parchappo,  0.  iffc,  Piiiel  (Casimir), 
Lo  nombre  des  membres,  au  11  mars  1867,  ctait  done  : 


Fondaleurs . . .  50 

Societaires .  31 

Honoraires .  3 

Total .  81 


La  Societd  medieo-psycbologique  vient  de  faire  don  d’une  sommt 
do  205  francs  a  I’Associalion  niutuelle  des  medecins  alienisles. 


M.  le  docteur  Semelaigne  vient  de  faire  don,  au  nom  de  feu  M.  le 
doeteur  Casimir  Pinel„  son  beau-pere,  d’un  litre  de  rente  de  50  franes 
a  I’Association  des  medecins  alienistes. 


CORRESPOND  ANGB.  —  RECTIFICATION. 


Pcilagrc  et  pecado-pellasre. 

Nous  nous  empvessons  do  publier  la  reclamation  suivantc,  qui  nous 
a  6tc  adressee  par  I’lionorable  M.  Billod,  directeur-medecin  en  cbel' 
do  I’asilo  do  Sainte-Gemmes  (Maine-et-Loire) ,  a  propos  do  ce  qui  le  con- 
cerne  dans  I’article  do  M.  Motet  sur  la  pellagre  (cahier  de  janvier  18G7). 
—  Nous  publions  dgalemcnt  la  reponse  deM.  Motet. 

.  Messieurs  les  rodacteurs, 

C’cst  avec  un  vfiritable  regret  que  je  me  vois  eonlraint  de  reparaitre 
sur  une  breche  que  j’ai  si  longtemps  occupee.  Mais,  cette  fois  encore, 
ce  n’est  pas  moi  qui  ai  jete  lo  gant  9  mes  adversairos,  et  en  lo  relevant 
pour  protestor  centre  des  allegations  tendantes  par  le  rfisultat,  si  ce 
n’est  par  lo  but,  a  fausscr  I’opinion  a  I’cndroit  do  mes  travaux  sur  la 
matiore,  je  ne  fais  qu’user  du  droit  do  legitime  ddfense.  En  invoquanl 
aujourd’hui  aupres  des  directeurs  d’un  recuoil  dont'  je  m’lionore  d’fitre 
un  des  plus  anciens  collaboraleurs  et  dont  I’inipartialite  par  cola  seul 
nc  saurait  mo  faire  ddfaut,  j’ai  la  conscience  de  remplir  un  devoir  d’au- 
tant  plus  impdrioux  que  ma  personnalite  scientifiquc  n’est  pas  seule  en 
cause,  mais  qu’il  s’agit  aussi  el  surtout  de  cello  d’un  honorable  et  eminent 
confrere  dont  on  s’obstine  impitoyablemont  a  rappeler  une  orreur.  Cette 
erreur  a  ete  regrettable,  sans  doute,  mais  I’auteur  s’eu  est  explique  dans 
une  lettre  insdree  dans  VUnion  medicale  avec  tant  de  franchise  et  de 
loyaute,  que  I’incident  pouvait  paroitre  definitivement  vide  et  qu’il  y  a 
vraiment  mauvaise  grace  a  en  rcveiller  le  souvenir.  II  resulte  en  effet  de 
ses  explications,  rappelbns-le  tout  de  suite,  puisqu’on  nous  y  oblige  et 
pour  mettre  lout  d’abord  ce  savant  hors  do  cause,  qu’il  n’avait  pas  vu  les 
malades  sur  lesquels  il  avait  cru  pouvoir  porter  un  jugement  que  refutait 
d’ailleurs  le  ISullclin  de  I'Acaddmia  (1),  et  que  les  personnes  auxquelles 
il  avait  eu  le  tort  de  se  rapporter  avaient  si  bien  vu  ces  memes  inaladcs, 
qu’cWes  en  avaient  vu  qualre  au  lieu  de  trois,  qu’elles  avaient  pris  des 
alidnds  pour  des  idiots  el  gu’elles  avaient  vu  enfin  sieger  sur  la  face  des 
alteralions  qui,  au  vu  de  I’ Academic  loul  enliere,  n'exislaieiU  rfue  sur  le 
dos  des  mains. 

Je  ne  puis,  du  resle,  a  propos  de  cette  erreur,  que  reproduire  les 
reflexions  qu’elle  m’a  deja  inspirees  dans  un  article  recent  :  k  Cette 
erreur,  disais-je,  n’est  pas  plus  forte  que  la  plupart  de  cellos  qui  m’ont 
dto  attribuees  a  propos  de  la  pellagre  des  alienes,  et  dont  quelques-  unes 
sent  tenement  monstruouses  que  je  n’ai  pas  cru  utile  de  les  relover.  La 
verite  est  que  telle  est  la  rapidito  avec  laquelle  le  tourbillon  professionncl 
et  social  emporte  beaucoup  de  savants  de  nos  jours,  qu’oh  lit  Irop  vite, 
que  souvent  on  ne  lit  pas,  et  que  I’on  juge  ainsi  sans  en  connaitre  le  pre- 


(1)  Il  n’est  pas  hors  de  propos  do  rappoler  que  la  presentation  do  ces  malades  a 
rAcadeniie  a  dtd  failo  sous  les  auspices  do  M.  Baillargcr,  si  competent  dans  la  malieres. 


350 


COItRESPONDANCE. 


mier  mot  des  oeuvres  consciencieiises  dont  I’dlaboration  a  coAle  poiir- 
tant  a  leurs  auteurs  de  longues  annees  de  recherches  et  d’infatigablcs 
efforts.  T> 

Ceci  pose,  j’arrfve  a  ce  qui  me  concerne  dans  Particle  de  M.  Motet. 

Get  honorable  medecin  ayant  declare  tout  d’abord  a  la  page  165 
qu’on  verrait  plus  loin,  a  propos  des  pseudo-pellagres,  ce  qu’il  faut  con- 
clure  des  observations  de  Landouzy  et  des  miennes,  il  etait  nalurel  de 
s’attendre  de  sa  part  i  un  examen  et  a  une  apprfciation  rai.sotmeo  des- 
dites  observations.  C’est  done  avec  un  veritable  dlonnement  qu’au  lieu 
de  cetle  apprficiation  et  des  conclusions  annonedes,  ontrouve  ajla  page  169 
pour  les  fails  de  Landouzy  cette  simple  mention  :  «  Landouzy  avail  vu 
trop  vite,  il  s’etait  empare  comme  a  la  hate  de  fails  qui,  plus  sdrieuse- 
ment  observes,  eussent  6te  bien  vite  rdduits  a  leur  juste  valeur,  »  et 
pour  moi  les  simples  et  vagues  allegations  qui  suivent :  «  M.  Billed,  de 
son  c6l6,  s’dtait  peut-etre  laisse  entrainer  par  un  zele  louable,  sans 
doute,  mais  qui  le  oonduisait  a  une  confusion  centre  laquelle . 

))  La  lutte  fut  vive . Nous  no  voulons  pas  revenir  sur  les 

phases  qu’elle  presenta  et  qui  n’eurent  pas,  il  faut  bien  I’avouer,  de 
resultat  heureux  pour  la  doctrine  du  medecin  de  Sainte-Gemmes.  » 

Comme  j’ai  repondu  plus  haul  a  la  premiere  de  ces  allegations,  je 
passe  outre  et  arrive  a  la  deuxidme. 

M.  Motet  m’ayant  fait  I’honneur  de  m’attribuer  une  doctrine,  ce  savant 
aurait  bien  du  dire  quelle  etait  cette  doctrine  et  en  quoi  elle  n’avait  pas 
eu  un  rdsultat  heureux. 

Je  regrette  d’aulant  plus  cette  omission  que  I’assertion  de  mon  honore 
confrere  me  donne  lieu  de  craindre  que,  lui  aussi,  commo  beaucoup 
d’autres,  se  soil  mepris  sur  raes  veritables  opinions  et  m’en  ait  attribue 
que  je  n’ai  jamais  professdes. 

La  doctrine  a  laquelle  il  est  fait  alhision  consisterait-elle  a  assimiler 
compldtement  la  pellagre  des  alienes  a  la  pellagre  endemique.  Mais  cette 
doctrine  est  si  loin  d’etre  la  mienne,  que  lout  on  admottanl  les  plus 
grandes  analogies  dans  I’appareil  symptomatique des  deux  affections,  j’ai 
ete  le  premier  a  faire  ressortir  leurs  principales  differences.  C’est  ainsi, 
par  exemple,  que  j’ai  spdcialement  insiste  sur  celle  qui  me  semblait 
exister  dans  la  nature  des  rapports  de  I’alienation  menlale  avec  les  autres 
symptdmes  de  la  pellagre  el  dans  I’ordre  de  leurs  manifestations  respec- 
tives,  considdres  dans  I’un  et  I’autre  des  deux  types.  Le  soin,  d’ailleurs, 
que  j’ai  loujours  pris,  soil  d’etudier  et  de  presenter  la  pellagre  observee 
dans  les  asiles  situes  en  dehors  de  la  zone  ou  elle  est  endemique,  comme 
une  varidte  spdeiale  et  propre  aux  alienes,  soil  de  la  rattacher  a  une  des 
formes  de  ce  marasme  nerveux  qui  est  admis  par  tous  les  alienisles  et 
dont  j’ai  cru  pouvoir  faire  une  cachexie  spdeiale  et  inhdrente  a  la  con¬ 
dition  d’dtre  alidne,  sauf  le  concours  de  quelques  autres  causes  adju- 
vantes,  ce  soin,  dis-je,  prouve  dvidemment  que  je  me  suis  gardd  de  con- 
fondre  la  pellagre  des  alidnds  avec  la  pellagre  proprement  dite,  et  que, 
sous  ce  rapport,  raa  doctrine  ne  differe  aucunement  de  celle  qui  a  cours 
mdme  parmi  mes  adversaires.  Il  est  impossible  de  mdconnaltre,  en  effet, 
quel’ opinion  publique,  en  conservant  a  la  maladie  le  nom  de  pellagre  des 
alidnds,  a  consaord  le  principe  de  son  existence  propre,  et  quo  I’Institut  a 
de  son  cOtdsanctionnd  ce  mdme  principe,  non-seulement  eh  aoceptant  la 


CORBESPONDAHCE. 


SSI 

d6tiominalion  que  je  lui  ai  donnde,  mais  encore  en  declarant  que  la  pellagre 
dont  il  s’agit,  ne  lui  semblait  pas  avoir  de  rapport  avec  la  pellagre  ende- 
mique.  Quant  aux  partisans  du  mais,  je  n’ai  pas  besoin  de  faire  observer 
qu’en  creant  pour  designer  la  pellagre  des  aliOnes  le  nom  de  pseudo- 
pellagre,  ils  ont  par  cela  seul  admis  le  fait  de  son  existence  speciale,  et 
que  le  principe  de  sa  distinction  d’avec  la  pellagre  endemiquo  ne  pouvait 
Stre  qu’un  de  leurs  principaux  arguments. 

En  parlant  de  ma  doctrine,  notre  confrere  ferait-il  allusion  a  I’opinion 
quo  j’ai  6mise  relativement  a  I’inlluence  prOdisposante  de  I’alienation 
menlale  dans  sa  forme  plus  spOcialement  depressive  sur  le  developpement 
de  la  pellagre?  Mais  cette  doctrine,  si  je  ne  me  trompe,  n’a  rien  qui  me 
soil  propre  et  je  la  parlage  0  coup  sflr  avec  tous  les  observateurs,  voire 
mcme  avec  leszeistes.  11  n’en  ost  pasun,  en  elfet,  qui  neproclame  I’in- 
lluence,  predisposante  au  moins,  des  causes  morales  et  de  la  misOre  dans 
sa  double  acception  physique  et  morale,  et  je  ne  pense  pas  qu’il  en  soit 
un  qui,  en  considorant  I’aliOnalion  mentale  coinme  le  nee  plus  ultra  des 
causes  dont  il  s’agit,  n’y  voie,  non  plus,  la  plus  haute  expres.sion  de  ce 
qu’il  est  permis  de  considerer  comme  la  misOre  morale. 

Parmi  les  doctrines  que  j’ai  soutenues  et  dont  le  rOsultat  peut  avoir 
etc  heureux  ou  mallieureux,  je  n’en  vois  plus  que  deux,  a  savoir :  1°  celle 
que  j’ai  dOveloppee  dans  les  Archives  de  mddecine  d’abord,  puis  dans  I’in- 
troduction  d  mon  Traile  de  la  pellagre,  et  qui  tend  a  nier  I’existence  de 
la  pellagre  comme  entile  pathologique ;  2“  celle  qui,  dans  I’etat  actual  de 
la  science  et  en  presence  de  la  masse  des  fails  qui  la  condamnent,  ne 
peut  voir  dans  la  doctrine  du  mais  altcre  par  le  verdet  et  oonsidOrfi 
comme  cause  specifique  d’une  maladie  toxique  appelOe  pellagre,  autre 
chose  qu’uqe  hypotliese  etiologique  a  laquelle  manquent  encore  tous  les 
caracteres  de  la  certitude.  La  premiere  de  ces  deux  doctrines  n’ayantvu 
lejour  que  posterieurement  a  la  liilte  dont  M.  Motet  rdveillc  le  souvenir, 
ce  ne  peut  dtre  d  elle  que  se  soit  adressee  I’allusion  de  noire  confrere; 
reste  la  doctrine  de  I’azeisme.  Or,  pour  celle-la,  je  suis  bien  a  I'aise  pour 
affirmer  que,  loin  d’dtre  ma  doctrine,  elle  est  a  cette  heure  la  doctrine 
d’d  peu  pr6s  tout  le  monde. 

Pour  montrer,  en  elfet,  I’isolemont  dans  lequel  se  trouvent  les  partisans 
du  zeisme,  il  m’importe  de  rappeler  qu’ayant  parcouru  a  plusieurs  reprises 
I’ltalie,  je  n’ai  pas,  dunord  au  sud  de  cette  pdninsule,  trouve  Irois  me- 
decins  entre  tous  ceux  avec  lesquels  j’ai  dtd  en  rapport,  qui  partageassent 
les  idOes  de  M.  Balardini  et  crussent  a  I’influence  spOcitlque  du  mais  altord 
parle  verdet.  Si  M.  Motet,  apres  avoir  visitd  les  salles  de  I’hdpital  Majeur, 
s’etait  enquis  aupres  du  doctour  Verga  et  des  autres  mOdecins  si  com- 
petents  de  ce  centre  d’observalions  speciales,  de  I’opinion  qui  avail  cours, 
non-seulement  parmi  eux,  mais  encore  parmi  tous  leurs  confreres  du 
reste  de  I’ltalie,  il  aurait  Ote  frappO  comme  moi  de  I’unanimitd  de  leur 
opposition  a  la  doctrine  du  mais  dans  ce  qu’elle  avail  d’absolu  et  d’ex- 

En  consultant  lesannales  de  la  science  en  Italie,  ilseserait,  d’ailleUrs, 
convaincu  que  cette  opposition  a  saisi  toutes  les  occasions  de  se  faire 
jour,  soit  dans  la  plupartdestravaux  sur  la  matiere,  soit  danS  les  congres 
scientifiques  et  dans  toutes  les  sociOtes  savantes,  et  que  I’opinion  qui  a 
prdvalu  dans  toute  la  pOninsule  peut  se  formuler  ainsi :  La  cause  de  la 


352  CORKESPONDANCE. 

pellagre  est  compUxe  cl  variable,  c’cst-a-dire  qu’ellc  rdsuUe  rlu  concours 
d’un  ensemble  de  conditions  hygicniques  dans  lesquelles  I’usage  du  .mats 
n’entre  que  pour  une  cerlaine  pari.  Cette  opinion  confirme  d’ailleurs 
pleinement  celle  que  M.  le  professeur  Longet  a  emise,  en  presentant,  ii 
propos  de  la  faim,  dans  son  Traile  de  physiologic,  la  pellagre  commo  se 
mamlcsiant  «  en  Lombardio  sur  des  populations  incompletemeiitnourries, 
bien  plutot  sans  doute  a  cause  de  I’alimentation  insuffisante  que  par 
Paction  directe  du  mais  » . 

Landouzy  et  tous  les  medecins  qui  ont  visite  PEspagne  sans  idee  pre- 
consue  au  point  de  vue  de  la  pellagre  ont  constate  la  meme  opposition 
au  zeisme. 

Pour  ce  qui  est  de  la  France,  constatons  d’abord  que  Ics  medecins 
landais  ne  sont  pas  moins  unanimes  que  los  Italiens  et  les  Espagnols  a 
rejeter  Pinfluence  specifique  du  mais  altere  par  le  vcrdet,  et  que  les  seuls 
partisans  du  zeisme  ne  se  roncontrent,  a  proprement  parler,  qu’en  dehors 
des  observatcui  s  speciaux  et  que  parmi  des  medecins  qui,  pour  la  plupart, 
n’ontdtudid  la  pellagre  que  dans  les  livres.  Les  plus  favorises  sont  ceux 
qui  ont  eu  sous  les  yeux  quelques  cas  de  pellagre  sporadiquo,  aussi  irn- 
propres  a  donner  une  idee  exacle  de  la  pellagre  enddmique  que  Ic  cboldra 
sporadique  a  faire  juger  du  cholera  asiatique,  ou  ceux  encore  qui,  dons 

10  corn  s  d’un  voyage  en  Italic,  ont  eu  occasion  do  visiter  avec  la  furia  fran- 
cese  quelques  salles  d’un  hopital  oil  se  trouvaient  des  pellagreux,  el  ont 
rapporte  dc  cotie  visite  une  plus  ou  moins  fugitive  impression. 

En  discutant  leur  competence  en  matiere  de  pellagre,  je  n’ai  pas  a  me 
defendre  de  la  moindre  ponsce  blessante  a  leur  endroit.  Ce  sont  tous,  a 
commencer  par  leur  chef  de  file,  des  savants  distingues  au  talent  desquels 

11  ne  m’en  coutc  nullementde  rendreun  public  hommage.  Mais,  quel  que 
soit  ce  talent,  il  ne  saurait  suppleer  pour  de  telles  questions  a  I’experienoe 
speciale,  et  cette  derniere  s’est  positivement  prononcee  centre  cux  en 
coudamnarit  formellement  lour  doctrine.  Il  n’a  pu  faire,  en  tout  cas,  qu’ils 
ne  lussent  en  imperceptible  minorite  par  rapport  a  la  masse  des  medecins, 
et  qu’ils  fussent  juges  par  ce  fait  que  la  plupart,  ainsi  queje  suis  a  meme 
de  le  prouver,  avaient  pris  parti  anterieurement  pour  la  doctrine  etiolo- 
gique  du  ma'is  altere  par  le  verdet,  et,  qu’adeptes  de  la  premiere  heure, 
leur  opinion  actuelle  n’est,  a  proprement  parler,  que  le  reveil  d’une 
opinion  des  longtemps  precongue. 

En  en  voyant  quelques-uns  arborer  de  nouveau  depuis  un  an  le  drapeau 
du  zeisme,  on  nepeut,  d’ailleurs,  oublier  qu’au  plus  fort  et  pendant  toute 
la  duree  de  la  lutte  a  laquelle  M.  Motet  fait  allusion,  ils  avaient  presque 
tous  prudemment  rentre  ce  drapeau,  que  d’aucuns  meme,  je  puis  .en 
fournir  la  preuve,  I’avaient  quelque  peu  abandoime  et  echange  centre 
celui  quo  deployait  alors  d’une  main  si  virile  le  chefde  I’ecole  de  Reims. 

Il  est  significatif,  en  effet,  que,  soit  dans  los  discussions  qui  ont  eu 
lieu  a  la  Societo  medicale  d'emulalion,  a  la  Societe  des  hopitaux,  a  la 
Socidte  mddico-psychologique  oil  la  doctrine  du  mais  a  616  battue  en 
breche  de  toutes  parts,  soit  a  1’ Academic  de  medecine  alors  que  Landouzy 
dirigeait  centre  elle  ses  plus  vigoureuses  attaques,  soit  encore  dans  la 
presse  medicale,  pas  une  seulo  voix  ne  se  soit  clevee  pour  la  defendre  et 
I’appuyer.  11  y  a  plus,  et  ce  point  appartiont  ddsormais  ii  I’liistoire  de 
cette  doctrine  malheureuse,  ses  deux  champions  les  plus  connus  ont  fait 


correspondance. 


353 


alors  en  quelque  sorte  defection  a  la  cause.  Appelds  teas  les  deux  sur  le 
terrain  des  faits,  ils  se  sent  abstenus  de  s’y  rendre,  et  acte  a  ele  pris 
publiquement  par  le  clinicien  de  Reims  de  leur  abstention,  dans  des 
lefons  que  VVnion  medicale  reproduisait  avec  son  empressement  habituel. 

L’un  des  deux  meme  avail  pousse  I’abandon  de  la  doctrine  dans  ce 
qu'eUe  avail  d’absolu,  jusqu’a  declarer  positivement,  en  1858,  a  un  de  nos 
plus  honorables  confreres,  avec  autorisalion  a,  le  dire  et  d  I'ecrire,  le 
cas  echdant,  qu’il  n’admettait  plus  I’usage  du  mals  comme  cause  exclusive 
et  que,  pour  lui  comme  pour  presque  tout  le  monde,  cette  cause  etait 
complexe  et  variable.  Or,  comme  apres  avoir  reproduit  cette  declaration 
dansun  memoire  insdre  dans  le  cahier  d’avril  1859  des  Annales  mddico- 
psychologiques,  j’ajoutais  que,  si  notre  honorable  confrere  ne  trouvait 
pas  exacte  mon  interpretation  de  sa  pensee,  j’etais.tout  pret  a  admettre 
les  rectifications  qu’il  voudrait  bien m’indiquer,  j’ai  du  naturellement  con- 
clure  de  son  silence  que  j’avais  fidelement  traduitson  opinion  du  moment. 

L’abandon  a  peu  pres  general  de  la  cause  du  mais  a  I’opoquc  dont  il 
s’agit,  de  la  part  meme  de  ses  partisans  les  plus  connus,  cet  abandon, 
dis-je,  ressort  assez  dvidemmenl  de  ce  que  je  vions  de  dire  pour  que  je 
nc  crois  pas  avoir  besoin  de  rappelcr  le  defi  scientifique  quo  j’ai  dans  le 
memo  temps  adressc  a  mes  adversaires  et  auquel  j’ai  recemment  substi- 
lue  la  declaration  contenue  dans  le  passage  ci-apres  :  «  J’ai  dit  que  la 
doctrine  dtiologique  du  mai's  altere  par  le  verdet  etait  condamnee  par  les 
faits  (1) ;  olle  I’est,  du  moins,  par  I’impossibilitd  ou  se  trouvent  ses  parti¬ 
sans  de  produire  une  seule  observation  de  pellagre,  considdrde  par  eux 
comme  lype,doni  je  ne  me  fasse  fort,  j’en  prends  V engagement  a  la  face 
du  monde  savant,  de  montrer  le  pendant  avec  tons  ses  caracleres  iden- 
liques,  chez  des  individus  n’ayant  jamais  mange  un  atome  de  mais.  » 

Apres  avoir  constate,  enfin,  que  dans  le  concours  sur  la  pellagre,  les 
deux  champions  du  mais  n’etaient  pas  moins  isoles  qu’ils  le  sent  dans 
le  corps  medical,  il  nous  reste  a  Atablir  que  le  jugement  rendu  par  I’Aca- 
demie  des  sciences  n’a  rien  change  a  leur  situation,  et  qu’en  couronnant 
une  oeuvre  d’un  merite  incontestable,  ce  corps  savant  n’a  nullement  en- 
lendu,  comme  on  serait  heureux  de  s’en  prevaloir,  couronner  la  doctrine 
de  son  auteur.  Cela  rdsulte  clairement  des  passages  ci-aprAs  du  rapport 
de  M.  Rayer  :  «  C’est  sous  la  reserve  de  I’experience  proposee  que  la 
commission  formula  son  appreciation  du  concours  et  des  ouvrages  qu’il 
asuscites . 

R  Si  elle  edt  pu,  la  commission  aurait  fait  I’experience  de  M.  Costallat 
et  apportA,  au  lieu  d’une  reserve,  une  decision  a  I’Academie.  » 

Aucune  des  opinions  que  je  viens  de  passer  en  revue  ne  pouvant  Atre 
considAree  comme  constituant  une  doctrine  qui  me  soil  propre,  je  ne 
connais,  a  I’ordre  de  recherches  auxquelles  je  me  suis  livrA,  d’autre 
rAsultat  malheureux  que  celui  d’avoir  suscitA  une  foule  d’erreurs  plus  ou 
moins  grossiAres,  qui  m’ont  AtA  gratuitement  pretAes  par  des  lecteurs 
inatlentifs  et  dont  on  m’oblige  trop  souvent  a  dAcliner  la  paternitA.  Je  ne 


(1)  J’ai  (ilabli,  aillours,  que  la  doctrine  absolue  du  mais  etait  fatalenicnt  condamnee 
par  cette  double  proposition  :  !•  la  mlaere  et  ll’insolation  sans  le  mais  produisent  la 
pellagre;  2”  le  mais  sans  la  misere  et  I’insolaiion  nc  pent  la  produire. 

ANNAL.  MfiD.-psvcu.  A“  sArie,  t.  ix.  Mars  1867.  11.  23 


854  GORRESPONDANCE. 

puis,  en  effet,  M.  Motet  le  reconnaitra  sans  doute,  considerer  comme  un 
resultat  malheureux  le  verdict  sCientifique  auquel  ont  aboutl  hies  travaux 
sur  la  petlagre  (1)  ct  quel’lilstitut  a  forhude  dans  les  termes  qui  suivent  ; 

«  Enllnune  maladic  qu’on  a  nomme  aussi  pollagro  a  et6  signalue,  dans 
les  hialsohs  d’aliends,  parM.  Billod;  aprds  I'avoir  reconnuc  dans  I’ila- 
blissement  de  Sainte-Gommes  qu’il  dtrlge,  il  I’a  suivie  dans  unc  foulc 
d’auttes  dtablissertients,  et  rletl  n'cst  hioins  fare  que  colic  espece  do 
pellagre  dans  cette  sorle  d’aslles. 


I)  C’est  un  Idmoignage  du  mdme  genre  ot  non  moins  meritd  quo  la  com- 
rnissiotl  accorde  a  M,  Billod.  Lui  ausSi  a  signale  des  fails  qui  dlaient  rostos 
inapei'Cus,  et  a  ajoute  un  cliapitre  aux  investigations  palliologiques ;  ses 
observations  et  son  enqudle  rosteronl;  mais  dans  I’opinion  de  la  com¬ 
mission,  cc  qu‘11  a  nommd  pellagre  des  alidnos  n*a  pas  de  rapport  avec  la 
nialadle  qui,  sous  forme  endemique,  ravage  plusieurs  contrecs.  » 

Aprds  avoir  combatlu,  suivant  mon  droit,  ot  dans  co  qu’ellcs  m’avaient 
de  personnel  les  assertions  do  M.  Motet,  je  n’aurais  qu'incompldtcment 
renlpli  mon  but,  si  je  n’avais  su  faire  comprendro  quo  ma  reponse  s’appli- 
quait  beaucoup  plus  a  un  6tre  colleclif  personniflant  un  principo,  qu’a 
un  savaivt  confrere  pour  le  talent  et  le  caractorO  dpquel  jo  no  me  sons 
qde  de  I’estime,  tout  on  regrettant  que,  suivant  roxempie  de  M.  Linas 
et  do  quelques  antres  publicistes  distingues,  il  n’ait  pas  su  dtre  juste 
pouf  I’auteur  qu'il  analysait  sans  elre  injusto  pour  moi. 

Je  termino  par  une  observation  qui  m’esl  suggeree  par  la  date  que 
M.  Motet  a  donne  a  son  article. 

Le  fait  absolument  insollte  de  dater  un  article  qui  rt’est  pas  dcrit  sous 
forme  de  leltre,  le  clioix  ineme  de  colte  date  anterioHre  de  troiS  mois  a 
la  publication,  donotont  une  intention  evidente,  el  celte  intention,  pour 
qui  connait  la  collaboration  de  I’auteur  aux  Annates  d’hygiene,  no  peut 
avoir  ete  que  d’eXonerer  son  travail  de  touto  solidarite  avec  un  autre 
debat  qui  s’est  termine  par  une  reclamation  de  moi  inseree  dans  le 
nUmero  de  janvier  de  ce  dernier  recuell. 

En  dficouvrant  ainsi  son  but,  M.  Motet  a  du  conlprendre  qu’il  me 
doniiait  le  droit  de  conclure  qu'il  considerait  la  reclamation  doht  il  s’agit 
comme  une  reponse  antlclpee  a  son  article  et  m’autorisail  par  cola  soul  a 
I'y  renvoyer  avec  le  lecteur,  ce  que  je  m’empresso  de  faire  en  tefminant. 

.  1“  fdvrier  1867.  E.  BiLLOb. 

Posi-scriplum.  —  Apres  avoir  pris  communication  do  la  lettre  ci- 
apres,  comme  I’auteur  avail  eu  lui-mcme  connaissance  de  cede  qui  prd- 
cAde,  jo  tions  a  constater  que,  non  plus  que  M.  Motet,  jo  n’ai  le  dcsir 
d’enlamer  une  nouvollo  polemique  sur  la  pellagre,  et  que  ma  reclama¬ 
tion  n’ayant  tendu  qu’a  do  oerlaines  recUiloations  do  fait  intoressant 
plus  ou  moins  ma  reputation  soientifique,  j’ai  lieu  de  considerer  mon  but 
comme  atteint  du  moment  oil  mon  honorable  oonfrere  n’y  rdpond  pas 
pour  me  oontredire.  Je  ne  puis,  d’ailleurs,  en  presence  de  ses  loyales 
allirmations,  que  renoncer  a  I’interprctation  que  j’avais  cru  pouvoir  tirer 
de  la  date  donnee  par  lui  A  son  article. 

12  mars  1867.  £.  Billod. 


(1)  Jc  suis  heureux  do  reronnattre  !c!  quo  cos  travaux  avaient  did  prdpards  par 
ceux  do  M.  Baillargor  et  de  quelques  aUires  mddecinS  frauqate  Ct  italiens. 


CORBESPONDANCE. 


355 


A  monsieur  le  docteur  Lunibr. 

Monsieur  et  cher  collfegue, 

Le  sage  qui  a  bien  voulu  nous  apprendre  qu’il  fallait  tourner  sept  fois 
la  langue  dans  la  bouche  avant  do  parler,  aiirait  bien  dfl  nous  dire  com- 
bien  do  fois  il  fallait  retourner  sa  pensee  avant  de  I’ecrjre.  J’ai  trouve 
le  livre  de  M.  lloussol  excellent;  j’ai  dit  que  Je  partageais  les  opinions 
de  ce  consciencieux  observateur,  et  voila  que,  sans  I’avoir  voulu,  j’ai 
bless6  I’boriorable  M.  lliilod.  Je'ne  crois  pas  cepeiidant  avoir  oublic  dans 
nlon  article  ce  que  je  devais  an  caraciere  et  an  savoir  du  mddocin  de 
Sainto-Gemmes ;  sa  reclamation  laisse  percor  un  profond  mdconlenle- 
ment,  et,  volontiers,  il  m’accuserait  do  ne  I'avoir  pas  lu,  d.e  I’avoir  jugd 
avec  uno  sorte  de  parti  pris.  Co  nesont  pas  la  mes  habitudes.  Je  ne  mo, 
suis  pas  dcartii  des  botnes  d’une  critique  loyaie  et  niodorce.  J’ai  etc,  11 
me  semble,  juste  pour  M.  Roussel,  sans  avoir  ete  ni  hostile  ni  injusto 
pour  M.  Blllod,  11  ne  me  oonviendrait  pas  d’engager  an  sujot  de  la 
pellagre  une  polemiquc  nouvelle  ;  elle  serait  a  mon  avis  sans  but  utile. 
Mon  honorable  adversaire  prendrait  sos  arguments  dans  le  livre  qu’il 
a  publid,  raoi  jo  chercherais  les  miens  dans  celui  quo  j’ai  analyse,  nous 
n’arrivorions  pas  a  nous'  convaincre.  En  rester  lii  mo  paratt  le  plus  sage. 
Toutefois,  je  ne  saurais  laisser  passer  sans  reponse  une  insinuation  de 
M.  Billod ;  il  me  permettra  done  de  lui  dire  que,  quand  j’inscris  une 
date  Sur  un  travail,  e’est  cello  du  jour  ou  je  I’ai  tormine ;  et  vous,  mon 
cher  colldgue,  qui  faute  d'espaoe,  n’avez  pas  publie  mon  article  dans  le 
numero  des  Annates  medico-psycholdgiques  paru  i  la  fm  de  novembre, 
vbus  qui  avez  annonce  a  vos  lecteurs  par  une  note  que  vous  avioz  mon 
manuscrit  entre  les  mains,  vous  savez  mieux  que  personne  ce  qui  s'est 
passe.  Si,  dater  uri  article  est  uu  fait  insolite  pour  les  Annates,  ce  fait  ne 
saurait  avoir  la  signification  que  M.  le  docteur  Billod  semble  vouloir  lui 
donner.  J’aocepte,  sans  rdserves,  la  responsabilite  do  mes  ecrits,  qui, 
a  defaut  d'autre  merite,  ont  celui  d’etre  toujours  I’expression  sinefire  do' 
ma  pensee.  Dans  cette  circonstance,  je  n’ai  qu’une  chose  a  regrettor, 
e’est  d’avoir  dveilld  les  susceptibilitds,  peut-dtre  un  pou  trop  promptes, 
d’uh  excellent  collegue  pour  lequel^ai  toujours  eu  la  plus  vive  ostime. 

Veuillez  agrder,  ete.  A.  Motet.  , 


Dans  son  article  insdrfi  au  dernier  numero  des  Annates,  sous  ce' 
litre  :  les  Cr6tins  et  tes  Cagols  des  Pyrdndes,  M.  le  docteur  Auzouy  jiaralt 
croire  que  les  quartlers  de  crdtlns  qui  devaient  6tre  etablis  a  rasilo  de 
Bassens  (Savoie),  grace  a  une  auguSte  liberahtd,  sent  en  plelh  fdrtciion-' 
nement ;  e’est  une  erreur. 

Ces  quartiers  n’existent  pas  et  ne  s,eront  tres-probablenlent  pas  dr'diis,' 
Sans  prdtendre,  ce  qui  serait  loin  de  notro  penSeo,  que  des  individiis.' 
appurtenant,  a  divers  degrfe,  au  type  cretin,  ne  sent  pas  susceptibles; 
d’dtre  amdliores,  nous  croyons  encore  que  M.  AUzOuy  s’eXagere  BeifUr 
coup  I’importance  des  rdsultats  obtenus  a  I’Abendberg".  '  D'  C. 


POLICE  M^IDICALE. 


DE  L’ORGANISATION  ADMINISTRATIVE  DU  SERVICE  DES  ALlfiNlSs  A  PARIS. 

La  loi  du  30  juin  1838  sur  les  aliends  est  depuis  quclque  temps 
I'objet  d’attaques  vives  et  passionnees.  Serait-ce  qu’elle  est  mal  con- 
nue?Je  le  pease.  Les  medecins  se  sent,  en  general,  peu  soucids  de 
s’engager  dans  une  lutte  a  laquelle  ils  se  croient  presque  clrangers.  Ce 
sent  mdme  des  medecins  qui,  les  premiers,  sent  montes  a  I’assaut  et 
ont  clierche  a  faire  brdche.  Les  journalistes  ne  sent  venus  qu’apres 
eux,  heureux  de  combattre  sous  les  mdmes  drapeaux.  La  loi  dtant  une 
de  cedes  dont  on  ne  pent  bien  apprecier  le  merite  qu’en  la  pratiquant , 
il  eut  fallu  opposer  aux  atlaques  I’autorite  de  I’experience,  ce  que  per- 
sonne,  mieux  que  les  medecins  alienistes ,  n’dtait  en  mesure  de  faire. 
Mais  ces  mddecins,  dtant  pour  la  plupart  a  la  tote  d’elablissements  par- 
ticuliers  ou  directeurs  d’dtablissements  publics,  ni  les  uns  ni  les  autres 
n’ont  ose  prendre  une  attitude  dnergique,  dans  la  crainte  d'etre  accusds 
de  combattre  pro  aris  et  focis,  ce  qui,  au  fond ,  n’eOt  point  affaibli  la 
force  de  leurs  arguments. 

Nous  qui  n’avons  dans  cette  question  aucun  intdret  personnel,  nous 
nous  proposons  d’dtudier  la  loi  de  1838  avec  une  compldte  inddpen- 
dance,  en  I’envisageant  sous  le  double  rapport  de  la  libertd  individuelle 
et  de  la  surete  publique  ;  et,  comme  dans  I’exdcution  d’une  loi  ce  sent 
les  moyens  qu’il  importe  de  bien  connaitre ,  nous  nous  attacherons  a 
faire  ressortir  les  details  de  son  fonctionnement  a  Paris:  car  c’est  la, 
dans  le  choc  de  toutes  les  passions,  au  foyer  des  plus  grandes  agitations, 
c’est  la  que  le  rdle  de  I’autoritd  exige  beaucoup  de  mesure  et  de  fer- 
metd  pour  garantir  a  la  fois  la  socidtd  et  I’individu  ;  c’est  la  enfin  que 
la  loi  prdsente  dans  son  application  les  plus  sdrieuses  difllcultds. 

11  existe  deux  sortes  d’dtablissements  consacrds  au  traitement  des  ma¬ 
ladies  mentales  :  les  dtablissements  publics,  placds  sous  la  direction  de 
I’autoritd  publique,  et  les  dtablissements  privds ,  placds  sous  sa  surveil¬ 
lance  seulement,  mais  soumis  a  une  autorisation  prdalable  qui  fixe  les 
conditions  de  leur  existence. 

Les  dispositions  qui  regissent  les  dtablissements  publics  ou  privds, 
leurs  reglemenls  intdrieurs,  la  direction  du  service  medical,  I’adminis- 
tration  dconomique  des  dtablissements  publics,  le  choix  et  le  fonctionne¬ 
ment  des  commissions  administratives  ou  de  surveillance,  la  nomination 
des  administrateurs  provisoires  et  des  curateurs,  les  peines  ddictdes 
centre  les  infractions,  tout  cela  ne  forme,  pour  ainsi  dire,  que  le  corps 
de  la  loi,  ses  dispositions  Iransitoires,  son  dconomie  ,  en  un  mot.  L’ame 
de  la  loi,  son  essence,  rdside  tout  entiere  dans  le  mode  et  les  conditions 
de  placement.  C’est  par  ce  cOtc  surtout  qu’elle  touche  a  la  libertd  indi¬ 
viduelle  et  a  I’ordre  public  ;  c’est  aussi  par  ce  cdtd  qu’clle  a  dtd  le  plus 
vivement  attaqude. 

Les  "placements  sent  de  deux  series,  volontaircs  et  d’olfice.  Avant  la 
loide  1838,  il  n  existait  que  peu  de  garanlies  pour  I’ordre  et  la  sOretd^ 


POLICE  MflDICALE. 


S57 


et  moins  «ncore  pour  la  liberie  individuelle.  Cette  loi,  dont  nous  aimons 
a  proclamer  riiumanite,  ne  serait-elle  done  qu’une  hypocrisie  Idgale,  un 
sdpulcre  blanchi  ?  Voyons  si  elle  m6rite  les  attaques  des  uns  et  la  juste 
admiration  des  autres  ,  au  nombre  desquels  nous  sommes.  La  premiere 
condition  imposde  a  la  personne  qui  reclame  le  placement  d’un  alidne 
dans  un  dtablissement  destine  au  traitement  des  maladies  mentales, 
c’est  qu’elle  fasse  connaitre  dans  line  demande  ecrite  ses  noms,  sa  pro¬ 
fession,  son  age  et  son  domicile,  ainsi  que  les  noms,  la  profession,  I’age 
et  le  domicile  de  la  personne  a  placer,  avec  I’indication  du  degrd  do  pa- 
rente,  ou,  a  ddfaut ,  de  la  nature  des  relations  qui  existent  entro  elles. 

S’il  ne  suflisait  que  de  former  une  demande,  rien  assurement  ne  se- 
rait  moins  compromettant,  et  la  prdvoyance  du  legislateur  ne  serait  pas 
fort  a  louer.  Aussi,  a-t-il  complete  cette  disposition  par  unc  autre  qui 
prescrit  aux  chefs,  proposes  ou  directeurs ,  de  s'assurer,  sous  leur  res- 
ponsabilitd,  de  I’individualite  de  la  personne  qui  aura  formd  la  demande, 
de  mdme  qu’il  leur  est  enjoint  d’exiger  la  production  d’une  piece,  passe- 
port  ou  autre,  au  moyen  de  laquelle  ils  puissent  constaler  I’individualile 
de  la  personne  dont  le  placement  a  etc  demande. 

Qu’ils  s’en  assurent,  diles  YOUs,  cela  est  bien ;  mais  quelle  certitude 
aurez-vous  qu’ils  I’auront  fait  ?  —  Je  le  saurai,  moi  autorite,  chargde  de 
veiller  a  I’execution  de  la  loi,  parce  qu’ils  sont  obliges  do  me  faire 
parvenir  dans  les  vingt-quatre  heures  un  bulletin  d’enlrde  oi'i  il  en 
sera  fait  mention.  —  Mais  s’ils  ne  le  font  pas  ?  —  S’ils  ne  le  font  pas, 
je  les  ddfere  au  procureur  imperial  qui  les  fera  condamner  a  un  em- 
prisonnement  de  cinq  jours  a  un  an  et  a  une  amende  de  50  franes  a 
3000  francs. 

Suflit-il  d’une  simple  demande  pour  faire  enfermer  quelqu’un  dans 
un  ctablissement  d’alienes  ?  Sufflt-il  de  presenter  la  garantie  de  son 
individualitd  ?  Non.  La  loi  veut  encore  qu’il  soit  produit  un  certificat 
de  medecin  indiquant  les  particularites  de  la  maladie  et  la  ndeessild  de 
faire  traitor  la  personne  ddsignee  audit  certificat  dans  un  dtablissement 
special.  La  loi  est  plus  exigeante :  car  elle  Yeut  que  le  certificat  mddical 
n’ait  pas  plus  de  quinze  jours  de  date  et  qu’il  ne  soit  signd  ni  par  un 
medecin  attachd  a  I’dtablissement ,  ni  par  un  medecin  parent  ou  allid, 
au  second  degrd  inclusWement,  des  chefs  ou  propridtaires  de  I’etablisse- 
ment  ou  de  la  personne  qui  a  demands  le  placement. 

Voila  deja  trois  personnes  engagees ;  le  rdclamant,  le  directeur  et  un 
mddecin.  La  loi  est-elle  satisfaite  ?  Pas  encore.  Elle  exige  I’attache  du 
medecin  de  I’asile,  dont  le  certificat  doit  figurer  aYec  celui  de  son  col- 
legue  sur  le  bulletin  d’entree.  Mais  ne  s’avise-t-elle  pas  alors  de  se 
prendre  d’un  nouYeau  scrupule?  Elle  se  dit  que  le  demandeur  a  sans 
doute  un  intdrOt  5  faire  sdquestrer  son  parent  ou  son  ami,  que  le  md- 
decin  a  pu  se  prdter  a  une  infamie,  et  que  le  chef  de  I’dtablisseraent 
doit,  pour  son  plus  grand  profit,  trouYer  que  le  prdtendu  fou  n’a  que  ce 
qu’il  mdrite.  Que  fait-elle  alors?  Elle  charge  un  ou  plusieurs  bommes  de 
Part,  au  nom  de  la  libertd  indWiduelle,  de  Yisiler  sans  ddlai  la  personne 
dont  il  s’agit,  a  I’effet  de  constaler  si  elle  est  rdellement  alidnde.  Elle 
dit  ensuite  au  directeur  de  I’dlablissement :  Vous  avez  pu  yous  tromper 
ou  dire  trompd ;  je  yous  donne  quinze  jours  pour  vous  recueillir  et 
observer  plus  atlentivement  la  personne  qui  vous  a  dtd  confide.  Au 


858  POLICE  M6MCALE. 

•bout  de  ce  temps,  vous  m’adresserez  un  nouveau  certificat  qui  confir-' 
mera  ou  rectifiera,  s’il  y  a  lieu,  vos  premieres  observations.  Apres 
cela,  si  votre  conscience  a  quelque  chose  a  se  reprocher,  je  m’en  lave 
les  mains,  car  j’ai  informd  de  lout  le  procureur  imperial  rie  votre  endroitj 
ainsi  que  colui  de  I’arrondissement  ou  ost  silue  le  domicile  de  la  per-' 
Sonne  placoo. 

(Vest  par  suite  de  cette  information  que  ce  magistral  visile,  au  moins 
une  fois  par  trimeslre  ,  tous  les  etablissements  de  son  ressort,  soil  pu¬ 
blics,  soil  priv6s,  pour  s’assurer  que  la  loi  n’y  est  pas  violee,  et  pour 
recevoir  les  reclamations  des  personnes  qui  s’y  trouvent  ddtenues. 
D’autres  personnes  jouissent  aussi  de  ce  droit,  tant  le  legislateur  s’cst 
monlro  mefiant!  Co  sent  le  prfifet,  le  president  du  tribunal,  le  juge  do 
paix  ct  le  maire  de  la  commune,  ce  qui  tient  on  dveil  la  vigilance  des 
chefs  de  ces  etablissements. 

II  semble  qu’apr^S  avoir  pris  toutes  ces  pracaulions  I’autoritd  n’ait 
plus  qu’a  dormir  sur  ses  deux  oreilles.  Point  du  tout.  Le  malade  a  6t6 
yjlacd  a  bon  droit,  soil ;  raais  il  a  pu  gu6rir;  et,  si  les  personnes  qui  ont 
concouru  de  pros  ou  do  loin  ii  son  placement  ontun  intdret  quelconque  a 
prolonger  sa  sequestration,  h’y  a-t-il  pas  un  intervalle  ou  la  surveillance 
est  inactive?  Elibien!  non;  car  outre  les  visiles  .dont  nous  venous  de 
parler,  deux  fois  par  an,  dans  le  premier  mois  de  cheque  semostre,  les 
direcleurs  des  dlablissoments  d’atidnds  sent  tenus  d’adressor  au  prefet  un 
certificat  medical  sur  I’etat  present  de  chaque  malade,  d’aprds  lequel  le 
pr6fet  erdonne  sa  maintenue  ou  sa  sortie.  Et  puis,  comptez -vous  pour 
rien  les  reclamations  dont  ces  malheureux  fatiguent  les  autorites?  Pour 
un  alidne,  ecrire  est  une  seconde  manie,  bien  legitime  assurdment,  car 
e’est  un'o  de  ses  plus  grandes  consolations.  Chaque  lettre  qui  part  lui 
ouvre  une  porte  de  Eospdrance. 

Quoi!  vous  voudriez  nous  persuader  que  les  lettres  arrivent  toutes  a 
destination  ,  et  que  les  chefs  de  ces  maisons  prennent  assez  de  souci  de 
ce  qu’ils  appellent  des  dlucubrations  de  fous  pour  les  faire  parvenir  au 
procureur  imperial,  au  prdfet,  aux  rainistres,  souvent  indme  au  chef  de 
I’Etat,  d’autant  qu’ils  y  sent,  en  gdiidral,  representds  sous  des  couleurs 
assez  peu  flatteuses?  —  Je  n’affirmerais  pas  qu’il  n’en  reste  pas  quel- 
quos-unes  en  route ;  mais  je  connais  un  petit  article  de  la  loi  qui  con- 
da  nine  a  la  prison  lout  chef  d’dtablissement  qui  aurail  supprimd  ou  retenu 
aueunes  requeies,  aucunes  reclamations,  adressdes  a  I’autoritd  judiciaire 
ou  a  I’aulorite  administrative  par  un  alidnd. 

Voila  done  sous  quelle  forme  et  dans  quelles  conditions  s’effectuent  les 
placements  volontaires.  Ils  sent  enloures  des  garanties  les  plus  completes. 
En  ost-il  de  mftme  des  placements  d’office,  e’est-a-dire  ordonnes  par 
rautorite?  Ces  mots  indiquent  ddja  que  e’est  moins  I’interdt  privd  ,  la 
liberte  individuelle,  qui  sont  en  jeii,  que  I’ordre  public,  la  sfiretd  gend- 
rale.  C’est,  en  effet,  le  prdfet  qui  agit  au  nom  de  la  socidtd  pour  protdger' 
I’ordre  public  et  les  personnes.  Mais  est-oo  a  dire  qu’il  puisse  ne  con- 
suiter  que  ses  passions  ou  son  caprice  ?  En  d’autres  termes,  son  pool  voir 
est-il  arbitraire  et  absolu  ?  Tant  s’en  faut.  En  premier  lieu,  ses  ordres 
doivent  dtre  motives  et  enoncer  les  circonslances  qui  les  ont  rendus  ne-  ' 
cessaires.  Ainsi  que  pour  les  placements  volontaires,,  il  est  tenu  (Een 


POLICE  MfiDlCALE.  359 

informer  lo  procureur  imperial  qui  pent,  quand  il  lui  plait ,  en  discuter 
ropportunitd  et  la  justice,  et  se  pourvoir  mcme  devant  le  tribunal. 

Dans  CO  simple  et  tres-bref  exposd  des  dispositions  de  la  loi,  soit 
qu’il  s’agisse  d’un  placement  volontairc,  soit  qu’il  s’aglsse  d’un  placement 
d’olllco,  a  quel  moment,  diles-moi,  une  sequestration  arbitraire  trouve- 
t-clle  sa  place?  Je  I’ai  vainement  cherchd.  Je  ne  vois,  au  contraire, 
qu’uii  luxe  de  precautions  ddployo  par  le  Icgislateur,  un  coritrdle  rdel  el 
inevitable,  une  surveillance  continue  et  d’autant  plus  sure  qu’elle  cst 
exerceo  par  une  foulo  d’agents  divers.  line  sequestration  arbitraire,  en 
admoltant  qu’elle  fflt  possible  un  seul  jour,  rdsistorait-ello  a  de  pa- 
reilles  epreuves  ?  Aussi,  combicn  de  faits  a-l-on  cites  centre  I’insuRl- 
sance  de  la  loi  ?  (iuatre  au  plus  en  vingt-huit  ans,  et  je  defie  qu’on  Ics 

Lorsqu’uno  personno  est  placde  dans  un  etabllssemcnt  consacre  aux 
maladies  mentalcs,  pour  peu  qu’il  y  ait  en  jeu  des  intorets  d’uno  oer- 
taine  importance,  il  cst  rare  quo  I’acoord  regne  parmi  tons  les  membros 
do  la  famine.  Comment  supposer  alors  qu’on  puissc.  Sous  les  yeux  vigi- 
iants  de  tant  d’interdts,  retenir  un  individu  sain  d'osprit  dans  un  6tat  de 
veritable  sequestration?  Des  dfinonciations  arriveraient  en  foule  aux  au- 
toritds,  et  il  se  feralt  tant  do  bruit  et  tant  de  scandalc  autour  du  pauvro 
diablo  que  les  portos  de  t’asile  s’ouvrirqient  d'elles-mdmes. 

Uemarquons  en  passant  que  les  chefs  des  dtablisserae'nts  privfis,  dont 
plusieurs  ont  une  haute  valour  mcdicale,  et  qui  jouissent  d’uno  incon¬ 
testable  honorabilltd,  ont  en  outre  mis  des  capitaux  imporlants  dans'lour 
exploitation.  Que  faudrait-il  pour  faire  crouler  cet  ddifice  d’argent  et  de 
probitd!  Un  fait  un  peu  dclatant,  un  scandale,  un  proces.  Or,  s’exposer 
a  perdre  a  la  fois  son  etablissement  et  son  honneur  serait  lout  simple- 
rnent  I’acte  d’un  fou. 

En  voila  done  plus  qu’il  n’en  faut  pour  justifler  la  loi  de  sagesse  et 
de  prdvoyance.  11  est  evident  que , 'dans  cette  question,  les  adversaires 
de  la  loi  do  1838  n’en  ont  vu  qu’un  seul  cdte.  Exclusivement  oceup6s  des 
perils  oil  elle  pourrait  engager  la  liberto  indivlduelle,  ils  n’ont  en  aucun 
souci  de  la  suretc  des  personnes,  qu’ils  Irouvenfsans  doule  que  I’autoritd 
protege  suffisamment.  Pour  nous,  au  contraire,  la  libertd  indivlduelle  est 
compldlement  garantie.  Aussi  ne  demandons-nous  aucune  autre  precau¬ 
tion.  Nos  adversaires,  eslimant  ces  garanties  insufflsantes,  veulent  dlever 
de  telles  barribres  qu’il  devienne  presque  impossible  de  sdqueslrer  per- 
Eonne  de  la  soeiete.  Mais  savent-ils  bien  ou  nous  conduirait  celte  errour? 
Je  vais  vous  le  dire. 

A  c6tfi  des  etablissements  publics  et  privds  ayant  une  existence  legale 
et  agissant  au  grand  jour,  11  en  est  d’autres  qui,  dans  un  interdt  sordide 
ou  mcme  dans  un  interet  religieux,  ont  quelquefdis  regu  leS  malheureux 
pour  lesquels  nous  avons  ouvert  des  asiles.  Ces  cas  sent  rares,  il  est  vrai, 
parce  que  la  loi  a  sagement  aplani  les  obstacles  pour  le  placement  d’un 
alidtiA;  mais  dlevez  de  nouvellcs  barridres,  rendez  les  prescriptions  a  peu 
pr6s  impraticables,  cos  dtablissements  interlopes  ouvriront  leurs  portes 
au  mfipris  de  la  loi,  et,  au  lieu  d’avoir  fortifid  la  liberty  indivlduelle,  nous 
I’aurons  livree  a  la  cupiditd,  a  la  vengeance  ou  au  fanatisme. 

Chose  etrange!  e’est  au  moment  oil  la  plupart  des  peoples  de  I’Eu- 
rope  rendent  hommage  S  notre  loi,  en  lui  prenant  ses  meilleures  dispo- 


36) 


POLICE  MfiDICALE. 


silions,  oil  cclte  loi  regno  presque  on  souvcrainc  on  Belgique  et  on 
Italic,  deux  pays  qu’on  n’accusera  pas  d’dtoulfer  la  liberie,  e’est  a  ce 
moment  qu’il  nous  passe  par  la  tete  d’en  bouleverser  reconomie.  Les  uns 
demandent  trois  certificats  de  trois  medecins  differents,  pour  cviter  une 
surprise;  les  autres  voudraient  constituer  un  tribunal  qui  prononcerait 
conlradictoirement  sur  la  necessite  ou  I’opportunitd  de  la  sequestration. 

Les  trois  certificats,  la  loi  les  exige;  non  point,  il  estvrai,  pour  ouvrir 
la  porle  de  la  maison  d’alicnes,  mais  pour  s’assurer  que  le  placement  est 
justifie  par  Petal  de  la  personne  placde.  Aller  au  dela  serait  impralicable 
et  onereux  pour  un  grand  nombre  de  families,  et,  d’ailleurs,  la  loi  a 
place  la  peine  a  cdte  de  I’infraction.  Si  vous  craignez  tant  une  orreur, 
si  vous  voulez  eloigner  davantage  la  corruption,  poiirquoi  vous  burner  a 
trois  certificats?  Bn  medecin  peut  dire  surpris  ou  seduit;  deux  egale- 
ment;  trois,  e’est  difficile;  mais  quatre,  mais  cinq,  mais  six,  impos- 

L’iddp  d’un  tribunal  ou  jury  a  quelque  chose  de  solennel  et  do  pro- 
tecteur,  mais  n’est  pas  plus  raisonnable  Les  fails  sans  doute  scraient 
difcutes,  les  temoignages  pesds.  A  des  temoins  on  on  opposerait  d’autres. 
Si  le  malade  venait  a  constituer  un  avoud  et  a  se  faire  assislcr  d’un 
avocat,  vous  auriez  done  toutes  les  emotions  d’un  debat  de  justice  ?  Com- 
prenez-vous  la  position  d’un  homme  que  le  tribunal  aurail  declare  sain 
d’esprit  a  la  majorite  d’une  voix?  S’il  est  commergant,  croyez-vous  que 
ses  affaires  s’en  trouveraient  bien?  Si  par  hasard  c’dtait  un  medecin,  car 
les  mddecins  ne  sent  pas  plus  que  les  autres  a  I’abri  de  ces  cruelles  at- 
teintes,  se  trouverait-il  encore  des  gens  pour  lui  demander  des  soins? 
Qui  voudrait  lui  confier  la  vie  de  sa  femme  et  do  ses  enfants  ?  La  loi  de 
1838  a  juste  garde  la  mesure  entre  le  secret  absolu  et  une  legitime 
publicitd.  Ce  tribunal,  d’ailleurs,  elle  I’a  indique,  et  il  fonctionne,  non 
pas  comme  jury  de  placement,  mais  corame  tribunal  d’appel,  ce  qui  est 
digne,  juste  et  raisonnable.  Ce  n’est  pas  seulement  la  personne  detenue 
dans  une  maison  d’alidnes  qui  peut  se  pourvoir  devant  le  tribunal,  e’est 
aussi  son  tuteur,  .si  elle  est  mineure;  e’est  un  parent,  un  ami  mdme,  et 
cela  a  quelque  epoque  que  ce  soil. 

Si  les  dispositions  decette  loi  sent  en  general  peu  connues,  quoiqu’elle 
touche  aux  interets  les  plus  sacres  de  la  socidld,  la  maniero  dont  elle 
fonctionne  I’est  encore  moins.  Avant  de  m’etre  livrd  a  cette  dtude, 
j’eprouvais  une  sorte  de  disposition  hostile  pour  I’autorite  qui,  a  Paris, 
est  chargee  d’en  faire  I’application.  Je  parlageais  a  cet  egard  les  preven¬ 
tions  du  public ;  mais  je  declare  avec  un  profond  sentiment  de  satisfac¬ 
tion,  et  sans  crainte  d’dtre  dementi,  que  je  n’ai  pas  cesse  d’etre  frappe 
de  I’esprit  de  justice  et  de  bienveillance  dont  I’administration  de  la  police 
est  animee  dans  I’execution  d’une  loi  qui  demande  autant  de  mesure,  de 
delicatesse  et  de  fermete. 

On  appelle  placement  d’office  I’envoi  dans  un  etablissement  d’alienes, 
prive  ou  public,  d’une  personne  atteinte  d’alidnation  menlale,  ordonne 
ou  approuve  par  le  prefet  de  police.  Je  dis  approuve,  parce  que  Part.  19 
de  la  loi  de  1838  donne  aux  commissaires  de  police  le  droit  d’envoi  direct 
de  tout  individu  dont  la  folie  ferait  courir  un  danger  imminent  a  la 
societe,  a  la  condition  toutefois  d’en  refdrer,  dans  les  vingt-quatreheures, 
au  prefet,  qui  doit  statuer  sans  ddlai.  Hors  ces  cas  d’urgence,  toute  per- 


POLICK  MEDICALE, 


361 


soiine  signalce  comme  donnant  des  marques  de  folie  et  pouvanl  etre  un 
danger  pour  clle-memeoupourautrui,  devientde  la  part  du  commissairede 
polioe  I’objet  d’une  enqugte  serieuse,  dans  laquelle  des  temoins  sent  en- 
tondiis,  des  fails  ^nonces,  des  preuves  fournieSj  et  presque  toujours  des 
eertificats  produits.  Le  commissaire  de  police,  qui  est  aussi  un  magis¬ 
tral  auxiliaire  duprocureur  imperial,  penelre  de  la  partde  responsabilitd 
qui  lui  incombe,  n’use  quo  dans  de  rares  oecasions  du  droit  que  lui 
confcre  I’article  19.  II  se  borne,  dans  presque  tous  les  cas,  a  diriger 
I’individu  alteint  de  folie  sur  le  depflt  de  la  prefecture  de  police,  ofi  a  6le 
organise  un  service  medical  au  point  de  vue  de  I’alienation  mentale.  C’est 
line  garanlie  dont  I’importance  frappe  les  yeux;  car,  si  I’individu  ii’a  eu 
qu’un  acces  passager,  ou  si  son  delire  n’est  pas  suffisamment  defini,  le 
prdfet  de  police,  sur  le  rapport  du  mMecin,  ordonne  immediatement  sa 
sortie.  Dans  le  cas  ou,  au  contraire,  la  folie  est  rdelle  et  persistante,  le 
malade  est  aussitdt  transfer^,  au  moyen  d’nne  voiture  specials,  dans  un 
etablissement  d’ali6n6s,  accompagne  du  certificat  medical  qui  doit  servir 
de  point  de  depart  aux  observations  du  medecin  de  I’asile. 

Un  individu  sequestre  d’office  est  I’objet  de  la  sollicitude  de  la  loi, 
lout  autant  que  celui  dont  le  placement  a  etd  volontaire.  Le  procureur 
imperial  en  est  informe.  S’il  adresse  une  plainte  en  sequestration  arbi- 
traire,  elle  est  examinee  et  suivie.  Le  directeur  de  I’asile  est  tenu  d’en- 
voyer  au  prefet  de  police  certificat  immediat,  certificat  de  quinzaine, 
certificat  semeslriel,  et,  de  mdrae  que  les  directeurs  d’etablissements 
prives,  il  ne  peut  ni  supprimer  ni  retenir  aucune  reclamation  adressde 
par  un  aliend,  soil  a  I’autorite  judioiaire,  soil  a  i’autoritd  administra- 

La  sollicitude  de  I’administration  ne  se  borne  pas  aux  mesures  dont 
nous  venons  de  parler.  Si  la  personne  placee  dans  un  etablissement 
d’aliones  demeurait  seule,  en  maison  garnie  ou  dans  ses  meubles,  qui 
prendra  soin  de  ses  interets  ?  Si  elle  parait  etre  dans  une  position  de  for¬ 
tune  suffisante,  le  commissaire  de  police,  en  vertu  d’une  circulaire  pr6- 
fectorale  du  25  juillet  1816,  requiert  le  juge  de  paix  d’apposer  les  scellds 
sur  la  porte  du  logement,  el  de  faire  tous  les  actes  de  son  ministere 
ayant  pour  but  la  conservation  des  biens  du  malade;  mais,  s'il  est 
evident  que  celui-ci  n’a  que  des  moyens  mediocres,  afin  de  lui  epargner 
les  frais  toujours  considerables  qu’occasionne  I’intervention  du  juge  de 
paix,  le  commissaire  de  police  precede  a  un  inventaire  administralif, 
qu’il  constate  par.un  proces-verbal,  et  confie  le  mobilier  a  la  garde  offi- 
cieuse  d’une  personne  siire,  qui  consent  a  s’en  charger  et  a  le  rcpr6- 
sentcr  a  toute  requisition  qui  lui  en  sera  legalement  faite. 

Le  malade  a-t-il  6te  dirige  sur  un  etablissement  hospitalier,  tel  que 
Bicetre  ou  la  Salpetricre  :  le  prefet  de  police  fait  connaitreuu  directeur 
de  I’assistance  publique,  auquel  appartient  la  tutelle  des  aliends  de  cette 
categoric,  son  etat  civil,  ses  ressources,  avec  le  droit  qu’il  a  au  domicile 
de  secours  dans  le  departement  de  la  Seine.  A-t-il  ete,  au  contraire, 
sequestre  dans  un  asile  privc  pour  y  etre  traito  a  ses  frais  :  le  prefet  de 
police,  en  I’absence  d’ayants  droit,  provoque  aupres  du  procureur  impe¬ 
rial  la  nomination  d’un  administrate ur  provisoire,  dont  la  mission  con- 
siste  a  recueillir  les  biens  du  malade,  et  a  les  appliquer  a  son  bien-etre 
avec  une  sage  economic.  Ces  fonctions,  ainsi  que  I’indique  le  mot,  ne 


362  POIICE  MfiDlCAlM. 

durent  que  le  temps  do  la  sequestration.  Avec  la  libertc,  le  malado  re^ 
prend  ses  droits. 

On  voit  par  cet  apercu  la  dilTercnce  des  deux  administrations  dc  palioc 
et  d’assistance  ;  I’uno,  active  gardjenne  de  la  suretd  publique  et  de  la 
libertd  des  personnes;  I’autrej  purement  economique.  Ce  double  idle  est 
dansl'esprit  de  la  loi.  Les  mddccins  de  I’assistance  ne  sont  pas  ceux  de 
la  police.  Ceux-lii  serviraient,  au  besoioj  dc  contre-poids  a  rautorite  du 
prefet,  s’il  lilait  tenlo  de  Pexercor  arbitrairement.  Quelle  est  la  mission 
du  prefet  de  police?  Nous  I’avons  dil  et  nous  venous  de  le  repcterj  pro^ 
toger  la  personae  el  la  societe.  Que  fait  I’assistance  publique,  branche 
de  la  prefecture  de  la  Seine?  Elle  administre ;  el,  commo  les  charges  qui 
pesent  sur  elle  seat  considerables,  elle  cherche  a  les  allcger.  Est-il  un 
moyen  d’atteindre  cc  but?  Oui,  c’esl  de  repousser  tout  individu  dont  la 
folic  ne  serait  ni  assex  evidente,  ni  assez  nettement  constatce,  ou  bien  de 
lui  ouvrir  les  portes  dc  I’asile  aussitOt  que  son  dtat  permet  de  le  faire  sans 
danger.  N’est-cc  pas  la  un  contrdle  reel?  Les  dissentiments  qui  survien- 
nent  quelquefois  entre  le  prefet  de  police  el  les  medecins  de  ces  otablis- 
seraents  en  sent  une  preuve.  Si  le  prel'et  se  croit  autorise  par  le  senti¬ 
ment  do  sa  responsahilild  a  suspondre  sa  decision  au  sujet  d’un  alieno 
que  le  mddecin  a  declare  gudri,  il  invite  ce  dernier  a  pousser  plusavant 
ses  observations;  il  luirdvele  cerlaines  particularitds  de  I’exislonco  du 
malade;  il  fait  autour  de  lui  une  lumiero  plus  vive.  Si,  apres  cela,  le 
raedecin  persiste,  le  prdfet  n’a  plus  qu’a  s’incliner,  il  a  rempli  son  man¬ 
dat  ;  sa  resistance  deviendrait  un  abus  d’autoritc,  Il  y  a  done,  a  mpn 
avis,  utilild,  ndcessitd  merae,  dans  une  ville  comme  Paris,  a  ce  qu’il 
existe  deux  puissantes  administrations  qui  se  surveillent  I’line  et  I’autro, 
quand  surtout  il  y  a  en  cause  la  suretd  publique  et  la  liberte  des  per- 

Nous  avons  parld  des  malades  ayant  un  domicile  connu  ou  a  peu  pros 
connu.  Mais  il  en  est  un  grand  nombre  dont  I’origine  est  confuse  , 
incertaine,  .au  moment  de  leur  envoi  dans  uii  dtablisscment  d’nlidndi ; 
ce  sont  ceux  que  I’on  arrete  sur  la  voie  publique.  On  se  doute  bion  quo, 
dans  le  trouble  de  leur  esprit,  ces  pauvres  diables  ne  peuvent  donner  sur 
leur  compte  que  des  renseignemenls  faux  ou  vagues.  Il  faut  une  admi¬ 
nistration  habile  et  puissamment  organisde  pour  ddcouvrir  leur  indivi- 
dualitd ,  lour  origine  et  leurs  families.  Dira-l-on  que  ces  ddcouverles 
n’ont  qu’un  intdret  secondaire  ?  Ce  serait  une  grosse  erreur.  Plusieurs 
de  ces  •  individus  meurent  dans  les  asiles.  Est-il  sans  intdret  pour  les 
families  de  connaltre  le  sort  d’un  de  leurs  membres?'ll  arrive  memo 
assez  souvent  que  des  intdrets  civils  se  produisent.  Je  laisse  a  penser  les 
ddlais,  les  retards,  les  empdchemenls  qui  rdsulteraient  pour  les  ayants 
droit  d’une  pareille  situation.  L’administration  de  I’assistance  publique 
apprdcie  mieux  les  avanlages  de  ces  investigations,  qu’il  lui  serait  impos¬ 
sible  de  faire  elle-mdme,  ddpourvue  qu’elle  est  des  instruments  dont  le 
prdfet  de  police  dispose.  Le  rdsultat  est  tout  profit  pour  elle.  Fixde  des 
lors  sur  la  nationalitd  ou  le  domicile  de  secours  des  individus  dont  elle  a 
la  tutelle,  elle  se  ddcharge  par  ce  moyen  des  frais  de  sejour,  aux  dd- 
pens  de  qui  de-  droit. 

line  autre  catdgorie  d’alidnds  ,  dont  le  prdfet  de  police  ordonne  le 
placement,  est  celle  des  individus  arrdtds  pour  crimes  ou  ddlils,  qui  deja 


POLICE  MfiDICALE. 


363 


ont  6t6  condamn6s,  ou  qui  ne  sont  encore  que  prdvenua  on  simplement 
inculpds.  Cette  catdgorie  est  considerable,  car  elle  forme,  pour  I’an- 
nde  1866,  up  chiffre  de  plus  de  300  ,  c’est-ii-dire  le  huitieme  environ 
de  tous  les  placements  d’offlce.  Tant  que  les  condamnis  sont  dans  les 
liens  de  leur  condamnation,  c’est  le  departement  des  prisons  qui  sup- 
portc  les  frais  de  s6joui’;  mais,  aussitflt  qu’ils  en  sont  ddgagcs ,  ils  re. 
tombent  dans  le  droit  commun  ,  ainsi  que  les  prevenus  et  les  inculpds. 

Placements  volontaires,  placements  d’office,  condamnds,  prevenus, 
inculpcs,  alienes  de  lout  genre,  tout  cela  se  traduit  par  un  chiffre  de 
3252,  oit  les  placements  volontaires  figureUt  pour  722  et  les  placements 
d’offlce  pour  2530.  Si  nous  faisons  la  part  de  chaque  sexe,  nous  trou- 
vons  les  liommes  representds  par  le  chiffre  de  1777  ,  et  les  femmes  par 
celui  do  1475. 

Pour  donner  une  valeur  a  cos  chiffres,  il  convientde  les  comparer  avec 
d’autro  pris  a  des  epoques  diffdrentes.  Reportons-nous  done  au  commen¬ 
cement  du  sieclo.  Au  1“'  janvier  1801,  les  asiles  publics  d’alidncs  do 
departement  de  la  Seine  renfermaientune  population  do  946  personnes. 
Cette  population,  au  31  ddeembre  1865,  etait  de  5985.  Quelque  grand 
qu’ait  did  I’accroissemcnt  de  toute  la  population  du  ddpartomerit  de  la 
Seine,  I’ccart  est  trop  considerable  pour  qu’il  soit  possible  de  ndghger 
les  autres  elements. 

11  est  curieux  de  suivre  la  marche  de  la  maladie  par  periode  de  dix 
ans,  Indiquons-en  les  chiffres,  sur  lesquels  chacun  batira  sa  thdoric 
scion  ses  vues.  Au  lor  janvier  1811 ,  i’augmentation  etait  de  437 ;  au 
1“' janvier  1821,  do  809;  au  1“' janvier  1811,  elle  n’est  plus  que  de 
238,  pour  aniver  au  1'"'  janvier  1841  a  une  dirhinution  de  223.  Le 
chiHro  de  438  signale  une  reprise  marquee  dans  la  periode  de  1841  A 
1851;  mais  c’est  dans  la  suivante  que  I’augmentation  deviont  effrayante, 
car  elle  s’dlcve  a  2350  ;  malheurousement  il  n’est  gudre  permis  d’espd- 
rer  quo  le  mouvement  diminue  ou  s’arrcte.  Les  tableaux  suivants  indi- 
queront  le  mouvement  des  entrees  dans  les  asiles  prives  et  publics  du 
departement  de  la  Seine,  du  janvier  1860  au  31  ddeembro  1866  , 
et  feront  ressortir  ce  triste  phenomene  de  I’accroissement  a  pen  pres 
continu  de  la  population  aliende; 

Annees.  Dic6lre.  Satpclricre.  Charenlon.  Asiles  prives.  ,  Total  annuel, 


1860.  929 

1861.  934 

1862.  987 

1863.  096 

1864.  1015 

1865.  1143 

1866.  1314 

Parmi  les  causes  qui  ont  ooncouru  a  cet  accroissement ,  oelle  qui 
frappe  le  plus  les  esprits,  parce  que  les  effets  en  sont  plus  saisissants, 
est  I’abus  des  liqueurs  alcooliques,  et  surtout  de  I’absinthe.  Cela  est  vrai ; 
mais  j’estime,  sans  Otre  raddeoin,  qu’il  en  est  une  foule  d’autres,  phy¬ 
siques  et  morales,  qui  entrent  dans  les  phdnomenes  de  la  folie  pour  un 


1400  1297 
1353  1380 
1449  1367 
1496  1322 
1511  1303 


D.  S, 
2697 
2733 
2816 

2814 

2928 

3252 


36a  POLICE  MfiDICALE. 

element  bien  plus  considerable :  les  ambitions  demesurees,  le  spectacle 
elourdissant  des  fortunes  rapides,  s’dlevant  et  croulant  de  memo ;  les 
cxces  de  travail  et  de  plaisirs  ;  en  un  mot  le  developperaent  desordonne 
des  jouissances  materielles.  Dieu  a  pourvuchaque  homme  d’une  certaine 
somme  de  forces  intellecluelles ;  si  vous  imposes  a  son  cerveau  une  lache 
au-dessus  de  sa  mesure,  vous  le  menez  a  la  mort  ou  a  la  folie.  La  raison 
comme  le  bonheur  est  dans  I’dquilibre  des  forces. 

Faut-il  peut-fitre  aussi  tenir  compte  du  plus  de  facilites  que  nous  avons 
aujourd’hui  pour  obtenir  un  placement  dans  un  asile  d’aliends  ,  et  du 
plus  grand  nombre  mdme  de  ces  asiles?  La  loi  de  1838 ,  en  obligeant 
cliaque  departement  d’avoir  un  ctablissement  public  pour  le  traitcment 
des  maladies  mentales,  et  en  tragant  une  voie  reguliore  aux  sequestra¬ 
tions,  a  mis  en  Evidence  une  multitude  de  cas  qui  fussont  reslds  ignords. 
II  est  vrai  aussi  de  dire  que  c’etait  un  des  resultals  oil  devait  nous  con- 
duire  I’alTaiblissement  des  liens  de  la  famille.  Loin  de  nous  tout  ce  qui 
peut  troubler  nos  plaisirs  ou  nos  affaires  I  A  cdtc  de  nous,  d’ailleurs, 
vivent  d’autres  hommes,  tout  aussi  desireux  de  repos  et  de  plaisirs,  et 
qui  ne  supporteraient  pas,  n’y  Slant  pas  tenus,  le  spectacle  bruyarit  de 
la  folie.  Voila  pourquoi  les  dtablissements  de  ce  genre  regorgent  d’habi- 
lants.  L’asile  a  remplacd  la  famille.  Mais  c’est  la  faute  de  nos  moeurs  et 
non  celle  de  la  loi. 

Les  mSdecins  s’amusent  a  faire  des  fous,  disait  un  jour  un  personnage 
qui  occupe  un  rang  Sieve  dans  la  hierarchie  administrative ,  et  rem- 
plissent  les  etablissements  publics  d’une  foule  d’individus  inoffensifs , 
idiots,  dements,  imbeciles,  qu’il  serait  plus  juste  et  plus  nalurel  de  Inis- 
ser  a  la  garde  affectueuse  de  leurs  parents.  Ce  sentiment  est  partagd  par 
un  grand  nombre  de  gens  du  monde,  plus  ou  moins  eclaires,  qui  ne 
savent  pas  que  Paris  Slant  une  ville  exceptionnelle,  tout  y  est  en  dehors 
des  conditions  ordinaires.  Un  individu  de  I’espece  dont  il  s’agit,  qui, 
dans  tout  autre  lieu,  ne  gene  personne,  parce  qu’il  vit  en  quelque  sorto 
sous  les  yeux  de  lous,  surveillS,  protege  mSme,  est  ici  un  etre  incom¬ 
mode  et  dangereux. 

Supposes  une  de  ces  immenses  ruches  humaines ,  oil  chacun  a  sa 
case,  mais  si  rapprochSe  de  celle  de  son  voisin,  qu’il  semble  quo  I’on 
soil  de  la  memo  famille.  Dans  une  de  ces  cases,  a  cStS,  au-dessus  ou 
au-dessous,  n’importe ,  est  un  malheureux  idiot  ou  un  vieillard  en  de- 
mence  senile.  Sous  certaines  influences,  ilpoussedes  cris  oudes  gemisse- 
ments  qui retentissent  dans  la  case  voisine,  dontil  trouble  le  repos.  Aussi- 
tflt  de  courir  chez  le  proprietaire,  de  porter  ses  plaintes  partout,  d’exagerer 
memo  les  craintes,  et  de  fatiguer  le  commissaire  de  police  jusqu’a  ce 
que  le  malheureux  soil  expulse  ou  place  dans  un  ctablissement  public. 

Cost  a  la  famille,  direz-vous,  a  surveiller  ses  membres.  D’accord  ; 
mais  etoufferez-vous  la  voix  de  I’insense ,  qui  n’a,  lui ,  ni  conscience  de 
son  etat,  ni  souci  du  repos  des  autres  2  Si,  en  outre,  les  membres  utiles 
de  la  famille  sent  obliges  de  chercher  au  dehors  des  moyens  de  subsis- 
tance,  qui  exercera  la  surveillance  dont  vous  parlez?  11  y  a  done  dans 
cette  situation  ,  qui  est  generale  a  Paris,  une  cause  reelle  de  trouble  ;  et 
s’il  prend  fantaisie  au  pauvre  idiot  ou  dement,  fatigue  de  sa  sequestra¬ 
tion,  de  franchir  le  seuil  de  sa  case,.de  descendre  dans  la  rue  et  de 
s’en  aller  a  la  grace  de  Dieu ,  ce  qui  se  produit  frdquemment ,  qu’en 


POLICE  MfiDICALE, 


365 


adviendra-t-il?  AprSs  avoir  couru  le  danger  d’etre  renversd  ou  vole,  il 
sera  heureux  s’il  cn  est  quitte  pour  fitro  arrdle  eomme  un  vagabond 
et  envoye  au  d^pflt  de  la  prbfeeture  de  police ,  jusqu’a  ce  qu’il 
soil  rfeclamd  par  sa  famille,  que  sa  disparition  aura  plongee  dans  le 
ddsespoir. 

e’est  pour  n’avoir  pas  tenu  comple  de  ces  ndeessites,  ou  pour  les 
avoir  ignorecs,  que  quelques  hommes,  ayant  d’aillcurs  du  merite  ,  out 
commis  les  plus  graves  erreurs.  11s  ont  prdtendu  raisonner  de  Paris 
eomme  d’une  ville  ordinaire,  et  d’aprfes  ce  qu’ils  avaient  observd  sur  le 
lout  petit  theatre  oil  ils  avaient  joue  un  grand  rdle. 

Done,  I’ordre  public  et  la  sOretd  des  personnes  pouvant  6tre  compro- 
mis,  qui  est  celui  qui  a  mission  de  prevenir  le  danger  ?  Le  prefet  de  po¬ 
lice.  C’est  done  a  bon  droit  que  la  loi  lui  a  confie  le  soin  d’en  faire 
I’application.  Les  infortun^s  dont  je  remplis  les  asiles,  rfipond-il  a  I’ob- 
servationdo  noire  porsonnage,  sont  prives  de  raison  ;  vous  en  convenez.. 

Si  leur  presence  au  iniheu  do  leur  famille  pout  se  concilier  avec  I’ordre 
public,  je  les  y  laisse  ;  mais  si,  au  contraire,  ils  sont  un  danger  ou  une 
cause  de  trouble,  en  verlu  des  pouvoirs  dont  la  loi  m’a  invest!,  et  sous 
ma  responsabilite ,  je  les  enferme.  Le  reste  vous  regarde.  Vous  files 
assistance  publique.  Je  vous  charge  un  peu,  il  est  vrai ;  mais  rendez-moi 
celte  justice  que  je  menage  vos  intfirfits  avec  autant  de  sollicitude  que 
vous.  N’est-ce  pas  moi  qui,  pour  alleger  vos  charges,  poursuis  avec 
activite  le  rapatriement  des  alifinfis  etrangers  a  la  France,  et  vous  fourriis 
de  prficieux  documents  pour  ctablir  le  domicile  de  secours  des  alifinfis 
etrangers  au  dfipartement  de  la  Seine  ? 

Cette  question  d’origine  et  de  domicile  de  secours  est  d’une  grande 
importance  pour  les  intfirfits  de  la  ville  de  Paris.  Le  prix  de  revient  d’un 
alienfi  (homme),  a  Bicfitre,  fitant  de  1  fr.  85  par  jour,  et  de  1  fr.  50 
pour  une  femme  a  la  Salpetnere .  il  est  facile  de  comprendre  I’intfirfit 
qu’a  le  dfipartement  de  la  Seine  a  rejeter  sur  qui  il  appartient  les  de- 
penses  d’un  malade  qui  n’y  a  pas  acquis,  par  un  sfijour  non  interrompu 
d’une  annfie,  le  domicile  de  secours. 

La  question  est  plus  inlfiressante  encore  quand  il  s’agit  d’un  ctran- 
ger.  Nous  n’entendons  phs  parler  des  fitrangers  riches.  Ceux-ci  ,  s’ils 
sont  malades,  savent  bien  se  faire  soigner  a  leurs  frais,  et,  par  consfi- 
quent,  I’autorite  n’a  rien  a  voir  dans  leurs  affaires.  Ce  sont  les  malheu- 
reux  qui  nous  occupent,  les  malheureux  qui,  dans  tons  les  pays  du 
monde,  privfis  de  ressources,  tombent  a  la  charge  du  public.  Le  diflicile 
n’est  pas  de  constater  leur  indigence  ,  mais  d’etablir  leur  nationalitfi ; 
car  ils  sont  le  plus  souvent  depourvus  de  papiers,  et,  quand  ils  cn  ont, 
livrets,  passeports,  certilicats,  les  noms  propres  y  sont  si  defigurfis,  que 
c’est  encore  un  travail  considfirable  pour  en  rfitablir  I’orthographe.  11 
ne  sufTit  pas,  pour  ouvrir  des  nfigociations  a  ce  sujet,  d’fitre  a  peu  pres 
fixe  sur  la  nationalitfi  du  malade,  il  faut  en  fournir  la  preuve  ;  il  faut,  par 
consfiquent,  produire  une  piece  incontestable,  au  moyen  do  laquelle  on 
puisse  dire  a  ungouvernement :  cet  homme  vous  appartient ;  void  a  quel 
signe  vous  le  reconnaltrez.  C’est  par  le  ministre  des  affaires  fitrangeres 
que  sont  conduites  les  nfigociations ;  mais  c’est  au  prefet  de  police  a  en 
preparer  le  travail  que  lui  seul  peut  niener  a  bonne  fin  a  cause  des 
moyens  dont  il  dispose. 


S66 


POLICIS  MfiDICAtE. 


Vous  avez  fitabli  I’origine  de  I’alifine  ;  o’est  Men.  Voub  savez  qu’il 
appartient  a  tel  ou  tel  pays.  Mais  est-oe  assez  pour  que  son  pays  lui  ouvre 
les  bras?  Point  du  lout.  La  legislation  en  malMrede  rapatriement varie 
d’un  Etat  a  I’autre.  Les  uns  s’y  refusent  d’uno  maniere  absolue,  oomme 
la  Russie  et  Rome ;  les  autres,  lels  que  la  Prusse,  renient  leurs  enfants 
qpres  uii  sejour  de  dix  ans  en  pays  etranger.  Dans  le  grand-duoli6  de 
Bade,  tout  individu,  dont  la  mere  s’est  mariee  a  I’dtranger,  sans  I’auto- 
risatiou  des  autoriles  badoises,  a  perdu  la  jouissanoe  do  ses  droits  civils, 
et,  par  consequent,  son  droit  aux  seoours  publics;  en  BavMre  ,  il  est 
declare  illegilime.  Ce  sont,  en  general,  les  gouvernements  les  plus  libc- 
raux  qui  montrent  le  plus  d’empresseraent  a  dtendre  leurs  mains  protec- 
trices  sur  leurs  sujets  malhourcux. 

Ce  n'est  pas  tout  de  poiirsuivre,  par  la  voie  des  negociations,  le  rapa¬ 
triement  d’un  aliene ;  il  y  a,  pour  la  ville  de  Paris ,  un  interdt  capital  a 
ce  que  les  negociations  ne  tralnent  pas  en  longueur ;  car  la  plupart 
des  Etats  so  refusent  a  rembourser  les  frais  de  sejour  des  alienes ; 
leurs  sujets,  dans  les  asiles  de  France.  11  en  est  memo,  commela  Bavidre, 
qui  laissent  a  notre  charge  les  frais  de  leur  transport,  apres  que  le  rapa¬ 
triement  a  etd  consenti.  Le  nombre  des  dtrangers  rapatries  par  leurs 
gouvernements,  dans  I’annee  qui  vient  de  fmir,  a  ete  de  60. 

Celui  des  Fran^ais  n’ayant  pas  acquis  a  Paris  le  domicile  de  secours 
et  transferes  dans  les  departements  par  suite  des  negociations  entre  le 
prefet  de  la  Seine  et  sos  collogues  a  dte  bien  plus  considerable;  il  s’est 
dleve  a  207. 

Ces  evacuations  no  suffisant  plus  a  maintenir  I’equilibre  entre  les 
entrees  et  les  sorties,  on  a  etc  amend  a  pratiquer  les  transfercments  sur 
une  plus  gr.inde  echelle,  sans  tenir  compte  du  domicile  do  secours.  Ln 
ndoessitea  commande  cetle  mesure.  U  existe  aujourd’hui,  suivantle  vceu 
de  la  loi,  dans  un  grand  nombre  de  departements,  des  elablissements 
publics  pour  le  traitement  des  maladies  mentales.  Le  prefet  de  la  Seine 
passe  des  marches  aveceux,  en  vertu  desquels  un  certain  nombre  d’alie- 
nds  sont  aussitot  diriges  sur  ces  asiles,  oil  les  frais  de  sejour,  variant 
entre  1  franc  et  1  fr.  25,  sont  de  beaucoup  inferiours  a  ceux  du  departe- 
ment  de  la  Seine.  Ces  transferements,  autorises  par  le  prefet  de  police, 
se  font  par  cunvois ,  au  moyen  des  chemins  de  fer,  sous  la  surveillance 
des  agents  de  I’administration  hospitalidre. 

Pourquoi  autorises  par  le  prefet  de  police  ?  direz-vous  peut-dtre  , 
puisquo  c’est  une  mesure  purement  economique.  Vous  n’avez  pas  oublie 
sans  doute  que  la  sdquestration  de  ces  malades,  ordonnee  par  le  prefet 
de  police,  a  eu  pour  motif  un  interet  d’ordre  public.  Comme  ils  iic 
peuvent  quitter  I’asile  sans  qu’il  se  soil  assure  de  leur  dtat,  il  est  evident 
qu’il  ne  peut  rien  etre  change  a  leur  situation  sans  son  assentiment.  Plu- 
sieurs  d’entre  eux  sont  encore,  soit  comme  condamnes,  soit  comme 
inculpes  ou  prevenus,  sous  la  main  de  la  justice.  Le  prefet  doit  les 
representer  a  sa  requisition.  Comment  pourrait-il  le  faire  s’ils  etaient 
transferes  a  son  insu  dans  un  asile  departemental?  Il  en  est  d’autros 
qui  sont  soumis  a  des  mesures  administratives,  les  filles  publiques,  les 
mendiants  et  vagabonds  libdres ,  les  individus  en  rupture  de  ban,  etc.  ; 
n’est-il  pas  dvident  qu’ils  echapperaient  a  ces  mesures  par  une  transla¬ 
tion  qu’il  n’aurait  pas  autorisde  ?  C’est  pour  cola  que  les  listes  lui  sont 


POLICE  MfimCALE.  367 

soumisds,  et  qu’afires  los  avoir  approuveeSj  il  fait,  toUjours  dans  tin  Irtte- 
rfit  d’ordre  public,  surveiller  lea  departs  des  cotivois. 

Vingt  et  un  de  ces  convois  out  etc  effectues  dans  le  cours  de  I’nnnee 
18(i6  et  out  transporte  575  malados,  268  liomtnes  ot  307  femmes,  dans 
14  etablissements  departementaUx. 

Que  sent  devenus  les  3252  aliends  sequeslres  pendant  cotte  mfime 
anneo  dans  les  asiles  de  la  Seine?  Les  uns  en  sent  sortis  pour  y  renlrer 
de  nouveau,  en  parlie  du  moins,  apresnne  opreuve  infructueuse ;  car  ce 
qu’on  nomme  guerison  n’est  trop  souvent  qu’un  dtat  de  remission  ))1iib 
ou  moins  prolongd.  D’aulres  sont  morls  ;  le  reste  Compose  le  fond  de  la 
population  incurable  des  asiles.  Les  deces  representcnt  le  cinquienio  de 
toule  la  population  des  asiles  publics  et  piives  et  se  rdpartissent  entro 
eux  do  la  maniero  suivnnte  : 


lltcCtre. 


Malndes  fostanl  an  31  docombro  1805 . 

—  onlros  dutis  Ic  couraiit  de  I'annco  1860 . 

—  fiorlis  par  suite  do  guerison,  Iranslatidiis,  I’npalriomcnts. 

Pi'oporliofi,  1  sur  3,14'. 


Proportion,  1  sur  5,G8. 

Clinrcnton. 


Malndes  roslaiit  an  31  ddcciiibrc  1805. 
—  cnli’ds  pendant  I'annee  18GG. 


Proportion. 


571  Homines  295  Femmes  270 

—  123  —  51 

745  Ilommcs  418  Femmes  327 

113  —  77  —  30 

632  Ilommcs  341  Femmes  291 

79  —  GO  —  19 

1  s.  8  —  1  sur  5,00  —  1  sur  15 


Etjil»lij!iscincnts  prives. 


Malades  rostantau31  dceembre  1805. 
—  cnlrcs  pendant  I'anndc  1800.  . 

Total.  .  .  . 


027  Honimes,  293  Femmes  334 

GOO  —  340  —  200 

1227  Hommes  033  Femmes  504 


784  Hommes  397  Femmes  387 
129  —  88  —  41 


1  sur  0,08  —  1  sur  4,05  —1  sur  9,43 


368  POLICE  MtolCALE. 

Ces  chiffres  sent  enormes,  sans  doute  ;  mais  ils  n’ont  rien  d’exorbi- 
tant.  Supposes  un  homme  d’line  constitution  energique,  servie  par  des 
organes  cerebraux  sains  ot  vigoureux,  il  defiera  les  ans.  Prenez,  au 
contraire,  un  corps  use  par  le  travail  et  les  plaisirs  ;  si  le  cerveau,  instru¬ 
ment  de  sa  puissance,  vient  a  lui  faire  ddfaut,  11  tombe  comme  une  masse 
inerte.  Une  partie  des  individus  qui  peuplent  les  elabllssements  d’alienes 
sont  dans  cette  condition  deplorable.  Dans  les  asiles  prlves,  les  condi¬ 
tions  materielles  etant  meilleures,  la  moyenne  des  ddces  est  moins -forte. 
Mais  I’asile  public  est  I’asile  du  pauvre.  Le  pauvre  a  souffert  de  deux  ma- 
nieres,  par  sa  pauvretd  et  aussi  par  les  cxces.  Lorsqu’il  arrive  dans  ces 
lieux  de  douleur  ,  les  sources  de  la  vie  sont  presque  dpuisdes.  Voila  ce 
qui  explique  la  difference  de  mortalite  entre  les  uns  et  les  autres. 

Les  etablissements  d’aliencs  ont  subi  d’importantes  ameliorations, 
mais  le  dernier  mot  n’est  pas  dit  encore ,  tant  s’en  faut.  Augmenter  le 
bien  etre  materiel  et  moral  de  leurs  tristes  habitants  paratt  6tre  le  but 
oil  tendentles  efforts  de  I’administration.  La  question  ostdigne,  enelfet, 
de  la  plus  sdrieuse  attention  et  meriterail  seule  un  long  article,  maisclle 
ne  rentre  pas  dans  notre  plan.  Nous  nous  elions  propose  de  demonlrcr 
que  la  loi  de  1828  garantit  suifisammentl’individu  etla  societc  et  qu’elle 
fonctionne  ici,  a  Paris,  sous  nos  yeux,  avec  toute  la  mesure  convenable. 
Cela  fait,  notre  tacbe  est  terminee, 

(Arc/iivcs  gene'rales  de  mddecine,  mars  1867.) 


VARIETES. 


NOMINATIOHS. 


Viennont  d’etre  nommds  : 

Medecin  de  I’une  des  sections  d’alicndos  de  la  Salpfitrifire  (Seine),  en 
romplacement  de  M.  Falret,  demissionnaire,  M.  le  docteur  Aug.  Voisin, 
nuidecin  de  Bic6tre ; 

Medecin  de  Tune  des  sections  d’alidnfis  de  Biefitro  (Seine),  en  rom¬ 
placement  de  M.  Aug.  Yoisin,  M.  Lcgrand  du  Saulle,  ancien  interne  de  la 
maison  de  Charcnlon ; 

Medecins  de  I’asile  Sainte-Anne,  a  Paris  (places  credos),  M.  le  docteur 
Dagonet,  mddecin  en  chef  de  I’asilo  de  Stephansfeld  (Bas-Rhin)  (division 
des  hommes),  et  M.  le  docteur  Prosper  Lucas,  mddecin  de  Bicdtre  (divi¬ 
sion  des  femmes); 

Medecin  de  I’une  des  sections  d’alienes  de  Bicdtre,  en  romplacement 
de  M.  Pr.  Lucas,  M.  le  docteur  J.  Falret,  ancien  interne  des  lidpitaux  de  . 

Mddecins  du  bureau  d’admission  annexe  a  I’asile  Sainte-Anne,  MM.  les 
doctenrs  Magnan  et  Bouchereau,  anciens  internes  des  hopitaux  de  Paris; 

Mddecin  en  chefde  I’asile  de  Stephansfeld,  M.  le  docteur  Hildenbrand, 
directeur-medecin  de  I’asile  de  Saint-Alban  (Lozere) ; 

Mddecin  prepose  responsable  du  quartier  d’ali^nes  de  Niort,  en  rem- 
placement  de  M.  le  docteur  Charribre,  non  acceptant,  M.  le  docteur 
Lagardelle,  mddecin-adjoint  de  I’asile  de  Bordeaux  ; 

Medecin-adjoint  de  I’asile  de  Quatremares  (Seine-lnferieure),  M.  le 
docteur  Lagarosse,  mddecin-adjoint  de  I’asile  d’Armentiercs. 

—  L’asile  Sainte-Anne,  dont  la  direction  provisoire  a  dte  conflee  d 
M.  le  docteur  Girard  de  Cailleux,  inspecteur  gdndral  du  service  des 
abends  assistes  de  la  Seine,  ouvrira  tres-prochainement.  —  Les  medecins 
resideront.a  I’asile,  et  il  leur  est  expressdment  defendu  de  faire  de  la 
clientele  au  dehors  et  de  participer  a  un  litre  quelconque  a  la  direction 
administrative  ou  medicate  d’un  asile  prive.  Ceux  charges  du  service  de 
I’asile  proprement  dit  recevront ,  parait-il ,  un  traitement  annuel  de 
8000  francs,  et  ceux  du  bureau  d’admission,  de  2500  francs,  non  com¬ 
prises  les  indemnites  de  chauffage  et  d’eclairage.  II  y  aura  de  plus,  a 
Sainte-Anne,  un  pharmacien  en  chef  a  3000  francs  et  qnatre  internes 
a  800  francs,  deux  eu  mddeoine  et  deux  on  pharmacie,  qui  recevront 
en  outre  les  allocations  en  nature  ordinaires. 

Nous  ne  savons  point  encore  quel  sera  le  veritable  caraetdre  de  I’asile 
Saint- Anne,  ni  comment  il  fonctionnera. 

Le  service  des  abends  assistds  de  la  Seine  sera,  il  la  mfime  epoque, 
transferd  des  bureaux  de  I’assistance  publique  dans  ceux  de  la  prefec¬ 
ture  dela  Seine  (direction  ddpartemontale,  3“  section,  1“*'  bureau). 
ANNAL.  Mfib.-psvcu.  A”  scrie,  t.  ix.  Mars  1807  12.  24 


370 


VARlfiTfiS. 


NfiCROLOGTE. 

La  Societe  miSdico-psychologique  vient  de  perdre  un  de  ses  mcmbres 
correspondants,  et  le  service  des  alidads  un  de  ses  mddeoins  qui,  parmi 
les  plus  jeunes,  donnait  les  meilleures  espdrances. 

M.  le  docteur  Kuhn,  mddecin  en  chef  hors  cadre,  en  mission  dans  la 
Haute-Savoie,  vient  de  succomher  a  une  longue  el  cruelle  maladie,  con- 
Iroclde  dans  I’accomplissement  de  ses  fonctions. 

Ancien  interne  a  Mardville,  raddaills  d’or  du  prix  Esquirol,  en  1860, 
nomine  medecin-adjoint  a  I’asile  de  Pau  en  186d,  M.  Kuhn  fut  au  mois 
ue  mai  de  cette  meme  amide  detache  a  Moraine,  coinme  adjoint  a 
M,  I’inspecteur  gdndral  Constans,  qui,  pour  la  seconde  fois,  dtait  charge 
par  3.  Exo.  M.  le  miniatre  de  I’interieur  d’aller  prendre  les  mesures 
ndcessaires  centre  rdpiddmie  morale  qui  avail  deja,  en  1861,  sdvi  sur 
cette  commune  el  qui  venait,  sous  I’influence  des  mdmes  causes,  d’y 
reparaitre  avec  un  redoublement  d’intensild. 

M.  Kuhn  ne  tarda  pas,  par  son  savoir,  son  able,  son  activitd  infati- 
gablc,  a  prouver  a  M.  Constans,  qu’il  avail  eu  la  main  hcureuse,  en  le 
choisissant  pour  collaborateur  ;  I’dpiddmie  fut  vaincue  de  nouveau ; 
mais  elle  pouvait  renattre  encore,  si  une  surveillance  active,  inccssam- 
ment  exerede,  n’dtait  longlemps  maintenue  au  foyer  du  mal,  si  des  soins 
immddiats  n’dtaipnt  toujours  possibles. 

Pour  continuer  cette  mission,  dans  ces  conditions  nouvolles,  il  fallait 
un  liomme  jeuno ; 

Le  savoir,  Ic  able,  n’eusseut  point  sufTi,  si  I’amour  du  devoir,  un  coour 
plein  de  oharild,  un  caractere  franc,  mais  ferme,  n’y  eussent  dtd  reunis  ; 

Bonne  et  heureuse  nature,  M.  Kuhn  possedait  tout  cela  :  aussi  fut-il 
Choisi  pour  continuer  seul  I’oeuvre  a  laquelte  rl  avait  pris  une  si  large 

'  Ce  choix  dtait  un  honneur  pour  I’homme  et  pour.le  mddecin,  mais 
e’etait  un  exil. 

Quitter  le  doux  climat  de  Pau,  renoncer  a  la  vie  d’une  ville  animee, 
pour  aller  s’ensevelir  dans  une  gorge  de  montagiies,  sous  la  neige  pen¬ 
dant  sept  ou  huit  mois  de  I’annde,  dans  une  boiirgade  sans  ressources 
aucunes,  ou  il  faut  vivre  tie  la  trop  frugal©  vie  de  sds  pauvres  habitants, 
demandait  une  somme  d’abndgntion  devartt  laquelle  nd  recUlA  piJint  le 
ddvouemont  de  M.  Kuhn  ; 

II  y  a  passd  deux  ans. 

Comme  les  hdroiques  soldats  auxqfuels  on  disait  :  Ddfedtldz  ce  passage, 
vous  vous  ferez  tuer,  et  I’armde  sera  sauvde; 

Stoique  soldat  de  la  science  et  de  la  charitd  mddieale,  malgre  toutes 
les  privations  et  de  cuisants  chagrins  ;  malgrd  la  maladie,  sans  secours 
et  sans  se  plaindre,  il  est,  lui  aussi,  restd'  a  son  posto  jusqu’d'  la  mort ; 

Car  si  sa  triste  situation  fut  connue,  ce  na  fut  pas  lui  qui  la  rdvdla,  et 
il  ne  quitta  Morzine,  il  y  a  un  mois  d  peine,  qu’avec  un  congd  qui  lui  fut 
a  peu  pres  impose. 

Mais  il  dtait  trop  tard  ; 

Ses  forces  dpuisdes  ne  lui  permirent  pas  de  ddpassef'  Thondtl,  G’eSt  la 
qu’il  vient,  le  13  mars,  de  terminer  sa  trop  courte,  mais  honorable  car- 


VARlfiTfiS. 


371 


Laissant  une  jeune  veuve  doHt  iioilS  igrlorohs  Ics  ressourcos,  mais  qui, 
nous  n’en  doutons  pas,  sera,  si  besoin  est,-  adoptde  par  le  corps  entier 
des  rnddecins  alienistes.  A.  C. 

—  Nous  avons  le  regret  d’annoncer  !a  niort  de  M.  le  docteur  Yerori, 
ancien  medecin  en  chef  des  assies  de  Ddle  et  de  Mareville,  menibre  cor- 
respondant  de  la  Societe  medico-psycholbgique. 

—  Les  journaux  anglais  nous  apprennent  la  mort  d’un  savant  alieniste, 
Alex.  Sutherland,  medecin  consultant  de  I’hdpital  Saint-Luke. 

ASILES  D’AL1^:N^;S. 

Nous  empruntons  les  passages  suivanls  a  I’exposd  de  la  situation  de 
I’Empire  presente  rdeemment  au  Senat  et  au  Corps  Idgislatif. 

—  Matson  impdriale  de  Charenton.  —  Les  travaux  projetes  depuis 
longtemps  pour  la  reconstruction  d’une  partie  de  la  maison  imperiale  de 
Charenton  ont  etc  comnneneds  cetle  annee.  Le  quartier  des  femmes,  qui 
menafait  ruine,  sera  rdedifie  completement,  et  Ton  inti’Oduira  dans  les 
nouveaux  amenagements  les  ameliorations  et  les  perfection  nements  dont 
la  science  et  I’expdrience  ont  fait  reconnattre  I’eflicacitd. 

—  Service  des  alidHds.  —  D’importanles  decisions  ont  die  prises,  en 
1806,  en  faveur  du  service  des  aliencs.  L’Ardeche,  le  Morbihan,  le 
Tarn-et-Garonne,  ont  autorisA  I’dtude  prdparatoire  de  projels  ayant  pour 
but  la  fondation  d’asiles  ddpartementaux.  A  Lyon,  oil  le  service  hospi¬ 
taller  de  I’Antiquaille  est  si  .defectueux,  le  conseil  general  a  void  la 
creation  d’un  etablissement  de  1200  malades  extra  muros.  Les  pre¬ 
miers  mois  de  1867  verront  s’ouvrir,  dans  I’Aisne,  I’asile  agricole  de 
Premontre,  et  a  Paris,'  I’asile  clinique  de  Sainte-Anne.  Le  departeraent 
de  la  Mayenne  a  consacre  70  000  francs  a  I’achevement  des  construc¬ 
tions  de  I’asile  de  la  Roche-Gandon.  Les  conseils  generaux  d’llle-et- 
Vilaine  et  du  FinistOre  ont  vote  deux  emprunts  pour  I’agrandissemont 
des  deux  maisons  d’aliends  de  Saint-Meen  et  de  Saint-Athanase.  Enfin, 
la  Seine-lnferieure  a  decide  la  translation  de  I’asile  de  Saint-ton  hors 
des  murs  de  Rouen,  et  son  adjonction  a  I’asilc  de  Quatremares.  Cot 
ensemble  de  raesures  permettra  de  donner  une  satisfaction  plus  large 
aux  intArOls  des  malades  et  des  families. 

Lot  du  18  juillel,  —  En  ce  qui  touche  le  service  des  aliends,  la  loi  du 
18  juillet  a  confefA  aux  cbnseils  generaux  d’itnportantes  atlfibulions.  Sous 
le  regime  de  la  loi  du  30  juin  1838  et  du  decret  du  25  mars  1852,  la 
dcpBnse  des  aliOues  indigents  Atail  reglee  par  le  prefel.  Ce  droit  appar- 
tient  a'ujourd’hui  aU  Chnseil  gAnAral,  qui  fixe  Ogalement,  dans  les  asiles 
departementaux,  les  frais  de  transport  et  ceux  de  sejour  proviSoire  des 
alienes,  le  tarif  des  pensions  et  la  part  proportionnelle  laissfie  a  la  charge 
des  cohamunes  et  des  families.  Par  une  consequence  necessaire,  le  regle- 
itieht  des  budgets  et  I’appfobation  des  comptes  de'  ces  mOmes  asiles  lui 
appartienneht  aussi.  Enfm,  e’est  aux  conseilS  gOnefaux  qu’est  maintenant 
rkervAe  1’ approbation  des  traitOs  passAS  entre  les  dApartemertts  et  Ids 
Atablissements  publics  ou  privAs. 

Ces  attributions,  exolusivement  financieres,  laisSentd’ailleurs  subsister 


372  VARIfiTfiS. 

celles  qui,  en  vsrtu  des  principes  antdrieurs,  et  par  la  nature  meme  dos 
choses,  appartiennont  a  I’autorite  publique.  Sur  les  questions  de  per¬ 
sonnel,  de  police,  d’ordre  public,  de  liberte  individuelle  et  do  stiretc 
des  personnes,  faction  du  ministre  responsable  est,  en  elTet,  la  seulc 
qui  puisse  regulierement  et  utileraent  s’exercer.  Aussi,  comme  I’a  expli- 
que  le  rapporteur  do  la  commission  legislative,  la  loi  nouvolle  a-t-cllc 
limite  la  competence  du  conseil  general  aux  matieres  fmancieres,  en 
maintenant  expressement  a  I’autorite  superieure  la  direction  des  asiles. 

L’organisalion  gdnerale  du  service  n’en  a  pas  moins  6t6  profondd- 
ment  modifide;  mais  I’excellent  esprit  des  conseils  gdndraux,  la  con- 
naissancc  parfaile  qu’ils  ont  tous  des  besoins  dc  cetle  branche  do  I’as- 
sistance  publique,  devaient  rendrc  la  transition  facile.  Sur  presque  tous 
les  points,  les  rdsuUals  de  la  session  ont  etc  trcs-salisfaisants. 

Deux  questions  seulement  ont  etc  soulevdes  ;  Tune,  relative  aux 
besoins  imprdvus  qui  peuvent  se  reveler  en  cours  d’exercice,  sera  aisd- 
ment  resolue  par  I’ouverlure  d’un  credit  de  reserve,  ainsi  quo  plusieurs 
conseils  gdndraux  en  ont  ddja  pris  I’initiative  en  favour  du  service  des 
chemins  vicinaux  ;  I’autre,  plus  importarite,  se  rapporle  a  la  dotation 
des  asiles  et  a  la  necessite  de  inaintenir  dislincls  de  la  caisse  et  du 
budget  departemental  le  budget  et  la  caisse  des  asiles  publics. 

Cette  doctrine,  coiiforme  aux  principes  gdndraux  etablis  par  la  loi  du 
30  juin  1838  et  I’ordonnance  du  18  ddcembre  1839,  so  iustifie  par  les 
conditions  memes  de  1’ existence  des  asiles ;  elle  ne  fait,  d’ailleurs,  quo 
reproduire,  a  I’dgard  des  ddpartements,  les  rapports  qui  existent  entre 
les  hospices  et  les  communes,  en  matiere  d’adminislration  et  de  compta- 
bilitd.  C’est  la  un  point  essentiel  qui  ne  merite  pas  moins  I’altention  des 
conseils  gdndraux  que  celle  du  gouvernement. 

—  Detenus  aliends.  —  Nous  nous  empressons  de  publier  uno  circu- 
laire  quivient  d’dtre  adressde  a  tous  les  prdfets  dc  I’empire. 

Paris,  lo  28  fcvrier  1807. 

Monsieur  le  prdfet,  par  une  circulaire  en  datedu  7  ddcembre  1864, 
mon  prdddcesseur  vous  a  recommandd  de  soumettre  a  son  approbation 
les  arretds  qui  ordonnent  le  placement,  dans  les  asiles,  des  condamnds 
reconnus  alidnds  pendant  la  durde  de  leur  ddtention. 

Quelques-uns  de  vos  collegues  ont  pensd  qu’ils  devaient  surseoir  au 
placement  des  condamnds  alidnds  dans  ces  dtablissements  jusqu’a  ce  que 
la  mesure  ait  regu  mon  approbation.  C’est  donner  a  la  circulaire  du 
7  ddcembre  1864  une  interpretation  que  ne  comportent  ni  son  texte,  ni 
son  esprit.  Des  considdrations  d’humanitd  doivent  au  contraire  faire  un 
devoir  a  I’administration  de  decider  que  les  detenus  qui,  a  I’avenir, 
auront  dtd  reconnus  alidnds,  seront  envoyes  immddiatement  dans  les 
asiles  pour  y  recevoir  les  soins  qu’exige  leur  dtat.  C’est,  en  effet,  dans 
les  debuts  de  I’affection  mentale,  que  le  traitement  4  appliquer  a  I’alid- 
nation  peut  avoir  le  plus  de  chance  de  succds.  Vous  aurez  seulement 
a  m’intormer  de  chaque  placement  des  qu’il  aura  dtd  effectud  en  mo 
transmettant  une  copie  de  voire  arretd  accompagnde  du  certificat  du 
mddecin  cxigd  par  ma  circulaire  du  8  novembre  1865. 

L’examen  de  ces  ccrtificats  m’a  amend  a  reconnaitre  que  les  demandes 


VAUlfiTfiS. 


373 


de  translation  dans  les  asiles  etaient  le  plus  souvent  motivces  sur  le 
trouble  quo  la  presence  de  I’alidnd  apportait  dans  I’ordre  et  dans  la  tran- 
quillite  de  la  prison,  ou  bien  sur  les  dangers  que  son  maintien  sous  les 
verroux  pouvait  amener,  soil  pour  sa  vie,  soil  pour  celle  de  ses  eo- 
ddtenus. 

11  n’est  pas  besoin  de  considerations  de  cette  nature  pour  determiner 
le  placement  d’un  eondamnd  aliene  dans  un  asile. 

Ce  placement  doit  avoir  lieu  des  que  I’alienation  est  reconnue,  quels 
que  soient  son  caraetere  et  son  intensite. 

Lorsqu’on  se  trouve  en  presence  d’un  homme  prive  de  sa  raison,  les 
intor6ts  de  la  repression  disparaissent  pour  faire  plaee  aux  sentiments 
de  eommiseration  qu’une  pareille  infortune  excite  dans  tons  les  esprits. 

Recevez,  monsieur  le  prdfet,  I’assurance  de  ma  consideration  tres- 
distingude. 

Le  ministre  de  I’intdrieur, 

Sigm  :  Lavalette. 

Prlx  dc  I’Acadtiiiie  Imperlalc  dc  medeclnc  de  Paris. 

L’Acaddmie  a  re^u,  avant  le  dclai  voulu,  pour  le  concours  de  prix  de 
1867,  les  travaux  suivants  : 

Prix  Civrieux. —  N°  1.  Spigraphe  :  a  Diis  quidem  immortalibus  qua; 
potest  liomini  major  esse  poena  furore  atque  (Cicero). 

N"  2.  Chez  le  dement,  I’intelligence  s’use  d’abord,  puis  I’instinct; 
I’homme,  ainsi  rdduit,  fmit  par  ne  plus  dtre  qu’un  estomac  (Guislain). 

{Comm. :  MM.  Baillarger,  Cerise,  Falret,  Jolly,  Roger.) 

Prix  Hard.  —  Des  maladies  mentales;  Traite  des  ddgdnerescences 
de  I’espece  humaine ;  Du  goitre  et  du  erdtinisme,  par  M.  Morel. 

Prix  Godard.  —  1“  fitudes  physiologiques  et  pathologiques  sur  le 
ramollissement  cerebral,  par  MM.  J.  L.  Prevost  et  J.  Cotard. 

2“  fitude  mddico-ldgale  sur  la  simulation  de  la  folie,  par  le  docteur 
A.  Laurent. 


PKIX  DE  LA  SOClfiTfi  MfiDICO-PSYCHOLOGIQDE. 

Prix  Andrd.  —  Dans  la  sdance  du  25  fdvrier  dernier,  la  Societd 
mddico-psychologique  a  donnd  le  prix  Andrd,  de  la  valeur  de  1000  fr., 
a  M.  le  docteur  Campagne,  mddecin  en  chef  de  I’asile  d’alidnds  de 
Montdevergues  (Vaucluse),  pour  un  travail  sur  la  Folie  raisonnanle- 

Prix  Aubanel.  —  La  Societd  mddico-psychologique,  dans  la  sdance 
du  29  janvier  dernier,  a  mis  au  concours,  pour  1868,  la  question  sui- 
vante  :  Des  accidents  convulsifs  dans  la  paralysie  gindr^e.  Ce  prix 
sera  de  la  valeur  de  800  francs. 

Les  radmoires  devront  dtre  adresses,  avant  le  31  octobre  1868,  a 
M.  le  docteur  Loiseau,  secretaire  gdndral  de  la  Socidld,  rue  Vieiile-du- 
Temple,  26. 

Nous  rappelons  que  pour  le  prix  de  1867,  de  la  valeur  de  1 600  francs, 
dont  le  programme  ddtailld  a  did  reproduit  a  la  page  310  du  tome  VII, 
sdrie,  1866,  des  Annales  medico  -  psychologiques ,  les  memoires 
doivent  dtre  envoyds  avant  le  31  mars  1867. 


374 


VARlfiTfiS. 


PWX  ESQUIROL. 

Ce  prix,  consistant  en  uiie  medaiUe  d’or  de  |a  valeur  dp  200i  frpncs  et 
un  exemplaire  d.u  Tr^ite  des  maladies  mentales  d’|)sqp(ro(,  est  donpd 
chaque  annee  au  meilleur  mcmoire  sur  un  sujet  de  pathologie  mentale 
au  choix  des  concurrents.  Les  propositions,  emises  dans  ce  memoire 
doivent  etre  juslifides  par  quince  3  vjngt  obserYatiqns  cliniqpes  detaii- 
lees. 

Ce  prix  est  destine  plus  particuHerement  aux  internes  des  asiles  d’a- 
lienes  et  aux  jeunes  docteurs  s’adonnant  a  I’etude  de  la  fo.iie  et  des 
affections  nerveuses. 

Les  mdmoires  portant  une  epigraphe  et  accompagnes  d’un  pH  renfer- 
mant  la  reproduction  de  cette  dpjgraphe  et  le  nom  de  I’auteur  doivent 
dtre  remis,  fin  decembre,  au  bureau  des  Annalesmiidico-psyc}),o\e.giq,ms, 
ou  chez  M.  Mitivid,  rue  de  Buffon,  23,  a  Paris. 

Trois  men^oites  ont  dte  epvoyes  pour  le  prix  Esquirol  de  18R6;  ils 
portent  pour  titre  : 

Le  premier  :  Dos  ossi^caCions  de  la  dure-mere  {pachymdnmgile  os- 

Le  deuxieme  :  L’inegglite  du  poids  des  IpimispMres  cir^brmx  n'esl 
pas  sp^ciale  a  I’epilepsie; 

Le  troisieme  ;  De  la  demence  papalytique  primilive  au  point  de  vue 
de  sa  marclie  el  de  sa  frdquetkpe.  relative.. 

{Qomm.  MM.  Mitivid,  Trelat,  Baillarger,  Lunier  et  Motet.) 

FAITS  DIVERS. 

—  Congres  alieniste  international.  —  Bn  congres  alidniste  inter¬ 
national  aura  lieu  a  Paris,  a  I’occasion  de  I’Exposition  uiiiverselle.  Les 
priocipales  seances  de  ce  congres  ont  dtd,  fixdes  aux  10,  12  et  ^4  aout. 
On  trouvera  a  la  page  293  ci-dessus  les  resolutions  adoptees  a  ce  sujet 
par  la  Socidtd  mddico-psjchologique  dans  sa  derpiera  |d;3?ee. 

—  La  Socidtd  de  patronage  des  abends  sortis  gudris  des  hospices  de 
la  Salpetridre  et  de  Bicdtre,  fovmge  spus  la  prdsidence  de  monseigneur 
I’archevdque  de  Paris,  a  tehu'  son  assemblde  de  ciaritd  le  dimanche 
10,  mars  d  pre.cisos,  en  I’dglisp,  Saint- 

Germain  djes  Pr^s,. 

—  Bne  so,ciete  nredicocpsychologique.  vient  de  se  former  a  Berlin.  Elle 
a  elu  president  M.  \V.  Griesiilger,  professeur  de  mddecine  a  I’Oniversrtd, 
et  secretaire  le  K  Westpbat.  La, '  socidtd  tient  ses  sdances  tons  l,es  mois 
et  refoit  des  communications  dtrangeres. 

—  Altaque  dirigde  centre  un  mddecin,  —  Inlernement  dans  unasite 
d’alidnds.  —  Sortie.  —  RSinlegration  dans  Vdsile  apres  trois  annees 
e'couides.  —  Nouvelle  sortie.  — Demande  de  10  000  francs  dedommages- 
inlerdts  formie  contre  le  mddecin.  —  Publication  d’un  memoire.  — 
Suppression.  —  Une  affaire  qui  ressort  par  sa  nature  de  celles  qur  sent 
habituellement  soumises  aux  tribunaux,  se  prdsentait  devant  la  premiere 
ohambre  du  tribunal  de  Uouen  a  I’une  de  ses  dernieres  audiencesi  Un  ho¬ 
norable  docteur  en  mddecine  do  la  ville  d’Elbeuf,  M.  Alfred  Vy,  dtait  assi- 
gne  par  un  de  ses  anciens  clients,  le  sieur  Martin,  qui  lui  reclamait  une 


VARlfiTfeS. 


376 


sorame  de  10  000  francs  a  litre  de  dommages-interOts,  a  raison  du  pre¬ 
judice  qu’il  lui  aurait  caus6  en  le  faisant'  enfermer  deux  fois  dans  un 
asile  d’alien6s  a  I’aide  de  moyens  des  plus  reprdhensibles,  el  alors  que 
rien  ne  justiflait  une  semblable  mesure. 

Martm,  a  I’appui  de  sa  pretention,  avail  publid  un  memoire  dans 
lequel,  sous  le  litre  d’Esoposd,  il  racontait  tous  les  faits  et  tous  ies  actes 
qu’il  imputaif  au  docteur  Alfred  Vy,  et  qui,  suivant  lui,  se  seraient  passds 
tels  qu’il  les  alleguait. 

Non-seulement  M.  Alfred  Vy  repoussait  dnergiquement  la  demande  en 
dommages-interdts  formde  coritre  lui,  mais  encore  il  se  portait  reco.n- 
ventionnellement  demandeur,  et  reclamait  avec  dommages-interdts  la 
su|>pression  du  inemoire  publid  par  M.  Martin,  mdmoire  injurieux  et  dif- 
famatoire  qui  n’avait  ete  imprime  et  distribud  que  pour  s'ervir  des  pas¬ 
sions  mauvaises. 

L’affaire  a  occupd  plusieurs  des  audiences  du  tribunal  et  a  donnd  lieu 
de  part  et  d’autre  a  des  plaidoiries  fort  aninades. 

M“  Leplieux  a  plaidd  pour  M,  Martin  •,  M®  Revelle  s’est  prdsentd  dans 
I’intdret  de  M.  Alfred  Vy. 

Le  tribunal,  aprds  avoir  entendu  M.  Guillet-Desgrois,  substitut  de 
M.  le  procureur  impdrial,  en  ses  conclusions  confdrmes,  a  rejetd  la 
demande  du  sieur  Martin  et  acciieilli  la  demande  reconventionnelle  de 
M.  le  docteur  Alfred  Vy. 

Voici,  du  reste,  le  texte  de  ce  jugement,  qui  fait  parfaitement  con- 
naitre  et  les  faits  dela  cause  et  les  eldments'de  solution  : 

«  Attendu  que  Martin,  tisserand  a  Elbeuf,  prdtendant  qu’ Alfred  Vy, 
docteur  en  mddecine,  I’a  fait  indOment  interner  et  ddtenir  a  deux  dpoques 
diffdrentes,  en  i860  et  1864  dans  I’asile  de  Quatremares,  rdclame  de 
celui-ciune  somme  de  10  000  francs  a  titre  de  dommages-intdrdts ; 

1)  Attendu  qu’ Alfred  Vy  repousse  I’action  de  Martin  comme  raal  fondde 
et  que,  se  portant  lui-meme  re'conventionnellement  demandeur,  il  conclut 
a  la  suppression  avec  dommages-intdrOts  et  publication  dans  les  journaux 
du  jugement  a  intervonir,  du  memoire  imprinie  et  distribuo  par  Martm 
a  i’appui  de  sa  demande ; 

»'  Attendu,  en  fait,  qu’en  1856,  Alfred  Vy  avail  donnd  des  soins  au 
fils  de  Martin  qui  a  succbmbe  a  une  grave  maladie  dont  il  etait  atteint ; 
qii’attribuant  cetle  mort  au  mddecin  qui  I’aurait,  sans  aucun  menage- 
mont,  averti  du  danger  que  courait  son  fils  auquel  il  n’aurait  pu  dissi- 
muler  son  inquidtude,  Martin  avail  voud  a  Alfred  Vy  une  haine  profbnde 
qui,  aprds  s’etre  bornde  d’abord  a  des  injures,  s’dtait,  aprds  quatre 
abn'des,  mamfestde  par  une  violence  grave ; 

»  Que  le  12  novembre  1860,  apercevant  Alfred  Vy  qui  sortait  de 
sa  maison,  il  I’avaH,  en  I’injuriant,  frappd  par  derriere  d'un  coup  de 
navette  A  pointe  de  fer,  coup  qu’ Alfred  Vy  a  rdussi  a  dviter,  mais  qui  a 
percd  et  dechird  ses  vdternents ; 

»  Attendu  qu’interrogd  sur  les  motifs  qui  I’avaient  portd  a  cet  acte 
de  violence,  Martin  a  rdpondu  qu’apercevant  Alfred  Vy  qui  sortait  de 
chez  lui,  il  I’avait  jiris  pour  uh  faiitdme  ;  qu’il  avail  perdu  la  raison  et 
s’dtait  prdcipitc  sur  lui  pour  le  frapper  avec  une  navette,  qu’il  ne  savait 
pas  alors  ce  qu’il  faisait,  qu’il  ne  dbrmait  pas  une  heure  par  nuit  depuis 
la  mort  de  son  fils,  quo  quand  il  fermait  les  yeux,  il  voyait  toujours 


376  VAUifiTfis. 

Alfred  Vy  I’apjjolant  pour  lui  r^v^ler  le  danger  que  courait  son  fils,  et 
que  malgrd  tons  ses  efforts,  il  ne  pouvait  se  debarrassor  de  cette  vision ; 

»  Attendu  qu’un  pareil  interrog:atoire  indiquait  plutut  I’acte  d’un  fou 
que  d’un  coupable,  qu’aucune  peine  ne  frit  prononcde  contre  Martin , 
mais  qu’en  vertu  d’un  arrete  du  maire  d’Elbeuf,  arr^to  rendu  apres 
I’avis  de  deux  mMecins  et  approuve  par  I’autoritd  superieure,  il  fut 
enfermd  dans  I’asile  de  Quatremares,  le  29  novembre  1860  ; 

I)  Attendu  que,  sous  I’influence  de  I’eloignement  et  du  traitemont  auquel 
on  le  souniit  dans  I’asile,  Marlin,  ayant  paru  gueri  de  sa  folio,  sorlit  do 
I’asile ;  mais  qu’assoupie  pendant  quelque  temps,  sa  haiiie  insensdo  so 
reveilla ; 

»  Qu’en  1861,  notamment  le  20  mars,  elle  se  traduisit  de  nouveau 
par  des  injures  et  des  menaces  ;  qu’avant  qu’ello  arrivat  encore  une  fois 
jusqu’aux  violences,  un  deuxieme  arrfite  rendu  par  le  prefet  de  la  Seine- 
Infdrieure,  le  4  avril,  egalement  apres  avis  de  mddecins,  ordonna  une 
deuxieme  fois  I’internement  de  Marlin  dans  I’asile  des  alienes,  d’ou  il  est 
sort!  le  26  juillel  suivant,  sous  sa  promesse  et  celle  de  sa  famille  (pro- 
messe  qui  n’a  pas  etd  tenue)  de  ne  plus  resider  a  Elbeuf ; 

»  Attendu  quo  c’est  dans  ces  circonstances  etablies  par  les  pieces  du 
proces  que  Martin  a  formfi  centre  Alfred  Vy  sa  demande  en  10  000  francs 
de  dommages-interOts ; 

»  Attendu  que  cette  action  est  de  tons  points  mal  fondee ;  que,  d’une 
part,  Alfred  Vy  n’a  rien  fait  autre  cbose  que  se  plaindre  d’une  haine 
insensee  et  violente  qui  troublait  sa  tranquillity  et  mettait  ses  jours  en 
danger;  que,  d’un  autre  cOte,  s’il  a  provoquy  la  vigilance  de  I’autority 
judiciaire  etde  I’autority  administrative  cbargdes  de  pourvoira  la  silrety 
de  tons,  les  mesures  adoptyes  vis-a-vis  de  Martin  ont  yty  prises  dans  les 
limites  de  la  lygalite  et  appropriees  a  I’etat  d’insanity  d’esprit  relative 
dans  lequel  ii  se  trouvait ; 

»  Sur  la  demande  reconventionnolle  d’ Alfred  Vy  en  suppression  de 
mymoire  publiy  par  Martin  en  dommages-intyrets  et  en  publication  du 
jugement ; 

»  Attendu  qu’une  action  si  mal  fondde  et  inteniye  par  Martin  dans 
d’aussi  regrettables  circonstances ,  lui  imposait  au  moins,  dans  ses 
moyens  d’attaque,  la  plus  grande  moderation  et  la  plus  grande  ryserVe ; 
mais  que,  loin  de  la,  le  mymoire  publie  par  lui  ynonce  des  fails  inexacts 
et  faux,  et  contient  contre  le  dyfendeur,  dont  I’honorability  ne  pent  etre 
mise  en  doute,  des  imputations  mensongeres  el  calomnieuses ; 

»  Qu’ainsi  les  rOles  sont  intervertis  :  dans  le  mymoire ,  ce  serait 
Alfred  Vy  qui  aurait  poursuivi  Marlin  de  sa  haine,  alaquelie  se  seraierit 
associyes  et  les  nolabilitys  mydicales  et  I’autority  administrative,  et 
mOme  I’autority  judiciaire,  toutes  deux  complices  au  moins  involontaires 
des  manoeuvres  ourdies  contre  Martin  par  Alfred  Vy. 

)i  Attendu  que  les  insinuations  sciemment  fausses  dirigdes  contre 
Alfred  Yy,  exprimyes  en  termes  blessants  et  injurieux,  en  mOme  temps 
qu’elles  excbdent  les  bornes  d’une  dyfense  honnete,  rdvOlent  un  carac- 
tere  de  malveillance  et  de  spyculation  haineuse  quo  la  justice  doit  repri- 
rner,  sur  la  demande  de  la  partie  intdressye ;  qu’il  y  a  done  lieu  d’ac- 
cueillir  la  demande  reconventionnelle  d’Alfred  Vy; 

»  Par  ces  motifs  ; 


VARlfiTfiS.  377' 

n  Le  tribunal,  M.  I’avocat  imperial  entendu,  joint  la  dcmande  recon- 
ventionnelle  a  la  demande  principale  et  statuant  sur  le  tout, 

»  Sur  faction  principale  : 

»  Declare  Martin  mal  fonde  dans  sa  demande  et  Ten  deboute  ; 

»  Statuant  sur  la  demande  reconventionnelle  : 

»  Prononce  la  suppression  du  memoire  intitule  :  k  Exposd,  »  com- 
mengant  par  ces  mots  :  «  Les  conseils  du  sieur  Martin,  n  et  finissant 
par  ceux-ci  :  «  C’est  cette  tache  qu’il  reste  ii  remplir  si  I’expose  n’y 
sufTit  ddja  » . 

»  Dit  et  juge  quo  pour  valoir  de  dommages-int6rets  a  Alfred  Vy, 
oxtrait  du  present  jugement  sera  public  dans  les  journaux  de  Rouen, 
le  Nouvellisle  et  le  Journal  de  Rouen  et  dans  Ic  Journal  d'Elbeuf,  aux 
frais  de  Martin,  et  le  condamne  aux  depens,  tant  de  la  demande  princi- 
palo  quo  de  la  demande  reconventionnelle  d’ Alfred  Vy.  » 

—  Enlre  Azlees.  —  Si  des  lettres  de  faire  part  annoncant  le  manage 
de  M.  et  madamc  Nunez  arrivent  ces  jours-ci  d’Angleterre  a  quelques 
personnes  de  Paris,  elles  nous  sauront  gre  de  leur  apprendre  que  co 
couple  est  bien  de  leur  connaissance.  M.  et  madame  Nunez,  qui  ont 
regulierement  passe  contrat  a-, 'ant-bier  a  Londres,  devant  un  officier  de 
I’etat  civil,  ne  sent  autres  que  les  Aztecs  dont  la  plupart  des  capitales 
de  I’Europe  ont  resu  la  visite  et  dont  la  fortune  s’est  faite  depuis  le 
31  ddeembre  1840,  jour  de  leur  debarquement  a  New-York,  sous  la 
conduite  de  M.  Velasquez,  qui  les  avail  trouves  dans  I’Amerique  contrale. 
A  cette  6poquo  ils  etaient  bien  jeunes ;  les  savants  qui  s’en  sont  occupes 
aux  fitats-Unis  et  en  Angleterre  declaraient  que  le  garfon  avail  sept  ans 
et  la  fille  six,  qu’ils  n’appartcnaient  pas  a  la  m6me  famille,  ce  qu’on 
roconnaissait  a  la  difference  de  leur  conformation  physique,  et  qu’enfin 
parvenus  aun  agemur,  ils  pourraient  atteindre  une  taille  de  quatre  pieds. 
Cette  derniere  assertion  s’est  verifiee  a  la  lettre ;  les  gens  invites  avant- 
hier  au  banquet  de  'Willisrooms,  ou  les  nouveaux  epoux  avaient  la  place 
d’honneur,  ont  eu  I’occasion  de  voir  que  le  professeur  Owen  et  la  Societe 
ethnologique  ne  se  sont  pas  trompes  sous  ce  rapport.  La  fiancdo  etait 
vetue  d’une  magnifique  robe,  cadeau  qu’elle  tient  du  gouverneur  gdneral 
de  Moscou ;  elle  portait  des  bracelets  superbes  et  d’aulres  bijoux  qu’elle 
a  recueillis  dans  ses  peregrinations. 

(Monileur  du  10  janvler  1867.) 

—  Ees  idiots  de  Bicetre.  —  La  distribution  des  prix  aux  enfants 
idiots  de  I’asile  de  Bicetre  a  eu  lieu  le  7  fevrier  dernier,  sous  la  pre- 
sidcnce  de  M.  Husson,  membre  de  I’lnstitut,  directeur  general  do  I’ad- 
minislration  superieure  de  I’assistance  publique,  en  presence  des  admi- 
nistrateurs  et  des  medecins  de  I’etablissement. 

M.  Husson  a  ouvert  la  seance  par  un  discours  dans  lequcl  il  a  exposfi 
le  but  de  I’institution,  son  organisation  pcdagogiqiie,  et  les  rcsultats 
recemment  obtenus  ;  I’impulsion  donnee  au  travail  profossionncl  lui 
semble  particuliOroment  devoir  etre  encouragee. 

M.  le  docteur  A.  Voisin,  chef  du  service  des  enfants,  lui  a  succiide, 
envisageant  la  question  au  point  de  vue  mddical,  et  precisant  le  triste 
rOlc  que  jouent,  dans  certains  cas  d’idiotie,  les  predispositions  lieredi- 


378 


VARIfiTfiS. 


Apr^s  la  distribfitioh  des  iivres  est  'i'enuo  celle  dos  jouets  et  celle  des 
bonbons.  Memo  pafmi  ces  desbiirites  de  I'intelligence,  les  litres  etaient 
divers ;  niais  tons  ont  eu  uiie  part  aux  largesses  de  I’administration  ;  et, 
qui  a  viicu  au  milieu  d’eux,  sail  tout  ce  qu’un  pared  jour  leur  laiSse  au 
coeur  d’heureux  souvenirs. 

Des  chants  executes  alternativement  par  les  eleves  eux-memes  et  les 
choristes  de  I’orpheon  de  Gentilly,  sous  rhabile  direction  de  M.  Reuct, 
ont  ajoute  a  I’intdret  de  la  sdanee; 

Combien  n’est-il  pas  a  regretler  que  I’institution  de  Bicdtre  et  le  pen- 
sionnat  prive  de  Gentilly  soient  encoret  en  France,  les  seuls  asiles  spe- 
ciaux  Ouverls  a  de  telles  infortunes  ! 

{France  du  11  fevrier  1867.) 

—  Atienes  au  Chili.  —  II  n’exisle  au  Chili  qu’un  asile  d’alienes  fonde 
a  Santiago  dds  1862,  mais  qui  n’a  fit!  rdellement  installd  qu’en  1858. 
Depuis  cette  dpoque  jusqu’en  1864,  I’dtablissement  a  regu  736  malades, 
414  hommes  et  322  femmes.  II  en  est  sorti  225  hothmes  et  195  femmes, 
ensemble 420  alienes.  HO  malades sont  morts,  64  hommes  et  46  femrries. 

{Journal  de  la  Socidle  de  slalislique  de  Paris,  fevrier  1867.) 

ALlfiKfeS  EN  LIBERTE. 

—  Le  bruit  s’dtait  rdpandu  avanl-hier  soir  qu’un  crime  dpouvantable 
avail  6te  commis  a  Passy.  Oh  adirmait  qu’un  personnage  russe  de  dis¬ 
tinction  avail  coupe  sa  femme  en  morceaux  et  avail  fail  un  horrible  feslin 
avec  les  chairs  de  sa  viclime.  Void  ce  qui  avail  donne  lieu  a  ce  recil, 
fonde  jusqu’a  un  cerlain  point.  Dans  une  maison  de  ravehue  de  Passy 
habitait  depuis  quelque  temps  un  jeune  couple  d’origine  russe.  Le  mari, 
il.  K. professeur  d’hebreu,  s’absentait  pendant  toute  la  jourhde,  et 
reveriail  le  soir,  verl  six  heures,  pour  diner.  A  peine  entre  dans  le  salon, 
il  se  prdcipila  sur  sa  femme  en  s’ecriant :  «  II  faut  que  je  te  mange  »  ;  puis 
il  la  saisit  et  lui  affacha  a  pleines  dents  une  partie  du  nez,  une  oreille, 
une  partie  de  I’dpaule  droite,  et  il  continuait  litteralement  a  ddvorer 
sa  malheureuse  viclime,  lorsqu’aux  efis  de  cell‘e-ci  accoiirufent  des  voi- 
sins  qui  s’emparerent  de  M.  fc...,  qu’ils  euroht  beaucoup  de  peine  a  mai- 
triser,  tant  sa  fureur  dtait  extrdme  :  il  cherchait  a  mofdre  toutes  ies 
personnes  qui  I’approchaient.  D’apres  I’enquOte  du  commissaire  de  police, 
K. ..  ii’a  agi  aussi  cruellement  que  sous  I’influence  d’un  acccs  d’alienation 
men  tale. 

Madame  K...  a  ete  transportde  a  I’hospice  Beaujon  ;  ses  blessuros, 
quoique  graves,  ne  paraissent  pas  devoir  mettre  sa  vie  en  danger. 

(Petite  Presse  du  23  ddeembre  1866.) 

—  le  fou  garde-malade.  —  M.  de  T..,,  jeune  homme  appartenant 
a  une  famille  distingude  et  jouissant  d’une  grande  fortune,  est  sujet  4  des 
acces  d’alidnation  mentale  et,  par  suite  de  ses  prodigalitos,  on  a  dd  le 
pourvoir  d’nn  conseil  judiciaire. 

Sa  folie,  jusqu’alors  Irds-inoCfensive,  s’est  manifestee  avant-hier  par 
une  sedne  des  plus  etranges  : 

Eugene  P..,,  age  de  vingt-deux  ans,  peintre  sur  porcelaine,  domicilid 
rue  Saint-Honord,  sur  le  point  dc  se  marier,  etait  monte  avant-hier  soir 


VAKifiTfiSi 


37& 

dans  nn  fiacre)  afm  d’aller  chefchef  sa  future  et  la  mdre  tie  celI8-ci  pdtir 
les  mener  au  spectacle.  Malheureusement,  en  route,  un  des  essieux  du 
vdhicule  se  brisa;  Eugdne  i>...  futprecipfte  sur  le  pave,  oft  il  resla  sails 
mouvement, 

II  avail  la  jambe  droite  fl’acturdei  Ort  s’cmpressa  prfts  de  lui.  M .  de  T. . . , 
qui  sortait  en  ce  moment  de  son  hdtel,  voisin  du  thddtre  de  I’accideht, 
I'endit  la  foule,  vit  le  blessft  et  voulut  qu’il  fut  transporte  chez  lui,  poUt 
y  rccevoir  tous  les  solns  que  rdclamait  sob  6tat.  On  applaudit  a  cet  acte 
d’liumanile  accompli  sponlandment  et  dela  maniere  la  plus  gracieuse. 

Le  jeune  pelnli-e  flit  pldcd  dafl§  le  lit  mftrhe  dfe  M.  de  t...  Un 
medecin  appele  pres  de  lUi  prescrivit  ufie  forte  appllcatidh  ds  Sahgues 
afm  de  faire  cesser  le  gdflflement  inflaihmaloife  qui  s’bppdsail  a  la  re¬ 
duction  de  la  fracture.  11  dtait  alors  six  heures  du  soir.  M.  de  T...  sortit 
pour  se  reiidre  dans  divers  endroits,  et  oublia  compldtement  de  qui  s’dlait 

De  retour  vers  rainUit  et  demi,  et  entrant  dans  sa  ehambre  a  coUdher, 
il  flit  surpris  de  ti-ouver  un  homme  dSns  son  lit.  A  Id  vue  du  sang  qui 
tachait  ses  draps,  il  s’imagina  qu’Un  dssassinat  avail  dtd  cortlmis  et  qu’il 
avail  devant  les  yeUX  la  victime.  Aussildt  il  courut  ddtis  sa  bibliotheqdo 
et,  d'une  panoplie,  il  detacha  un  casque  antique,  line  pique  et  un  criss 
malais  dont  la  lame  portait  encore  des  traces  dessedides  du  sue  morlel 
de  I’upas,  dans  lequel  elle  avail  dtd  trempee  jadis  par  un  guerrier  java- 

■Ainsi  arme',  le  fou  vdilla  pres  du  blessd,  larttfit  marchant  a  grands  pas, 
avec  des  paroles  incoherentes  et  pleines  de  menaces,  prSt  a  percer  de  sa 
lance  le  premier  qui  entrerait;  tantdt  dirigeant  le  poignard  empoisonne 
sur  EUgdne  P... ,  qu’il  prenait  alors  pour  le  meurtrier.  Le  blessd  passa 
une  nuit  epoiivantable.  11  ne  pouvait  bouger  de  son  lit,  et  il  essayait  eh 
vain  de  faire  entendre  raison  a  son  terrible  gardien.  Le  matin  seulement, 
I’arrivde  du  commissaire  de  polide  qui  Vint  faire  une  enquete  au  sujet  de 
I’accidehl,  mit  fm  a  ses  horribles  angoisseS.  II  fut  transports  chez  ses 
parents,  eft  oh  eut  peine  a  le  reconnatfre,  tant  sCs  traits  etsient  boule- 

Celto  scene  ayant  fait  craindre  que  la  folie  de  M.  de  T...  ne  revdtit  un 
caractcre  dangereux,  des  mesures  ont  et6  prises,  de  concert  avec  sa 
famine,  pour  le  faire  admettre  dans  une  maison  de  sante. 

(Petite  Presse  du  13  Janvier  1857.) 

—  Ce  matin,  a  quatre  heures  et  demie,  plusieurs  personnes  etaient 
rassemblees  devant  une  maison,  rue  Montparnasse,  et  regardaient  avec 
beaucoup  d’attention  ce  qui  se  passait  sur  le  faite  de  cette  maison.  Un 
homme  d’environ  trente-cinq  ans  etait  place  a  cheval  sur  la  cr6te  du 
toil,  et  arrachait  une  a  une  les  tuiles  de  la  couverture,  qu’il  lanpait 
ensuile,  de  5a  et  de  la,  dans  la  rue.  Les  dclats  de  rire  dont  il  saluait  la 
chute  de  chaque  tuile,  et  la  gesticulation  desordonnee  a  laquelle  il  se 
livrait,  demonlraient  assez  clairement  que  le  hdros  de  cet  incident  ne 
jouissait  pas  de  la  plenitude  de  sa  raison.  « 

Par  les  soins  d’un  sergent  de  ville,  les  pompiers  du  poste  de  la  rue 
Saint-Mddard  furent  avertis ;  bientdt  un  caporal  et  deux  hommes  gra- 
virent  la  toiture  pour  essayer  do  s’assurer  de  la  personne  du  pauvre 


380 


VARlfiTfiS. 


alietie.  Pendant  une  heure  et  demie,  ils  poursuivirent  de  goultiere  en 
gouttiere,  et  an  risque  de  se  tuer  vingt  fois,  lo  fou,  qui  faisait  tous  ses 
efforts  pour  leur  echapper.  Enfin,  ils  le  saisirent,  et,  apres  lui  avoir 
passe  autour  du  corps  une  ceinture  de  sauvetage,  ils  rdussirent  a  le 
faire  descendre.  Conduit  devant  M.  le  commissaire  de  police,  cet  indi- 
vidu  a  ete  reconnu  pour  6tre  un  nomme  B...  Le  docteur  M.. apres 
I’avoir  examine,  a  constate  la  maladie  mentale  dont  il  est  alteint. 

(Gazette  des  tribunaux,  janvier  1867.) 

—  line  scene  horrible  a  eu  lieu,  il  y  a  quelques  jours,  a  Tintagel, 
une  petite  ville  d’eaux  sur  la  cOle  nord  de  Cornwall. 

Un  nomme  Smith,  qui  vivait  sur  le  produit  de  son  etat  de  porleur  de 
sable  des  Lords  de  la  mer  dans  les  fermes  des  environs,  semblait  depuis 
quelque  temps  en  proie  a  des  moments  de  folio,  pendant  lesquels  il 
ddclarait  qu’il  avait  I’intcntion  de  se  tuer,  qu’il  etait  degoutd  de  la  vie 
et  qu’il  voulait  en  finir  une  fois  pour  toutes.  Quand  ses  camarades  le 
virent  ainsi,  ils  resolurent  de  le  surveiller,  et,  a  tour  de  r61e,  ils  le 
veillerent  chaque  nuit.  L’autre  soir,  ce  soin  tomba  sur  Thomas  Baker, 
qui,  durant  la  nuit,  pour  salisfaire  au  desir  du  lunatiqiie,  voulut  bien 
I’accompagner  sur  la  route,  qui  est  taillee  au  milieu  du  roc . 

Lorsqu’ils  arrivereni  a  un  endroit  oil  la  mer  grondait  a  leurs  pieds. 
Smith,  pris  d’un  nouvel  acces  de  folie,  se  precipita  sur  son  eompagnon  et 
essaya  do  lo  pousser  dans  la  mer.  Une  lulte  desesperce  s’etablit  enlre  ces 
deux  hommes,  au  milieu  de  I’obscurite  de  la  nuit.  Baker  s’cfforfait.de 
s’arraoher  des  bras  de  ce  forcene,  mais  en  vain,  et,  au  bout  de  quelques 
minutes,  les  deux  hommes  roulaiciit  des  rochers  dans  le  gouffre  profond 
qui  s’ouvrait  devant  eux.  Les  deux  corps  disparurent  un  instant,  puis 
ils  reparurent,  et,  a  la  lueur  des  eclairs  qui  scinlillaient  dans  les  cieux, 
deux  marins  qui  passaient  en  cet  endroit  les  virent  encore  se  ddbattre 
dans  les  flots,  puis  un  cri  se  fit  entendre...  et  les  deux  corps,  balayes 
par  une  lame  furicuse,  disparurent  a  jamais. 

Ce  ne  fut  que  quelques  jours  apres  qu’on  retrouva  leurs  cadavres  qne 
la  mer  avait  jetes  sur  le  rivage.  (Moniteur  du  13  Kvrier  1867.) 


Les  directeurs-gdrants, 
Baillargeb  et  Cerise. 


Paris.  —  Iitiprin 


lie  E.  Martinet, 


jrovRiViii^ 


L’ALlfiNATlON  MENTALE 

ET  DE 

LA  MfiDECINE  LEGALE  DES  ALIENI^S. 


PATHOLOGIE. 

DES 

BAINS  GENERAUX  SINAPISES 

DANS  LE  TRAITEMENT  DE  LA  POLIE 


tc  doetenr  A.  LAUREtVT, 

Medocin  en  chef  de  I’asile  public  d'alienes  de  Marseille, 


Depuis  treize  ans  environ  que  je  suis  dans  les  asiles  d’ali6n6s, 
je  n’ai  cess6  d’etre  penibleinent  affecte  A  la  vue  de  certains 
inalades  adultes  condamnSs  a  passer  le  reste  de  leur  existence 
dans  les  etablissements  sp6ciaux,  et  cela  faute  de  moyens  lh6- 
rapeutiques  capables  de  rein§dier  a  un  6tat  mental  grave,  et 
presentant,  de  bonne,  heure,  les  caracteres  de  la  demence. 
Pourtant  il  est  pen  de  inedicamenls  qui  n’aient  ete  essa.yes.  On 
n’a  pas  manqu6  de  varier  les  moyens  d’application.  On  s’ est 
ANNAL.  MfiD. -PSYCH,  4”  serie,  1.  IX.  Mai  1807.  1.  25 


382  DBS  BAINS  OENfiBAUX  SINAPlSBS 

adress6  ii  divei’S  modes  d’action  ihferapeutique.  11  ne  faudrail 
pas  u6anmoins  accuser  la  thiSrapeulique  toute  seule,  el  lui 
demander  plus  qu’elle  ne  peut  donuer,  mais  bien  s’eii  prendre 
a  r^tude  ciiuique  de  la  folie.  Depuis  le  debut  de  mon  iiiternat 
dans  leg  asiles,  j’ai  pu  consiater  a  cet  6gard  des  progres  cdnsi- 
dferables.  La  classe  des  folies  mixtes,  folies  provenanl  d’une 
rSvolution  imprimee  h  recoiiomie  par  certaines  n6vroses  ataxi- 
ques,  est  bleu  certainement  la  preuve  la  pins  iuconteslable  de 
ces  progres.  On  est  parvenu  ii  reconnaitre  I’origine  et  la  na¬ 
ture  de  certaines  iransforuiations  morbides  contre  Icsquelles 
6chouaient  et  devaient  echouer  evideinment  des  medications 
employees  uniform6menl  el  ii  la  fois  contre  un  grand  nombre 
de  maladies  dilierentes.  (Jar,  comnie  le  dit  M.  le  docleur  Morel 
[Traite  de  la  medecine  Legale  des  alienes,  p.  37),  « la  folie  est 
bien  moins  une  maladie  sui  generis  que  I’expression  sympto- 
malique  d’un  certain  nombre  de  perturbations  caracteristiques 
du  systeme  nerveux,  qui  toutes  abouiissent  au  resultat  d’enlever 
ii  reire  liumain  la  possibilite  d’agir  avec  discernement  et  dans 
la  plenitude  de  sa  liberte  morale.  »  Au  fur  et  a  raesure  que 
I’analyse  symptomatologique  et  clinique  deviendra  plus  precise, 
la  iherapeutique  s’enrichira  de  raoyens  plus  certains,  et  en 
rapport  d’ailleurs  avec  les  progres  de  sa  veritable  base.  Les 
i-esultats  que  nous  publions  aujourd’hui  sont  assis  sur  les  notions 
psychiatriques  les  plus  recentes,  'et  c’est  &  ces  idees  que  nous 
devons  les  succes  que  nous  avons  obteuus. 

Je  me  suis  adressb  a  la  surface  tegurnentaire,  les  surfaces 
muqueuses  ne  me  paraissant  pae,  dans  un  grand  nombre  de  cas, 
fournir  une  activite  suffisante  et  capable  de  retablir  I’equilibre 
rompu.  D’ailleurs  j’ai  toujours  pense  que  dans  les  vesanies,  le 
proc6d6’de  medicamentalion  d&ign6  sous  le  nom  d’enepider- 
fnique  devait  surlout  6tre  pr6fer6,  aitendu  que  le  tube  digestif 
•ne  laissait  pas  d’etre  affecte  d’une  irritabilild  ires-grande,  et 
qu’en  outre  on  devait,  autaiit  que  possible,  menager  les  forces 
de  I’estomac;  la  nutrition  ayaut  avec  le  systeme  nerveux  des 


DANS  LE  TKAITEMENT  DE  I.A  FOLtE.  883 

rapports  on  ne  pout  plus  importanls.  Pourtant  la  peau,  par  sa 
situation,  sa  structure,  et  par  la  nature  de  ses  facull6s,  est 
dou6e  d’lme  sensibility  inoindre  que  celle  des  muqueuses,  et 
Ton  est  obligd  d’einployer  des  agents  plus  concebtrys.  Mais  on 
a  la  facility  d’augmenter  cette  action  eii  agissaiit  sur  une  grande . 
etendue,  et  tneine  sur  la  totality  de  la  surface  cutanye. 

Voici  coinineni  j'ai  yt6  conduit  aux  expyriences  qui  font 
I’objet  de  ce  mymoire. 

Alors  que  j’ytais  mydecin  adjoint  a  I’asile  d’alieuys  deQua-r 
tremares,  je  fits  appeiy,  en  toute  hate,  aupr6s  d’un  jeune  homine 
qui,  depiiis  un  jour  seulement,  pi-ysentait  les  syinpt6mes“d’nne 
manie  aigue.  Apres  un  exainen  minutieux  de  toutes  les 
circonstances  qui  avaient  amene  le  dyiire,  et  de  celles  qui 
pouvaient  I’entretenir,  je  me  decidai  a  tenter  une  ryvulsiou 
puissante.  A  I’aide  d’un  pydiluye  forteinent  sinapisy  et  i-ypety  k 
des  inlervalles  ti-ys-rapprochys,  je  ne  tardai'  guere  a  obtenir 
line  sydatioii  complete,  Ce  jeune  homme  rendit  compte  de 
toutes  les  impressions  maladives,  puis  manifesta  en  meme  temps 
line  lassitude  extraordinaire.  J’avais  pris  le  inal  a  sa  racine. 
Je  prescrivis  de  la  tisane  rafraichissanie,  une  nourriture  lygere, 
Toute  la  nuit  il  fut  parfailemeut  trauquille;  il  dormitUrys^ 
profoudyinent.  ba  continuation  de  celle  situation  menlale  et 
physique  eqt  lieu  jusqu’au  lendemain.  Je  dois  ayoUer  qu’apres 
cette  mydication  ynergique  et  soudaine,  je  crus  deypir  compter 
sur  le  rytab|issem.ent*de  I’equilibre  yconoinique,  et  m’ei}  (ap- 
porlai  au  sommei)  qui  etpit  suryenu  pep  de  temps  apt  es,  et 
dont  la  dui-ye  fut  de  seize  hc-ures  enyiron.  J’eus  tort;  car,  la 
tmit  suiyante,  survint  de  rinsomnie,  puis  le  surlendeniein  du 
jour  ou  j’avais  did  appeiy  ryapparurent  des  symplOines  mania- 
qucs;  niais  avec  une  intensity  moindre  que  la  premiere  fois. 
La  loquacity  el  Lagdaiiou  furent  a  peu  pres  cpntipues.  Les 
pediluyes  sinapises  furent  sans  resultats  saUsfaisan.ls,  non  plus 
que  des  bainii  simples  gypyraux  prolougee,.  On  dui  faire  entrer 
ce  jeqne  luajade  I’aaile  de  Qualremaree,  W  J'acees  maniaque 


384  DES  BAINS  GfiHfiRAUX  SINAPISES 

suivit  son  Evolution.  Le  inalade  est  sorti  gu6ri  apres  plusieurs 

mois  de  traitement. 

Gel  6chec  devait  gtresignal^;  non  pas  que  nous,  praticiens 
des  asiles,  puissions  employer  sur  nos  nialades  le  moyen  qui  ne 
in’a  fourni  qu’une  amelioration  passagere,  faute  d’un  effort 
rfivulsif  suffisamment  prolong^  par  des  adjuvants  plus  ou  moins 
puissants;  mais  il  peut  etre  mis  a  profit  par  le  m6decin  ordi¬ 
naire  qui,  plus  souvent  que  nous,  assiste  au  d6bul  des  manifes¬ 
tations  raorbides,  et  ne  nous  les  confie  qu’aprbs  avoir  reconnu 
I’insuffisance  de  ses  moyens  d’action. 

En  1865,  le  Montpellier  medical,  t.  XV,  p.  193,  dans  le 
cliapitre  r6serv6  a  la  therapeutique,  me  fit  savoir  que  le  docteur 
Newington  (de  Ticchurst)  s’etait  livr6  4  des  experiences  per- 
sonnelles  sur  I’emploi  de  la  moutarde,  et  avail  employe  ensuile 
cette  substance  au  traitement  de  la  folie  et  d’autres  maladies. 
Je  reproduis  ces  articles  : 

0  Ce  medecin  a  observe  que  I’application  de  draps  Irerapes 
dans  I’eau,  ou  il  avail  fait  delayer  de  la  poudre  de  moutarde,  a 
produit  un  demi-sommeil  qui  a  durfi  une  demi-heure,  c’est-ii- 
dire  tout  le  temps  qu’il  a  conserve  ces  linges  sur  les  jambes  et 
la  parlie  inferieure  de  I’abdomen.  A  son  lever,  sensation  de  viva¬ 
city  et  de  bien-etre  qui  s’est  prolongee  toule  la  journye ;  et  durant 
vingt-quatre  heures,  chatouillement  agryable  des  jambes  rougies 
par  la  moutarde. 

»  Plus  tard,  il  fit  myianger  dix  parties  de  farine  de  lin,  et 
une  de  moutarde,  dont  on  fit  une  p§te.  On  I’ytendit  sur  une 
feuille  de  papier  gris  assez  grande  pour  recodvrir  tout  le  venire 
sur  lequel  on  avail  mis,  au  pryalable,  une  piece  de  mousseline. 
Le  sommeil  ne  se  fit  pas  attendre,  et  I’expyrimentateur  ne  se 
ryveilla  qu’a  huit  heures  du  matin.  Plusieurs  personnes  se 
trouvaient,  a  ce  moment,  autour  de  son  lit,  et  prytendaient 
que  I’assoupisscment  ou  il  ytait  plongy  ytait  du  h  quelque  nar- 
colique.  Quant  i  lui,  il  ne  pouvait  ni  parler  ni  se  mouvoir,  et 
bien  qu’il  ffit  dans  un  ytat  semi-comateux,  il  eiltendait  irys-bien 


DANS  LE  TRAITEMENT  DE  LA  FOEIE.  385 

lout  ce  qu’on  lui  disait,  II  ne  put  revenir  complfitement  a  lui 
qu’a  I’aide  d’un  stimulant.  » 

A  la  page  296  du  meme  recueil  scienlifique  periocUque,  nous 
trouvons  encore ; 

«  Deux  poign6es  de  moutarde  pure  sont  li6es  dans  un  Huge 
et  placi5es  dans  I’eau  chaude;  puis  on  exprirae  fortement  le 
nouet.  Une  servietie  6paisse  est  trenip^e  dans  tout  le  liquide  et 
pass6e  autour  du  tronc. 

»  Le  troisieme  mode  d’emploi  de  cette  derivation  n’est  autre 
chose  que  le  bain  de  moutarde.  On  jette  cinq  ou  six  poign6es 
de  poudre  de  moutarde  dans  une  baignoire  remplie  d’eau  ticde. 
Le  malade  y  plonge  le, corps,  a  I’exception  de  la  tete. 

»  Quelquefois  on  sc  borne  au  bain  de  si6ge.  Chez  plusieurs 
ali6n6s  des  deux  sexes,  ce  bain  a  produit^  une  mcrveilleuse 
sMation.  C’est  surtout  au  ddbut  des  sympt6raes  qu’il  remplace 
I’excitation  cdrfibrable  par  un  sorameil  normal  que  les  narcoti- 
ques  sont  impuissants  ii  procurer. 

•)  Une  dame  avait  eu,  dans  I’annfie,  quatre  acces  furieux 
durant  cinq  ou  six  semaines  en  moyenne.  Depuis  qu’elle  a  fait 
usage  du  bain  de  moutarde,  elle  est  rest6e  plus  de  trois  mois 
sans  rien  eprouver.  On  lui  fit  prendre,  tous  les  jours,  un  bain 
d’une  demi-heure,  pendant  deux  mois,  de  manifere  a  maiiitcnir 
la  peau  dans  la  rubfifaction.  Le  docteur  N...  pense  que  I’habi- 
tude  morblde  a  6t6  rompue,  et  que,  dans  I’fitat,  la  malade  est 
gu^rie. 

»  M.  V...  etait  priv6  de  sommeil  depuis  si  jours  et  six  nuits, 
malgrA  des  doses  rep6t6es  d’opium,  excitation  extrgme.  Six 
bains,  de  demi-heure,  sufiirent  a  amener  un  tel  etat  de  calme, 
qu’on  le  renvoya  quinze  jours  aprfes  son  admission  ii  I’fitablis- 
sement. 

»  Une  autre  dame  6tait  atteinte  d’insoranie  depuis  une 
semaine  entiere,  bien  qu’on  n’epargnat  pas  la  morphine.  A 
I’cntrtie,  beaucoup  d’excitation  et  d’incobfirence.  Sommeil  de 
sept  heures  h  la  suite  d’un  bain  sinapisfi  d’une  demi-heure  de 


386  DES  BAINS  GfiNfiBAUX  SINAPISfiS 

dui’6c.  Ce  traitemenl  ayantetfi  eontinufi  pendant  six  jours,  I'ex- 
citation  disparut,  et  la  folie  qui  remontait  &  deux  ailn^es  se 
trouva  gu.firie*  » 

Je  fis  alors  quelques  recherches  bibliographiques.  Je  les 
resume  ici.  La  moutardo  a  ele  employee  par  les  aiiciens. 
nippocrale  {Be  victu  rations,  lib.  11)  dit  qu’elle  cause  des 
difficult6s  d’uriner.  Galien  la  croyait  propre  a  purger  les  hu- 
meiirs,  et  s’en  servait  en  gargarisine  dans  les  ulcerations  de  la 
bouche.  Dioscoride  la  donnait  dans  rhypochondrie,  I’anorexie, 
la  cbloi'ose,  la  cachexie,  etc...  Les  Grecs  employaient  surtout 
un  vinaigre  de  moutarde  qu’ils  prescrivaient  dans  les  maladies 
cutan^es.  A  leur  exemple,  a  differentes  dpoques,  des  praliciens 
ont  employe  cette  substance  k  I’iiiterieur. 

L’usage  ext^rieur  a  fourni  des  r6sultats  plus  surs  et  plus 
constants.  L’emploi  des  sinapismes  est  tres-connu.  Lesp&liluves 
sinapises  sont  aussi  tr^s-frequemmetit  employes:  mats  niille 
part  il  n’est  fait  mention  des  bains  genfiraux  sinapisms.  II  n’y  a 
que  Guislaiii  et  Dagonet  qui  en  patient  dans  leurs  ouvrages. 
Trousseau  les  a  employes  dans  le  cholera  infantile  [Clinique 
medicate  de  I'H^tel-Dieu  de  Paris,  t.  Ill,  p.  132). 

Le  premier  [Traite  sur  V alienation  mentale,  t.  II,  p.  29)  se 
borne  k  dire  :  «  Muller  employait  les  bains  tiedes  rendus  stimu¬ 
lants  par  une  addition  de  moutarde  ou  d’hydrochlorate  de 
soude.  Un  ali6nej  depuis  longtemps  en  d^mence,  fut  mis  dans 
un  bain  sale  k  des  reprises  dilKrentes,  et  r6cupera  par  ce  moyeu 
le  libre  exercice  de  ses  functions  intellectuelles.  »  Puis  (p.  32), 
«  les  bains  chauds  rendus  stimulants  par  une  addition  de  sei, 
de  savo.n  ou  de  moutarde,  sont  particulikrement  utiles  aux 
monomaniaques  sombres,  taciturnes,  paresseux,  pour  exciter 
chez  eux  une  aptitude  aux  mouvements  du  corps.  « 

Dagonet  {Traite  elementaire  etpratique  des  maladies  men- 
tales,  p.  658),  k  propos  des  bains  m6dicamenteux,  fait  connaitre 
qu’il  n’a  fait  usage  que  de  bains  excitants;  et  dans  quelques 
cas  il  en  a  obtenu  des  resultats  favorables.  <'  tlhez  les  m^lau- 


DANS  LE  TRAll’EMENT  DJi  LA  FOUE.  387 

coliques  plongfis  dans  un  etat  habituel  d’apathie,  el  dont  les 
fonctions  scmblaient  frappees  d’une  sorte  d’atonie,  nous  avoiis 
administr6  avec  avantage  des  bains  arouiatis6s,  des  bains  dans 
lesquels  on  avail  fait  dissoudre  une  assez  forte  quantity  de  sel, 
ou  qui  contenaient  seulement  quatre  h  cinq  poign6es  de  farine 
de  raoutarde  noire.  »  ' 

Ces  citations  ne  constituent  pas  des  regies  sufBsantes  pour  un 
usage  rationnel ;  elles  ne  sigualent  pas  des  indications  precises, 
soit  quaut  a  la  forme,  soil  quant,  k  la  p^riode  de  la  mqladie. 

Peu  apres  la  connaissance  des  articles  pr6cedents,  je  tentai 
I’emploi  des  bains  g6n6raux  sinapis6s  cbez  une  jeutie  fille  non 
ali6nee  presentant  une  phlhisie  pulnionaire  confirmee.  J’obtiiis 
une  amelioration  bien  constatec.  ,Ie  dus  abandonner  cette  ma- 
lade  (novembre  1865)  pour  veoir  prendre  possession  du  poste 
de  medecin  en  chef  a  I’asile  de  Marseille.  Ma  nouvelle  posi¬ 
tion  me  permit  de  mettre  a  I’esisai  le  moyen  tlierapeulique  en 
question. 

Voici  d’abord  la  description  du  modus  faciendi : 

J’emploie  la  somence  de  moutarde  noire  {Sinapis  nigra)  plus 
ou  raoins  pulverisde.  La  quaiUite  pfescrite  est  d61ay6e  daiis  un 
vase  contenautde  I’eau  simple  a  la  temperature  ordinaire.  Cette 
espece  de  pate  est  ensuite  jetee  dans  un  bain  tiede  de  25  a 
28  degres,  puis  on  agite  de  maniere  it  disperser  la  farine  de 
moutarde  daus  tout  le  liquide  de  la  baignoire. 

Au  bout  d’un  quart  d’beure  a  vingt  minutes  que  la  malade 
est  daus  ce  bain  medicamenteux,  elle  ne  tarde  pas  a  eprouver 
des  picotements  sur  toute  la  peau.  Ces  picotemeuts  ne  vont  pas 
en  augmentant  d’une  maniere  tres-sensible,  mais  aprfes  dix  mi¬ 
nutes,  un  quart  d’heure  de  leur  apparition,  survient  une  sen¬ 
sation  g6nerale  de  froid ;  les  malades  frissonnent.  Cette  sensation 
depend  d’ailleurs  de  la  sensibilile  plus  ou  moins  grande  de  la 
persunne  qui  est  soumise  a  I’emploi  du  bain.  J'ai  soin  de  ne 
pas  laisser  se  prolonger  cette  impression  penible,  et  meme  dfes 
son  arriv6eje  fais  retirer  la  malade.  ('.’est  precisement  pour 


388  DES  BAINS  GEnERAUX  SINAPISES 

eviter  des  phenoinenes  de  cette  sorle  que  je  gradue  les  quantites, 
et  que  je  commence  par  une  dose  assez  minirae,  150  grammes. 
La  dur6e  du  bain  est  d’une  demi-heure  a  trois  quarts  d’heure 
au  plus. 

On  doit  chercher  a  garaniir  la  figure  de  la  malade  de  la 
vapeur  excilante  qui  est  ddgagfie  de  la  surface  du  liquide. 

Quand  on  retire  la  malade  du  bain  toute  la  peau  est  rubdfide. 
Elle  dprouve  une  chaleur  prononcde.  On  essuie  avec  soin  et  on 
ajoute  mdme  quelques  frictions  avec  les  linges.  La  personne  est 
placde  dans  un  appartement  suffisamment  chauffd  pour  per- 
mettre  a  la  reaction  de  se  continuer  aussi  longtemps  que 
possible. 

Il  arrive  gendralement  que  les  malades  accusent,  quelque 
temps  aprfes,  une  sensation  de  bien-dtre  bien  prononcce.  L’ap- 
pdtit  augmente.  Le  soir,  le  sommeil  est  plus  facile. 

Observation  I.  — Folie  hysterique. 

Pas  d’alieiies  dans  la  famille.  —  Troubles  psychiques  a  quinze  aiis.  — 

Anxiete  epigastrique  assez  frequente.  —  Cephalalgie.  —  Antes  bizarres. 

Bains  sinapises.  —  Embarras  gastrique.  —  Amdlioration.  —  Tendance 

au  vol.  —  Guerison.  —  Sortie. 

T...,  agde  de  vingt-deux  ans,  cdlibataire,  appartenant  a  une 
famille  d’artisans  assez  aisde,  ayant  une  instruction  en  rapport 
avec  sa  condition,  eut,  a  I’age  de  quinze  ans,  des  troubles  hys- 
tdriques  assez  marquds,  un  changement  de  caractere  qui  dura 
plusieurs  jours  (malaise,  ennui;]  cette  jeune  fille  recherchait 
I’isolement,  pleurait).  Depuis  cette  dpoque,  elle  a  die  assez  bien 
portante,  bien  reglee.  Elle  dprouvait  de  temps  a  autre  des 
cdphalalgies  considerables  et  quelques  legers  symptbmes  d’anxidld 
epigastrique.  Cette  jeune  fille  dtait  tres-rdservde,  docile,  labo- 
rieuse,  mais  d’une  dmotivitd  assez  grande;  elle  a  une  tendance 
prononede  ii  la  tristesse  et  manquait  un  peu  de  la  spontanditd 
si  naturelle  a  son  age. 

Au  commencement  de  decembre  1865,  a  la  suite  de  cdphal- 


DANS  LE  TRAITEMENT  DE  LA  FOUE.  389 

algie  tres-intense  qui  dura  quinze  jours  d’une  mauifere  coii- 
lituie,  survinrent  des  suffocations  qu’on  attribua  des  vapeurs, 
proveiiant  de  substances  destinies  a  dfeinfecler  des  cliole- 
riques.  Puis,  de  I’insomnie  qui  ne  tarda  pas  a  etre  accoinpagn6e 
d’incohfirence  dans  les  id6es.  Cette  incoherence  n’avait  lieu  que 
par  instant;  la  nialade  etait  tranquiile,  du  reste. 

Wais,  bientot,  on  remarqua  un  dfisordre  considerable  dans  les 
actes.  Ce  desordre  s’est  raeine  eieve  jusqu’a  une  agitation  assez 
grande.  Cette  personne  a  brise  differents  objets.  La  tranquillite 
rcvenait  toutefois  de  temps  a  autre.  11  lui  arrivait  de  s’occuper  a 
la  couture,  trois  quarts  d’heure  ou  une  heure. 

Le  23  decerabre,  rapparition  de  regies  abondantes  ne  fit 
qu’augmenter  le  delire,  I’agitation  et  la  loquacite.  On  se  decida 
a  placer  T.. .  a  I’asile  Saint-Pierre. 

Je  constatai,  des  TaiTlvee  de  cette  personne  a  I’asile,  le 
contraste  le  plus  frappant  daus  le  delire  des  actes  et  des  paroles, 
qui  n’etait  pas  cette  agitation  qui  caracterise  si  bien  la  raanie 
aigue  simple.  Dans  certains  moments  de  la  journee,  on  remar- 
quait  un  calme  assez  marqu6  qui  permettait  de  repondre  assez 
bien  aux  questions  que  Je  lui  faisais  et  meme  de  s’occuper.  Elle 
niait  completement  les  actes  d6sordonn6s  qu’on  lui  reprochait. 
Ces  actes  etaient  tantot  des  pleurs,  tantotdes  actes  de  violence, 
tels  que  des  coups;  des  souUlets,  tantot  elle  avait  une  crainte 
exagerfie  de  la  raort. 

Apres  quelques  jours  d’observation,  pendant  lesquelsjeme 
bornai  a  prescrire  quelques  bains  gfineraux  simples  d’une  heure, 
en  I’ahsence  d’un  appareil  convenable  pour  les  douches  sur  le 
corps,  je  me  dficielai  h  cssayer  les  bains  sinapisfis. 

Le  5  Janvier.  —  Bain  sinapis6  a  150  grammes  d’une  demi- 
heure  :  plus  de  calme,  sommeil  plus  profond. 

Le  7.  —  Bain  sinapis6  a  150  grammes.  Ce  bain  est  continue 
tons  les  jours. 

Le  18.  —  Quelques  symptomes  d’embarras  gastrique.  Potion 
vomitive  avec  le  tartre  stibie. 


390  DliS  BAINS  oeNfiRAUX  SINAPISfiS 

Le  19.  —  Contltiuation  de.s  bains  sinapisfe.  Diminution  du 
d61ire  des  actes. 

Les  actes  d6sordonn6s  diniinuent  d’une  manifere  sensible  sous 
I’influeuce  des  bains  de  moutarde.  La  tendance  R  la  depression 
devientmanifeste. 

Le  22  fevrier.  —  Les  actes  intempestifs  out  cesse.  T...  tra- 
vaille  plus  assidflment.  Mais  il  y  a  plus  de  loquacitfi.  Elle  pre¬ 
tend  que  son  pere  est  fou  et  qu’on  aurait  du  I’enfermer  a  sa 
place. 

Elle  recrit  mfime  dans  une  lettre. 

I'”'  mars.  —  Ayant  arrete  les  bains  sinapisfo  ii  l’6poque  de  la 
menstruation,  I’agitation  reparait  de  nouveau ;  la  malade  ne 
veut  rien  faire.  Les  bains  sinapisAs  ii  150  grammes  ne  tardenl 
pas  a  ramener  le  calnie  et  la  disparition  nouvelle  des  actes  des- 
ordonnes. 

A  partir  du  1 7  mars,  le  calme  devient  de  plus  en  plus  long. 

L’etat  physique  s’ameliore  proportionnellement.  La  physio- 
noinie  devient  plus  expansive.  Nous  notons  encore  la  tendance 
au  vol.  C’est  au  rfilectoire  queX. .,  se  livre  a  cetle  impulsion 
inaladive.  Elle  ne  vole  pas  le  pain,  mais  elle  prend  dans  les 
assiettes  de  ses  voisines  une  partie  de  leur  portion.  Elle  execute 
cette  operation  avec  beaucoup  d’habilet6  et  d’adresse,  choisis- 
sant  le  moment  ou  elle  croit  ne  pas  etre  vue.  Elle  nie  ces  faits-la. 
Elle  est,  dit-elle,  trop  bien  elevee  pour  soustraire  ou  manger 
les  aliments-et  les  restes  des  autres. 

L’ameiioration  physique  et  mentale  ne  s’est  plus  d6mentie. 
L’embonpoint  est  devenu  tres-manifeste.  Les  lettres  toites  par 
elle  temoignent  d’un  r6tablissement  affectif  et  intellectuel  de 
plus  en  plus  prononc6. 

A  dater  du  3  avril,  les  bains  sinapis6s  g6n6raux  n’ont  plus  etc 
presents  que  tous  les  deux  jours. 

Eulin,  le  i5  avril  1866,  elle  est  sortie  parfaitement  rfitablie, 
apres  trois  mois  et  demi  de  s6Jour. 

Le  pere  est  venu  me  voir  en  f6vrier  1867.  En  me  reraerciant 


DANS  tE  ThAlTEMENT  DE  lA  FOLIE.  391 

(le  nouveau,  il  m’a  ceriifi6  que  sa  fille  n'avait  jamais  6t4  si  bieh 
sous  tous  les  rapports. 

Encourage  par  ce  succes,j’ai  essaye  I’effetdes  bains  g6n6raux 
sinapises  cliez  quelques  inalades  atteintes  de  folie  hyst6rique, 
d’une  date  d6jii  ancienne  et  consid6r6es  comme  incurables.  Les 
nommees  A...,  L6onie,  ag6e  de  vingt-quatre  ans,  dans  I’asile 
depuis  mars  i860;  Sw...,  ag6e  de  vingt-sept  ans,  a  I’asile  de- 
puis  1859;  D.. ag6e  de  vingt-trois  ans,  a  I’asile  depuis  join 
18S5 ;  toutes  trois  celibataires  et  pr6sentant  ii  peu  prds  les 
men)es  ph6nom6nes  morbides.  Ces  malades  sont  en  traiteinent 
depuis  la  mi-mai  1866;  j’ai  porte  progressivement  la  dose  jus- 
qu’a  350  granimos  de  farine  de  tnoutarde.  Je  dois  dire  que 
jusqu’ti  present  (avril  1867),  je  ii’ai  obienu  aucuns  r^sultats  suf- 
(isamment  satisfaisants.  A  la  suite  de  ces  r6vulsifs  gfeneraux, 
i’obtiens  une  loquacity  plus  grande,  les  actes  d^sordonnes  qui 
sont  depuis  longtemps  habiluels  diminuent  on  peu,  mais  ils 
reapparaisseni  bienlot.  J’attribue  cette  iuefficacite  aux  habitudes 
onanistiques  (|u’il  est  impossible  de  vaincre.  Ces  jeunes  malades 
vivent  isolement,  se  reiirent  dans  la  c'our  a  dillerents  endroits 
pour  satisfaire  a  cette  fatale  passion. 

Observation  II.  —  Folie  hysterique. 

PaS  d’alienes  duns  la  famille.  —  Croissance  rapide.  —  Actes  bizarres  et 
idees  melaDcoliques.  —  Bains  siiiapisds.  —  Amelioration.  —  Sortie. 

La  nommec  P...,  Sgee  de  quinze  ans,  menstruee  a  douze 
ans,  prescntait,  depuis  plus  d’un  an,  une  alteration  de  I’intelli- 
gence.  11  y  a  un  an,  elle  a  perdu  sa  mfere.  Cette  perte  ne  parut 
pas  la  toucher  beaucoup.  Ses  regrets  iie  se  inanifesterent  que 
par  ces  simples  paroles  :  »  Je  ne  pourrai  plus  aller  me  pro- 
mener  avec  ma  mere.  « 

Les  menstrues  ont  toujours  ete  regulieres.  Il  n’est  pas  con¬ 
state  de  predisposition  hereditaire,  mais  une  croissance  rapide. 


392  DES  BAINS  GflNfiRAUX  SINAPISfiS 

li’altfiratiou  intellectuelle,  dont  nous  venons  de  parler,  sc  ma- 
nifeslant  parquelques  actes  bizarres  et  unephysionoinie  nialse, 
parait  se  rapporter  prficiseraent  a  cette  croissance.  La  malade, 
jeune  encore,  est  en  effet  grande  et  mince. 

11  y  a  dix  jours  a  peu  pres,  epoque  des  menslrues,  la  malade 
futagilfie.  Elle  sortaitdans  la  rue  en  chemise.  Si  on  I’arrgtait  et 
qu’on  voulOt  la  raraener  chez  eile,  elle  donnait  des  coups  de 
pied  aux  personnes  qui  I’entrainaient.  Sonpere  I’ayant  menac6e 
de  I’enfermer  dans  sa  chambre,  elle  lui  dit  qu’elle  se  jetterail 
par  la  croisfie.  Chez  elle,  elle  6tait  continuellement  devant  la 
glace,  et  en  se  regardant,  elle  se  figurait  qiie  son  visage  avait 
subi  des  modifications  qui  I’avaient  complfitement  chang6.  Elle 
croyait  reconuaiire  une  alteration  dans  ses  traits,  une  paleur, 
indice  d’une  maladie  incurable  qui  la  conduirait  au  tbmbeau. 
Son  esprit  etait  obsedd  par  cette  id6e  melancolique,  et  on  lui 
entendait  souvent  r^peter  ces  paroles : «  Quel  dommage  de  mou- 
rir  a  ESge  de  quinze  ans !  »  Cette  pensde  de  sa  fin  prochaine 
lui  revenait  souvent,  quelque  effort  qu’elle  fit  pour  la  chasser. 
Du  reste,  le  sommeil  etait  court  et  l^ger,  elle  craignait  de  s’en- 
dormir,  croyait  qu’une  fois  endormie  elle  ne  se  r6veillerait  plus; 
aussi  ne  dormait-elle  que  vaincue  par  la  fatigue  et  le  bcsoin  irre¬ 
sistible  de  repos.  Le  repos  etait  presque  nul.  Les  llquides  surtout 
paraissaient  dfigouter  la  malade. 

Cette  jeune  fille  entre  le  9  juillet  a  I’asile.  Elle  appartient  a 
une  famille  de  pScheurs,  habitant  lesmarais  des  embouchuresdu 
Rhone.  Elle  sait  lire  et  ecrire,  et  parait  intelligente.  Je  constate 
une  anxifitfi  assez  grande.  Cette  jeune  fille  croit  qu’elle  va 
mourir  aujourd’hui  ou  demain,  elle  verse  des  larmes,  demande 
a  voir  son  pere,  dit  qu’elle  ne  le  verra  plus,  ne  veut  pas 
manger.  Bain  g6n6ral simple,  potion  avec  bromure  de  potassium, 
1  gramme. 

11  juillet.  —  Cette  malade  accuse  de  la  cephalalgie,  elle  n’a 
plus  autant  de  dfigout  pour  les  aliments,  elle  commence  h 
manger.  MSmes  prescriptions. 


DANS  LE  TRAlTEMENt  DE  LA  FOLIE.  393 

Le  20.  —  P. ,  se  fait  remarquer  par  son  indocilitfe  et  son 
insolence ;  elle  ne  vent  rien  faire,  elle  dit  des  injures  et  tient  des 
propos  incoh^rents.  M@mes  prescriptions. 

Le  28.  —  Cette  jeune  fille  se  plaint  de  sensation  de  constric¬ 
tion  h  la  gorge.  Elle  crie  qu’elle  etouffe;  dans  la  journ6e,  atiaque 
d’hysterie.  Bain  sinapis6  gfinfiral  a  150  grammes,  regime  to- 
nique,  continuation  de  la  potion  au  bromure  de  potassium, 

1  gramme. 

I"  aoflt.  —  La  raalade  est  plus  tranquille,  la  nuit  surtout. 
Elle  s’effraye  de  la  inoindre  chose.  A  la  vue  d’un  objet  insigui- 
fiant,  il  lui  arrive  de  se  meltre  a  crier  comme  si  elle  resseutait 
une  vive  douleur  instan(an6e.  Ainsi,  elle  s’6crie  tout  h  coup 
qu’elle  a  mal  au  bras,  ou  a  la  t6te,  ou  ti  la  jambe.  On  croirait,  au 
moment  ou  elle  exprime  cette  plainte,  qu’elle  vient  de  recevoir 
un  coup  violent  sur  une  partie  quelconque  de  son  corps. 

Le  11.  —  Pollronnerie  excessive.  P...  dit  souvent  qu’elle  a 
peur.  Le  calme  continue,  I’appfitit  estsatisfaisant. 

Le  17.  ■ —  Amelioration  sensible.  Cette  malade  s’occupe  et 
dort  la  nuit.  M6mes  prescriptions,  h  I’exception  du  bromure  de 
potassium. 

Le  28.  — P...  continue  a  Otre  tranquille;  elle  rfeclaine  son 
pere  et  veut  aller  soigner  ses  petites  soeurs.  Continuation  des 
bains  sinapis6s ,  quotidiens. 

1"  septembre. — Le  pere  demande  avec  instance  sa  fille; 
I’anxifit^  a  disparu.  P. ..  peut  rendre  compte  de  toutes  les  sen¬ 
sations  douloureuses  qu’elle  dprouvait  et  qui  la  faisaient  crier. 
C’etaiteffectivement  despoints  douloureux  qui  lui  faisaient  Jeter 
des  cris  et  qui  dfiterminaient  une  anxiet6  aussi  grande.  Bains 
sinapisAsii  150  grammes. 

Par  suite  de  I’amelioration,  toujours  croissante,  la  raalade 
mangeait  bien,  reposait  la  nuit  et  n’avait  plus  6prouve  de  crises 
nerveuses.  Quoiqu’elle  ne  fut  pas  entierement  gu6rie,  j’ai 
consenti  ii  la  rendre  a  sa  faraille,  L’ara6Iioration  ne  s’est  pas  de- 
menlie. 


394  DES  BAINS ToENfiRAUX  SINAPISES 

En  6tudiant  particuliei’emeiU  les  terminaisons  de  certaiiies 
variet6s  de  folie  hyst^rique,  on  reconuait  que  chez  quelques- 
unes  de  ces  inalades,  pins  peiit-etre  que  dans  les  aulres  forpies 
de  folie,  les  pouinons  deviennent  tuberculeux.  Cette  tendance 
terininative  me  paiait  le  resultat  d’une  transformation  niorbide 
conlre  laquelle  devrait  agir  I’emploi  des  bains  siuapises.  L’effet 
des  douches  sur  le  corps  s’exjdique  de  la  menie  I'acon.  Je  iie 
pretends  pas  pourtant  que  ces  moyens  tlierapeutiques  puissent 
suffire  seuls  dans  ces  conditions  facheuses. 

Observation  HI.  —  Paralysie  generale  au  premier  degre. 

Pas  d’ali6nes  dans  la  famille.  —  Vie  irreguliere.  —  Exces  vdnerions.  — 

Agitation  et  delire  des  grandeurs.  —  Bains  sinapises.  —  Bromure  de 

potassium.  —  Toniques  amers.  —  Guerison.  —  Sortie. 

La  nomniEe  II. . ayant  quitte  sa  famille  &  I’age  de  seize  ans, 
vint  k  Paris,  on  elle  chercha  d’abord  a  gagner  sa  vie  comme 
ouvrifere  dans  un  magasiu.  Pendant  deux  ans,  elle  mena  une 
vie  sage  et  r6guliere,  mais  s’^tanl  ensuite  laissee  entraiiier  par 
les  seductions  d’pp  jeune  liomme,  elle  devint  sa  maitresse  et 
eut  un  enfant  de  lui.  Abandonnee  quelque  temps  .aprfes,  elle 
fut  obligde  pour  vivre  de  se  livrer  ii  la  prostitulion  clandestine. 
Puis,  elle  entra  dans  des  maisous  publiques,  Elle  parrourut 
plusieurs  grandes  villes  en  faisant  ce  bonteux  ra6tier.  Elle  a  et6 
atteinte  it  deux  reprises  difffirentes  de  maladies  vdneriennes  qui 
out  ndcessite  sou  envoi  dans  les  hopitaux.  Les  exces  de  toutes 
sortes,  puis  les  chagrins  violents  que  H...  dit  avoir  eprouvEs 
dans  sa  profession,  depuis  surtout  qu’elle  s’est  vue  abandonn6e 
par  sa  famille  qui  n’a  plus  voulu  la  reconnaitre,  out  alt6re  sa 
sante  physique  et  out  oblige  cette  fdle  a  entrer  a  I’liopital  de 
Marseille.  A  la  suite  d’une  agitation  assez  grande  avec  ddlire 
des  grandeurs,  elle  a  et6  admise  a  I’asile  de  Saint-Pierre,  le 
7  fkvrier  186g. 

A  son  entree,  cette  malade  est  assez  cahne,  mais  il  y  a  un 
trouble  considerable  dans  les  id6es ;  la  m6moire  est  alt^ree. 


DANS  LE  TKAlTKfUENT  DJS  l>A  FOLIE.  395 

puis  elle  nous  parle  de  richesses  ei  de  maisons  qu'elle  poss&de. 
l-e  sui'lendeinain  de  sou  admission,  le  d^lire  des  grandeurs 
parail  avoir  disparu.  Mais  la  meinoire  est  toujours  infidele.  II  y 
a  de  nombreiises  contradictions  dans  les  r6ponses  qu'elle  nous 
fait  relativenient  a  sa  vie  anterieure.  Elle  est  iranquille,  niais 
a  de  la  peine  a  s’occuper,  |a  vue  est  trouble  etellene  peut  con- 
duire  raiguille.  Elle  se  plaint  de  c6phalalgie,  de  pesanteur  de 
tele,  de  douleurs  dans  la  region  lonibaire.  Nous  reinarquons  un 
peu  de  faiblesse  dans  les  meinbres  inKrieurs ;  la  parole  n’est 
pas  einbarrassee  ;  la  peau  est  seclie,  le  soinineil  difficile.  Je 
prescris  une  poll jii  avec  broniure  de  potassium,  I8‘'j50.  Deux 
bains  sulfureux  par  semaine. 

Lei®'' mars.  —  Mcme d6bilit6 intellectuelle,  cephalalgie con¬ 
tinue,  douleurs  dans  les  lombes.  H...  oublie  sa  place  au  reiec- 
toiie,  ne  reconnait  pas.  son  lit  et  va  se  coucher  au  fitd’uned.; 
ses  voisines.  Bains  sinapis6s  k  150  grammes  tous  les  deux  jours ; 
potion  au  bromure  de  potassium,  1®'',50;  tisane  de  geniiane. 

Le  15,  —  La  cephalalgie  a  considerablement  diqiinue.  H... 
commence  a  trayailler  a  la  couture,  les  ourlets  sout  en  zigzag. 
Les  points  sont  disproportionu6s  et  in6gaux. 

Le  26.  —  Amelioration  considerable.  La  malade  est  plus 
apte  au  travail  de  la  couture,  reconnait  mieux  sa  place.  Conti¬ 
nuation  des  mernes  prescriptions. 

Les  jours  suivants,  I’amendement  se  confirme.  Le  caractere 
de  la  malade  est  doux  et  conciliant.  Elle  uous  parle  d'une  ma- 
niere  affectueuse  de  sa  famille. 

Le  10  avril.  —  Nous  remarquons  que  lorsque  le  temps  est 
orageux  et  qu’il  fait  du  vent  du  N.  0.,  les  symptSmes  (troubles 
de  la  vue,  c6phalalgie,  perte  de  mfimoire  relativement  a  sa  place 
au  refectoire  et  au  dortoir),  reapparaissent  avec  une  certaine 
intensity,  et  cette  exacerbation  dure  autant  que  le  mauvais 
temps,  deux  ou  trois  jours.  Avec  le  beau  temps,  amendement 
considerable.  Continuation  des  raemes  prescriptions, 

Le  2  mai.  —  La  malade  nous  rend  parfaitemeiit  compte  de 


396  DES  BAINS  GfiNfiRAUX  SINAPISfiS 

tout  ce  quo  lebain  lui  fait  eprouver,  la  sensation  de  picoteinent, 
puis  le  bien-gtre  qu’elle  ressent  loute  la  journge  apres  le  bain. 
Lcs  jours  ou  le  bain  est  pris,  elle  se  trouve  bien  mieux  ;  I’ap- 
pgtit  est  meilleur.  Bains ggneraux  sinapises  h  ISO  grammes quo- 
tidiens;  vin  de  quinquina,  60  grammes;  tisane  de  gentiane. 

Le  5.  —  La  dose  de  la  farine  de  moutarde  est  glevge  a  200 
grammes. 

Le  IZi.  —  L’amelioration  n’a  fait  que  progresser ;  mais  il  y  a 
toujours  quelques  troubles  apparents  quand  souflde  le  vent 
du  N.  0.  H...  veut  rompre  avecla  vie  irrgguligre  qui  lui  a  fait 
perdre  I’affection  de  sa  famille.  Elle  demande  a  sc  retirer  dans 
im  convent  de  repentir. 

L’etat  physique  a  gtg  en  progressant.  Cette  malade  nous  parlait 
aussi  d’une  maniere  tres-lucide  de  sa  vie  antgrieure  et  de  tous 
les  phenomfenes  de  sa  maladie.  Elle  a  pu  sortir  entiferement 
rgtablie  le  30  raai  1866. 

Chemin  faisant,  je  suis  bien  aise  d’appeler  I’attention  sur 
I’influcnce  de  certains  gtats  atmospheriques  sur  la  malade  donl 
je  viens  de  donner  I’histoire.  Je  n’avais  jias  encore  rencontrg 
cette  influence  chez  des  paralysgs  ggngraux.  Chez  les  personnes 
nervosiques,  les  phenomfenes  metgorologiques  out  une  action 
tres-prononcge.  Il  serait  bon  de  recueillir  un  nombre  de  fails 
suffisants  pour  arriver  a  des  conclusions  prgcises  suivant  diffg- 
rentes  altgrations  nerveuses. 

La  quantitg  des  femmes  alteinles  de  paralysie  gengrale  est 
assez  restreinte.  Ges  alignges  arrivent  presque  toutes  dans  nos 
asiles  a  une  pgrlode  assez  avancge.  Sur  cent  donze  femmes 
admisesdanslecourantdel’annge  1866,  nous  en  comptons  onze 
appartenant  a  cette  classede maladie.  Une  seule,la  nommge  H..., 
est  arrivge  dans  un  gtat  moins  grave.  Chez  les  aulres,  les 
dgsordres  intellectuelset  physiques  gtaient  considgrables.  Toute- 
fois,  chez  la  nommge  Ch... ,  marige,  la  maladie  ayant  pour 
cause  des  chagrins  domestiques,  des  excbs  de  lecture  et  une 


DANS  LE  TRAltEMEMT  DE  LA  FOLIE.  397 

irritability  nerveuse  de  date  ancienne  et  pryseiitant  les  carac- 
tferes  de  la  deuxiStne  pdriode,  nous  avons  obtenu  une  amyiio- 
ration  assez  notable,  amelioration  stationnaire  qui  a  permis 
pourtant  a  la  famille  de  reprendre  la  malade.  Chez  une  autre 
inalade,  la  noinm6e  L...,  paralysie  gynSrale  la  seconde  py- 
riode,  les  bains  sinapisys  ont  yty  administrys  plusieurs  raois  de 
suite  sans  rysultat.  IlenestdemSniepourune  femme  G... ,  enti-ye 
par  suite  de  paralysie  gynyrale  a  peu  pres  &  la  troisieme  pyriode. 
J’ai  du  m’arrdter  apr6s  quelques  jours  d’essai.  Les  dysordres 
organiques  trfes-avancys  ne  paraissent  nullement  s’accommoder 
de  ce  moyen  thyrapeulique.  De  temps  en  temps,  quelques  bains 
sinapisys  peuvent  aider.  Je  me  suis  toujours  bien  mieux  trouvy 
dans  ces  conditions  des  bains  sulfureux  tels  que  les  adminislre 
M.  le  docteur  Dumesnil,  mydecin-directeur  de  I’asile  de  Qua- 
treraares. 

Les  considyrations  et  les  faits  qui  prycydent  font  voir  que 
j’envisage  les  bains  gynyraux  sinapisys  comme  de  puissants  i-y- 
vulsifs,  comme  des  ryvulsifs  ytendus  sur  une  surface  considy- 
rable.  D’aprfes  cette  maniere  de  voir,  ces  agents  s’adressent  sur- 
tout  aux  cas  od  une  fluxion,  un  travail  morbide  est  sur  le  point 
de  se  localiser.  On  a  pour  but  d’empScher  la  fausse  direction  de 
la  force  vitale.  C’est  d’apres  ces  idyes  que  j’avais  eu  priraitive- 
ment  I’intention  d’employer  les  pydiluves  sinapisys  cliez  le  ma- 
niaque  de  Quatreraares,  chez  la  jeune  pluhisique  que  j’ai  citye 
au  dybut;  c’est  aussi  d’apres  ces  idyes'  que  je  les  ai  em¬ 
ployes  chez  les  premiers  sujets.  L’expyrience  m’a  dymontry 
qu’il  ytait  encore  une  situation  tres-importante  qui  i-ydamait 
I’emploi  des  bains  sinapisys.  C’est  alors  que  les  forces  sent 
comprimyes  par  un  ytat  de  spasme  gynyral,  qu’elles  sont, 
pour  ainsi  dire,  sous  le  joug  d’un  ytat  nerveux ;  e'est  le  cas  de 
la  stupeur  ou  de  I’hybytude  hystyrique,  c’est  le  cas  de  la  folie 
nervosique. 

Voici  un  fait  de  folie  nervosique  se  rapportant  ti-ys-bien  au 
AhNAL.  Mfeo.-Psyca.  A^serie,  t.  lx.  Mai  1867.  2.  26 


398  BBS  BAINS  GfetifiRAUX  SINAPISMS 

r^sum^  que  j’ai  dunne  sur  oette  maladie  daus  uii  aUlre  tra¬ 
vail  (1). 

Observation  IV.  —  Folie  nervosique. 

Goustitution  nerveUse.  —  Nervosisrte  ahcieri.  ^  AltferatioH  des  sehli- 
menls  affectifs.  — Jalousie,  orgueil,  obstination,  accusations  diverses. 

ttefUS  de  sdivre  tout  Iraitemeht.  —  Bains  sinapisds.  —  Regiriie 
tonique.  —  Amelioration,  —  Sortie. 

Alt  cotntiienceiiieat  du  inois  de  ddceinbre  1866t  je  fus  appeld 
par  uii  confrere  aupres  d’une  malade  piesentant  uii  trouble 
assez  prouonc6  des  facultes  intellectuelle.s  se  traduisatit  par  des 
hallucinations,  une  altdratiou  tres-grande  des  sentiineots  affec- 
lifs  et  un  d6lire  des  persecutions.  Cette  dame  avail  assez  d’ein- 
pire  sur  elle-meme  pour  dissitnuler  certains  ph6nomenes  mor- 
bides  qui  6taient  r6elleinent  caracteristiques.  de  sa  situation 
inenlale.  G’est  ainsi  que,  pendant  une  heure  environ,  ,elle 
r6pondit  parfaiteinent  a  toutes  lues  questions  el  me  fournit  sur 
son  elal  physique  anterieur  des  details  tres-circonslancies.-  Elle 
in’apprit  que  depuis  longtemps  elle  etait  sujette  a  des  rievralgies 
qui  occupaient  la  Igte,  que  ces  nevralgies  se  reproduisaient  sou- 
vent  et  Texasperaient,  que  ces  n6vralgies  avaient  bien  diminue 
depuis  plus  de  deux  ans,  inais  en  raeme  temps  la  menstruation 
6tait  devenue  irr^gulifere,  et  surtout  depuis  quelques  mois  elle 
avail  cess6.  Marine  depuis  une  huitained’ann^es,  elle  n’a  pas  eu 
d’enfanls  ni  grossesse.  Elle  est  agie  de  trenie-cinq  aiis.  D’apres 
les  renseignemenls  du  mari  etdes  persounes  qui  Font  connue,  il 
y  a  elTectivement  depuis  deux  ans  un  grand  changement  dans  le 
caractere.  Cette  dame  recherche  I’isolement,  est  indifl'drente 
pour  les  siens,  elle  parle  et  rit  toule  seule,  neglige  sa  toilette, 
elle  se  renferme  avec  obstination  dans  son  appartement,  s’em- 
porte  quand  son  mari  lui  fait  des  observations  tres-justes,  du 
reste.  Elle  fait  mfime  des  scenes  de  jalousie  a  sou  mari  qui  est 


(1)  tludo  midico-Ugale  sur  la  simulation  de  la  folie,  p.  185. 


DANS  LE  TRAITEMteNT  HE  LA  FOIilE.  399 

oblige  de  sortir  pdbr  ses  oGctipatibns  jou'rnaliereS)  elle  se  monte 
peu  k  peuy  menace  de  faire  du  scandale^  de  le  quitter.  Au  mbis 
de  juillet,  elle  lui  demandade  I’argent  pour  s’eii  aller.  Le  luarii 
voulant  la  mettre  h  repreiive,  lui  remits  fen  ellfet)  la  sominfe 
qu’elle  demandait.  La  malade  prit  immedialemeiit  le  chemili 
de  ferj  se  rendit  it  Palis,  ou  le  cotlseil  de  seS  connaissancesj 
puis  rferaotion  produite  par  I’acte  qu’elle  venait  de  faire  et 
I’febranleraentdu  voyage,  lui  firent faire  un  retoursur  elle-memei 
et  elle  ne  tarda  pas  a  revenir  a  Marseille.  L'allferation  mentale 
ii’a  fait  qu’augmenten  II  n’y  a  aucun  olifebe  dans  sa  famlllfe. 
Celle  dame  jouit  d’une  certaine  aisance.  Elle  a  I’habitude  de 
fumer  le  cigare  apres  chaque  repas,  de  prendre  du  caffe. 

Nous  nous  trouvions  en  prfeseiice  d’une  transformation  tnor- 
bide  du  uervosisme,et  jecoiiseillaiimmfediatemeiitun  traitemeni 
revulslf  et  tonique,  el  cherchai  a  decider  la  malade  a  raecepter, 
en  prfetendant  qu’il  fetait  essentiel  de  faire  revenir  les  rfegles 
supprimees  depuis  quelques  mois;  (Chocolat  le  matin,  suppres¬ 
sion  du  the  et  du  caffe,  vialides  roties,  tisane  de  gentiane  dans 
la  journfee,  bains  gfenferaux  sinapises  a  150  grammes  tons  les 
deux  jours.)  I’engageai  a  placer  cette  personnfe  a  I’asile  Saint- 
Pierre,  dans  le  cas  ou  elle  ne  voudrait  pas  se  soumettre  feu  trai- 
tement.  Le  refus  de  toute  espece  de  medicameuiation  n’arrive 
que  trop  fifequemment  chez  ces  sories  de  malades,  et  I’affection 
ne  fait  alors  qu’empirer  et  devient  bientOt  incurable;  EffeGiive- 
inent)  la  plus  grande  opposition  eut  lieu,  Mais  la  menace  de  la 
sfequeslration  fit  une  telle  revolution  que  les  menstrues  arri- 
verent  la  nuit  meme  qui  suivit  ces  prescriptions.  Mais  cela  ne 
pouvait  suffirei  Get  fecoiilement  ne  modifia  en  rien  les  sym- 
ptomes  psychiques,  et  quelques  jours  apres,  le  21  dfecembre, 
madame  Ch. ..  fut  placee  ii  I’asile. 

Mdflalrife  Gh...  egt  irfeb-Ofere.  Ellfe  acCfeptS  saris  ih'bt  dil-fe  sa 
nouveile  situation,  si  ce  u’est  qu’elle  regardait  avec  mepris  les 
aulres  peusionnaires  qui  fetaient  dans  la  division.  Elle  restait 
aanfe  rieri  fllirfe,  ies  bras  croisfes,  riaiit  tbule  seule  et  rdpbridant  a 


aOO  DES  BAINS  GfiNfiRAUX  SlNAPISfiS 

peine  aux  questions  qu’on  lui  faisait.  Quand  elle  se  croyait  scule, 
elle  se  mettait  ii  chanter  des  airs  sans  suite,  a  roucouler,  a 
crier,  h  gesticuler  de  maniere  trfes-bizarre,  puis  k  rire  aux 
6clats.  Quand  on  lui  parlait  de  cela,  elle  niait  tous  les  actes. 
Quand  je  I’amenais  sur  le  sujet  de  son  mari,  elle  gardail  le 
silence  le  plus  absolu,  Je  I’invitai  inutilement  k  s’occnper  un 
peu,  k  ne  pas  rester  sans  rien  faire,  et  k  se  livrer  k  quelque 
occupation  que  ce  fut  qui  lui  serait  agr6able,  un  tricot,  une  bro- 
derie,  etc.  Les  prescriptions  furent  les  m6mes  que  cellcs  que 
j’ai  indiquees  plus  haul.  Bains  sinapis6s  k  150  grammes,  regime 
tonique,  tisane  de  gentiane.  Le  surlendemain  j’augmentai  la 
dose  de  farine  de  moutarde  et  I’filevai  k  200  grammes. 

Le  15  Janvier,  n’obtenant  pas  encore  d’am61ioration,  je  me 
d6cidai  k  faiie  intervenir  les  doufthes  froides  sur  le  corps.  Je 
fis  alterncr  ces  deux  moyens. 

Lei"  Kvrier,  un  raieux  sensible  apparut.  Madame  Ch. .. 
consentit  k  s’occuper,  elle  riait  moins  et  causait  moins  quand 
elle  dtait  seule.  Elle  etait  plus  affable  avec  son  entourage. 

Quelques  Jours  apres,  elle  demanda  elle-meme  k  voir  son 
mari.  J’aulorisai  cette  visite,  et  elle  eut  d’excellents  r^sultats. 

Les  bains  sinapisds  arternant  avec  les  douches  froides  sur  le 
corps  produisaient  une  arafilioration  progressive. 

Le  mari  ne  crul  pas  devoir  atteudre  plus  longtemps,  et  sur 
I’insistance  de  la  famille,  Je  fus  obligd  d’obterapdrer  k  la  sortie, 
alors  que  la  malade  etait  en  bonne  voie.  Elle  sortit  le  17  fd- 
vrier  1867. 


Observation  V.  ~  Folienervosique. 

Tante  aliknke  —  Nervosisme  trks-anoien.  —  Mtrocession  d’une  affection 
herpklique.  —  Predominance  d’iddes  mdlancoliques.  —  Bains  sina- 
pises  et  potion  antispasmodique.  —  Douches.  — Retour  del’affection 
herpelique.  —  Douches  et  bains  sulfureux.  —  Amelioration.  — 
Sortie. 


Tr...,ag6e  de  irente-deux  ans,  maride,  entre  k  I’asilede 


&01 


DANS  tE  TrXiTEMENT  DE  IA  FOLIE. 

Saint-Pierre,  le  29  avril  1866.  Cette  dame  est  d’uii  tempera¬ 
ment  irfes-deiicat.  Elle  est  tres-faible  et  trfes-maigre.  La  pcau 
est  ddcoloree.  La  inalade  pleure,  se  lamente,  ne  pent  rester  en 
place,  repond  ii  peine  aux  questions  qu’on  lui  adresse,  la  md- 
moire  parait  faire  ddfaut ;  elle  parle  en  sanglotant  a  nne  per- 
sonne  qu’elle  croit  dire  dans  I’asile,  dil  qu’elle  est  malheu- 
reuse,  qu’elle  va  mourir,  qu’ellc  ne  verra  plus  ses  enfants, 
accuse  des  cephalalgies  tres-fortes  et  presque  continues. 

Les  renseignements  fournis  par  le  mari  nous  apprennent  que 
madame  Tr...  appartient  &  une  famille  aisde,  qu’elle  a  toujours 
ete  tres-deiicate,  Ires-nerveuse  et  sujetle  a  des  nevralgies  cd- 
phaliques  trfes-infenses.  Elle  a  eu  deux  enfants  qui  vivent  en¬ 
core.  A  la  suite  du  second  accouchement,  apparition  d’une 
eruption  herpdtique  tres-dtendue.  Il  parait  que  le  p6re,  li  la 
suite  de  Yiolenls chagrins, fut  prisd’une  eruption  semblable  dont 
il  est  encore  atteint.  Le  mari  n’ayant  pas  rdussi  dans  une  entre- 
prise,  il  y  a  Irois  ou  qualre  ans,  les  conditions  de  la  vie  intd- 
rieure  subirent  quelques  modifications  qui  infludrent  d’une 
manidre  fScheuse  sur  la  santd  physique  et  morale.  Les  ndvral- 
gies  cdphaliques  devinrent  plus  frdquentes  et  plus  intenses,  elles 
dtaient  caractdrisdes  par  des  sensations  aigues  de  tiraillement  et 
d’dlancement  s’irradiant  dans  la  tete,  s’dlendant  au  cuir  che- 
velu,  a  la  face.  Depuis  un  an  surtout,  les  recrudescences  nd- 
vralgiques  dtaient  tfds-pdnibles.  Madame  Tr...  obtint  de  I’amd- 
lioration  en  recouvrant  sa  tete  de  coton  et  enveloppant  le  tout 
de  toile  cirde.  En  mdme  temps,  draotivitd  considdrable,  iddes 
mdlancoliques  frdquentes.  Parsuite  de  contrarietds  domestiques, 
I’dtat  mental  a  subi  une  altdralion  de  plus  en  plus  grave.  Depuis 
quatre  mois  surtout,  le  trouble  mental  est  considdrable.  Cette 
dame  est  excessivement  hypochondriaque,  elle  craint  toujours 
d’dtre  malade.  Quelqu’un  lui  ayant  dit  que  ses  douleurs  pou- 
vaient  dtre  le  rdsultat  d’un  andvrysme,  elles’est  imaginde  qu’elle 
etait  rdellement  atteinte  de  cette  affection.  Elle  fait  a  son  mari 
des  scdnes  de  jalousie,  elle  se  persuade  qu’il  la  trompe.  Ces 


4Q?  DP  BAINS  GfiBffiBAUrSINApiSeS 

id4es  n’ont  fpit  qu’aggrfiver  fje  nUl®  en  pips  la  situalip!).  Aussi 
Tr. 1)6  pouvsit-elle  s’pcciiper  c|es  alfaires  do  sfl  maison.  Hie 
pretendait  qu’elip  allpit  tnoiirir,  qqe  son  mpri  al|pit  se  remarier, 
qu’jl  voujpjl,  ipetne  j’eiiipqisoimep,  qq’glle  ejpit  damnae;  elle 
lopibait  dpqs  la  flastisppir,  aypit  deg  idues  de  suicide  et  a  nieme 
lenie  desn  jelev  par  Ip  cioisee.  Quelqgefois  celte  anxiel6  elait 
remplacee  par  ppe  prfidomiiiaiice  d’id6es  l  eiigieuses,  elle  pas- 
sait  trf's-lpHgtetpps  ^  priei'  Pjen,  pqjs  sui  vep;iiei]t  des  balluclT 
natioiis,  elle  s’entrelpnait  avec  des  pensoniies  qu’eljp  cioyait 
voir.  Le  souiipeil  etpit  U’fis-PQm’t ;  elle  avajt  des  cauclieraai-s  Ip 
iiiiit;  I’app^tit  6tait  a  peu  pres  pul.  C’est  dans  ces  pondilions 
qii’elle  fut  sSqHeptrdp  et  confiAe  a  mes  sojns. 

line  tanie  rpplernellp  ayait  dte  pli6ii6e. 

Le  I"'’  niai.  -r..  trefj-grpnde,  pleups,  WglplSi  e!|e  a 

dfiehir6  ses  velentepls,  Je  preaeiis  des  baiDS  siflppisds  p  Ifjd 
grammes  tops  jes  deux  jopiSr  Le  spjr,  pqe  pqtjgn  anti,sppspi.o- 
<?ipe- 

l.e2.  —  Rpfua  de  topfe  espece  d’aliipepta,  pe  vein  pps 
prendre  sp  potipp,  L’est  li  pejpe  si  I’pp  pept  Igi  eu  faire  pyalef 
qiiplques  gouttes  en  la  cppp'aigBant  de  fprpe,- 

Le  10.  ^  Amelipreliun  sensible  dpps  r^tpt  de  Ip  pnajpde  :  ellp 
mange  biep,  repose  dpranl  la  nuip  ALQips  de  irrstesse  et  de 
mqiancolie,  Wsdapie  Tl--,-  S’peeupe  bjpn,  Toulefois,  si  on  !ui 
adresse  Ip  pproje,  elle  s’.atlriste  ej)  parlpnt  ef  pe  tarde  ppfi  P 
pleprer ;  elle  demandp  h  pefourner  cbez  son  piere. 

23.  pepip  sitpatioii  et  piemes  prescriptipps ;  a,dd.  vjp 
de  geptiaiie,  50  graipwef 

be  26.  —  Pendant  .depv  pp  trpis  joiirg,  reprudescepce  de 
I’anxi6t6;  cris,  Sanglpts  qnj  vont  jngqu’ap  d^gesppir;  baips 
sina()is6s  qpotidiepg  a  2!)Q  grapppeg;  vjp  dp  gpxitiap.e.  50  grapi,  | 
|e  spir,  pption  ayec  acdtale  de  ptorphtpe,  1  cep.figramme. 

JL,e  4  jpin,  — r  Le  calme  reparpit ;  mais  il  y  a  toujpqrs  des 
idees  trigtes.  Cefte  perspnne  pleure  soqvent,  6crit  a  spn  mari 
une  lettrp  qui  a  4e  la  suite,  igai?  qui  pe  ,coii,tiept  que  deg 


DANS  LE  TJHAl'l'EMBNT  DE  LA  EOLIE.  /lOS 

expressions  mdlancoliques.  Elle  dfisire  que  sou  riiari  viemie 

pour  qu’elle  puisse  inourir  dans  ses  bras,  etc . 

Le  27  juin.  —  Douleurs  nfivralgiques  ires-intense.s  si6geanl 
dans  diflerents  points  du  corps, 

Le2  jnillet.  —  Le  calme  continue.  Plaintes  hypochondriaqijes 
de  temps  h  autre  et  idiies  tristes,  Je  m’aperpois  que  celte  malade, 
voulant  exprimer  uiie  pens6e,  ne  trouve  pas  souvent  I’expres- 
sion.  L’idee  commencee  lui  ,6cbappe.  MSmes  prescriptions. 

Le  7  aout.  —  Le  raeme  6lal  continue  avec  quelques  recrudes¬ 
cences  vers  la  fm  des  mois  surloui. 

Le  1 7.  ■ —  Je  remplace  les  bains  sinapisms  par  les  douches  sur 
le  corps  au  moyen  de  la  pomme  d’arrosoir. 

Le  20  seplembre.  —  Je  constate  une  Jegere  amdiioretion. 
En  appliquant  la  douche,  je  reinarque  que  I’herpfes  est  revenu. 
Celte  r6apparition  datait  d’une  quinzaine  de  jours  et  etait  venue 
progressivemeut.  Ce  sont  des  plaques  6cailleuses  de  differenles 
grandeurs  si(5geanl  k  I’fipaule,  a  ravanl-bras  et  au  dos.  Quelques- 
uues  ont  jusqu’Si  6ou5ceniimetresde  longueur  sur  3  delargeur. 
Memes  prescriptions,  tisane  de  salsepareille. 

l.e  8  octobre.  —  L ’a melioration  est  sensible  el  plus  consi¬ 
derable  ;  les  plat(ues  herpetiques  s’etendent.  L’appetit  est  meil- 
leur.  Elle  reclame  sa  famille,  ses  enfanis.  Sur  la  demaude  de  la 
malade,  je  supprime  le  vin  de  gentiane. 

Le  28.  —  Les  idees  tristes  reparaissent  de  temps  a  autre. 
On  la  voil  tantot  pleurer  et  dire  qu’elle  va  mourir ;  on  bien  elle 
se  figure  que  son  pere  est  mort.  La  physionomie  est  pourlant 
meilieure  et  les  intervalles  de  calme  plus  longs.  Deux  bains  sul- 
lureux  par  sepiaine,  puis  douches  froides  les  autres  jours;  tisane 
de  salsepareille.  Ce  traitement  aiusi  continue  pendant  les  raois 
de  la  saison  froide ,  I’dtai  physique  s’aindiiore  peu  a  peu  et  les 
idees  tristes  ont  une  duree  de  inoins  en  moins  longue,  mais 
persistent.  La  malade  travaille  avec  plus  d'assiduitd.  Elle  est 
plus  calme.  Elle  reclame  souvent  la  visite  de  son  mari  et  de  ses 
enfants.  Elle  les  recoit  avec  le  plus  grand  plaisir. 


404  DKS  BAINS  (ifeNERAUX  SINAPlSfiS 

En  raison  de  I’anciennete  de  I’allection  cutan6e  qui  d’ailleurs 
est  h^reditaire,  je  n’avais  rien  a  tenter  centre  elle  en  ce  moment 
et  ne  devais  pas  cliercher  a  la  faire  disparaltre.  Mon  traitement 
a  eu  pour  but  d’ameliorer  le  physique  tout  en  laissant  un  libre 
cours  4  la  diathese  herp6lique. 

J’ai  autorisfi  deux  fois  cette  malade  4  passer  la  journ6e  dans 
sa  maison  avec  ses  enfants.  Au  commencement  d’avril  1867, 
madame  Tr. rfeclamant  depuis  assez  longlemps  sa  sortie, 
quoique  n’6tant  pas  encore  enti4rement  d6barrass4e  des  id6es 
tristes  qui  la  tourmentaient,  a  6t6  retenue  par  son  mari  4  la 
suite  d’une  permission  de  sortie  pour  un  jour.  L’amdlioration 
etait  considerable. 

J’ai  citd  cette  observation  parce  que  j’attribue  aux  bains 
sinapisSs  gSndraux  le  retour  de  I’affection  cutande,  et  e’est  4  ce 
retour  que  nous  devons  peu  4  peu  le  relablissement  de  la  sante 
physique  de  cette  dame. 

Observation  VI.  —  Folie  nervosique. 

Temperament  nerveux.  —  Constitution  delicate.  —  Nevrose  exophthal- 

mique. —  Emotivite  Ires-grande. — Chagrins.  — Craintes  nombreuses. 

—  Idees  melancoliques.  —  Illusions. —  Hallucinations.  —  Excitation. 

—  Loquacitd  incoherente.  —  Bains  simples.  . —  Bains  sinapises.  — 

Toniques  amers.  —  Amelioration.  —  Sortie. 

En  etudiant  les  malades  de  mon  nouveau  service,  mou  atten¬ 
tion  se  fixa  sur  une  malade  prdseutant  une  saillie  tres-prononcee 
de  roeil  gauche  seulement,  paleur  de  la  peau  et  des  gencives, 
cou  gonfle,  bypertrophie  du  coeur.  Sous  le  rapport  psychique, 
uii  commencement  de  ddraence  incoherente,  loquacite  tres- 
grande. 

Un  examen  prolonge  etdes  renseiguements  que  j’obtins  de  la 
famille  me  confirmerent  dans  le  diagnostic  que  j’avais  porte 
dans  le  debut.  J’avais  affaire  4  une  nevrose  exophthalmique  sans 
goitre. 

La  aoinmee  R...,  mariec  4  I’age  de  dix-septans,  a  toujours 


DANS  LE  TRAITEMENT  DE  LA  FOLIE.  405 

etc  d’un  tempfirament  nerveux  tr6s-prononc6 ;  elle  etait  tres- 
vive  et  tres-itnpressionnable.  Elle  a  eu  sept  enfants,  dent  deux 
sent  morts,  et  a  eu,  en  outre,  deux  fausses  couches,  Elle  n’a  pu 
allaiter  aucun  de  ses  enfants.  Ses  deux  filles  ain6es,  ayant  Tune 
vingt-quatre  ans  environ,  I’autre  vingt  et  un  ans,  prfisentcnt 
toutes  deux  les  caraclbres  d’une  alTeciion  hypertrophique  du 
coeur.  Les  autres  enfants  sont  bien  plus  jeunes ;  le  fils  ainfi,  qui 
peut  avoir  vingt-cinq  ou  vingt-six  ans,  n’offre  pas  ii  premifere 
vue  le  meine  type  cardiaque  que  les  deux  jeunes  filles  qui 
vienuent  apres. 

Madame  R. . .  a  toujours  6te  tres-d61icate  et  6prouvail  de  fre¬ 
quents  malaises.  Mais  dgpuis  1858  surtout  elle  ressentait  plus 
facilemenl  la  fatigue  et  des  palpitations  avec  conservation  de 
I’appfiiit.  A  ce  moment  apparut  une  exophlhalmie  d’abordfaible, 
mais  qui  progressa  lentement.  L’6motivite  presenla  aussi,  a 
partir  de  cette  fipoque,  une  allfiration  croissante.  Mais  jamais 
assez  pour  qu’on  crut  devoir  recourir  aux  soins  sp6ciaux  d’un 
asile.  R. ..  avail  assez  frfiquemment  des  rSves  effrayants,  son 
imagination  6tait  souvent  vagabonds,  elle  redoutait  I’avenir, 
dtait  superstilieuse.  Cette  situation  morale  s’accrut  encore  par 
I’absence  prolong^e  de  son  fils  aine  qui  etait  en  voyage  et  par  ie 
manque  de  nouvelles  a  son  ggard.  Voulaut  savoir  ce  qu’il  fai- 
sait,  elle  eut  recours  a  la  n6cromancie  et  fut  consulter  des 
femmes  qui  font  le  metier  de  dire  la  bonne  aventure.  Puis,  par 
suite  d’une  accusation  port4e  contre  ce  jeune  homme,  accusa¬ 
tion  qui  le  fit  poursuivre  devant  le  tribunal,  qui  ne  tarda  pas  a 
prononcer  son  acquillement,  I’intelligence  subit  une  perturba¬ 
tion  de  plus  en  plus  grande.  Cette  femme  pleurait,  selamentait, 
puis  manifestait  de  I’agitation  qui  durait  une  heure  et  mOme 
toute  une  journfee. 

Elle  parlait  sans  cesse  de  sou  fils.  Elle  avail  des  illusions  de  la 
vue,  il  lui  arrivait  de  prendre  pour  son  fils  la  premiere  personne 
qui  se  prfeenlait  k  ses  yeux.  La  nuit,  elle  avail  des  hallucina¬ 
tions  de  I’ouie  et  de  la  vue.  Elle  entendait  des  voix  qui  I’appe- 


^l()6  DES  BAINS  GENfeRAtJX  SINAPlSfiS 

laieni,  qui  inenapaient  son  fils  ou  sa  famillei  elle  s'imaginait. 
qn’on  voulait  lui  faire  du  mal.  Dans  certains  moments  d’excila- 
lion  et  de  dfeespoir,  elle  a  cssay6  de  frapper  son  inari  avec  un 
couteau.  Quelques  bains  simples  pris  chez  elle  ont  dte  sans  re- 
siiltat.  On  s’est  ddcidd  &  la  faire  entree  &  I’asile  Saint-Pierre,  le 
(3  aout  1865. 

Jusqu’au  moment  ou  je  I’ai  examinde,  elle  a  prdsentd  une 
loquacild  trds-grande,  incohdrence  dans  les  discours,  iddes  de 
persdciition,  hallucinations.  Elle  troublait  le  repos  de  ses  com- 
pagnes  par  ses  discours  saus  suite,  dont  elle  ne  gardait  pas  le 
.souvenir.  On  a  observd,  de  temps  a  autre,  quelques  jours  de 
calme;  mais  bientot  se  reproduisait  la  loquacild  incohdrentr. 
Rile  parlait  de  certains  espritsqu’elle  croyait  voir.  Elle  n’a  suivi 
pendant  ce  temps  d’autre  medication  que  les  bains  simples, 
b’appdtit  dtait  bon.  Mais  la  malade  se  plaignait  qu’on  la  faisail 
lever  trop  matin.  On  dtait  obligd  de  I’arracher  de  force  de  .sou 
lit.  Dans  la  journde,  quand  elle  ne  parlait  pas,  elle  se  couchait 
sur  un  banc  dans  le  prdau  de  la  division  et  sommeillait  la  tdte 
environnee  de  son  chSle.  Bien  .souvent^  elle  en  faisait  autani 
dans  I’ouvroir. 

Je  connaissais  les  bons  effels  de  rhydrolhdrapie  dans  la  nd- 
vrose  exophthalmique,  et  j’altribuais  en  grande  partiea  cet  dtat 
morbide  les  ddsordres  intellectuels  qui,  raalheureusenient, 
dlaient  ddja  trds-anciens.  Mais  en  prdsence  de  I’agitation  et 
de  I’indocilitd  de  la  malade  et  en  raison  de  quelques  desiderata 
dans  notre  appareil  hydrothdrapique ,  Je  tentai  I’effet  des 
bains  sinapisds.  Le  6  fdvrier  1866,  j’ordonnai  bain  sinapisd 
a  150  grammes  tons  les  jours  et  50  grammes  vin  de  genliane 
tons  les  matins. 

Le  22  fdvrier.  —  La  loquacild  parait  diminuer  un  peu.  La 
malade  s'ooeupe  et  travaille  k  la  couture.  Elle  se  plaint  sur- 
tout  de  la  fatigue  qu’elle  dprouve  le  matin.  Je  prescris  poor 
elle  un  repos  au  lit  plus  prolongd  et  continue  les  aulres  pre.s- 
criptions. 


DANS  LP  THAITEMENT  DE  LiV  FQE^p.  4Q7 

Le  1"’'  mars.  —  Ain^lioralign  trfes-sepsible ;  moms  fli?  loqu?- 
cit6 ;  elle  continue  a  s’occuper.  Memes  prescriptions. 

Le  17.  — L’amelioration  semaintient.  La  raalade  se  leveplus 
volqntiers  le  rpatin.  E!|e  nq  pleiire  pins,  pifiis  se  pjpiijt  tlfls  hains 
qu’on  lui  donne  et  des  ddmaugeaisons  que  jp  peau  ^prouvedans 
I’epu.  Mfiraes  prescriptions. 

Le  10  ayril.  —  E’.apidlioration  coptjniie.  Le  cplme  reropjpce 
la  loquacitd  et  I’agitatinn,  Elleraisonne  avec  lucidile  ;  nous  rend 
assez  bien  compte  de  ce  qu’elle  a  dprouvd,  reclame  sa  famille. 
Toutefqis,  nous  cqpslatons  ijne  alt^rpliqn  de  la  m^mqire.  La 
inalade  a  de  la  pejne  a  se  rappeler  certaines  clioses  impqrfanteg, 
le  nombre  de  .ses  epfants,  leur  age  ;  la  nuit,  elle  enlend  quelqqeT 
fois  la  voi?  d?-  sqn  mari  qui  Tappelle, 

Les  yjsjtes  dp  sa  famiHe  Ipi  Sfiilt  QP  ne  peiqp|us  agr^ables, 
Elle  recqil  ses  epfants  pt  son  marl  d’line  maP'ore  trps-affpc- 
lueuse.  El|e  demande  ayec  instance  sa  sortie- 

Ee  28  avril.  —  E’dlpt  de  la  inalade  Pe  cessp  de  s’ami5|iorer, 
L’appdtit  est  bon,  la  pb^sio.pefflie  ast  meiHeurp,  |a  faqp  iin  ppu 
colorde,  seuleineut  madame  11...  se  plaint  de  palpitations  et 
d’gtre  facilement  essoqfflde. 

Le  14  mai.  —  Sur  I’insistance  des  parents  et  de  !a  malade 
elle-meme,  le  developpetnept  des  sentiments  alTectifs  rpclainant 
des  rapports  de  famille,  madame  R. ..  a  6t6  aulorisee  a  sortir  un 
jour  ep  pprinission,  I\lais  I’oppositipn  formelle  de  pettp  dame  a 
entrer  de  iioviveaq  a  I’asile  fit  Ip  defflspde  des  parents  m’qnt  dd- 
termjod.  a  conspptir  a  npe  sorti?  defiqid''§T  np  raison  de  i’atp^- 
lioralion  qui  s’fitait  produite. 

Ce  fiut  que  je  plasse  dans  la  catfigqrie  des  folies  pervqsiqqes 
tempignp  (I’abord  do  ben  ''^snltat  prodnit  par  I'enipini  dn  bain 
gfineral  sinapise  Gplui-pj  pentsqpplder  tres-bjen  rbydrothdrapie 
telle  qqe  la  qiet  et!  pratique  le  docteur  Gillebert  d’Herconrl 
dans  les  pas  de  ce  gepre.  Ensuite  rexophthalmie  bornde  a  un 
seu(  ceil  est  qn  pbAnorneqe  qiij  n’a  pas  enpore  6t6  constald  dans 
la  maladie  de  Graves.  Enfm,  d  est  une  preuye  de  pins  que  le 


i08  DES  BAINS  GfiNERAUX  SINAPISfiS 

gonflement  du  corps  thyroide  n’est  pas  constant  dans  cette 

rualadie. 


Les  bains  g6n6raux  sinapisms  conviennent  tr6s-bien  quand  les 
forces  sont  dans  un  grand  6tat  de  prostration  et  qu"on  a  affaire  h 
une  faiblesse  genfirale  comme  chez  certaines  malades  atteintes 
d’alienation  a  la  suite  de  fievre  typhoide,  d’allaitement  prolong^, 
d’bdmorrhagies  abondantes,  en  un  mot,  pr&entant  un  degre 
plus  ou  moins  grand  d’anfimie.  11  faut  alors  user  de  ce  moyen 
de  maniere  h  ne  pas  produire  une  excitation  capable  d’affaiblir 
les  forces  et  m6me  de  les  miner  compl6tement.  C’est  pourquoi 
la  dose  de  farine  de  moutarde  ne  doit  plus  6tre  aussi  conside¬ 
rable,  120  i  150  grammes  de  cette  substance  suffisent.  Ces 
bains  entretiennent  une  certaine  activite  dans  les  fonclions  de 
la  peau  et  suppieent  bien  souvent  de  cette  facon  a  I’exercice  en 
plein  air,  quand  la  malade  est  trop  deprimee  pour  pouvoir  per- 
mettre  ces  moyens  hygieniques  d’une  manifere  suffisante.  J’ai 
soin  d’associer  les  toniques  nevrothfiniques,  les  amers,  les  re- 
constituants. 

Dans  les  cas  de  ce  genre,  je  me  suis  tres-bien  trouve  d’alter- 
ner  les  bains  sinapises  et  les  douches.  L’action  des  douches 
parait  augment6e  par  les  bains  sinapisms. 

Quoique  je  me  sois  borne  aux  quelques  observations  pre- 
cedentes,  le  nombre  des  malades  femmes  chez  lesquelles  j'ai 
expdrimentfi  les  bains  gendraux  sinapisms  me  permet  d6j&  de 
poser  quelques  conclusions. 

Folie  simple.  —  11  n’est  pas  indifferent  de  choisir  le  moment 
oil  Ton  doit  faire  usage  de  ce  moyen  thfirapeutique.  C’est  ainsi 
que,  dans  les  6tats  maniaques  intermittents  ou  non,  a  la  pdriode 
de  croissance,  j’ai  adopts  jusqu’&  present  pour  regie  d’opposer 
pr6f6rablement  les  calmants  et  les  Emollients ;  I’expErience 
a  controlE  cette  medication.  .Te  ne  suis  pas  encore  suffisam- 
ment  edifiE  sur  le  mode  d’action  des  bains  revulsifs  dans 


DANS  IE  IRAITEMENT  DE  LA  FOtlE.  409 

cette  p6riode.  Dans  les  formes  maniaques  designees  sous  le 
nom  A'exdtation  manioque  et  de  manie  simple,  je  n’ai  con- 
stafo  I’efficacite  qu'alors  que  I’adynamie  et  la  depression  se 
manifestaient.  Dans  ces  cas ,  les  bains  gen6raux  sinapisfis 
aidaient  a  la  reapparition  de  la  spontaneiie  normale.  D’ail- 
leurs,  je  n’ai  pas  employe  avec  moins  de  succ6s  les  douches 
sur  le  corps,  et  je  puis  aRiriuer  que  ces  moyens  se  suppieent 
d’une  manfore  tres-avanlageuse.  On  salt  que  la  faiblesse  appa- 
rait  surtout  a  la  dedinaison  des  etats  maniaques  aigus  plus  ou 
moins  longs.  Qiinnd  cette  faiblesse  se  prolonge,  I’activite  phy¬ 
sique  et  mentale  semble  quelquefois  hesiter  ii  reprendre  le 
dessus.  L’emploi  des  bains  sinapises  ou  des  douches  trouve 
alors  son  application  presqnc  nficessaire. 

En  general,  dans  les  formes  maniaques,  les  tissus  longtemps 
irrites  demandent  le  repos  de  I’organe ;  mais  I’etat  aigu  pass6, 
un  excitant  favorise  parfois  la  solution  du  mal.  La  nouvelle 
activite  communiqufie  it  Torgaue  cdrebral  favorise  son  retour  a 
I’fitat  naturel. 

Dans  les  melancolies,  mes  essais  ne  sont  pas  encore  suffisam- 
ment  nombreux.  Je  suis  oblig6  d’avouer  quejusqu’ici  les  r6sul- 
tats  ne  sont  pas  tres-satisfaisants.  Ces  formes  se  prfisenlentdans 
des  conditions  etiologiques  et  pathogfiniques  si  diffdrentes,  qu’il 
faut  un  certain  nombre  de  faits  de  chaque  esp6ce  pour  que  les 
conclusions  acquifo-eni  unc  valeur  sufhsaniment  grande.  La  con¬ 
comitance  d’une  anxiefo  ou  dysthiraie  plus  ou  moins  considerable 
due  bien  souvent  a  des  Ifoions  diverses,  la  nature  sympathique 
de  I’affection,  I’age  des  malades,  etc.,  sont  autant  de  circon- 
stances  qui  font  varier  les  cons6quences  de  rexpSrimentation. 

Dans  les  cas  ou  la  stupeur  vient  s’ajouter  a  r6tat  mfilanco- 
lique,  les  bains  gdn^raux  sinapis6s  seuls  ne  sauraient  sutfire.  Le 
drap  mouilfo  est  plus  puissant;  mais  la  derivation  produite  par 
le  s6ton  est  encore  la  plus  efficace ;  ,1’adjonction  du  bain  r6vulsif 
complete  favorablement  Taction  de  i’exutoire  et  facilite  Tin- 
fluence  du  drap  mouilfo. 


/|10  DliS  JSAINS  GfiiNfiRAtX  SINAPlSfiS 

La  d6meiice  Simple  est  am6li6r6e  par  les  baliis  ^4li(’iaiix 
sinapisms. 

Folie  MlXTE.  —  (i’est  vers  la  folie  iiei'vosique  et  la  folie 
hysl6rique  qae  j’ai  surtout  clirigfi  meS  effort's.  Dans  !eS  cSS  ou 
l’alt6raiioii  mentale  ii’est  pas  tfbp  ancieillie,  le  Sbccfes  tie  la  curt 
lie  saurait  etre  douteux,  non  pas  cltie  je  considert,  les  folieS 
uervosiques  et  hjstCriques  coinrne  des  varietCs  qui  cedent  assez 
facilement,  inais  parce  les  bains  geilCraux  .sinapisCs  out  Une 
puissance  qui  s’Ctend  &  tout  rorganistiie  et  que  dans  le  traite- 
inent  des  maladies  que  je  viens  de  nommer,  il  ne  s’agit  de  rien 
moins  que  de  modilier  surtout  I’Cconomie  entitle.  L’hydro- 
therapie  a  depuis  longtemps  fait  ses  preuvesdailS  ces  affections, 
et  il  est  reconnu  que  son  elficacite  est  tres-grande;  mais  son 
emploi  n’est  pas  toujours  facile,  soit  que  les  ressources  de  la 
famine  ne  le  permeitent  pas,  car  ces  iiioyens  therapeutiquOs 
sont  tres-couteux  dans  les  etablissements  spCciaux,  soit  qU'll 
n’y  ait  pas  dYdablisseiuent  liydrotherapique  dahs  la  localitfi  et 
qu’il  ne  soit  pas  facile  1  11  le  domicile  de  la  malade 

uu  appareil  a  douche,  soil  enlin  a  cause  de  la  rdpugnauce  de  la 
Inalade  a  se  laisser  arrOser  aveC  de  I’feau  froide.  Pour  CeS  diffe- 
rents  motifs,  il  est  bon  d’avoir  a  sa  disposition  un  moyen  sup- 
plCmenlaire  d’uite  elficacite  reconnue.  Or,  les  bains  gCneraux 
sinapises,  bieii  dirigCs,  bien  gradues,  accOfflpagnCs  d’Un  rCgime 
approprie,  d’une  hygiene  corporelle  rigoureitsement  obsetvCe 
(exerCice  en  plein  air,  promenades,  etc.),  constituent  uiie 
mCthode  de  traitement.tres-precieuse  et  que  je  suis  bien  aiSe 
de  prCconiser,  a  cause  des  resultats  que  j’ai  obteilus  et  que 
quelques-uns  de  iues  confreres  oni  r6alis6s  anssi  d’apres  moti 
avis  personnel. 

11  est  certains  cas  d’hyperesth6sie  cutanCe  qui  coiitre- 
indiquent  UiofflentanCment  I’emploi  de  ces  baiiis  :  on  he  sera 
pas  sans  s’apei-cetoir  bietiiot  de  ce  pheiiomene  morbide.  D’ail- 
leurs,  il  artive  qu’ett  augmentatit  la  dose  on  detruit  cette  Seiisi- 


DANS  LE  TRAIXEMEN'I'  DE  LA  FOLIE.  411 

bilite  inaladive  par  tine  irritation  d’une  autre  nature  qui  cede 
plus  facilement  aux  calmants. 

FOLIES  COMPLIQUfiES  OU  OHGANIQUES  PROPREMENT  DITES. 
—  Relativeinent  a  la  paralysie  gfinfirale  an  debut,  j’ai  signal6 
un  cas  de  r6ussite,  et  je  suis  port6  a  croire  qu’ci  cette  p6riode 
les  bains  g6n6raux  sinapisms  sont  d'une  grande  eflicacii6.  Plus 
lard  il  est  possible  d’obtenir  un  peu  d’am61ioration,  mais  en 
raison  indme  de  la  gravity  de  la  16sion  organique ,  cette  aine- 
lioPatlbn  ne  pent  etre  cjub  trfes-rtiinirtie.  L’emploi  de  ces  bains 
est  plus  avantageux  dans  certains  cas  de  folie  dialbdsique.  L'af- 
I'aisseinent  qu’on  reinarque  dans  des  6tais  consdcutifs  a  I’intoxi- 
calion  pent  encore  dire  utilement  conibattu  par  ce  inoyeu. 
Quant  aUx  atfections  plus  graves  syraplomatiques  de  lesions 
locales  plus  ou  inoins  graves,  que  doit-on  attendre  ?  sinon  une 
amelioration  irds-dphdmere,  et  encore,  pour  confirmer  cette 
pi'omesse,  faut-il  des  fails  assez  nombreux.  L’expdrience  seule 
peul  conduire  a  connaitre  cette  valeur  reclle,  et  quels  autres 
agents  peuvent  y  etre  ajoulds  de  la  fafon  la  plus  avantageuse. 

11  nous  resterait,  pour  completer  ce  inemoire,  a  dtudier  d’une 
maniere  plus  intime  I’agent  therapeutique  en  question,  en  eluci- 
dant  s’il  n’y  a  reellemenl  qu’une  action  locale  dans  les  bains 
gendraux  sinapisds,  ou  si  I’essence  de  inoularde  qui  se  dissout 
dans  le  bain  n’est  pas  absorbde  en  partie  et  si  cette  portion, 
quclque  minime  qu’elle  soit,  n’cxerce  pas  une  influence  su.r 
I’economie.  11  resterait  encore  a  savoir  comment  cette  portion 
absorbee  est  dliminde  au  dehors,  ou  bien  encore  si  I’actioii 
locale  est  due  plus  spdcialement  a  des  phdnomenes  d’dlectrieitd. 

Voila  dvidemment  tout  autant  de  questions  qui  ne  laissent 
|)as  d’etre  intdressantes  et  qui  perraetlent  d’eclairer  la  physio- 
logie  therapeutique.  Je  renvoie  a  plus  tard  le  complement  de 
I  non  travail. 


Sledecine  legale. 


DEMANDES  EN  INTERDICTION. 

I. 

lypEmanie  avec  hallucinations  et  tendance  a  la  dEmence. 
RAPPORT 

SDR  I’ETAT  MENTAL  BE  JEANNE  M .  EEMME  C . 

Par  lU.  Ic  docteur  liAFFlTTEI, 

Directeur-m^decin  de  Tasile  d’alienes  de  Saint-Meen  (Tlle-et-Vilaine). 


Nous  soussignes,  Delacour,  professeur  a  I’ficole  de  niAdecine 
de  Rennes,  Aubree,  professeur  adjoint  ii  la  na6me  6cole,  el 
LaflQue,  directeur-mddecin  de  I’asile  d’alidn6s  de  Rennes,  coin- 
mis  par  jugement  du  tribunal  civil  de  Rennes,  en  date  du 
13  septembre  1866,  k  reffet  de  visiter  la  noinmfie  Jeanne 

M . .  femme  G . .  et  de  constater  son  6tat  mental,  d’en 

determiner  les  caracteres  et  de  faire  connaltre  si  cet  etat  offri- 
rait  des  chances  de  gudrison. 

Aprds  avoir  prStd  serinent,  pris  connaissance  des  documents 
qui  nous  ont  did  communiques,  visild  a  diverses  reprises  la 
femme  C . .  avons  dresse  le  rapport  suivant : 

Le  28  fdvrier  1865,  sur  les  conclusions  du  sieur  Rend 
Legendre,  demandant  I’interdiction  de  madame  Jeanne-Marie 

M . .  femme  C . ,  comnie  incapable,  a  raison  d’un  dtat 

d’alidnalion  menlale,  d’administrer  ses  biens,  le  tribunal  civil 
de  premiere  instance  de  Rennes  ordonna  que  le  conseil  de 
famille  de  la  femme  G .  serait  convoqud  et  assembld  pour 


LYPfiMANIE  AVEC  HALLUCINATIONS.  /|13 

donner  son  avis  sur  la  situalioa  raentale  de  celte  dame,  et 
qii’elle  serait  ensuite  interrogfie  par  le  tribunal. 

Dans  la  dfilibfiration  du  conseil  de  famille  ii  la  date  du  6  mai 
1865,  il  ne  parail  pas  avoir  6t6  pris  de  conclusion  definitive 
relativement  h  la  convenance  de  I’interdiction. 

De  I’interrogatoire  subi  par  la  dame  C . le  22  septembre 

1865,  il  r6sulte  que  si  la  plupart  des  reponses  de  cette  dame 
ne  sont  point  confirraatives  d’un  etat  d’alienation  mentale  suffi- 
sainment  caracterise,  an  tnoins  semblent-elles  accuser  un  ad'ai- 
blisseinent  des  facuUes  intellectuelles. 

Un  cerlificat  de  M.  le  docteur  Le  Menant  des  Chesnais,  a  la 

date  du  30  novembre  1865,  constate  «  que  la  dame  C . est 

sous  I’empire  d’un  ramollisseraeut»  cdrebral  avec  paralysie 
generale  progressive  qui  rendent  chez  elle  la  parole  tr6s- diffi¬ 
cile.  Dans  certains  moments  de  calme,  elle  se  rend  compte  de 
sa  situation  et  altribue  h  des  accidents  nerveux  les  difficultes 
de  son  langage  et  les  autres  symptSmes  raorbides  qu’elle 
fiprouve,  et  que  son  6tat  est  de  ceux  que  Ton  regarde  comme 
incurables.  » 

Void  en  resumd  les  rdsultats  de  I’examen  que  nous  avons 
fait  a  diverses  reprises. 

La  dame  G . .  entree  it  I’asile  le  18  octobre  1865,  est  agee 

de  cinquante-trois  ans;  die  est  de  petite  taille,  d’un  tempera¬ 
ment  nerveux  et  d’une  bonne  constitution;  la  physionomie  a 
conserve  son  expression  naturelle,  il  n’existe  aucune  trace  de 
ddviation,  ni  des  traits  ni  de  la  langue ;  la  pupille  gaucbe  est 
sensiblement  plus  dilatde  que  la  droite;  la  prononciation  des 
mots  est,  il  est  vrai,  peu  distincte;  rnais  elle  n’est  ni  embar- 
rassee  ni  hesitante,  la  perte  complete  de  toutes  les  dents  pent 
d’ailleurs  expliquer  cette  espece  de  difficulte  de  la  parole.  La 
demarche  est  fibre  et  assur^e  et  les  membres  supdrieurs  ont 
conservd  leur  mobilitd  et  leur  force ;  pas  d’alteration  de  la 
sensibilitd. 

Au  point  de  vud  de  I’appreciation  de  I’dtat  mental  de  la 
AHNAL.  Mdi),-PSVCH.  4'  s6rie,  t.  IX.  Mai  1867  3,  27 


Dl’MAPiPES  liN  INTEKDICTION, 


femme  (J . ,  nous  croyons  devojp  reprocluire  ici  qiielqnes- 

unes  des  rdponses  qu’elle  a  faites  a  nos  questions. 

D.  —  Quel  age  avez-vous? 

R.  —  Je  ne  pourrai  pas  vons  le  dire  au  juste,  dans  les  enviT 
rons  de  ciuquanle  ci  cinquante-cinq. 

D.  —  Depuis  combien  de  temps  €tes-vous  it  I’asile  ? 

R.  —  Depuis  les  environs  de  la  Toussaint. 

D.  —  Dans  quel  mois  somnies-iious  ? 

R.  —  Je  ne  sais  pas  au  juste,  nous  sommes  sans  donte  an 
mois  d’octobre. 

D.  —  Quelle  est  votre  fortune  ? 

R.  —  J’avais  vers  700  francs  de  rente,  niais  on  m’a  dit  (pie 
ceux  de  I’arsenal  avaient  vendu  tout  ce  que  j’avais. 

D.  —  Savez-vous  ou  vous  fites  ? 

R.  —  Je  n’en  sais  trop  rien,  les  uns  I’appellent  le  petit 
Saint-M6en,  le  grand  Saint-M6en,  le  pensionnat,  mais  tout 
cela  m’esi  indifferent,,  je  veux  m’en  aller,  j’irai  gagner  vingt 
sous  par  jour,  il  faut  que  j’aille  au  bureau  de  la  ville,  pour  me 
presenter  a  la  ville,  pour  chercher  mes  contrals. 

D.  —  Dormez-vous  la  nuit  ? 

R.  —  C’est  impossible,  il  y  a  des  personnes  qui  soufllenl  la- 
haut,  les  tines  vous  demandent  si  vous  voulez  mourir  demain. 

D.  —  Vous  entendez  alors  des  voix  ? 

R.  —  Le  long  des  nuits  ils  soufflent,  ils  om  des  mauieres  de 
souffler  qui  portent  au  coeur,  mais  tout  ce  que  je  ne  veux  pas 
dire  ils  me  le  font  dire  avec  mes  sabots. 

D. —  Comment  vous  font-ils  parler  avec  les  sabots  ? 

R.  —  Ils  me  boryetinent  les  sabots  et  le  pas  le  ,dii. 

D.  —  D6sirez-vous  sortir  ? 

R.  —  11  faut  que  j’aille  h  la  ville,  il  faut  que  je  me  presente 
au  bureau. 

D.  —  Avez-vous  des  parents? 

R.  —  J’ai  un  frfire  qui  est  mort  ici ,  on  m’a  expliqud 
dimanche  k  la  chapelle  qu’il  est  mort  ici,  je  I’ai  enleudu. 


LYPtMANiE  AYEE  HAELUgipiATIQNS.  /ll5 

D,  —  Avez-VQUs  d’sutres  pareptfi  2 

R.  —  Les  souffleurs  in’piH  dit  que  ipoi)  (pari  est  mort,  ils 
ont  tiQuvS  quaire  de  qjes  parenis  [ports  id,  ils  sont  venus  id 
pour  perdre  la  vie. 

D.  —  Soullrez-vous  de  la  t6te  ? 

R.  —  Je  soulTre  de  la  tete,  on  fait  souffrir  coinme  on  vent 
id,  il  y  a  des  jours  pour  ca,  seulement  ils  enlevent  le  mal 
comme  ils  le  veulent.  On  m’a  souffle  qu’il  y  avail  2400  francs 
pris  a  Vitr6,  il  fapt  que  je  le  sache,  je  saurai  tputes  les  affaires, 
inais  il  faut  que  j’aille  au  bureau  de  la  ville. 

Coinme  on  peut  en  juger  par  les  quelques  reponses  que  nous 

venons  de  ciler,  la  conversation  de  la  dame  C . ,  d’ailleurs 

fort  decousue  et  fort  incoh6rente,  tourne  neanmoins  autour  de 
deux  sujets  principaux  :  le  d&ir  de  sortir  pour  aller  k  la 
recherche  de  ses  contratg  et  I’influence  des  souffleurs,  qui  ne 
cessent  de  lui  parler.  D’apres  robservalion  recueillie  a  I’asile, 
I’exallation  maniaque  nol4e  dans  les  premiers  temps  de  son 
s6jour  dans  l’6tablissemeut,  a  fait  place  depuis  quelque  temps 
a  un  caline  relatlf,  en  meme  temps  que  le  cercle  de  ses  con¬ 
ceptions  ddirantes  semble  s’elre  retrfici ;  mais  ses  r6ponses 
incompletes,  ses  discours  incoh^rents,  lorsquc  surtout,  par  des 
questions  pr6cises  et  courtes,  on  ne  cherche  pas  a  fixer  forie- 
mentspn  attention,  ia  persistance  des  hallucinations  de  i’puie, 
I’affaiblissement  de  la  memoire  et  des  sentiments  aireptjfs,  ne 
permettent  pas  de  cousid^rer  cette  modification  gnrvg.nqe  dsus 
I’etat  mental,  comme  un  signe  favorable ;  tous  cp?  sympipmes 
sont,  au  conlraire,  caracl6ristiques,  selpn  npug,  d’up  6taf  !yp^- 
inanique  avec  tendance  a  la  dfimence. 

Dans  cette  situation,  aggravee  encore  pay  une  predisposition 
herfiditaire  manifeste,  11  n’est  pas  probable  que  la  dame  Cm”> 
recouvre  le  libre  exercice  de  ses  facultes. 

Nous  concluons  done,  en  repopse  au?  (jn.estinns  qui  ppus 
ont  6i6  posees  par  le  tribunal  ; 


bEMANDES  EN  INtERDICTIOFf. 


M6 

1"  Que  la  dame  G . est  atteinte  de  lyp^manie  avec  hallu¬ 

cinations  et  tendance  Ji  la  d6raence  ; 

2“  Que  son  6tat  ne  nous  parait  pas  offrir  de  chances  de 
guerison , 

15  septerabre  1866. 

DELACOtR,  AUBREE. 

LAFFITTE,  rapporteur. 

Les  conclusions  de  ce  rapport  ont  6te  admises  par  le  tri¬ 
bunal. 


II. 

dEmence  ALCOOLIQUE. 
RAPPORT 

SUR  llm  MENTAL  DE  PIERRE  M . 


Par  III.  le  docteur  I,ArPIXTE, 

Directeur-m^decin  de  I’asile  d’alienes  de  Saint-Meen  (Ille-et-Vilaine). 

Nous  soussiguds,  Delacour,  professeur  a  I’ecole  de  mfidecine 
de  Rennes,  Aubr6e,  professeur  adjoint  a  la  meme  6cole,  et 
EafiBtte,  directeur-rafidecin  de  I’asile  d’ali6n6s  de  Rennes,  corn- 
mis  par  jugement  du  tribunal,  en  date  du  15  mai  1866,  a 

I’elTet  de  visiter  le  nomm6  Pierre  M . .  de  constater  s’il  a  le 

plein  exercice  de  sa  raison,  de  dfiterminer  son  etat  mental, 
d’en  indiquer  les  causes  et  les  consequences  qui  peuvent  en 
r6sulter. 

Apres  avoir  pret6  serment,  pris  connaissance  des  documents 
mis  ^  notre  disposition,  visits  it  diverses  reprises  le  susnomme, 
avons  dress6  le  rapport  suivant : 


DfiMENCE  ALCOOLIQDE.  iil7 

Le  28  juin  1865,  sur  les  conclusions  du  sieur  Jean-Marie 
M . demandant  I’interdiclion  de  Pierre  M . ,  coinme  inca¬ 

pable,  en  raison  d’un  6tat  d’alidnalion  mentale^  d’administrer 
ses  biens,  le  tribunal  civil  de  Rennes  ordonna  que  le  conseil 
de  famille  serait  convoqufi  et  assemble  pour  donner  son  avis 
sur  la  situation  ineutale  de  ce  jeune  homme  et  qu’il  serait 
ensuite  interrog6  par  le  tribunal. 

Les  inembres  composant  le  conseil  de  famille,  assembles  le 
22  juillet  1865,  et  le  magistral  qui  pr^sidait  la  reunion  lurent 
d’avis  unanime  pour  admettre  la  n(lcessit6  de  I’interdiction. 

De  I’interrogatoire  subi  par  Maillard,  le  7  aout  1865,  il 
resulte  que  ses  reponses,  sans  6tre  d’une  luddite  parfaite,  out 
paru  au  tribunal  assez  raisonnables  et  assez  pertinentes  pour 
qu’il  y  ait  eu  lieu  a  proceder  a  une  enquSte. 

L’enquete  a  laquelle  il  a  etfi  proc6d6,  le  22  f6vrier  1866, 
r6vde  au  contraireun  certain  norabrede  fails  assez  graves  au  point 

de  vuede  la  compromission  intellectuelle  de  M . Tous  les  l6- 

moignages  entendus  sent  en  effet  d’accord  sur  ce  point,  que  ce 
jeune  hoin  me  (5tait  presque  continuelleinent  en  etat  d’ivresse,  et 
que  sous  I’influence  d’exces  alcooliques  il  s’est  livr6  a  des  actes 
d’une  extravagance  manifeste;  c’est  ainsi  qu’il  sautait  par  les 
fengtres  d’un  etage41ev6,  au  risque  de  se  blesser,  qu’il  aban- 
donnait  sa  voiture  sur  la  route,  qu’il  brisait  son  mobilier, 
renvoyait  ses  domestiques  sans  motif  sfirieux,  se  d^pouillait  en 
public  de  ses  vetements.  Quelques  t^moins,  en  outre,  affirment 
que  M . est  consid6re  corame  fou  dans  le  pays. 

En  admettant  meme  que  la  conduite  insens6e  de  M .  puisse 

etre  rapportfie  a  I’ivresse,  si  Ton  rfiflfichit  qu’il  a  eu  d6jii  plusieurs 
acces  de  folie,  et  que  son  pere  et  sa  soeur  sont  ali6n6s,  il  n’est 
pas  possible,  surtout  en  presence  de  la  frequence  de  ses  exces 
et  du  caractere  particulier  de  son  ddire  et  de  ses  actes,  de 
m^connaltre  dans  les  tendances  de  cetie  nature,  non-sen leinent 
une  disposition  morbide,  mais  mSme  un  veritable  6tat  d’alidna- 
lion  mentale. 


418 


DEMANDBS  EN  iNf BRBiaf ION . 


Btt  continuani  Ife  d6poiiilletnein  cles  piSceS  till  dossier,  ilous 
trouvons  deux  cer*tificats  (jui,  en  raison  des  aulorites  doiit  elles 
emanent  et  par  ies  aitestiitions  qu’elles  coniiuiinent,  infiriteiit 
doubleiiieiit  de  fixer  noire  aitehtion  :  le  premier  par  ordre  de 
(late,  20  fevrkr  1866,  esi  sign6  par  le  iiiaire  de  Id  commune  ;  il 
Gonslaie  que  iVL.,.,  est  dans  un  etal  d’alienaliOn  menlale  re- 
connu  de  tout  le  inonde  depuis  plusieurs  ann6es,  et  qu’il  est 
completeoieiit  incapable  de  g6i  erses  affaires.  Le  second  cn  date, 
du  20  mars  1860,  estde  M.  Gauthier,  inedecin  de  llu...  ;  ce 
pralicieu  ceriiiieque  ,11,,,..  est  atteint  d’alienation  inentale  ha- 
biluelle,  presentant  seulement  des  exacerbations  sous  I’influence 
des  excbs  de  boissons, 

M.  le  cure  de  Geveze,  invite  par  fun  de  nous  d  fotlrtiir 
quelques  renseignements,  affirrae  tres-poSilivement  I’insahite 

d ’esprit  de  W . .  ^  djoute  dans  la  leitre  que  nOus  avons  sous 

ies  yeux,  que  craignafit  que  le  mariage  civil  lie  s’feffectoe,  il 
avail  demand(5,  a.  MS'  I’archeveque  s’il  iie  serait  pas  possible  tie 
refuser  le  mariage  religieUk,  :  c’est  id  aussi  Un  tCunoignage  ([ui 
doit  6tre  pris  eH  serieuse  consideration. 

Voici,  eri  ce  qul  nous  cohcerne,  le  resultat  de  rexamen  que 
nous  avons  fait  a  diVeCses  i-eprises  et  a  des  iniervalles  assez 
ejoignes. 

,  est  ag(3  de  tfente-deux  ans,  d’une  taille  61ev(5ei  d’on 

lemperameiit  nerveux,  d’uHe  bonne  constitution  qnoiqUe  un  pen 
maigret  il  paraitjouir  d’unfe  bonne  saUtd;  sa  t^te  ne  preseiite  pas 
de  deformation  appreciable.  Bn  s’approchalit  de  lui,  on  est  frapp6 
par  I’expression  egar^e  de  sa  physionomie,  I’leil  presente  hue 
mobililie  extreme ;  lorsqu’oft  I’interrogei  son  niaintien  est  embar- 
rass4,  sans  conlenance,  il  renme  Ies  jambesj  setourne  d’un  Cdt4 
on  d’autre,  se  gratie  la  tCle,  il  h4site  longtemps  et  est  oblige  tie 
Ghercheravantde  riipondre;  Remission  des  sons  parait  difficile,  et 
ii  s’exprime  avec  un  grand  embarras  et  une  sortede  b4gayement. 
Il  salt  lire  et  ecrit  son  noin.  Il  repond  d’ailleurs  aVec  assez  de 
justesse  aux  questions  simples  qu’on  lui  adresse  sur  son  8ge,  sa 


DfiMENCE  ALCOOLIQUE.  419 

profession,  etc. ,  et  notls  fournit  encore  des  renseigneinents  assez 
satisfaisanis  sur  le  notnbre  de  ses  bestiaux,  le  prix  courant  du 
bl6,  le  niontaiit  de  sa  fertne,  inais  il  n’a  pas  pm  nous  dire  fi 
quelle  epoque  sa  soenr  etait  entree  a  I’asile,  si  elle  6tait  interdite, 
et  quelle  6tait  la  personae  charg6e  de  payer  sa  pension  et  d’ad- 
ministrer  ses  biens,  il  n’a  pas  pu  non  plus  nous  donuer  la  date 
de  sa  naissance,  bien  que  nous  ayons  insist  beaucoup,  pour 
faciliter  rop6ration  intelleCtuelle  nficessaire  pour  effectuer  ce 
calcul. 

Dans  la  seconde  entrevue,  M . 4tait  accompagnd  de  la  fille 

qu’il  se  propose  d’6pouser;  son  regard  ce  jour-la  6tait  plus 
egar6  et  I’expression  de  sa  physionoraie  etait  aussi  etrange  qu’au 
moment  de  notre  premiere  visite;  son  intelligence  lions  a  paru 
plus  deprimee,  plus  obtuse ;  il  a  r6pondu  tout  d’abord  avec  assez 
de  justesse  aux  premieres  questions  qui  lui  out  dtd  UdresSfies, 
inais  pen  a  pen  ses  rdponses  out  ete  plus  embarrassdes,  la  tnj- 
moire  paraissait  lui  faire  complfitement  ddfaut,  et  toute  demande 
uecessitant  un  ellort  iutellectuel  restait  sans  r6ponse;  c’est  ainsi 
qu’il  a  ete  dans  I’impossibilite  de  faire  les  calculs  les  plus  416- 
mentaires,  de  faire  I’addition  et  la  soustraction  de  notubres 
tout  a  fait  simples. 

Comme  la  visite  avait  lieu  a  I’asile,  nous  avons  demande 
a  M.,...  s’il  y  avait  longtemps  qu’il  n’avait  vu  sa  smur  plac6e 
dans  retablissement  et  s’il  serait  bien  aise  qu’on  la  fit  venir;  i| 
nous  a  r6pondu  qu’il  y  avait  longtemps  qu’il  ne  I’avait  vue  et 

qu’il  lie  serait  pBs  fach6  de  lui  parler ;  M . a  el6  amen6e 

quelques  instants  apres  el  sOn  frere  I’a  aCcUeillie  nvec  une  in¬ 
difference  parfaite.  sans  que  sa  physionomie  ait  mSme  exprim6  ce 
sentiment  de  piti6  pour  aiusi  dire  bauale  qu’inspire  la  vuedeces 
malheureux,  soit  meme  un  simple  inouvement  de  curiosit6 ;  il  a 
.6cout6  avec  le  plus  grand  caline  les  discours  incoh6relits  de  la 
malade.  Dans  son  d6lire,  la  soeur  de  iVl....,  qui  se  croit  im- 
p6ratrice,  a  parI6  de  son  mariage  avec  I’empereur  j  I’un  de  nous 
a  dit  alors  a  M .  que  sa  soeur  paraissait  avoir  I’intention  de 


^20  DtMANDES  EN  IINTEKDICTIOIN . 

se  iTiaiier,  s’il  ne  pensait  pas  qu’elle  put  sortir  et  s’il  iie  pourrail 
pas  lui-merae  lui  trouver  un  mari;  il  a  i’6ponclu  avec  le  plus 
grand  sang-froid  qne  cela  dtait  possible  et  qu’il  tacherait  do  s’oc- 
cuper  de  celte  affaire. 

Ce  dernier  fait  donne  one  ideede  la  crfidulite  du  jeune  hommc 
et  de  la  portee  de  son  intelligence. 

Nous  devons  maintenant,  pour  completer  notre  etude  et  pour 
repondre  aux  questions  qui  nous  ont  6t6  pos6es,  nous  reporter 

aux  antecedents  de  M . L’examen  des  faits  auterieurs  a  ceux 

qu’il  nous  a  6te  donn6  de  connaitre,  soit  par  I’enquete,  soit  par 
nos  visites,  nous  permeltra  en  effet  de  constater  le  debut  de  la 
maladle  dont  il  est  atteiut,  d’en  suivre  la  marche  et  le  develop- 
pemeilt  progresslf. 

Un  premier  fait  d’une  haute  gravite,  c’est  la  coudition  facheusc 
dans  laquelle  il  se  trouve  sous  le  rapport  de  I’heredite ;  sa  sceur 
a  ete  placee  a  Saint-Meen  et  son  pereyest  raort  il  y  aquelques 
anuees.  Bien  qu’en  regie  generale  les  formes  particulieres  do 
maladies  mentales  ne  soient  pas  transmises  el  que  ce  ne  soil 
que  dans  de  rares  circonstances  que  la  meme  forme  exactement 
se  remarque  chez  les  ascendants  et  les  descendants,  il  nous  a 
paru  intdressant  de  rechercher  a  ce  point  de  vue,  dans  le  dossier 
du  perede  M....,  les  details  qui  pouvaient  nous  6tre  utiles  et 
contribuer  a  nous  eclairer  dans  cette  circonstancc.  Les  rensei- 
gnements  que  nous  y  avons  trouvds  sont  tres-importants  et  nous 
croyons  devoir  les  reproduire. 

Il  y  est  d’abord  fait  mention  du  jugement  d’iulerdiction.  Ce 

jugement  porte  la  date  du  7  mai  1839,  M .  pere  etait  age  de 

irenle  neuf  ans.  Le  cerlifical  du  medecin  del’etablissementconstate 

0  que  le  norome  Pierre  M . est  atteint  de  manie  caractdrisde 

par  des  divagations,  etc.  Le  ddlire,  ajoute^t-il,  est  la  suite  d’excbs 
de  boissons,  le  maladc  est  a  sa  cinquieme  ou  sixifime  recimte  ». 

La  prddisposition  hereditaire  est  done  complete  chez  M . , 

puisque  chez  son  pere  les  ddsordres  intellecluels  se  produisent 
sous  I’influence  des  exces  alcooliques.  Il  serait  sans  doute  inl6- 


DfiMENCE  ALCOOLIQUE.  421 

ressaat  de  rechercher  ici  si  la  nature  du  delire  a  et6  la  meme 
dans  les  deux  cas,  et  si,  comme  cela  arrive  souvent,  la  maladie, 
apparaissant  au  meme  moment  de  la  vie,  a  poursuivi  les  m6mes 
phases  chez  le  pere  et  cliez  le  fds.  Bien  que  nous  ayons  lieu  de 
croire  qu'il  en  a  pu  etre  ainsi,  les  details  que  nous  avons  pu 
recueillir  ii  cet  egard  sont  trop  insuffisants  pour  qu’il  nous  soit 
possible  de  nous  prononcer  d’une  maniere  positive. 

Duresle,  uousn’avonsquedes  renseignemerits  fort  incomplels 
sur  les  premieres  annfies  de  M.. .. ;  son  developpement  physique 
toulefois  parait  avoir  et6  lent  et  lardif,  puisqu’il  fut  rfiforme  au 
moment  de  la  conscription  pour  faiblesse  de  constitution.  D’un 
autre  c6t6,  si  nous  en  jugeons  par  son  role  tout  a  fait  passif  dans 
la  maison  paternelle,  on  pourrait  supposer  avec  juste  raison  que 
la  faiblesse  de  son  intelligence  avait  habi(u6  ses  parents  ii  ne  pas 
compter  sur  lui. 

Quoi  qu’il  en  soit,  ce  que  nous  pouvous  affirmer  d’une  ma¬ 
niere  beaucoupplus  precise,  c’est  queM . a  eu,  a  une^poque 

bien  ant6rienre  aux  faits  signaKs  dans  I’enquete,  de  vrais  acces 
de  folie.  Le  medccin  qui  I’a  soigne  a  cette  6poque  nous  4crit : 
o  Deux  fois  dans  I’e-space  de  dix  a  onze  ans,  j’ai  trait6  le  sieur 

Pierre  M .  de  G6vez6  ;  la  premiere  fois,  les  soins  hygi^ni- 

ques,  les  purgatifs,  les  anlispasmodiques  r6ossirent ;  la  seconde 
fois,  ils  dchouerent ;  sous  I’influence  des  antipfiriodiques,  de 
I’exercice,  du  travail,  la  sant6  redevint  bonne  ».  L’finergie  et  la 
variete  du  traitement  employd  dans  cette  circonstance  indiquent 
done  et  la  gravity  de  la  maladie  mentale  et  sa  persistence. 

Ces  divers  incidents  morbides,  antecedents  facheux,  il  faut  le 
reconnaitre,  nous  conduisenl  jusqu’a  I’epoque  ou  M....  a  com¬ 
mence  a  se  livrer  d’une  maniere  patente  aux  exces  de  boissons. 
A  ce  moment  ce  jeune  homme  a-t-il  subi  pour  ainsi  dire  tout 
a  coup  cet  entrainement  irresistible  qui  pousse  certains  malades 
a  faire  un  usage  immod6r6  des  alcooliques  ?  A-t-il  cede  a  un 
penchant  effrene  et  maladif?  Cela  serait  possible,  en  raison  sur- 
tout  de  sa  predisposition  her6ditaire  specials,  mais  si  les  rensei- 


422  DEMANDES  EN  HN'I'ERDICIXON.  —  DEMEKCE  ALCOOUQUE. 
gneinents  qui  nous  out  fournis  soiit  exacts,  la  inaladie  aurail 
suivi  une  autre  marche,  etce  ne  serait  que  pen  a  peu  et  gra- 
duelleraent  que  M. ...  serait arriv6  au  point  ou  il  enest.  D’autrcs 
616ments  paraissent  d’ailleurs  avoir  concouru  d’une  maniere 
effective  a  produire  chez  lui  cette  tendance  aux  boissons. 

C’est  d’abord  la  faiblesse  naturelle  de  son  intelligence  encore 
accrue  parde  rEcents  accbs  de  folie  ;  dans  cet  etat,  n’apprficiant 
qu’incomplfitement  la  portae  et  les  consEqtiences  de  ses  actes, 
privd  ainsi  du  frein  moral  qui  seul  peut  maintenirrhomme  dans 

les  limites  du  devoir,  iNl . a  du  etre  livrE  pour  ainsi  dire  salts 

defense  k  ses  penchants  vicieux.  D’un  autre  cote,  TespEce  d’aban- 
don  dans  lequel  il  s’est  trouve  par  suite  de  la  folie  de  sa  soeur, 
n’ayant  pour  guide  qu’un  here  fort  mal  doue  sous  le  rapport 
iiitellectuel,  devait  pen  contribuer  a  le  relever  sur  la  petite  oft 
I’attiraient  d^jti  ses  tendances  hfireditaires. 

CONCEUSION. 

Quel  que  soil  d’ailleurs  lemode  d’invasion  dela  maladie:  qu’elle 
soit  survenue  spontan6ment  ou  bien|qu’elle  soit  la  consequence 
de  dispositions  morbides  natives  ou  acquises,  I’effet  depressif  des 
boissons  alcooliques sur  les  facultes  de  M.  ...i  n’en  est  pas  nioins 
aujourd’htti  parfaitement  manifeste. 

C’est  une  sorte  dlntoxication  alcoolique  caracterisee  par  I’in- 
suffisance  et  la  torpeitr  intelleciuelle,  I’affaiblissement  de  la 
sensibilite  affective  etde  la  volonte, 

Dans  ces  conditions,  la  liberte  morale  chez  M .  nous  parait 

sinon  dteinte,  du  raoinsdiminiiee  dans  des  proportions  telles  que 
nous  le  croyons  incapable  d’administrer  sa  personne  et  ses  biens. 

Rennes,  28  oetobre  1 886. 

DELACOUR,  AUBREE, 

LAFFITTE,  rapporteur. 

Les  con  elusions  de  ce  rapport  ont  6te  admises  par  le  tribunal. 


RAPPORT  m6dico-l]<:gal 


L’fiTAT  MENTAL  (lyp^manie  avec  hallucinations) 

Dt  NOME  FRANCOIS -JOSEPH  PISSER 

INGULt'S 

b’ASSASSlNAT  fit  bfi  TET^TATIVE  DE  MEL’RTRE 

Par  II.  DAUOniPT, 

Medecin  de  I’asile  Sainto-Annc. 


.  Notis  soussigiie,  ntiidedn  en  Chef  de  I’astle  d’alidnCs  dc 
Stephaiisfeld,  professeur  agrCgC  a  la  FacuIlC  de  mCdeciiie  dc 
Sirasboui’g,  delegud  par  M.  Rigautj  juge  d’inatruciion  de  I’ar- 
londissemeni  de  Coltnak^  S  I’efTet  de  soumetli'e  ii  un  exainen 
atleiilif  le  iiointtiG  Pissei'  Francois-Joseph,  de  LiepVre,  iticulpe 
d’assassinai  et  tie  tentative  d’assassinat,  et  de  dresser  un  rapport 
circonstancie  de  nos  observations,  avons  procfidC  a  cet  exainen 
apres  avoir  piealableihent  plete  serment  entre  les  mains  de 
M.  le  juge  de  paix  du  canton  de  Bruinath* 

Pisser  est  accus6  d’avoir,  dans  la  unit  du  10  niai  1866, 
coramis  un  assassinat  sur  une  fille  de  mauvaise  vie  et  d’avoir 
blessC  grievemeitt  une  autre  Dlle  dans  la  maison  de  prostitution 
de  Colmar  dans  laquelle  il  s’etait  refugie.  Le  Gertificat  fait  par 
le  medecin  de  la  prison  de  Colmar,  h  la  deinande  du  substitUt 
du  procureur  imperial,  porte  que  cet  homine,  depuis  qu’il  est 
en  prison,  prfouhte  une  intelligence  tres^nette  sans  fitre  Ires- 
. grande  (  iviais  qiie,  en  liberty,  il  paratt  etre  sous  I’inlluence 
perpCtuelle  des  spiritueux  qu’il  absorbe,  et  qu’il  a  pu  trfes-bien 
Ctre  pris  d’uiie  sorte  de  delire  furieux  aggravC  par  la  peusCe  qui 
le  dominc  d’avoir  6t§  influence  par  des  sorcelleries. 

Nous  n’avons  sur  cet  honune  auoun  renseigneinent  de  nature 


424  UAPPORT  MfiDICO-LEGAI, 

a  nous  guider,  ni  sur  ses  habitudes  ant^rieures,  ni  sur  les  cir- 
constances  au  milieu  desquelles  le  crime  a  commis ;  mais  il 
nous  sufTit  de  le  laisser  parler  lui-meme  pour  avoir  a  cet  6gard 
toutes  les  explications  desirables  et  pour  nous  faire  une  id6e  des 
dispositions  mentales  dans  lesquelles  il  s’est  trouv6,  apres  avoir 
quitte  le  service  militaire  et  peu  de  temps  apres  son  retour 
dans  la  commune  de  Liepvre,  son  pays  natal.  Il  nous  sera 
facile  de  suivre  I’enchainement  des  faits  qui  ont  amenfi  une 
surexcitation  particuliere  sous  I'influence  de  laquelle  a  6t6  com¬ 
mis  le  double- crime  dont  il  est  accus6. 

Voici  ce  qu’il  nous  raconte  : 

Il  est  n6  en  1832,  4  Liepvre,  petit  village  perdu  dans  les 
Vosges,  du  d^pai'tement  du  Haut-Rhin.  Son  pere  vivait  de  son 
travail  de  journalier  et  de  bucheron;  il  mourut  en  1849,  a 
I’age  de  quarante.  ans,  4  la  suite  d’une  courte  maladie  sur  la 
nature  de  laquelle  il  fut  impossible  d’avoir  aucun  renseignement. 
Sa  mere,  longtemps  malade,  mourut,  elle  aussi,  un  an  apres 
son  mari.  Ni  I’un  ni  I’autre  ne  paraissent  avoir  6t6  ali6n6s ;  un 
de  ses  oncles,  cependant,  passait  pour  fou  et  mourut  sans  avoir 
recouvr4  sa  raison. 

Pisser  eut  une  enfance  rude  et  p6nible,  sa  mere  lui  pr6f6rait 
un  autre  enfant  du  premier  lit. 

A  huit  ans,  il  fut  atteint  de  la  petite  v6role,  dont  il  porte 
encore  les  traces  profondes. 

De  loin  en  loin,  il  parut  sur  les  bancs  de  I’ecole,  mais  il 
n’apprit  cependant  ni  4  lire,  ni  4  ecrire.  Quand  il  eut  la  force 
de  manier  un  outil,  on  le  fit  travailler  aux  champs  ou  4  laforfit; 
pendant  la  mauvaise  saison,  il  6iait  tisserand. 

11  ii’eut  d’autre  distraction  que  le  cabaret  le  dimanche,  et  le 
soil-  a  la  veillee  il  entendait  raconter  des  histoires  de  sorcieres 
et  de  revenants. 

Son  intelligence  demcura  inculte,  aucune  notion  vraie  et 
juste  n’y  fut  dfiposee;  ce  fut  uii  champ  tout  prepare  aux 
superstitions  les  plus  grossiSres. 


425 


SUR  L’eTAT  MENTAt  DE  P.  J.  PISSER. 

Les  principes  religieux  qu’on  tcnta  de  lui  donner  n’ficlai- 
rerent  nullenient  son  esprit  dispose  k  la  superstition.  Le  diable 
et  I’enfer  seuls  lui  laisserent  une  impression  durable  et  furent 
pour  lui  le  dernier  mot  de  cet  enseignement.  Sa  famille,  qui  le 
ndgligeaitj  lui  devinl  indilTdrente.  Quand  son  pfere  niourut^  il 
travaillait  a  la  foret ;  sa  mort  le  laissa  parfaitement  insensible. 
Lorsqu’en  1852  il  fut  pris  par  la  conscription,  il  quitta  son 
village  sans  regret. 

Il  devanca  I’appel  et  entra  dans  un  rdgiment  de  ligne ;  il 
n’avait  pour  I’dtat  railitaire  ni  gout,  ni  aversion;  il  se  plia  iria- 
chinalement  aux  exigences  de  la  discipline.  Le  regiment  lui 
laissa  son  ignorance  et  lui  donna  quelques  vices. 

Quand  il  se  sentait  quelque  argent,  il  buvait,  il  allait  voir  des 
filles,  et,  finalement,  se  faisait  punir. 

L’ivresse  I’exaltait  outre  mesure,  elle  le  portait  a  des  actes 
de  violence  dont  I’^tranget^  dficelait  d4ja  la  tendance  inaladive 
de  ses  iddes. 

A  Rouen,  par  exeraple,  eu  1859,  il  fut  le  principal  acteur 
d’une  scene  qui  m^rite  d’etre  rapportde,  parce  qu’a  part  le 
denouinent  sanglant,  elle  offre  beaucoup  d’analogie  avec  celle 
de  Colmar. 

Voici  comment  Pisser  la  raconte  lui-meme  : 

Il  venait  de  toucher  sa  prime  de  reengagement.  Pour  jouir 
de  cette  opulence  subite,  il  va  boire  avec  des  camarades, 
s’enivre  et  va  dans  une  raaison  de  prostitution.  Il  demande 
k  boire ;  il  eprouve  un  refus,  alors  il  jette  des  pris  de  fureur 
et  s’emporte  en  menaces.  Se  voyant  cerne  au  milieu  de  femmes 
accourues,  il  tire  son  sabre,  parce  qu’il  croit  qu’elles  en  veulent 
a  sa  vie  et  k  son  argent. 

Mis  a  la  porte  de  cette  maison,  il  entre  dans  une  auberge 
voisine;  sa  fureur  allant  croissant,  il  en  est  bientdt  expulse. 
Alors  dans  la  rue,  son  sabre  k  la  main,  il  poursuit  indistincte- 
ment  toutes  les  personnes  qui  s’olTrent  k  sa  vue.  Il  ne  fi’appe 
l)ersoiine,  inais  il  6prouve  une  sorle  de  plaisir  k  constaier 


RAPPOJBT  MfiOlCO-Lfi&AL 


repouvanle  qu’il  inspire  et  a  voir  les  passants  se  sauver  et  les 
portes  (les  maisons  se  fermer  devaiit  lui, 

Enfiii  il  atteinl  une  feinme  qui  se  jelte  ii  ses  genoux  pour  lui 
demander  grace;  Pisser,  toujours  brandigsant  son  sabpe,  la 
saisjt  par  les  (;heveux  et  fait  le  geste  de  lui  couper  la  tfite.  II 
ii’ei)  fait  rien  cependant,  «  parce  que,  dit-il,  je  n’6tais  pas  ivre, 
et  parce  que  je  trouvais  du  plaisir  a  effrayer  cetle  femme  ». 
Des  camarades  le  ramenerent  au  quartier,  et  il  n’eut  a  subir 
aucune  piinition  pour  cette  scene  abominable.  Il  peusa  que  s’il 
avait  6cbapp6  a  la  prison,  ce  fut  grace  a  une  influence  occulle 
dont  il  lui  est  difficile  de  se  rendre  compte. 

Ce  fait  denote,  a  iiotre  avis,  chez  Pisser,  et  caracterise  un 
esprit  bizarre  et  violent,  domine  par  des  id6es  de  m6fiance, 
erapreint  d’uiie  giossiere  superstition,  et  qui,  plus  tard,  sous 
I’influence  d’un  d61ire  nettementaccentu6,  devaitlui  faire  com- 
meltre  le  double  meurtre  doiit  il  est  accus6. 

Pisser  fit  In  canipagne  de  la  Baltique,  la  fin  de  la  campagne 
de  Crimee,  il  passa  dans  plusieurs  garnisons,  taut  en  France 
qu’eu  Afrique ;  il  se  reeugagea  dans  cet  intervalle,  et  erifin,  en 
1862,  il  partit  pour  le  Mexique  avec  son  regiment. 

Pendant  les  quatre  annees  qu’il  passa  dans  ce  pays,  les 
hasards  ds  la  campagne  le  jetercut  tantot  sur  les  hauts  plateaux, 
tantot  dans  les  terres  chaudes,  ou  il  souffrit  pendant  deux  mois 
des  atteintes  d’une  fievre  paludeenne  grave ;  a  part  ce  temps 
de  maladie,  il  se  porta  geueralement  bien ;  on  nc  trouve  a  uoter 
que  quelques  vertiges  pendant  les  marches  faites  sous  uii  soleil 
brulant. 

Cependant  les  exc6s  alcooliques  n’avaient  pas  cess6,  Au  coii- 
iraire,  ils  se  multiplierent,  grace  au  bon  march6  de  I’eau-de- 
vie  de  canne  k  sucre;  ils  eurent  une  influence  dfiplorable  sur 
sa  ponduite ;  cent  cinquante  jours  de  punition  ku  corps  suivis 
de  six  mois  passes  aux  compagnies  de  discipline  en  sont  la 
preuve. 

Sous  le  coup  d’une  excitation  serablable  k  celle  que  nous 


SUl!  L’fiTAT  MENTAL  DE  F.  J.  PISSER.  427 

avous  d6ja  rapport6e,  Pisser  ne  pouvaiit  trouver  le  sommeil 
pendaiii  uae  nuit,  fut  en  proie  a  uii  dfilire  hallucinatoire ;  il  vit 
aulour.de  lui  des  Mexicaiiis  assis  autour  d’une  table,  tenant  des 
propos  Stranges  et  se  livrant  &  des  gestes  bizarres;  ses  cama- 
rades,  auxquels  il  racoiita  cette  apparition,  se  moquferent  de 
lui ;  cepeiidant  il  la  consid6ra  toujours  comme  le  iteultat  de 
manoeuvres  dues  a  la  magie. 

Cette  manifestation  dfilirante,  tout  a  fait  transitoire,  eut  lieu 
deux  ans  avant  le  retour  de  Pisser  en  P'rance  ;  elle  doit  etre 
consid6r6e  comme  un  des  signes  pr6curseurs  qui  ponvaient 
faire  pr&ager  I’explosion  d'une  affection  mentale  mieux  deter- 
min6e;  mais  elle  ne  saurait  etre  consider6e  comme  le  debut 
d’une  alienation  qui  eclata  plus  tard,  nous  le  verrons  tout  a 
I’heure,  d’une  inaniere  caracteris6e ,  dans  sa  commune,  li 
Litpvre. 

En  resume,  nous  trouvons  dans  les  antecedents  qui  nous  sont 
indiques  par  Pisser  lui-meme,  une  ieg6re  predisposition  here- 
ditaire  a  I’alienation  mentale  (un  de  ses  oncles  a  6te  aliene) ; 
une  education  negligee,  une  intelligence  envahie  par  des  idees 
superstitieuses ;  plus  tard,  des  exces  de  boissons,  des  actes  d’une 
singuliere  bizarrerie  commis  sous  I’influence  de  ces  exces ; 
enfm,  une  disposition  d’esprit  de  plus  en  plus  portee  h  attri- 
buer  ail  pouvoir  de  la  magie  et  des  sorciers  les  evencments 
dont  il  etait  frappe  et  dont  son  intelligence  mal  organisee  ne  lui 
permettait  pas  de  saisir  le  caractere. 

Les  details  dans  lesqoels  nous  sommes  entr4  nous  permetteiit 
de  saisir  d’une  manifere  plus  facile  I’ensemble  des  causes  qui 
sont  venues  cxercer  une  influence  determinante  sur  la  forme 
d’ali6nation  que  nous  avons  ii  determiner. 

Nous  devoirs  encore  aux  details  que  I’accuse  nous  donne  lui- 
m@me  I’explication  des  faits  qui  nous  restent  h  exposer. 

Pisser  est  assez  maitre  de  ses  facult6s,  et  particulierement  de 
sa  mdmoire,  pour  nous  faire  le  rficit  exact  des  sensations 
auxquelles  il  a  6t6  en  butte  sous  I’influence  do  circonstances 


RAl’PORt  MfiOIdO-tRGAt 

diverses.  Nous  ajoulerons  cjue  cet  hoinme,  doilt  I’inslruclion 
est  nulle,  dont  riiitelligeiice  est  plutot  bornfie,  ue  saurait  6vi- 
deinment  siniuler  un  genre  d’afTeclion  d’une  nature  aussi  com- 
plexe  que  celle  qu’il  pr6senle  a  notre  observation. 

HISTOIRE  DE  L’AFFECTION  MENTALE. 

Apres  quatorze  ans  de  service,  Pisser  revient  &  Liepvre  a  la 
fin  d’avril  1866. 

Il  avail  a  toucher  la  deuxifeine  moiti6  de  sa  prime  de  reenga¬ 
gement,  c’est-a-dire  treize  cents  francs.  Cet  argent,  nous  le 
verrons,  joue  un  grand  rfile  dans  les  scenes  que  nous  allons 
resumer. 

Pisser  trouve  pour  un  prix  modique  la  nourriture  et  le 
logement  chez  la  dame  Tonnier,  qui  dent  une  pension  d’ou- 
vriers.  Quinze  jours  se  passent  avant  qu’il  receive  son  argent ; 
cependant,  malgre  quelques  exces  de  boissons,  il  ne  ressent 
encore  aucun  trouble  intellectuel.  C’est  alors  qu’il  touche  la 
somme  qui  lui  etait  due,  et  c’est  de  ce  moment  que  la  folie 
commence  a  faire  explosion,  folie  caraetdrisfie  essentiellement 
par  des  idees  fixes  de  persecution,  des  sentiments  de  mefiance 
et  par  des  hallucinations  de  I’ouie  et  de  la  vue  qui  sont  regar- 
dees  par  le  inalade  comme  le  resultat  des  pratiques  de  sorcel- 
lerie.  Du  greuier  ou  il  couche,  Pisser  enlend  parler  la  null  au 
rez-de-chaussee  le  cur6  de  la  commune  et  madame  Tonnier, 
chez  laqiielle  il  loge.  Les  paroles  qu’il  entend  se  rapportent  a  sa 
conduite,  a  ses  alfaires,  a  sa  famille.  On  dit  qu’il  neglige  ses 
devoirs  religieux,  qu’il  doit  doniier  de  I’argent  pour  faire  faire 
des  pelerinages,  pour  faire  dire  des  messes  pour  son  p6rc  et  sa 
mere  d6ced6s.  Il  entend  meme  la  voix  de  ses  parents  qui  le 
trailent  ii  leur  tour  de  mauvais  sujet  et  qui  rficlameut  des 
prieres.  Puis  il  entend  encore  d’autres  voix  :  ce  sont  celles  de 
parents  morts  ou  vivants,  de  diverses  personnes  de  sa  connais- 
sance,  d’nne  certaine  Madelon  Batau,  femme  de  sa  commune, 


SUR  L’fiTAT  MENTAL  DE  F.  J.  PISSER.  429 

atteinie  d’6pilepsie  etqu’il  regarde  coimne  une  sorciere.  Touies 
ces  personnes  rficlament  de  I’argeiit,  c’est  une  tante  qui  lui 
demande/iO  fr.,  c’est  le  cur6  de  Lfepvre  qui  exigelS  fr.,  etc... 
Quelquefois  il  voit  une  grande  reunion  d’individus  se  rassem- 
bler  autour  de  lui  et  faire  signe  par  leurs  gestes  qu’ils  en 
veulent  4  sa  bourse.  Tantot  on  proffere  autour  de  lui  des  me¬ 
naces  dc  mort,  tantot  ce  sont  des  obsc^nites  qu’on  lui  dfibite. 

Les  paroles  qu’on  lui  adresse  sont  parfaitement  distinctes,  il 
les  entend  comme  cedes  qui  sont  dites  dans  une  conversation 
ordinaire,  elks  se  font  entendre  de  tons  les  coles,  il  y  repond 
a  voix  basse  et  malgr6  lui. 

D’aulres  symptomes  ne  lardent  pas  a  carackriser  son  d61ire  ; 
il  a  bienlot  I’idde  fixe  qu’on  cherche  a  I’enipoisonner.  Pisser 
refuse  dc  prendre  la  tasse  de  caK  au  lait  que  madame  Tonnier, 
cede  qui  le  loge,  lui  pikpare;  elk  insisie,  il  finit  par  c6der.  Il 
lui  trouve  un  gout  insolite,  une  amerturae  extraordinaire,  il 
voit  au  fond  du  vase  une  poudre  noire  qu’il  prend  pour  une 
poudre  magique. 

Des  ce  moment,  il  se  croit  entierement  livre  h  la  disposition 
de  madame  Tonnier  et  de  Madelon  Balau.  Ces  deux  femmes  ne 
cessent  de  lui  parkr  jour  et  nuit,  elks  lui  demandent  de  I’ar- 
gent  sous  divers  prdtextes,  elks  lui  reproclient  son  pass6,  elks 
le  menacent  d’avoir  recours  au  diable  s’il  ne  cede  pas  a  leurs 
sollicitations.  Une  nuit,  elks  le  font  apparaitre  dans  sa  cbambre  : 
«  Le  demon  lui  apparait  lout  noir,  dit-il,  tel  qu’on  le  repik- 
sente  dans  les  livres.  »  Puis  les  hallucinations  se  manifestent 
sous  touies  les  formes,  elks  semblent  sortir  de  tous  les  objets 
qui  frappent  sa  vue ;  il  entend  des  voix  partir  de  ses  souliers, 
de  ses  doigts  quand  il  les  fait  mouvoir ;  les  oiseaux  chautent 
des  formules  raagiques,  les  grillons  le  poursuivent  de  ikclama- 
tions  d’argent.  Les  arbres  affectent  des  formes  etranges  et 
prennent  la  ressemblance  des  personnes  qu’il  a  vues,  cedes  qui 
Pont  plus  ou  moins  irapressionnfi;  il  croit,  par  exemple,  re- 
connaitre  I’empereur,  il  tombe  a  genoux  devant  lui ,  il  lui 
ANNAL.  MfiD.-psTCK,  4”  serie,  t.  IX.  Mai  18G7,  4.  28 


430  RAPPOUT  MfiDICO-LliGAL 

cleiiiniidc  grace  d’avoir  cherch6  a  le  luer,  il  croit  quo  Ics  sor- 
cieres  lui  en  avaient  inspir6  la  pens£>e  et  Ini  lmi  avaient  doniie  le 
raoyen.  Ce  sonl  elles  qui  lui  avaieni  fait  venir  des  poux  sur  la 
tate;  en  les  6crasant  sous  son  ongle,  il  potivail,  par  cela  soul, 
Oter  la  vie  a  I'cmperour,  etc...,. 

Ce  sent  surtout  les  inlerpeliatlous  el  les  demniKies  (rargent 
de  madame  Tonnier,  de  Madelon  Bateau  cl  du  curd  de  Liepvre 
qui  I’impatlenleni  le  plus.  11  va  a  Sclilesiadt  consultera  cc  sujei 
un  mddeciii  qui  lui  avail  did  indique  comine  magicien.  Celui-ci 
ne  present  aucun  traitemeut,  et  Pisser  se  rend  a  Colmar  dans 
le  mdme  but  et  sans  obtenir  de  meilleur  rdsultat.  A  bout  de 
patience,  il  acliete  un  couteau-poignard  dans  I’intention  de  luer 
Tiiadairie  Tonnier  et  Madelon  Batau,  afin  de  melire  un  tcrine 
a  leurs  machinations  ensorceldes.  L’occasion  ou  la  volontd  lui 
manque  pour  exdcuter  ce  projet. 

Cependant  I’excitation  ddlirantc  continue  a  s’accroitre.  Les 
sorcieres.  dit-il.  lui  faisaient  abattre  el  construire  des  chateaux, 

raser  des  montagnes,  etc .  Un  musicien  ambulant  joue  un 

air  magique  qui  le  fait  danser  a  la  perfection,  lui  qui  n'avait 
jamais  appris  la  danse.  Il  se  sent  Idger,  dispos;  son  corps  ne 
lui  pese  plus.  Le  diable  lui  fait  faire  tiois  lieues  en  raoins  d’une 
demi-heure. 

Convaincu,  apres  les  expdriences  qu’il  vient  de  tenter,  que 
la  mddecine  est  impuissanle  pour  faire  disparaitre  la  magie, 
il  se  ddcide  a  employer  les  raemes  artifices  que  ceux  qu’on 
dirige  contre  lui ;  il  prend  le  chemin  de  fer  de  Sainte-Marie- 
aux-Mines  pour  recourir  aux  lumieres  d’wn  petit  sorcier  dont 
a  Liepvre  indine  on  lui  avail  vantd  la  puissance  occulle.  Mais 
il  ne  peut  trouver  la  maison  du  petit  sorcier,  Madelon  Batau  et 
madame  Tonnier  Ten  empgchent,  elles  lui  crient  que  cette 
dAmarche  le  perdra  pour  toujours,  qu’il  sera  d6livr6  de  I’en- 
chantemeut  qui  le  possede,  si  seulement  il  ob6il  d’une  mani6re 
ponctuelle  a  leurs  ordres.  Elles  lui  font  acheter  un  pistolet ;  il 
pense  que  cette  arme  devia  lui  servir  a  sauvegarder  son  argent 


SUR  L’liTAT  MENTAL  DE  F.  J.  PISSER.  hZ\ 

el  ii  lui  porter  boiiheur  ;  elle  lui  a  dl6  enlevee  par  les  autorilds 
do  Chatenois, 

Cependanl,  le  sdjour  dans  la  commune  de  Liepvre  lui  devient 
insupportable,  il  part  ddfinitivement  pour  Colmar  dans  I’espoir 
d’etre  delivrd  des  scenes  fantasraagoriques  qui  I’obsedent.  II  se 
fait  rendre  prdalablement  par  I’antontd  du  maire  son  argent, 
que  par  une  siiigulidre  contradiction  il  avail  confie  a  inadame 
Tonnier.  Quelques  empletles  que  celle-ci  lui  avait  fail  payer 
beaucoup  irop  cher,  a  son  avis,  jointes  au  prix  de  sa  pension, 
avaient  rdduit  les  1300  francs  a  800  francs. 

Il  s’installe  a  Golniar  dans  une  petite  auberge  a  I’enseigne 
du  Cerf,  et  il  reste  cinq  a  six  jours  en  proie  au  delire  halluci- 
natoire  le  plus  intense. 

On  voit  alors  Pisser  errer  dans  la  ville  et  dans  les  campagnes 
environnanies ;  il  vit,  comnie  a  Liepvre,  dans  un  monde  fan- 
tastique,  et  les  sorcicres  continuent  a  etre  raaitresses  de  lui- 
memc.  Co  sont  elles  qui,  pour  s’emparer  davantage  de  son 
esprit,  donnent  aux  objets  exterieurs  une  figure  oirange  et  une 
voix  paiTiculiere.  Les  roues  des  voitures  se  rnettenl  a  parler,  les 
oiseaux  recitent  le  Pater,  I’Ave  et  le  Credo;  ils  lui  remetlent 
en  indraoire  ces  trois  prieres  qn’il  avait  oublides  au  rdgiment. 
Ils  lui  proraettent  des  talismans  merveilleux  qui  auront  la  vertu 
d’acc'omplir  tous  ses  souhaits,  qui  le  rendront  invisibl'et''q'ffi  lui 

permettronl  de  tuer  I’empereur,  etc . On  le  force  a  maudire 

J6sus-Christ,  on  lui  promet  d’iminenses  richesses,  s’il  consent 
a  vendre  son  arae  au  diable. 

Il  voit  des  montagnes  surgir  el  disparaiire  presque  au  mdme 
instant;  les  maisons  s’61oignent  et  se  rapprochent;  Colmar  Ini 
parait  une  ville  immense  qui  n’a  point  de  dimites,  a  travers 
laquelle  il  marche  sans  trouver  la  fin. 

Ses  iddes  de  m6fiance  se  reveillent  plus  vives  que  laniais. 
surtont  pour  ce  qui  se  rapporte  h  la  conservation  de  son  argent. 
Son  hote  lui  demande  on  coup  de  main  pour  rentrer  la  moisson, 
et  I’invite  h  placer  les  gerbes  d’une  certaine  fa^on.  Pisser  voit 


432 


!At>PORT  MfimCO-LfiGAt 


dans  ce  fait  nne  manoeuvre  de  sorcellerie  qni  n’a  d’autre  but 
quo  dc  le  depouiller.  Il  va  faire  I’acliat  d’effets  d’habilleinent 
dont  il  a  besoin  ,  I’hbtesse  qui  I’accompagne  prend  a  ses  yeux 
la  figure  de  Madelon  Batau.  Une  voix  lui  dit  qu’il  doit  I’appeler 
sa  mfere  et  qu’il  doit  lui  ob6ir.  Aussi  ne  songe-t-il  pas  a  r6sister 
quand  elle  le  force  a  refuser  la  monnaie  qui  lui  etait  due. 

Il  va  avec  son  bote  dans  un  caf6ou  il  reinarque  une  jeune 
fille  d’une  pbysionomie  agrfiable.  La  nuit  il  entend  la  voix  de 
madame  Tonnier  et  celle  de  Madelon  Batau  qui  I’engagent  ii 
tuer  cette  jeune  fille  pour  devenir  lui-meme  proprifitaire  du 
cafe. 

Cinq  oil  six  jours  se  passent  ainsi  au  milieu  d’un  d61ire 
sensorial  qui  n’etail  interrompu  que  par  de  rares  intervalles 
d’une  deini-luciditf\  Dans  les  moments  de  calme  relatif,  Pisser 
clierclie  ii  se  rendre  complo  des  singuliers  plienonienes  qui 
troublent  son  inteiligence,  et  il  s’affermit  de  plus  en  plus  dans 
I’idee  qu’il  est  le  jouet  des  sorcieres  de  Liepvre. 

Tel  est  son  etat  mental  jusqu’au  jour  qui  precede  la  nuit  du 
meurtre. 

L’accus6  nous  raconte  ainsi  les  evenements  de  cette  journee  ; 
Il  quitte  sa  pension  apres  son  premier  dejeuner  et  va  se  pro- 
inener  dans  la  ville  de  Colmar  qui  lui  parait  bien  plus  grande 
qu’il  I’ordinaire.  11  fmit  cependant  par  sortir  de  la  ville  et  va 
dans  les  vignes  d’alentour.  Mais  poursuivi  par  les  voix  de 
madame  Tonnier  et  de  Madelon  Batau,  il  revient  sur  ses  pas  et 
rencontre  la  femme  de  son  cordonnier  de  Liepvre,  qui  elle- 
meine  6tait  accompagnfie  d’autres  personnes  qui  lui  fitaient 
inconuues.  Ces  gens  s’attachent  a  lui  et  insistent  pour  lui  faire 
payer  h  dejeuner.  Pisser  refuse;  il  tenait  trop  4  son  argent,  et 
d’ailleurs  il  se  mefiait  des  femmes  de  Liepvre.  Cependant  il 
rnene  la  bande  dans  un  caf6  ou  chaque  personne  boit  deux 
choppes  de  biere,  et  comme  c’etait  l’6poque  de  la  foire,  il  se 
voit  obligd  de  payer  I’entrfie  a  un  spectacle  forain.  Il  reste 
.sourd  4  de  nouvelles  solllcitations  pour  le  d6jeuner,  il  quitte 


SUR  L’flTAT  MENTAL  DE  F.  J.  FISSER.  ftSS 

i)rus(juement  la  socidtfi  et  va  scul  a  la  brasserie.  Deux  nou- 
velles  choppes  s’ajoutent  aux  deux  premieres.  Il  veut  relourner 
a  sou  aiiberge,  mais  les  voix  le  reliennent  et  rempgchent  d’en 
prendre  le  chemin.  Renlrg  ii  la  brasserie,  il  boit  encore  qualrc 
choppes.  Il  cherche  le  cafe  ou  il  a  bu  le  matin  avec  ses  com- 
patriotes,  impossible  de  le  retrouvcr.  Dn  uouvel  essai  pour  rcn- 
trer  a  son  auberge  reste  ggaleraent  sans  resultat;  il  trouve  a  la 
place  une  toule  polite  raaison  d’un  seul  6tage.  Il  erre  dans  les 
rues  de  Colmar  jusqu’a  la  nuit  tombante,  11  trouve  une  auberge 
dans  laquelle  il  soupe  d’un  morceau  de  pain  et  de  fromage,  le 
lout  arrosg  d’une  choppe  de  vin.  En  sortant,  il  fait  la  rencontre 
d’une  femme  qu’il  croit  etre  une  femme  de  Liepvre.  Il  affirmc 
qu’en  ce  moment  il  n’gtait  pas  ivre,  cependant  il  ne  pent  se 
rendre  compte  de  la  maniere  dont  cette  femme  I’introduit  dans 
la  maison  de  prostitution  dans  laquelle  le  meurtre  a  etc  commis. 
Dans  cette  maison,  il  remarque  deux  filles ;  comme  il  ne  pou- 
vait  retrouver  son  auberge,  il  se  decide  a  passer  la  nuit  avec 
Tune  d’elles.  Il  monie  dans  une  chambre  du  premier  glage  avec 
celle  qu’il  a  choisie,  el,  sur  sa  clemande,  lui  donne  une  piece 
de  20  francs  pour  aller  chercher  une  bouteille  de  vin.  Il 
remarque  qu’elle  reste  deux  ou  trois  heures  sans  apporter  ni 
vin,  ni  monnaie.  Ce  fait  lui  parait  gtrange,  dveille  ses  soupcons, 
enfin  elle  revient;  dans  I’inlervalle,  il  s’etait  mis  au  lit;  a  peine 
glait-elle  de  retour,  qu’une  seconde  femme  entre  dans  sa 
chambre.  Celle-ci,  tout  en  I’amusant,  fouille  dans  les  poches 
de  son  pantalon  d6pos6  sur  une  chaise.  Interpellge  par  Pisser 
qui  lui  demande  ce  qu’elle  fail,  elle  se  retire.  Elle  revient  un 
quart  d’heure  aprfes,  saisit  le  porte-monnaie  dans  la  poche  et 
I’ouvre.  Pisser,  qui  a  tout  vu,  persuadd  qu’on  veut  le  depouil- 
ler,  se  16ve,  s’habille  a  la  hate,  entre  dans  une  fureur  extrOme, 
il  se  prgcipite  vers  la  porte  qui  eiait  fermec  a  clef,  il  I’enfonce 
a  coups  de  pied  et  parvient  ii  se  sauver  dans  la  rue.  Il  prglend 
ne  pas  se  souvenir  d’avoir  donn6  des  coups  de  couleau,  il  se 
rappollc  sculement  quo  la  femme  avec  laquelle  il  etait  couche 


RAPPORT  M£DIC0-L£GAL 


434 

lui  paraissait  avoir  change  de  forme,  qu’elle  etait  devenue  loule 
bossue;  enfin  il  se  souvieni  d’avoir  enlendu  des  cris  et  un  bruit 
extraordinaires  dans  cetle  raaison. 

Quoi  qu’il  en  soit,  il  est  arrete  a  quelques  pas  de  la  maison, 
et  il  achevo  sa  unit  en  prison.  Le  lendemain  on  lui  annonce 
qu’ii  a  frapp6  deux  femmes,  et  on  le  confronle  avcc  ses  vic- 
limes.  On  le  conduit  d’abord  dans  la  maison  de  prostitution,  et 
on  lui  montre  le  cadavre  d’une  femme  tout  ensanglantfie  et 
couverte  de  blessures.  Il  declare  ne  reconnaitre  ni  la  maison,  iii 
le  corps  de  la  victime,  et  il  ne  laisse  voir  aucune  marque  d’eino- 
tion,  Men6  ensuitc  a  I’hopital  auprfes  de  la  deuxieme  femme, 
qui  n’6tait  que  bless6e,  il  est  reconnu  par  elle,  mais  il  jure  que 
pour  lui  il  ne  I’a  jamais  vue.  Quant  an  couteau  doiit  il  s’est 
servi;  c’6tait,  dit-il,  un  simple  couteau  de  poclie,  on  le  lui  a 
pris  dans  cette  maison  et  il  ne  sait  pas  ce  qu’il  est  devenu. 

Dans  son  interrogatoire,  le  juge  d’instruction  lui  dit  qu’il 
lui  a  doimd  plus  de  irente-trois  coups  de  couteau  ;  il  affirnie 
qu’il  ne  lui  en  reste  pas  le  moiudre  souvenir, 

C’est  lui-m6me  qui  nous  donne  ces  details ;  en  dehors  d’au- 
tres  renseignements,  il  nous  est  impossible  de  v6rilier  les  asser¬ 
tions  qu’il  nous  6mei ;  il  nous  est  egalement  impossible  de 
constater  s’il  n’a  pas  cependant,  au  milieu  de  la  confusion  de 
ses  id6es  et  du  tiouble  dans  lequel  I’avait  jete  une  surexcitalion 
pouss6e  au  plus  haut  degrd,  conservd  quelqne  souvenir  de  la 
scene  sauglante  qu’il  venait  de  provoquer, 

Pisser  passa  deux  mois  et  demi  en  prison ;  pendant  les  quinze 
premiers  jours,  il  nous  racoute  qu’il  a  6t^  priv6  de  sommeil  et 
sans  cesse  obs6d6  par  des  haUucinatious  semblables  a  cedes  que 
nous  avons  d6crites.  C’est  toujours  madame  Tounier  et  Madelon 
Batau  qui  se  font  entendre,  elles  lui  disant  qu’elles  saventce 
qu’il  pense,  et  dies  vuudraientlui  faire  avouer  qu’il  a  assassin^ 
deux  femmes.  Les  souUers  qu’il  porle  aux  pieds  lui  disent  des 
injures  et  le  font  marcher  de  travel's. 

Il  est  egalement  preoccupd  de  son  argent;  il  en  demande  des 


sun  L’fiTAT  MENTAL  DE  E.  J.  PISSEU.  a35 

iu)uvelle.s,  on  liii  rnontre  son  porte-inonnaie  dans  leqiiel  il  iie 
reste  quo  160  francs  an  lieu  des  600  qu’il  contenait.  La  perle 
de  cet  argent  le  chagrine  viveinent  et  le  confirme  dans  ses  idees 
de  infiliance. 

Peu  i)  peu,  cei)endant,  l’6lat  iiienial  s’ameliore,  et  Pisser 
relrouve  le  soinmeil.  Les  hallucinations  persistent  cependant 
encore,  inais  elles  se  luanifestent  a  des  inlervalles  de  plus  en 
plus  i^loigniSs. 

C’est  alors  qu’il  est  amenfi  a  I’dtablissement  de  Stfiphansfeld 
pour  etre  soumis  ii  notre  observation,  le  19  octobre  1866. 

Dcpuis  son  entire  li  I’asile,  Pisser  a  6l6  sournis  h  une  surveil¬ 
lance  continuelle  et  li  nn  examen  attentif.  Un  infirmier,  dont 
c’est  le  service  unique,  ne  le  perd  pas  de  vue ;  il  est  charge  de 
nous  rendre  un  compte  exact  et  fidble  de  loutes  ses  paroles  et 
de  lous  ses  actes ;  I’inierne  de  service  s’est  occup6  d’en  faire 
I’observation  dfitaillee,  et  nous  I’avons  nous-mSrae  interrog6 
longueinent  et  h  plusieurs  reprises. 

Pisser  jouil  d’un  bon  lempfirament,  sa  constitution  n’est  nul- 
lement  affaiblie,  les  fonctions  organiques  s’accomplissent  avec 
r6gularii6  ;  le  soniineil  seul  a  6te  trouble  pendant  les  premiers 
jours. 

Les  traits  de  sa  figure  sont  grossiers,  sa  physionomie  est  vul- 
gaire,  elle  porte  d’habitude  I’empreinte  de  ses  preoccupations 
habituelles.  Sa  parole  n’est  nullement  embarrassde. 

Pendant  les  premiers  jours  de  son  s6jour  a  l’6tablisseinent, 
Pisser  continue  a  6tre  sujet  a  des  hallucinations  j  il  entend 

parlor  de  son  argent,  de  meurtre  comrais,  etc . On  le  voit 

quelquefois  marcher  dans  ses  promenades  avec  prficipitation, 
(juilter  tout  a  coup  son  chemin  comine  s’il  obSissait  a  un  appel, 
ou  comme  s’il  cberchait  a  eviter  des  interpellations  d6sagr6ables. 
Quand  on  I’interroge,  lorsque  surtout  on  le  fait  d’une  maniere 
adroite,  il  rfipond  volontiers  a  toiites  les  questions  qui  lui  sont 
faites,  et  il  donne  avec  animation  et  conviction  des  details  precis 
sur  lout  ce  qui  se  rapporte  a  ses  hallucinations ;  inais  il  con- 


436  RAPPORT  m£dico-l£gal 

serve  tout  entieres  ses  iclees  fausses  au  sujct  des  sorcieres,  de 
la  sorcellerie  et  des  machinations  diaboliques  auxquelles  il  croit 
avoir  ete  en  butte ;  sa  conviction,  sous  ce  rapport,  est  absoliic. 

11  forme  le  projet  de  se  vcnger  de  madamc  Tonnier  ct  de 
Madelon  Balau  aussitot  qu’il  en  irouvera  I’occasion ;  c’esi  ii 
elles  qu’il  attribue  la  cause  des  smgulieres  sensations  qu’il  a 
eprotiv^es,  et  qu’il  ressent  encore  de  temps  a  autre ;  ce  soul 
elles  qui  sont  la  cause  de  la  perte  de  son  argent. 

RfisUMh.  —  Si  maintenant  nous  venons  <i  rdsuiner  les  fails 
sur  lesquels  nous  nous  somines  etendu  avec  quclques  details, 
nous  devrons  reconnaitre  qu’il  exisle  chez  cet  bomine  un 
ensemble  de  phenomenes  et  un  enchainemenl  de  circonslances 
qui  suBlront  pour  nous  expliquer  le  dfiveloppcment  d’un  etat 
mental  qui  s’est  prepare  a  la  longue,  qui  a  fait  explosion  peu 
de  jours  apres  son  retour  a  Sainte-Marie,  et  dans  lequel  il  s’est 
trouve  dans  cetle  nuit  meme  pendant  laquclle  il  a  commis  le 
crime  dont  il  est  accuse. 

Nous  trouvons  chez  lui  une  predisposiiion  hfiriiditaire  a 
I’alienation,  une  intelligence  nalurellemcnl  simple  ct  laissec 
sans  culture;  de  bonne  henre,  et  a  un  age  ou  les  impressions 
soul  vives  et  durables,  son  esprit  a  ete  impressionne  par  les 
histoires  de  sorciers  ct  envahi  par  les  idees  supersiitieuses  que 
Ton  relrouve  portces  a  un  haul  degre  dans  quelques  communes 
des  Vosges. 

Devenu  militaire,  il  a  commis  de  nombreux  exces  de  boisson. 
Dans  dilTdrentes  circonslances,  a  Rouen,  au  Mexique,  la  sur- 
excitation  dont  il  a  6te  atteint  I’a  porte  a  des  actes  d’une  6vi- 
denie  excentriclte. 

Des  preoccupations  d’une  nature  particuliere  ne  devaient 
pas  larder  a  donner  naissance  a  des  manifestations  d61irantes 
neitcment  accusees  el  pour  lesquelles  le  terrain  dtait  deja  prd- 
par6  d’une  manihre  sitavorable. 

e’est  a  Liepvre  que  le  d61ire  eclate  avec  des  caractercs  qui  ne 


SUR  L’fiTAT  MENTAL  DE  F.  J.  PISSER.  437 

sauraieiit  faire  I’objet  d’aucune  espece  de  doute.  La  craiiUe  de 
so  voir  diEpouiller  d’une  somnae  d’argent  cousid6rabIe  pour  lui, 
qu’il  avail  d’abord  confine  a  line  femme  de  son  pays,  qu’il  a 
ensuile  port6e  conlinuellement  sur  lui,  a  certaineraent  conlri- 
bu6  a  d6velopper  raffection  mentale  dont  il  a  ete  aLteint. 

Le  d61irc  a  parliculierement  caracierisfi  par  une  grande 
surexcitation,  de  I’insoninie,  des  idees  fixes  de  mefiance  el  de 
pcrseculion,  mais  suiToul  par  des  hallucinalions  qui  onl  pre- 
sent6  leurs  caracleres  habiluels,  qui  onl  domine  d’une  maniere 
absolue  sa  volonl6  el  lui  onl  fail  conimellre  les  antes  les  plus 
extravagants.  G’est  sous  I’influence  des  visions  qui  I’onl  obs6d6 
qu’il  s’est  encore  echappe  de  la  inaison  oCi  il  avail  pris  sa  pen¬ 
sion,  qu'il  allait  errer  des  beures  entieres  dans  les  bois  envi- 
ronnants,  el  qu’arm6  d’un  sabre  il  cherchait  li  sc  ddfenclre 
contre  les  apparitions  qu’il  voyait  sortir  des  buissons. 

Lui-meme  a  la  conscience  de  cetle  etrange  situation  dans 
laquelle  il  se  trouve,  et,  dans  I’espoir  d’en  etre  ddbarrasse,  il 
va  voir  des  medecins  et  consulter  des  sorciers.  Les  cxcfe  de 
boisson  auxquels  il  continue  a  se  livrer  .ajoutent  a  ce  delirc  un 
nouvel  aliment. 

Dans  la  journee  et  dans  la  soirde  m6me  dans  laquelle  Ic 
meurtre  a  ete  accompli,  Pisser  a  commis  des  exces  de  boisson 
qui  devaient  sulBre,  dans  la  disposition  d’esprit  dans  laquelle 
il  se  trouvait,  pour  lui  enlever  &  un  moment  donn6  toute  libertd 
morale.  La  tentative  de  vol  dont  il  parait  avoir  dtd  rdellement 
I’objet,  ct  ([ue  sou  esprit  si  soupconneux  a  I’endroit  de  son 
argent  lui  a  fail  parfaitement  remarquer,  I’a'transport^  d’une 
fureur  extreme,  et  lui  a  fait  commettre  des  actes  d’une  veri¬ 
table  sauvagerie ,  dont  il  ne  semble  avoir  conserve  qu’un  trfes- 
vague  souvenir,  si  nieme  ce  souvenir  lui  est  rest6  bien  r6elle- 
ment  dans  la  memoire.  Les  trente  coups  de  couteau  porles  h 
I’uiie  de  ses  malheureuses  viclimes  sont  ii  eux  seuls  la  preuve 
d’une  fureur  que  rien  ne  pouvait  maitriser. 

Aujourd’hui,  Pisser  n’est  plus  sous  I’influcnce  d’exces  de 


il38  KAPPORT  MfiDICO-LfiGAL,  ETC. 

boisson,  il  n’est  plus  soumis  a  cette  incessante  prfioccupation 
que  lui  causait  la  crainte  d’etre  vole.  II  a  repris  son  caliiie  et 
en  partie  I’exercice  de  ses  facultes. 

Cependant  on  n’en  constate  pas  inoins  cliez  lui  la  persistance 
d’kiees  fixes,  d’appreciations  erron6es  et  d'hallucinations  qui 
se  foul  jour,  surtout  a  certains  moments  d’cxciiation.  II  con¬ 
serve  d’une  maniere  absolue  la  croyauce  aux  idees  supersii- 
tieuses,  a  la  sorcellerie,  &  I’intervention  du  diable ;  il  leur  attri- 
bue  la  cause  des  inachinatioiis  auxquellcs  il  s’imagine  avoir  6t6 
en  butte.  Il  est  encore  anim6  de  temps  it  autre  du  dfisir  de  se 
rendre  lui-meme  justice  des  torts  graves  qu’il  croii  lui  avoir  6te 
causes. 

Le  calme  avec  lequel  il  nous  raconte  les  pariicularites  (|ui 
le  concernent,  le  ton  de  coilviction  qu’il  apporle  dans  ses 
explications,  enfin  son  intelligence  peu  developp6e,  doivenl 
61oigner  chez  lui  loute  idee  de  siiuulation. 

Pisser  conserve  en  ce  inoiuint  encore,  inais  it  un  degre 
moins  considerable,  des  signes  d’ali6natiou  meniale  (lypeinaiiie 
avec  hallucinations) ;  les  symptoines  qui  se  d6veloppcnt  cbez 
lui  avec  une  rare  intensite,  sous  I’influence  de  diverses  causes 
exciiantes,  ne  sauraieut  le  rendre  responsable  des  acles  coiumis 
dans  une  semblable  disposition ;  il  iinporte,  en  tons  cas,  que  cel 
homme  soil  soumis  it  une  surveillance  parliculiere  et  qu’il  soil 
raaintenu  dans  un  etablissemenl  d’alien6s. 

Stephansfeld,  le  16  novembre  1866. 

Conformement  aux  conclusions  formulees  dans  ce  rapport, 
les  poursuites  out  ete  abandoundes,  et  Pisser  a  6l6  reinis  it  la 
disposition  de  l’autorit6  administrative. 


NOTE  MEDICO-LEGALE 


A  l’OCCASION 

DTNE  DONATION  ENTRE-VIFS 

a  la  periode  ultime  d’une  fievre  typho'ide  ataxique 


ai.  le  docloui-  Dli  SAUI^IiE. 


Invit(5  a  doiiner  inoii  avis  sur  la  question  cle  savoir  si 
M.  G. ..  (Ernest)  a  pu,  le  15  octobre  18(54,  a  huit  heures  ct 
deinie  du  matin,  envoyer  de  sou  propre  mouvement  cliercher 
nil  iiotaire,  afiti  do  dicier  un  acte  de  donation,  el  s’il  a  pu  uue 
demi-heure  plus  tard  disposer  de  sa  fortune  sainemenl  et  libre- 
lueni; 

Apres  avoir  pris  connaissaiice  des  Elements  d’appreciation  et 
de  solution  mis  a  iiia  disposition,  comprenani  les  documents 
suivants  : 

1°  Un  cahier  de  proefes-verbaux  d’enqufite  couteuaut  sept 
depositions ; 

2“  Un  caliier  de  proefes-verbaux  de  contre-enquete  conleuant 
quatorze  depositions ; 

Ai  reconnu  qu’au  point  de  vue  medico-legal  la  question  priii- 
cipale  qui  m’a  6ie  pos6e  se  decompose  en  ces  trois  questions : 

1“  Quelle  cst  rallectiou  morbide  a  laquelle  a  succombe 

M.  G...? 

2“  Les  facplt^s  intellectuelles  peuvent-elles  etre  compromises 
dans  cetle  maiadie  ? 

3°  Quel  pouvait  etre,  au  moment  de  la  donation  du  15  oc¬ 
tobre,  I’etat  de  la  liberie  morale  chez  M.  G...  ? 


NOTE  MfiDlCO-LfiGALE 


m 


PREMifiRE  QUESTION. 

Vers  ie  11  octobrc  dernier,  M.  G...  a  ressenti  del’cmbarras 
gaslrique  et  de  la  fievre.  Le  14,  le  docteurNicard  constate  I’etat 
suivant :  «  Fievre  intense,  soiibrcsauts  des  tendons,  treinble- 
incnts  des  mains;  terreurs;  delire;  insomnie,  ballonnement 
cxccssif  du  ventre;  doufeurs  violentes  dans  tout  rabdomcn  et 
surtout  dans  la  region  lombaire.  o  Dans  la  unit  du  14  au  15,  le 
m6decin,  remarquanto  une  aggravation  bien  4vidente  dans  I’dtat 
du  malade  » ,  rfisolut  d’appeler  en  consultation  le  docteur  Quillot. 
Le  15,  4  huit  hcures  et  demie  du  matin,  r6tat  est  alarmant :  le 
malade  ne  peutni  «  articulerun  mot  ni  faire  entendre  un  son»; 
aussi,  le  docteur  Nicard  annonce-t-il  que  la  situation  est  des 
plus  pfirilleuses.  A  trois  heures,  le  docteur  Quillot,  mand6  en 
consultation,  arrive  :  le  malade  est  dans  la  stupeur,  parait 
6tranger  a  ce  qui  se  passe  autour  de  lui  et  ne  r4pond  rien  au 
medecin  qui  vient  d’enirer  et  qui  le  questionne  sur  son  6tat. 
II  peut  seulement,  mais  avec  lenteur,  faire  quelques  courtes 
reponses  et  prononcer  quelques  monosyllabes,  puis,  tourment6 
de  plus  en  plus  par  ses  souffrances,  il  s’assied  brusqnement 
sur  son  lit  en  disant  a  sa  femme  :  «  Je  souffre  beaucoup  du 
ventre ;  regarde  done,  je  crois  avoir  un  trou  dans  le  ventre.  » 

En  passant  en  revue  avec  soin  toutes  les  circonstances  mor- 
bides  qui  se  sont  produites,  je  suis  persuad6  que  M.  G...  a  eu 
une  fievre  typho'ide  a  forme  ato,xique. 

Dans  les  depositions  de  MM.  Nicard  et  Quillot,  on  ne  trouve 
aucun  renseignement  de  nature  a  faire  admettre  la  complication 
d’un  acces  de  fievre  pernicieuse,  ainsi  qu’on  I’a  prelendu  a  tort. 
Les  manifestations  de  ce  dernier  etat  morbide  sont  tres-tran- 
cbees,  eminemrnent  appreciables,  et  nos  honorables  confreres 
n’ont  signale  ni  les  stades  pathognomoniques  de  I’accesfebrile,  ni 
les  caracteres  du  pouls,  ni  le  volume  de  la  rate,  ni  I’etat  de  la 
peau  !  le  sulfate  dc  quinine,  d’autre  part,  a  ete  administre  pendant 
quatre  jours  et  u’a  amcne  aucun  soulagement ;  or,  on  sail  que 


A  l'oOCASION  D’UNE  nONATtON  ENTRE-VIFS.  IXhl 
s’il  SO  fut  agi  recllemenl;  do  fievre  pernicieusc,  co  modicameiU 
Ii6roique  n’aiirait  point  manque  do  produire  uiie  tres-grande 
am6lioration.  La  seule  modification  avantageuse  qui  soil  surve- 
nue  chez  le  malade,  dans  la  soiree  du  15  octobre,  a  (5te  due  a 
des  garderobes  tres-copieuses,  Ce  pheiiomene  cst  caractfiris- 
tique,  en  ce  qu’il  dfimontre  comment  I’intestin  —  siege  de  la 
lOsion  anatomiquc  dans  la  fievre  typhoide  —  a  pu,  avec  quelqiie 
profit,  Ctre  dfibarrassd  d’un  amas  genant  et  douloureux  de 
matibres  f6cales,  et  il  contribue,  sans  qu’il  en  soit  bcjsoin,  ii 
prouver  I’inanitd  de  I’hypotbese  d’nn  acces  de  fievre  perni- 
cieuse. 

Une  fievre  typhoide  suffit  ainplement  pour  rendre  compte 
du  trouble  tres-marqu6  des  facultfo  intellectuelles  qui  a  et6 
observe  le  15  octobrc.  On  a  vu  cependant.qu’on  avaitpu  arra- 
cber  qnelques  Icntes  reponses  au  malade,  mais  dans  presque 
toutcs  Ics  maladies  aigues  qui,  comme  la  lievre  typhoide,  s’ac- 
compagnentde  ddlire,  on  pent  tres-fr6quemment  poser  la  ques¬ 
tion  d’une  maniere  telle  que  la  reponse  soit  celle  qu’on  d6sire, 
affirmative  ou  negative,  et  forraul6e  en  monosyllabes.  Les  pretres 
qui,  dans  descas  analogues,  administrent  les  derniers  sacrements 
ne  precedent  pas  autreinent.  «  Vous  vous  repentez,  disent-ils, 
vous  voulez  recevoir  les  consolations  de  la  religion?))  Aces 
questions,  il  est  toujours  repondu  ouL  Le  mode  d’interrogation 
cst,  en  gfinfiral,  d’une  certaine  importance,  toutes  les  fois  que 
I’exercice  de  la  pens6e  est  cotnpromis,  mais,  au  point  de  vue 
medico-l^gal,  il  acquicrt  notamment  line  valeur  consid6rable, 
puisque  d’apres  la  maniere  dont  il  interroge,  I’individu  qui  pose 
les  questions,  impose  presque  fatalement  les  reponses. 

En  admettant  pour  un  instant  que  I’hypothese  toute  graluite 
d’un  accfis  de  fievre  pernicieuse  ait  pu  se  r^aliser,  que  serait-il 
arriv6?  Que  le  voile  jete  sur  les  facultes  de  I’enteudement  eut 
ete  plus  epais,  que  la  torpeurc6r6brale  eut  6te  plus  profonde 
encore.  Mais  il  devient  superflu  d’insister  sur  ce  point,  etil  de- 
meurc  Evident  que  M.  G...  aeu  une  fievre  typhoide  ataxique. 


DEUXlfiME  QUESTION. 


Le  dfilire  dans  la  fievre  typhoide  grave  est  uii  fait  universelle- 
ineiit  observe  el  adniis.  Dans  les  cas  tres-aigus  et  qui  se  ler- 
niinent  d’unc  inanierc  presque  fouclroyanle,  c’csl-a-dire  dans 
I’espace  de  huit  jours,  par  exeinple,  il  debute  des  le  Iroisieme 
on  le  quatrieme  Jour ;  les  malades  manquent  d’abord  d’initia- 
live,  de  decision,  devicnueiii  Strangers  a  tout ;  leur  physionomie 
revfit  I’expression  de  Velonncment,  puis  de  la  stupeur.  Ilienlot 
la  dissociation  des  idees  apparait,  des  paroles  incoh6rentes  sont 
prononcees  ou  simpleiiieni  murmur^es,  le  regard  devienl  terne 
et  fixe,  I’obtusion  du  sens  de  I’ouie  se  r6v61e  et  une  agitation 
assez  vive,  enlretenue  souveiit  par  des  hallucinations,  vient 
achever  I’esquisse  de  cette  scene  inorbide.  En  pareil  cas,  le 
fibre  arbitrene  resiste  pas  au  choc  et  la  volontd  est  rapidenieni 
precipitee  dans  la  plus  douloureuse  impuissance. 

Sans  doute  il  n’est  pas  impossible  d’observer  des  remissions 
plus  ou  moins  marquees  et  quelques  moments  de  treve  pen¬ 
dant  lesquels  on  peut  obtenir  du  malade  quelques  rdponses 
lentes,  courtes  et  le  plus  seuvent  monosyllabiqties,  mais  h  peine 
a-t-on  cess6  d’imposer  ses  questions  avec  insistance  que  I’inco- 
hSrence  reprend  son  cours  etque  le  malade  continue  sondelire. 
Si  la  gu6rison  se  produit  ulterieurement,  aucun  souvenir  de  ce 
qui  a  6t6  dit,  fait  ou  ecrit  pendant  ces  eclipses  passagercs  de  la 
raison,  n’est  conserve,  11  y  a  plus  :  quelques  individus,  tout  cn 
renaissant  a  la  vie,  sont  frappes  d’un  affaiblissemcnt  mental  per¬ 
sistant  ou  d’une  obliteration  incurable  des  facultes  intellec- 
tuelles.  Ces  faits  sont  d’une  notoriele  inconteslee. 

TROISIfeME  QUESTION. 

D’aprfes  les  pitees  de  I’enquete  etde  la  contre-enquele,  nous 
avons  vu  que  M.  G. ..  6tait  resl6  pendant  vingt-quatre  ou  trente 
heures,  avant  I’arrivde  du  notaire,  sous  I’fitreinte  d’accidents 
ffibriles  alaxiques,  de  soulTrauces  abdominales  intenses,  et  qu’il 


A  L’OCCASION  n’CNF.  noNATTON  E]NTRE-VIFS.  64S 
clait  r6cluil  a  ne  pouvoir  iii  seiitir,  ni  comprcndre,  ni  prononcer 
uncsyllabo,  niavaleruiie  goutte  de  liquidc.  Or,  dans  I’espaco  dc 
quelques  instants,  depuis  la  visite  du  docleur  Nicard  jusqu’ii 
l’arriv6e  du  notaire,  comment  I’esprit  du  malade  aurail-il  pii 
soudainement  reprendre  toutes ses  clartes  ?  Comment,  sans  som- 
meil  ni  crise  salutaire  prealables,  M.  G...  serait-il  tout  a  coup 
passt-  de  ralTaisseinent  c6r6bral  a  la  lucidity,  de  la  prostration  dii 
libre  arbitrea  I’energiede  la  volont(5,  de  I’abolilion  de  la  senti- 
mentalitd  a  une  initiative  plcine  de  tendresse?  L’observation 
cl  I’cxperience  demontrent  qiie  les  choses  ne  se  passent  point 
ainsi. 

En  resumd,  je  conclus  : 

1"  Que  M.  Ernest  G. ..  a  6t(5  atteint  de  fi&vre  typhoide 
ntaxique ; 

2"  Que  cette  nialadie  s’est  accompagnfie  d’un  dfeordre 
cxtr6tne  dans  les  idfies  et  a  constitn^  une  situation  tout  it  fait 
anormale  de  1  entendement  ; 

3°  Que  le  15  octobre,  it  huit  hcures  etdemie  du  matin,  moins 
d’uno  demi-heure  aprfis  le  d6part  du  docteur  Nicard,  M.  Ernest 
G...  n’a  pu,  de  son  propre  incuvement,  donner  des  ordres  pour 
fairevenir  un  notaire,  afin  dc  dieter  unacte  de  libdralitd; 

4“  Qu’il  n’a  pu,  trente  minutes  plus  tard,  articuler  clalre- 
inent,  librement  et  sainement  I’expression  spontanee  de  sa  ferme 
volont6. 

ti  avril  1865. 

P.-S.  — La  donation  de  IVl.  Ernest  G. annulfie  d’abord 
par  le  tribunal  de  premiftre  instance  de  Dijon,  a  et6  diiclarde 
valable  par  la  Cour  imperiale  de  la  mSme  ville. 


ETABLISSEME!\TS  ft’ALIEIVES. 


L’ASILE  D’ALIENES  DE  PREMONTRE 

(AISNE) 

Par  HI.  lo  doctcur  OAGROm  , 

Dircclcur'incdccin  do  rclablisscment. 


Monsieur  le  RfioACTEUR, 

Appel6  par  anel6,  cn  dale  du  5  noveinbre  dernier,  a  presider 
a  I’organisation  rnedicale  et  administrative  de  I’asile  des  alifines 
que  le  departeinent  de  I’Aisne  est  en  voie  d’installer  dans  I’an- 
cienne  abbaye  de  Premontr6,  j’ai  ern  qu’il  n’6tait  pas  sans 
intCret  de  venir  voiis  fournir  quelques  renseigneraents  sur  cet 
6tablisseinent. 

Rien  n’est  plus  incertain  que  I’origine  du  nom  de  Pr6raontre. 
Voici  cependant  ce  que  rapporte  une  I6gende  :  Pendant  la  pre¬ 
miere  moili6  du  xP  siecle,  un  lion  rdpandait  la  terreur  dans  la 
foret  de  Coney.  Enguerrand  II,  sire  de  Coucy,  voulant  d61ivrer 
le  pays  de  cet  hole  redoutable,  se  fit  conduire,  armfi  de  pied  en 
cap,  au  lieu  ou  on  le  voyait  le  plus  habituellement.  Lii,  le  lion 
lui  elant  apparu  a  quelques  pas,  il  dit  a  son  guide  :  «  Tu  me  I'as 
de  pres  raontre.  »  Cette  origine,  en  faveur  de  laquelle  on  alle- 
gue  la  figure  mutilee  d’un  lion,  qu’on  voit  encore  au-dessus  de 
la  porte  du  celebre  donjon  de  Coucy,  ii’a  pas  el6  toutefois 
adrnise  par  tons  les  savants;  Hermann,  moinede  Saint-Vinceni, 
notaminent,  prdtend  que  le  nom  de  Premontrd  vient  de  pratum 
monstratum  vel  proBmonstratum. 

Mais  sans  nous  prfioccuper  plus  longtemps  de  I’origine  de 
ce  nom,  arrivons  a  I’ordre  c6l6bre  qui  vint  s’y  dtablir  vers 
ran  1115. 


I.’aSILE  D’ALIENfeS  DE  Pr£MONTB£.  Wo 

Saint  Norbert,  qui  lui  donna  naissance,  ful  I’un  des  plus 
illusiies  personnages  de  son  temps.  Issu  d’line  noble  famille  de 
Germanic,  il  fut,  dans  Tune  de  ses  excursions  en  France, 
cliargS,  par  Bartheleiny,  §veque  de  Laon,  de  la  reforme  de 
I’ordre  des  chanoines  de.  I’Sglisc  de  Saint-Martin  de  cette  ville. 
N’ayant  pu  y  parvenir,  il  s’en  dessaisit  el  se  mit  ii  la  recherclie 
d’une  solitude  pour  lui  et  quelques  disciples.  La  vall6e  de  Pre- 
montre  lui  ayant  paru  convenable,  Bartheleiny,  qui  desirait  le 
conscrver  dans  son  diocese,  la  lui  aclicla  et  il  s’y  £tablit. 

En  trbs-peu  de  temps,  I’ordre  de  Preniontrd  prit  un  ddve- 
loppeinent  prodigieux.  Gonfirmfi  par  Honorius  II,  en  I’an  1126, 
des  redevances  et  des  dimes  considerables  vinrent  successivemeni 
I’enrichir,  et  bientol  il  comprit  plus  de  treize  cents  maisons  de 
chanoines  reguliers,  et  quatre  cents  de  femmes,  dont  quelques- 
unes  se  sont  mSme  conservdes  jusqu’ii  la  fin  du  si6cle  dernier. 

L’abbaye  de  Premontr6  notamment,  oude  trois  mois  en  irois 
mois  venaient  se  retremper  tons  les  membres  de  I’ordre,  avail 
acquis  des  proportions  6normes.  Detruite  en  partie  en  1793, 
ses  restes  et  ses  souvenirs  imposants  attirbrent  longtemps  les 
amis  des  monuments  antiques.  On  y  remarquait  nagufere  encore 
les  quatre  murs  de  la  salle  du  cbapitre  sur  lesquels  se  dcssi- 
naient  d’6legantes  ogives  et  les  ruines  d’une  magnifique  cha- 
pelle  Louis  XV. 

Transformee  en  verrerie  vers  1800, 1’administration  de  Saini- 
Gobain  la  c6da  plus  tard  a  monseigneur  de  Garsignies,  6veque 
de  Soissons,  qui  essaya  d’y  rfitablir  I’ordre  dteint;  n’ayaut  pu 
y  parvenir,  il  y  fonda  un  orphelinat.  Plus  tard  enfin,  le  conseil 
general  de  I’Aisne  s’en  rendit  acqu6reur. 

M.  Gonstans,  inspecteur  general,  consulte  alors  sur  I’appro- 
priatiofl  possible  de  cet  etablissement  pour  un  service  d’alienfis, 
n’h6sita  pas  it  se  prononcer  pour  I’affirmative. 

Un  plan,  du  tout  entiera  son  inspiration,  ful  done  dress6,  et 
M.  Castaing,  alors  pr6fet  de  I’Aisne,  qui  6tait  eiilrd  avec  autant 
de  sagesse  que  d’enthousiasme  dans  ses  vues,  se  chargea  de  le 
AWNAL.  MiiD.-PSYCii.  4"  serte,  t,  IX.  Mai  1807,  5.  29 


llU&  t’ASILK  O’AUfiNfiS  Dli  BRfiMONTRf' . 

presenter  au  conseil  gi5ii6ral.  Ce  plan,  (p|i  coinprenqit  noii- 
seulemeiit  rapproprialioii  des  ancieiis  batiments  au  service  des 
alidnds,  mais  in6ine  la  construction  d’un  asile  uoiiveau,  ayapt 
6t6  adopts,  I’exdcution  en  futcoiififiea  M.  Toucliaif],  arctiifeclc 
du  dfipartement. 

Aujourd’hui  que  les  travaux  sont  en  partie  lenuines,  et  (|ue 
soixante  ali6nes  y  out  dejii  ete  adinis,  en  attendant  le  gros  de  la 
population,  qui  y  arrivera  en  niai,  nous  allons  cliercher  a  de- 
crire  cette  oeuvre. 

De  quelque  c6t6  que  vous  vous  dirigie*  pour  arriver  a  Pre- 
tnonlre,  vous  trouverez  partoul  des  bois  6pais  qui  semblent  en 
d6fendre  les  abords;  situ6s  dans  une  vallee  profonde,  ces  rein 
parts  naturels  d’arbres  et  de  montagnes  disent,  inieux  que 
toutes  les  paroles,  I’Sloignement  du  monde  dans  lequel  on  peut 
y  vivre.  Quelques  maisonnettes  bien  baties,  aux  jardins  gracieu- 
sement  embellis,  et  un  rendez-vous  de  chasse  composent  le 
village,  dont  I’asile  occupe  la  partie  la  plus  reculee,  et  auquel 
on  arrive  par  une  allee  d’ormeaux  sdculaires. 

Lorsque  la  porte  vous  en  a  dte  ouverte,  vous  entrez  lout 
d’abord  dans  une  vaste  cour,  ou  vous  apercevez  trois  immenses 
corps  de  batiments,  I’un  en  face,  les  deux  autres  a  droite  et  a 
gauche.  Au  point  de  vue  architectural,  ces  batiments  sont  du 
siecle  dernier;  rebatis  vers  1  7A6,  ils  ont  le  caractere  de  leur 
6poque;  ils  sont  grands  et  imposants.  Si  vous  vous  dirigez  entre 
le  pavilion  du  milieu  et  celui  de  gauche,  vous  rencontrez  inie 
seconde  cour  tout  aussi  grande  que  la  premiire,  qui  conlieni 
quelques  restes  de  constructions,  dalant  do  fondateiir.  Sur  voire 
droite,  I’asile  |)roprement  dit  qui  a  remplace  les  debris  de  la 
saile  du  chapitre  et  d’une  maladi'erie  dont  quelques  resics 
ont  6l6  disposes  pour  le  logement  de  I’aumonicr  et  des  internes. 
En  face,  les  anciennes  ^curies,  au-dessous  de  la  porte  desquelles 
sont  encore  sculptfies  les  armes  du  gen6ral  de  I’ordre;  i)  gauche, 
et  &  Tangle  fornid  par  les  dcuries,  un  corps  de  logis  qu’habitait 
saint  Morbert.  Quelques  constructions  non  moins  importantes 
existent  encore  en  arriere  de  ces  ^curies. 


l’asile  nii)  447 

jjps  ^rpis  batimpiUs  4p  |a  CQur  4’eiH|'ee,  cel^j  f|u  iniljpn  3  pji 
etre  ubljse  pour  {es  logeraeiits  dicepipuf-inpdepiu  el  du  re- 
ceveup-pcononig,  avpp  chapelle  pt  jpgernetif  des  pppurs  entre 
deux.  Oil  y  a  ipsfalle,  ea  outre,  a  gaucfig,  4  ssalje  (le  I3  coiur  ■ 
mission,  }es  [lure^iix  de  Iq  dirppljpn,  jp  par|pir,  I’inflppierie  et 
le  vestibule  d’p(|tr6e  du  quarupr  ^es  hpmrpes;  h  drpjtp,  les 
bureaux  et  |e6  mpgasins  r6ppnoaje,  ja  pharpaapie,  |a  lingerie, 
le  veslipire,  le  parloir,  ripfirineric,  et  le  Ypetibulp  d’ppiree  t|e 
quartier  des  femmes.  Les  deux  autres,  d’uu  aspect  ipagpibqpp, 
aulrcfpis  I’abbaliple  et  la  procure  de  j’abbaye,  serppt  qi'ilisfis 
pour  le  logeinenl  des  pensippnaires.  Celui  de  gauche  contipndp3 
soixaute  bpinmes,  etcelpi  de  droite  que|-anie  femmes,  jls  cum- 
ppendronl  tous  les  deux,  au  rez-de-phaussee,  dps  salops,  salles 
a  manger,  salles  de  concert  ou  de  billard ;  et  aux  Stages  supfi- 
rieurs,  des  apparteinents  a  une  ou  plusieurs  pjeces,  desservis 
par  de  inagnifiques  espaliers,  dont  I’un  ipSine  esf  moupipenta|. 
Deux  preaux,  j’un  en  arrifire  pour  les  agitps,  I’autre  eii  ayant 
pour  les  paisibles,  leur  seront  annexes.  Ge  dernier  ne  sera 
s6par6  que  par  uu  saut  de  lonp  de  la  cour  d’eiitr^e,  dont  il  sera 
cependanl  isple  par  des  grillages  geri]is  de  plantes  grimpantes, 
pour  empScher  tout  rapport  avec  fps  etrapgers  qup  jpurs  affaire, s 
appelleront  a  rasilp. 

Quant  pux  dcurips  el  aux  batimepts  djts  de  Saint-lSprbprt, 
on  y  6tablira  : 

An  rez-de-chausspe,  une  boanderie  et  pes  acpessoires,  piie 
bou|angerie,  upe  salip  dps  mpris,  nne  salje  d’autopsip,  des  alp- 
liprs  de  menuiserip,  de  serrurerip,  etc. 

Une  chapelle  specialp  pour  Ips  inlintnatioiis  .sera  ediOee  ii 
remplpcement  meine  qu’occupait,  dit-ofi,  cpllp  de  seinl 
Nprbert.  Cettp  chapelle  seryjra,  en  outre,  d’egfise  paroissiale, 
en  attendant  que  le?  rpssources  de  la  ppmippnp  lui  pprinetteui 
d’en  consfruire  une  aiUrp. 

Le  prepiier  6iage,  sur  uu  devplopppmept  de  p(p3  de  ciiiquajile 
fenStres  de  facade,  sera  transfoyine  ep  dp^foirs  poup  traxaillpura 
des  deux  sexes.  Cette  partie,  et  quelques  bl.ti'Pentg  sjdt^s  pjus 


hh8  L*ASILE  D’ALlfiNfeS  DE  PRfiAlONTRfi. 

en  arri6re,  el  alTect6s  aujourcl’hai  a  I’usage  de  ferine  ,  constiliie- 
routuiiecolonie  de  travailleurs  qui  pourra  coiUcnir  plus  de  trois 
cents  uialades,  et  realiseroiit  une  innovation  que  nous  croyons 
heureuse  :  la  r6union  sous  la  meme  clef  de  deux  asiles  en  quelque 
sorte,  I’asile  de  traiteinent  proprement  dit  et  I’asile  agricole. 

Quant  a  I’asile  proprement  dit,  situd  en  arriere  du  batimenl 
d’administration,  il  comprend  deux  sections  separdes  Tune  de 
I’autre  par  les  vastcs  jardins  de  la  direction,  la  cuisine  gendrale 
et  les  salles  de  bains. 

Chacune  de  ces  sections  a  son  entrde  distinote,  et  se  compose 
de  quatre  pavilions,  de  cellules  et  d’une  inlirmerie. 

Les  pavilions  ont :  au  rez-de-chauss6e,  un  rdfectoire,  une 
salle  de  rdunion  et  un  cabinet  de  toilette ;  au  premier  dtage,  uii 
dortoir  et  trois  chambres  a  coucher.  Le  dortoir  parquetd  el 
cird  conlient  trente  couchettes.  Des  trois  chambres,  I’line  sen 
de  logement  aux  inlirmiers  qui,  au  moyen  d’une  large  bale 
ouverte  dans  le  mur,  peuvent,  de  leur  lit,  apercevoir  leurs 
malades ;  les  deux  autres  sont  destindes  ii  servir  de  chambres 
d’isolement,  en  attendant  la  visite  du  lendeinain,  dans  le  cas 
ou  un  malade  se  surexciterait  pendant  la  nuit.  Un  prdau  garni 
de  lilleuls,  pourvu  d’une  fontaine  et  d’une  galerie  couverte,  est 
annexd  a  chaque  section;  ce  prdau  a  pour  cloture  un  double 
saut  de  loup  sur  la  partie  interne  duquel  est  dtabli  a  cheval  le 
cabinet  d’aisances  dont  le  service  se  fait  en  dehors. 

Les  cellules,  au  norabre  de  hull  pour  chaque  sexe,  ont  une 
forme  rayonnantc  avec  prdaux  et  salles  de  bains  pour  deux. 
Elies  ont  deux  portes  opposees  en  cas  de  rdsistance  de  I’alidnd, 
r  line  don  nan  t  sur  le  prdau,  I’autre  sur  le  couloir  de  service; 
cette  derniere  est  munie  d’uii  opercule  qui,  comine  dans  les 
prisons  cellnlaires,  permet  aux  gardiens  d’examiner  leurs  ma- 
ladcs  sans  qu’ils  s’en  doulenl.  Elies  sont  dclairees  par  une 
ouverture  mdnagde  dans  le  plafond,  qui  peut  dtre  oblitdrde  par 
une  nappe  mobile  jouant  du  dehors,  dans  le  cas  ou  Ton  aurait 
besoin  de  jeter  inomeniandment  le  malade  dans  I’obscuritd  la 
plus  complete,  Elies  seroiit  chautt'des  par  un  Calorifere  dtabli 


1,’ASILE  n’ALIENfiS  DK  PRfiMONTRfi.  /|/)9 

rians  le  couloir  dc  service  qiii,  pour  les  mauvais  jours,  servira 
de  promenoir.  Les  parois  de  quelques-unes  devront  etre  revetnes 
de  lambris  de  bois  peint  pour  restreindre  la  sonority,  et  rendrc 
moins  cotiteuse  la  renue  des  murs  qui  pourraient  etre  fr6quem- 
nient  sails  ou  degrad6s. 

Les  infiriueries,  situces  dans  le  baliment  central,  h  proximity 
dll  medecin  en  cbef  et  des  soeurs,  contieiulront  vingt  lils  dans 
line  salle  commune,  une  lisannerie  et  une  cbambre  d’isolement 
pour  les  maladies  conlagieuses. 

La  cuisine  et  les  salles  de  bains  sont  situfies  an  centre.  Une 
laveric,  un  eplucboir,  deux  salles  a  manger  pour  les  employes, 
et  quelques  magasins  ont  eti5  annexes  a  la  cuisine;  une  salle  de 
bains  sulfureux,  une  salle  d’hydrothfrapie  et  une  cbambre  de 
repos  complfetent  le  syst^rac  baln6atoire. 

Tous  ces  services  sont  relies  entre  eux  par  des  galeries  trans¬ 
versals  qui  rbgnent  a  I’intfirieur  et  en  recoivent  les  sorties;  un 
chemin  de  ronde  pour  les  nettoyages  existe  autour  des  batlmeuts. 

L’eau  fournie  par  des  sources  abondantes  provenant  de  la 
montagne  est  r6partie  par  une  canalisation  souterraine  dans 
tous  les  services  ou  elle  pent  arrlver  jaillissante,  les  rfeervoirs 
cr66s  par  les  moines  ayant  i5t6  am6nag(5s  a  plusieurs  metres  au- 
dessus  du  sol  aujourd’hui  occupe  par  I’asile. 

Un  jardin  potager  et  de  nombreuses  pifeces  de  terre  seronl 
mis  en  culture  par  les  malades.  Quatre  6tangs,  une  scierie  de 
bois  et  un  moulin  faisant  de  ble  farine  composent  le  domaine, 
dont  la  superficie  lotale  est  de  85  hectares  environ. 

Tels  sont,  aussi  succincts  qne  possible,  les  quelques  renseigne- 
inents  que  j’ai  cru  devoir  vous  transmettre  sur  I’asile  des  alien6s 
de  Pr6montr6,  me  reservant  de  revenir,  apres  son  installation, 
sur  son  organisation  definitive;  mais  qu’il  me  soit  permis,  d&s 
aujourd’hui,  d’ajouter  que  M.  I’inspecteur  gi^nfiral  Constans 
pent  etre  fier  de  son  oeuvre  qui,  pour  moi,  est  unique. 

I'reniontre,  le  6  avril  1867. 

Uagrok. 


L’A^BENDBERG  ET  DE  GUGGENBUllL 

SON  toNbATEUR, 

i'ar  M.  Ic  doctoiir  /ttlZOVV, 

Uirectcur-medccin  de  Tasile  public  d’aliencs  de  i*au, 

Mcml)re  correspondanl  de  la  Socield  mddico-psycholopiquc. 


II  existait  dans  I’ancieniie  tgypte  uno  coinuitie  doiit  I’clfel 
moral  6tait  grand.  Tons  les  morts  illustres,  ayalil  jodt!  iln  rolo 
considerable  sur  la  lerre,  comparaissaient,  4pr6s  Ifelir  dStes, 
devanl  un  tribunal  qui  se  donnait  la  mi.ssion  de  scrutel,  avec 
imparlialile,  mais  avec  s6v6rile,  leurs  vices  et  leurs  vends, 
be  bien  et  le  mal  fiiaieni  pes6s  et  aj)pr^ci6s;  16  jugenient  de  la 
posterite  commeilcait  pour  eux  aiissilOt  aprts  la  irtorl. 

INos  moeurs  actuelles  ne  component  point  de  semblables 
sev6rlt6s  posthumes.  La  critique  elle-meme  s’arr'ete  souvent  all 
seuil  d’une  toinbe,  et  Ton  aiiiie  pen  a  infligcr  tin  blOute  ii  dcs 
absents.  Les  necrologies  ne  sont  guere  que  I’eioge  do  d6funt, 
et  si  I’eloge  n’est  pas  possible,  I’oubli  et  le  silence  aunt  g6'n6ra- 
lement  les  settles  manifestations  de  ropinion  publiqiie. 

II  en  resulte  que  la  verit6  est  quelquefbis  voil6e  et  obscurcie 
autour  des  noms  qui  ont  eu,  de  leur  vivant,  Ife  plus  de  reten- 
tissement.  Parmi  ces  noms,  celui  dti  c616bre  Guggenbuhl  est 
un  de  ceux  qui  ont  le  plus  occupe  rEurope  philanthrope  et  le 
monde  alidniste  depuis  18/tO.  Personne  plus  que  lui  n’eut  le 
privilege  de  susciter  des  enthousiasmes  passionnes,  et  de 
couvpter  parmi  les  savants  et  les  ames  d’eiite  ses  admirateurs 
les  plus  ardents.  Son  oeuvre,  en  effei,  etait  sSduisante,  et  le% 
rbsultats  qu’elle  annonpait  btaient  de  liaihre  a  lui  concilief  toutes 
les  sympathies. 

Pendant  vingt  ans,  Guggenbtilil  pottrsuivit  sOn  oduvre  avec 
pers6v6rance,  ne  rencontrant  guere  que  des  encouragements  et 
des  apologies.  S’il  eut  quelques  d/itracteurs,  ceux-ci  ne  furent 


Dli  L’ABEiNUBliRU  liT  OB  GUGGENBUHL.  451 

quo  lie  legeres  laches  clans  son  soleil,  brillant  alors  de  lout  son 
eclal.  La  bienfaisance  coiironnail  d’une  aurdole  des  plus  pures 
line  entreprise  qui  resserablait  a  un  apostolat,  et  les  coeurs  cha- 
lilables  s’empressaient  a  I’envi  d’y  concourir  g6nereusenienl. 

Lcs  tnMecins  les  plus  illustres  visilerent  I’Abeiidberg,  on  se 
mirent  en  rapport  avec  Gir^genbubl.  La  gu6rison  du  cretinisme 
etait  on  fait  tberapeutique  si  important,  qu’on  ne  trouvait  pas 
assez  de  louanges  pour  I’inveuteur  de  la  m6thode  curative  que 
tons  voulaient  counaitre. 

Celle  metbode  a-l-elle  reellement  produil  les  r6sullals  curatifs 
qui  out  ('16  aunouces,  cousiatesj  et  acceptes  cornnie  sincferes  par 
d’emiiients  in6decins ?  On  u’aurait-elle  ete  qu’un  leurre,  qu’une 
luystilicalion,  donl  nous  aurions  etc  dupe  sur  la  foi  de  ceux  de 
nos  confreres  dout  la  parole  a  toujours  eu  pour  nous  le  plus 
d’autorite?  C’est  ce  que  nous  nous  proposous  d’examiuer,  eu 
reinontaul  aux  sources  authentiques  ou  nous  avious  puise  lev 
Elements  de  noti'c  conviction,  eteu  tenant  coinpte,  d’autre  part 
des  fails  parvenus  ultcrieuremeut  4  notre  counaissEmce. 


L’un  des  premiers,  i>L  le  docleur  Morel  visita  TAbendberg 
eu  1845,  etdans  uueinteressante  description  adressbe  4  Ferrus, 
el  iuser6e  aux  Anmiles  (1),  lit  connaltre  au  moncle  savant  le 
d6vouement  de  Guggenbiihl,  <■  qui  I’avait  p6n6tr6  de  I’admira- 
tion  la  plus  vive  »,  et  son  entreprise  de  la  gu6rison  du  cr6ti- 
nlsme  «  reposant  sur  une  donn4e  scientilique  d4ja  proclam^e 
par  des  homines  6minents,  et  rednite  en  pratique  par  I’instinci 
populaire  ».  M.  Morel  passe  en  revue  tons  les  details  de  i’insti- 
tutiou  suisse,  et  d4crit  avec  sa  competence  babitueile  les  diverses 
phases  du  iraitement  acfopte  a  rAbendbcrg,  I’envisageant  selon 
les  indications  varifies  que  presentent  les  sujets,  et  I’appreciant 


(1)  Annates  mddico-psuchologiqucs,  t.  VII,  p.  108,  Paris,  1846. 


/l52  DE  L’ABENDBEKG  hX  I)E  GUGGEKBLIHI,. 

avec  inipartialitc  et  sans  cngonement.  Notre  savant  collfegne 
declare  avoir  vii  avec  peine  des  inedecins  siiisses  nietlre  en 
doute,  non-seiilement  les  resullats  obtenus  parM.  Guggcnbiilil, 
mais  encore  la  possibilit6  de  rien  obtenir  pour  la  guerison  du 
cretinisine.  II  affirnie  qu’ii  son  avis  line  pareille  manibrc  de  voir 
contredit  les  fails  les  plus  positifs,  et  il  cite  rexeinplc  du  docteur 
Odel,  de  Sion  (en  Valais),  116  cretin,  ainsi  qn’un  de  ses  freres, 
gu6ris  I’nn  el  I’autre  par  un  traitement  auquel  les  souniit  pen¬ 
dant  leurenfance  un  medecin,  Icnr  proche  parent. 

La  plume  qui  devait  plus  tard  6crire  rexcelleni  trait6  des 
Degenei'cscences,  (5crivait  encore,  en  1852,  dans  les  Etudes 
(■Uniques  des  maladies  mentales  :  «  Le  docteur  Guggenbiilil 
continue  sur  une  des  plus  hautes  montagnes  de  la  Suisse  I’hono- 
rable  mission  qu’il  s’est  itnpos^e,  en  dfivouant  son  existence  a 
I’fiducalion  des  desheritfis  de  I’intelligence,  de  ces  etres  rnal- 
heiireux  qui  naguere  n’in.spiraient  que  la  pitifi  et  le  degout.  » 

Dans  un  consciencicux  travail  public  en  1850,  M.  le  docteur 
Brierre  de  Boisniont  indique  les  moyens  de  prevenir  et  de  trailer 
le  cr6linis(ne.  Il  constate  riinportance  des  rfisuliats  obtenus  par 
le  docteur  Guggenbiilil,  le  seul,  dit-il,  qui  dans  son  institut  de 
I’Abendberg,  ait  eu  I’iclee  de  faire  pour  les  crdlins  ce  que 
MM.  S^guin,  Vallee,  Voisin,  Belhomme,  ont  propose  011  fail 
pour  les  idiots.  Vient  ensuite  I’expose  de  la  methode  inMico- 
pMagogique,  decrile  avec  detail  par  le  meme  auteur,  a  I’article 
Cb6tinisme  de  la  Bibliotheque  du  medecin praticien,  tome IX, 
page  369. 

En  1853,  M.  le  docteur  Scoutetten,  president  de  la  Society 
de  m6declne  de  Metz,  a  laquelle  nous  nous  honoi  ons  d’appar- 
tenir,  fipancha  dans  un  magnifique  discours  les  sentiments 
d’enlhousiasme  qu’il  rapporlait  de  sa  recente  visite  h  I'.lbendberg. 
Pour  M.  Scoutetten,  Guggenbiihl  est  un  genereux  ami  de  I’hu- 
manit6,  a  la  pliysionomie  douce,  bienveillante,  sympathique,  un 
apotre  suscild  par  la  Providence  pour  devenir  le  p6re  et  le 
bienfaileur  des  inforlun6s  auxquels  il  a  consacrg  sa  fortune,  son 


DK  l/ABENDBERG  ET  DE  GUGGENBEHL.  /|53 

talent  medical,  son  existence  tout  entiere.  M.  Scoutetten  a  6le 
le  t^inoin  des  exercices  gymnastiques,  cles  lecons  p6dagogiques, 
dn  traiteinent  medical  en  usage  a  I’Abendbeig.  II  cite  les  cre¬ 
tins  qui  ont  appris  a  parler,  a  lire,  a  ecrire,  et  ceux  qui  out  pu 
dcvenir  instituteurs  dans  des  villages  de  la  Suisse.  D’apres  son 
recit,  sur  plus  de  trois  cents  enfants  admis  depuls  peu  d’anndes, 
six  seulement  seraient  morts  de  maladies  chroniques  et  cornpli- 
(|uees,  tandis  que  beaucoup  ont  ete  gueris,  et  la  plus  grande 
panic  aurait  et6  sensiblement  ameliorec  au  physique  et  au 
moral.  M.  Scoutetten  rappelle,  eu  terminant,  les  honneurs  qui 
sont  venus  trouver  le  docteur  Guggenbiilil  dans  sa  reiraite,  les 
rois  et  les  princes  qui  ont  soulenu,  visite  son  etablissement,  les 
society  savantes  qui  ont  tenu  a  honneur  do  s’associer  un  homine 
d"un  pared  merite. 

S’il  fut  jamais  un  medecin  peu  prompt  a  s’illusionner,  et 
enclin  a  dfipouiller  les  fails  de  leur  prestige  d’emprunt,  pour  les 
analyser  froidement  avec  la  calrne  impartiality  d’un  jugement 
droit  et  precis,  ce  fut  assury.meiit  M.  Parchappe.  Or  void  ce 
qu’il  a  ecrit  sur  I’Abendberg  :  « Get  etablissement  n’a  gubrc  ete 
connu  en  France  que  depuis  la  publication  faite,  en  1846,  par 
M.  le  docteur  Morel,  qui  a  payy  un  juste  tribut  d’yioges  a  I’ad- 
mirable  devouement  du  fondateur.  La  cryalion  du  docteur 
Guggenbuhl  a  donny  satisfaction  4  des  indications  rnedicales  qui 
avaient  etfe  dyja  saisies  par  de  Saussure,  Fodere,  les  frcres 
Wenzel,  relativement  a  I’inlluence  de  I’eiyvation  de  I’habitation 
a  une  grande  hauteur  dans  les  montognes,  comme  obstacle  au 
developpement  du  cretinisme,  ou  comme  condition  d’amelio- 
ration  pour  les  crytins.  S’appropriant  cette  pensee  mydicale  en 
la  t-yalisant,  M.  Guggenbuhl  I’a,  de  plus,  fecondye  en  associant 
aux  ressources  de  la  medecine  la  puissante  influence  d’une 
education  spydale.  » 

Renaudin  ne  connut  que  lard  M.  Guggenbuhl,  avec  qui  sa 
connaissance  de  la  langue  allemande  lui  permit  d’avoir  des 
relations  direcles,  d’ou  resulta  une  profonde  estiine  i-yciproque. 


BK  L’ABliNDBblliG  lit'  Oli  (lUGliliNBUHL. 


454 

Peti  (jiithijusiaste  dtj  sa  iiatuie,  Reiiaudin  regardaitcependaiiilc 
fondateur  de  I’Abeiidberg  coinme  un  iiovateur  ulile  a  la  science 
ct  a  I’humaiiite.  Pebdant  qu’ii  ses  c6t6s  nous  dirigions,  it 
iRaieville,  le  service  miidical  de  homnies,  et  que  dans  uiie 
collaboration  qui  n’dtait  pas  sans  profit  pour  notre  instruction 
personiielle,  nous  rechercbions  ensemble  les  moyens  d’ameliorer 
I’oeuvre  commune,  plus  d’une  fois  Renaudin  nous  racoiitait  ce 
qu’ii  savait  du  medico-pedaqogique  de  I’Abendberg, 

et  des  rPsultats  favorables  oblenus  sous  son  influence.  Ce  fut  a 
la  suite  de  ces  causeries  que  nous  iiistallames  un  gymnase  dans 
notre  service,  et  que  nous  avons  giineralise  le  traitement  par 
rclectrisation,  auquel  hous  ne  cessons  d’avoir  recours  dans 
certains  Cas  ou  la  principale  indication  consiste  a  reveiller  la 
sensibility  engourdie  et  I’activite  musculaire  lorsqu’elle  fait 
defaut.  L'ecole  de  musique,  celle  de  prononcialion  et  de  lecture, 
furent  aussi  des  lors,  4  Mareville,  I’objet  de  notre  attention 
sp6ciale.  Notre  sollicitude  a  cet  egard  n’avait  pas  6le  inspiree 
par  I’exomple  de  I’Abendberg  que  nous  n’avions  pas  visit6, 
mais  par  celui  des  exercices  dont  nous  avions  yte,  des  1856, 
tcmoih  a  la  SalpStriere  et  4  Bicetre,  de  concert  avec  le  regret¬ 
table  docteur  Follet.  Grace  4  la  bienveillance  de  nos  savants 
collegues,  il  nous  fut  donn6  d’assister  aux  exercices  de  chant 
organises  dans  le  service  de  M.  Falret  a  la  Salpetriere,  ct 
M.  Delasiauve  nous  montra  4  Bicetre  le  parti  qu’on  pouvait 
tirer  des  idiots,  en  les  exercant  tour  4  tour  a  une  gymnastique 
appropriye  a  leurs  aptitudes,  et  4  un  enseiguement  coUectif  ou 
individucl,  mais  toujours  en  rapport  avec  leuretat  mental,  dans 
lequel  figurent,  en  premiere  ligne,  le  langage,  la  lecture, 
rycriture,  le  chant,  ct,  la  mise  en  jeu  de  tons  les  organes  des 

Dans  son  Traite  da  goitre  et  du  cretinisme,  M.  Fabre  de 
Meironnes  insiste  sur  le  zyie  infatigable,  et  sur  la  variyty  des 
ressources  thyrapeutiques  raises  en  oeuvre  au  profit  des  crytins 
par  le  genereux  fondateur  de  I’Abendberg.  M.  le  docteur 


DE  L’ABENbBEKG  ET  DE  GUGfe^NBUHl.  455 

Dagonet,  a  soil  Will-,  de  cdiicdft  avec  M.  KoebeHe,  bohstate  IbS 
rSsultats  favbl-ables  bbtbhtis  par  Gliggeiibuhl;  bt  dficlare  ((lib  les 
cfbliris  lie  soiit  pas  rebellBs  a  reducatibh.  •<  Si  lbs  ci-btiiis  clb 
dernier  degrb  y  soiit  cblnpietemebt  i-bfractaires,  dit-il,  surtotit 
lorsqu’ils  soiit  sburds,  on  pent  du  bioins  atil61ibrei-  leui-  condi¬ 
tion  et  lirer  tjuelque  pabti  deS  demi-cl-btins.  Les  br6tiilfeui  sont 
tres-susbeptiblfes  d’educatibiii  a  force  de  Soiiis  et  de  perseve¬ 
rance  on  parvient  a  dOvelopper  tres-avantageusemeht  letlrs 
facuUes  engourdies.  Les  soins  devoUes  qui  leur  soiit  doilOes  a 
I’ABendblTg  mlliterit  eli  favebr  de  ces  idbes.  « 

Eiifiiij  nil  iiledBcin  qoi  unit  a  de  sinceros  convictions 
religieuses  ml  veritable  talent  d’observation,  M.  le  docteul- 
Cli.  Ozaiiam,  s’exprirae  ainsi  sur  I’Abendberg  (1) : 

u  i.e  traitenientdes  cretins  estdolible.  Avant  tout,  Oil  clierclie 
a  fortifier  la  constitution  et  a  corriger  le  vice  diathesique  des 
organes  |)ar  tobte  espece  de  inbyetis  physiques;  au  printeinps; 
oil  leur  fait  boir'e  le  sue  des  plantes  qui  erbissent  dans  la  iiiort- 
tagiie  :  le  lussilage,  la  cigiiej  la  vaieriane,  I’aniicai  la  serpeii- 
taire; 

»  On  combat  la  faiblesse  et  la  paleur  des  lissus  avec  le  ferj 
retat  nerVeux  par  les  fleiirs  de  zinc;  le  docteUr  Guggenbillil  se 
loue  beaucoiip  du  proto-iodure  de  fer  pour  relever  les  forces 
genbrales.  Si  les  enfants  sont  rachitiqueS)  on  leur  doune  Thuile 
de  foie  de  itiOrue,  les  preparations  d’iode  et  de  noyer;  des  baiUs 
oil  passe  un  coUrant  blectrique,  des  frictioilS  d’herbes  aroiUali- 
ques  sur  la  tele,  la  colonne  vertebrale  et  les  articulation^. 
Quand  il  y  a  i-ainollissement  des  os,  on  fait  preiidre  le  phoSpliate 
de  cliaux.  Les  preparations  de  pliosphore  sont  souvent  em¬ 
ployees  pour  raiiimer  I’activitb  du  berveau;  des  appareils 
galVaniciUes  ires-iugenieux  permettenl  de  .soumeltre  la  tfite  des 
cretiiisj  ou  metiic  tout  leur  corps,  pendant  des  nuits  entibres, 
a  One  abtiOn  eiectrique  continue  etmbderee;  sous  riiifluenbe 


(1)  kevUi  d'lScoAoMe  chr'MieAHe,  hovembrefet  decertibVe  ISbl. 


656  Dli  l’abendberg  et  de  gurgenbuhl. 

(le  ces  nioyens  reunis,  les  organes  se  perfectionnent  et  s’6qui- 
librent;  on  voitle  cerveau  tropgros  s’arreter  dans  sa  croissance, 
et  s’il  est,  an  conlraire,  menace  d’atrophie,  prendre  en  quelques 
mois  2  a  6  ceniimfelres  de  developpemenl. 

nOn  expose  tous  ces  enfants  pendant  I’ele  au  grand  air  et  au 
soleil;  les  plus  petits  sont  portes  series  bras  on  trainds  dans 
des  voilures;  les  plus  grands,  ceux  qui  vont  d6ja  mieux,  tra- 
vaillent  aux  champs  et  cultivent  le  sol :  cc  travail  leur  est  tres- 
salutaire.  D’autres  sont  appliques  aux'exercices  gymiiastiques; 
on  leur  attache  une  corde  6  la  ceinture,  la  cordc  passe  dans 
une  poulie  au  plafond;  un  poids  cache  dans  une  vieille  caisse 
de  pendule  presse  sur  la  corde  et  force  I’enfant  a  avancer  avec 
moins  de  nonchalance  s’il  suit  I’impulsion,  ou  h  reculer  avec 
effort  s’il  tire  contre  le  poids.  On  en  voit  qui,  au  milieu  d’une 
fichelle  qu’on  leur  fait  grimper,  oublient  d6ja  qu’ils  montent 
et  resieiU  immobiles,  les  yeux  hagards,  la  bouche  ouverte,  un 
sourire  niais  errant  sur  lours  levres,  jusqu’a  ce  qu’une  des 
directrices  les  rappelle  a  leur  devoir.  Trois  personnes  aident 
ainsi  le  docteur  dans  ses  travaux;  on  les  nomme  Schioestern, 
soeurs,  quoique  protestantes. 

»  Apres  le  traitemcnt  hygi6nique  et  medical,  vient  la  cure 
pAdagogique,  comme  I’appelle  le  docteur  Verga. 

»  Elle  consiste  a  eveiller  avec  les  couleurs,  les  sons,  le  tou¬ 
cher,  et  touteespece  de  sensations,  les  sens  restes  endormis ;  inais 
on  eprouve  une  difficultfi  serieuse  a  captiver  I’esprit  par  une 
id6e  commune. 

»  Chacun  des  Sieves  n’ecoute  que  ses  instincts  et  sa  prSoccu- 
pation  personnelle.  Deux  moyens  sont  employSs  pour  obtenir 
I’attention.  Le  jour,  on  frappe  sur  un  gong  chinois ;  la  sensation 
violente  produit  I’etonnemeni.  dSterraine  I’attcntion;  le  profes- 
seur  commence  alors  la  priere,  et  le  sentiment  de  I’imitation 
dStermine  I’obeissance  des  Slevc.s.  Le  .soir,  gn  rSunit  dans  une 
chambre  obscure  ceux  qui  peuvent  apprendre  a  lire,  et  la,  au 
milieu  de  cet  isolement  des  tenSbres  qui  rend  I’esprit  libre  et 


»li  1,’ABUNDtiERG  F.t  DK  GURG  ENfltllll,.  U5l 

aileiilif,  01)  trace  subileineiit  des  lettres  lumiiieiises  avec  uii 
ciayon  de  phosphoi-e;  c’est  ordinairement  TO  qu’on  reprfeente 
la  premiere,  parce  qu’uii  simple  ti’ait  dans  diverses  directions 
suffit  pour  la  transformer  en  a,  en  b,  d,  g,  p,  q,  et  facilite  par 
ce  rapprochement  I’elTort  de  la  m6moire ;  c’est  aussi  par  des 
tableaux,  des  images,  qu’on  leur  apprend  ii  distinguer  une 
maison,  un  arbie,  les  divers  animaux.  On  leur  met  dans  la 
main  un  vei-re,  une  pi6ce  de  inonnaie,  en  leur  en  faisant  pro- 
noncer  le  nom.  Toutcs  les  leeoris,  les  exeicices  de  la  parole,  si 
rebelles  chcz  les  cretins,  sont  accompagnf’s  de  musique  et  de 
chants ;  ct  par  le  moyen  de  riiarmonie,  on  parvicnt  ii  faire  retenir 
quelque  chose  a  ces  cerveaux  rebelles. 

»  Chose  remarqiiable  !  pour  les  cretins,  c’est  la  vue  de  la  nature 
qui  ouvre  le  plus  efllcacemeni  leur  intelligence  ct  leur  coeur; 
ainsi,  lorsque  apres  un  orage  I’avc-en-ciel  descend  sur  les 
montagnes,  lorsque  le  soleil  couchant  vient  dorer  les  sommets 
neigeux,  ils  s’appellent  les  tins  les  autres.  et  restent  plunges 
dans  une  beatitude  qui  exprime  leur  admiration. 

-)  L’habile  iuslituteur,  en  meme  temps  qu’il  eclaire  I’intelli- 
gence,  cherche  aussi  ii  developper  dans  ses  Sieves  le  sentiment 
religieux,  la  conscience,  I’idSe  du  bien  et  du  mal;  tons  les 
exercices  cominencent  et  finissent  par  la  priere. 

»  En  mSme  temps  il  encourage  les  timides,  contieni  les  tur- 
bulents,  stimule  lesparesseux  ;  aussi  taut  de  peines  et  d’efforts 
ne  restent  point  sans  rSsultats.  Tel  enfant  que  sa  pauvre  mere 
avait  monte  elle-merae  sur  son  dos  jusqu’a  I’Abendberg,  pai'ce 
qu’il  etait  prive  de  tout,  meme  du  mouvement,  rctrouve  pen  a 
pen  la  voix,  la  parole,  la  marche;  son  corps  devient  vif  et 
alerte,  son  caractere  gai;  d’autres  sont  sortis  de  leur  Stat  de 
stupidite,  ils  ont  pu  apprendre  un  metier;  quelques-uns,  mais 
en  petit  uombre,  ont  retrouve  assez  d’inlelligeiice  pour  pouvoir 
redescendre  au  village  et  devonir,  ii  leur  tour,  instituteuis  de 
leurs  compagnons.  Mais  quelle  patience  ne  faut-il  pas  pour 
transformer  ainsi  un  erStin !  Quatre  ii  six  ans  sont  necessaires 


/|58  DE  L’ABENPBERG  ET  PE  GUGGENBUHL. 

pour  ohaiiger  la  consiitpfipn  phjsique,  developper  les  fapulies 
inteUeptuelles,  el  transformer  en  pitoyens  utjjpB  des  pu-es 
repoussants  et  degrades.  ^ 

Bien  que,  de  prime  ijbord,  on  put  tjpuver  quelque  pxagfira- 
lion  dans  I’l^iioiiefi  eurntif  qui  precede,  i|  ii’est  pas  mnip^  vrai 
que  |es  impressions  sous  lesquellps  Qu^gepbqhl  el  soq  jjis|itnt 
avaient  6te  jugps  en  Fyance,  (itaient  gdneralejnenl  dps  plus 
fayorables.  Or,  lels  6laieut  les  documents  sous  I’empire  desquels 
notre  opinion  s’litait  formee  sup  lui  el  sur  sa  methode.  Nous 
ponviops  errer,  nous  avops  erre  ppul-elre,  inais  on  eonyjendra 
que  si  nous  ayons  ete  le  jouel  d’une  illusion,  peile  illusion  nous 
a  et6  commune  avec  bien  des  bommes  6iniiienls,  donl  I’opin  ion 
a  iQujours  eii  imp  grande  aiUorit6  scieptiliquc. 

Toutefois,  si  jes  critiques  qui  se  soul  61evees  conire  le  fonda- 
teur  de  I’Abendberg  ii’etaicpl  que  rexpression  de  pette  opposi¬ 
tion  cliagriiie,  suscitee  s.ouvent  aox  eptreprises  iiouyelles  par 
rpspi’it  dp  routine,  qpp  je  rdsultat  dp  jalopsjes  locales  et  pass.y- 
geies,  ii  n’en  sepait  plus  question  depiiis  lopgtemps,  et  I’ceuvre 
aurait  survecu  tpio’inplianle  a  son  fondnteur.  En  a-t-il  ainsi  ? 
iC’est  ce  que  npps  ajlons  exaipinep, 

If. 

Au  coinmencepient  de  1863,  les  journaux  annopcerent  |a 
inort  de  Guggenbuhj,  qui  I6guait,  disait-on,  600  000  francs  aux 
freres  Moraves,  pour  continuer  I’lnstitution  donl  ii  avait  fait  le 
butde  toute  sa  vie.  «  Des  doutes  out  plane,  dit  \q  Journal  de 
medecine  mentale,  sur  la  realiie  des  rfisultals  preconises;  I’ave- 
nip  impartial  diicideia  s’ils  fureiU  ou  non  legilimes.  » 

Ces  paroles  restriciives  avaient  pass6  pour  nous  inapercues, 
,et  notre  fpi  en  Guggenbiihl  et  en  son  traitement  du  cretinisme 
Atait  dempuiAe  enliere,  lopsque  notre  excellent  ami  et  collegue 
de  Chapeniou,  le  docteur  A.  Foville,  est  venu  6branler  notre 


/  Dii  l’abendbekO;  et  de  guggenbuhe.  659 

conliaiice  in  des  i-6.sullats  curatifs,  donl  pour  lui  la  siiic6ril6  esl 
loin  d'etre  demontree. 

Amicus  plato,  sed  magis  arnica  veritas . 

Pour  M.  A.  Poville,  Guggenbflhl  n’a  jamais  gudri  un  seul 
cretin  !  II  aurait  a  peine  soigne  habituellement  une  douzaine 
d’imbeciles  et  de  scrofuleux.  En  liiver,  il  ne  demeurait  presque 
jamais  a  I’Abendberg,  ou  le  representait,  pour  I’application  du 
iraiternent  pedagogique,  une  femme  insuffisamment  preparee 
pour  cet  office.  Quant  a  Ini.  il  parcourait  I’Europe,  et  fr6qiipn- 
tait  principalement  jes  cpurs,  chercliant  des  protecleurs  et  des 
•secours  en  faveur  de  sa  pretendue  mission.  Il  recueillait  par-ci, 
par-lit,  comme  jtensionnaire,  quelque  jeune  idiot  de  bonne 
famille;  et  au  bout  de  quelqiies  anndes,  il  le  rendait  tel  quel. 
Il  pouvait,  d’ailleurs,  facilement  parler  de  guerisons,  car  les 
families  6iaient  inierpssees  a  ne  pas  le  contredire,  en  procla- 
mant  qu’un  de  leurs  membres  efait  idiot.  Api-fis  lui,  la  pseudo¬ 
institution  charitable  de  I’Abendberg  a  6te  abandonnee.  « 

En  mfime  temps,  nous  recevions  communication  de  docu¬ 
ments  parmi  lescjuels  se  troiive  la  copie  d’une  piece  officielle, . 
emande  du  ministre  francais  a  Berne,  constatant  la  coupable 
negligence  du  docteur  Guggenbiihl,  qui  n’a  eu  d’autre  but,  en 
fondaiit  son  etablissenient,  que  d’exploiter  la  chafite  publique. 

Des  medecins  anglais,  et  notamment  le  docteur  Hopkin- 
Peirce,  ont  dnergiqueinent  stigmatise  I’Abendberg,  et  s6verc- 
inent  qualifie  les  deceptions  qu’ils  y  ont  rencontrees.  Un  peu 
inoins  vif  dans  ses  appreciations,  le  docteur  Mundy  a  fonnuie 
son  jugemeni  de  la  mani6re  suivante  (I) : 

«  Lorsqu’il  y  a  quinze  ans  environ,  le  docteur  Guggenbiihl 
fonda,  sur  une  bien  petite  echetle,  avec  de  bien  petits  moyens, 
son  etablissement  d’Abendberg,  a  Interlacken,  en  Suisse,  dans 
le  but  d’eiever  et  de  trailer  des  cretins,  nous  nous  rejouirnes 


(1)  On  the  educational  treatment  of  cretinism.  J.  Wundy,  D.  London, 
1,861. 


i|6C  DE  l’abendberg  ET  DE  GOGGENBUHE. 

tous  en  Europe,  inedecins  ou  aulres,  de  ce  projel  seduisant, 
quoiqu’un  peu  iiiiaginaire.  II  ne  fallul  qii’un  petit  noinbre 
d’aniuSes  pour  qu’un  examen  attentif  el  iiuparlial  tint  nous  eu 
d6monlrer  la  futilite.  Qu’a  done  fait,  je  le  demande,  pour  la 
science  et  pour  riiuinanite,  le  fondateur  de  cette  institution? 
Voici  ce  qu’il  a  fait :  en  premier  lieu,  il  n’a  jamais  cess6  de 
porter  .i  cette  etude  iiii  veritable  interet  scientifique,  ce  qui  a 
conduit  plusieurs  gouvernements  a  fonder  des  asiles  sp6ciau\ 
pour  les  cretins.  11  a  enfin  le  inerite  d’avoir  6te  le  premier  a 
appliquer  un  SYSteme  de  direction  medicale  it  I’fiducalion  el  an 
iraitemenl  des  cretins.  On  ne  iierdra  jamais  de  vue,  nous  I’es- 
perons,  ces  incoutestables  merites  du  docteur  Guggenbiihl, 
lorsqu’oii  aura  a  critiquer  son  oeuvre.  Cependant,  les  fails  sui- 
vants  plaident  conlre  son  systeme  : 

i<  1“  La  construction  et  la  disposition  del’asile  no  sont  guere 
appropriees  au  but,  ord  ete  fades  sans  intelligence,  et  ceci 
s’applique  surtout  aux  parties  neuves  de  I’etablissemeut;  les 
moyens  de  ebauffage  et  de  ventilation,  principalcmc-nl  dans  les 
dortoirs,  font  presqiie  completement  defaut,  et  I’cau  dont  on  se 
sert  est  insuffisante  et  de  mauvaise  qualil6. 

11  2“  Le  traitement  g6neral  des  maladesy  est  livre  a  I’arbitraire 
et  raal  fait.  En  I’absence  du  docteur  Guggenbiihl,  directeur,  el 
&  la  fois  seul  in6decin  de  I’asile,  et  il  s’absenie  souvent  un  mois 
entier  diirant  I’biver,  aucun  aide  capable  ne  le  remplace,  les 
inalades  etant  laisses  au  soiu  d’une  femme  franpaise,  valeludi- 

11  3“  L’inslruction  des  enfants  ne  merite  pas  le  noin  de  systeme 
d’education,  et  il  y  a  un  manque  complet  de  ces  moyens  d’edu- 
cation,  sans  lesquels  aucun  resultat  pratique  avantageux  ne  pcul 
6tre  obtenu  d’une  institution  de  ce  genre. 

II  Durant  la  periode  de  temps  tout  entiere  que  le  docteur 
Guggenbiihl  a  dirig6  I’asile,  il  n’a  jamais  tenu  mfime  un  simple 
regislre  des  cas!  Les  quelques  brochures  ou  articles  qu’il  a 
publics  sur  son  etablissement,  n’ont  des  lors  jamais  fourni  de 


DE  L^ABENDfiEUG  ET  DE  GUGGElSnUllL.  461 

dates  pi’ficises,  ni  de  resultats  siatistiques,  comine  la  science 
rigoiireuse  a  le  droit  d’en  demander.  Nous  derons  prendre 
garde  de  ne  pas  confondre  quelques  observations  de  maladies 
qu’il  rapporte,  avec  I’histoire  des  cas  de  cr6tinisme  qu’il  ne 
fournit  pas.  Le  docteur  Guggenbiihl  a  ignord  loutes  les  branches 
des  details  purementmedicaux.etnenousafourni  aucane  espdce 
de  statistique  iiouvelle.  Le  docteur  Guggenbiihl  affirine  qu’il  a 
eleve  plusieurs  de  ses  malades  au  point  de  les  rendre  des  inera- 
bres  utiles  de  la  socidte,  par  son  systfeme  d'education.  Nous 
avons  visite  deux  de  ses  malades  ainsi  ddsignes;  mais  nous 
avons  trouv6  malheureusement  qu’ils  etaient  encore  complete- 
ment  idiots,  incapables  de  se  rendre  utiles,  meme  pour  les  plus 
grossibres  choses  de  la  vie  commune.  » 

Le  docteur  K.  Foville  n’est  pas  le  seul  de  nos  confreres 
francais  qui  soit  revenu  de  Suisse  desillusionne  au  sujet  de 
I’Abendberg.  M.  le  docteur  Motet  estime  que  cet  etablissement 
n’a  jamais  et6  qu’une  duperie.  II  n’y  a  rencontre  qu’uue  dou- 
zaine  de  malades,  parmi  lesquels  trois  crdtins  seulement,  et 
M.  Guggenbiihl,  h  la  demande  de  montrer  les  autres,  repondit 
avec  embarras  qu’ils  travaillaient  au  loin  dans  les  champs.  La 
maison  etait,  meme  en  ete,  tenue  malproprement,  contraire- 
raent  aux  habitudes  suisses.  Les  habitants  du  pays  tenaient  en 
tres-mince  estime  le  medecin  de  I’Abendberg,  qu’on  accusait 
de  tromper  tout  le  monde. 

Dans  son  excellent  traite,  M.  Griesiuger,  alors  professeur  a 
runiversite  de  Zurich,  n’a  rien  dit  de  I’Abendberg  ni  de  son 
fondateur.  Ge  silence  absolu  est  assez  significatif  de  la  part 
d’un  compatriote  qui  a  fait  du  cretinisme  une  fitude  appro- 
fondie. 

Enfm,  voulant  absolument  compldter  nos  renseigneraents  au 
sujet  de  cette  institution,  nous  nous  sonnnes  adresse  au  docteur 
Schaerer,  mfidecin-directeur  de  I’asile  de  Waldau,  pres  de  Berne, 
dont  I’honorabilite  parfaite  justifie  pleinement  le  caractere 
ofliciel  dont  il  est  revelu.  Ce  collegue  iious  a  appris  que  I’in- 
ANNAL.  MfiD.-PSYCit.  4°  s6rie,  1.  IX,  Mat  1867.  6.  30 


662  DE  l’abendberg  et  de  guggenbijhl.  ’ 

slilut  de  rAbeiidberg  ii’existe  plus,  et  que  le  local  a  6l6  vendu 
afiu  d’y  etablir  une  hotellerie  pour  les  curicux  de  la  belle  nature 
et  les  touristes.  D’apres  lui,  Guggeiibiihl  u’a  jamais  et6  pris  au 
s^rieux  par  uti  seul  raddecin  eii  Suisse;  il  avait  surtout  le  talent 
d’exploiter  les  sentiments  religieux  et  do  jctcr  de  la  poudre  aux 
yeux.  Chez  lui,  il  ne  fut  jamais  question  de  science  ou  d’ob- 
servation  exacte  des  malades,  ni  de  rapports  toucliaiitla  marche 
de  la  maladic  des  individus.  Les  cretins  qu’il  donnait  pour 
gucris  n'6taient,  tout  bonnemcnt,  que  des  cnfants  scrofuleux, 
dont  la  constitution  6tait  am61ior6e  par  le  climat  excellent  de 
I’Abendberg,  et  auxquels  on  avait  appris  quelques  belles  phrases 
qui  furent  debitdes  devant  des  Anglais  crfidules,  ou  d’aulrcs 
personnagcs  qui  voulurcnt  etrc  dupes. 

«  L’autorite,  ajoute  M.  Schaerer,  n’y  trouvait  pas  plus  de 
controles  exacts  des  noms  des  patienis,  que  de  rapports  scien- 
tifiques  sur  leur  maladie.  M.  Giiggenbuhl  etait,  du  reste,  pen¬ 
dant  la  moitie  de  I’aniiee  absent  de  son  etablissemeiit,  et  n’y 
dtait  present  que  pendant  la  saison  des  etrangers,  pour  recevoir 
le  public  bienfaisant  avcc  son  ostentation  et  sa  mise  en  scene 
habituelles.  » 

Les  louanges  exagerecs  des  feuilles  scientifiqucs  n’emanaieni 
que  trop  souvent  de  iM.  le  doctour  Guggenbiilil  lui-meine. 

La  disparition  de  deux  enfanls  tombes  dans  des  prdcipices 
sans  que  M.  Guggenbiihl  en  ait  fait  le  rapport  exact  au  gouver- 
uement,  furent  [’occasion  d’une  enquCte  juridique.  Ensuite  do 
I’enquete  du  dernier  de  ces  cas,  M.  Guggenbuhl  aurait  ele 
tres-probableraeut  suspendu  de  ses  fonclions  de  directeur  de 
I’etablissement.  La  mort  Ten  sauva. 

La  critique  la  plus  sfivere  I’avait  frappfi  dans  I’assemblee  gc- 
nerale  de  la  Societe  d’histoire  nalurelle,  qui  I’avait  soutenu 
autrefois  de  tout  son  credit  et  de  son  argent.  L’accusd,  prfjsent 
k  la  discussion,  ne  sut  se  defendre  d’aucune  mauibre,  lorsqu’on 
lui  prouva  qu’il  n’existait  pas  un  seul  cas  authentique  de  gu6- 
rison  d’un  individu  atteint  de  erdtinisme. 


DE  t’ABENDBERG  ET  DE  (JUGGENBUHt.  463 

Voila  done  bien  nettemeiU  6tablie  la  position  do  Guggenbiihl 
devant  I’histoire  scienlifuiue,  et  nous  ferons  loyalement  I’aveu 
quo  notre  opinion  sur  I’Abendberg  et  son  fondateur  a  du  etre 
fortement  modifi6e  par  les  faits  que  nous  venons  de  relaier. 

Le  philanthrope  et  I’apotre  disparaissent,  inais  ne  doit-il  rien 
resterde  I’ingenieuse  mfithode  curative  qu’il  a  preconisfie,  sinon 
employee  conscienoieusement  ?  Nous  persistons  a  penser  que 
les  resultats  obtenus  4  Bicetre  sur  les  idiots  ne  peuvent  qu'en- 
courager  a  marcher  dans  cette  voie  les  mMecins  appeles  a  trai¬ 
ler  des  erfitins,  et  desireux  d’aineliorer  leur  sort. 

Les  fails  de  guerison  dii  erfilinisme  si  bruyamment  annoiices 
ne  sont  pas6tablis,  il  faut  le  reconnaitre,  mais  ce  n'est  pas  une 
raison  suffisante  pour  renoncer  ii  toule  lentalive  ull6rieure,  ni 
surtont  pour  supprimer  h  une  classe  nombreuse  de  d6sherites 
I’appui,  latutelle,  les  secours,  et  les  soins  niedicaux  qui  peuvent 
incontestablement  am61iorer  leur  situation.  S’il  demeure  acquis 
que  le  fondateur  de  I’Abendberg  transforrna  malheureusement 
son  oeuvre  philanthropir|ue  en  usine  induslrielle,  il  n’en  est  pas 
moins  vrai  qu’h  .son  debut  I’institution  avait  un  caractere  serieux, 
digue  de  fixer  I’attention  et  de  recevoir  les  eloges  de  ra6decins 
6claires  et  compfitents.  A  I’fipoque  ou  Guggenbiihl  appliquait 
consciencieusement  son  ing6uieux  tiaitenient  medico-pfidggo- 
gique,  il  obtenalt  des  rdsultals  qui,  pour  avoir  6te  surfaits  et 
amplifies,  n’en  sont  pas  moins  assez  notables  et  assez  r6els  pour 
avoir  eii5  acceptes  par  des  visiteurs  pprspicaces  et  intelligents. 
Pourquoi  faut-il  que  le  praticien  suisse  ait  peu  a  peu  deserte  la 
bonne  direction  dans  laquelle  il  6tait  entr6,  pour  s’engager  dans 
une  voie  qui  devait  appeler  sur  lui  les  investigations  de  la  jus¬ 
tice  et  la  reprobation  de  ses  adherenis  d’autrefois  ?  Aveo  le  doc- 
teur  Mundy,  nous  exprimerous  le  regret  que  Guggenbiihl  ait  ainsi 
d6vie  de  son  but  hurnanitaire,  mais  nous  lui  laisserons  cependani 
le  m6rite  d’uiie  initiative  qui  nesera  pas  sans  profit,  dansl’avenir, 
pour  les  cretins  des  diverses  eontr6es  inontagiieuses  de  rjkirope. 
On  ne  peut  nier  que  rimpulsion  dounee  n’ait  6te  iinitee  et 


464  BE  t'ABENDEERG  ET  DE  (JUGGENEUfiE. 

suivie,  et  qu’elle  ne  doive  I’etre  encore  davanlage  par  la  suite. 

L’ecole  de  Bicetre  a  rendu  aux  jeunes  idiots  des  services  que 
personne  iie  conteste  :  En  Anglelerre,  I’asile  special  d’Earls- 
wood,  doiit  M.  le  docteur  Billed  a  donne  une  trfis-interessanle 
description,  applique  aux  idiots  le  traitement  mddico-pddago- 
gique  avec  une  pers6v6rance  qui  ne  se  lasse  ni  ne  se  d6courage, 
el  les  amdliorations  obtenues  dans  I’etat  physique  et  moral  des 
jeunes  sujets,  en  Angleterre  comme  en  France,  constituent  des 
demi-succtis  qui  assurdment  ne  sont  pas  a  dddaigner. 

Du  reste,  la  haute  sollicilude  et  le  zele  dclaird  de  la  commission 
chargfie  des  questions  relatives  au  crdtinisme,  instiluee  au  mi- 
nistfere  de  Tagriculture  et  du  commerce,  nous  autorisenl  a  per- 
sevdrer  dans  le  voeu  pr4cedemment  exprime  de  voir  un  jour  rea- 
liser,  dans  ce  qu’elle  aurait  d’applicablc  et  de  pratique,  taut  a 
I’asile  de  Pau,  pour  les  cretins  des  Pyrenees,  qu’a  I’asile  de  Bas- 
sens,  pour  les  crdtins  des  Alpes,  la  bienfaisante  pensde  qui  inspira 
le  d6cret  imperial  de  Thonon  du  31  aout  1860.  L’auguste  libe¬ 
rality  provoquee  (d’apres  des  renseignements  r6cents  dus  a 
I’obligeance  de  M.  le  docteur  Fusier,  noire  collegue  de  Savoie) 
par  M.  I’inspecteur  genfiral  Parchappe,  au  lendemain  de  I’au- 
nexion,  serait-elle  deslinee  a  demeurer  stfirile  et  comme  non 
avenue?  Ceseraitfacheuxet  regrellable.  M.  ledocteur  Parchappe 
amit  fait  sien  ce  projet,  desireux  d’attacher  son  nom  a  celte 
cryation  philanthropique.  Des  diflicultes  d’ execution  onl  fait 
avorter  jusqu^ici,  parait-il,  les  tenlatives  faites  a  cet  ygard.  Sans 
vouloir  pryjuger  les  dyterminations  qui  seront  prises,  nous  espy- 
rons  cependant  qu’ilpourra  ymaner,  des  dyiiberations  de  la  haute 
commission,  quelque  yquivalent  dont  la  mise  en  pratique  ame- 
liorera  le  sort  des  Ihforlunys  trop  dyiaissds,  auxquels  nous  avons 
cherchy  4  altirer  quelques  .sympathies  efficaces. 


SOCIETES  SAEANTES. 


i$oci6t6  intSdico-psyoliolog^ifiuc. 


Seance  du  28  janvier  i867.  Presidence  do  M.  Paul  Janet. 

Leclure  ct  adoption  dii  procfes-verbal  dc  la  sdaiice  prdcddente. 
tiislallation  du  bureau  pour  I’annde  1867. 

M.  Ic  docleur  F.  Voisin,  en  quittant  le  fauteuil  de  la  pi’dsidencc, 
adressc  a  la  Soddtd  I’allocmion  suivante  : 

Messieurs, 

Avant  de  quitter  le  fauteuil  de  la  prdsidence  et  d’installer  Ic 
nouveau  bureau,  permettez-moi  de  jeter  un  regard  en  arritre  sur 
le  passe  de  notre  Socidtd,  sur  les  rdsultals  que  nous  avons  ddjk 
obtenus,  et  de  puiser  dans  ce  coup  d’oeil  rdtrospectif  quelques  cnsei- 
gnements  pour  le  progres  de  I’avenir, 

La  Socidtd  mddico-psychologique,  messieurs,  a  ddja  vingt  anndes 
d’existence.  Nde  de  i’alliance  intime  de  la  philosophie  et  de  la 
mddecine,  elle  a  rdalisd  dans  son  sein  I’union  durable  de  ces  deux 
sciences  qui  sont  soeurs,  et  qui,  jadis  rivales  et  ennemies,  se  sont 
aujourd’hui  reconcilides  et  s’liabituent  &  vivre  ensemble  dans  une 
vdritable  harmonic.  Assez  longtemps  rhumanitd  a  assistd  au  spec¬ 
tacle  aflligeant  de  leurs  luttes  et  de  leurs  discordes.  II  dtait  rdservd 
ii  notre  sibcle  d’dtre  tdmoin  de  leur  rdconcilialion  et  de  leur  fusion 
en  une  science  unique,  la  science  de  Phomme. 

A  I’dpoque  de  la  fondation  de  notre  Socidtd,  on  pouvait  encore 
douter  de  la  possibilitd  de  rdaliser  pratiquement  cette  union ;  on 
pouvait  craindre  que  le  caraetbre  mixte  de  notre  Socidtd,  a  la  fois 
philosophique  et  mddicale,  ne  Mt  un  obstacle  insurmontable  a  son 
ddveloppement,  et  que  Tun  des  deux  dldments  ne  vint  peu  a  peu 
a  dominer  et  radme  a  absorber  I’autre.  Mais  lieureusement,  mes¬ 
sieurs,  I’idde  mbre  qui  a  servi  de  fondement  a  sa  constitution,  etait 
ddja  nidre  dans  les  esprits  lorsqu’on  a  songd  a  la  rdaliser  dans  les 
faits.  11  en  est  des  institutions  comme  des  plantes  ;  elles  ne  germent 
et  ne  se  ddveloppent  qu’a  la  condition  d’etre  ddposees  sur  un  sol 
favorable  et  bien  prepare  a  les  recevoir ;  elles  languissent  et  meurent 
si  elles  ne  sont  pas  en  rapport  avec  le  milieu  qui  les  a  viies  nallre, 


466  SOCIliTfi  MeiHCO-PSyCHOLOGIQUE. 

avec  les  iddes  rdgnanies,  avec  les  incEurs  gdndrales  an  seiii  des- 

([uelles  elles  ont  pris  naissance. 

L’expdrience  a  prouve,  messieurs,  que  les  homines  distinguds 
qiii  ont  coDQU  la  pensde  de  Tunion  de  la  philosophie  et  de  la  mdde- 
cine  dans  tin  mdme  corps  savant,  avaient  bien  coinpris  I’esprit  de 
Icur  dpoque  ;  en  effet,  quels  qu’aicnt  dtd  les  obstacles  qiii  parais- 
saient  s’opposer  ii  sn  rdalisation,  nous  I'avoiis  viie  prospdrer  sous 
nos  ycux  et  arriver  enfm  aujourd’hui  &  son  complet  dpanouisse- 
ment.  Sans  dome,  messieurs,  I’dldment  mddical  a  pcut-dtrc  jus- 
qu’ici  domind  parmi  nous  I’dldment  pbilosophique ;  mais,  je  lo 
rdpdte,  il  ne  I’a  pas  absorbd,  et  nous  avons  vii,  dans  pliisieurs  cir- 
constances,  la  philosophie  reprendie  ses  droits  au  plus  grand  avan- 
lage  de  nos  sdrieiises  discussions.  La  prdsence  au  milieu  de  nous 
de  MM.  Olt,  Peysse,  Maury  et  Paui  Janet,  appeld  aujourd’hui 
aux  honneurs  de  la  presidence,  nous  est  un  tilr  garanl  que  noire 
Socidte  n’abandonnera  pas  le  principe  tiildlaire  qui  a  scrvi  de  base 
a  aa  fondalioui 

Malheureuseinent,  messieurs,  plusiears  de  nos  dmihenls  col- 
legues,  qui  ont  cooperd  a  son  dtablissement,  qui  Pont  animee  de 
leur  esprit  et  qui  ont  eu  Phonneur  de  la  prdsider,  ont  ddja  disparu 
de  la  sefene.  Ferrus,  Gerdy,  Adolphe  Gamier,  budirz,  Parchappe, 
ne  sont  plus ;  mais  leur  souvenir  est  loujours  vivant  parmi  nous,  el 
nous  n’avons  qu’ii  suivre  Pimpuision  qu’ils  nous  ont  donnde.  C’est 
ainsi,  messieurs,  que  noire  Socidtd  a  conquis  en  France  et  a  Pd- 
Iranger  une  notOridld  incontestable  et  une  Idgilime  influence.  Notre 
cxemple  a  did  suivi  en  Allemagne,  en  Angleterre,  en  Amdrique  : 
des  rdnnions  de  radme  nature  ont  dtd  fonddes.  Je  dois  seulement 
aire  remarquer  que  dans  ces  irois  pays ,  ces  socidlds  ne  coni- 
prennent  dans  leur  sein  que  les  medecins  alidnisies  el  qu’elles  ne 
se  rdunissent  que  dans  des  sdances  annuelles  ;  ce  qui  ne  laisse  pas 
que  de  donner  a  la  Socidtd  mddico-psychologique  de  Paris  une 
double  prddminence  sur  ses  dmules. 

Nous  pouvons  dire  satisfails,  messieurs,  des  travaux  que  nous 
avons  ddja  accomplis  pendant  nos  vingt  premidres  amides  d’exis- 
lence,  et  dont  nos  proefes-verbaux,  insdrds  dans  la  collection  des 
Anmles  rtiidico-psychologiques,  ont  conservd  Pdclatant tdmoignage. 
Notre  Socidtd  peut  compter  presque  autanl  de  grandes  discussions 
que  d’anndes.  Les  hailucinations,  les  ndvroses  extraordinaires,  la 
monomanie  au  point  de  vue  psychologique  et  Idgal,  la  paralysie 
gdndrale,  la  classification  des  maladies  meniales,  Panimisme  et  le 
principe  vital,  la  responsabilitd  partielle,  les  divers  modes  d’assis- 
tance  des  alidnds,  enfin  la  discussion  sur  la  folie  raisonnante  qui 


SfiANGE  DD  28  JANVIEU  1867. 


liGl 

s’esl  prolongfii!  pendant  loute  I’annde  deniifere  et  qui  dure  encore 
aiijoiird’hui,  ont  donni?  un  viSritable  inidi-gt  i  nos  travaux  et  flxd 
I’atiention  des  travailleurs  de  tons  les  pays  dti  monde. 

Nous  poiivons  done  dire,  avec  un  legitime  orgiieil,  que  notre 
Socidid  a  prouvd  sa  >italit6,  en  vivant  de  sa  vie  propre  et  en  tiraut 
de  son  propre  fonds  les  il^menls  de  son  activity  et  de  sa  dunie. 
Aiicune  influence  dirangfere  n’est  venue  stimuler  le  ztle  on  sou- 
lenir  le  courage  de  chacun  de  ses  membres ;  elle  a  vdcu  parce 
qu’elle  avait  en  elle-m6me  la  raison  d’etre  de  son  existence. 

Mais,  messieurs,  aprfes  avoir  ainsi  analyse  notre  passd  avec  une 
legitime  .satisfaction,  nous  devons  maiutenant  fixer  un  instant  nos 
regards  sur  notre  present  et  sur  notre  avenir. 

Notre  eociete  a  recrute  depuis  quelques  annees  de  nombreux 
uieinbres  titulaires  qui  apporteront  a  nos  travaux  ie  contingent  de 
leur  activite  et  de  leur  jeunesse ;  mais  le  nombre  des  membres 
titulaires  fixe  h  quaranle-huit  par  notre  rfeglement  n’est  pas  encore 
atteiiit.  En  procedant  avec  une  prudente  reserve  et  en  n’oubliant 
pas  de  I'aire  une  part  legitime  a  la  philosophic  et  aux  sciences 
economiques  et  sociales  dans  ces  nouvelles  nominations,  nous 
pourrions  contribuer  it  augmenter  encore  I’attrait  et  I’utilite  de 
nos  seances,  et  introduire  de  nouvelles  forces  clans  la  vie  de  notre 
institution. 

II  en  est  de  meme  des  correspondanis  nationaux  et  des  associes 
etrangers,  dont  le  nombre  pourrait  etre  augmente  avec  avantage 
el  accroltrait  noire  action  et  notre  influence  en  dehors  du  cercle 
restraint  de  notre  capitate.  Une  amelioration  qui  me  semble  aussi 
mdriter  de  vons  Ctre  proposCe,  consisterait  dans  la  preparation 
d’un  certain  nombre  de  questions,  qui  devraient  Ctre  choisies  et 
posees  it  I’avance,  ainsi  que  I’avait  demande  notre  regrettable  col- 
Ibgue  iVl.  IJarnier,  afin  de  fournir  toujours  S  notre  ordre  du  jour 
des  sujets  propres  i  le  rempiir.  J’attirerai  egalement  votre  atten¬ 
tion,  messieurs,  sur  I’a vantage  que  pourrait  presenter  pour  les  pro- 
grCs  de  la  science  la  reimpression  complete  de  nos  proefes-verbaux. 

Permettez-moi  encore,  messieurs,  de  rappeier  i  votre  souvenir 
la  question  capitale  de  la  reconn  aissance  de  notre  Societe  conime 
oeuvre  d’utilite  publique.  Pour  cetie  lieureuse  solution,  nous 
Comptons  sur  la  bienveillante  intervention  de  notre  nouveau  presi¬ 
dent,  M,  Janet,  auprhs  du  ministre  de  I’instruclion  publique. 

Enfin,  messieurs,  je  ne  puis  terminer  cede  enumeration  trfes- 
rapide  de  I’dtat  actuel  de  notre  Societe  et  de  ses  aspirations  pour 
I’avenir,  sans  mentionner  le  projet  soumis  aujourd’hui  it  notre 
examen  pour  augmenter,  cetie  annde,  le  nombre  de  nos  seances 


A  68  SOClfiTlj  MfiDlCO-PSYCHOJ,OGlQUE. 

et  y  admettre  les  savants  philosophes  et  mddecins  filrangers  qui 
viendront  k  Paris  pour  I’Exposition  universelle  ;  projet  sur  lequel 
notre  jeune  collkgue,  M.  Foville,  nous  a  prksentd  dans  la  dernifcre 
stance  un  rapport  qui  a  obtenu  tons  vos  suffrages. 

J’arrive  mainlenant,  messieurs,  au  terme  de  ce  discours,  et  je 
suis  heureux  d’avoir  k  Kliciter  notre  nouveau  president,  M.  Paul 
Janet.  Les  litres  de  cet  hoinme  distingud  vous  sent  connus.  Ses 
remarquables  dcrits  Pont  fait  nomraer  professeiir  k  la  Sorbonne  et 
membre  de  I’lnstitut.  La  part  active  qu’il  prendra  maintenant  k 
nos  travaux  ne  va  pas  peu  contribuer  k  I’assise  de  notre  Socidte  ct 
k  I’dclat  de  sa  rdputation.  Nous  accueillerons  aussi  avec  bonheur, 
messieurs,  noire  vice-prdsident,  M.  Brochin,  dont  le  caractkre  si 
honorable  et  le  jugement  si  droit  et  si  impartial  vous  sont  bien 
connus.  Depuis  plusieurs  anndes,  11  a  rempli  aiiprks  de  nous  les 
fonctions  de  seerdtaire  gdndral ;  dans  sa  nouvelle  position,  il  nous 
conlinuera,  je  I’espdre,  I’appui  de  son  talent,  de  son  experience  et 
de  son  honorabilitd. 

Je  n’ai  pas  k  louer  devant  vous,  messieurs,  noire  nouveau 
seerdtaire  gdndral,  M.  Loiseau.  Depuis  plus  de  dix  ans,  il  a  accom¬ 
pli  avec  un  rare  mdrite  la  tkehe  ingrate  et  diiScile  de  seerdtaire 
particulier  de  nos  sdances.  Dans  sa  nouvelle  et  plus  grande  situa¬ 
tion,  nous  le  retrouverons  tout  enlier. 

Sans  perdre  son  ancien  seerdtaire,  notre  bureau  s’est  enrichi 
par  Padjonclion  de  deux  nouveaux  membres,  MM.  Motet  et  Fo¬ 
ville.  Ddjk  connus  dans  la  science,  ils  vont  rdpondre  k  tontes  les 
espdrances  que  nous  avons  fonddes  sur  cux.  Enfin,  messieurs, 
nous  ne  devons  pas  oublier  dans  nos  dloges  noire  digne  et  savant 
trdsorier,  M.  Legrand  du  Saulle,  qui,  par  des  soins  assidus  et  per- 
sdvdrants  et  une  bonne  gestion  de  nos  finances,  est  parvenu,  non- 
seulement  k  pourvoir  k  toules  nos  ddpenses  avec  un  budget  trds- 
minime,  mais  k  augmenter  nos  recettes  par  la  rentrde  d’une  foule 
de  cotisations  arridrdes,  et  un  placement  on  ne  peut  plus  heureux 
de  nos  fonds. 

Il  me  reste  un  dernier  devoir  k  remplir  avant  de  quitter  ce  fau- 
teuil.  Messieurs,  ne  possddant  en  quelque  sorte  aucune  des  qualitds 
indispensables  au  president  d’une  Socidtd  savanle  do  notre  ordre, 
vous  ra’avez  constamment  montrd  la  plus  grande  indulgence,  et 
j’ai  trouvd  particuiiferement  dans  les  membres  de  notre  bureau  un 
appui  qui  ra’dtait  bien  ndeessaire.  Veuillez  done  tons  ensemble  rece- 
voir  en  ce  jour  I’expression  de  ma  profonde  reconnaissance.  Je 
n’oublierai  jamais  I’honneur  que  vous  avez  bien  vouiu  me  faire. 

M.  Paul  Janet,  nouveau  president,  adresse  k  son  tour  ses  remer- 


STANCE  DU  28  JANVIER  1867.  W9 

dments  u  la  SocidW  :  o  II  sail,  dit-il,  qu’elle  a  voulu  lionorer  cn 
liii  la  pliilosophie  fiappde  au  milieu  de  nous  par  la  perte  do 
quelques-uns  de  nos  collfegue.s  les  plus  dminenis  :  Adolphe  Gamier, 
Buchez.  Ge  qu'il  admire  dans  cette  Socidtd,  c’est  I’esprit  de  told- 
rance,  la  largeur  des  iddes,  la  libertd  enlifere  des  opinions.  C’cst 
III  le  veritable  esprit  de  la  science  qui  ne  connait  que  la  discussion, 
et  rejctte  rexcommunicallon.  Le  problfeme  de  la  nature  bumaine 
esl  .si  coinplexe,  d’ailleurs,  que  nulle  science  ne  pent  esperer  h  elle 
seule  rdsoudre  cette  inddchiffrable  dnigme.  Les  philosophes  ont 
I’habitude  de  prendre  la  part  la  plus  dlevde  pour  sujet  de  leiirs 
dtudes ;  mais  id,  ils  ne  sauraient  se  prdvaloir  d’une  telle  prdten- 
tion.  Notre  Socidtd  est  composde  de  mddecins  et  de  psychologucs ; 
aux  mddecins  appartient  I’dtude  de  la  psychologie  morbide  qui 
rdpetc  dans  la  science  de  riiomme  ce  que  I’on  appelle  les  expd- 
ricnces  renversdes ;  do  la  un  mutuel  appui  que  se  prdtent  tour  4 
lour  la  psychologic  normale  4  la  science  de  rhomme  dgard,  la 
psychologie  morbide  a  I’dtude  des  phdnomfenes  complexes  de  Texcr- 
cice  rdgulier  des  facnltds  intellectuclles.  »  M.  Janet  termine  en  pro- 
mettant  d’apporter  tous  ses  soins  dans  les  fonctions  ddlicates  qui  lui 
sont  confides ;  il  compte,  pour  I’aider  a  mener  a  bonne  fin  sa  ladie, 
sur  la  bienveillance  de  la  Socidtd. 

M.  le  docteur  Loiseau,  invest!  des  fonctions  de  secrdtairc 
gdndral,  prend  place  parmi  les  membres  du  bureau. 

«  Je  ne  m’assieds,  dit-il,  4  cette  place  si  dignement  occupde 
depuis  la  fondation  de  la  Socidtd,  qu’avec  un  sentiment  de  crainte 
respectueuse  et  de  Idgitime  fiertd.  Douze  fois  vos  suffrages  m’ont 
appeld  aux  fonctions  de  secrdtaire  dds  sdances,  et  j’ai  la  conscience 
de  les  avoir  remplies  dans  toute  la  mesure  de  mes  aptitudes.  Vons 
m’avez  ainsi  assocld  4  vos  travaux  d’une  manifere  plus  etroite,  et 
vous  ra’avez  donnd  un  nouveau  tdraoignage  d’estime  :  ce  sera  I’hon- 
neur  de  ma  vie,  et  je  vous  en  remercie  du  fond  du  coeur.  « 

Le  bureau  est  ddfinitivement  constitud  par  I’installation  du 
Irdsorier-archiviste  et  des  deux  secrdtaires  particuliers. 

Correspondance, 

M.  le  docteur  Payen,  rdcemment  dlu  membre  correspondant, 
adresse  une  lettre  de  remerciments  4  la  Socidtd. 

La  Socidtd  mddico-psychologiqiie  reqoit  une  sdrie  de  brochures 
qui  lui  sont  adressdes  par  I’universitd  de  Christiania,  et  dont  void 
les  litres  : 

1"  Unlversitd  royale  norvdgienne  de  Frdddric  :  Rapport  annuel 
sur  les  travaux  de  1864  et  1865.  Copenhague,  1866. 


470  SOCifiTfi  MJJDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

2“  ComciunicatioD  siir  les  fifevres  nerveuses  h  Kragero,  par  Ho¬ 
man  et  Hartwig. 

3“  Notice  pour  servir  k  faire  connaltre  les  changements  accom- 
plis  dans  le  KraksalVerlovgirning. 

h°  Taxes  mddicales  cn  Norvdge,  anndes  1855,  1861,  1862,  1866. 

5“  Observations  snr  les  taxes  raddicales  en  Norvege. 

6°  Taxe  medico-vdtdrinaire  pour  la  Norvdge.  Christiania,  1861 
et  1865. 

7“  Rapport  sur  les  maisons  de  san  id  et  les  diablissemenis  d’alidnds 
de  la  Norvdge  en  1863,  publid  par  le  ddpariemcnt  de  I’intdrieur. 
Christiania,  1865.’ 

8“  Rapport  gdndral  sur  I’asile  d’alidnds  de  Caustadt,  1865,  par  le 
docieiir  Sandberg,  directeur.  Christiania,  1866. 

9“  Index  soholarum  in  universitate  regid  frcdcriciand  centesimo 
septimo  ejus  semestri,  anno  1866,  fdvrier. 

10“  Idem,  aodt. 

Journal  de  medecine  mentals  de  M.  Delasiauve,  jauvier  1865. 


M.  Fowmet  demande  la  parole  pour  excuser  M.  le  docteur  Cerise, 
que  ses  occupations  ont  empdchd  de  prendre  part  depuis  quelque 
temps  aux  travaux  de  la  Socidtd.  II  prie  M.  Janet  de  vouloirbien 
intervenir  auprds  du  ministre  de  I’intruction  publique  pour  faire 
reconnaltre  la  Socidtd  mddico-psychologique  commeune  institution 
d’uiilitd  publique. 

M.  Janet  demande  communication  des  matdriaux  qui  ont  dO  dtie 
recueillis  5  ce  siijet. 

M.  Brierre  de  Boismont  insiste  sur  rimportance  de  celte  deter¬ 
mination,  et  sollitiie  vivemeni  les  membres  de  la  commission  de 
faire  d’actives  ddmarches  pour  hater  ia  solution  d’une  queiition  qui 
inldresse  ii  un  .si  haul  point  la  Socidtd. 

M.  Lunier,  au  nom  de  la  commission  du  prix  Aubanel,  propose 
line  question  qui,  aprds  une  courte  discussion  a  laquelie  prennent 
part  MM.  Moreau  (de  Tours);  Brierre  de  Boismont,  Legrand  du 
Saulle,  Delasiauve  et  A.  Voisin,  est  ramende  aux  termes  suivants  : 
«  Des  accidents  convulsifs  dans  ia  paralysie  gdndrale.  » 

M.  Brierre  de  Boismont  demande  ce  que  sont  devenus  les  ma- 
nuscritsdu  prix  Andrd  et  ceux  des  prix  Ferrus,  Belhomine,  Archam- 
bault,  sur  le  erdtinisme. 

M.  Legrand  du  Saulle  rdpond  que  la  commission  pour  le  prix 
Andrd  est  prdte,  mais  que  la  commission  pour  le  prix  du  erdti¬ 
nisme  n’a  pas  encore  prdpard  son  rapport. 


SfiANCE  DU  28  JANVIER  1867,  471 

M.  Foviiie.  J’ai  rlidhnfeur  de  presenter  i  la  SocidtS,  au  nom 
de  M.  Reynal,  professeur  d  I’feole  d’Alfort ,  et  au  mien ,  Une 
pidce  anatomique  qui,  Je  j’espfere,  hii  paraitra  digne  d’intdrdt. 
Hier,  dans  la  journde,  un  dlfeve  d’Alfort  vint  me  remeitre,  de  la 
part  de  M.  Reynal,  avec  pridre  de  I’examiner,  le  cerveau  d’un 
clieval  qiii  dtait  mdrt  la  nuit  prdcddente,  aprfes  avoir  prdsentd,  pen¬ 
dant  queiqiies  jours,  des  accidents  nerveux  dont  les  principaux 
dtaient  :  un  iremblement  gdndral,  des  accds  dpileptiformes  rdpdtds 
et  I’action  de  pousser  au  mur  de  devaiit,  c’esi-a-dire  qu’appuyant 
son  front  contre  un  des  deux  angles  de  la  box  oil  il  dtait  renfermd, 
ce  cheval  poussait  avec  de  tels  efforts  sn  tdte  contre  cet  obstacle, 
que  ses  jambes  de  devant  se  ddrobaient  sous  lui,  et  qu’ll  perdait 
I’dquilibre. 

Aussitdt  que  ce  cerveau  me  fut  remis,  c’est-ii-dire  six  heures 
environ  aprfes  qu’il  eut  dtd  extrait  du  crdne,  je  Texaminal  en  pre¬ 
sence  de  pliisieiirs  des  internes  de  la  maison  de  Gharentoll.  Cet 
exaraen  nous  a  donnd  les  rdsultats  suivants^  faciles  a  vdrifler  stir  la 
partie  d’hdmisphdre  qtie  je  mets  sous  les  yeiix  de  la  Socidtd  : 

Apres  renidvement  de  ia  dure-mdre,  on  constate  que  la  masse 
cdrdbrale  pi  dsente  extdrieurcriient  les  traces  d’une  hypdrdmie  gdnd- 
rald,  plus  cdnsiddrable  a  droite  qii’a  gauche ;  les  vaisseaux  des 
mdniuges  soht  partout  injectds ;  en  quelques  endroits,  et  particu- 
lidrement  a  la  partie  convexe  de  rhdmisphdre  droit,  exislent  des 
suffusions  sanguines  disposdes  par  plaques  variant  de  forme  et 
d’dtendue. 

A  I’ouverture  des  ventricules  latdraux,  on  voit  les  plexus  cho- 
roides  gorgds  de  sang;  la  portion  de  la  cOuche  optique,  formant  la 
plus  grande  partie  de  la  paroi  infdrieure  de  ces  ventricules,  prd- 
seiitd  line  coloration  lie  de  vin  trds-accusde  et  est  parcourue  par  des 
vaisseaux  pleins  de  sang,  dont  quelques-uns  ont  un  volume  consi- 
ddrabie. 

Nous  il’avOns  pii  apprdcier  la  quantitd  ni  la  qiialitd  du  liquide 
iniravdhtriculaire,  qui  s’dtait  perdu  pendant  I’autopsie  ou  le  trans¬ 
port  tie  la  pidce. 

Une  setlle  coupe  a  dtd  pratiqude  sur  le  cerveau,- alin  de  mdnagerla 
pidcd  ;  dlle  a  portd  sur  I’lidmlsplifere  droit,  ii  la  rdunion  de  son  tiers 
anldrieur  et  dd  ses  deux  tiers  posldileurs,  et  a  permis  de  detacher 
de  la  masse  cdrdbrale  la  pifece  que  je  vous  prdsente  ;  sur  toute  I’d- 
leiidUB  de  cctte  coupe,  la  substance  grise  a  prdsentd  une  coloration 
vlolacdd  trfes-iulense,  notamment  au  niveau  des  corps  strlds,  et  la 
substance  blanche  s’est  montrde  piqqetde  de  nombreux  vaisseaux 
dilatds. 


472  SOraflTfi  MtOIOO-PSYCHOLOGIQUE. 

Nous  avons  d6ja  dit  qiie  les  mStiinges  sont  manifestement  cou- 
gestionndes  et  prdsentent  quelques  plaques  de  suffusion  sanguine; 
nous  devons  ajouter  qu’elles  sont  vestdes  minces  et  transparentes, 
et  n’offrent  ni  dpaississement,  ni  opacitd,  ni  infiltealion  de  tissu 
conjonctif  dans  leur  dpaisseiir. 

Nous  arrivons  enfin  a  la  ItSsion  la  plus  reinarquable  prdsentde  par 
ce  cei’veau  de  cheval;  elle  consisle  en  une  adhdrence  intime  et 
gdndrale  des  mdninges  avec  la  sm  face  cdi'dbrale,  et  en  un  ramollis- 
seinent  diffus  et  gdndralisd  des  couches  les  plus  stiperficielles  de  la 
sul)stance  corticale. 

Dans  aucun  point  de  la  pdriphdrie  de  la  masse  cdi'dbrale,  11  n’est 
possible,  quelques  pi'dcaulions  que  I’on  prenne,  de  soulever  une 
parcelle  des  mdninges  sans  entrainer  avec  elles  une  mince  couche 
de  substance  grise,  i  aspect  finement  granuleux,  qui  se  ddlache  de 
la  surface  des  circonvolutions  et  laisse  i  nu  une  sorte  d’ulcdralion, 
dgalement  granulde,  ramollie,  au  fond  de  laquelle  se  voient  quelques 
vaisseaux  rompus  d’oli  suinie  le  sang,  et  ofi  Ton  aperqoit,  par 
transparence,  la  substance  blanche  qui  forme  le  centre  de  la  cir- 
convolutioD. 

En  d’autres  termes,  les  mdninges  font  corps  avec  la  surface 
cdi'dbrale,  et  la  couche  de  substance  corticale,  immediatement 
sous-jacente,  est  ramollie  et  ddsagrdgde ;  de  sorte  que,  lorsqu’on 
veut  enlever  un  lambeau  de  membrane,  la  sdparation  se  fait,  non 
pas  entre  celle-ci  et  le  cerveau,  mais  dans  I’dpaisseur  meine  de  la 
substance  corticiile  ramollie,  dont  une  mince  couche  reste  attachde 
i  la  membrane  soulevde. 

La  surface  du  cervelet  offre  quelques  traces  d’adhdrences  ana¬ 
logues,  mais  elles  sont  rares  et  moins  inlimes  que  sur  le  cerveau. 

Les  pddoncules  edrdbraux  ne  nous  ont  paru  presenter  aucunc 
altdration  apprdciable. 

11  dtait  impossible  de  constater  les  Idsioiis  que  je  viens  de  ddcrire 
et  dont  je  prie  les  membres  de  la  Socidtd  de  vouloir  bien 
vdrifier  I’existence,  sans  dtre  frappd  de  la  trfes-grande  analogic, 
pour  ne  pas  dire  de  la  similitude,  qu’elles  prdsenlent  avec  les  Idsions 
caracidristiques  de  la  paralysie  gdndrale ;  il  suflit  de  soulever,  sur 
le  cerveau  de  ce  cheval,  un  lambeau  de  mdninge  pour  reconnallrc 
ce  que  Ton  voit  a  chaque  autopsie  d’alidnd  paralytique. 

Cette  analogie  me  frappa  tout  de  suite,  ainsi  que  les  internes  qui 
m’aidaient.  M.  Calmeil,  que  je  lis  prdvenir,  voulut  bien  se  joindre 
a  nous,  et  fut  dgalement  saisi  de  la  ressemblance  des  alldrations 
qu’il  avait  sous  les  yeux,  avec  cedes  do  la  mdningo-pdriencdphalite 


S^;ANCE  DU  ^8  JANVtER  1867.  478 

diffuse,  qu’il  a  coniribui?  plus  que  personne  a  faire  connaitre  au 
monde  medical. 

Quelques  dilKrences  doivent  n^anmoins  fiire  signalees.  Chez  Ics 
all^n^s  paralyliques,  les  adhdrences,  alors  ra6me  qu’elles  sent  Ic 
plus  dlendues,  ne  sont  pas  absolument  giln^rales ;  11  rcste  des  re¬ 
gions  oil  les  membranes  se  sdparent  du  cei'veaii  sans  que  celui-ci 
soitenlamd;  nous  n’avons  pas  constald  ces  indgalk^s  sur  ce  cer- 
veau  de  cheval ;  partout  la  confusion  des  lissus  cst  ^galement 
inlimc;  11  y  a  une  veritable  symphyse  ggndrale. 

De  plus,  chez  I’alidnd  paralylique,  les  mdninges  sont  presque 
conslamment  aiignienl^es  d’dpaisseur  et  de  tinacild;  elles  ont 
perdu  leur  transparence  et  leur  fragilltd  par  suite  d’un  dlpOt,  plus 
ou  moins  abondant,  de  tissu  conjonctif  dans  leur  trame,  tandis  que, 
chez  ce  cheval,  elles  elaient  resides  minces  et  transparentes,  quoique 
congestlonnees.  ^ 

Cette  diffdrence  doit  tenir  a  ce  que,  chez  I’homme,  la  paralysie 
generale  est  presque  toujours  one  maladie  de  longue  durde,  tandis 
que  ce  cheval  a  succombd  peu  de  jours  aprds  le  ddbut  des  acci¬ 
dents.  Sous  ce  rapport,  on  pourrait  peut-dtre  rapprocher,  plus 
exactement,  sa  maladie  de  cede  ddcrlte  par  Beau  (Archives  de 
midecine,  fdvrier  1852,  et  Annalesmidico-psychologiques,  2"  sdrie, 
t.  IV,  p.  271),  sous  le  nom  de  paralysie  generale  aiguo,  et  qui,  se 
ddvcloppant  h  la  suite  d’une  affection  fdbrile,  se  terminerait  fata- 
lement  au  bout  de  quelques  jours  de  durde  et  prdsenterait,  a  I’au- 
lopsie,  un  ramollissement  superficiel  de  la  substance  corticale  et 
une  adhdrence  gdndrale  des  mdninges,  sans  que  celles-ci  soient 
indiqudes  comme  opaques,  ni  dpaissies. 

Je  terminerai  en  disant  que  M.  Raynal,  auquel  j’ai  fait  connaitre, 
ce  matin,  le  rdsullat  de  mon  examen,  et  I’intdrdt  que  prdsentait 
pour  nous  ce  genre  d’altdration  non  encore  signald,  5  notre  con- 
naissance,  chez  les  animaux,  m’a  dit-en  avoir  ddjii  observe  un 
assez  grand  nombre  de  cas,  et  m’a  promts  de  me  communiquer  5 
I’avenir  ceux  qui  pourraient  se  presenter  it  I’ficole  d’Alfort.  Si  de 
nouveaux  fails  intdressants  arrivenl  ainsi  it  ma  connaissance,  je  ne 
manquerai  pas  d'en  informer  la  Socidtd. 

M.  Lamer  demandc  s’il  ne  serait  pas  opporlun  de  discuter 
immddialement  le  rapport  de  M.  Foville  sur  le  congrds  international 
des  mddecins  alidnistes.  La  discussion  est  renvoyde  5  la  prochaine 
sdance. 

M.  A.  Voisin  fait  part  a  la  Socidtd  de  rdilexions  qui  lui  ont  did 
suggdrdcs  par  le  mode  de  translation  de  certains  alidnds,  de  la  prd- 
fecture  de  police  5  I’hospice  de  Bicdtre. 


UlU  SOClfiTli  MfiDICO-PSYCHOLOGIQUE. 

M.  Lunier  aniioiice  5  la  Soci6t6  que  M.  le  docleur  Bonnefoiis  esi 
present,  el  qu’il  demande  a  lire  une  observalion  leciieillie  par  liii 
dans  Pasile  de  Leyme,  qu’il  diiige.  I.u  parole  est  accordee  ii 
M.  lionnefous. 

Folie  lucide,  delire  partiel ,  dilire  des  actcs. 

Observation,  par  M  Bonnefous,  medecin  en  chef  de  Basile  de  Leyme, 
correspondant  de  la  Societe  mbdico-psycholngiqiie. 

Marc  B . csl  iin  honiiftle  cultivaieur  de  la  cominune  de  Duravel 

(Lol).  II  a  aiijourd’hui  cinquante-neuf  ans  sounds.  Mais  sa  haute 
laille,  son  aspect  vigoureux,  son  piddiocre  embonpoint,  le  font 
paraltre  plus  jeune.  L’expression  de  ,sa  physionoinie  est  heiircuse, 
douce  et  bienveillanle.  'I'oules  ses  habitudes  copfirmenl  |a  bonne 
impression  inspirde  par  cclle  pliysiononiie. 

Cethomme  est  remarquablemcnl  laborieux,  eifipressd  a  lout  tra¬ 
vail  qu’on  lui  demande,  facile  op  pdnible._  II  est  simple,  docile, 
rempli  de  ddfdrence  envers  toulc  personne  qui  lui  est  supdricure 
par  sa  position  sociale.  Intelligent,  dans  la  mesure  restrolnle  com¬ 
patible  avec  son  manque  d’dducaiion,  il  ne  sail  pas  lire,  il  s’cxplif|ue, 
du  mpins,  tr(;s-raisonna|deinenl  stir  loiile  ciiose,  et  paile  trds- 
sensdment  des  travatix  agricoles,  qui  ont  rempli  sa  vie  entiere. 
Marid,  il  a  une  femme  et  une  fille,  qu’il  airae  irds-sincdrement.  11 
rdclame  sans  cesse  de  revenir  aupres  d’elles,  misdrables,  pour  les 
soutenir  et  les  faire  vivre  de  son  travail;  car  ce  mallieureux,  vrai- 
inent  digne  du  plus  grand  inldret,  est  uii  alidnd,  sdquesird  trop 
Idgitimement  h  Leyme,  par  ddcision  administrative. 

Un  proeds  civil,  perdu  devant  le  tribunal  de  Gabors,  a  amend 

^expropriation  du  tres-raodesle  pairimoinc  de  Marc  R . ,  qui  croit 

avoir  gagnd  le  proeds  et  demeurer  toujours  propridlaire.  Voilu  la 
conception  ddlirante,  unique,  mais  perinanente  cl  invincible. 

Nous  trouvons  Marc  H .  devant  le  tribunal  correclionnel  de 

Gabors;  pour  coups  et  blessures  et  bids  de  clblures.  Une  ordonnaiice 
du  12  ddeembre  1861  le  met  d  la  disposition  de  I’autorild  adminis¬ 
trative.  Ddposd  a  I’hospice  de  Gahors,  il  en  sort  pen  apres,  rentre 
librement  h  Duravel,  oft  il  commet  immddiatement  de  nonveaux 
actes  de  violence.  Gelle  fois,  le  placement  a  Leyme  est  ordonnd,  et 
Marc  U . y  entre,  en  effet,  le  20  fdvrier  1862. 

L’examen  du  malade  permet  la  constatation  facile  du  delire  par- 
liel.  11  parle  abondamipent  du  proeds  civil,  se  livre  aux  divagations 
les  plusincolidrentes  deesujet,  montre  avec  auioritd  des  lambeaux 
iuformes  de  papier  tiuibrd,  d  I’appui  de  ses  dires  mintelligibles  et 


M.  »ONI«EVOL!»>.  —  FOLIE  LUCIDE.  475 

inlaiissables.  Son  discours  est  animfi,  sa  figure  est  aiissi  alors  fort 
injectde.  Mais  le  sujet  dtant  abandonnd,  non  6puis^,  bien  enlendii, 
la  lucidity  rcvient  entibre.  Quant  aiix  actes  de  violence,  ils  sont 
avoufe,  mais  Idgi  limes,  du  moment  que  des  Strangers  occupent 
indflment  la  maison  qui  apparlient  a  ce  pauvre  insensii. 

D’ailleurs,  dfes  les  premiers  jours,  ce  malade  est  occup6  aux 
iravanx  agricoles,  dont  il  a  I’liabitude,  qu’il  acceptc  trfes-voloniicrs, 
qu’il  sollicile  mfinie,  car,  pour  lui,  I’oisivetd  est  la  chose  piSniblc. 
Sous  cette  heureuse  influence,  plus  encore,  vraisemblablement,  par 

r^loigncment  des  circonslances  favorables,  Marc  U . esi  bientot 

calme.  Le  delire  persiste,  s’il  esl  provoque,  mais  a  cctie  condition 
seulement;  an  debut.  il  sc  manifestait  frequemment  et  spontanii- 
mcnt. 

Gependant,  avec  beaucoup  de  douceur,  trfcs-rdsignc  4  la  seques¬ 
tration,  Marc  It . sollicite  d’etre  rendu  a  sa  famille.  Sa  femme  et 

sa  fille  viennent  le  visiter.  Elies  sont  dans  unc  deire.sse  profontle 
le  travail  du  chef  de  famille  est  la  ressonree  neccssaire.  J’iguorais 
alors  les  fails  dc  violence,  d6jii  repetes,  qui  viennent  d’etre  racon- 
jes.  J’c.sperc  que  le  calme  actuel,  bien  consolidtl,  avec  un  d61irc 
partiel,  en  quelque  sorie  latenl,  ne  sera  pas  un  obstacle  a  la  mise 
cn  liberte,  que  cello-ci  sera  exempte  de  dangers.  Prticddemmeni, 
toulefois,  je  m’adressea  M.  le  maire  de  Duravel,  lui  demandant  si 
des  fails  violcnls  ont  priicdd^  la  sequestration,  dont  le  rctour  serait 
it  redouter,  ou  bien,  si  tout  s’est  bornd  au  deliro  parlicl,  en  ce 
moment  amorti.  M.  le  maire  me  rfipond,  m’allirme,  quc’nul  acte 
grave  n’a  die  coinmis,  que.le  ddlire  a  seui  exisld,  sans  manifestation 
exldrieure  daugereuse,  m’encourage  enlin  a  deraander  la  sortie  du 
malade. 

Je  note,  en  passant,  que  MM.  les  makes  doivent  trouver  grtlce 
(levant  les  contempieurs  de  la  loi  du  30  juin  1838.  Grande  est, 
sans  doutc,  leur  haine  des  sdquestrations  arbitraires,  mais  plus 
grande  encore,  je  le  crains,  leur  parcimonie  des  finances  niunici- 
pales. 

.Sur  ma  proposition,  M.  le  prdfet  du  Lot  ordonna  la  mise  cn 
libertd  dc  Marc  R . ,  qui  sortit  de  I’asile  le  28  aofit  1862. 

Tout  naturellement,  ce  malheureux  rentre  a  Duravel.  Il  va  direc- 
loment  ii  son  ancieune  makon,  qu’il  croit  toujours  lui  appartenir. 
Par  une  coincidence  facheuse,  les  nouveanx  propridtaires  sont 

absents,  all(is  a  une  foire  voisinc.  Marc  R . s’installe  done  sans 

diiBcultd  aucune.  Mais,  le  soir  venu,  les  vdritables  propridlaircs 
rentrent,  etsont  accueillis  par  des  voies  de  fait,  de  la  part  de  I’alidnd , 
malencontreusement  relftchd.  Force  est  d’appeler  la  gendarmerie. 


kl6  Socii;Tl2  MiiDico-PSVCnCLOdiQtjfe. 

qiii  an'6lc  cclivi-ci,  lequel  nous  rcvieni  Ic  30  seplembrc.  M.  Ic  pro- 
cureur  impdrial,  cettc  fois  encore,  est  intevvenu  anpris  de  I’anlo- 
I'il^  adminislrative. 

Pour  moi,  I’dpreuve  dtait  ddfinilivc,  ct  je  devais  regreltcr,  nni- 
quement,  d’avoir  eld  mal  informd  par  M.  le  inaire  dc  Duravel. 

L’diat  dc  Marc  R .  demeurait  le  rndme,  d’ailleurs,  a  part  unc 

ceriaine  excitalion,  plus  grande,  que  les  habitudes  laboricuses  et 
I’dloigneinent  dissipereiU  bientCil. 

Nous  n’dtions  pas  au  bout  des  expdriences,  ndanmoins.  La 

femme  R .  est  au  moins  singulidre,  sinon  alldnde  aussi,  commc 

son  marl.  Elle  vient  le  voir  trop  Irdquemment,  puisque  ses  visiles 
lui  donnent  loujours  une  certaine  excitation,  durant  plusieurs  jours 
oil  plusieurs  seinaines.  Nous  avons  dd  la  faire  surveiller  par  I’auto- 
I'ild  locale,  car  elle  rOde  souvent  autour  de  I’asile,  cherchanl  a 
embaucher  son  marl  pour  une  dvasion.  Elle  n’acceple  aucune 
explicalion,  semble  partager  la  conviction  ddliranle  de  son  marl, 
sans  rexprimer  par  les  mdmes  violences.  Sur  sa  rdclamatiou  a 
M.  le  prdfet  du  Lot,  j’ai  fourni  un  rapport,  en  date  du  31  juille^ 
1863,  rappelant  tous  les  aiildcddents,  et  concluant  a  la  non-mise 
en  libcrtd.  Celle-ci  a  dtd  ordonnde,  malgrd  mes  conclusions  tres- 
contraires,  sur  une  enqudte  de  M.  le  jugc  de  paix  de  Piiy-l’lilveque, 
ct  Marc  R .  a  encore  quittd  I’asile,  le  11  septembre  1863. 

Je  n’ai  point  su  les  dvdnements  qui  out  suivi  cetle  raesure 
impriidente;  mais,  le  11  octobre  suivant,  la  rdintdgration  avait 
lieu  :  «  Vu  la  lettre  de  M.  le  procureur  impdrial,  qui  la  propose  », 
dit  I’arrdtd  prdfecloral.  Evidemraent,  encore,  dc  la  sortie  au  retoiii', 
ce  malheureux  avait  fait  I’dtape  de  la  prison. 

Marc  R . est  bien  un  nlidnd,  et  un  alidnd  trfes-dangereux,  a  la 

condilion  d’etre  placd  dans  im  certain  milieu.  Hors  de  ce  milieu, 
une  longue  experience  dans  I’asile  ne  permet  pas  d’en  doutcr,  il 
est  parfaitement  doux  et  inoffensif.  Nous  I’observons,  en  effet,  tou- 
jours  le  mdme,  trfes-docile,  tres-soumis,  tres-laborieiix.  Seul  des 
alidnds  de  la  maison,  il  est  occupd  aux  fauchaisons,  travail  pdnible 
qu’il  fait  lr6s-bien,  ndcessitant  un  instrument  dangereux,  qu’il  n’a 
jamais  detournd.  Loin  de  son  pays,  a  la  condition  dc  n’dtre  pas 
visite  par  sa  femme,  il  est  exempt  de  toiite  crise  d’excitation,  nc 
parle  pas  de  I’objetde  sonddlire,  demeurd  immuable,  si  on  le  pro- 
voque.  L’un  des  magistrats  olDciellement  chargds  de  visiter  I’asile, 
a  dtd  frappd,  avec  raison,  de  la  parfaiie  lucidild  de  cet  homme.  Il  a 
mdme  cru  devoir  le  signaler,  malgrd  nos  explications  trop  con- 
cluanlcs.  M.  I’inspecteur  gdndral  Lunier,  appeld  aussi  a  entendre 
ces  rdclamations,  a  troiivd  le  fait  trfes-remarquable  et  m’en  a  de- 


SfiANCE  DU  25  ^^:vniEli  dS6l  kl1 

mand4  ['observation  complfete.  Tout  est  raisonnable,  bienplus,  trfes- 

raisonnable,  chez  Marc  R .  Qiiesa  femme  rbtle  autour  de  I’asile, 

nous  I’inlernons  dans  les  quariiers,  et  il  se  soumet,  skns  murmurer, 
reconnaissant  noire  droit  incontestable.  Que  les  faucheurs,  qul  sont 
avec  hii,  negligent  leur  travail  ou  le  fassent  mal,  il  leur  adresse  des 
reproches  trfes-convenables,  au  besoin,  les  signalera,  en  les  avertis- 
sant  et  sans  dSlation,  anx  employes  de  la  ferme.  Je  pourrais  multi¬ 
plier  ces  details.  Et  ce  pfire  de  famille,  affeclueux  et  bon,  est  cOn- 
damnk  i  une  sequestration  ndcessaire  dans  une  maison  d’alidnds, 
doiU  lui  et  les  siens  gdmissent  et  souffrent.  Libre,  il  ne  pent  mal- 
hcurcuscment  aller  qu’k  Unravel  ;  ITiabitude,  la  necessitd,  le  ddlire, 
enfin,  Ty  poussent  dgalement,  et,  a  Unravel,  il  est  faialement  un 
abend  dangereux  pour  la  sdcurite  publique. 

M.  Fournet  lit  la  premifere  partie  d’un  mdmoire  sur  la  folie  rai- 
sonnante. 

La  sdance  est  levde  a  six  lieures. 


Sdance  du  25  fevrier  1867.  —  Presidence  de  M.  Paul  Janet. 

MM.  Morel,  Belloc,  Petit,  membres  correspondants,  assistent  it  la 
sdance. 

Le  procfes-verbal  de  la  sdance  prdcddente  est  lu  et  adoptd. 

M.  le  president  prdsente  a  la  Socidtd,  de  la  part  de  M.  Francesco 
Bonnucci,  membre  associd  dtranger,  un  ouvrage  en  italien,  intitule : 
Principi  di  antropologia  o  di  fisiologid  morale  dell'  uomo. 

M.  Olt  offre  a  la  Socidtd,  au  nom  de  M.  Cerise  et  au  sien,  un 
ouvrage  posthume  de  Buchez,  dont  ils  ont  dlrigd  la  publication ;  cet 
ouvrage  est  intituld  :  Traite  de  politique  et  de  science  sociale. 

La  Socidtd  recoil  en  outre  : 

De  M.  Jules  Falret  :  les  articles  Amnesie  et  Aphasie;  exlraits  dn 
Bictionnaire  encyclopedique  des  sciences  midicales. 

Ue  M.  Moiet  :  Particle  Cauchemar,  extrail  du  Nouveau  Diction- 
naire  de  medecine  et  de  chirurgie  pratiques. 

■  Uu  mdme  auteur  :  Considerations  sur  la  statistique  ginerale  des 
alienis,  extrait  des  ^nnales  d’hygieneet  de  medecine  legale. 

M.  le  President:  J’aia  rendre  coraple  a  la  Socidtd  des  demarches 
que,  d’aprds  la  mission  qu’elle  a  bien  vonlu  me  confier,  j’ai  faites, 
d’unemanidre  piirement  officieuse,  jusqu’ici,  dans  le  but  d’obtenir 
que  la  Socidtd  mddico-psychologiqne  soil  reconnue  dtablissemenl 
d’utilitd  publique. 


4'serie,  t.  IX.  Mai  1867.  7. 


^|78,  SOCIETfi  MfiDICO-PSYCHOLOGIQOE. 

J’ai  vii,  a  agard,  Son  Excellence  le  ministre  de  I’iiistruciion 
piiblique,  et  j’ai  requ  de  lui  les  promesses  les  pins  bionveillaiites; 
j’ai  vn  ggalemeut  le  chef  de  division  et  le  chef  de  bureau  dans  les 
attributions  desquels  rentrent  ies  affaires  de  ce  genre ;  i’un  et  i’autre 
soni  anirnds  de  dispositions  favorables  h  la  Sociatc;  ii  importedonc, 
afin  de  profiler  de  circonstances  qui  paraissent  devoir  assurer  le 
succfes,  que  les  demarches  officielles,  nticessaires  pour  que  I’adini- 
nislration  soil  r^gulibrement  saisie  de  noire  demande,  soient  failes 
le  plus  t6t  possible. 

A  I’appui  de  la  demande  propremenl  dite,  nous  devrons  lournir 
les  Slatuis  de  la  Society,  pour  qu’ils  soient  souniis  ft  i’apprnbation 
du  Conseil  d’faat ;  une  fois  adoplds,  ils  ne  pourront  pins  fitre  niodi- 
fife  qii’apras  une  nouvelle  instruction  et  une  decision  .spdciale  du 
Conseil  d’fitat,  ce  qui  est  toujours  long  el  difficile  a  obtenir.  II 
iniporte  donc,auplus  hauldegra,  derdduireces  Statuts  au  plus  strict 
n^cessaire,  et  de  n’y  faire  figiirer  que  les  dispositions  essentielles  et 
fondamenlales  que  I’on  est  stir  de  ne  pas  avoir  besoin  de  modifier 
dans  I’avenir,  en  r^servant  toutes  lesmesures  secondaires  et  moins 
importanies  pour  le  rfeglement  d’administraiion  intdrieure.  Celui-ci, 
en  effet,  n’est  soumis  qu’a  i’approbation  du  ministre,  et  une  .simple 
autorisation  de  ini  suffit  pour  permetlre  de  le  modifier. 

M.  Legrand  du  Saulle.  La  Socidtd  ne  possdde  et  n’a  jamais  pos- 
sddd  qu’un  rfeglement ;  elle  n’a  pas  de  Statuts  propremenl  dits, 
distincts  de  ce  rfeglement. 

M.  Alfred  Maury,  J’ai  parld,  dgalement,  de  la  question  qui  nous 
occupe  dans  les  bureaux  du  ministfere.et  d’aprbsce  qui  m’a  dtd  dit, 
j’insisle  sur  la  ndcessitd  absolue  de  faire  des  Statuts  distincts  du 
rfeglement  et  aussi  simples  que  possible ;  cede  mesure  est  de  la  plus 
haute  importance,  et  plusieurs  Societds,  pour  n’avoir  pas  eu  cede 
precaution,  se  sont  troiivdes,  par  la  suite,  en  face  d’embarras  trfes- 
sdrieux. 

Je  dois  revoir,  aprbs-demain,  mercredi,  M.  le  chef  de  bureau  qui 
s’occupe  de  ces  questions  ;  si  d’Ici  la  les  pibces  indlspensables  pou- 
vaient  etre  prfites,  je  me  chargerais  volonliers  de  les  Ini  remettre  et 
ll’affaire  seraitainsi  oflicielieraent  engagde. 

M.  Brochin,  M.  Cerise  s’dlait  d’abord  chargd  d’exposer  dans  un 
mdmoire  tous  les  litres  que  la  Socidtd  peut  faire  valoir  it  I’appui  de 
:sa  demande  ;  mais  ses  occupations  ne  lui  ayant  pas  permis  de  le 
aaire,  j’avais  pris  I’engagement  de  rddiger  moi-mdme  ce  mdmoire,  ii 
I’aide  des  matdriaux  que  M.  Cerise  a  entre  les  mains;  n’ayant  pas 
encore  requces  matdriaux,  je  ne  pourrai  faire  d’ici  a  aprds-demain,  ' 
■comme  le  demande  M.  A.  Maury,  un  travail  bien  complet  ft  cet 


STANCE  DD  25  FfiVBBEB  1867.  479 

^gard,  mais  je  prdpai  erai,  au  moins,  iin  rapide  aperQu  de  I’hisioire 
de  la  Socidtd. 

Api'^s  quelques  observations  de  M.  Brierre  de  Boismoht  qui 
insiste  siir  la  ii£cessit4  de  passer  outre,  sans  altendre  davanlage,  la 
Soci^td  ddcide  qu’il  y  a  lieu  de  soliiciter  la  reconnaissance  de  la 
Soci^td  mMico-psychologique  coname  dtablissement  d'ulilitd  pu- 
bliqne,  et  elle  autorise  M.  PanlJanet,  son  president,  ii  laire  en  son 
nom,  auprts  do  I’autoriKi  supiirieure,  la  demande  et  les  diligences 
inicessaires  pour  obtenir  cette  reconnaissance. 

lille  decide,  en  outre,  que,  vu  i’urgence,  ii  sera  procddd  static* 
tenante,  a  la  redaction  des  Statuts  qui  se  composeront  des  articles 
les  plus  essentiels  du  r^glement  actuel. 

En  consequence,  M.  Ic  secretaire  general  procfede  i  la  lecture 
successive  des  differents  articles  du  reglement,  et  la  Societe  se  pro- 
nonce,  par  un  vote  special,  sur  chacnn  de  ceux  qui  doivent  faire 
partie  des  Statuts,  soit  avec  leur  redaction  actuelle,  soit  en  subissant 
quelques  modifications. 

Les  Statuts  adoptes  sont  ainsi  conqus  : 

TITRE  PREMIER.  —  BCT  DE  DA  SOCI^T^. 

Art.  La  Societe  a  pour  but  I’etude  et  le  perfectionhement  de 
la  patbologie  inentale ;  elle  comprend  dans  ses  travaux  toutes  les 
sciences  auxiliaires  qui  peuvent  en  favoriscr  les  progrfes.  Elle  s’oc- 
cupe  specialement  des  objets  suivanls  : 

1"  Patbologie  inentale  et  patbologie  du  systfeme  nerveux ; 

2“  Anatomie  et  physiologic  du  systbine  nerveux,  anatomie  patho- 
logique ; 

3"  Science  des  rapports  du  physique  el  du  moral ; 

Hygiene  morale,  education  ou  prophylaxie  de  Raiidnation  men- 
tale  et  des  ndvroses,  hygibne  penitentiaire,  dtudeS  historiques  sur 
les  maiadies  de  la  sensibilite  et  de  I’intelligence  ; 

5“  Assistance,  inedecinc  Idgale,  jurisprudence  et  statistique  des 

tilienes ; 

6“  Philosophie,  physiologie  psyChologique,  ethnologie,  histoire, 
Considdi-ees  dans  leurs  relatioBs  avec  la  science  des  rapports  du 
physique  et  du  moral. 

TITRE  II.  —  Composition  de  la  Society. 

Art.  2.  La  Socidte  se  compose  de  membres  titulaires  ou  rdsidants, 
de  membres  correspbndants  et  d’associds  dtrangers. 

-Art.  3.  Le  noinbre  des  membres  titulaires  est  lixd  i  quaranle- 
huir. 


480  SOtiifeTf:  MiEMc6-tSYcaotd6t(}l)E. 

Le  nombre  des  membres  corrpspondants  et  dcs  associ^s  Strangers 
n’est  pas  limits. 

Ari.  h.  La  Soci^ti;  pent  conKrer  le  litre  de  membre  honoraire 
aiix  membres  r^sidanls  aprfes  dix  ans  d’exercice,  et  lorsqu’ils  en 
font  la  dematide. 

Art.  S.'  ESI  admis  de  droit,  stir  sa  dcmande.  a  prendre  le  tiire  de 
membre  correspondant,  tout  raeinbre  titidairc  qui,  pour  une  cau.se 
qiielconque,  cesse  de  rdsider  dans  le  ddpartement  de  la  Seine.  II  est 
autorisd,  en  cas  de  retour,  ii  reprendre,  a  la  premiere  vacance,  le 
litre  qu’il  avail  h  I’^poque  de  son  ddpart,  aprfes  avoir  toutefois  prd- 
venu  la  Sociiltd  de  son  intention. 

TITRE  III.  —  Conditions  d’admissiojs. 

Art.  G.  Les  admissions  out  lieu  dans  la  forme  suivante  :  Tout 
candidal  au  litre  de  membre  residant  prdsenle  une  demaiide  par 
dcrit.  Cette  demande  est  lue  en  sdaiicc,  et  renvoyde  a  une  commis¬ 
sion  de  trois  membres,  qui  doit  faire  son  rapport  dans  un  ddlai 
ddtermind  par  la  Socidld.  Aprfes  avoir  entendu  le  rapport,  et  apre.s 
ddlibdration,  la  Socidtd  prucede  a  la  nomination,  qui  a  lieu  au 
scrutin  secret  cl  a  la  majoritd  des  suffrages. 

L’dlection  des  candidals  atix  litres  de  membre  correspondant  ou 
d’associd  dtranger  est  soumi.se  aux  mdmes  formalitds. 

Art.  7.  La  Socidtd,  sur  la  proposition  de  cinq  membres,  pent 
aussi  qonfdrer  directement  le  litre  d’associd  dtranger  a  des  savants 
ayanl  rendu  des 'services  dminents  ii  la  science.  L’dlection  a  lieu  a 
la  majoritd  absolue  des  membres  prdsents. 

TITHE  IV.  —  Organisation  do  bdread. 

Art.  8.  Le  bureau,  dlu  par  la  Socidld  en  .sdance  publique,  se 
compose  d’un  prdsident,  d’un  vice-prdsident,  d’tin  seerdtaire  gdnd- 
ra|,  de  deux  seerdtaires  particuliers  et  d’un  trdsorier-archiviste. 

Art.  9.  Le  bureau  est  chargd  de  la  direction  a  imprimer  aux 
travaux  de  la  Socidtd,  du  maintien  du  rdglement  et  de  tout  ce  qui 
concerne  I’administralion.  Ilddcide  des  convocations  auxassembides 
extraordinaires. 

Art.  10.  La  Socidld  publie  rdgulierement  le  Bulletin  de  ses  Ira- 
vaux.  Un  comitd,  dit  de  publication,  est  s'pdcialement  chargd  de 
revoir  tout  ce  qui  doit  dire  publid  au,  nom  de  la  Socidtd,  et  d’en 
surveiller  I’impression. 


STANCE  on  25  FfiVRIER  1867. 


481 


TITRE  V.  —  Travarx  de  la  Societe. 

Art.  11.  La  SocidlA  se  r<5unil  chaque  mois,  en  stance  ordinaire. 

II  pent  y  avoir  des  s6ance,s  exlraordinaircs. 

Art.  12.  Les  membres  litulaires  ont  seiils  voix  ddlibdralivn. 

Les  membres  honoraires,  correspondants  et  associds  dtrangers, 
ont  droit  d’assister  aiix  siianccs  et  de  prendre  part  aux  discu.s.sions. 

TITRE  VI.  —  Administration;  finances. 

Al  t.  13.  Les  membres  titulaires  el  les  membres  correspondants 
acquitlent,  apres  leiir  admission,  im  droit  de  diplbme  entre  les 
mains  du  trdsorier. 

Art.  14.  La  colisaliun  anmiellc  des  membres  litulaires  esl  de 
trente-six  francs,  an  moins. 

Art.  15.  Les  ressoiirces  de  la  Socidtd  .se  composenl : 

1“  Du  revenu  des  biens  el  valeurs  de  toute  nature  apparlcnant  a 
la  Societd ; 

2'>  Du  droit  d’admission  pour  les  membres  litulaires  el  pour  les 
correspondants  nationaux; 

3°  De  la  coiisation  payde  par  les  membres  titulaires  ;  le  montan  t 
on  est  fixd  par  la  Socidld,  siiivant  ses  besoins; 

4“  Du  produll  des  publications ; 

5”  Des  dons  et  legs  quo  la  Sor.idtd  est  autorisde  4  recevoir; 

6”  Des  subventions  qui  peuvcnt  lui  Sire  accorddes  par  I’fitat. 

Art.  16.  Les  fonds  libres  sont  placds  en  rentes  sur  I’Rtat. 

TITRE  VII.  —  Dispositions  G^NdnALES. 

Art.  17.  Un  rSglement  d’adminislration  intdrieure  ,  sonmis  4 
rapprobation  du  ministre  de  I’instruction  publique,  ddtermlne  les 
dispositions  de  ddtail  propres  4  assurer  I’exdcution  des  Slatuts. 

Art.  18.  La  Socidtd  peut  inslituer  des  prix  sur  des  sujets  en  rap¬ 
port  avec  ses  travaux. 

Art.  19.  En  cas  de  dissolution,  il  sera  statue,  par  la  Socidtd  con- 
voqiide  extraordinairement,  sur  I’emploi  des  fonds,  iivres,  etc., 
appartenant  4  la  Socidtd.  Dans  celle  circpnstance,  la  Socidtd  devra 
loujours  respecter  les  clauses  slipuldes  par  les  doiiateurs  en  prdvi- 
sion  du  cas  de  dissolution. 

La  Socidtd  ddcide  que  ces  Statuts  .scront  remis,  pour  mercredi 
prochain,  a  M.  Maury,  accompagiids  d’line  lelfrcdanslaquelie  scroll t 


482  SOCl£t£  MEDinO-PSYCHOLOGlQDE. 

indiques  :  la  date  d’origine  de  la  Soci(5ld,  ses  principaux  travaux,  son 
mode  de  publicity,  les  prlx  qu’elle  a  chargde  de  distribuei-,  les 
dons  manuels  quilui  ontdtd  ollerts  et  les  prornessesda  legs  qiii  lui 
ont  did  fades,  pourlecas  ou  elle  pourrait  Idgalenient  les  recevoir. 

La  Socldtd  autorise  le  irdsoriee  i  depeiiser  la  somrae  iiecessaire 
pour  faire  imprimer  ces  Slaluls  en  iiombre  sufflsant. 

M.  Jules  Falret  lit  le  rapport  suivant  siir  les  mdmoires  prdsetU^s 
au  toncours  pour  le  prix  Andr^. 

Rapport  fail  par  M.  Jules  Falret,  au  nom  de  la  commission  pour 
le  prix  Andre f  sur  la  manie  raisonnante. 


Voiis  avez  chargd  une  commission,  composde  de  MM.  Tr^lat, 
Brierre  de  Boismont,  Moreau  (de  Tours),  Legraiiil  duSaulleei  mol, 
de  Yous  rendre  comple  du  mdinoire  sur  la  manie  raisonnante 
envoyd  pour  concourir  au  prix  Andrd,  el  d’examiner  si  ce  prix 
devait  lul  fitre  ddcernd.  Nous  venons  aujourd’hui,  messieurs,  vous 
faire  part  de  notre  examen  et  de  la  determination  &  laqnelle  nous 
nous  sommcs  arretds. 

D4jii,  il  y  a  deux  ans,  messieurs,  vous  aviez  mis  an  concours  la 
mftme  question  pour  le  meme  prix,  et  une  commission  nommdepar 
vous  pour  juger  le  m^moire  unique  qui  vous  avait  did  adressd,  avail, 
par  Torgane  de  notre  honorable  vice-prdsident,  M.  Brocbin,  ddclard 
qu’il  ne  lui  paraLssait  pas  mdriler  le  prix,  et  vous  aviez  remis  la 
question  au  concours  pour  I’annde  snivanle. 

Cette  fois  dg4'Uemea.t„noiis  n’avons  requ  qu’un  seul  mdmoire ; 
mais,  aprfes  I’avoir  lu  attentivement  et  en  avoir  apprecid  les  diversea 
parlies,  il  nous  a  paruiassez  inidressauKet  assez  cdmpiei  pbtir  dtre 
j  ugd  digjie-  dldtrO'  couronnd. 

MaiSj,  ayant  de  vous.  proposer,  messieurs,  cetie  ddcision,  noiisi 
devonsivous  faire  connaltre,.  aussr  bnidvement  qiid  possible,. Ids  iddes, 
principales  ddveloppdes  dans  ce  travail  et  les  raisons  sur  lesqnelles; 
nous.croypns  devoir  appuyer  notre  ddtermination'. 

Le  mdmoire  qtie  nous  avons  requ-  pour,  le  prix  Andrd  est  com¬ 
pose  dp  deux  parties., 

Dans  la.premifere,  qui  contient:L74  pageSj  se  trou  vent.quinze  ob¬ 
servations  trds-ddtailldes  et  trds-intdressantes  de  manie  raisonnante, 
dont  douze  ont  did  recueillies  par  I’auleur  lui-mdme,  et  troisemprun- 
tdesdi  dlaulres .  sources. 

Ce  recueild’iObservations,  sur  une;  .siluatiop  mentale  si  ditflcile  4 


M.  a.  FALRET.  —  RAPPOllT.  .’iSS 

cai'act^riser  dans  I’dtat  actuel  notre  science  et  qui  ne  pent  fitre  s6- 
rieiisement  (?ludi(5e  qiie  par  la  voiecliniqiie,dlait  ddjii,  a  nos  yenx,un 
ntnii  ile  important  du  travail  que  nous  avions  A  examiner  et  devait  fitre 
pris  en  s^rieuse  consideration.  Mais  la  seconde  partie  de  ce  memoirc, 
qui  rcnferme  162  pages  el  qui  contient  i’histoii  e  de  la  manie  raison- 
nante,  telle  que  I’auteur  I’a  deduite  de  I’ctnde  attentive  des  observa¬ 
tions  pi-dcddentes,  nous  a  sembie  plus  interessante  encore,  par  les 
vuea  nonvelles  qu’elle  expose,  par  les  aperqus  ingenieux  qu’elle  de- 
veloppc,  el  par  la  parfaite  coordination  de  ses  diverses  parties,  qui 
concourent  toiites  a  la  demonstration  de  la  mfime  pensee  generale. 
On  pent  ne  pas  approuver  celle  doctrine ;  nous  vous  dirons  meme 
tout  ii  I’heure,  messieurs,  en  quo!  elle  nous  paralt  exageree  et  sys- 
temaiiquc,  inais  on  ne  pent  meconnaltre  le  talent  avec  lequel  I’au- 
teurdu  memoire  I’a  developpeeetles  preuves  cliniqiies  nombrenses 
qu’il  a  reunies  pour  cliercher  a  I’eiayer  sur  de  solides  fondements  ; 
alors  meme  qu’on  ne  partagerait  pas  ses  conclusions,  on  ne  pent 
s’empecher  de  constater  que  ce  travail  contient  beaucoup  d’idees 
jusles  el  qu’il  pent  servir  utilemeiit  aux  progres  de  la  science  sur  un 
eial  morbkle  qui  est  encore  aujonrd’hui  I'objet  de  tanl  dc  contro- 
verses. 

Le  meilleur  moyeu  de  vous  permettre,  messieurs,  d’apprdcier  le 
merite  de  ce  travail  cstde  vous  en  faire  connaltre  brifevement  les 
tendances  genfiralcs;  elles  peuvent  etre  facilement  resumdes,  puis- 
qu’elles  roulent  autour  d’nne  meme  idee  mferc  qu’il  suffira  de  vous 
exposer. 

L’auleur  du  memoire  que  nous  analysons  s’est  bien  rendu  compte 
des  diflicultds  cl  (le  l’(5tendue  de  la  question  qu’il  avail  a  trailer  ;  il 
u’a  pasreculd  devani  les  obstacles  et  il  les  a  abordds  de  front. 

11  s'est  d’abord  demands  ce  qu’on  avail  compris  jusqu’ici  sous  le 
nom  si  vague  de  folic  raisonnante,  et  il  a  commened  son  travail  par 
I’exposd  historique  des  opinions  des  auteurs  qui,  depuis  Pinel,  ont 
traild  de  ce  .sujet. 

Pinel  a  fail  de  la  manie  sans  ddlire  une  varidtd  de  la  manie.  Es- 
quirol  la  range  dans  la  monomanie  affective  et  pourtant  il  y  fait 
ligurer  des  monomanies  intellectuelles.  Prichard  la  considfere 
comme  une  espfece  de  folie  d  part,  sous  le  nom  de  folie  morale  ou  de 
folie  du  caraetdre,  qui  n’est  ni  la  monomanie  avec  ses  conceptions 
ddlirantes  ddterminees,  ;iila  mdlancolie  aveesa  tristesse,  nila  manie 
avec  sa  grande  excitation  et  son  incoherence,  ni  la  ddmence 
avec  sa  faiblesse,  ni  I’imbdcillitd  avec  ses  facultds  diminudes  ou 
nulles.  Marc  emploie  le  mot  de  monomanie  raisonnante  comme 
syiionyme  de  monomanie  avec  actes  raisonnds  et  motivds  par  le 


484  SOCl£r£  MfiDlCO-PSYCHOLOGlQUE. 

ddlire,  par  opposition  4  la  monomanie  instinctive.  Le  professeiir 
Griesinger,  dans  son  TraiKi,  nie  I’existence  de  celte  forme  de  maladie 
mentale  et  n’y  voit  qu’un  melange  de  faits  disparates  appartenant 
aux  formes  les  plus  diverses.  M.  Trdlat  se  borne  4  relater  des  faits 
Dombreux  et  trfes-curieux,  les  classe  dans  les  diverses  categories  ad- 
mises  de  la  classification  d’Esquirol  et  envisage  surlout  ces  faits  au 
point  de  vue  de  la  famille  et  de  la  socidtd.  M.  Morel,  eufin,  ouvre  line 
4re  nouvelle  en  rattachantla  folie  raisonnanle  aux  folicsheniditaires, 
et  en  faisant  ressortir  le  lien  dtroit  qui  I’unit,  dans  la  succession  des 
gdudrations,  4  rimbdcillitd  et  4  I’idiotisme.  Enfin,  Marcd,  en  quel- 
ques  ligues  qui  ddnotent  une  profonde  observation,  ddclare  que  la 
moitid  de  ces  faits  rentre  dans  la  manie  et  I’aiilre  moitid  dans  la  dd- 
bilitd  intellectuelle,  I’imbdcillitd  oul’idiotisme. 

J’ajoute  que  M.  Delasiauve,  en  ddlirnitant  encore  d’une  autre 
faqon  les  faits  de  folie  raisonnante,  les  range  dans  la  classe  des 
pseudo-raonomanes,  qui  ne  sont  ni  les  maniaques  avec  leur  ddlire 
gdndral,  ni  les  monomanes  d’Esquirol  avec  leur  ddlire  systdmatisd. 

Arrivant  aprds  les  mddecins  que  nous  venons  de  nommer,  I’au- 
tenr  du  mdmoire  que  nous  analysons,  s’appuyant  sur  les  observa¬ 
tions  qii’il  a  recueillies  et  sur  cellcs  qu’il  a  empruntdes  4  d’autres 
auteurs,  cherche  4  trouver  un  fil  conducteur  au  milieu  du  dddale 
de  ces  opinions  divergentes,  et  void  4  quel  rdsultat  il  est  arrivd  : 
II  faut  exclure,  dit-il,  du  cadre  de  la  manie  raisonnante  vraie, 
une  foule  de  faits  diffdrents  qui  ont  dtd  rdunis  arbitrairement  sous 
ce  mdme  nora  et  qui  doivent  figurer  dans  les  autres  catdgories 
de  la  classification  rdgnante,  c’est-4-dire  dans  la  mdlancolie,  la  mo¬ 
nomanie,  la  manie,  la  ddmence  ou  I’idiotisme. 

Mais,  aprfes  avoir  fait  cette  dlimination,  on  arrive  4  un  groupe  de 
faits  identiques,  ayant  des  caracteres  commons,  semblables  a  ceux 
relatds  dans  ce  mdmoire,  et  qui,  selon  lui,  mdritent  de  former  une 
espcce  4  part.  Ces  faits  appartiennent,  dit-il,  4  la  classe  des  ma¬ 
niaques,  puisque  ic  trouble  des  facultds  est  gdndral  et  n'est  pas 
limitd  4  quelques  iddes  ou  4  quelques  acles  ;  mats  14,  nc  doit  pas 
se  burner  I’analyse  de  ces  faits  spdeiaux  :  il  faut  remonler  plus  haut 
dans  I’dtude  des  facultds  Idsdes  et  dans  celle  de  I’origine  de  ces 
dtats  pathologiques;  on  arrive  alors  4  une  conception  plus  dlevde  et 
plus  vraie  de  la  nature  essentielle  de  la  folie  raisonnante  :  cette 
conception  est  celle  qui  a  ddj4  dtd  iniroduile  dans  la  science 
par  M.  Morel  et  qui  pent  se  rdsumer  dans  le  mot  de  ddgdndrescence. 
L’auteur  du  mdmoire  ddveloppe  et  prdcise  cette  idde  gdndrale 
e.n  s’appuyant  sur  I’observation  des  faits.  Pour  lui,  la  manie  rai¬ 
sonnante  repose  plutbt  sur  I’absence  de  certaines  facultds  que  sur 


M.  J.  FALUEX.  —  RAPPORT.  /|85 

leiir  desordre.  G’est  une  maladie  par  defaut,  pluldl  quepar  excfes  cl 
par  perversion  des  facultfis  humaines  ;  c’est  une  anomalie,  tine  dif- 
formit(5  mentale,  une  monslruositd,  plnidt  qu’une  perturbation  oii 
line  maladie  propremenldite.  C’cslun  vice  d’organisation  premiere, 
existant  des  I’enfance  et  se  ddveloppant  avec  TAge,  de  facon  h  foi  mer 
tin  dtat  mental  special,  qui  fait  parlie  intilgrante  de  i’individu  liii- 
jn6me,  et  se  pcrpelue  pendant  toute  sa  vie.  C’est,  en  iin  mot,  selon 
i’exprcssion  de  I’auleur,  une  idiotie  partielle,  c’est-k-dire  une 
absence  native  de  certaines  faeultds,  une  lacune  dans  I’orgajiisa- 
lion  psyciiique.  Les  fous  raisonnants  sont  des  fitres  incomplets, 
mal  nds,  ddfeclueux,  plutOt  que  des  malades  proprement  dits.  La 
maladie,  en  elfet,  est  un  fait  accidentel  qui  a  ses  prodromes,  son  inva¬ 
sion,  sa  pdriode  d'etat,  son  dvoiution  et  ses  termiuaisons  :1a  manie 
raisonnante,  au  conlraire,  est  une  anomalie  d’organisalion,  qui 
prendsa  source  dans  les  ascendants,  remonte  m6me  quelquefois  a 
plusieurs  gdnerations,  se  ddveloppe  progressivement  chez  I’individu 
depuis  sa  naissatrce,  sc  trouveintimement  lide  avecsa  nature  iniel- 
lectuelle  et  morale,  pent  bien  prdsenter  des  oscillations  el  des  degrds 
divers  d’intensitd  dans  ses  manifestations  pendant  la  vie,  mais  nait, 
se  ddveloppe,  vit  et  meurt  avec  lui.  C’est  une  vdritable  ddgdndres- 
cence  de  la  race  liumaine,  qui  a  perdu  ciiez  ces  individus  ses  plus 
nobles  altributs,  etqui,  alfaiblie  totalement  sur  certains  points,  prd- 
sente  encore  sur  certains  aulresson  ddveloppement  li  peuprds  nor¬ 
mal.  Avec  cette  conception  gdndrale  de  cet  dtat  tnaladif,  on  cora- 
prend  trds-bien  comment  la  loi  dtablie  par  M.  Morel  peut  dtre  vraie 
sympiomatiquement  et  patliogdniquement,  et  comment  les  folics 
raisonnantes  et  les  divers  degres  de  TimbdcilUtd  et  de  I’idiolisme  se 
trouvenl  lids  de  la  manidre  la  plus  inlime  dans  la  chalne  des  trans¬ 
missions  hdrddilaires.  Ces  dials  psychiques,  en  effet,  qui,  dans  la 
classification  acluelle,  sont  placds  aux  deux  extrdmitds  opposdes  de 
I’dchelle  patliologique,  les  uns  les  plus  voisins  de  la  raison  et  les 
autres  les  plus  rapprochds  de  la  nullitd  intellectuclle,  se  touchent, 
au  contraire,  de  la  faqon  la  plus  dvidente,  lorsque  Ton  se  place  au 
point  de  vue  deleur  nature  inlime  etdeleurorigine;ilsreprdsenlent 
I’un  et  I’autredes  vices  d’organisation  premiferc,  des  iacunes  ou  des 
absences  de  facultds  normales,  pluiot  que  des  perversions  de  facultds 
existantes. 

Mais  I’auleur  ne  se  borne  pas  a  dnonccr  cette  vue  d’ensemble  sur 
la  nature  intime  de  I’dlat  patliologique  appeld  manie  raisonnante ; 
ii  pousse  plus  loin  I’analyse  de  cette  idde  gdndrale,  et  Ton  peut  dire 
que  tout  son  mdmoiren’en  est  que  le  ddveloppement  et  laddmons-* 
tralion. 


486  SOClETfi  MEDICO-PSYCHOLOGIQnE. 

Pour  prdciser  davantage  cede  donn^e  pi  emifere,  il  commence  par 
tracer  un  tableau  psychologique  de  la  constitution  normale  de 
I'horame;  il  s’etforce  ensuite  de  rattacher  a  ce  tableau  physiolo- 
gique  les  d^fectuosit^s  ou  lacunes  de  facultfe  que  I’on  constate  cliez 
les  fous  raisonnaiits.  Gomme  la  plupart  des  psychologues,  il  divise 
la  constitution  psychique  de  I’horame  en  trois  grandes  categories  de 
facidtes  :  les  facultes  intellectuelles,  les  facultes  morales  et  la  vo- 
lonte.  Cette  dernifere,  dit-il,  est  indivise,  mais  les  deux  autres  se  sub- 
divisenten  plusieurs  facuites  secondaires  :  i’inteliigence  eii  me- 
moire,  imagination,  association  des  idees,  raisonnement,  jugcment 
ct  facultes  reflectives ;  les  facultds  morales  en  sentiments  ou  passions 
et  en  penchants  ou  instincts,  eic.  Or,  scion  lui,  ee  qui  manque  lo- 
talement  chez  les  alidnes  raisonnants,  cene  sont  pas  les  faculies  iiitel- 
lectuelles(^  I’exception  desfacultessuperieuresde  riillexion) ;  ce  ne 
sont  pas  non  plus  les  penchants  et  les  instincts  qui  sont  cliez eux  a 
peu  prfesi  I’dtat  normal ;ce  sont  les  facultds morales  siip^rieures  ou 
sentiments  lilev^s.  Ces  malades  n’ont  que  de  I’dgofsine  et  un  orgneil 
demesurd ;  ils  manquent  totalement  de  vdndration,  du  sentiment  du 
juste  et  de  rinjusle,,de  bienveillance,  en  un  mot  de  tous  les  pou- 
voirs  supdrieurs  qui  rendent  Thomme  sociable,  utile  ou  agrdable  ft 
ses  semblables.  De  Ift  vient  qu’ils  sont  incapables  de  vivre  en  socidtd, 
et  qu’ils  mettent  le  trouble,  la  guerre  et  le  ddsordre  partout  oh  ils  se 
trouvent,  C’est,  en  uu  mot,  une  maladie  du  caractfere,  tenant  ft  I’ab- 
sence  de  plusieurs  des  facultds  essentielles  de  I’espftce  bumaine,  de 
celles  qui  dlbvent  I’homme  au-dessus  des  animaux.  Ce  sont  des  hires 
incomplets  et  infhrieurs  privhs.  des  pouvoirs  les  plus  uoliles  et  les 
plus  hleves  de  I’humanith. 

Telle  est  I’idhe  genhrale  que  i’auteur  de  ce  mhmoire  s’est  faite 
de  la  constitution  mentale  des  aiihnhs  raisonnants.  Uecette  pensiSe 
dhrivent  tons  les  details  de  sa  description  et  autour  d’elle  se  con- 
cenlreni  loutes  ses  reflexions.  Aussi  ce  rndnioire  forme-t-il  un  tout 
homogfene  et  parfaiternent  harmonique,  oh  toutes  les  idhes  secou- 
daires  et  accessoires  convergent  vers  un  centre  et  un  but  communs. 

Ce  memoire  a  done  abordh  la  question  de  la  I'olie  raisonnante  par 
un  edit?  tout  nouveau.  U  mhrite  d’attirer  notre  attention  par  son 
originality,  et  11  nous  semble  de  nature  a  provoquer  de  nouvciles 
recherches  dans  un  .sens  difiyrent  de  celles  de  nqs  devanciers.  Ce 
point  de  vue  ghnyral  est  celui  auquel  s’est  dhjft  placd  notre  hono¬ 
rable  confrhre  M.  le  docteur  Morel ;  mais  i’anteur  du  mymoire  que 
nous  analysons  I’a  dh-velopph  dune  manihre  qui  lui  est  tout  ft  fait 
personnelle.  Au  lieu  d’^tendre  dymesuryment  la  sphhre  des  etats 
mhritant  le  nom  de  folie  raisonnante  et  del’absorber,comme  I’a  fait 


M.  4.  FAIiBET.  RAPPORT, 

M.  Morel,  dans  la  classe  si  vaste  des  folies  hdrdditaires,  11  s’est, 
an  contraire,  atiachg  &  en  rdtrddf  le  cercle  autant  que  possible 
et  a  n’y  comprendre  que  des  fails  de  ni6rae  nature  el  presque  iden- 
tiques  les  uns  aveq  les  autres.  II  esi  arrivd  a  conclure  que  la  manie 
raisonnante  ainsi  comprise  (c’est-a-dire  dabarrassde  de  tous  les  fails 
de  divers  ordres  quiont  did  a  tort  confondus  avec  elle),dtait  bjen 
rdellement  uneespfece  pathologiquea  part,  mdriiant  une  place  spd- 
ciale  dans  le  cadre  nosologique.  II  a  clierchd,  avec  une  vdritable 
habiletd,  a  justifier  celte  proposition,  en  ddcrivant  avec  soip  les 
symptdmes  inteliecluels  et  moraux,  les  sympibmes  physiques,  la 
marche.ranaioinie  paihologique,  le  pronoslic  et  le  traitement  de 
celte  forme  de  inaladie  rnentale  ainsi  ddlimitde.  11  en  a  dtabli  avec 
un  soln  scrupuleux  le  diagnostic  diffdrentiel,  et  il  s’est  efforcd  de 
prouver,  par  I’diimination  de  tous  les  dials  psychiques  qul  ne 
doivent  pas  Ini  apparicnir,  que  cetle  espdce  nosologique,  telip  qii’il 
I’a  conque,  n’est  ni  trop  restreinle  ni  trop  dtendite ,  et  ne  contient  rdel¬ 
lement  que  des  fails  du  mdme  ordre  et  de  mdme  nature.  Sur  ce 
point  pariiculier,  nous  ne  pouvons  dire  d’accord  avec  I’auteur  du 
mdmoire. 

Selon  nous,  la  folje  on  la  manie  raisonnante  ne  reprdsente  pas 
unp  forme  vraiment  naturplle  de  maladie  ipenlale.  Elle  p’est 
qu’un  dtat  symptomaiique  que  I’on  peut  rencontrer  dans  des  formes 
et  daps  des  pdriodes  tres-diffdrentes.  Mais  nous  nous  faisons 
un  vdritable  plaisir  de  recpnnallre  que  I’auteur  du  mdipoire  que 
nous  analysons  a  eu  parfaileraent  raison  d’en  restreindre  le  cadre 
au  lieu  de  rdteodre  ddmesurdment  comme  ses  preddcessevirs  ;  son 
diagnostic  dilldrentiel  par  dlimination  est  fait  ayec  beaucoup  d’art 
et  de  vdritd,  et  coptribuera  puissamment  it  ddbarrasser  rdtpde  de  ppt 
dial  de  tous  les  dldments  dtrangers  qp)  y  ont  did  successive  men  t 
introduits  deppis  I’dpoque  de  Pinel. 

Un  point  nous  paralt  sunout  attaqgable  dans  cede  ddlimiialion 
des  ca.sde  manic  raisonnante  ;  c’est  le  suivant  •  raulcur  adinet  qup 
chezles  alidnds  raisonnantslesfacultds  ep  ddfautsopt  lesseoiimenls 
nobles  eltdlevds,  mais  que  leurs  penchants,  en  gdodral,  ne  sopt  pas 
plus  ddvcloppds  que  cln  z  I’homnie  it  I’dtat  normal.  Or,  cette  dis¬ 
tinction  touie  psycliologique  nous  paralt  plus  thdorique  que 
praiiqpe.  L’antPur  a  le  Spin  d’ajouter,  il  est  vrai,  que  dans  quelques- 
Upes  pie  ses  observations,  il  a  consiatd  le  ddveloppement  exagdrd  du 
ppipthant  pour  les  bpissonset  du  penchant  sexuei.et  il  va  mdmejus- 
qu’a  faire  reposer  sur  ce  ddveloppement  secondaire  des  penchants 
une  yarldtd  de  la  manie  raisonnante.  Eh  bien,  robservation  clinique 
montre,  selon  pous,  que  ce  qu’il  regarde  comme  un  fait  secondaire, 


^88  SOCI&rfi  MfiDlCO-PSYCHOlOGIQUli. 

accessoire  et  assez  rare,  cst,  an  contraire,  Wqurnt  chez  les  ali^n^s 
raisonnanls  de  nos  asiles,  ainsi  qiie  chez  ceiix  qiii  sont  laissfe  en 
libertd  clans  la  socidtd.  Le  ddveloppement  exagfirfi  de  certains  pen¬ 
chants  coincide  sonvent,  chez  ces  ali^n^s  raisonnanls,  avec  la  nullity 
on  Ic  faible  cldveloppement  des  sentiments  supgrieurs;  ce  fait  doit 
done  figiirer  comme  filtSment  principal  dans  la  caracitiristiqiie  de 
la  folie  raisonnantei  an  inSme  litre  que  le  ddveloppement  exagtire 
de  I’amour-propre  et  de  I’dgoistne,  sur  lesqiiels  noire  auteur  fait 
surtout  reposer  la  definition  de  celle  malaclie. 

Les  memos  reflexions  peuvent  s'appliqiier,  selon  nous,  a  ce  que 
dit  I’auteur  sur  I’etat  de  I'intelligence  chez  les  alienes  raisonnanls. 
Ainsi  que  la  plupart  des  auteurs  qui  ont  iraite,  avant  lui  de  la  folie 
raisonnanie,  il  regarde  la  lesion  des  facultes  intclleclueiies  comme 
rare  et  pen  importante  dans  cette  forme  de  maladie  mentale  ;  pour- 
tan  t  il  avoue  que  ces  alienes  pfeclicnt  presque  lous  par  I’ahsence 
des  facultes  refleclives  (ce  qui  est  deja  une  lesion  par  defaut  des 
facultes  intclleclueiies) ;  de  plus,  il  ajoute  que,  chez  certains  de  ces 
malades,  I’intelligence  est,  dans  son  ensemble,  frappee  d’une  ciebi- 
lite  manifeste,  et  que  ces  eiats  se  rapprochent  ainsi  par  ce  cOte  de 
celui  des  faibles  d’esprit  on  de  certains  imbeciles  a  divers  degres. 
Pourfaire  une  analyse psychologique  complbiedela  situation  mentale 
des  alienes  atteinls  de  manie  ralsonnante,  ii  faut  done  faire  porter 
son  observation  a  la  foissur  les  trois  parties  principales  de  I’Ame  hu- 
niaine,  sur  la  faiblesse  des  sentiments  moraux,  sur  I’exageration 
maladive  de  certains  penchants,  et  sur  I’affaiblissement  plus  ou 
moins  marque  de  I’intelligence,  laquelle,  malgi-e  quelques  aptitudes 
remarquables  partielles,  doit  fitre  consideree  comme  tres-souvent 
alteinte  d’un  degre  notable  de  debilite,  lorsqu’on  I’envisage  dans  son 
ensemble.  Il  faut,  en  un  mot,  examiner  la  totalite  de  I’etat  mental 
du  malade,  sous  le  triple  aspect  de  sa  vie  intellectuelle, morale  el 
instinctive,  et  baser  les  espbees  morbides  sur  I’enserable  de  ces  le¬ 
sions  et  non  sur  la  Idsion  exclusivede  I’uneohdel’aiitre  de  ces  forces 
primitives  de  I’Ame  humaine.  L’auteur  du  mdmoire,  en  donnant  de 
la  manie  ralsonnante  une  ddflnition  trop  restreinte  et  trdp  rigou- 
reusementlimitde,  a  done  trop  recherchd  la  rigueur  et  la  precision 
dans  un  sujet  qui  ne  les  comporle  pas  a  ce  degrd. 

Ii  a  fait  un  travail  systenialique.  des  divisions  thdoriques  et  de 
cabinet,  plutdt  que  des  distinctions  cliniqnes  idsullanl  directemenl 
de  I’dlude  mfime  des  malades.  S’il  avail  observd  un  plus  grand 
nombre  d’alidnes  raisonnanls,  au  lieu  des  quinze  observations  qiii 
servent  de  base  a  son  mOmoire,  il  ne  se  seraii  pas  sans  dome  arrfitd 
a  ces  divisions  et  i  ces  limitations  exclusivcment  psychologiques.  II 


M.  J.  PALREV.  —  UAPPOHT.  /jSg 

atu’ait  compi'is  que  I’exageraiioii  de  quelques  penchants  et  un  cer¬ 
tain  degrg  d’afTaiblissenient  de  I’inlelligence,  doivent  figurer,  A  tiire 
d’dlfiments,  pent  Atre  snbordonn^s  inais  non  tout  A  fait  acces- 
soires,  dans  la  dAflnilion  de  cet  dtat  pathologique,  et  que,  par  conse¬ 
quent,  au  lieu  d’en  limiter  le  cerde  anssi  rigoureusement  qu’il  I’a 
fait,  il  serait  plus  cliniqtie  et  plus  pratique  de  rdtendredavanlage,  en 
y  compreiiant  egalement  quelques  faits  qn’il  en  a  exclus  pour  les 
classer  dans  la  monoinanie  instinctive  on  dans  les  divers  de- 
grds  de  I’imbecilliie,  A  cause  de  I’aflaiblissement  de  I’intelligence. 
Ainsi  done,  meme  en  se  placant  au  point  de  vue  de  rauteur,  et  en 
admettant  avec  lui  I’existence  d’une  forme  speciale,  miiritant  d’etre 
conservee  dans  la  science  sous  le  nom  de,  manie  raisonnante,  il 
conviendrait,  selon  nous,  d’en  agrandir  le  cercle  plus  qu’il  ne  I’a 
fait,  en  tenant  comptede  deux  elements  symplomati(|ucs  frequents, 
qu’il  a  trop  negliges  :  le  developpement  maladif  de  quelques  pen¬ 
chants,  et  mi  degre  plus  ou  moins  prononce  dedebilite  de  I’intelli- 
gence  envisagde  dans  son  ensemble. 

Les  m6mes  reflexions  critiques  doivent  s’appliquer,  selon  nous,  A 
un  autre  element  du  diagnostic  differentiel  de  I’auteur ;  nous  vou- 
lons  parler  de  I’observaiion  trfes-exacte  et  pleine  de  nouveante,  qu’il 
a  faite  de  quelques  alienes,  caracterises  par  lui  du  nom  d'alienes  ra- 
bougris,  et  qu’il  rapprochedesmaniaquesraisonnanis,  tout  en  cher- 
ehant  A  les  distinguer  par  des  caractfcres  differentiels.  Cette  obser¬ 
vation  n’est,  selon  nous,  que  la  consequence  naturelle  de  I’idee 
premiAre  de  I’auteur,  qtii  I’a  porte  A  en-visager,  avec  iVI.  Morel,  la 
manie  raisonnante  comme  une  degenerescence  de  I’espAce  et 
non  comme  une  maladie  menlale  propremen  t  dite.  Dans  les  cas 
qu’il  conserve  dans  le  cadre  de  sa  manie  raisonnante,  if  ne 
conslate  qu’une  diminulion  habituelle  dans  le  volume  de  la  tfite, 
et  il  ne  note  pas  beaucoup  de  signes  de  deviations  physiques  du 
type  habituel  de  I’hnmanitd;  mais  il  ajoute  qu’il  esi,  dans  les 
asiles  d’aliends,  d’autres  individus  qui  joignent  A  la  degdndrescence 
morale  et  intellectuellc  dcs  maniaques  raisonnants  une  ddgdneres- 
cence  physique,  don t  la  taille  estdiminude,  qui,  en  un  mot,  sont 
rabougrisel  presentent.  mAme  quelquefois  une  disposition  plus  ou 
moins  prononcee  A  la  sidrilitd.  Or,  apres  avoir  mentionnd  cette 
observation  si  juste  et  si  vraie,  et  apres  avoir  signald  les  analogies 
norabreuses  qid  existent,  au  point  de  vue  moral  et  intellectuel, 
entreces individus  ctlrsmaniaques  raisonnants,  ilconclutndanmoiiis 
qu’ils  doivent  fiire  considdrds  comme  appartenant  A  deux  categories 
difl’drenies,  et  il  recherche  entre  eux  les  elements  d’un  diagnostic 
difl’ereniiel. 


490  SOCI^Tfi  MfiDICO-PSYCHOtOSIQUE. 

Je  veux  bieo  adraettre  qu’ils  peuvent  constituer  deux  varWtds 
dans  I’espfece,  mais  non  un  type  loiit  a  fait  distinct.  II  est  beaucoup 
plus  i-ationnel  de  ne  voir  entre  eux  qiie  des  difKrences  de  dcgi  ds.  et 
d’dtablir  comine  une  dchelle  descendante,  depuis  les  fous  raison- 
nants  intelligenlSj  jusqii’aux  simples  d’esprit  et  aux  imbdciles  con- 
servant  encore  quelques  facnllds  intelleclnelles  brillanteSj  au  milieu 
d’une  intelligence  atl'aiblie  dans  son  ensemble. 

Un  autre  reproche  que  nous  devons  encore  ailres.ser  au  diagnostic 
diii'drentiel  dtabli  dansle  mdmoire  dont  nous  parlonsi  c’est  de  ne  pas 
avoir  posd  une  distinction  assez  tranciide  entre  i’dtat  normal  el 
I’dlat  maladif.  Notre  auteur  a  cldcrii  la  folie  raisonnante  comme  une 
dltdration  dii  caractdre,  sans  insister  sur  les  traits  vraiment  patlio- 
logique.s  qui  peuvent  permeitre  au  mddecin  expdrimenld  de  la  dis 
llnguerd’un  caractfere  normal.  11  a  parld  de  I’dgoisme  etde  I’orguell 
des  maniaques  raisonnants, comme  il  aurait  parldde  ceux  de  certains 
hommes  qui  ne  sont  nullement  regarclds  comme  des  alidnds.  Or,  la 
ddlimitation  entre  I’dlat  normal  et  I’dtat  maladif  est  la  vdritable 
diiticultd  pratique  que  prdsente  lii  question  de  la  folie  raisonnante, 
par  consequent,  le  point  sur  lequel  devrait  surtout  insister  tout  au¬ 
teur  ayanl  pour  but  de  faire  progresser  I’dtude  de  ce  sujet  si  difficile 

Ndanmoins,  malgre  ces  observations  critiques  que  nous  avons  cru 
devoir  adresser  h  I’auteur  de  ce  mdrnoire  et  qui  nous  ont  paru  im- 
portantes,  parce  qu’elles  portent  sur  les  principes  et  non  sur  quelques 
points  secondaires,  nous  sommes  henreux  de  pouvoir  le  fdliciter, 
pour  le  soin  et  la  persdvdrance  avec  lesquels  ont  dtd  accomplies  ses 
recherclies,  et  pour  les  vues  originales  et  nouvelles  qu’il  a  exposdes 
dans  ce  travail.  Alors  mSme  qu’elles  seraient  irtexactesou  exagdrees 
sous  certains  'rapports,  elies  pre.sentent  neamnoins  beaucoup  de 
verite;  elles  peuvent  coiitribuer  h  faire  reflilchir  ceux  qui  vien- 
dront  aprfes  lui,et  elies  serviront  certainemeiit  ii  operer  un  pro- 
gresdans  I’etude  si  difficile  de  la  folie  raisonnante.  Nous  aurions, 
sans  doute,  it  signaler  dans  ce  mdmoire  des  laCunes  ii  combler 
el  des  complements  que  I’auteur  poiirrait  y  ajoiiter;  mais  les 
efforts  qu’il  a  dejii  deployes  nous  sont  un  sffr  garant  qu’il  en  fera 
encore  de  nouveauxpour  ameiiorer  son  travail,  avant  dele  livrer  k 
la  publicite.  Nous  sommes  convaincus  surtout  qu’il  tirera  un  grand 
parti  des  documents  nouveaux  qui  i-esulteront  pour  fetude  de  cette 
question  si  compliqude  de  la  discussion  actuelleraent  pendante  dans 
notre  Societe. 

Nouspensone  done,  messieurs^  que  cememoire,  sagement  pense, 
convenablement  ecrit  et  dont  loutes  les  parties  sont  harmonique- 
ment  coordonnees,  constitue  une  bonne  etude  sur  la  manie  raison- 


M.  4.  FAJLBET.  —  RAPPORT. 


491 


nante.  Les  observations  qu’il  conlient  sont  tres-inl6ressantes  et 
deviendront  des  documents  utiles  4  consulter  pour  tous  ccux  qui 
seroot  appel^s  4  juger  cliniquement,  ou  au  point  de  vue  mddico- 
legal,  ces  cas  si  embarrassants ;  enlin,  ce  m^moire  a  le  mdrile 
rare  de  contenir  des  vues  neuves  et  originales  bien  exposdes  et 
appuyfies  de  preuves  s4rieuses  et  solides.  A  tous  ces  points  de  vue, 
messieurs,  il  nous  paralt  digne  d’etre  recompense,  et  nous  venons 
vous  proposer  de  lui  accorder  le  prix  Andre,  que  la  Societe  inedico- 
psycliologique  est  chargee  de  decerner. 

M.  Delasiauve.  Toulen  m’associant  aux  conclusions  du  rapport, 
je  desire  faire  des  reserves  siir  les  bases  meines  du  indmoire  que 
Ton  nous  propose  de  couronner,  et  dans  lequel  la  manie  raison- 
nante  est  consideree  comme  uiie  raaladie  du  caract4re. 

M.  Jules  Falret.  J’ai  fait  raoi-meme,  dans  mon  rappori,  des  id- 
serves  sur  ceite  doctrine  et  sur  d’autres  parties  du  travail  dont  je 
rendais  compte.  11  est  bien  entendu  qu’tin  indmoire  pent  fitfe  cou- 
ronnd  par  une  Societd,  sans  (jue  celle-ci  pariage  touies  les  opinions 
qui  y  sont  dmises. 

Les  conclusions  du  rapport  sont  adoptdes  et  le  rapporteur  fait 
connaitre  le  noiii  de  I’auteurdu  mdmoire  couronnd. 

En  consequence,  leprix  Andrd,  delOOO  francs,  est  ddeernd  4M.  le 
docteur  Campagne,  mddecin  en  chef  de  I’asile  public  d’alidnds  de 
Montdevergues,  prfes  d’ Avignon. 

L’ordre  du  jour  appelle  la  discussion  sur  le  projet  d’une  rdunion 
internationale  de  mddecins  alidnistes  et  de  psycliologues,  a  Paris,  en 
1867,  et  sur  le  rapport  lu  sur  cetle  question,  par  M.  Foville,  dans  la 
seance  du  24  ddeembre  dernier. 

Les  dilfdrentes  resolutions  proposdes  4  la  fin  de  ce  rapport  sont 
successivement  rnises  aux  voix  et  adoptdes  avec  quelques  modifica¬ 
tions  jieu  imporlantesi  (Voyez  le  procds-verbal  de  la  sdance  du  24  dd¬ 
eembre,  oil  elles  soni  rapporldes  avec  les  modifications  votdes  par 
la  Socidtd.) 

Sont  designds  comme  inembres  de  la  commission  ad  hoc,  chargde 
d’aider  au  besoin  le  bureau,  pour  statuer  sur  les  demandes  d’ad- 
mission,  MM.  Baillarger,  Brierre  de  Boismont,  Jules  Falret,  Lunier 
et  Louis  Peisse. 

La  sdance  est  levde  4  six  heures. 


KEVUE  DES  JOURNAUX  DE  MEDEGINE. 


JOURNAUX  FRANQAIS. 

Anniilcs  d’h^gicnc  pnbltquc  ct  dc  nicdccinc  legale. 

TOME  XXVI. 

De  V extinction  de  la  pellagre,  h  propos  da  dernier  ouvrage 
de  M.  Th.  Roussel,  par  M.  Vernois. 

II  est  uiie  branche  de  I’hygi^ne  que  M.  Vernois  appellerait  voloii- 
liers  hygiene  Internationale ,  donl  beaucoup  d’eMemenls  existent 
dpars,  mais  qui  n’ont  pas  encore  ele  rduiiiscn  corps  complet  de 
doctrine  :  «  C’est  5  tin  chapiire  de  ce  grand  et  nouveau  traitii  d’hy- 
n  gifene  qu’appariiendrait,  dit-il,  Particle  que  je  viens  d’dcrire  stir 
»  I’extinction  de  la  pellagre.  » 

Aprfes  une  esquisse  rapide  de  cette  maladie  singulidre  et  bizarre 
entre  toutes,  M.  Vernois  dtablit  qu’il  y  a  peu  d’anndes  encore,  elle 
diait  ii  peu  pres  inconnue  en  France ;  il  fait  Pbistoriqiie  de  ses  pro- 
gr6s  et  indique  ses  liiiiites  actuelles. 

De  ce  que  la  pellagre  ne  .se  rencontre  pas  partout,  de  ce  que  les 
barrltrcs  qui  renferment  ne  sont  pas  infranchissables,  il  conclut 
qu’elle  ddpend  de  causes  purement  locales,  et  que  ces  causds  peu- 
vent  se  produire  d’un  moment  a  I’autre  dans  des  localitds  oii  elles 
n’avalent  pas  antdrieurement  existe  :  « Il  importe  done,  ajonte-t-il, 
»  de  chercher  avec  soin  quelles  elles  peuvent  fitre,  car,  dds  qu’on 
»  les  connaltra  parfaitemeni,  il  sera  peut-dtre  possible  de  les  faire 
»  naitre  on  disparaltre  a  volonte.  » 

Pour  Pauteur,  les  points  bien  acquis,  Men  demontris,  et  sur  les- 
quols  on  pent  se  fonder  pour  arriver  h  ddcouvrir  la  vdritable  cause 
de  la  pellagre  reelle,  indiscutable,  sont  les  suivants : 

1"  Cette  maladie  ne  se  montre  que  dans  une  certaine  zone  bien 
ddlimitde  du  territoire. 

2”  Elle  n’existe  que  la  oCi  Pon  cultive  le  mais. 

3”  Elle  ne  se  montre  pas  la  oil  le  mais  est  expose  natnrellement 
aux  ardenrs  d’un  soleil  brfllant,  ni  IS  oil  aprfes  la  rdcolte  on  a  eu 
soin  de  lui  faire  subir  une  sorte  de  torrdfaction. 

[\°  Elle  apparatt  au  printemps  ou  au  commencement  de  Pdtd. 
C’est  alors  que  I’on  voit  survenir  des  rdcidives  ou  des  rechutes  cliez 
les  indivldus  qui  en  ont  dtd  ddjS  antdrieurement  alfectds. 

Du  rapprochement  de  ces  quatre  propositions,  il  rdsulte  ‘que 


ftEVOE.  JDES  JOURNAUX  DE  MEDECIINE.  493 

I’Usage  alimentaire  du  mais  alt6r6  doit  6tre  considdre  Comme  la 
cause  de  la  pellagre,  et  que  cette  alteration  doit  6tre  susceptible  d’etre 
empfichee  par  Taction  du  soleil  on  du  feu. 

Or,  la  modification  morbide  que  subit  ici  le  mats  est  certaine  :  le 
Sporisorium  mat'dis,  connu  sous  le  nom  vulgaire  de  verderame  ou 
verdet,  que  M.  Costallat  regarde  comme  un  champignon  pemciHiMm 
dont  Tespfece  radrite  doiiblement  le  qualificatif  de  perniciosum,  en 
est  Tagent  direct ;  il  remplit  toutes  les  conditions  exigdes,  et  c’est  lui 
qui,  en  dernifere  analyse,  doit  etre  considdre  comme  la  viritable 
cause  de  la  pellagre. 

Nous  ne  suivrons  pas  le  savant  hygieniste  dans  la  critique,  peut- 
etre  un  peu  severe,  qu’il  fait  des  travaux  de  Landouzy  et  de  notre 
savant  collfegue  M.  Billod,  sur  ce  snjet  epineux  :  M.  Vernois  arbore 
carrdment  les  couleurs  de  M.  Th.  Roussel  sur  Teiiologie  de  la  pel¬ 
lagre,  et  cedes  de  M.  Costallat  sur  sa  prophylaxie. 

I'itant  admis  que  la  pellagre  est  due  exclusivement  a  Tusage  du 
mais  d^naturd  par  le  verdet,  il  suilirait,  en  edet,  pour  faire  dispa- 
raltre  entiarement  cette  maladie,  de  s’opposer  non-seulement  a  la 
consommation  des  grains  altards,  mais  a  la  production  des  crypto - 
games,  en  iniitant  les  Bourguignons  et  les  Francs-Gomtois  qui  les 
torrdfienl  au  moment  de  la  recolte. 

M.  Vernois  rappelle  que,  dans  ce  but,  M.  Costallat  a  demandd 
que  des  fours  aerothermes  soient  dtablis  dans  les  communes  rava- 
gdes  par  la  pellagre,  et  que  la  torrdfactioii  du  mais,  conseillee  par 
f  autorite,  soit  d’abord  executde  gratuitement ;  il  s’etonne  qu’une 
idde  aussi  ingdnieuse,aussi  logique,  aussi  pratique  mSme,  ne  se  soit 
pasddja  etdepuis  longtemps  rdalisde,  car  de  sa  realisation  depend 
I'extinction  complete  de  la  pellagre.  a  Cette  pensde,  dit  Tdmincnt 
»  bygidniste,  en  terminant,  me  reporte  naturellement  aux  considd- 
»  rations  prdliminaires  dont  j’ai  fait  prdcdder  cet  article  :  la  pellagre 
»  est  unc  de  ces  maladies  que  les  mddecins,  et  parmi  eux  surtout, 
»  MM.  Roussel  et  Costallat,  auront  appris  h  exterminer,  mais  qui 
»  ne  disparaitra  qu’a  Tdpoque  ou  tous  les  gouvernements  civilisds 
I)  s’entendront  pour  protdger  et  populariser  les  mesures  propres  a 
I)  empdeher  le  ddvelopperaent  du  verdet. » 

■.’Union  niedlcalc. 

TOME  XXIX. 

1“  Observation  d’aphasie ;  note  lue  i  la  Socidtd  mddicale  des  h6pi- 
taux,  le  10  janvier  1866,  par  M.  Archambault,  mddecln  de  la 
Salpdtridre. 

Monlfort(Thdodore),agd  de  soixante-cinq  ans,  cordonuier,  ne  sa- 
ANNAL.  MdD..psycH,  4"  sdrie,  t.  IX.  Mai  1867,  8.  32 


4%  REVUE  DES  JOURNADX  DE  MfiOECINE, 

chant  ni  lire  ni(fcrire,  a  m  adraisatix  Incurables,  le  10  janvier  1865. 

Deux  uiois  aprbs  une  pneumo-h^morrhagie,  dont  il  se  remei 
(novembre  18G3),  cet  homme  s’alite  pour  dcs  colique.s;  dans  la 
sbir6e,  il  se  Ifeve  «  comme  ivre,  h^bbld  et  parlant  peu  »,  il  se  re- 
couche  et)  dans  la  nuit,  se  reveille  ayanl  le  bras  droit  paralyse  i  on 
lui  parle,  maisil  ne  rbpond  que  oui  et  non,  indiUbrenimeni,  quel  qne 
soit  le  motif  de  I’interrogation. 

Un  peu  plus  tard,  la  jambe  droite  est  paralysiie  h  son  lour^  et  la 
bouche  est  dbvibe  &  gauche  :  i  partir  de  ce  moment,  le  malade 
cesse  de  repiiter  om  et  non,  et  les  mots  je  m’en,  qu’il  pfononce 
comme  un  seul  mot,  sont  la  r^ponse  invariable  qu’il  fait  a  tomes 
Ins  questions,  d’od  lui  vient  le  sobriquet  de  Pere  je  m’en. 

Au  mois  de  mai  1864,  nouvelle  aitaque  :  la  paralysie  qui,  peu  ii 
peu,  s’dtait  am^liorbe,  s’aggrave  ISgferement ;  I’aphasie  reste  la 
mOme  jusqu’ii  la  mort,  qui  a  lieu  le  2  janvier  1886. 

Montfort  paraissait  habituelleraent  trfes-libb^tb,  nbanmoins,  sui- 
vant  I’anleur,  il  s’est  toujours  montrb  sensible  aux  menaces  et  aux 
bonnes  promesses;  «il  estincon  testable  que  s’il  avait  oublid  les  mots, 
il  comprenait  trds-bien  le  sens  des  paroles  qu’il  entendait  ».  La 
langue  n’diait  pas  paralysde ;  le  malade  I’agitait,  mais  sans  pouvoir 
la  faire  sortir  de  la  bouche ;  pas  de  ddviaiion  de  la  luetle. 

Autopsie.  —  La  troisihme  circon volution  du  lobe  gauche  est  dd- 
truite  commd  si  la  substance  cdrdbiale  avait  did  enlevde  avec  un 
emporte-pidce ;  11  y  a  li  une  excavation  qui  coniient  aisdment  le 
jibude  et  doiit  t’iiildrieuret  lesbotds  soiit  de  couleur  yuune  pdle. 

En  arridre  de  cette  Idsion,  existaient  quelques  circonvoluiions 
llllactes,  mais  en  arridre  encore  de  cellds-ci,  loutes  les  circonvolu- 
lionsqul  constituent  la  masse  postdro-laidrale  de  rhdmisphdre  sont 
ddtruites;  les  membranes  d’enveloppe  du  cervean  contiennent  un 
liquide  aqueux  jaundtre  ;  I’ensemble  prdsente  une  coloration  jati- 
natre  pins  fonoie  que  celle  de  la  Idsion  de  la  troisidme  circonvolu- 
tion  ;  le  ventricule  paralt  intact,  exceptd  le  corps  Strid  qui  semble 
avoir  dtd  Inflltrd  de  sang. 

Si, dans  ce  cas,  I’aphasie  dtait  complete, « elle  avaitrinconvdnieni, 
suivant  la  remarque  de  M.  Archambault,  d’etre  unie  5  une  hemi- 
pldgie  prononcde.  Ce  qui  pouvait  m6me,  pendant  la  vie,  faire  con- 
clure  que  s’ll  exislait  une  Idsion  du  point,  quel  qu’il  soit,  qui  peut 
lenir  le  langage  articuld  sous  sa  ddpendance,  cette  Idsion  serail  lide 
adX  altdratious  qul  produisent  la  paralysie  de  la  sensibllifd  et  du 
ttiouveraent  a.  C’est  elTecliveinent  ce  qui  a  en  lieu  et  ce  qui,  de 
I’aveu  de  noire  distingud  confrdre,  empdche  I’obserVation  d’etre 
concluante,  bien  que,  toutefois,  elle  soit  bonne  a  enregistrer. 


JOIJBNAtX  FRANCAlS.  UW 

2“  RdfnolliSsimimt  eiribrdl  dnc'ien  dveG  embatras  de  let  pdroki  — 
RamolHsssmGnt  cerebral  ricen't.  —  Caillot  ancien  dans  I'auri- 
cule  gauche.  —  Infarctus  de  la  pdroi  du  ventricule  gauche  du 
caeur  adineidant  avec  I’exislence  d'un'caillot  ancien  dans  I'uhe 
des  arUres  cwonairesi  Rupture  de  cet  infarctus  dans  la  oa- 
viii  du  ventriGUle  ef  dans  la  caviti  du  peHcarde.  Hirrmrrha- 
gie  ddns  la  cdvilG  du  pMcarde-,  par  M.  VUlpian^  mSdeoih  de  ia  . 
Salpfitrierei 

La  note  oCt  cede  observation  est  relaiee,  a  (516  lue  par  I’auteur  a 
la  Sbf.itSte  iiiMiciile  defe  hPpitaux,  le  2iijarivici'  1856.  Sonobjet  pfin- 
dpal  b’esi  pas  d’atlirer  I'atientibn  sbr  I’apliilsie,  til  rneme  AUr  les 
bisions  c6r6brales  graves  qu’clle  constate;  cbpendaiit,  rapproCh6e 
du  travail  de  M.  Archambaultj  elle  nous  semble  encore  presenter 
un  certain  inl6ret  special.  JSous  signalerons,  eii  ell'et,  parmi  les 
lesions  anciennes,  causes  probables  de  I’embarras  de  la  parole,  un . 
vasle  raniollissement  de  la  seconde  et  de  la  troisibme  clrcon volution 
frontale  du  edte  gauche,  et,  parmi  les  lesions  recentes,  un  raniol- 
lisseraent  de  la  troisieme  circonvolntion  du  cote  droit  et  de  la  partie 
voisinedes  circonvolutions  de  I’insula. 

TOME  XXX. 

1“  Traitement  curatif  de  I’epiiepsie;  bote  de  M.  iedbtleur  Siby, 
signalant  «  un  employe  d’un  Sge  mdr,  epileptlque,  expose,  par 
son. travail,  aux  emanations  journaii6res  d'une  usine  it  gaz  de 
province,  comme  se  disant  gueri  de  son  mal  depuis  plusietirs 
annees,  grace  a  ceite  circonstance  fortulte  » .  Pas  de  renseigne- 
meuts. 

2°  PafapUgib  ndvtomdtique ;  observaiidn  recueillie  a  I’bdpital  de 
Middlesex  et  presentee  8  la  uejal  itiedi  arid  chiK  Soaiety  of 
London,  le  23  jahvie^ratUiiie  pat  le  dottetif  P.  d. 

C’est  I'histoire  d’Un  malade,  age  de  sbixanle-cinq  ans,  (rune 
excelletite  sahte  jusqu’a  trente-bnit,  qui,  pendant  trois^mfiees  toti- 
sefcutives,  epi’ouva  one  difiiinulion  gcaditelle  de  ses  fordesj  puls  Uiie 
abolition  progressive  dU  inoltveirient  datis  les  m6rnbreSMn1’erietirs,  se 
rerminant  par  tine  parapl6gie  cbrtipiete  avec  deviation  de  la  colonne 
vertebraie  et  la  morti 

En  Ouvrabt  le  canal  rachidlen,  bn  trolivti  titi  tioiribte  considet^ 
table  de  tuiiienrs  sut  le  trajet  des  herfs  qUl  se  detacbeilt  de  la 
moelle  ;a  la  region  cervicale,les  plus  grosses  atteignaient  le  volume 


496  REVUE  DES  JOURNAUX  JjE  MfiOEClNE. 

d’une  noix,  comprimant  la  moelle  atrophWe  et  ramollie  en  ce  point ; 
ailleurs  les  ndvromes  naissant  sur  les  racines  des  nerfs,  prgsentaient 
I’aspect  d’un  veritable  chapelet. 

Une  tumeui-  observde  pendant  la  vie,  au-dessous  du  ligament  de 
Poupart,  n’dtait  autre  qu’un  ndvrome  du  nerf  crurarrenfermd  dans 
une  capsuie  flbreuse ;  il  prdsentait,  h  la  coupe,  I’aspect  d’une  tu- 
meur  fibreuse,  creusde  de  kystes  de  volume  variable;  le  plus  gros 
dtait  rempli  de  caillots  sanguins  a  peine  organises,  le  second  ’ d’une 
substance gfilatinetise,  et  les  autres,  plus  petits,  de  s^rositd  claire. 

3"  Note  sur  la  sclerose  en  plaque  de  la  moelle  ipiniere,  lue  A  la 

Socidtd  mddicale  des  hdpitaux,  le  9  mai  1866,  par  M.  Vulpian, 

mddecin  de  la  Salp6trifere. 

Nous  avons  rendu  compte  (novembre  1866)  d’un  fait  de  sclerose 
des  cordons  latiraux  de  la  moelle  epiniere,  publid  par  M.  Charcot ; 
«  mats  la  scldrose,  dit  M.  Vulpian,  pent  encore  se  presenter  a  I’ob- 
servateur,  sous  une  autre  forme  anatomique  :  celie  des  plaques  plus 
ou  moins  dtendues.  TantOt  il  n’y  a  qu’une  seule  plaque  de  scldrose, 
d’ordlnaire  il  y  en  a  plusieurs  qui  n’affectent  aucuii  ordre  recon- 
nalssable  dans  lour  distribution.  Ces  plaques  portent  lei  sur  des 
faisceaux  lat^raux  ;  la,  sur  les  faisceaux  antdrieurs  ;  dans  un  autre 
point,  sur  les  faisceaux  postdrieurs  :  elles  ne  sont  pas,  d’ailleurs, 
arrdtdes  dans  leur  extension  transversale  par  les  limites  des  fais¬ 
ceaux  de  la  moelle,  et  elles  peuvenl  envahir  A  la  fois  unepartieou 
la  totalitd  d’un  des  faisceaux  antdro-latdraux  et  I’un  des  faisceaux 
postdrleurs,  totalement  ou  partiellementaussi;  elles  peuvent  mfime 
franchir  les  sillons  mddians  antdrieur  ou  posldrieur.  Elles  peuvent 
se  former  dans  toutes  les  rdgions  de  la  moelle  dpinidre ;  dans  cer¬ 
tains  cas,  on  trouve  mSme  de  ces  plaques  de  scldrose  au  niveau  du 
bulbe  rachidien,  de  la  protubdrance  anniilaire,  des  pddoncules  cd- 
rdbraux  ou  cdrdbelleux,  et,  enfln,  11  peut  s’en  produire  jusque  dans 
la  masse  blanche  centrale  des  hdmispheres  edrdbraux.  Elles  ont  des 
dimensions  extrdraement  variables,  soit  dans  le  sens  transversal,  soit 
dans  le  sens  longitudinal,  tantdt  n’ayant  que  quelques  millimdtres 
de  diamfetre,  tant6t  plusieurs  centinidires  de  longueur,  et  s’dten- 
dant  parfois  aussi  en  largeur,  dans  une  rdgion  plus  ou  moins 
limitde,  A  une  grande  partie  de  la  circonfdrence  de  la  moelle.  De 
mfime,  la  scldrose  formant  ces  plaques  peut  dtre  plus  ou  moins 
profonde ;  le  plus  souvent,  elle  occupe  I’dpaisseur  lout  entidre  du 
faisceau  alteint,  et  ce  n’est  que  prfes  des  points  oft  la  plaque  cesse 
d’exister  que  la  Idsion  ne  ddpasse  pas  la  coitche  superficielle  du 
faisceau. 


JOORNAUX  FKAWgAIS.  497 

»  Rien  n’est  plus  frappant  que  cetle  alteration.  Dfes  qu’on  a  mis  la 
moeile  dpinifere  a  nu,  on  aperQoit  sur  des  points  varies  de  sa  sur¬ 
face  des  taclies  d’un  gris  jaunStre,  d’aspect  parfois  a  demi  transpa¬ 
rent,  et,  dans  ces  points,  le  tissu  est  parfois  un  peu  plus  saillant  que 
les  parties  voisines  de  la  moeile ;  le  plus  souvent,  au  contraire,  il  y 
a  un  affaissemenl  plus  ou  moins  marque  dii  tissu.  Les  coupes  trans- 
versales  de  la  moeile  a  I’etat  frals,  lorsqu’elles  sent  faites  au  niveau 
de  ces  plaques,  permettent  de  reconnailre  immedialement  que 
ralteration  indiquee  par  ces  taches  s’etend,  comrae  je  le  disais  tout  a 
riieure,  a  une  grande  partle  ou  a  la  lotalite  de  I’epaisseur  des  fais- 
ceaux  atteints.  L’examen  microscopique,  apres  durclssement  dans 
la  solution  aqueuse  d’acide  chromique,  confirme  ces  premiferes  don- 
nees  et  met  a  mfime  de  juger  du  degrd  de  I’alteration,  en  montrant 
si  toules  les  fibres  nerveuses,  ou  la  plupart  des  fibres  nerveuses, 
sont  detruites  dans  ces  plaques.  Enfin.'presque  toujours,  les  racines 
de  nerfs  qul  naissent  au  niveau  de  ces  plaques  sont  tout  a  fait 
intactes,  et  la  substance  grise  a  conservd,  a  ce  m6me  niveau,  tons 
les  caractares  del’dtat  normal. 

))  Les  modifications  des  parties  altar^es  paraissent  fitre  constam- 
ment  les  m6mes,  avec  quelques  diffdrences  toulefois  dependant, 
surlout  de  rage  et  de  la  Idsion.  11  y  a  une  hypertrophie  plus  ou 
moins  considerable  du  tissu  conjonctif  siiud  enire  les  fibres  ner¬ 
veuses,  et  celles-ci  paraissent  avoie  dtd  comme  dtouifees  a  ce  niveau. 
Les  parois  des  vaisseaux  de  ces  regions  sont  quelquefois  chargees  de 
granulations  graisseuses  plus  ou  moins  norabreuses,  et  I’on  trouve 
souvent  dans  ces  m6mes  points  des  corpuscules  amyloldes  en 
nombre  trfes-variable. » 

Tels  sont,  en  quelques  mots,  les  caractferes  anatomiques  de  ces 
lesions  de  la  moeile  epinifere,  tels  qu’ils  resultent  des  trois  belles 
observations  sur  lesquelles  s’appuie  cet  excellent  travail,  et  dont  la 
premiere,  surtout,  est  un  type  de  ce  genre  de  sclerose. 

4°  Observation  d’eclampsie  apres  le  travail,  accotnpagnee  d’une 
singuliere  perte  de  memoire,  par  M.  le  docteur  Riedel  {Mo- 
natsschr.  fUr  Geb.  Eunde;juin  1865,  trad,  du  docteur  Gustave 
Lauth). 

Ce  fait  presente  un  double  interSt,  ditM.  le  docteur  Riedel :  t“  un 
interfit  pathologique,  ou  pathogenetique,  en  ce  que,  selon  toute  appa- 
rence,  redampsie  fut  lei  due  5  Teffet  d’une  impression  psychique 
intense  sur  I’activite  cerdbrale,  ou  au  moins  trouva  dans  cette  im¬ 
pression  une  cause  occasionnelle;  2”  un  inieret  psychologique,  en 
ce  que  ce  fait  prouve  que  rimpression  violente  de  la  peur,  de  I’an- 


BEVUE  ]}E^  JPUPNAUK  Dp  JlPDECINE. 
gQjsse,  ddjM>'^ntq!j>Qne  fQpmB  d^tei’mini^e  de  iroqble  c^idbral  se 
soil  ddclarde,  peut  iroiiblorla  coiinaisaaiice  d’une  femme  en  iravail 
a  un  point  tel  que,  pips  lard,  glle  ne  se  souvient  plus  de  lout  cequi 
a  pccompagud  ja  mai'fitie  de  spn  accDUpbement, 

TOME  XXXI, 

1“  Du  diagnoslio  des  parahjsies  symptomatiques  el  des  paralysies 
essentielles  de  la  sixieme  paire  au  moyen  do  I'ophthalmoscope, 
par  M.  Boucltiit. 

2°  Hemata-myilie,  hemiplegio,  gpirison;  qbservaiion  liie  a  la 
Society  pifidiPalP  dd  1’a‘Tppdisseinent  dp  Qappat  (Albur),  le 
4  avril  l^OQ,  pgr  !p  doctpur  Trappnpfd, 

TOMB  XXXll, 

Opiiiiuii  de  M.  Brlerre  de  Boisraonl  sur  le  surnaturel  spiritualiste 
et  religieux. 

Dans  mip  leiirp,  datee  de  Siunte'^Adrpsse,  le  sayaiU  alidnistu  ^crit 
au  riidacteiir  en  chef  de  I'Unionmedipqle,  qao  I’tiglise  Notre-Paine 
des  FlotSi  (1 70  ip&fi'ps  ao-dessus  dq  niveau  de  la  mec,  attjre  pbaqup 
jour  un  concours  de  visileurs  dporme,  dont  I’immense  majoritii  s,c 
compose  de  eiQjanis  qni  prieot  avec  uu  pi'QfPiid  repiieilletnent, 

«  Que  vienuent  cbereber  ces  pfelerips?  Ge  qu’ils  ont  cberche  dc 
»  lous  les  temps,  des  consolations  que  nidlp  phi|flsppbie  hupiainp 
P  ne  pourrait  leqr  dqnner.  Un  raispnnement  maihdmatique  salisfera 
»  un  logicien;  la  croyance  en  Dieu  et  en  un  au|rp  pipnde  popi'ra 
»  seule  faire  supppiTer  a  la  m^re,  qui  ne  cpppalt  pas  Ips  naepeuses, 
»  la  perte  de  sou  enfant,  ]bes  feipraes  dppt  Ip  coenr  est  ppred  dp  mille 
n  dpuleursge  riifugieront  toujqurs  dans  la  prifere,  Lp  surn,aUirfil.npn 
»  pas  celniqui  subit  les  i|i|lqencp.s  du  cbarlalanisme,  mais  |e  sur- 
»  natdrel  des  ames  sensibles,  impressionnables,  des  rfiveurs,  des 
»  amants  de  I’id^al,  des  personnes  religieuses,  des  spiriliialistes, 
»  qii’on  a  ironiquement  surnpmrads  les  moralistes  du  sentiment, 
»  n’est  pas  prfes  de  dlsparaitre,  ear  H  est  inherent  it  leiir  organisa- 
»  tion,  qu’il  faudrait  commencer  par  changer,  et  il  est  en  rapport 
1)  avec  leurs  aspirations  actueUes,  Dans  les  gramjes  catastippijes, 
»  inondations,  tremblements  de  terrcj  pertes,  c’est  vers  |es  cieux 
»  cjue  se  lournent  les  yeux  des  multitudes.  Le  philosophe  crpyant 
»  a  sa  science,  ce  qui  n’est  pas  la  mfime  chose  que  de  croire  ii  la 
»  science  des  fails  bien  observds,  pourra  regarder  les  catastrophes 
I)  sans  paiir,  mais  il  aura  peu  de  seclaicurs. 


JODBNAOX  FRAUgAlS.  499 

»  L’fipisode  ile  I'aurndnier  de  la  Semillante,  raconlg  par  M,  Al¬ 
iy  phonse  Daudet,  me  paralt  encore  ce  qu’il  y  a  de  plus  certain  en 
»  cette  matifere;  aussi  ai-je  la  conviction  que  lorsque  le  venerable 
1)  eccl6siastique  nionta  sur  le  pont,  revetu  de  ses  habits  aacerdo- 
1)  taux,  et  dit  aux  six  cents  hommes  sur  le  point  de  mourir  :  «  A 
1)  genoux!  recommandez  votre  Sme  Dieu,  je  vais  vous  donner 
»  I’absolution  I  »  il  ful  bien  mieux  compris  par  ces  malheureux  et 
»  les  consola  blen  plus  efficacement  que  le  savaiU  qui  les  edt  haran- 
»  guds,  pour  leur  apprendre  qu’ils  allaient  rendre  i  la  nature  les 
I)  mat^riaux  qu’ils  eii  avaient  regus.  » 

2°  De  I’impm-tance  du  delire  des  actes  pow  le  diagnostic,  midico- 
legal  de  la  folie  raisonnante,  mdmoire  lu  i  I’Acaddmie  des 
sciences  dans  sa  stance  du  15  oclobre  1866,  par  M.  Brierre  de 
Boismont. 

Les  propositions  contenues  dans  ce  travail  sont  tirdes  de  vingt- 
cinq  observations,  et  I’anteur  les  rdsume  dans  les  conclusions  sui- 
vantes  : 

1"  II  existe  une  variiitd  de  ralidnatiou  mentale  dans  laquelle  les 
malades  peuvent  s’exprimer  avec  toutes  les  apparenqes  de  la  raison 
et  qu’on  a  d^signfe  sous  le  nom  de  folie  raisonnante. 

On  observe  cette  varidtd  de  I’alidnation  dans  les  divers  types, 
mais  plus  particulierement  ilans  I’excitation  maniaque,  la  mglan- 
colie,  la  inonomanie  impulsive  et  la  folie  5  double  forme ; 

3“  Cette  manifestation  de  la  folie  qui  n’est  qu’un  symptOme^  pent 
fitre  parfois  tclleraent  dominante  que  I’accesaoira  semble  le.  princi¬ 
pal  ;  une  observation  prolong^.e  Quit,  le  plus  ordinairement,  par  y 
cons  later  quelques-unsdes  autressymptdmes  del’alidnalion  mentale. 

49  La  folie  raisonnante  a  pour  caractferes  tranches  le  ddlire  des 
actes  contrastant  avec  les  paroles  sensdes  et  les  mauvaises  tendances 
instinctives.  L’observalion  apprend  que,  quand  I’esprit  n’est  plus 
surexciid  ou  sur  ses  gardes,  le  ddsordre  intellectuel  peut  apparaitre 
dans  les  discours. 

5°  La  persistence  du  raisonnement  dans  les  discours  des  alidnds, 
attribut  puissant  de  cette  faculte  presqne  indestructible,  peut  se 
montrer  dans  les  dcrils;mais  lorsqu’on  a  ces  malades  longiemps 
sous  lesyeux,  le  ddlire  des  actes  seddcble  aussi  dans  les  dcrits. 

6”  La  connaissance  de  la  folie  raisonnante  est  d’autant  plus  utile 
au  point  de  vue  de  la  mddecine  Idgale,  que  ces  alidnds  sont,  pour  la 
plupart,  enclins  a  mal  faire.  Les  ddlalions  calomnieuses,  anonymes, 
les  complots,  la  faussetd  dans  les  dcrits,  le  mensonge  sous  toutes  les 
formes,  le  ddshonneur,  la  ruine,  le  suicide ;  les  accusations  de  vio- 


REVDE  DBS  JOURNAXIX  DE  MfiDECINE. 


500 

lences  corporelles,  de  faux,  de  vols,  d’attentats  aux  mceurs ;  les  ho¬ 
micides,  les  procfes  en  detention  aibitraire,  les  demandes  en  dom- 
mages-int^rfits,  sont  les  acles  des  fous  raisonnants. 

7“  Un  caractfere  difKrentiel  important  doit  6tre  dtabli  entre  les 
individus  sains  d’esprit  et  les  fous  raisonnants.  Les  premiers,  lors- 
qu’ils  ne  sont  pas  criminels,  repoussent,  en  gdnfiral,  les  mauvuises 
impulsions,  on  s’en  repentent,  quand  elles  les  ont  entrainds;  les 
seconds  ne  se  croyant  pas  malades,  ne  s’en  prdoccupent  que  trfes- 
mddlocrement  et  presque  jamais  ne  les  trouvent  rdprdhensibles. 

8“  Lorsque  le  fou  raisonnantdissimule  ses  conceptions  ddliranles, 
fait  naltre  le  doute,  ne  commet  pas  d’acte  nuisible,  le  seul  parti  ii 
prendre  est  de  le  laisser  en  liberld,  en  le  prdvenant  qu’il  est  I’arbitre 
de  son  sort. 

3°  Opinion  de  Geoffroy  Saint-Hllaire  sur  ia  phrenologie. 

Cette  opinion  du  cdlfebre  naturaliste  se  trouve  exprimde  dans  une 
lettre  qu’il  a  dcrite  i  I’dpoque  de  I’dlection  de  Magendie ;  cette 
lettre,  adressde  au  docteur  Dannecy,  aujourd’hui  agd  de  quatre- 
vingt-huit  ans,  a  dtd  donnde  par  lui  au  docteur  Lacorbidre  qui  I’a 
publide.  On  y  remarque  les  passages  suivants  : 

« .  Au  mot  de  cerveau  arrivera  i  I’esprit  le  nom  de  Gall :  le 

»  cerveau,  sous  le  rapport  d’une  renommde  indpuisable,  est  a  lui, 
»  comme  I’adrostat  a  Montgolfier,  la  lune  a  M.  de  la  Place,  et  les 
»  animaux fossiles a  M.  Cuvier.... 

»  Je  me  rappellerai  toujours  notre  dtonnement,  nos  sensations, 
»  notre  enthousiasme,  quand  M.  le  docteui'  Gall  nous  exposa,  pour 
»  la  premidre  fois,  au  Jardin  du  Roi,  ses  fails  anatoraiques.  II 
»  arrivait  de  Hollande,  et  de  Hollande  dtait  venu  en  mdme  temps 
i>  que  lui  un  des  plus  cdldbres  professeurs  d’anatomie  de  cette  con- 
»  trde.  Celui-ci  avait,  dans  son  pays,  assisld  aux  demonstrations  de 
»  M.  Gall.  En  visite  chez  I’un  de  nous,  il  se  trouva  faire  partie  de 
»  notre  rdunion. 

»  Atlendez-vous  (nous  dit-il  aprds  nous  avoir  pris  en  particulier; 
»  a  beaucoup  rabattre'de  cette  admiration,  quand  le  docteur  vous 
»  fera  I’exposition  de  ses  vingt-sept  faculids  ou  de  ses  vingt-sept 
»  organes  cdrdbraux.  Mes  collfegues  et  moi,  en  Hollande,  avons 
I)  apportd  autant  d’altenlion  que  mis  de  bonne  fol  dans  cette  dtude, 
»  et  nous  sommes  restds  convaincus  qu’il  n’y  avait  vraiment  que 
»  quatre  de  ces  facultds,  que  quatre  de  ces  organes  de  ddmontrds 
»  rigoureusement. 

I)  Alorsjplusieurs  de  nous  de  dire  :  Vous  croyez  vous  retrancher 


JOURNAUX  FRANCAIS.  501 

»  dans  une  restriction,  quand  vous  accordez  tome  la  doctrine;  car 
»  c’est  accorder  quele  cerveau  n’est  pas  un  dans  sa  structure,  qu’il 
»  ii’est  pasun,  non  plus,  pour  les  fonctions.  II  serait  multiple !  raais 
»  cela  seiil  bien  constatd,  forme  une  ddcouverte  d’une  immense  con- 
»  sdquence. 

»  Dans  ce  cas,  les  vingt-sept  oiganes  seraient  posds  provisoire- 
»  ment,  c’est-S-dire  donnes  comme  un  fait  probable,  pour  devenir 
1)  par  la  suite  un  siijet  de  reclierches,  un  sujet  d’dtudes  qui  amenSt 
')  plus  lard  i  savoir  davantage. 

»  Eh  bien,  messieurs,  c’est  encore  aujourd’liui  une  opinion  & 
»  pen  pr6s  universelle  que  les  conditions  de  plusleurs  de  ces  organes 
»  ont  dtd  aperques  et  assignees. 

»  Quant  a  moi,  je  le  pense  ainsi.  » 


f>azet(e  hobdoinailairo  de  inedecino  ot  do  chiriirgie. 

(Douxiime  swic,  t.  Ill,  1866.) 

I.  De  la  pellagre  et  des  pseudo-pellagres ;  etiologie  de  la  pellagre 
proprement  dite,  par  le  docteur  Th^oph.  Roussel. 

Ce  travail  original  est,  en  quelque  sorte,  une  premifere  preface  au 
livre  excellent  que  EAcaddmie  des  sciences  a  couronnd.  L’auteur 
rdsunie  rapidement  I’histoire  du  zdisme  et  des  thdories  qu'il  a  sus- 
citdes ;  il  montre  ensuite  comment,  dfes  aujourd’liui,  la  pratique 
mddicale  est  arrivde  k  des  rdsultats  qui  fttent  presque  toule  leur 
importance  aux  discussions  thdoriques,et  n'a,  pour  ainsi  dire,  plus 
rien  h  demander  i  la  science  en  fait  d’etiologie. 

«  La  thdrapeutique  et  la  prophylaxie  ont  trouvd,  dit  M.  Th. 
Roussel,  dans  le  zdisme  tel  que  nous  I’avons  ddilni,  des  rfegles  d’une 
efflcacltd  et  d’une  infaillibilitd  ddmontrdes,  il  leur  suiDt  de  cette  for- 
mule  que  la  pellagre  a  sa  cause  expdrimentale  dans  I'alimentation 
avec  du  mais  altdrd  et  dans  des  conditions  de  ddbilitation  vitale  qu> 
augmentent  la  puissance  de  cette  cause. 

»  J’ai  montrd  que  I’un  des  principaux  ddfauts  des  thdorles 
existantes  est  de  ne.  tenir  compte  que  de  I’un  des  termes  de  cette 
formule,  c’est-i-dire,  de  la  came  extrinseque  ou  toxique,  et  j’ai 
essayd  de  faire  voir  la  part  d’action  qui  revient,  dans  la  presque 
universalitd  des  cas,  au  second  terme,  c’est-4-dlre  aux  condition^ 
intrimeques  ou  vitales.  »  D'  Berger. 


5U2  REVUE  UES  JQURINA^VX  Pti  AlfiDECIINE. 

Journal  do  inodeclno  nicntalo. 

L’auiiSe  1866,  tome  VI,  contient  les  travaux  suivaiits  ; 

1“  Des  divci’ses  formes  mentales  (suite)  ;  folies  partielles  instinc- 
tives  (n”*  de  janvier,  fdvrier  et  mars) ;  demenccs  partielles  (avril) ; 
idiotie  et  imbficiliitfi  (de  mai  a  ddcembre);  par  M.  ie  docteur  Dela- 
siauve. 

2°  Les  mfidecins  el  les  asiles  d’alidnds  (janvier  et  Kvrier),  par 
M.  le  docteur  Delasiauve. 

3“  Considerations  diagnostiques  apr  les  diverses  espfeces  de  sui¬ 
cide  (suite  el  fin)  (fevrier  et  mars) ;  par  M.  le  docteur  Semelalgne. 

fi°  fitudes  historiques  sur  i’alienation  menlale  (suite)  (mars  et 
mai),  par  M.  le  docteur  Semelalgne. 

5“  Des  secretions  de  la  peau  et  de  ses  sympathies  nerveuses  dans 
les  maladies  mentales  (avril),  par  M.  le  docteur  Berthier, 

6“  Des  caractferes  differentiels  de  I’erreur  patiiologique  (suite) 
(juillet),  par  M.  le  docteur  Semelalgne. 

L.  L. 


JOURNAUX  ANGLAIS. 

(Analyse  par  M.  le  docteur  Et.  ncillEtiiil'ii..) 
Journal  of  Mental  Science  (1). 


•  Les  numeros  de  I’annee  1865  renferraaient  les  articles  origlnaux 
sulvants  : 

1“  Sur  pltisieurs  inoyens  de  remedier  5  raugmentation  aniuielle 
du  nombre  des  abends  indigents,  par  le  docteur  Robertson. 

2“  .Statistiques  et  observations  sur  les  mille  premieres  femmes 
insensdes  admises  h  I’asile  du  comtd  de  Sommerset ;  comparalson 
des  rdsullats  avec  un  nombre  dgal  d’alidnds  du  sexe  masculin  ;  et 
line  analyse  des  causes  de  la  rnort  dans  les  deux  sexes,  par  le  doc¬ 
teur  Robert  Boyd. 

3°  Les  malades  anglais  dans  les  asiles  4  I’dtranger  (suite). 


(1)  Voyea  4nnc(les  rnddico-psychologiguea,  1865,  t.  1,  p.  471,  et 
t.  II,  p.  436. 


JpURNAUX  AMGLAIS,  503 

/lo  fjQtes  cliniqties  sur  I’Uydrpp^phale  phes!  rfldHlle,  par  le  docleur 
Samuel  Wilks. 

5“  Observations  cliniques  stir  les  kystes  sanguins  skiifis  dans  la 
cavpd  de  I’apachnoide,  dans  les  casde  paralysie  g^nPrale  des  gli^iids, 
par  les  docteiirs  W.  Ogle  et  Oxen, 

6”  Observations  cliniques  conceniant  Tirab^cillild  morale  et  la 
folie,  par  le  dpcieor  Stanley  Haynes. 

7”  La  psychologie  de  I’idioUe, 

8°  Ndvropalbie,  op  thfirapeuilqiie  par  les  nerfs  yaso-motetirs ; 
nouvelle  mdlhode  du  traitement  des  maladies  par  le  moyep  du 
systfeme  nerveux,  par  le  docleur  Jphii  Chapman. 

9“  De  la  fode  artificielle,  principalement  dans  ses  rapports  avec 
la  pailiologie  mentale,  par  le  doctenr  Daniel  Hack  Take  (menipire 
parfaitement  iraduit  par  M.  Jules  Drouet,  Annales  midico-p^ycliq- 
logiques,  mars  1866). 

10“  Suicide  de  E.  6.  V.  Townley. 

11"  Observations  cliniques;  kystes  dans  la  cavitd  do  rarachnolde 
ou  hmmatome  de  la  diire-mfere,  ayec  des  remarques  sur  leiiv  forma¬ 
tion,  par  le  docteur  Wilks. 

1!2“  Staiislkjue  de  la  folie  dans  raablissemeiit  royal  de  Cric|iton, 
comtd  de  Dumfries,  par  le  docteur  G,  Steward, 

13"  Gas  dc  Clinique,  Palhologie  d’un  cas  de  para|ysie  g^ndrale, 
avec  111)  rapport  sur  I’examen  microscopique  du  ce'ryeau  fait  par 
M.  Samuel  Wilks,  par  le  docleur  Mackenzie  Bacon. 

Id"  Remarques  sur  up  essai  recent  de  slatisiique  comparative  de 
rii6pita|  de  Belhleem  et  des  asiles  de  comlO,  par  le  docleur  Ro¬ 
bertson. 

15°  Du  pronoslic  dans  I’aliOnation  mentale,  par  le  docteur  Grie- 
singer. 

16"  Malades  jnsensds  dans  les  workhouses  de  Londres,  par  le  doc¬ 
teur  E.  Anstie. 

17"  Les  epileptiques ;  leur  dtat  mental.  Legoii  faite  aux  dlfeves  du 
cours  mildico-psychologiqiie  du  professeur  Laycock,  pendant  leur 
visile  ii  I’asile  du  district  d’liiverness,  par  M.  Browne. 

l8"Observaiion.sclinique,s.  Le  bromurede  potassium,  de  cadmium, 
eld’ammoiiiitm  dansle  traitement  de  la  lolie,  par  le  docteur  B.  Bel- 
graye. 

Annee  1866.  —  1"  trimestre. 

Le  iiuuidro  du  Mental  Science,  pour  les  mois  de  Janvier,  fdvrier 
el  tnars,  conlieni  |es  articles  origiuaux  dont  yoici  les  jitres  ; 

1"  Sur,  lapesanteur  specifique-des  diverses  parties  du  cerveau 
humaiUy  Pfit’  !e  docteur  Cliarlton  Bastian. 


504  REVUE  DBS  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 

2°  Sur  quelques-unes  des  varUtes  d’impulsion  morbide  el  de 
perversion  des  instincts,  par  le  docteur  Me  Intosh. 

3“  Mitaphysique  moderne,  par  le  docteur  Maudsley. 

U°  Observations  cliniques  concernant  I’usage  de  la  digitate  dans 
le  traitement  de  la  manie,  soil  aigu'i,  soit  chronique,  par  le  doc¬ 
teur  Williams. 

Le  travail  de  M.  le  docteur  Baslian  a  dtd  conduit  avec  autantde 
precision  que  de  patience ;  des  recherches  analogues  ont  d(ija  dtd 
entreprises  sur  cet  important  sujet,  par  MM.  Sankey,  Skae,  Aitken, 
Bucknill,  etc.  C’est  i  i’aide  de  liquides  salins,  tilrds  avec  le  plus 
grand  soiUj  que  ces  dtudes  ont  dtd  entreprises,  et  M.  Bastian  indique 
les  perfectionnements  qu’il  a  apportds  i  cette  mdthode,  afin  de  se 
raettre  a  I’abri  d’erreurs  bien  difficiles  a  dviter  dans  une  queslionjsi 
ddlicate. 

li  ne  s’est  pas  contentd  de  ddterniiner  la  pesanteur  spdeilique  de 
la  substance  grise  et  de  la  substance  blanche  du  cerveau,  sur  des 
cadavres  dindividus  morts  avec  ou  sans  alidnation  mentale ;  mats, 
de  plus,  il  a  voulu  voir  s’il  existait  une  dilTdrence  dans  la  pesanteur 
spdcifique  de  la  substance  grise  prise  sur  divers  points  des  circon- 
volutions  ;  et  il  a  obtenu,  presque  constammenL  ce  rdsultat  curieux, 
qu’une  diffdrence  a  lieu,  en  ellet,  suivant  qu’on  examine  cette  ma- 
tidre,  prise  dans  tel  ou  tel  point  d’un  hdmisphdre,  et  mdme  sur  le 
mdme  point  symdtrique  de  I’lin  et  de  I’autre  hdmisphere.  N’ayant 
pu  pousser  trfes-loin  ies  expdriences  d  cet  dgard,  il  a  surlout  pris  la 
substance  grise  dans  trois  endroits  sur  chaque  c6td  du  cerveau : 
1“  la  circonvolution  supdrieure  de  la  rdgion  frontale ;  2“  la  partie 
supdrieure  de  la  circonvolution  ascendante  de  la  rdgion  paridtale; 
3“  ia  circonvolution  occipilale  supdrieure. 

Personnes  non  aliinees.  —  »  Parmi  les  faits  les  plus  intdressants 
auxquels  je  suis  arrivd,  dit  M.  Bastian,  se  trouve  celui-ci :  c’esl  que 
la  substance  grise  des  circonvolutions  n’a  pas  partout  une  densitd 
dgale.  Sa  pesanteur  spdcifique  est  moindre  sur  les  circonvolutions 
frontales  que  sur  celles  de  la  rdgion  paridtale,  et  moindre  pour 
celles-ci  que  pour  celles  de  la  rdgion  occipitale.  La  rdsuitanie  de  la 
diUdrence  entre  les  circonvolutions  d’un  mdme  c6td  est  plus  con- 
stante  que  celle  des  variations  trouvdes  entre  les  poids  spdcifiques 
des  circonvolutions  correspondantes  dans  les  deux  hdmispbdres. 
Autant  que  les  observations  y  autorisent  jusqu’ici,  les  circonvolu¬ 
tions  du  c6td  gauche  ont  paru,  trfes-souvent,  avoir  une  pesanteur 
spdcifique  sflpdrieure  A  celie  du  edtd  drOit ;  indgalitd  qui  semble 
rdellemeut  tenir  S  quelque  dilTdrence  intrinsfeque  dans  la  structure 
intime,  histologique,  de  la  substance  grise  de  ces  diverses  rdgions.n 


iOUBNADX  AN&LAIS. 


605 

Le  docieui’  Bastian  cherche  i  dfi montrer  que  les  quantiles  variables 
du  sang  infiltrant  les  divers  lissus  et  I'^pancheraent  du  liquide  sous- 
arachnoidien  ne  troublent  en  rien  ces  r&ultats. 

Voici  iin  tableau  donnant  a  cet  dgard  I’analyse  de  vingt-sept  cas  : 


RdUlONS. 

DENSlTf:. 
plus  grande 

DENSITY 
plus  grande 
i  gauche. 

£gale 

des 

Frontale . 

1 

7 

.  19 

Paridtale . 

2 

12 

13 

Occipitale . 

4 

9 

14 

Dans  un  cas,  touies  les  pesanteurs  spScifiques  du  cdld  gaucbc 
I’emporlaient  sur  cedes  du  c6td  droit ;  dans  sept,  tons  les  nombres 
dcaient  respectivement  et  symdtriquement  dgaux  dans  les  deux  cdtds ; 
mais  dans  aucun  cas,  tons  les  nombres  du  c6td  droit  n’excddaient 
ceux  du  c6te  gauche. 

En  rapport  avec  ce  fait  de  la  supdrioritd  de  la  pesanteur  spdcifique 
de  la  substance  grise  du  c6td  gauche,  il  est  bon  de  se  rappeler  que 
le  docteur  Boyd,  dans  ses  recherches  si  dtendues  sur  le  poids  du 
cerveau,  a  presque  trouvd  invariablement  que  rhdmispiifere  gauche 
est  plus  pesant  que  le  droit  d’environ  un  huitifeme  d’once  (3  a 
U  grammes). 

Personnes  alienees.  —  «  Mes  observations,  dlt  le  docteur  Bastian, 
ont  dte  si  peu  riombreuses  et  si  incomplfetes  sur  ce  sujet,  que  j’ai 
pen  de  chose  ii  noter  a  cet  dgard.  Dependant,  autant  qu’il  ni’est  per- 
mis  d’enjuger,  elles  me  paraissent  conOrmaiivesdes  conclusions des 
docteurs  Skae  et  Buckiiill ;  c’est-k-dire,  que  la  pesanteur  spSeilique 
de  la  matiijre  grise  est  plus  forte  cliez  les  insensds  que  chez  les  per¬ 
sonnes  lucides.  II  sera  intdressant,  par  la'suite,  de  voir  quels  seroni 
les  rdsultats  d’investigatiousfaitessur  le  poids  spdcilique  de  la  sub¬ 
stance  grise  du  cerveau  des  alidnds,  prise  dans  diverses  regions,  et 
d’aprfes  un  nombre  de  cas  assez  dtendu.  » 

Les  docteurs  Skae  et  Bucknili  n’ont  pas  fait  de  distinction,  sous 
ce  rapport,  et  le  docteur  Sankey  dit  qu’il  a  pris  presque  constam- 
ment  la  substance  grise  dans  la  partie  qui  correspond  i  la  bosse 
occipitale.  , 

Substance  blanche.  —  La  tnoyenne  de  la  pesanteur  spdcifique  de 
la  substance  blanche  parait  dtre  sensiblement  la  mdme  chez.  les  per- 


506  BETDE  DES  JdbKlNAtJX  DE  MEDEOINE. 

SftnHe§  pHvto  dt;  lehr  fSisolj  et  thsz  cellfes  qiil  Jouisseiii  de  leurs 
faeultes  ihtellectufelles. 

Jamais  la  pesanteuf  speciflqiie  de  lii  siibstailfee  giise  tl’S  eld  li-bii- 
vde  superieiire  ii  celle  de  la  siibsiance  bladclie  (lane  le  meiiie  tei- 
veau ;  une  seiile  fois  seuieinenl  il  y  a  eu  egaliie. 

La  densite  de  la  subslance  blanclic  defe  denx  hdraisplifen's  ne 
Sembie  pas  normaletiieiil  dilferef. 

La  densite  de  la  rodte  a  irois  piliers,  ainsi  que  ledoclenr  Sankey 
i’adejaindique,  paraitgiie  inferieurea  celledela  substance  blancbd 
des  bemispheres ;  elle  varie  beauconp  d'un  individii  a  uu  autre  ;  et,- 
fcontrairement  a  ce  qui  a  ete  dit  plus  baul,  elle  s(!rait  generalemBnl 
plusfaible  chez  les  alienesqitecbez  lesindividus  sains  d’espMl. 

II  n’y  aurait  pas  de  dilierence  a  fcet  dgald  pour  ce  qul  cobcel'he 
les  corps  slrids,  et,  de  plus,  Ids  parties  correspoiidaiites  dc  ces  corps 
auraient  la  mfinie  densite  a  droite  el  a  gauche. 

Les  couches  optiqdes  ddnnent  lletl  aux  iiieuies  rCmarques  que  les 
Corps  strids. 

En  ce  qui  regarde  le  cervelet,  8)51'6s  exameil  sdpare  de  la  sub¬ 
stance  blanche  el  de  la  giise,  Il  sehlble  qu’il  n’y  a  aucund  difference 
enire  une  personne  joiiissant  de  .sa  raison  el  un  alidud.  A  une 
exception  prfes,  la  pesanteiil'  SpdCiliqUe  de  la  substance  grise  dans 
les  deux  cOtds  de  cel  ofgane  a  toujoiirs  dtd  trouvde  dgale. 

Dans  le  pont  de  VaCole  ct  Id.s  Couches  opiiques,  il  y  a  une'  IdgCre 
difference  eh  faVeur  du  'cerveau  de  ralidne.  La  itioyeniie  paralt 
reiiiporteC  Sill*  la  stibslartce  blahChe  du  cervCIei  et  cbrre.spondre 
presque  exactemeni  a  celle  des  couches  optiques. 

Le  pont  de  VaCble  et  les  couChes  opiiquCS  but  diie  pesanleur 
riioyenne  specifique  supdrieure  i  celle  de  touts  atitre  pariie  de  I’eh- 
cdphale. 

Arrive  a  ce  point  de  son  Iravail,  le  docteur  Bastian  dbhne.  qilelqucs 
aperijns  stir  les  circonsiances  qui  peuvcnt  avoir  de  rinfluehce  Sut 
la  pesanteur  spdcilique  des  diverses  parties  du  cerveau  :  SjXe,  age, 
alldratiuns  cadavdrlques,  durde  et  natiire  de  I’affeciion  ultime,  etc. ; 
siijets  excessivemeht  difflciles  el  qui  ne  pourraient  coiUmencer  a 
etre  un  peu  dclaircis  qu’aprts  I’examen  d’un  trfes -grand  noinbre 
d’observa lions  et  de  donndes  cdmparalives  de  beaucoup  d’expd- 
rienc.es. 

Quant  au  rapport  entre  le  poidsabsolu  du  cdrveau  et  la  pesan¬ 
teur  spdciBque  de  la  subslance  blartClie  et  de  la  subslance  grise,  il 
semble  qu’il  n’y  a  aucune  relation  entre  ces  conditions  ;  ce  qui  con- 
lirme  les  asserlionS  suivanlds  dU  doCleiir  .Sankey  :  «  Le  cerveau  le 
plus  lourd  ne  prdsehte  pas  une  denSitd  supdvieure  on  infdrieufe  k 


JOUBNAtX  ANGIiAIS. 


507 

celle  d’uii  autre  cerveau,  soil  qu’il  s’agisse  de  la  substance  gWsBj 
soil  qu’il  s’agisse  de  la  substance  blanche ;  il  en  esi  de  meiile  pout’ 
le  cerveau  le  plus  16ger.  » 

Je  souhaite  que  cetie  analysCj  deja  bien  longue  et  poul'tant  en¬ 
core  incomplMe,  puisse  donner  une  id6e  g^ngrale  du  remarquabie 
infimoire  de  M.  le  docteur  Bastian.  Ceux  de  nOs  confreres  qui  vou- 
draient  s’engager  dans  cel  ordre  d’fitudes  devraient  le  faire  d’apl'fes 
les  indicalions  de  ce  laborieux  et  conscieilcieux  investigaieur,  qui, 
par  sa  sagacity  et  sa  precision,  a  perfectionn^  les  mdthodes  suiVics 
par  ses  pr^d^cesseurs.  11  a  rendu  pleine  et  entifere  justice,  du  resie,  a 
ceux  qui  I’ont  precede  dans  ccite  voie,  et  il  a  cite,  entre  autres,  tltt 
nora  qui  m’est  clier,  celui  d’un  savant  dont  I’hospitalite  el  ratfabilue 
in’ont  laisse  un  souvenir  bien  agreable,  le  docteur  Sankey, 

Les  solutions  de  diverses  densites  servant  a  ces  experienfces,  soht 
obtenues  avec  du  clilorure  de  sodium,  du  sucre  et  mieux  encore  du 
sulfate  de  niagnesie,  A  cause  de  I’aclion  plus  lente  et  plus  faible  de  la 
dissolution  de  ce  sel  sur  les  diverses  parcelles  de  cerveau  qn’oil  y 
plonge. 

Le  m^moire  du  docteur  Me  Intosh  est  digne  du  plus  grand  intd- 
i-et,  et  au  point  de  vue  scientifique  et  au  point  de  vue  liltdraire.  A 
des  observations  personnclles  nombreuses  qu’il  relate,  il  ajoute  des 
fails  eiuprunies  A  toiiles  les  publications  naiionhles  et  dlrangdres, 
preuve  incontestable  de  la  varidtd  de  ses  connaissabces  et  de  la 
sAretd  avec  laquelle  il  a  traitd  son  sujet.  II  est  difficile  de  donner  un 
rdsumd  d’une  pareille  dtude,  dont  I’auieur  ne  tire  pas  de  conclusion, 
cc  que  le  sujet  ne  comporte  pas,  en  effet,  11  a  snivi  pour  son  travail 
la  classilicaiion  du  docteur  Laycock,  que  je  crois  utile  d’indlquer; 
car  toutes  les  formes  varides  d’impulsions  morbldes,  de  perversions 
des  instincts,  seinblent  s’y  ranger  mdthodiquement. 

La  premidre  forme  Concerne  la  perversion  de  I’instinct  nutritif : 
gloulonnerie,  pica  ;  tendance  A  ne  manger  qUe  des  substances  ddro- 
bdes,  ou  A  manger  en  cacbetle  •  boullmie,  cabnibalistlie,  dipsomanie 
ou  oenoraanie,  celle-ci  divisde  en  aigue,pdriodique  ou  rdcurrente  et 
clironique. 

La  seconde  forme  se  rapporle  A  \' impulsion  de  Vinstinet  Sexuel  1 
drotomanie,  nymphomahie  et  satyriasis ;  prurit  sdnile  ;  prdcocitd  Oif 
impulsion  sexuelle  cliezles  enfants;  pdddrastie,  bestialitd. 

r,a  troisidme  forme  est  :  la  perversion  de  I’instinct  domestique. 
Cel  instinct,  dit  I’auteur,  pdut  devenir  rrialadivement  pervert! ;  un 
pdre  peut  assassiner  sa  fenflme  et  son  fils,  tine  ibdre  sOh  enfant.  Dans 
quelques  animaux  de  pai'eils  exentpies  de  la  perversion  de  I’lnslirtCt 


508  hfiVUE  DES  JOURNACX  DE  MEdeCINE. 

ne  sont  pas  vares;  le  lapin,  la  truie,  tuent  parfois  et  mangenl  leurt 
pclits.  Les  gufipes,  qui  sont  si  altach^es  a  leur  proggniltire  et  qui 
n’abandonncnt  pas  leurs  nids,  alors  meme  qu’ils  ont  mis  en 
pifeces,  subissent  un  singulier  changement  li  I’approche  de  I’hiver. 
Aux  premiferes  geldes  d’ociobre,  rextdrieur  d’lin  nid  de  giifipes  offre 
le  spectacle  d’une  horrible  sc(;ne.  Les  vieilles  giifipes  font  sortir 
toutes  les  larvesdesalvdoles  et  les  extenninent.  Cette  cruautd  appa- 
vente.  ddrive  cependant  d’une  rdelle  tendresse;  les  vieilles  gufipes, 
s’apercevant  que  la  mauvaise  saison  paralyse  leurs  efforts  pour 
procurer  aux  jeunes  la  nourriture  qui  leur  est  ndcessaire,  prd- 
ftrent  donner  A  celles-ci  une  mort  prompte  et  rapide  a  les  voir 
pdrir  lentement  d’iuanition.  Chez  rhotnme,  ajoute  le  docteur  Me 
Intosh,  rinfanlicide  est  la  forme  la  plus  frdquente  de  la  perversion 
de  I’instinct  domestique,  et  il  est  ddtermind  souvent  par  les  plus 
dtranges  motifs,  quoique  parfois  on  n’en  puisse  saisir  aucun. 

Un  des  fails  les  plus  navranls  de  cette  aherration  a  eu  lieu,  il  y  a 
cinq  ans,  a  Rouen.  Par  une  nuit  d’hiver,  sombre  et  pluvieuse,  un 
homme  dans  toute  la  force  de  I’age  et  sa  femme  enceinte  de  six 
mois,  lirent  se  lever  leurs  irois  enfants,  dont  I’aind  n’avait  pas 
sept  ans,  les  conduisirent  au  bord  de  la  Seine,  entrerent  avee  eux 
dans  une  petite  embarcation  pour  6tre  plus  prfes  du  courant,  et  de 
la  les  pr^cipitferent  successivement  dans  le  fleuve  et  s’y  jelbrent 
ensuite.  Les  cinq  cadavres  ne  fiirent  retrouvds  que  quelques  jours 
plus  tavd,  dispersds  a  de  grandes  distances.  Cette  ddtermination 
atroce,  cette  dlrauge  concordance  de  deux  volontds  concertant  et 
executant  un  pafeil  forfait,  reconnaissaient,  assure-t-on,.pour  cause 
les  crainles  de  la  misbre  prdsagde  par  une  gdne  sans  cesse  croissante 
et  I’insuccds  de  diverses  et  successives  entreprises.  Cet  exemple  qui 
n’est  pas  malheureusement  unique  corrobore  I’explication  du  doc¬ 
teur  Me  Intosh. 

L’influence  de  la  grqssesse  ddlermine  parfois  des  troubles  ana¬ 
logues.  Une  femme  de  trente-trois  ans  jeta  par  la  fenfitre  son  enfant 
agd  de  douze  mois.  Elle  dtaii  enceinte  et  avail  ddjii  dtd  placde  dans 
un  asile. 

Dans  le  Journal  de  midecine  et  de  chirurgie  pratiques  (janvier 
1868),  on  lit  Tobservation  d’une  femme  qui  tenta  de  jeter  son  enfant 
dans  un  four  pour  le  cuire.  Ellefutgudrie  parl’emploi  de  lavements 
additionnds  d’dther  sulfurique. 

La  quatrifeme  forme  concerne  Vinstinct  personnel :  la  mutilation 
de  soi-m6me,  la  panophobie,  le  vagabondage,  ou  I’impulsion  6  errer 
6  I’aventure.  Dans  la  panophobie,  dit  le  docteur  Me  Intosh,  les 
malades  se  suicident  parfois,  ou  piutOt  se  tuent  accidentellement  en 


JODRNA.UX  ANGLAIS. 


voulant  dchapper  Ii  I’pbjet  fantastiqiie  de  leurs  lerreurs.  La  presence 
d’un  surveillant  pendant  la  nuit  est  des  plus  nficessaires,  car  c’est 
souvent  au  rgveil  que  ces  frayeuis  se  manifeslent,  et  alors  mftme 
qu’elles  n’ont  pas  lieu  dans  un  aulre  moment. 

Cinqui&me  groupe.  Instinct  social :  impulsion  au  meurtre,  A 
I’incendie;  varapirisme,  lycanlhropie ;  cette  dernifere,  dit  I’auteur, 
est,  en  gdndral,  un  mdlange  de  plusieurs  perversions  ;  drotomanie, 
impulsion  homicide,  avec  quelques-unes  des  formes  de  la  perversion 
de  I’inslinct  nulritif.  II  rappelle  ici  I’observation  du  sergent  Ber¬ 
trand  et  plusieurs  fails  sembiables.  La  lycanlhropie,  comme  quel- 
ques  aiitres  varidtds  des  impulsions  morbides,  a  pu  affecter  la  forme 
Opiddmique,  ce  qni  eut  lieu,  i  ce  qu’il  parait,  en  1598,  dans  les 
rdgions  st^riles  et  montagneuses  du  Jura. 

Centre  de  pareils  troubles, ledocteur  Baudelocque  a  vantfi  I’aclion 
sedative  du  Lobelia  inflata. 

Sixifeme  groupe. /nsifncfs  srene'raucc  :  impulsion  au  larcin,  aii 
vol,  i'l  la  chicanerie  (tromperie,  mensonge,  simulation  de  maladies 
ou  d’indispositions) ;  frdquenlationdes  personnes  du  plus  bas  dtage  ; 
langage  injurieux  et  propos  inddcents. 

Tel  est  le  cadre  que  le  docteur  Me  Intosh  a  suivi  avec  mdthode  et 
qu’il  a  enrichi  de  faits  et  de  considerations  dont  nos  confrferes  pour- 
raient  tirer,  au  besoin,'  un  grand  profit,  s’ils  avaientiirendrecompte 
de  ces  ddsordres  protfilques  et  varids  renlrant  dans  la  sphere  des 
penchants,  des  sentiments  et  des  affections  morales  (folie  morale  dii 
docteur  Pritchard;  manie  raisonnante  de  Pinel,  folie  d’action  de 
Brierre  de  Boismont;  folie  systdmalisde  du  docteur  Morel,  pseudo- 
monomanie  de  Delasiauve,  etc.). 

he  iroisifeme  article  original  est  dd  ii  la  plume  du  savant  docteur 
Maudsley,  un  des  principaux  et  des  plus  actifs  rddacteurs  de  ce  re- 
cueil.  C’est  une  discussion  sur  les  essais  et  les  critiques  philoso- 
phiques  modernes  de  quelques  penseurs  de  la  Grande-Bretagne, 
auxquels  M.  Maudsley  reproche  surtout  leur  diidain  ou  leur  igno¬ 
rance  de  la  nieihode  physiologique.  Tout  en  rendant  justice  a  leurs 
talents  et  a  leurs  efforts,  11  ne  trouve  pas  qu’ils  aient  fail  un  pas  de- 
puis  Descartes,  Locke  et  mfime  Aristote. 

Uncompte  rendu  plus  d6lailld  de  cette  dissertation  n’aurait  qu’uu 
intdret  secondaire  pour  les  lecteurs  des  Annales  midico-^psycholo- 
ffiques.  • 

Le  quatrifeme  travail  est  un  recucil  d’observations  tendant  a  dd- 
AHNAL.  Mio.-PSYCH.  4“  sdrie,  1.  ix.  Mai  1867.  9.  33 


510 


REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 


montrer  les  avantages  de  I’emploi  de  la  digilale  dans  le  iraitement 
de  la  manie  r^cente  et  ancienne. 

Le  docteur  Roberison  a  insdrd,  dans  le  Mental  Science  (janvier 
1864),  une  s6rie  de  cas  de  manie  an  ddbut  de  la  paralysie  g«n^rale, 
modifies  avaniageusement  par  cette  medication.  Depuis,  la  digltale  a 
dte  prescrite  dans  le  service  dti  mfime  praticien  oontre  les  diverses 
varidtes  d’aUdnation  mentale  se  traduisant  par  de  I’excilation  c6ri- 
brale.  G’est  le  rdsultat  de  ce  nouveau  groupe  de  fails  que  produit  le 
docteur  Williams,  M.  Robertson  ayant  mis  a  sa  disposition  ses  notes 
el  ses  observations. 

Je  donne  seulement  le  litre  de  celies-ci,  le  diagnostic,  la  forme,  et 
la  marche  en  dtant  parfaitement  indiques.  Mes  coiifrfcres  verront 
dans  quelles  circonstances  ils  pourraient  recourir  4  ce  moyen,  s’ils 
le  jugeaientopportun. 

1“  Manie  aigue;  amelioration  incomplete  par  la  morphine  et  le 
drap  mouilie ;  effet  calmant  de  la  digitale  ;  guerison. 

2“  Manie  aigu6,  avec  signe  d’agitation  et  de  violence  imminentes  ; 
usage  immediat  de  la  digitale,  cessation  des  accidents,  conva¬ 
lescence. 

3"  Manie  aigue,  non  traitee  et  passant  4  la  chronicite ;  violence 
et  excitation ;  amelioration  partielle  des  accidents  par  I’emploi  du 
medicament. 

4°  Manie  aigue,  rechutes  successives ;  promple  amelioration  par 
la  digitale,  cure  permanente. 

5”  Manie  rdcente  ;  inutiiiie  du  traitement  opiace ;  amelioration 
teraporaire;  rechute  malgre  la  digitale  causant  constammenl  un 
derangement  de  la  santd;  retour  deflnitif  4  la  raison  sans  nouveau 
traitement. 

6°  Manie  aigue  avec  conceptions  ddlirantes,  4  forme  religieuse  ; 
opiaces  infructueux ;  emploi  de  la  digilale ;  amelioration  notable  et 
presque  immediate;  gudrison. 

7“  Manie  aigue  :  excitation  continuelle  depuis  plusieurs  mois  ; 
impuissance  de  I’opium  et  du  traitement  bydrotherapique ;  amelio¬ 
ration  par  la  digitale. 

8“  Manie  periodique;  agitation  calmee  sur-le-champ  par  la 
digilale. 

9“  Manie  clironique  avec  excitation ;  cessation  des  accidents  par 
la  digitale. 

10“  Manie  chronique  avec  conceptions  erronees  et  crises  fre- 
quentes  d’agitation  ;  insuccfcs  de  tout  traitement  excepte  la  digitale. 

11“  Manie  chronique,  excitation  periodique,  avec  conceptions 
deilrantcs,  forme  :  satisfaction  et  importance  personnelles ;  cessa- 


JODRNADX  ANGLAIS. 


511 

lion  de  I’excitalion  el  des  conceptions  erroiideS  par  I’empio!  de  la 
digiiale ;  on  cesse  le  medicament,  relour  de  tons  les  accidents  ; 
nouvel  emploi  du  medicament  suivi  du  inSme  i-esuitat  avanta- 
geux. 

Manie  passant  4  la  demence  enrayee  par  la  digitale;  sort! 
ir6s-ameiiore. 

13“  Manie  chronique  caracterisee  par  de  tres-grandes  divagations, 
paroxysmes  periodiques  d'excitation,  bruyant,  parfois  violent ;  ame¬ 
lioration  par  I’usage  de  la  digitale. 

Id"  Manie  chronique,  avec  retour  d’agitation,  due  en  parlie  A 
I’intemperanoe  ;  disparition  de  tome  i’excilalion  et  de  la  reapparition 
des  crises  par  I’eraploi  de  la  digitale  combinee  avec  Topium. 

15“  idiot  et  epileptique  de  naissance,  gateux,  destructeur, 
bruyant  et  sans  cesse  en  mouvement;  amelioration  notable  par  la 
digitale. 

16“  Manie  epileptique ;  ellets  ires-marques  de  la  digiiale  pour 
diiuinucr  la  violence  des  paroxysmes  accompagnant  les  crises  ner- 
veuse.s. 

17“  Manie  epileptique  avec  violence  excessive  au  retonr  des 
attaques :  disparition  entiftre  de  I’agitation  par  I’usage  de  la  digi¬ 
tale, 

18“  Manie  epileptique  accorapagnee  d’une  extreme  violence  carac¬ 
terisee  par  des  paroxysmes  avec  tendance  homicide ;  elt'et  nul  du 
drap  mouilie;  amelioration  remarqiiable  decet  etatsous  I’influence 
de  la  digitale. 

19“  Manie  aiguej  usage  immediatde  la  digiiale  dfis  I’entree;  ces¬ 
sation  de  toute  agitation  en  vingt-quatre  heures;  guerlson  definitive. 

Ce  mempire  se  termine  par  des  appreciations  que  je  ne  crois  pas 
devoir  passer  sous  silence. 

«  La  digitale,  dit  le  docteur  William,  n’a  pas  reellemenl  un  pou- 
voir  curalif  dans  I’aliepalion  menlale,  mais  c’est  un  remarqnable 
calmant  de  rexpitatipn,  et  grace  a  lui  une  maison  de  bruit  et  de  tn- 
multe  pent  etre  tranformee  en  un  milieu  relalivement  paisible  j  il  pro- 
cure  ainsi  un  des  desiderata  les  plus  necessaires  pour  le  traileraent 
de  la  folie.  Le  docteur  Robertson  explique  cette  action  de  la  digiiale 
dans  la  pardsie  et  probablement  dans  la  manie,  par  sa  tendance  «  h 
calmer  le  pools,  et  ainsi,  selon  tome  apparenoe,  A  mleux  favoriscr 
I’apport  du  sang  au  cerveau  ;  ce  qui  combat  la  predisposition  4  une 
effusion  sdreuse,  consequence  de  I’inllammation  qui  suit  sa  marchc.» 
Dans  la  manie  chronique  et  I’epilepsie,  le  calme  qui  suit  I’administra- 
lion  de  la  digiiale,  serait  dfll  simplement  4  la  diminution  de  i’action 
du  ctBur,  ce  qui  moddre  I’afflux  du  sang  au  cerveau,  d’ofi  moins 


512  REVUE  DBS  JOURNAUX  DE  MfiDEClNE. 

de  mat^riaux  pour  entretenir  I’excllation.  En  effet,  la  digitale  ne 
semble  cfficace  que  lorsque  le  poiils  a  6td  influencd. 

II  ne  faut  pas  croire  que  les  constitutions  fortes  et  robustes 
peuvent  seules  supporter  la  digitale  ;  les  individus  affaiblis  par  la 
maladie  on  dpuisds  par  I’agitaiion  la  supportent  le  mieux,  en  gd- 
ndral.  C’est  ce  que  I’expdrience  a  prouvd  cbez  des  femmes  presque 
mourantes  J  la  suite  d’hdmorrbagies  puerpdrales.  II  faut  done  ad- 
mettre  que  la  digitale  est  un  stimulant  de  Taction  du  coeur,  mais 
que  si  cette  action  est  porlde  trop  loin,  elle  se  Iraduit  par  un  spasme 
tonique,  dd  it  la  stimulation  excessive ;  par  consdquent,  il  faudra 
donner  une  plus  grande  quantitd  de  digitale  pour  obtenir  cet  dlat 
tonique  sur  un  coeur  alfaibli  par  Tdpuisement.  Le  docteur  Lister.a 
constatd  que  si  Ton  irrite  ie  nerf  pneumogastriqiie  cbez  un  sujet 
dont  la  constitution  est  faible,  il  faudra  une  stimulation  galvanique 
plus  Intense  que  cbez  un  sujet  .plus  robuste  pour  activer  Taction  du 
coeur  et  ensuile  Taffaiblir. 

Le  docteur  Robertson  a  admlnistrd  la  teinture  de  digitale  h  dcs 
doses  dlevdes,  un  demi-gros  S  un  gros,  irois  ou  quatre  fois  par  jour 
(ce  qui  dquivaut  4  1,  a  2  grammes,  trois  ou  quatre  fois  par  jour,  la 
teinture  anglaise  dtant  moitid  moins  chargde,  environ,  que  la  tein¬ 
ture  franQaise).  Le  malade  pent  paraitre  plus  excitd  pendant  les  pre- 
miferes  heures,  mais,  en  persdvdrant,  on  voit  bientOt  Texcitation 
baisser  et  le  pouls  devenir  intermittent.  Cette  intermittence  ne  se 
manifeste  souvent  qu’une  fois  par  six  battemenis;  d’autrefois,  elle 
est  plus  frdquente.  D6s  qu’elle  .survient,  il  faut  suspendre  la  digitale 
jusqu’a  ce  que  le  coeur  revienne  a  son  rhythme  normal.  Cette  pd- 
riode  varie  suivant  les  diverses  constitutions  ;  cbez  quelques  per- 
sonnes,  cette  modification  de  la  circulation  peut  durer  quelques 
jours  ;  cbez  d’autres,  quelques  beures  seulement. 

Certains  malades,  mais  en  petit  nombre,  se  trouvent  mieux  de 
petites  doses,  dix  gouttes  (cinq  pour  nous),  trois  fois  par  jour,  du- 
rant  plusieurs  mois ;  mais  comme  rfegle  gdndrale,  il  semble  conve- 
nable,  exceptd  dans  le  cas  d’dpilepsie,  de  donner  la  digitale  pendant 
la  durde  de  Tagitation,  et  d’en  tenir  Taction  en  rdserve  jusqu’au 
moment  ofi  Tatlaque  redevient  imminente. 

En  ce  qui  regarde  Tdpilepsie,  la  digitale  semble  possdder  un 
effet  prdventif :  prdvenir  les  attaques  de  violence,  et  diminuer  la 
fureur  lorsqu’elle  survient. 

Rarement  on  remarque  des  vomissements  et  une  tendance  a  la 
syncope ;  alors  la  suspension  de  Temploi  du  remdde  fait  prompte- 
ment  cesser  les  accidents.  L’effet  purgalif  n’a  jamais  did  notd  dans 
le  service  du  docteur  Robertson.  La  diurdse  est  frdquente,  mais 


JODRNAUX  ANGLAIS. 


513 


n’csi  pas  toujours  constante ;  elle  a  lieu  plut6t  chez  Ics  personiies 
d’une  faible  constitution  ;  ce  qui  confirme  cette  thdorie  que  la  digi- 
tale  est  un  stimulant  et  non  un  ddprimant,  et  cela  aussi  bien  ^ 
hautes  qu’i  faibles  doses. 

Quelquefois,  quand  le  medicament  a  cessd  d’agir,  ou  qu’il  a 
amend  certains  derangements,  le  docieur  Robertson  a  prescrit  avec 
avantage  la  potion  suivante  : 

"if,  Teinture  de  digitale.  ...  25  goultes  (12  gouttes). 

Morphine .  20  milligrammes. 

Acide  hydrocyanique. ...  5  gouttes, 

Ether .  30  gouttes. 

Pour  une  potion  a  prendre  en  deux  fois. 


La  revue  des  iravaux  de  medecinepsychologique,  confide  an  doc¬ 
ieur  Alridge  pour  le  Mental  Science,  trouve,  dans  ce  savant  prati- 
cien,  un  interprfete  des  plus  compdtcnts ;  il  rddige,  pour  cbaque  tri- 
mesire,  une  analy.se  desouvrages  allemands,  franpals,  italiens,etc. ; 
il  donne  dgalement  un  aperqu  des  principaux  dcrlts  qui  se  publient 
en  anglais,  et  comme  on  ne  saurait  suivre  un  raeilleur  guide,  je  lui  ' 
emprunte  les  paragraphes  suivants  : 

1"  Cours  sur  V etude  des  maladies  du  systeme  nerveux.  —  Etudes 
sur  les  maladies  du  systeme  nerveux.  —  Sur  la  perte  du  Ian-’. 
gage.  —  Son  association  avec  les  maladies  des  valvules  du  cxur 
et  avec  I’hemipUgie  du  c6le  droit,  par  le  docteur  Jackson. 

Dans  le  premier  de  ces  dcrits,  le  docteur  Jackson  insiste  avec 
autantde  force  que  de  raison  sur  i’importance  d’une  mdlhodecon- 
venable  pour  I’dtude  des  affections  du  cerveau,  et  ddinontre  la  nd- 
ccssitd  de  combiner  I’histoire  psychologique  et  I’histoire  clinique  de 
la  maladie,  si  Ton  veut  arriver  5  son  histoire  rdelle  et  naturelle.  Il 
recommande  particuliferement  I’dtudc  des  changcments  morbides 
qui  ont  lieu  dans  les  tissus.  «  Nous  devrions  tons,  dit-il,  dtudier  les 
maladies  de  I’oeil,  si  nous  ddsirons  connaltre  celles  du  systftme  ner¬ 
veux,  et  meme,  la  pathologie  en  gdndral.  Outre  Timportance  de 
cette  connaissance,  comme  venant  au  secours  de  I’dtude  de  la  psy- 
chologie  de  la  maladie  (car  six  des  neuf  nerfs  ci-aniens  ont  des  rap¬ 
ports  directs  ou  indirecls  avec  I’organe  de  la  vision),  c’est  un  champ 
pour  I’dtude  des  maladies  des  tissus...  La  choroTdile  syphilitique  et 
I’inllammatioii  syphilitique  de  la  pie-mere,  cette  choroide  du  cer¬ 
veau,  sont  ipeu  prdssemblables  comme  affections  des  tissus,  quoique 
les  symptbmes  physiologiques  qu’elles  produisent  soient  trds-diffd- 


51U 


HEVUE  DKS  JOliHJNAUX  DE  MfiDECENE. 


rents,  les  oiganes  qu’elies  atiaquent  et  les  fonctioiis  qU’clles  ddraii- 
gent  ^tanttoutdissemblables...  je  ne  saurais  trop  voiis  recommander 
avant  tout,  dans  les  maladies  du  cerveau,  I’^tude  des  maladies  des 

Dans  ses  observations  sur  les  u  troubles  de  la  vision  dans  les 
maladies  du  systfeme  nerveux,  »  le  docteur  Jackson  fait  remarquer 
que  I’amaurose  causde  par  TaUdration  du  systfeme  nerveux  central,  ou 
iiieme,  d’un  seul  hfemisphere,  esl  invariableiiient  double,  ct  dfecrit 
les  signes  fournis  gfenferalement  par  [’ophthalmoscope  dans  ceite  va- 
rifetfe  d’amaurose.  Conirairement  fe  I’opinion  gfenferalemcnt  aduiise 
que  I’oeil  n’olfre  pas  alors  d’alliiralion,  il  y  cn  a  posilivement,  el  elle 
consi.sle  en  une  atropliie  de  couleiir  blanche  du  disque  oplique. 
Ceci  pent  paraitre  une  felrange  assertion,  mais  il  esl  positif  que  dans 
les  eas  aigus  de  maladies  cferfebrales,  I’amaurose  passe  souvent 
inapercue ;  du  raoins,  d’aprfes  son  experience,  le  docteur  Jackson 
est  certain  que  la  facultfe  de  lire  les  caraciferes  d’imprimerle  ordi- 
naires,  ne  soffit  pas  alors  pour  qu’on  soil  sdr  <|u’il  n’y  a  pas  une 
lesion  fixe  ct  permanente  du  nerf  oplique  ou  de  la  rfetine.  La  vue 
manque  parfois  pferiodiqnement  ou  lout  fe  coup  el  entiferement,  les 
signes  fournis  par  I’ophthaimoscope  restanl  fe  peu  prfes  les  mfemes. 
«  L’observalion  d’un  cas  aigu  de  maiadie  cferebrate  doit  feire  consi- 
dferfee  comme  incomirlfe.te,  si  les  yeux  n’ont  pas  did  examines  a  I'aide 
de  rophthalmoscope. »  «  6i  j’eniends  eitcr  ou  si  je  ils  I’hisloire 
d’un  cas  de  tumeiir  du  cerveati  od  le  maladc  est  devenii  hdbetd, 
inattentif  et,  pl-ohabiement,  vers  la  iln,  comateux,  fattache  peu 
d’iniportance  fe  la  nou-attdrailon  de  la  vue  du  malade,  si  i’instromeni 
n’a  pas  did  mis  en  usage...  »  «  Nous  irouvons  des  signes  d’tine 
grande  valeur  dans  I’oeil  avant  que  le  malade  se  plaigne  de  sa 
vue...  jj  «  Assurdment,  je  ne  prdlends  pas  qu’un  obscmcissemwu 
de  la  vision,  accompagnd  de  cdplialalgie,  esl  une  chose  sdriense,  mais 
je  disqu’il  est  loujours  indispensable  d’examiner  avec  le  plus  grand 
soin  ceite  sdrie  de  symptbraes,  snrioat.si  la  doulenr  est  iulcnse,  et 
priucipalement  si  elle  coincide  avec  des  vomissements  pressantsel 
sans  cause  apprdciable.,.  »  ,«  Enfin,  d’nprfes  ces  irois  graves  sym- 
pibmes  :  cdplialalgie,  vomissement,  amaurose,  nous  ne  pouvons 
dtablir,  du  moins  avec  quelque  exactitude,  le  sidge  de  raJJ'cclipn 
qui  les  ddiermine.  n 

A  propos  de  la  relation  de  la  perte  de  la  parole  avec  hdwipldgje 
du  cOtd  droit,  ,1c  docteui-  Jackson  ne  cite  pas  moins  ,de  irente- 
qtialre  cas  d’iidmipldgie  dans  lesquelsla  perte  de  la  parole  existaitii 
uti  degrd  plus  ou  moins  prononed  i  trente  et  une  fois  I’ktdmipldgie 


JOUBNAUX  AMGLAIS. 


515 


si^geail  &  droite  ;  trois  fois  seulement  i  gauche.  On  salt  queM.  Broca 
pense  que  la  perte  du  langage  est  due  a  I’alldration  du  cdt€  gauche 
du  cerveau  seulement,  et  qu’il  s’est  ell'orc6  de  localiser  cette  soi- 
disant  faculty  de  rarliculalion  des  mots  dans  la  partie  posi^rieure 
de  la  troisifeme  circonvolution  frontale  gauche.  De  son  catd  aussi,  le 
docteur  Jackson  avail  noU  que  dans  ptesque  tons  les  cas  de  perte 
du  langage,  11  y  avait  eu  hiSmipl^gie  du  cdl6  droit ;  11  avail  beau- 
coup  raiiacbi  sur  celte  singuli^re  coincidence,  sans  se  hasarder, 
dit-il,  it  en  tirer  aucune  lhaorie  trop  hStive.  «  Cesdeux  symptames  : 
hamipidgie  et  perte  du  langage,  peuvent  bien  ne  pas  exisler  simul- 
tandraent,  mais  ils  se  rencontrent  frdquemment  ensemble ;  cela  tient 
simplement  h  ce  que  la  partie  de  rhdmispbdre  ou  sidge  la  facultd 
du  langage,  ou  du  langage  articuld,  est  prds  du  corps  strid ;  de 
sortc  qu'il  y  a  soulTrance  commune  par  le  seui  ell'et  de  la  conti- 
guitd :  la  cause  dtant  la  mdme,  ou  la  Idsion  s’dtendant  de  Tune  des 
deux  parties  it  rautre.  » 

Le  docteur  Jackson  possdde  une  multitude  d’exemples  d'hdmipld- 
gie  droite  avec  perte  de  la  parole,  et  beaucoup  de  fails  d'hdmipldgie 
gauche,  oft  la  faculid  du  langage  dtait  conservde;  11  pense  done  que, 
jusqu’ici,  les  fails  semblent  cionner  raison  k  la  thdorie  du  docteur 
Broca.  Telle  n’est  pas  la  manidre  de  voir  du  commenlateur,  M.  Al- 
ridge,  qui  ue  peut  admettre  que  le  langage,  dans  son  caraetdre  intel- 
lectuel,  e’est-d-dire  comme  signe  ou  symboledg  I’idde,  puisse  avoir 
un  sidge  aussi  limitd,  et  il  ajoute  plaisamment  :  qu’une  pareille 
conception  ne  ponvaii  entrer  que  dans  la  tdte  d’un  FranQais. 

La  France  et  M.  Broca  s’en  relfeveront-ils  2 

2®  Sur  I’efflcaciU  du  bromure  de  potassium  dans  I’epilepsie  et 
certaines  affections  psychiques,  par  le  docteur  Williams. 

Voici  les  conclusions  du  docteur  Williams  : 

A.  Le  bromure  de  potassium  jouit  du  pouvoir  de  diminuer  la  frd- 
quence  des  paroxysmes  dpileptiques ; 

B.  Cette  action  est  limitde  aux  cas  oh  les  crises  nerveuses  n'ont 
lieu  que  pendant  le  jour ; 

C.  Bon  eificacitd  est  due  k  son  influence  sddative  sur  Paction  du 

D.  11  amdiiore  dgalement  et  de  la  mdme  manidre  la  violence  des 
phdnomdnes  d’excitation ; 

E.  11  peut  dtre  utilisd  avec  avantage  dans  de  nombreux  cas  de 
folie,  et  surtout  dans  ceux  ou  le  sens  dmotif  est  atteint ; 

F.  II  n'a  pas  de  propridtds  antiaphrodisiaques; 


516  REVUE  DES  JOURNACX  DE  MEDECINE. 

G.  Pour  beaucoup  de  peisonnes,  on  peul  poilcr  la  dose  jiisqu’ii 
un  demi-drachme  (2  grammes) ;  niais  siir  quelques  personnes,  une 
quantity  beaucoup  plus  faible  produit  un  effet  tr6s-d616t6rc; 

H.  Des  doses  de  vingt  li  irenie  grains  donndes  le  soir  5  des  ma- 
lades  souffrant  d’une  excessive  irritability  nerveuse,  amfenent  par- 
fois  le  sommeil  quandles  opiacys  seraient  trfes-nuisibles; 

7.  Il  produit  quelquefois  la  superpurgation,  et  alors  les  malades 
doni  I’idiosyncrasie  est  telle,  ne  s’accoutument  pas  aisyment  a  son 
usage. 

En  ce  qui  concerne  les  yplleptiques,  le  docteur  Williams  dydare 
qu’il  n’a  pas  trouvy  un  spycifique  dans  le  bromure  de  potassium ; 
mais  toutefois  son  effet  a  yty  tel  que  les  quartiers  off  syjournent  ces 
malades  ont  paru  transformys  depuis  que  le  mydlcament  a  yiy  ad- 
ministry.  «  Aussi,  dit-il,  si  ce  mymoire  pent  dydder  des  essais  de 
ce  genre  dans  d’autres  ytablissements,  et  que  le  succfes  rCponde  5 
celui  de  I’asile  de  Northampton,  les  peines  que  j’ai  prises  pour  le 
rydiger  seront  largement  rycompensyes.  » 

3"  Sur  I’action  du  bromure  de  potassium  sur  le  systeme  nerveux, 
par  le  docteur  Chricliton  Brown. 

Le  travail  du  docteur  Chrichton  Brown  vient  corroborer  celui  du 
docteur  Williams,  sur  I’action  du  bromure  de  potassium  comme 
sydatifdu  coeur  et  du  systfeme  nerveux;  de  plus,  le  mydicanient 
ytendraitson  action  aux  fonctions  sexuelles, 

Le  docteur  Brown  pense,  en  ce  qui  concerne  la  folic,  que  le  bro¬ 
mure  de  potassium  modfere  les  manifestations  excessives  des  instincts 
et  appytits,  et  est  uiie  ressource  pour  dytruire  les  propensions  et  les 
impulsions  dygradyes  et  vicieuses,  11  a  positivement  constaty  son 
eflicacity  par  I’amyiioration  de  la  myiancolie,  simple,  suicide,  hyry- 
ditaire,  hypocliondriaqne,  sexuelle,  ymotive,  etc. 

U°  La  revue  mydico-psychologique  anglaise  du  docteur  Alridge 
se  termine  par  un  extrait  d’un  article  insyry  dans  le  journal  le 
Cornhill  Magazine  et  qu’il  attribue  au  docteur  Blandford.  Get 
article  doit  exercer,  ditM.  Alridge,  une  influence  favorable  sur  les 
norabreux  Iccieurs  du  Cornhill ;  il  traite  des  diverses  formes  de  la 
folie  dans  lesquelles  I’homicide  est  le  principal  ou  le  plus  fryquent 
syraptffme. 

Au  paragraphe  concernant  les  cas  «  off  I’inlelligence  semble  ne 
pas  etre  attcinle  »,  I’auteur  ymet  les  jusles  et  saines  considyrations 
que  voici : 


JOUBNAUX  ANGLAIS. 


517 

« Ici  seplaccnt  les  diverses  classes  de  folie  hdmicide;  dans  les- 
qiielles  aucune  altdration,  aucun  trouble  de  I’esprit  ne  seinble  se 
rdvdler,  ce  qui  cotisiituc  une  tres-sdrieuse  difficultd  pour  les  magis¬ 
trals,  les  juges  el  le  jury.  Ce  sont  les  cas  qui  out  occasionnd  les  plus 
riolentes  clameurs,  et  pour  lesquels  on  a  dit  que  les  docteurs  cn 
ddmence  (mad  doctors)  avaient  produit  ce  qu’ils  appellent  la  folie 
morale,  ou  impulsive,  pour  servir  uniquement  d’exciise,  de  sorle 
que  le  jugement  et  les  ddbats  n’dtaient  plus  qu’une  plaisanterie  (a 
farce).  Cette  ddsignalion,  folie  morale,  ne  donne  nullement  une 
vdrilable  et  convenable  idde  de  ces  situations  mentales.  Le  plus 
souvent,  il  y  a  affection  de  quelque  centre  nerveux  reconnaissable 
pour  ceux  qui  dtudient  de  pareillcs  aberrations  et,  pourtanl,  ils 
rdussiront  difficilement  a  faire  passer  leur  conviction  dans  I’esprit 
d’lin  jury.  Beaucoup  de  ces  troubles  sont  analogues  i  certaines 
maladies  du  corps  relides  dgalemeni  aux  centres  nerveux. 

1"  D’abord,  11  faut  meniionner  une  forme  oft  la  maladie  physique 
el  la  maladie  mentale  semblent  devoir  forcement  se  rencontrer,  cl 
oft  Tune  prend  assez  souvent  la  place  de  I’autre ;  e’est  la  folie  dpi- 
leptique.  On  possdde  des  observations  de  crises  de  fureiir  homicide 
qui  siiivent  de  prfes  une  attaque  dpileptique.  On  en  a  notd  d’antres 
ou,  I’dpilepsie  ayant  disparu,  im  ddsordre  de  I’action  edrdbrale  a  pris 
sa  place  ;  de  sorte  qu’au  lieu  d’une  crise  d’dpilepsie,  une  crise  sou- 
daine  de  folie  homicide  s’est  manifestde.  Dans  cet  dtat,  la  volon^d, 
la  perception  du  bien  et  du  mal  et  le  caraetdre  de  I’acte  sont  alors 
voildspour  le  malade. 

2°  Prenons  un  autre  groupe  de  cas  assez  analogues  aux  prded- 
dents.  Souvent,  chez  les  femmes,  parfois  chez  les  homines,  nous 
voyons  une  courte  et  passagdre  attaque  de  vlolente  manie,  qu’on  a 
appelde  manie  hystdrique  ou  transitoirc.  Si,  ainsi  que  cela  arrive 
souvent,  nn  individu  commet  un  homicide  pendant  I’un  de  ces  ra- 
pides  paroxysmes,  il  serailhien  difficile,  auplus  grand  nombre,  liuit 
jours  aprds,  de  le  trouver  assez  atteint,  d’aprds  nn  examen  person¬ 
nel,  pour  lui  accorder  le  bdndfice  de  I’irresponsabilitd  devant  un 
jury.  Lorsque  ces  paroxysmes  sont  lerminds,  les  malades  ignorent 
souvent  ce  qui  est  arrivd.  D’un  autre  c6td,  ils  en  sentent  parfois 
Papproche  et  demandent  d  dtre  mis  dans  I’impossibilitd  de  nuire; 
bien  plus,  ils  vont  mfime  jusqn’d  se  lier  pour  ne  pas  commettre 
d’acte  de  violence. 

3°  On  trouve  une  infmitd  de  gens  dont  toute  la  folie  est  une 
impulsion  au  meurtre  ;  qui  I’dprouvent  non  par  accident,  mais  con- 
stamment,  et  qui  s’y  abandonneront  dfes  qu’une  occasion  se  prdsen- 
tera.C’esl  un  ddsir  chronique  de  tuer.  Beaucoup  de  personnesontdtd 


518  REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MfiDECINE. 

d’opinion  qu’on  aurait  dd  pendre  Macnaughien,  parce  qu’il  y  avail 
ea  dessein  et  intention ;  mais  ces  malheureux  arrangeroiit  ieurs 
plans  pendant  des  semaines  et  des  mois  enlicrs.  Tel,  par  exemple, 
I’individu  de  I’asile  de  Broadmoor,  ainsi  que  I’a  rapports  le  Times, 
qui  avait  cach^  son  couteau  sous  le  planctier.  On  grand  nombre  de 
fonctionnaires  attaches  aux  maisons  d’aliiin^s  peuvent  signaler  des 
cas  de  cette  nature,  et  ont  vu  des  insensSsqui  n’oni  pas  d’autre  folie 
el  qui  sont  connus  pour  avoir  fait  tentative  d'homidde  sur  tenta¬ 
tive,  resuliat  probable  de  I’hdrdditd,  ce  qui  est  giimiralemenl  le  cas 
dans  la  classe  des  v^sanies  en  question. 

4“  Diirivant  de  I’impr^gnation  h6rddiiaire,  ia  foiie  homicide  se 
irouve  queiquefois  chez  de  irfes-jeunes  sujets,  des  enfanls  de  huil, 
de  sept  ans.  Ces  crises  de  violence  sont  d’excellenles  leQons  qu’il  ne 
faut  pas  perdre  de  vue.  Elies  doivent  Sire  pour  nous  un  prdcieux 
enseignement,  lorsque  nous  avons  &  apprdcier  de  sembiables  dti- 
rangements  chez  les  aduites.  Elies  doivent  nous  apprendre  et 
apprendre  aux  juges  qu’il  nous  faut  regarder  aux  fails,  et  non  appr6- 
cier  selon  les  id6es  que  nous  nous  formons  objeclivemenl  li’aprfes  ce 
que  notre  conscience  nous  dit  fSire  le  bien  ou  le  mal. 

Le  cahier  de  Mental  Science  se  cl6l  par  quelques  notes  :  —  Dne 
relation  d’une  grave  dpiddmie  de  dysenierie  dans  I’asile  de  Cum¬ 
berland,  causae  par  I’arrosage  de  trois  acres  de  lerre  avec  des 
liquides  d’^gout  non  ddsinfect^s ;  —  la  description  de  cabinets  de 
sudation  et  d’hydrotherapie  it  Colney-Hatch  ;  —  une  lettre  de  M.  le 
docteur  Webster  qui  signale  la  tendance  gdntole,  qu’ii  a  d^jii  fait 
reraarquer,  au  d^placement  des  asiles  vers  des  sites  plus  I'avorables 
que  les  grands  centres  de  population.  Ses  remarques  sont  le  r^sul- 
lat  de  nombreuses  observations  qu'il  a  faites  du  not'd  de  la«Scandi- 
navie  au  sud  de  I’Espagne  et  de  Moscou  aux  mdtropoles  anglaises. 
M.  Webster  est  partisan  de  la  translation  de  Bethlehem ;  —  enfia 
un  exlralt  d’un  mdmoire  de  M.  J.  Blake  qui  d^sirerail  un  systfeme 
uniforme  de  traitement  dans  les  asiles  d'alidn^s  el  qui  incline  forte- 
ment  vers  ceiui  pratique  dans  ia  coionie  de  Gheel. 


HlBLlOGRAPinE. 


Db  la  medecine  morale  dans  le  traitement  des  maladies  nerveuses,  par 
le  docteur  Padiolead,  ouvrage  couronne  par  I’Academie  imperiale  de 
mddecine.  —  Germer  BAiLLifinE,  PariSj  1864. 

II  csl  pen  de  siijets,  dans  le  traitement  des  maladies  nerveuses, 
qui  soil  plus  digne  de  I’altention  du  mddecln,  que  I’aclion  de  la  m6- 
decine  morale.  Aussi  n’avons-nous  pas  dtd  surpris  qiie  M.  Padio- 
•eau,  cl  I’imilation  de  Tissot,  d’Alibert,  de  Descuret,  etc.,  s'en  soit 
occupd  avec  ardeur,  et  que  I’Acaddmie  ait  rdcompensd  son  tra¬ 
vail,  qni  renferme  beaucoup  d’observations  curieuses.  Parrai  lesfaits 
intdressants  et  nombreux  qu’il  rapporle,  il  en  est  deux  quisont  dus 
b  des  cliniciens  que  nous  avons  connus.  Le  premier  appartieut  S 
Bourdois  de  la  Motte,  praticien  trfes-rdpandu.  II  donnait  depuis  hull 
jours  des  soins  ii  uiie.  jeune  dame  atleinte  d’une  flfcvre  des  plus 
graves.  Les  signes  de  fin  prochaine  n’dtaient  que  trop  visibles.  La 
vue  (Tune  harpe  dveilla  dans  I’esprit  du  medecin  une  idde  qu’il 
s’empressa  de  communiqiier  au  mari.  Celiii-ci,  dtonndde  la  propo¬ 
sition  dans  un  pareil  moment,  refusa  d’abord  son  consentement, 
mais,  vaincii  par  les  instances  de  Bourdois,  il  fit  venir  une  excel- 
lente  harpiste  du  volsinage,  qui  joua  prfesdulit  del’agonisante pen¬ 
dant  Une  demi-heure  sans  auciin  rdsultat.  Heureusement  on  ne  se 
lassa  pas.  Aprbs  quaraute  minutes,  I’habile  observateur  remarqua 
que  la  respiration  devenait  plus  disliiicle,  plus  acceldrde.  La  mu- 
sicienne  redoublu  d’ardeur,  une  chaleur  vivifiante  se  distribua  dans 
tons  les  membres,  le  pools  se  rdgularisa,  de  profonds  soupirs  s’d- 
cliappferent  de  la  poitrine,  elle  paraissait  comme  oppressde-  Tout  4 
coup  le  sang  jaillit  du  nez,  et  apri'S  une  bemorrhagie  d’au  moins 
bult  onces  de  sang,  la  malade  reprit  la  parole ;  peu  de  jours  aptes, 
elle  eiait  convalescente.  Cette  dame,  depuis  ce  moment,  a  joui  pen¬ 
dant  plus  de  [rente ans  de  lasaiud  la  plus  florissante  (p,  9Zi). 

fious  avons  nous-mfime  racontd,  dans  la  seconde  edition  du 
Suicide  et  de  la  Folie  suicide,  que  nous  avions  lu  quelque  part  I’a- 
necdote  d’un  hommedont  la  position  paraissait  ddsesperde,  et  qui, 
entendant  soniier  ies  cloches  dans  le  ton  le  plus  faux,  en  fut  si  ir- 
rile,  qu’il  courut  prendre  la  place  de  I’inexpdrimenW  sonneur.  Le 
rdsultat  de  cet  acces  musical  fut  des  plus  favorables;  car  il  revint 
entierement  a  la  raison. 

Le  second  fait  est  dfl  4  Bupuytren.  Ce  chirurgien  cdlbfare,  vou- 


520  BIBLIOGRAPHIE. 

lam  r^duire  une  luxation  chez  une  damede  liaiU  rang,  vit  le  bras 
r^sister  h  ses  efforts ;  il  imagina  d’apostropher  violemmenl  la  ma- 
lade  en  ces  termes  ;  «  Vous  buvez,  madaipe,  s’dcria-t-il,  c’est  \olre 
fils  qui  me  I’a  dil !  »  AiissilOt  la  grande  dame,  saisie  d’dtonnemeiu, 
fut  prise  de  tremblement  et  tomba  dans  une  sorle  d’angantissement ; 
mais  I’effet  d&irS  avait  ^td  produit,  Ics  muscles  devinrent  dociles 
aux  moindres  tractions  et  la  luxalion  ful  rdduile.Alors,  n’ayantplus 
besoin  d’artiflce,  Dupuylren  reprit :  «  Oui,  madame,  vous  buvezde 
I’eau,  c’est  encore  votre  fils  qui  me  I’a  dit.  » 

L’influence  du  iraitement  moral  dans  les  maladies,  mise  en  evi¬ 
dence  par  ces  deux  observations,  et  surtoutpar  les  nombreux  exem- 
ples  rapportds  par  M.  Padioleau,  nous  a  paru  incontestable  dans 
les  affections  nerveuses;  aussi  considdrons-nous  son  traitd  comrae 
dminemment  pratique,  ii  raison  des  inspirations  qu’il  peut  suggdrcr. 
Notre  experience  ne  peut  que  confirmer  les  rdsultats  signalds  par 
notre  confrfere,  dont  le  livre  a  requ  nn  trfes-bon  accueil  dans  le 
Journal  americain  de  I'lnsanite  (186/|),-  nous  nous  associons 
compldtement  aux  dloges  qu’a  donnds  le  rddacleur  dtranger  b  son 
ouvrage,  et  nous  n’avons  qu’un  regret,  c’est  de  ltd  avoir  fait  at- 
tendre  aussi  longtemps  la  justice  i  laquclle  il  avait  droit. 

A.  BRIERRE  de  BOtSMOHT. 

Rapport  medical  sur  le  service  de  la  section  des  hommcs,  a  I’asile 
de  Mardville,  pendant  I’annee  1865,  par  le  docteur  H.  Bomnet. 

Nous  avons,  depuis  longtemps,  dmis  I’opinion  qu’il  fallait  lire 
avec  attention  les  comples  rendus  annuels  des  asiles  publics,  parce 
qu’ils  contenaient  trds-souvent  des  indications  d’une  importance 
rdelle.  II  estvraique  cette  remarque  s’applique  bien  plus  aux  rap¬ 
ports  anglais,  amdricains,  allemands  et  iialiens,  qn’aux  rapports 
franqais,  qui  brillent  gdndralement  par  leur  absence.  Aussi  nous 
ferons-nous  un  devoir  de  nous  arrdter  sur  ceux  qui,  par  hasard, 
parviennent  jusqu’a  nous. 

Nous  signalons,  en  passant,  les  cas  chroniques,  dans  la  proportion 
de  un  sur  quatorze,  et  que  M.  Bonnet  attribue  avec  raison  it  I’habi- 
tude  de  garder  longtemps  les  malades  chez  eux,  surtout  a  la  cam- 
pagne,  ii  la  mesure  des  ddp6ls  temporaires  dans  les  hospices,  it  la 
tendresse  malentendue,  al’indifference,  5  I’apathie,  peut-6tre  aussi 
aux  criailleries  de  ces  derniferes  amides.  —  Nous  nous  arrdterons 
senlement  aux  causes  de  la  maladie. 

L’auteur,  dans  ces  considdralions  dtiologiques,  combat  I’opinion 
do  ceux  quiont  voulu  reconnaltre,  pourgendse  de  la  folie,  I’dbran- 


tiiBtlOGRAPHlte.  521 

lement  direct  produit  dans  le  sensorium  commun  par  I’exaliation 
ouraffaisseraentpassionnel;il  sefondesurla  difference  des  idiosyn¬ 
crasies  et  des  conditions  ethnologiques,  siir  ce  que  la  rdsultante 
n’est  pas  toujours  soudainement  immediate  et  sur  les  differences 
demodaliies  nerveuses  des  centres,  de  la  peripherie  et  du  systtme 
ganglionnaire,  II  est  cependant  naturel  de  penser  que  les  manifes¬ 
tations  des  formes  de  la  folie  doivent  surtout  refleter  les  sentiments 
permanents  chez  riionime.  Snivant  M.  Bonnet,  ies  causes  de  I’alie- 
nalion  doivent  6tre  rangdesen  troisgrandes  divisions  :  1“  alterations 
organiques  hereditaires ;  2°  alterations  vdsaniques,  dmanant  du  sys- 
tfeme  central  ou  peripherique  modifie;  3°  alterations  vdsaniques 
dbnt  la  provenance  est  dans  une  maladie  organique. 

L’auteur  de  ce  travail,  dans  sa  recherche  des  causes,  fournil  un 
exemple  de  plus  a  I’appui  de  la  rdponse  que  nous  faisions  un  jour  ii 
Parchappe.  Ce  distingue  coU6gue  avait  altaque  notre  opinion  sur 
riniluence  de  la  civilisation  dans  le  developpement  de  la  folie.  Les 
medccins  d’asiles  prlvds,  lui  objectames-nous,  sent  raieux  places 
que  les  rnddecins  d’asiles  publics  pour  connaltre  les  causes  de  I’alie- 
nation  mentale.  Void  comme  s’exprime  M.  Bonnet  sur  ce  sujet : 
«  Nous  regrettons  la  privation  o£i  nous  sommes  trop  Souvent  de  ren- 
seignements  concernant  les  malades  qu’on  a  a  trailer.  Cela  tient  a 
ce  que,  dans  beaucoup  de  cas,  les  individus  placds  volontairement 
ne  sont  pas  accompagnes  par  leurs  families,  mais  par  des  personnes 
complaisantes  qui  ignorent  ou  veulent  se  taire  ;  d’auires  fois,  ce 
sont  les  families  qui  ont  une  ti-bs-grande  repugnance  5  parler. » 
Comme  preuve  de  cetle  absence  de  renseignemenls,  M.  Bonnet  rap- 
porte  que  chez  126  individus  admis  pour  la  premi6re  fois,  78  fois  il 
n’a  pu  savoir  les  causes  dela  maladie. 

Malgrd  ces  difficultes,  I’auteur  descomptes  rendus  a  fait  de  loua- 
bles  efforts  pour  edaircir  I’eiiologie. 

Nous  ne  parlerons  que  de  quelques  causes  qui  ont  ete  raoins  in- 
diquees.  Les  mariiiges  precoces  sont  un  motif  de  degenerescence  5 
laquelle  on  ne  fait  pas  assez  attention.  M.  Bonnet  suit  I’enfant 
pendant  la  grossesse,  I’allaitement,  et  est  d’avis  que  les  dcarts  phy¬ 
siques  et  moraux  de  la  mtre  ont  pour  consequence  I’appauvrisse- 
ment  a  la  naissance,  les  convulsions  du  premier  age,  la  predisposi¬ 
tion  aux  impressionnabilites  diverses ,  aux  lesions  cerebrales, 
cerebro-ganglionnaires  et  sensoriales.  II  en  est  de  raanie  des  pre¬ 
cedes  vicieux  de  I’allaiiement.  En  grandissant,  les  mauvaises 
conditions  hygieniques  peuvent  favoriser  un  etat  mental  conv'ulsif 
ou  nevrotique  proteiforme,  en  raison  directe  du  processus  heredi- 
taire  ou  congenital.  Esquirol  a,  en  effet,  cite  I’alteration  de  I’at- 


522  BIBLIOGRAPBIE. 

mosphfere  cotnirie  <iause  des  cdiiviilsioris  de  I'enfance  et  de  I’dpi- 
lepsie;  certaines  professions  chargent  Tail-  de  substances  Impnres  et 
agissent  comme-dldmenls  producteurs  de  la  folie. 

M.  Bonnet  examine  ensuite  I’enfant  devenu  homme  et  soumis 
aux  influences  personnelles,  sociales  et  pathologiques.  Aprfes  avoir 
rapidement  passd  en  revue  chacune  de  ccs  influences,  il  dit  que 
toutes  ces  conditions  de  cansalltci  mfenent  droit  a  reconnaltre  la  na¬ 
ture  de  ia  folie  dans  les  aluirations  organiques  du  cerveau,  du  sys- 
t6me  nerveux  cdr^bro-spinal  ou  ganglionnaire.  Comme  ces  Idsions 
ne  sont  pas  tellement  apprdciables  qu’il  soit  possible  de  conclure  de 
leur  dtiologie  i  une  classification  nnalomo-patliologiqiie,  il  admet, 
ainsi  que  presque  lous  les  ali^nistes  et  M.  Griesinger  en  dernier  lieu, 
qu’elle  doit  encore  maintenant  etre  basde  sur  les  modifications  psy. 
chiques  de  I’entendement  et  du  moral. 

Ce  travail  de  M.  Bonnet,  quoique  trfes-abrSg^,  a  raison  meme  du 
plan  de  sa  communication,  n’en  est  pas  moins  important  a  sulvre 
dans  ses  ddveioppements;  il  tend  en  effet  a  ^tablir  que  la  veritable 
production  de  la  folie  doit  fitre  cherclide  dans  I’individu,  le  milieu 
ambiantet  la  pathologie.  La  conclusion  de  I’auteur  est  que  les  ma¬ 
ladies  de  I’esprit  sont  toujours  la  consequence  d’une  Idsion  organi- 
que,  et  que  celle-ci  n’est  pas  la  consequence  des  maladies  de  I’esprit. 

A.  Brierre  de  Boismont. 

BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

—  Quelques  considerations  sur  la  menstruation  dans  ses  rapports 
avec  la  folie,  par  M.  le  doctcur  Dauby,  interne  i  I’asile  de  Mare- 
ville,  thfese  de  Paris,  1866,  n"  27A. 

—  Du  Delirium  tremens,  de  son  traitement  par  la  digitale  i 
haute  dose,  par  M.  le  docleur  Binde,  these  de  Paris,  1806,  n»  295. 

—  Des  mutilations  chcz  les  aliends,  pour  .servir  5  I’histoire  des 
alterations  de  la  sensibilite  chez  ces  raalades,  par  M.  le  doctcur 
L.  Calais,  interne  &  la  Maison  de  Gharenton,  these  de  Paris,  1867, 
n“  27. 

—  Anatomic  patbologique  de.  la  paralysie  generale,  par  le  doc- 
teur  Ch,  Mangenot,  inierne  h  I’asile  de  Mareville,  these  de  Stras¬ 
bourg,  1867,  n”  1000. 

—  Report  of  the  Pensylvania  hospital  for  the  insane,  for  the 
year  1866^  par  le  P'  Th.  Kirkbride,  br.  in-8  de  68  pages. 

—  fitude  pratique  sur  I’bydrotherapie,  par  M.  le  docleur  Paul 
Delmas,  1867,  br.  in -8  de  lAO  pages. 


He  France. 


ASSEMBLE  GfeNfiRALE  ANNUELLE  DH  29  AVBIL  1867.  —  PR^SIDENCE 
DE  H.  BAILLARGER. 

La  stance  est  ouverie  a  deux  heures  viiigt  minutes, 

M.  leprisident  expose  que  le  conseil  d’ad ministration  vient  de 
icnir  stance  et  qu’jl  a  6td  saisi,  par  M.  Constans,  d’une  demande 
sur  laquelle  il  n’avait  pas  le  pouvoir  de  statuer  et  qu’ii  a  dii  ren- 
voyer  a  I’examen  de  I’assembl^e  gdndrale.  «  Un  jeune  mgdecin 
alifiniste,  dit-il,  est  mort  rficemment,  en  remplissant  une  haute 
mission  de  conlianee.  II  etait  marid  depuis  trds-peu  de  temps  et 
vient  de  laisser  sa  veuve  dans  une  situation  que  I’on  a  tout  lieu  de 
croire  prdcaire.  Ge  confrfere  n’dtail  pas  membre  de  I’association 
mutuelle  des  mddecins  alidnistes  de  France,  mais  M.  Constans 
affirme  qu’ii  avail  le  plus  grand  ddsir  d’en  faire  parlie,  etque, 
retenu  par  un  trfes-honorable  scrupule,  il  n'avait  pas  adressd  son 
adhdsion,  uniquement  parce  qu’ii  se  sentait  ddjii  malade.  M.  Con¬ 
stans  demande  qu’une  somme  de  trois  cents  francs  soil  immddiate- 
menl  envoyde  a  )a  veuve  du  jeune  et  mdritant  confrdre  qui  vient  de 
mourir.  » 

L’asseinblde  consultde  vote  a  I’unaniroitd  la  somme  demandde. 

M.  le  president.  Une  autre  demande  nous  a  dtd  adressde  par 
M.  Billod,  en  faveur  de  la  veuve  et  des  enfants  d’un  directeur- 
mddecin  d’asile,  ddcddd  longtemp?  avant  la  fondation  de  I’Associa- 
tion  mutuelle  des  mddecins  alidnistes  de  France.  En  I’absence  de 
renseignements  suffisamment  prdcis,  nous  allons  prier  M.  Billod  de 
nous  dclalrer  sur  la  situation  de  la  famiile  qu’ii  a  recommandde  it 
notre  sollicitude.  Mais  comme  le  conseil  d’administration  ne  peut 
pas,  &  lui  seul,  accorder  des  secours  aux  personnes  Mrangeres 
I’Association,  le  bureau  prie  I’assemblde  gdndrale  de  donner  pleins 
pouvoirs  au  conseil  et  de  lui  ouvrir,  en  cas  de  besoin,  un  crddlt  de 
300  francs. 

L’assemblde  est  consultde  et  adopte  cette  proposition. 

M.  Brierre  de  Boismont,  au  nom  de  M.  Constans  et  an  sien,  fait 
un  rapport  verbal  sdr  les  comptes  du  trdsorier,  et  il  propose,  aprds 
vdrificaiion,  que  I’assemblde  veuiile  bien  approuver  les  dcritures  de 
M.  Lunier. 

L’assemblde  est  consultde  et  approuve, 

M.  le  prisident.  La  parole  est  a  M.  le  secrdtaire  pour  le  rapport 
gdndral. 

M.  Legrand  du  Saulle.  Messieurs,  il  y  a  un  an,  je  terminals  mon 
rapport  gdndral  en  vous  faisant  entrevoir  la  ndcessild  de  rdviser 


524  ASSOCIATION  MtTUULLS 

quelques-unes  de  nos  dispositions  slalutaires,  el  je  vous  piiaisj  en 
viie  de  certnines  dventualit^s,  de  rcmettrc  aux  menibres  du  bureau 
voire  confiarice  et  vos  pleins  pouyoirs.  Nous  formions  alors  des 
voeux  ardenls,  et,  par  anticipation,  nous  caressions  one  cspdrance. 
Depuis  celte  dpoque,  nos  souhaits  out  requ  la  plus  entiere  satisfac¬ 
tion  et  noire  espoir  esl  devenu  une  rdalitd. 

La  Caisse  d’assistance  mutuelle  des  medecins  alUnistes,  due  a 
I’inilialive  de  M.  Baillarger,  et  que  nous  avons  lous  concourii 
a  fonder,  en  avril  1865,  est  sortie  hardiment  de  sa  spbiire 
dtroiie  et  Isolde,  et,  sous  la  ddnominatlon  iVAssooiation  mutuelle 
des  midecins  alienistes  de  France,  elle  a  requ  une  sanction  ofli- 
cielle  et  Idgale.  Elevdc  au  rang  des  dtablissementsd’ulilite  publique, 
par  ddcret  impdrial  en  dale  du  7  novembre  1866,  noire  oeuvre  con- 
fralernelle  a  pu  s’engager  dans  une  nouvellect  plus  large  voie,  tout 
en  gardant  ses  bases  premidres.  Aucune  alieinle  n’a  dtd  porlde  au 
caraclere  fondamental  de  I’institulion,  et  nous  avons  pu  conserver, 
dans  leur  plus  libre  dpanouissenient,  nos  aspirations  natives  de 
bienfaisance  inddpendante  et  spdciale.  Comme  par  le  passd,  vous 
allez  dlire  vos  mandataires  et  disiribuer  vos  deniers,  et  vous  ne 
larderez  pas  k  reconnalire  tout  le  prix  qu’il  taut  attacher  5  la  grande 
mesurc  administrative  qui  consacre  notre  existence,  protdge  nos 
nioyens  d’acllon  et  rend  noire  intervention  de  plus  en  plus  secou- 
rable  et  digne.  Le  ddcret  du  7  novembre  est  princlpalement  dd  5 
I’aclivitd  influenle  de  noire  zdld  irdsorier,  et,  pour  ma  part,  je  suis 
beureux  de  rendre  publiquement  horamage  au  concours  si  ddvoud 
que  nous  a  prStd  M.  Lunier,  dans  cetle  circonstance  difficile. 

Vous  avez  tons  dd  recevoir,  il  y  a  quelques  jours,  un  exemplaire 
de  nps  nouveaux  slaluts  et  du  rfeglement  d’administration  intdrieure. 
Veulllez  relire  ces  deux  documents  importants  :  le  premier  est  ddfi- 
nitif  et  immuable,  le  second  est  essenliellement  modifiable  et  per¬ 
fectible.  L’un  reprdsente  la  loi,  dans  tout  son  rigorisme  sommaire ; 
I’autre  commente,  iiiterprdte,  applique  et  complete  cette  loi.  Nos 
statuts,  c’est  notre  constiiutioii,  et,  en  face  d’une  constitution,  deux 
sentiments  seuls  sont  possibles  :  I’obdissance  et  le  respect. 

Depuis  la  dernifere  assemblde  gdndrale,  le  nombre  des  membres 
de  I’oeuvre  s’est  sensiblement  dlevd.  Vous  allez  en  juger  par  ces 
chlffres  comparatifs,  qui  ont  bien  leur  dloquence  : 

AvriHSfiC.  AvriH807. 

44  55 

16  34 

2  5 

62  94 


Membres  fondateurs. . 

—  societaircs. 

—  honoraires. 


DBS  MfiDECINS  ALIliNISTES  DE  FitANCE.  525 

Nous  complons  ddjS  parmi  nous  les  qiialre  cinquifemes  environ 
des  mddecins  ali^nistes  de  France.  J’espfere  que  ceux  de  nos  col- 
legues  qui  sont  encore  (itrangers  i  notre  association  se  rallieront 
bientdt  ii  nous  et  que  notre  corporation,  lors  de  notre  reunion  pro- 
ciiaine,  ne  fortnera  qu’un  seul  et  m6me  faisceau. 

Pourquoi,  en  effet,  la  famille  alWniste  ne  serait-elle  pas  d’ici  li 
au  grand  complet?  Sur  le  terrain  qui  nous  r^unit,  toutes  les  dissi- 
dences  s’dvanouissent :  une  pens^e  commune  nous  pr^occupe,  celle 
de  la  bienfaisance ;  un  seul  mobile  nous  anime,  celui  de  la  prd- 
voyance  solidaire,  en  cas  dMventualiids  mallieureuses  pour  I’un  de 
nous.  Non,  I’abstention  n’est  pas  possible,  et  plusjeriflfichis  aux  ser¬ 
vices  que  notre  caisse  confraterneile  cst  appel(;e  a  reudre,  et  plus  je 
reste  convaincu  que  I’unanlmitd  des  adhesions  va  nous  eire  acquise, 
Vous  parlerai-je  maintenant,  messieurs,  de  I’dtat  de  nos  finances? 
Sur  ce  point  encore,  je  n’ai  que  de  bonnes  paroles  a  vous  faire 
entendre. 

Depuis  le  premier  jour  de  la  fondalion  de  notre  oeuvre  jusqu’a 
aujourd’liui,  les  recettes  se  ddeomposent  ainsi  qu’il  suit  : 


Anneel865.  Ai 

ande  1860. 

Annde  1867. 

Cotisalions . 

InterOts  des  sommes 
placdes . 

2820 

100 

2880 

58  40 

155 

1375 

87  40 

2920 

2938  40 

1617  40 

Total  gendral. . . 

7475  80 

Nos  ddpenses  ont  6t6  les  suivantes  : 

Anneo  1865. 

Anneo  1860. 

Annde  1867. 

Frais  d’administration . , . . 

. .  .  53  10 

93  40 
650 

2  80 

Achat  dequinze  obligations  du 
chemin  de  fer  du  Midi. . .  n 

Achat  d’un  titre  de  50  francs 
de  rente  3  pour  100 .  » 

4568  20 

1170  70 

53  10 

5311  60 

1173  50 

Total  general . 

Si  nous  defalquons  maintenant  cette  somme  de  6,538  fr.  20  c.  du 
chiffre  total  de  nos  recettes  pendant  les  trois  exercices  de  1865, 
1866  et  1867,  leqtiel  est  de  7,d75  fr.  80  c.  nous  voyons  qu’il  reste 
aujourd’liui  en  caisse  une  somme  de  937  fr.  60  c.  Toutefois,  je  me 
MiiD.-psvcu.  4“  seric,  t.  ix.  Mai  1867.  10.  34 


626  ASSOCIATION  MOTUELtE 

hate  de  vous  faire  remarquei-  qne  les  recouvrements  de  1867  sonl  h 
peine  coramencds,  puiaqu’ils  ne  flgiirent  dans  le  tableau  r.i-dessus 
que  pour  165  francs,  alors  que,  d’aprfis  nos  provisions,  lls  doivent 
s’Olever  a  plus  de  3,000  francs.  Notre  situation  financifere,  vous  le 
voyez,  est  done  des  plus  prospferes. 

Nous  avons  capitalisO  une  somme  relatlvement  trfes-dlevOe,  car 
nous  n’avons  pas  encore  OtO  obligOs  de  venir  au  secours  d’lm  de 
nos  associOs  ou  de  la  famllle  d’un  de  nos  associOs.  Aux  duies 
Opreuves  d’autrefols  ont  succOdO  des  jours  mellleurs  pour  les  nOtres, 
mais  les  hasards  de  la  forture  sont  tenement  sondains,  que  votre 
consell  d’administration  n’a  voulu  prollter  de  cette  trOve  que  pour 
grossir  davantage  ses  ressoufees  possibles,  en  vuo  d'une  ou  de  plu- 
sieurs  calamitOs  professionnelles.  Par  un  Instinct  de  prOvoyance  que 
vousapprouverez  tons,  j’en  suis  sflr,  nous  a  vous  songO  h  In  disette, 
lorsque  nous  Otions  dans  I’alsance. 

J’ai,  messieurs,  6  vous  offrir  les  actions  de  graces  des  deux  veuves 
que  vous  avez  libOralemenl  assistOes,  Tan  dernier.  Vos  allocations 
ont  6t(5  reques  avec  ce  sentiment  exquis  de  cordiale  gratitude  dont 
le  malheur  seul  a  le  secret.  Est-ce  5  dire  que  votre  intervention  doive 
cesser  cette  annde?  be  conscil  ne  I’a  pas  pensd. 

Sansdoute,  aux  termes  de  nos  statuts,  nous  ne  devous  tajre  par- 
ticiper  a  I’assistance  que  ceux  qui  nous  ont  pr6td  leur  concours 
moral  et  materiel,  mais  ii  ne  s’agit  id  que  d’nn  secours  eventuel  6 
distribuer  a  deux  feptmes  respectables  qui,  it  dfifautde  soci^taires 
dans  le  besoin,  jouiront  en  1867,  si  vous  lepermettez,  des  bienfaits 
d’une  ceuvre  qui,  k  la  mort  de  leurs  maris,  n’existait  pas  encore. 
Quelque  touchante  que  soit  I’inforiupe  de  nos  deux  protdgles,  nous 
n’h^siterions  pas  it  leur  pr^fdrer  deinain  I’un  de  nos  socl^taires  ou 
la  famille  de  I’un  de  nos  socidtaires,  si  quelque  dvdnement  fScheux 
survenait  parmi  nous.  Nous  ne  vouions  done  engager  I’avenir  a 
aucun  titre,  et  nous  vous  demandons  seulement  de  vouloir  bien 
accorder  une  somme  de  160  francs  A  la  veuve  d’un  directeur  mdde- 
cin  d’asile  et  une  somme  de  600  francs  A  la  veuve  d’un  autre  md- 
decin  alidniste.  La  disproportion  de  ces  deux  allocations  .se  justifie 
par  I’indgalitd  des  positions  et  des  besoins.  Donnez,  messieurs,  votre 
sanction  au  voeu  que  j’ai  I’honneur  de  vous  exprimer  au  nom  du 
bureau  et  du  conseil  d’administration,  et  laissez-moi  vous  reniercier 
par  anticipation. 

Les  bonnes  actions  portent  toujours  avec  elles  leur  rdcompense. 
L’an  dernier,  le  trdsorier  de  la  Socidtd  mddicq-psycliologique  ren- 
dait  compte  de  sa  gestion  financidre  et  il  informait  ses  colldgues 
qu’une  recette  imprdvue  de  205  francs  allait  entrer  dans  sa  caisse. 


DES  MfiDECINS  ALlfiNISTES  DE  FRANCE.  527 

Quel  eruploi  (bllaitril  doiiner  li  ces  deniersqu’avait  lentement  atnasads 
une  discrete  prdvoyance  ?  II  fallait  en  faire  raliandon  sponlanA  at 
immddial  4  I’Association,  et  c’est  oe  qid  fill  decldd  4  runanimit^. 
Honneur  4  la  SocWtd  mddico-psychologique,  qiii,  pour  un  instant, 
a  sii  descendre  des  hauteurs  de  la  science  et  nous  donner  iiu  Idmoir 
giiage  d’esttme  ot  de  sympatliio.  ^  II  y  a  qnelques  mois,  enfiii,  la 
veuve  d’un  de  nos  premiers  el  de  nos  plus  dmlnents  associds  eut 
conuaissancG  des  services  que  nous  avions  ddj4  pu  feudre,  at 
aussltdt  elle  deinanda  4  s’inscrire  comma  menibre  honoraire.  Son 
nom  ne  nous  rappellera  pas  seuleraent  le  savant  confrfere  que  nous 
avons  perdu  Pan  dernier,  mais  il  prolongera  epcore  parrat  nous  le 
souvenir  d’une  femme  de  coeur. 

Depuls  notre  dornifere  entrevue,  I'un  de  nos  plus  oslimables 
cnlt4gues  nous  a  dtd  ravi.  Gasimir  Pinel,  doiil  le  concoiirs  gdndreux 
ct  empressd  nous  avail  did  acquis  dfes  )e  premier  jour  de  la  foptla' 
lion  de  notre  reuvre,  a  succombd,  le  6  ddcembre  1866,  4  la  spile 
de  la  trds-iongue  maladie  qui  Pavait  retenu  chez  lui  pendant  plu- 
sloursanndes.  D’une  indpuisable  bontd,  cei  aUdniste  distingud  a  fait 
beaucoup  dc  bien  partout  oi  il  a  passd,  et  il  scmblerait  ydritable- 
mentqu’il  se  fdt  dit  4  lui-mdme  que  Pon  n’emporte  la-ham  que  qq 
que  Pondonne  ici-bas.  Le  souvenir  de  Gasimir  Pinel  est  altachd  dd- 
sormais  4  notre  Association  par  un  lien  indissoluble,  car  notre  ho-- 
norable  colligue,  M.  Semolaigne,  par  un  ddlicat  hommage  4  la  ipd- 
moired’un  bomme  qui  lui  fut  bien  cher,  a  libdralenient  perpdtuc 
une  cotisation  au  nom  du  regrcltd  directeur  de  Pasfle  privd  de  Saint- 
James.  Le  don  de  M.  Semelaigne  a  dtd  de  la  valeur  de  1170  francs 
et  a  servi  4  Pachat  d'un  litre  de  60  francs  de  rente  3  pour  100,  Oe 
tels  fails  SB  rappovtent,  mais  ne  se  louent  pas.  Ne  sont-ils  pas,  en 
effet,  nu-dessps  de  Pdloge  ? 

Aux  termes  de  Particle  23  de  nos  staluts,  les  administrateurs  en 
exorcice  dolvent  dtre  soumis  aujourd’bui  4  Pdlection.  Vous  auroz 
done  4  ddposer  dans  Purne  une  liste  de  qiiinze  noms,  et,  4  la  mqjo- 
ritd  des  membres  prdsents,  vos  mandatalres  seront  Idgaleipent  con- 
flrrads  dans  K  s  pouvoirs  qu’ils  tiennent  de  vous. 

Nous  n’avons  eu  jusqu’d  prdsent  qu'une  mission  en  quelque  sorte 
provisoire,  mais  le  ddcret  du  7  novembre,  en  reconnalssant  officiel- 
lement  noire-  existence,  a  voulu  qiPun  vote  ddflnitif  validat  le  vote 
prdparaloire.  Le  reoouve|leraent  parliel  du  conseil  d’administralion 
aura  lieu  4  partir  de  Pannde  prochaine  et  le  tiers  des  membres  sor- 
tahts  sera  dqsignd  par  la  vole  du  sort. 

Aprfes  cet  exposd  de  la  siluatign  morale  et  financieie  dc  notre 
mutuelle  associaiion,  aprfes  cette  esquisse  si  consolanie  ct  si  sinefere. 


528  ASSOCIATION  MtITUELLE,  ETC. 

de  nos  aspirations  el  denos  actes,  comment  n’aurions-nous  pas  con- 
fiance  dans  I’avenir  d’une  institution  dont  les  ddbuts  ont  dtd  si  lieu- 
reuseraent  priviidgids  ?  GrSce  i  vous,  messieurs,  I’Associalion  va 
grandir  et  prosp^rer  encore  ;  grace  an  bon  vouloir  de  I’admiiiistra- 
tion  suparieure,  il  ne  serait  pas  impossibie  que  I’fiiat  nous  accordat 
bientbt  une  prime  subventionneile;  grace  enlin  a  I’adjonction  tri;s- 
probable  de  nos  confreres  retardaires,  nous  aurons,  d’ici  k  ti'6s-peu 
de  temps,  la  satisfaction  de  penser  que  nous  avons  pu  neutraliser 
les  coups  du  sort  et  assurer  une  assistance  promple,  secourable  et 
digne  aux  dasharilks  de  la  famille  alianiste  de  France. 

M.  le  president.  Que  ceux  qui  sont  d’avis  d’accorder  150  francs  k 
la  veuve  d’un  directeur  madecin  d’asile  et  600  francs  k  la  veuve  d’un 
autre  madecin  alianisle,  veulent  bien  lever  la  main.  —  (Adopte.) 

M.  le  president.  Je  propose  maintenant  de  voter  des  remerci- 
ments  k  M.  Semelaigne.  —  {Adopti.) 

M.  le  prisident.  M.  Billod,  dans  une  lettre  qu’il  nous  a  acritc, 
propose  que  chaque  asile  dapartemenlal  porle  k  son  budget  une 
certaine  somme  en  faveur  de  I’Assoclation,  et  il  amet  le  voeu  que 
chaque  directeur  d’asile  fasse  d’actives  damarches  auprks  du  prafet 
et  du  conseil  ganaral  pour  faire  voter  ce  cradit 

L’ldae  de  M.  Billod  est  excellenle,  et  alors  rnkme  que  nous  n’ob- 
tiendrions  pas  de  tous  les  asiles  une  somme  aussi  aievae  que  celle 
qui  est  proposae  pour  I’asile  de  Sainte-Gemmes  (300  francs),  nous 
pourrions  arriver  k  avoir  encore  des  revenus  bien  imposants!  La 
proposition  si  inganieuse  de  JVI.  Billod  poun  a,  d’ailleurs,  atre  facon- 
dae  par  MM.  les  inspecteurs  ganeraux,  dans  leurs  rapports  avec  les 
prafets  et  avec  le  minislkrede  I’intarieur,  et  noscollkgues,MM.  Con- 
stans,  Lunier  etRousselin,  sont  trks-bien  disposas  k  cet  agard. 

L’assembiae  approuve  le  projet  de  M.  Billod,  et  aprks  une  tres- 
courte  discussion  sur  les  voies  et  moyens  k  employer,  M.  le  prasi- 
dent  renvoie  Texamen  de  cetle  importante  question  k  une  commis¬ 
sion  composae  de  MM.  Baillarger,  Legrand  du  Saulle,  Lunier, 
Consians,  Rousselin,  Jules  Falret  el  Moreau  (de  Tours).  Cetle 
commission  se  raunira,  pour  la  premiere  fois,  le  3  mai. 

L’assembiae  prockde  ensuite  k  la  raaiection  des  quinze  membres 
du  conseil  d’administration. 

La  saance  est  levae  k  quatre  heures  moins  un  quart. 

Le  secretaire  de  I' Association. 

Legrand  du  Sadlle. 


VARIETES. 


NOMINATIONS. 

Viennent  (l’6tre  nommes  : 

—  Directeur-mfideoin  de  I’asile  puhlic  de  Saint-Alban  (Lozere),  M.  le 
docteur  Campan,  medecin  de  I’hospice  de  Thor  (Vaucluse). 

—  Medecin  en  chef  hors  cadres,  detache  en  mission  a  Morzinc,  M.  le 
docteur  Broc,  mddecin  en  chef  de  I’asile  do  Bailleul  (Word). 

—  Mddecin-adjoint  de  I’asile  de  Quatremares,  M.  le  docteur  Dufour, 
medecin-adjoint  de  I’asile  de  Dijon. 

—  Mddecin-adjoint  de  I’asile  de  Dijon,  M.  le  docteur  Petrucci,  ancien 
interne  de  I’asile  de  Tours, 

—  Directeur  de  I’asile  de  Cadillac,  en  remplacement  de  M.  Marquiset, 
decedd,  M.  le  docteur  Icard,  medecin  cantonal  dans  le  departement  de 
la  Gironde. 

—  Mddecin  de  I’asile  prive  de  Saint-Georges,  a  Bourg,  M.  le  docteur 
Bourgarel,  chirurgien  de  la  marine  en  retraite. 

—  Par  ddcret  iinpdrial,  en  date  du  23  fevrier  dernier,  M.  le  docteur 
Legrand  du  Saulle  a  dtd  nomme  officier  de  I’ordre  du  Medjidie,  de 
Turquie. 

—  M.  le  prefet  de  la  Seine  vient  de  constituer  une  seule  et  meme 
commission  de  surveillance  pour  les  asiles  d’alienes  de  Sainte-Anne, 
Ville-Evrard  et  Vaucluse.  Ont  dtd  nommes  memhres  de  cette  commis- 

MM.  Ferdinand  Barrel,  grand  referendaire  du  S6nat,  president ; 

Marchand,  president  du  contentieux  au  conseil  d’Etat ; 

Barbier,  conseiller  a  la  Cour  de  cassation ; 

David,  conseiller-maitre  a  la  Cour  des  comptes ; 

Legendre,  memhre  du  conseil  general  de  la  Seine. 

L’asile  Sainte-Anne  a  commence  a  recevoir  des  malades  a  partir  du 


—  Viennent  d’etre  admis  comme  memhres  de  Tissociad'OJi  des  mede- 
cins  aliinistes  a  litre  de : 

Honoraires  :  MM.  Follet,  chef  de  bureau  au  ministere  de  I’interieur,  et 
le  docteur  Mundy  (de  Moravie) ; 

Fondatears  :  MM.  les  docteurs  Bonnet,  Dagonet,  Pouzin,  Reignier  et 
Auguste  Voisin; 

Sociitaires  :  MM.  les  docteurs  Campan,  Joliet  et  Legruel. 


530 


vari&t£s. 


—  M.  le  docleur  Dagonet,  medecin  de  I’asile  Sainte-Anne,  vieiil  d’dlre 
elu  membre  titulaire  de  la  Sooidld  medlco-psychologique. 

—  M.  le  docteur  Kraft-Ebing,  medecin  assistant  de  I’asile  d’lHenau, 
a  ete  nomme  membre  associe  etranger  de  la  Sociele  mcdico-psycbolo- 
gique  dans  la  sdance  du  25  mars  dernier. 

—  M.  Haynaud,  agrege  en  exercice  prfes  la  Faculte  de  medecine  de 
Paris,  est  chargd  pendant  I’annde  scolaire  1866-18S7,  du  cours  com- 
plbmentaire  des  maladies  mentales  et  nerveuses,  en  remplacement  de 
M.  LasAgue,  nommd  professeur  titulaire  de  palhologie  et  de  thdrapeu- 
tique  gdndrales. 

FAITS  DIVERS. 

Agrandhsement  de  I'asile  de  Quimpef.  —  Le  Corps  legislatif,  dans  la 
seance  du  20  mars  1867,  a  adopU  la  lo!  dont  la  teneur  suit : 

«  Art.  1''.  Le  departement  du  Finistere  est  autoried,  conformement 
a  la  demande  que  le  conseil  general  en  a  faite  dans  sa  session  de  1866, 
a  ernprunter,  a  un  taux  d’interdt  qui  ne  pourra  depasser  5  pour  100, 
une  somme  de  70  000  francs,  qui  sera  appliqude  t\  I’agrandissement  de 
I'asile  ddpartemenlal  des  alienes. 

»  L’cmprunt  pourra  dtre  rdalise  soit  avec  publicite  et  concurrence, 
soit  par  voie  de  souscriptions,  soil  de  gre  a  gre,  avec  facultd  d’dVnettro 
des  obligations  au  porteur  cni  transmissibles  par  void  d’endoSsement,  soit 
directement  aupros  de  la  Caisse  des  depOls  et  consignations  Ou  de  la 
Socidtd  du  Credit  foncier  de  France. 

»  Si  I’emprunt  est  realise  auprds  du  Credit  foncier,  le  departement 
pourra  ajouter  a  I’intdrSt  ci-dessus  fixe  le  montant  d’un  droit  de  commis¬ 
sion  dans  les  limites  determindes  par  la  loi  du  6  juillet  1860. 

»  Les  conditions  des  souscriptions  a  ouvrir  ou  des  traites  it  passer  de 
grd  a  grd  seront  prealablement  soumises  a  I’approbation  du  minislre  de 
I’interieur. 

»  Art.  2.  II  sera  poufvu  au  fembbursement  et  au  service  des  intdrets 
de  I’emprunt  autorisd  par  I’article  cMessns,  au  moyen  de  prdlAve- 
ments  opdrds  suf  leS  ressuurces  speciales  de  I’asile,  ou,  au  besoin,  sur 
le  budget  departemental. 

Exposilion  univetseUe.  —  J^tabUssemenis  d'assistance  publics  ou 
prices.  —  Jugeant  avec  raison  qu’ilyaurait  un  grand  interet  a  reunir 
dans  une  collection  aussi  complete  que  possible  les  documents  relatifs  a 
I’organisation  de  nos  institutions  d’assistance  et  de  les  faire  flgurer  dans 
un  grand  concours  international,  M.  de  la  Valette,  ministre  de  I’inle- 
rieur,  par  une  circulaire  en  date  du  29  mars  1867,  a  prescrit  aux  prdfets 
I’envoi  :  1“  d’une  nomenclature  comprenant  tons  les  dtablissements  pu¬ 
blics  et  les  institutions  privdes  de  lenr  departement,  ayant  pour  objet 
I’assistance  ;  2“  a  I’dgard  des  etablissements  publics  d’une  reelle  impor¬ 
tance  ou  des  oeuvres  privdes  declarees  d’utilite  publique,  appartenant  k  la 
periode  ecoulee  depuis  le  I"’’  janvier  1852,  de  documents  spAciaux 
comprenant,  pour  cluique  muvre  ou  etablissement,  un  exemplaire  du 
rcglement  ou  des  statuts,  et,  s’il  s’agit  d’un  etablissemeiit  eonstruit 
depuis  quinzo  ans,  et  digne  d’etre  prAsentA  comme  modAle  4  I’attention 


VARlfiTfiS.  531 

des  dirangers,  des  plans  ou  des  photographies  donnant  un  aspect  gdneral 
de  la  maison. 

Nous  reviendrons  plus  lard  sur  cette  intdressante  exposition, 

Congrk  des  mddaeins  alidMsies.  — NoUs  croyons  devoir  rappelfcr  a 
nos  confreres  de  France  et  de  I’dlrafiger  que  la  Societd  irtddico-psycho- 
logique,  d  I'occasioil  de  I'ExpOsilion  Univdrselle,  se  rdunira  en  sdances 
ordinaires  de  quiftiaine  les  13  et  27  inai,  lO  et  24juin,  15  et  29  jullldt;' 
et  eh  session  extraordinaire,  Ids  10,  12  et  11  aoOt. 

Nous  renvoyons  d  la  page  286  du  numdro  de  mars  des  .Inna/esceuxde 
nos  confreres  qdi  voudront  connaltre  les  rdsoiutions  prises  k  ee  sujet  par 
la  Socidtd. 

—  M.  Balter  Brown  el  I’amputation  du  clitoris  devant  la  Socidtd 
ohstdtricale  de  Londtes.  Les  Annates  me'dico^pspchotoffiriues  ont  rendu 
compte,  dans  le  numdro  de  juillet  1866,  p.  151,  d’un  ouvrage  du 
cdldbre  chirutgien  anglais  Baker  brown,  dans  lequel  I'auteur  faisait 
connaitre  les  rdsullats  extraordittairement  favorables  qu’il .  prdtendalt 
avoir  obtenus  dans  le  traitement  de  certaines  ndvroses  graves,  la  folie, 
I’hystdrie,  I’dpilepsie,  etc.,  en  pratiquant  I’amputation  du  clitoris. 

Tout  en  reconnaissant  1‘importance  et  I’intdrdt  des  considdratiohs  phy- 
siologiques  sur  lesquelles  le  docteur  Baker  Brown  s’appuyait,  nous  avons 
signald,  sans  ddpasser  les  limites  d’une  critique  courtoiSe,  combien  son 
livre  nous  paraissait  defectueux  et  insuffisant  sous  le  rapport  de  la 
symptomatologie,  du  diagnostic  de  i’alTection  et  de  ses  causes,  de  la 
constatation  de  la  gu6risoii,  et  surtoUt  sous  celui  des  indications  d’uile 
operation  aussi  grave  moraleraent  et  physiquement.  Des  faits  regret- 
tables  a  tons  egards  n’ont  pas  tarde  a  prouver  combien  nos  rdserves 
dlaient  fonddes.  Nous  croyonS  devoir  en  donner  id  un  rapide  abrege, 
d’aprds  les  ddtails  publids  par  la  Gazelle  hebdomadaire  dans  les  numdros 
du  29  mars,  du  12  et  du  19  avril. 

Des  doutes  s’dtant  dlevds  sur  I’honorabilitd  professionnelle  de  M.  Baker 
Brown,  d  1‘occasion  de  sa  pfatiqUe  de  la  clitoridectomie,  le  cohseil  de  la 
Societd  obstetricalB  de  Londres,  dont  il  fait  partie,  dvoqua  la  question, 
et  crut  devoir  proposer  a  la  Socidtd,  spdcialement  convoqude  le  3  avril, 
TeXcluSion  de  ce  chirurgien,  Les  charges  portdes  centre  lui  se  rdsu- 
maient  ainsi :  «  La  clitoridectomie  aurait  dtd  pratiqude  par  lul,  sur  des 
femmes  mariees,  sans  que  leur  mari  dut  dtd  prdvenu,  et  sur  des  femmes 
marides  ou  des  filles,  sanS  qu’elles  fussdnt  avdrties  de  la  nature  de 
I’opdration.  On  signalait  un  fait  particulier  d’uhe  femme  de  Cinquante- 
trois  ans,  qui  ne  fut  avisde  de  I’opdration  qu’aprds  qUe  celle-di  eut  dtd 
pratiqude.  D’autre  part,  M.  Brown  aVait  amputd  le  Clitoris  sous  sa  res*- 
ponsabilitd  unique,  et  sans  consulter  le  mddecin  ordinaire  de  la  malade, 
qui  cependant  dtait  prdsent  a  Topdration,  conduite  en  desaccord  avec 
les  rdgles  qui  regissent  les  rapports  dBS  mddecins  se  rencontraht  en 
consultation.  Dn  troisierae  grief  dtait  d’avoir  cherche  a  dvlter  'de  soU- 
mettre  Topdration  au  jugement  du  cohseil  de  la  Socidtd  obstdtrlcale, 
Enlln  M.  Baker  Brown  dtait  accusd  de  manqUe  de  bonne  foi  dans  des 
questions  de  fait  et  de  ddtails ;  ce  que  prduverait  Une  leltte  adressde  par 
lui  aux  commissaires  de  Talidnation  mentale,  dans  laquelle  U  dtablit  que 


532 


VARIfiTfiS. 


la  maison  chirurgicale  {London  surgical  Borne)  dirigee  par  lui  n’adnaet- 
tait  pas  de  femmes  alteintes  d’alidnation  mentale.  Ce  fait  etait  rapproche 
de  la  publication  d’un  livre  sur  la  curability  de  certaines  formes  d’alie- 
nation  mentale  (Jnsanily).  D’un  autre  cdte,  il  etait  prouve  que  des  cas 
d’alienalion  etaient  traitds  dans  cette  maison.  n 

L’accusation  fut  soutenue  par  MM.  Haden  et  Barms.  M.  Baker  Brown 
•exposa  lui-mSme  sa  defense,  et  plusieurs  autres  membres  parlerent  aussi 
en  sa  faveur.  Neanmoins,  sur  235  membres  presents,  194  voterent  pour 
la  radiation  et  41  seulement  centre.  En  consequence,  M.  Baker  Brown 
a  yte  ddfinitivement  exclu.  Le  compte  rendu  complet  de  la  s4ance,  repro- 
duisant  les  discours,  a  etd  publid  dans  le  Medical  Times  and  Gazelle  du 
6  arril  1867.  A.  F. 

—  Dans  la  seance  du  20  mars  1867,  le  Sdnat,  sur  le  rapport  de 
.  M.  le  baron  Dupin,  a  decide  le  renvoi  a  MM.  les  ministres  des  finances, 
de  I’agriculture  et  du  commerce  et  de  I’intdrieur,  de  trois  petitions 
relatives  a  I’usage  abusif  et  ddletdre  de  I’absinthe. 

—  Epidemic  de  suicide.  —  On  ecrit  de  Saint-Petersbourg  : 

La  semaine  derniere,  la  ville  de  Saint-Pdtersbourg  a  dte  attristee  par 
une  serie  de  suicides  dont  on  n’a  pas  d’exemples.  Six  paysans  encore 
jeunes  se  sont  pendus  presque  simultanement  dans  les  divers  quartiers 
de  la  capitale;  plus  lard,  un  colonel  deja  age  et  deux  femmes  se  sont 
cgalement  pendus.  Quelques  jours  apres,  deux  hommes  se  sont  coupe  la 
gorge.  Cette  cspece  d’epidemie  ne  paraltpas  encore  etre  ardvde  a  sa  fin. 

{Monileur  du  28  avril.) 

LES  ali£n)£:s  en  liberty. 

Vn  drame  de  famille,  dcrit-on  d’Usseau  (Deux-Sevres),  vient  d’at- 
trister  le  village  d’Ussoliere.  One  femme  de  ce  village,  qui  depuis 
quelque  temps  donnait  des  signes  d’alienation  mentale,  appcla  au  milieu 
de  la  nuit  son  mari,  qui  couchait  dans  une  autre  ebambre  :  «  Viens  te 
coucher  aveo  moi,  lui  dit-elle,  je  ne  te  ferai  pas  de  mal.  »  A  cette  invi¬ 
tation,  il  etait  venii,  avait  allumc  line  lumiere  et  s’etait  assis  sur  une 
chaise  pres  de  la  cheminee.  Au  mcme  instant,  sa  femme  se  leva  et, 
s’avanfant  vers  lui,  elle  lui  cria  :  «  Tu  es  mort  !  » 

Le  pauvre  homme  se  crut  mort,  en  elfet,  pendant  un  instant.  11  venait 
de  recevoir  un  coup  de  pistolet  a  bout  portant  dans  la  figure.  Heureu- 
sement  que  I’arme  n’ytait  chargee  qu’a  poudre ;  il  en  fut  quitte  pour 
une  joue  brfllee.  Mais  il  se  liata  de  s’enfuir.  Il  revint  un  instant  apres, 
accompagne  de  son  beau-frdre,  et  fut  Irds-surpris  de  ne  pas  retrouver 
sa  femme  au  lit.  Tous  les  deux  se  mirent  a  sa  recherche.  11s  la  rencon- 
trerent  etendue  sans  oonnaissance  dans  le  grenier.  One  boutcille  d’eau- 
'i^-viej  qut  venait  d’dtre  videe,  etait  pres  d’elle.  La  malheureuse  I’avait 
btife  d’un  seul  trait.  On  la  transporta  sur  son  lit,  mais  les  soins  qu’on 
lui  donna  furent  inutiles ;  elle  succomba  en  quelques  minutes  a  une 
congestion  cerebrale  foudroyante.  {Monileur  du  24  mars  1867.) 

—  On  fait  assez  curieux  vient  de  se  passer  sur  le  chemin  de  fer,  non 


VARlfiTfis.  533 

loin  do  Waldshut,  entre  les  stations  de  Laufenburg  et  do  Albruck.  Un 
pore  accompagnait  son  fils  qui  dtait  fou  pour  le  mettre  dans  tine  raaison 
de  sante.  Ils  etaienl  dans  nn  coupe ;  le  fils  avait  la  camisole  de  force. 
Le  pere  etait  plus  fou  que  le  fils,  car  arrivd  a  la  hauteur  d’une  localitd 
qui  s’appelle  Albert,  il  jette  son  fils  hors  du  waggon;  puis,  plus  loin, 
a  Waldshut,  il  en  descend  lui-mdme  et  demande  si  son  fils  u’est  pas 
arrivd.  Tout  cela  etait  I’effet  d’une  aberration  religieuse  ;  le  fils  se  croyait 
la  saiiile  Trinitd  en  personne;  et  le  pere,  sous  I’impression  des  divaga¬ 
tions  de  son  fils,  en  etait  venu  a  croire  pendant  le  voyage  que  son  fils 
etait  possede  du  demon,  et  craignant  que  le  diable  ne  I’emportat  avec 
son  fils,  il  I’avait  sacrifid  sans  remords.  Heureusement  que  les  fous  ont 
la  vie  dure.  Le  fils  dtait  tombe  sans  se  faire  de  mal. 

(Petit  Moniteur  du  2A  avril  1867.) 

—  Un  fou  furieux.  —  Un  nombreux  rasserablement  s’est  forme  bier 
a  Rouen,  vers  les  huit  heures  du  matin,  devant  une  maison  du  quai  du 
Mont-Itiboudot,  ou  se  passait  une  scene  des  plus  emouvantes. 

Au  premier  dtage  de  la  maison  portant  le  n“  70,  on  voyait  un  preposd 
des  donanes,  le  nomme  Nicolas  Joss,  qui,  atteint  subitement  d’un  aoces 
de  delire  furieux,  menafait  d’une  carabine  quiconque  tenterait  de  p6ne- 
trer  dans  la  chambre  qu’il  habitait. 

Deja  il  avait  voulu  faire  un  mauvais  parti  a  sa  femme,  qui,  tieureu- 
sement,  avait  pu  s’enfuir ;  mais,  par  malheur,  il  restait  pres  de  ce 
forcend  trois  petites  filles  qui,  ne  sacliant  ce  qu’avait  leur  pere,  pous- 
saient  des  cris  de  Icrreur.  Un  moment,  on  craignait  qu’elles  ne  devinssent 
victimes  de  la  fureur  de  Joss.  Tenter  de  les  sauver  etait  perilleux ;  per¬ 
sonne  n’osait  avancer. 

Des  que  le  poste  de  police  de  la  prefecture  fut  avert!  de  cet  dvene- 
ment,  M.  Yon,  chef  des  sergents  de  ville,  accompagne  de  deuxdeses 
hommes,  se  rendit  aussitdt  au  Mont-Riboudet. 

A  ce  moment,  I’lnfortune  Joss,  depouille  de  tous  ses  vctements,  qu’il 
avait  lancds  au  dehors,  ainsi  que  tous  les  objels  qu’il  avait  trouves  a  sa 
portee,  brisait  avec  frenesie  tous  les  meubles  de  I’appartement. 

La  situation  etait  pdrilleuse,  car  ce  malheuroux,  toujours  arme  de  son 
fusil,  dcartait  tous  ceux  qui  cherchaient  a  se  rendre  maitres  de  lui. 

M.  Yon,  n'dcoutant  que  son  courage,  et  malgre  les  dilRcultes  qui  se 
presentaient,  parvint,  a  force  d’adresse  et  de  sang-froid,  a  pendtrer  dans 
I’intdrieur  de  la  maison.  A  ce  moment,  le  malheureux  fou,  le  voyant 
ouvrir  une  croisee,  langa  son  sabre  dans  la  vitre  qu’il  cassa.  Heureuse¬ 
ment  M.  Yon  avait  pu  dviter  le  coup  de  sabre,  qui  passa  entre  son  bras 
et  le  corps.  Un  peu  plus  et  nous  avions  un  malheur  ddplorablea  con- 

Enfm,  ayant  pu  pdndtrer  dans  I’appartement,  M.  Yon  se  jeta  sur  ce 
malheureux  qui,  dans  le  paroxysme  de  sa  fureur,  essayait  de  le  luepa^ 
Une  lulte  terrible  s’engagea,  et  sans  le  secours  de  MM.  Binet,  lieutenant 
de  douanes,  Lesourd,  ddbitant,  et  Delestre,  contre-maitre  de  chantier, 
sa  position  devenait  critique,  car  ce  malheureux,  doud  d’une  force  peu 
comnjune,  le  serrait  de  pres,  M.  Yon  ne  voulant  pas  agir  violemment 
avec  cet  infortund.  ’ 

Enlln,  on  se  rendit  bientdt  maitre  de  ce  pauvre  fou,  que  I’on  conduisit 


58ft  VARlfiTfiS. 

de  suite  au  poste  de  la  prefecture.  De  la*  il  fut  envoyd  a  I’asile  de  Quatre- 
mares,  ou  il  a  d^ja  etd  pensionnaire. 

En  eifet,  I’annde  dernidre,  on  doit  se  rappeler  qu'a  la  suite  d’une 
scdne  ddplorable,  ce  malheureux,  qui  subissait  deja  les  premieres  atteintes 
de  la  folie,  avail  dtd  conduit  a  I’asile  des  aliends,  ou  11  resta  qnelques 
semaines.  (Moniteur  du  27  avril.) 

—  tin  meurtre  horrible  a  did  commis  tnardi  dans  le  district  de  Lam¬ 
beth. 

Un  ouvrler,  nomtnd  Samuel  Belcher,  habltait  dans  une  rue  voisine  de 
Astley’s  Theatre,  avec  Sort  petit  enfant  et  sa  fhmme.  Cette  derniere, 
depuis  Son  accouchement,  qui  avait  eu  lieu  il  y  a  trots  ou  quatre  mois, 
avait  dte  sans  cesse  souffrante,  et  son  mart  avail  eu  plusieurs  fois  des 
craintes  touohant  Vdtat  mental  de  sa  femme  ;  aussi  veillait-on  sur  clle 
avec  la  plus  grande  sollicltude. 

Un  mieux  sensible  s'elait  cependant  declard,  et  I’on  espdrait  que  la 
pauvre  femme  reviendrait  vite  a  la  santd  ;  mais,  avant-hler  soir,  lorsque 
Belcher  revint  chez  lui,  aprds  avoir  termine  son  travail,  il  recula  dpou- 
vantd  devant  les  corps  de  sa  femme  et  de  son  enfant  gisant  tons  deux 
dans  urie  mare  de  sang,  et  la  gorge  affreusement  coupde. 

Lorsque  les  mddecins  furent  appeles,  ils  trouverenl  que  I’enfant  avait 
cessd  d’exister  depuis  plus  d’une  heure,  tandis  que  la  mere  respirait 
encore.  Des  soins  immddiats  lui  furent  prodiguds,  mais  il  ne  reste  aucun 
espoir  de  la  sauver. 

C’est  au  moins  le  quatridme  ou  cinquidme  fait  de  ce  genre  que  noUs 
avons  d  enregtstrer  depuis  quelqiie  temps. 

{Moniteur  du  6  mai  1867.) 


Les  dirauteurs-gsrants , 
BAlLLAUGEft 


et  Cei 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  LE  NEUVifiME  VOLUME 

DE  LA  QUATRIBME  SERIE 


PREMIERE  PARTIE. 

lUEUOlRES  ORIGINAUX  OG  TRADUITS 

1.  Pathatogie. 


Les  cretins  el  les  cagots  des  PyrSn^es,  par  M.  Auzouy.  ...  1 

Des  relations  qui  existent  enlre  les  maladies  meniales  el  les 
aiiti'es  allecllons  ilu  syslfeme  nerveux*  par  M.  Gtiesinger.  .  19& 
Dll  poids  dll  corps  chi’z  lesalienes,  par  Mil/.  /jom6roso  el 
A.  Laurent.  ...  i  .  ...........  i  .  ,  217 

Des  liains  generaiix  sinapises  dans  le  trallement  de  la  rolie, 
par  M.  A.  Lmrent . .  381 

II.  MSdecine  legale. 

Rapport  sur  I'dtat  mental  de  Viciorine  Crosnier,  femtaic  Lc- 
grand,  inciilp^e  d'incendle  volonlaire,  par  MM.  Bonnet  et 

J.  Bulard . .  . . .  32" 

Des  expertises  mddico-legales  eu  matifere  d’alidnation  men- 

tale,  par  MM.  Mittermaier  et  Dagonet .  225 

Note  ni4dico-legale  i'l  I’occasion  dii  testament  d’un  suicide,  par 

M.  Legrand  du  Saulle . 262 

Demandes  en  interdiction,  par  M.  Laffitte.  ■ —  1“  Lypemanic 
avee  halliiciiialions  et  tendance  a  la  ddmence;  rapport  sur 

petal  menial  de  Jeanne  M .  il2 

2»  Ddmence  alcoolique.  —  Rapport  sur  I’etat  mental  de 

Pierre  M .  /il6 

I’.apporl  sur  Petal  mental  (lyperaanie  avec  hallucinations)  du 
nommd  Franqois-Joseph  Pisser ,  inciilpd  d’assassinat  et  de 

tentative  do  meurue;  par  M.  Dagonet . *.  .  .  423 

Nole  mddlco-iegale  a  Poccasion  d’une  donation  enlre-vifs  5  la 
pdriode  ultimo  d,’uae  fievre  lyphoide  ataxique,  par  M.  Le¬ 


grand  du  Saulle . . . .  439 


536 


TABLE  DES  MATifeRES. 


111.  tltahUssements  tVatien€s. 


L’asile  d’ali^nds  de  Naugeat,  par  M-  Fougeres .  246 

L’asile  d’alifinds  de  Pr^montrd,  par  M.  Dagron .  444 

De  I’Abendberg  et  de  Guggenbtihl ,  son  fondateur ,  par 
M-  Auzouy .  450 


DEUXIEME  PARTIE 

11  E  V  U  E  F  U  .V  N  C  V  I  S  E  E  T  E  T  H  A  N  G  E  U  E 

1.  Societ^s  s€Mvnntes. 

Societe  medico-psychologique. 

Seance  du  SO  juillet  1866.  —  Discussion  sur  la  folie  raison- 
nante  :  MM.  Delasiauve,  Morel,  Brierre  de  Boisraont  et 

Moreau .  34 

Seance  du  29  octobre  1866.  —  Rapport  sur  la  situation 
financibre  de  la  Society,  par  M.  Legranddu  Saulle.  —  Rap¬ 
port  de  M.  Motet  sur  la  candidature  de  M.  Berlhier.—  Dis¬ 
cussion  sur  la  Me  raisonnante  :  MM.  Falret,  Alf.  Maury, 
Brierre  de  Boismont,  Lunier,  Legrand  du  Saulle,  Pouzin, 

A.  Foville,  Girard  de  Cailleux  et  Delasiauve .  67 

Siance  du  12  novembre  1866.  —  Responsabilitd  des  alidnds, 
par  M.  Miltermaier.  —  Discussion  sur  la  folie  raisonnante  : 

M.  Berlhier.  —  Question  niddico-ldgale  relative  4  I’apo- 
plcxie  :  MM.  Legrand  du  Saulle,  J.  Falret,  Girard  de  Cail¬ 
leux,  Brierre  de  Boismont,  A.  Foville,  Rousselin,  F.  Voisin, 

Mesnet  et  Brochin .  89 

Seance  du  26  novembre  1866.  —  Congrbs  des  mddecins  alid- 
nistes  :  M.  Lunier.  —  Prix  Aubanel.  —  Question  mddico- 
Idgale  relative  h  I’apoplexie  :  MM.  A.  Foville,  Bourdin, 
Belloc,  Brierre  de  Boismont,  Lunier,  Rousselin,  Legrand 

du  Saulle  et  Pouzin .  101 

Seance  du  10  dicembre  1866.  —  Discussion  sur  la  folie  rai¬ 
sonnante  :  MM.  Trdlat,  Ott,  Lunier.  —  Question  mddico- 
legale  relative  4  I’ivressc  :  MM.  Delasiauve,  Baillarger,  Lu¬ 
nier,  Legrand  du  Saulle,  Pouzin,  Brierre  de  Boismont, 

Trdlal,  Linas .  274 

Seance  du  26  decembre  1866.—  Rapport  de  M.  Lunier  sur  la 
candidature  de  M.  Fougbres. —  Renouvellement  du  bureau. 


TABLE  DES  MATlfettES.  SS'J 

Bapport  de  M.  A.  Foville  siir  le  projet  de  congrfes  des 
mddecins  ali«nistes.  —  Folie  raisonnanie  :  M.  Morel.  ...  284 
SAanoe  du  28  janvier  1867.  —  Installation  du  bureau. — 
Allocution  de  M.  Voisin.  —  Prix  Aubanel.  —  Communica¬ 
tion  de  M.  l'’oville  sur  ia  mSningo-enc^phaliie  diffuse  du 
cheval.  —  Un  cas  de  folie  lucide,  par  M.  Bonnefous.  .  .  .  Zi65 
SAance  du  25  fevrier  1867.  —  Revision  des  staluts  de  la 
Society.  —  Bapport  de  M.  J.  Falret  sur  le  prix  Andrd. 

Congrfes  ali^niste . 


AGADEMIE  IMPfiRIALE  DE  MfiDEGINE. 

Par  M.  le  docteur  Motet. 


Discussion  sur  I’aphasie . .  .  295 

Altdralions  produites  par  les  boissons  alcooliques .  300 


REVUE  AJNTTHROPOLOGIQUE. 
Par  M.  le  docteur  Achille  Foville. 


Effet  des  croisements  sur  le  ddveloppement  des  races  liu- 

maines . . . .  Ill 

Ethnologie  de  la  Prance . 112 

Races  pures  et  races  croisdes.  .  . .  115 

Du  dcgrd  variable  de  perfectibilitd  des  diffdrentes  races  hu- 

maines . 119.. 

Des  manages  consanguins .  125 


11.  Revue  Ues  journauac  Re  tn^tlecine. 
JOURNAUX  PRAJSrCAIS 
Analyses  par  MM.  les  docteurs  Berger  et  Motet. 


Du  bromure  de  potassium  dans  le  truitement  de  I’dpiiepsie.  .  131 
Destruction  coinplfeie  des  deux  lobes  antdrieurs  du  cerveau, 

sans  aphasie . 132 

De  la  folie  hystdrique  et  de  quelques  phdnomenes  nerveux 
propres  5  I’hystdric,  5  I’hystdro-dpilepsie  et  5  I’dpilepsie.  .  133 

Etiologie  de  la  pellagre . 302 

Cas  bizarre  d’hystdricisme . 303 

Du  secret  dans  les  cas  d’alidnation .  304 

De  rophlhalmoscopie  dans  la  mdninglte . 305 

Fait  d’impressionnabilitd  nerveuse .  30t5 

Du  symptOme  ataxie  locoraotrice  progressive . 306 


338  TABfcP  PPS  MATlfcRES. 


Accidents  pi’oduUs  pap  I’aqcfes  dpileptiqiie, . . .  807 

Diagnostic  des  rogladies  de  la  inoelle, . . . .  807 

Maladie  bfonzde  dans  la  paralysie  g^n^rale. .  308 

De  I’aphasie . . . 308 

Paralyaies  avee  surchavge  graisseqse  interslilialle .  809 

Dipsomanie  et  delirium  tremens . . . . . . . .  310 

Physiologic  et  patliologie  du  cervelet. . . . . . .  310 

Commotion  cdr^brale . . 311 

De  I’aphasie  dans  |’h6morrhagie  et  le  rampUissemenl  du  cer- 

veau .  311 

Choree  gii^rie  par  le  bromure  dc  potassiiim . . . . .  . .  312 

H6mipi6gie  de  cause  dyspeptique .  312 

Delirium  tremens  gu^ri  par  la  digitale .  313 

tclampsie  avep  d^lii  e  gu^rie  par  I’oplum .  313 

Delirium  tremene  non  gu^t'i  par  |a  digitale .  314 

Du  nitrate  d’argenl  dans  ia  paralysie  g^n^rale  progressive. .  314 

Localisation  du  sens  de  la  parole .  314 

De  I’arsenic  dans  la  choree,  . . .  . .  316 

AnidnorrhSe  par  causes  psychiques .  316 

Alcoolisme . . . . . . .  316 

Des  dtfcfes  chez  les  alidnAs .  318 

Amndsie  de  rderiture  avee  conservation  de  la  parole .  318 

Paralysie  rhumatismale  gudrie  par  le  phospliore .  319 

De  I'ivresse .  319 

fillologie  du  goitre . . . . . , . .  320 

De  I’extinction  de  la  pellagre .  492 

Observation  d’aphasie . , . . . .  493 

Bamolllssement  cdrdbral .  49,5 

Parapldgie  ndvromatiqiie  . . . . . .  . . .  495 

Scldrose  en  plaque  de  la  moelle  dpipifere. 496 

iclaropsie  puerpdrale ;  perte  de  mdmoire .  497 

Bur  le  surnaturel  spirltualiste . 498 

Ddlire  des  aetes  et  folle  ralsonnante .  499 

Bur  la  phrdnologie . .  BOO 

Pellagre  et  pseudo-pel  lagres .  501 

JOURNAUX  ALLEMAJIDS 
Par  MM.  les  docteurs  Kuhn  et  Ehtzbischoff, 

Quel.s  sont  les  avantages  du  systdme  de  Gheel  pour  le  trolle- 

ment  des  alidnds? .  162 

Soustraction  de  calorique  comme  moyen  de  traltement  dans 
la  melancholia  agitans .  166 


TABLE  DliS  MATXfiRES. 


Du  trouble  mental  cause  par  le  d^veloppement  d'dchinocoques 

dans  le  cerveau . .  155 

Traitement  de  la  mfilancolie  par  Topium .  157 

Instrument  servant  1  dilKrencier  la  dilatation  des  pupilles. . .  167 

Substance  grise  de  nouvelie  formation  dans  les  ventricules  la- 

t^raux ;  anomalie  de  structure  des  mdninges .  158 

Des  bains  froids  chez  les  alidnds .  160 

Hdrdditii  dans  la  folie .  160 

Pathologle  et  thdrapeutlque  des  maladies  mentales,  bashes 

sur  la  pliysiologie . . . . . . .  322 

Sur  le  traitement  de  I’dpilepsle .  325 

Lyp^manie  aigu6  et  manle  algufi . .  826 

Alienation  mentale  chez  les  enfants . . .  326' 

Influence  de  la  lumifere  sur  les  aliends .  332 

Des  injections  sous-cutandes  chez  les  alidnes .  333 

Des  alterations  des  fonctlons  psychiques  au  point  de  vue  juri” 

dique .  325 

Mdlancolie  cataleptlque. . . 326 

JOURNAUX  ANGLAIS 
Par  M.  le  docteur  Ddmeshil. 

Pesanteur  specinqiie  des  diyerses  parties  du  cerveau .  504 

Impulsiop  morbide  et  perversion  des  instincts. . .  605 

De  la  digitale  dans  la  manie . . . . . . . . .  600 

Maladies  dn  systfeme  nerveux . . .  513 

Iiemipldgie  et  aphasie . 514 

Dn  bromure  de  potassium  dans  I’epilepsie  et  certalnes  affec¬ 
tions  psychiques. , . 516 

De  Paction  du  bromure  de  pota.ssiuiii  sur  le  systfeme  qerveux .  516 

De  rbomiclde  dans  la  folie . . 616 

III.  BiWiogvij^phie. 

De  la  peljagre  et  des  pseudo-pellagres,  par  ie  docteur  Th. 

Roussel  (analyse  par  M.  Motet) .  161 

L’aliene  devant  lui-m6me,  [’appreciation  Idgale,  etc.,  par  le 

docteur  H.  Bonnet  (analyse  par  M.  de  Lamagstre) .  170 

fitude  sur  le  ramolllssement  du  cerveau,  par  le  docteur  Du- 

four  (analyse  par  M.  de  Lamaestre) .  337 

Du  sommeil  et  des  etats  analogues,  par  le  docteur  Liebeault 
(analyse  par  M.  Ach.  Fovllle) . . . .  339 


540 


TABLE  DES  MAtitRBs. 

De  la  mMecine  morale  dans  le  tfaitement  des  maladies  iici'- 
veuses,  par  M.  Isid.  Padjoleau  (analyse  par  M.  Brierre  dc 

Boismont ) .  . .  519 

Rapport  mddical  sur  le  service  de  la  section  des  hommes  de 
I’asile  de  Maryville,  par  le  docteur  H.  Bonnet  (analyse  par 

M.  Brierre  de  Boismont)' . .  520 

Bulletins  bibliograpbiques . ^ .  180,  342  et  522 

I'V.  Assaciation  tatutuette  deg  medecing 
nti^nigteg. 

Ddcret  par  lequel  I’ceuvre  est  reconnue  diablissement  d’utilitd 
piiblique.  —  Statuts.  —  Bureau  et  conseil  d’administration 

pour  1867 . ■ . . . 

Rfeglement  d’administration  intfirieure.  — •  Admissions  pro- 
noncfies.  —  Dons.  —  Liste  gfin^rale  des  mcmbres  de 

I’oeuvre . 

Assemblde  giin^rale.  —  Rapport  annuel  du  secrdtaire.  —  Se- 
cours  accordds.  —  Proposition  de  M.  Billed.  —  Admissions 
prononedes . . . 

V.  Vat'iet^s. 

Lisle  des  membres  de  la  Socidtd  mddico-psychologlque.  — 

Prix  de  I’Acaddmie  impdriale'  de  mddecine.  —  Nominations. 

, —  Ndcroiogie  :  Pinel,  Rostan,  Damerow.  —  Asiles  de  la 

Seine. —  Fails  divers .  181 

Correspondance.  —  Rectifications .  349 

De  I’organisation  du  service  des  alidnds  b  Paris .  356 

Nominations.  —  L’asile  Sainte-Anne.  —  Ndcroiogie  :  Kuhn, 
Vdron,  Sutherland.  —  Service  des  alidnds,  loi  du  18  juiliet 
1866.  —  Ddteuus  alidnds.  —  Prix  de  I’Acaddmie  et  de  la 
Socidtd  mddico-psychologique. —  Prix  Esquirol.  —  Attaque 
dirigde  centre  un  mddecin  par  un  alidnd.  —  Fails  divers.  — 

Les  alidnds  en  libertd . .•••,••, .  369 

Nominations.  —  Circulaire.  —  Emprunt  contraetd  par  I’asile 


183 

344 

523